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Category: Culture
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La recette de vacances réussies : un polar par semaine (4)
Power Play de Joseph Finder
Jack Landry est un jeune technicien, cadre subalterne d’une multinationale de l’aéronautique, l’Eurospatiale. Une défaillance de son supérieur hiérarchique va l’amener à le remplacer à l’occasion d’un séminaire auquel participent les grosses huiles de la boîte. La description de ce brain trust dont tous les membres, plus arrivistes et opportunistes les uns que les autres, se bouffent le nez est franchement hilarante.
Par Georges Rivière
Comme on s’en doute, le séminaire ne va pas se dérouler comme prévu. Il est d’abord perturbé par un accident : un prototype vient de s’écraser, peut-être par suite d’un sabotage, peut-être tout simplement parce que la maison a voulu économiser sur les matériaux. Puis le bruit court que certains de ces dirigeants détournent des fonds pour acheter des fonctionnaires d’État et Jack Landry se voit confier la tâche de les démasquer par la nouvelle PDG. Enfin, des intrus armés débarquent au milieu des réjouissances et les réactions des patrons placés dans ces circonstances imprévues ne manquent pas de saveur.
L’auteur s’attarde peu sur les questions sociales mais rappelle que les salariés sont « jetables » pour ces gens qui n’ont à la bouche que « rentabilité », « management » et « plan de carrière ». Le roman est de la catégorie des « business thriller ». Suspens rythmé, du genre d’un bon scénario de film noir, série B. Mais il vaut surtout par le regard lucide que le jeune héros et narrateur pose sur ce beau linge. Des séquences franchement réjouissantes.
Power Play de Joseph Finder, Albin Michel, 446 p. 21,50 €
Cet article est initialement paru dans la revue française Convergences révolutionnaires
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La recette de vacances réussies : un polar par semaine (3)
Si le cœur bat encore de Aino Trosell
Alors qu’une vague d’attentats néonazis secoue la Suède, Siv Dahlin, aide-soignante, trouve refuge dans la maison de sa tante, récemment décédée. Isolée dans ce village de campagne, elle espère ainsi pouvoir oublier ce décès brutal ainsi que la trahison de son mari dont elle vient de découvrir l’infidélité.
par Jean Peltier
Siv cherchait la quiétude ; elle va être rapidement déstabilisée. Très vite, ses voisins révèlent les dessous inquiétants de leur personnalité : tous semblent traîner un passé trouble et d’obscurs souvenirs de guerre. Et Siv imagine peu à peu que sa tante a peut-être fouillé sans le vouloir là où il ne fallait pas…
De la chaleur étouffeur du Mexique la semaine dernière au froid glacial de l’hiver suédois, le contraste pourrait difficilement être plus marqué. Mais, ici comme là-bas, sous la surface des apparences se cachent bien d’autres choses. La Suède, pays à la neutralité reconnue depuis longtemps, n’a pas connu l’invasion et l’occupation allemande pendant la guerre. Ce qui n’a pas empêché les nazis locaux de préparer avec ferveur l’intégration future de leur pays dans le grand Reich aryen. Et la Suède, modèle d’Etat-providence social-démocrate, est aussi le pays d’Europe où s’agitent les néonazis les plus déclarés et les plus violents…
Si le cœur bat encore, de Aino Trosell , Pocket policier n°13376, environ 7 EUR
- Que lire pendant les vacances?
- Série: “Un polar par semaine”: “Soleil Noir”
- Série: “Un polar par semaine”: “La frontière “
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La recette de vacances réussies : un polar par semaine (2)
La frontière de Patrick Bard
A Ciudad Juarez, les grandes firmes mondiales profitent d’une main d’œuvre docile et bon marché pour faire pousser leur filiales comme des champignons. Et avec elles, la misère, la prostitution, la violence et même la mort.
Par Jean Peltier
Des cadavres de jeunes ouvrières ont été trouvés aux abords de la ville, épouvantablement mutilés, éviscérés, décapités. Est-ce l’œuvre d’un psychopathe? La machination d’une secte satanique? Ou un règlement de compte entre narcotrafiquants?
Envoyé par son journal pour une enquête de quelques jours, Toni Zambudio, en débarquant dans la ville ou même le diable aurait peur de vivre, ignore qu’il vient de tirer le fil d’un écheveau sanglant qui le conduira sur la piste d’un ennemi plus terrifiant encore et dont le pouvoir est à la mesure de ce qui se joue du côté mexicain de la frontera..
«La frontière» est un roman, mais ce qui est le plus terrible, c’est qu’il suit la réalité de près. Ciudad Juarez existe bel et bien, la violence qui est décrite aussi. Et, de même, les conditions de travail des ouvrières de la frontières, aussi incroyables puissent-elles paraître à nos yeux européens, correspondent strictement à la réalité. Quant aux meurtres, selon Amnesty International, 370 cadavres de femmes, dont beaucoup ont été violées et mutilées, ont été trouvés entre 1993 et 2005 et plus de 400 femmes sont considérées comme disparues. Certains responsables de ces meurtres ont été identifiés et arrêtés, mais les assassinats ont continué et l’ensemble de l’affaire n’a jamais été élucidé. Ce qui fait que ce polar haletant est en même temps un reportage effrayant sur une des faces cachées du capitalisme multinational.
La frontière, de Patrick Bard, Seuil Point policier n°1102, environ 7 EUR
- Que lire pendant les vacances?
- Série: "Un polar par semaine": "Soleil Noir"
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La recette de vacances réussies : un polar par semaine!
Avec l’été revient le temps des vacances et des longues heures à se prélasser sur son transat dans le jardin. Ou dans le fauteuil du salon. L’essentiel est que le soleil soit là et qu’on n’entende plus les cris des voisins. Voilà donc l’occasion de lire de manière un peu plus détendue que d’habitude. Non seulement les excellentes brochures du PSL présentées récemment sur ce site (voir Que lire pendant les vacances?), mais aussi des bouquins de détente.
Par Jean Peltier
C’est pour vous aider à passer quelques heures de détente de manière relaxante, intelligente… et politique que chaque lundi, nous vous présenterons ainsi un polar qui nous semble sortir de l’ordinaire. Car le polar, c’est bien autre chose que les recherches survoltées d’Experts américains sur les traces de serial killers improbables ou les enquêtes « vieux style » de tante Agatha où tout ce qui importe c’est de savoir comment le colonel Moutarde a pu être assassiné dans une chambre fermée de l’intérieur.
Le polar aujourd’hui, c’est aussi un coup de projecteur sur la société et ses contradictions, les magouilles des gens au pouvoir, la manière dont la décomposition de l’Etat-providence engendre la montée de l’individualisme et de la violence, les à-côtés des luttes d’influence entre grandes puissances aux quatre coins du monde,… Avec, quand même, souvent, une solide dose d’humour, noir ou pas.
Alors aujourd’hui on commence par
Soleil noir de Patrick Pécherot
Dans une ville sinistrée par la crise, quatre hommes préparent l’attaque d’un fourgon blindé. Il y a Simon, truand sur le retour qui a tout planifié. Brandon, le rappeur qui rêve d’en mettre plein la vue dans la cité. Zampo, l’artisan lessivé par le fisc, acculé à la ruine qui rumine sa vengeance. Et surtout Félix, chômeur à la cinquantaine qui courbe le dos sous sous le poids de tous les désespoirs accumulés.
Félix a hérité d’un oncle perdu de vue depuis longtemps une maison dans ce coin perdu. Le ravalage de la maison est la couverture que se donne le quatuor pour préparer son coup. Mais la poisse les poursuit. Les convoyeurs se mettent en grève, il faut attendre jour après jour que la situation se débloque et que les fourgons reprennent la route. Pour tuer le temps, Félix remonte le temps à la recherche de son oncle. Il va y croiser l’amour de jeunesse de celui-ci, une mystérieuse disparition et le sort tragique des immigrants polonais expulsés de France dans les années ’30.
Soleil noir, de Patrick Pécherot, Folio policier n°553, environ 7 EUR
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“Agitate, educate, organize!”
Avant première de Looking for Eric en présence de Ken Loach
Ce lundi, à Liège, Looking for Eric, le dernier film de Ken Loach, était projeté au Cinéma Sauvenière. Au-delà du film, la discussion qui a suivi a été très intéressante : il n’a pas fallu longtemps avant que Ken Loach mette en avant l’importance de la lutte politique. A cet effet, il a repris un slogan du vieux syndicat américain IWW: “Agitate, educate, organize!”, en précisant encore que le plus important pour lui était de s’organiser. En aparté, il a aussi salué la victoire de notre camarade irlandais Joe Higgins au scrutin européen.
Beaucoup auront pu être surpris en découvrant le sujet de Looking for Eric. Après des films comme Le Vent se lève, Land and Freedom ou encore The navigators, un sujet autour du football et des relations entre Eric Cantona et ses fans, il est vrai, c’est inattendu. Et pourtant, encore une fois, c’est de social qu’il s’agit. Ken Loach l’explique ainsi : “C’est un film contre l’individualisme : on est plus fort en groupe que seul. Certains éprouveront peut-être une certaine condescendance envers cette idée, mais ce film parle de la solidarité entre amis, en prenant pour exemple un groupe de supporters de foot. Il est aussi question de l’endroit où vous travaillez et de vos collègues.”
Derrière l’histoire de ce postier de Manchester, Eric Bishop (joué par Steve Evets, tout simplement brillant), on retrouve les conflits de classes et une société marquée par des années de politique néolibérale. Looking for Eric est une comédie sociale, où les rires francs se joignent à la colère contre le système: des jeunes dont les perspectives d’avenir bloquées ouvrent la voie à la criminalité, une police musclée, des travailleurs exclus de leur sport favori faute de moyens pour assister aux matchs,…
Et le foot? “Pendant quelques heures, on oublie ses problèmes avec une victoire” affirme Eric Bishop. Mais pour les résoudre, pour sorir de l’impasse dans laquelle se trouve sa famille, la force collective (de façon très originale…) démontre toute sa puissance…
Après la projection, le réalisateur Ken Loach a répondu à quelques questions, et très vite est arrivé le thème de la politique et de la nécessité de s’engager. A l’inverse de beaucoup d’artistes qui estiment que l’art doit être séparé de la politque, Ken Loach envisage son travail comme partie intégrante de la lutte politique en faveur des travailleurs. Il avait ainsi appelé à voter pour Olivier Besancenot et le NPA en France et pour notre liste commune LCR-PSL ici, en Belgique.
Nous avons eu l’occasion de lui parler directement, et après lui avoir précisé à qui nous étions lié en Angleterre, le Socialist Party, Ken Loach a directement salué la victoire de notre camarade irlandais Joe Higgins, nouvel élu européen: “Joe Higgins won, that’s great!”. Cela nous a bien entendu fort touché, de même que sa dédicace fraternelle sur l’un des rares numéros restant de l’édition de l’Alternative Socialiste qui a été utilisée dans la campagne électorale. Nous avions fait une vente juste avant les séances sur le thème: “Les élections sont finies, la lutte continue”, cette rencontre n’a pu que nous encourager dans cette voie.
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Histoire du mouvement LGBT – Les émeutes de Stonewall – 1969
Pour fêter les 40 ans des évènements de Stonewall, autrement dit la naissance d’un mouvement gay international, le PSL publie un article de Lionel Wright paru originellement dans le magazine de notre organisation-sœur en Angleterre, Socialism Today. Partant des émeutes de Stonewall, cet article nous livre un portrait d’une brulante actualité sur la lutte des LGBT’s, de 1969 à nos jours.
Dossier par Lionel Wright
Un événement somme toute assez banal s’est déroulé il y a 40 ans, plus exactement le 27 juin 1969 à Greenwich Village, dans l’Etat de New York, un événement qui était arrivé des milliers de fois auparavant à travers les Etats-Unis au cours des décennies précédentes. Ce jour là, la police a fait un raid contre un bar gay.
Dans un premier temps, tout s’est déroulé de manière bien réglée, selon un rituel consacré par l’usage. Sept inspecteurs en civil et un officier en uniforme sont entrés dans le bar. Directement, le personnel du bar a cessé de servir les boissons, diluées dans l’eau et excessivement chères, tandis que leurs patrons mafieux, en toute hâte, enlevaient les boîtes de cigare qui servaient de caisses enregistreuses. Les officiers ont exigé les papiers d’identité des clients et les ont ensuite escortés à l’extérieur, jetant certains dans les "paniers à salade" qui stationnaient dehors et poussant violemment d’autres hors du trottoir.
Cependant, à un certain moment, les soi-disant contrevenants ont décidé de ne plus se laisser faire et ont commencé à résister. Le débat fait toujours rage : quel est l’incident réel qui a suscité l’émeute? Etait-ce une lesbienne habillée en homme qui a résisté à son arrestation, ou une "drag queen" qui s’est arrêtée dans l’embrasure de porte, face aux officiers, et a posé d’un air provoquant, en rameutant la foule ?
Un vétéran des émeutes et activiste des droits des homosexuels, Craig Rodwell, raconte: "un certain nombre d’incidents se sont produits simultanément. Il n’y a pas eu UNE chose ou UNE personne en particulier, il y avait juste … un embrasement de groupe, une explosion de colère massive."
La foule de clients éjectés a commencé à jeter des pièces de monnaie aux officiers, en moquerie par rapport au (tristement célèbre) système de récompenses au travers duquel des chefs de police extorquaient d’immenses sommes d’argent aux établissements gays et utilisaient le prétexte de la "morale publique" pour donner une vitrine régulière à leur racket. Bientôt, aux pièces de monnaie ont succédé des bouteilles, des pierres et d’autres objets. Les acclamations ont jailli à mesure que les prisonniers étaient relâchés. L’inspecteur principal de police Pine se rappelle plus tard " je me suis retrouvé à plusieurs reprises dans des situations de combat, mais je ne me souviens pas d’un moment où j’ai eu plus peur que cette fois-là. "
Pine ordonna à ses subalternes de retourner dans le bar vide pour le saccager. Ils ont aussi brutalement tabassé un chanteur folk hétérosexuel qui avait eu le malheur d’entrer dans le bar à ce moment. À la fin de la soirée, un adolescent avait perdu deux doigts après avoir eu sa main coincée dans une porte de voiture. D’autres ont été hospitalisés après les assauts de la police et les coups de matraques. L’historien des émeutes, Martin Duberman, affirme que la police réservait aux jeunes hommes "féminisés" un "traitement spécial".
L’inspecteur Pine et ses subordonnés ont presque été brûlés vifs lorsque quelqu’un a jeté un liquide inflammable par la porte du bar pour essayer d’y mettre le feu. Dans le même temps, un parcmètre couché sur le pavé a été utilisé comme bélier de fortune. La foule commença alors à crier "Pouvoir Gay!" Et comme la nouvelle se répandait à travers Greenwich Village, des centaines de gays et de lesbiennes, des noirs, des blancs, des Hispaniques, principalement travailleurs, ont convergé dans le quartier de Christopher Street, aux alentours du bar. La police était à présent plus nombreuse, ayant entretemps reçu le renfort de la Force de Patrouille Tactique (TPF), une équipe de répression des émeutes spécialement formée pour disperser les manifestants protestant contre la Guerre du Viêt-Nam.
Duberman dépeint cette scène de deux douzaines de policiers anti-émeutes avançant vers Christopher Street, les bras liés à la manière des formations pratiquées par la légion romaine : "Les émeutiers reculèrent lentement dans leur évolution, mais – contrairement aux attentes de la police – ne se dispersèrent pas en courant à toutes jambes…des centaines de personnes… se rassemblèrent pour éviter les coups de matraque, firent le tour du bloc, se retrouvèrent derrière les policiers et les bombardèrent de débris de toutes sortes. Lorsque les flics réalisèrent qu’une foule considérable s’était simplement reformée dans leur dos, ils devinrent particulièrement susceptibles vis-à-vis de quiconque s’approcherait d’eux d’un peu trop près. "
Mais les protestataires n’étaient pas effrayés. Le scénario se répéta plusieurs fois : la TPF dispersait la foule, seulement pour que celle-ci se reforme à nouveau derrière eux, hurlant des railleries, jetant des bouteilles et des briques, mettant le feu aux poubelles.
Quand les flics manoeuvrèrent afin de changer complètement de direction, ils se retrouvèrent face à face avec leur pire cauchemar : une rangée de drag queens, les bras étreints, donnant des coups de talons à la manière de fusées aériennes prêtes à décoller, et chantant de leurs voix sardoniques :
‘We are the Stonewall girls, We wear our hair in curls, We wear no underwear, We show our pubic hair… We wear our dungarees, Above our nelly knees!’
La traduction donne ceci: ‘Nous sommes les filles de Stonewall, Nous portons nos cheveux en boucles, Nous ne portons aucun sous-vêtement, Nous montrons nos poils pubiens… Nous portons notre bleu de travail, Au-dessus de nos genoux!’
"C’était un contrepoids délicieux et plein d’humour et de dédain par rapport à la force brutale de la TPF." (Stonewall, Duberman, 1993). Le soir suivant, les manifestants sont revenus sur les lieux, leurs effectifs gonflés par des milliers d’autres. Des tracts étaient distribués, intitulés "La mafia et les flics hors des bars gay!" Les protestations et les perturbations ont continué avec une intensité variable pendant cinq jours.
À la suite des émeutes, des discussions intenses ont eu lieu dans la communauté gay de la ville. Pendant la première semaine de juillet, un petit groupe de lesbiennes et de gays ont commencé à évoquer la fondation d’une nouvelle organisation appelée "Gay Liberation Front" (GLF), le Front de Libération Gay. Ce nom a consciemment été choisi en lien avec les luttes anti-impérialistes au Viêt-Nam et en Algérie. Les sections du GLF se sont attelées à organiser la solidarité avec les membres des Black Panthers arrêtés, ont récolté des fonds pour les travailleurs en grève et ont lié la lutte pour les droits des gays à la lutte pour le socialisme.
Un magazine gay de New York a publié une édition spéciale sur les émeutes, tout en publiant un hommage au livre de John Reed sur la Révolution d’Octobre, "Dix jours qui ébranlèrent le monde". Durant les années suivantes, des lesbiennes et des gays ont mis sur pied un Front de Libération Gay ou un organisme semblable au Canada, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Le mot Stonewall est partout entré dans le vocabulaire des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres comme un symbole emblématique de la résistance de la communauté gay face à l’oppression, exigeant une égalité complète dans tous les domaines de la vie. Depuis les émeutes, ce nom a été adopté de nombreuses fois dans différents contextes liés à la question gay, des associations de défense de locataires jusqu’à des clubs de vacances pour gays. De même, un groupe de défense des droits des gays en Angleterre porte le nom de Stonewall, bien que sa stratégie – consistant uniquement à faire du lobbying et du marchandage auprès du gouvernement du New Labour – est loin de l’esprit militant et héroïque déployé par la résistance sur Christopher Street en juin 1969.
Le GLF n’existe plus aujourd’hui, mais l’idée du "pouvoir Gay" est plus forte que jamais. En attendant, dans beaucoup de pays et de villes, le concept de la "Gay Pride" (littéralement : la fierté Gay) se développe sous la forme d’une marche annuelle.
La génération actuelle de jeunes lesbiennes, de gays, de bisexuels et beaucoup d’activistes des droits des homosexuels d’aujourd’hui sont nés ou ont grandi après 1969. Et au cours des décennies qui nous séparent des ces événements, la politique aux Etats-Unis est passée à travers une période très différente. Entretemps, la signification réelle des émeutes a été éclipsée par une sorte de légende construite autour de Stonewall.
Le développement de la contre-culture
Pourquoi les événements de Stonewall se sont-ils produits à ce moment-là? Comment se fait-il que des actions initialement entreprises par moins de 200 personnes aient pu mener à une protestation aussi large, et donner un coup de fouet au mouvement gay?
Dans son livre "Politique Sexuelle, Communautés Sexuelles", écrit en 1983, l’historien John D’Emilio a révélé la préhistoire de Stonewall. L’auteur décrit comment le processus d’industrialisation et d’urbanisation ainsi que le mouvement des ouvriers des plantations et des fermes familiales émigrant vers des emplois salariés dans les villes, a rendu plus facile, pour des Américains ayant des attirances pour le même sexe, d’explorer leur sexualité. Avant les années 1920, une contre-culture homosexuelle s’était cristallisée dans la Barbary Coast de San Francisco, le quartier français de la Nouvelle Orléans, ainsi que dans le quartier de Harlem à New York et à Greenwich Village.
Il existe des preuves évidentes que des personnes ayant des orientations homosexuelles ont existé partout à travers l’histoire. Ce qui a varié considérablement est la vision que la société en avait, et comment les personnes que nous décrivons aujourd’hui comme des homosexuels et des lesbiennes se considéraient elles-mêmes aux différentes étapes de l’histoire.
La signification du changement social décrit ci-dessus, et de l’apparition d’une contre-culture, consiste, pour le développement d’un mouvement en faveur des droits des homosexuels, en ce qu’un nombre croissant d’individus homosexuels étaient capables de sortir de l’isolement. Ils apprirent progressivement l’existence d’un grand nombre d’autres gays, et commencèrent à se sentir membres d’une communauté gay plus large.
Dans la société en général, les pénalités pour l’homosexualité étaient sévères. Des lois d’Etat à travers le pays criminalisaient les actes sexuels avec des personnes du même sexe, tandis que de simples gestes de tendresse en public, comme par exemple deux hommes ou deux femmes se tenant les mains, pouvaient mener à l’arrestation. Même se déclarer gay ou lesbienne pouvait aboutir à l’envoi dans une clinique psychiatrique, sans la moindre audition.
Au sein de cette contre-culture embryonnaire, il y avait moins d’espace pour les lesbiennes que pour les hommes gays, du fait que les femmes avaient généralement moins d’indépendance financière, et il était donc plus dur pour une femme de rompre avec les normes sociales et de s’épanouir dans une relation à caractère homosexuel. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, tout ça changea. Les routines et les normes de temps de paix ayant été rompues, les gays des deux genres trouvèrent davantage d’occasions pour exprimer plus librement leur sexualité.
Les femmes entrèrent massivement tant sur le marché du travail que dans les forces armées, et disposaient également d’un nouveau pouvoir d’achat, leur permettant entre autres d’explorer leur sexualité. Dans le film-documentaire "Before Stonewall", une ex-militaire lesbienne du nom de Johnnie Phelps relate comment elle fut un jour appelée avec une autre femme pour aller voir le Général-en-chef de son bataillon – qu’elle estimait "être gay à 97 %."
Le Général Eisenhower – car c’était lui – lui expliqua qu’il voulait "fureter" les lesbiennes du bataillon, et lui ordonna de rédiger une liste à cette fin. Tant Phelps que l’autre femme informèrent poliment le Général qu’elles dresseraient volontiers une telle liste, à condition qu’il soit préparé à remplacer tous les employés de bureau chargés des classements des dossiers, les conducteurs, les commandants, etc, et que leurs noms seraient en haut de la liste! Eisenhower abandonna l’idée. Quelques années plus tard pourtant, pendant la chasse aux sorcières de McCarthy, Eisenhower, en tant que président américain, obtiendra sur son ordre des listes abondantes destinées à prendre des mesures contre des milliers de personnes soupçonnées d’être des communistes ou des "pervers sexuels."
Répression accrue
Avec le retour aux conditions de paix, les millions d’Américains qui avaient rencontré des gays et avaient eu des relations de ce type dans le cadre de leur service ou dans l’économie de guerre, virent cette ouverture temporaire au sein de la société américaine toucher à sa fin. La plupart des nouveaux lieux gays issus de la guerre fermèrent leurs portes, en même temps que les gens qui avaient fait leur service étaient démobilisés, et que la plupart des nouvelles venues sur le marché du travail retournèrent des usines vers le foyer.
L’orthodoxie sexuelle avait subi des entorses majeures, et un âge sombre s’annonçait maintenant pour les homosexuels. Mais le génie de l’expérimentation gay et lesbienne était sorti de sa bouteille. Les choses ne pouvaient plus jamais être tout à fait comme avant. Un des effets de la guerre fut qu’un grand nombre de lesbiennes et de gays qui sortaient de leur service décidèrent de rester dans les villes portuaires afin de conserver un peu de liberté sexuelle, loin des pressions familiales et toute idée de mariage.
A San Francisco en particulier, la population gay avait solidement augmenté, du fait que beaucoup de lesbiennes et de gays sortis de l’armée s’installaient dans cette ville. En l’espace d’une décennie, ce phénomène – combiné avec une politique moins répressive dans l’Etat de Californie envers les bars gay ainsi que d’autres facteurs, tels que la légitimité donnée à l’homosexualité au travers du mouvement littéraire des "Beats", avec des auteurs comme Jack Kerouac – contribua à faire de San Francisco la "capitale de l’homosexualité" aux Etats-Unis.
Récemment, en Grande-Bretagne, nous avons vu, aussi bien avec des gouvernements travaillistes que conservateurs, tous deux soutenant le libre-marché, comment l’idéologie de la famille est utilisée comme pilier de soutien au système économique et social. Les attaques des deux partis sur les parents isolés en fournissent un exemple assez clair.
Dans les Etats-Unis des années 1940 et 1950, la reconstruction de l’après-guerre et le tournant vers la consommation de masse, placés sous le sceau de la Guerre Froide, ont abouti à ce que les autorités promeuvent fortement la structure familiale traditionnelle. L’autre côté de la médaille était une répression accrue contre ceux qui sortaient du "cercle magique" du mariage, de la parenté et du ménage en s’engageant dans des relations homosexuelles.
Les enquêtes du "House Un-American Activities Committee" ont abouti à ce que des milliers d’homosexuels perdent leurs emplois dans les départements gouvernementaux. L’interdiction d’engager des homosexuels au niveau fédéral est restée en vigueur jusqu’en 1975. D’Emilio a démontré la nature des attaques à l’encontre des homosexuels. Dans le district fédéral de Columbia seulement, il y eut 1.000 arrestations chaque année au début des années 1950. Dans tous les Etats, les journaux locaux publièrent les noms des personnes accusées d’homosexualité, avec pour conséquence le licenciement de nombreux travailleurs. Le service postal ouvrait le courrier des gays et des lesbiennes et transmettait les noms. Les universités tenaient des listes d’étudiants soupçonnés d’être gays.
L’apparition des Droits pour les Homosexuels
C’est contre cet environnement hostile que le mouvement en faveur des droits des homosexuels aux Etats-Unis est entré en action. En 1948, Harry Hay, un gay membre de longue date du Parti communiste américain, décida de fonder un groupe défendant les droits homosexuels. C’était le premier chapitre de ce que les gays de l’époque appelaient le mouvement "homophile".
Comme tous les Partis Communistes dans le monde entier, le parti américain se revendiquait de l’héritage de la révolution russe. Une des premières mesures des Bolcheviks avait été d’en finir avec la criminalisation des gays. Mais dans les années 1930, la montée de la bureaucratie stalinienne s’est concrétisée par une reprise de la politique anti-gay, tant en Union soviétique que parmi les Partis Communistes mondiaux.
Dans cette situation, déterminé à poursuivre son projet, Hay demanda d’être expulsé du PC. Etant donné son ancienneté, le parti déclina sa demande. Ensemble avec un petit groupe de collaborateurs incluant d’autres anciens membres du PC, Hay lança la "Société Mattachine" (SM) en 1950. Ce nom provient d’un groupe mystérieux de musiciens contestataires du Moyen-Âge, qui n’apparaissaient en public qu’avec des masques, et étaient probablement homosexuels.
D’Emilio décrit le programme de la SM comme visant à l’unification des homosexuels isolés, à l’éducation des homosexuels pour qu’ils se conçoivent comme une minorité opprimée, et la construction d’une direction à leur lutte, en vue de leur propre émancipation. Hay appelait à une "culture homosexuelle éthique" et comparait cela aux cultures émergentes des peuples noirs, juifs et mexicains aux Etats-Unis. La Société Mattachine organisait des groupes de discussion locaux pour promouvoir ce programme "éthique". Ils soutenaient que "le stress émotionnel et la confusion mentale" parmi les gays et les lesbiennes étaient "socialement conditionnés."
Malgré la dégénérescence stalinienne du PC, dans lequel Hay avait reçu deux décennies de formation politique, les fondateurs de la SM appliquaient clairement des méthodes marxistes afin de comprendre la position des gays et déterminer des perspectives et une voie pour aller de l’avant. Pour la structure de Mattachine, Hay utilisait les méthodes de clandestinité que le PC avait dû employer face aux attaques des autorités, mais qui se sont aussi développées dans le contexte des méthodes anti-démocratiques du stalinisme dans le mouvement ouvrier.
Pour combattre la persécution à laquelle les gays faisaient face, la SM était basée sur un réseau de sections agencées sur cinq niveaux. Hay et les autres dirigeants faisaient partie du cinquième niveau, mais étaient inconnus des membres des premier et deuxième niveaux. Pendant trois ans, la SM développa efficacement son réseau de groupes de discussion. La croissance s’accéléra en 1952 après que la SM ait gagné une victoire célèbre contre la police, lorsque des accusations qui s’étaient abattues sur un des membres du groupe à Los Angeles furent abandonnées, suite à une campagne de tractage menée par une organisation de front appelée "le Comité de Citoyens pour l’Interdiction de la Persécution".
Cependant, l’année suivante, suite à un article écrit par un journaliste McCarthiste à Los Angeles, le "cinquième niveau" décida d’organiser une "convention démocratique." Lorsque cet événement prit place, le groupe de Hay fut critiqué par des éléments conservateurs et anti-communistes, qui exigèrent que la SM prête serment de fidélité, ce qui était une tactique McCarthiste classique. La direction réussit à défaire toutes les résolutions de l’opposition, et la demande pour un serment de fidélité ne put obtenir une majorité.
Néanmoins, Hay et ses camarades décidèrent de ne pas se présenter pour des positions au sein d’une organisation qu’ils avaient pourtant établie et construite. Cela permit aux conservateurs de prendre le contrôle sur le groupe. Beaucoup de ceux qui avaient soutenu les buts originels de l’organisation partirent dégoûtés, et il fallut deux ans pour pouvoir regagner de nouveaux militants. Si le groupe de Hay était resté actif, il aurait pu offrir un pôle d’attraction pour les militants gays et lesbiennes. Malheureusement, il n’en fut pas ainsi, et le mouvement fit un pas en arrière, perdant ainsi une décennie d’avancées.
Tandis que les fondateurs de la Société Mattachine avaient préconisé une première version de la "Gay Pride" la nouvelle direction reflétait les préjugés sociaux répandus contre les homosexuels. Le nouveau président de la SM, Kenneth Burns, écrivit dans le journal de l’organisation : "Nous devons nous blâmer pour notre propre situation critique… Quand l’homosexuel se rendra-t-il compte que la réforme sociale, pour être efficace, doit être précédée par la réforme personnelle ?"
La position de la nouvelle direction était que les gays ne pouvaient pas se battre pour des changements dans la société américaine, mais devaient s’appuyer sur des médecins "respectables", des psychiatres, etc, pour s’assigner les bonnes grâces des autorités, dans l’espoir d’un traitement plus favorable. Mais le problème était que la grande majorité de telles personnalités prétendaient que l’homosexualité était une maladie. Aussi incroyable que cela puisse paraître aux activistes gays actuels, des prétendus "experts" anti-gays étaient autorisés à écrire des articles dans les publications de la SM et à s’exprimer dans les meetings de l’organisation !
Vers la fin de cette période, lorsqu’un professionnel nommé Albert Ellis affirma lors d’une conférence que "l’homosexuel exclusif est un psychopathe", quelqu’un dans l’audience s’écria : "Nimporte quel homosexuel qui viendrait chez vous pour un traitement, docteur Ellis, serait un psychopathe!"
La montée de l’activisme gay
Beaucoup de gays et de lesbiennes qui devaient encore "sortir de l’ombre" – c’est-à-dire s’identifier publiquement comme homosexuel – le firent au travers de la campagne pour les droits civils du mouvement noir, qui débuta dans les années 1950. Dans la décennie suivante, l’influence de la campagne pour les droits civils se fit sentir dans le mouvement gay. L’establishment opportuniste – au travers de gens comme Burns – était de plus en plus remis en question par une nouvelle génération de militants.
Finalement, tant dans la Société Mattachine qu’au sein d’un groupe conservateur de lesbiennes appelé "Les Filles de Bilitis" (FB), la direction préféra dissoudre la structure nationale plutôt que de voir l’organisation tomber dans les mains de radicaux. Des individus et des sections de la SM et des FB continuèrent alors à se voir sur une base non-encadrée. Ca et là, des dirigeants militants parvinrent à gagner des majorités, souvent après des batailles colossales.
Dans ce processus, une figure influente était l’astronome Frank Kameny, qui avait été viré d’un emploi gouvernemental dans le cadre des purges anti-gay. Après s’être battu sans succès contre sa victimisation dans les tribunaux, il conclut que le gouvernement américain "lui avait déclaré la guerre" et décida de devenir un militant pour les droits des homosexuels à plein temps. Kameny était répulsif quant à la vieille direction du mouvement homo, et à leur allégeance lâche envers l’establishment médical : "L’esprit plein de préjugés est imperméable à l’information, et n’est pas éducable.", "Les experts réels en matière d’homosexualité sont des homosexuels", affirmait-il.
Faisant référence aux organisations de la campagne pour les droits civils, Frank Kameny notait : "Je ne vois pas le NAACP et le CORE s’inquiéter de savoir quel chromosome ou quelle gène produit une peau noire, ou de la possibilité de blanchir le Noir." De la même manière que les luttes des Noirs américains avaient vu émerger des slogans tels que "le Noir est Beau", Kameny inventa le slogan "l’Homosexuel est Bon" et persuada finalement le mouvement homo de l’adopter dans l’élan de Stonewall.
Les militants homos entamèrent des campagnes avec des piquets publics et des affiches, ainsi que d’autres actions directes, et montèrent également une offensive contre les méthodes de persécution de la police et du gouvernement, contre l’interdiction de l’emploi pour les gays et sur toute une série d’autres questions. Les dirigeants conservateurs de la SM et des FB avaient conseillé à leurs membres de garder leur distance de l’environnement ouvrier des bars gay.
Mais à partir des années 1960, à San Francisco, pour la première fois, les bars gay devinrent des forums importants pour les activistes afin de recruter aux groupes gay et organiser des campagnes. D’Emilio décrit ce phénomène comme "la fusion entre le mouvement et la contre-culture."
Vingt ans après qu’Harry Hay ait conçu l’idée de la Société Mattachine, la société américaine avait subi une transformation radicale. La montée d’un mouvement des femmes (avec des lesbiennes en vue parmi les organisatrices), le changement parmi la population noire d’un mouvement des droits civils vers un mouvement de "pouvoir noir", – mouvements dont certains embrassaient les idées socialistes – la révolte contre la guerre américaine au Viêt-Nam sur les campus américains, l’influence des événements de mai 1968 en France, ainsi que les effets secondaires d’autres mouvements de rébellion contre l’establishment tels que les hippies, tout ça contribua à donner aux campagnes gays et lesbiennes un caractère plus militant.
Un courant au sein du Front de Libération Gay soutenait qu’une lutte révolutionnaire contre le capitalisme était nécessaire pour construire une société socialiste et en finir définitivement avec l’oppression de gays.
Craig Rodwell conclut : "Il y avait un sentiment politique actif très volatil, particulièrement parmi la jeunesse … quand la nuit des Emeutes de Stonewall explosa, tout convergea en cet instant. Les gens demandent souvent ce qu’il y avait de spécial cette nuit-là… Il n’y avait pas une seule chose spéciale. C’était juste que tout venait ensemble et en même temps, un de ces moments dans l’histoire où lorsque que vous êtes présent, vous vous dites : ça y est, c’est ça ce que nous avons tant attendu. "
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Premier Mai, fête des travailleurs – Plus que jamais un jour de lutte!
La bourgeoisie a toujours cherché à gommer de l’Histoire tout ce qui fait référence à la lutte des classes en reprenant à son compte des symboles appartenant à l’histoire du mouvement ouvrier. Des journées qui ont marqué l’histoire de leur empreinte par des luttes massives de la classe ouvrière sont ainsi transformées en fêtes inoffensives dont la signification a disparu à l’arrière-plan. Il n’en va pas autrement du Premier Mai. C’est à tous les militants et travailleurs conscients qu’il incombe de se réapproprier cette journée et d’en rappeler la véritable origine.
Cédric Gérôme
La véritable origine du Premier Mai
L’origine du Premier Mai remonte aux Etats-Unis. En 1884, les syndicats groupés au sein de l’American Federation of Labour lancent une campagne pour exiger la journée des huit heures. Après deux années de campagne, cette revendication n’est devenue réalité que pour 200.000 travailleurs. C’est pourquoi, le 1er Mai 1886, 340.000 ouvriers américains entrent en grève et paralysent des milliers d’usines. Une partie des patrons cède mais, dans certains endroits, la répression aura raison du mouvement : devant la fabrique de faucheuses Mc Cormick de Chicago, la police tue six grévistes au cours d’une manifestation. Lors d’une marche de protestation qui se tient le lendemain, une bombe explose devant les forces de l’ordre. Malgré l’absence de preuves, trois syndicalistes sont condamnés à perpétuité et cinq autres pendus «pour l’exemple».
En 1889, à Paris, le congrès de fondation de la Deuxième Internationale (l’Internationale Socialiste) décide, à l’instar des travailleurs américains, de mener partout des actions pour la journée des huit heures le 1er Mai : «Il sera organisé une grande manifestation à date fixe de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire à huit heures la journée de travail».
La bourgeoisie tremble sur ses bases
Dès l’année suivante, cet appel reçoit un tel écho que la bourgeoisie est prise de panique. Les patrons allemands créent une ligue de défense prévoyant le renvoi des travailleurs absents des ateliers le 1er Mai. A Rome, les bourgeois les plus riches quittent la ville sans demander leur reste. En Belgique, le ministre de la Justice ordonne à la gendarmerie d’identifier ceux qui ont voté pour l’organisation du 1er Mai ; on organise même des exercices de tirs spéciaux pour la garde civile «afin d’être prêts pour le 1er Mai».
Ce 1er Mai 1890, 150.000 travailleurs belges cessent le travail sous l’impulsion des mineurs wallons. Dans les autres pays, le mouvement prend une ampleur similaire. Le 1er Mai commence dès lors à s’enraciner dans la tradition de lutte des ouvriers du monde entier. Cela n’est évidemment pas pour plaire au patronat: celui-ci va tout mettre en œuvre pour édulcorer le caractère revendicatif de cette journée et pour en chasser l’âme. En 1914, lorsque les chefs de la IIe Internationale abandonnent leur discours pacifiste, se rallient à la guerre derrière leur bourgeoisie et votent les crédits de guerre, ils proposent carrément aux ouvriers d’abandonner la fête du Premier Mai ! Ce n’est qu’en 1919 que les cortèges de travailleurs seront à nouveau autorisés lors de cette journée.
C’est également dans la période de l’après-guerre que le mot d’ordre central du 1er Mai – la journée des huit heures – sera obtenu. La bourgeoisie n’a pas d’autre choix que de le concéder, elle a le couteau sous la gorge : la République des Soviets, fruit de la révolution d’Octobre 1917, met à l’ordre du jour la réalisation de la journée de six heures, et entraîne à sa suite une vague révolutionnaire qui se répend comme une traînée de poudre dans toute l’Europe (par contre, une fois arrivée au pouvoir, la bureaucratie stalinienne sabordera le 1er Mai en le transformant en une journée de démonstration de sa puissance à travers l’organisation de défilés militaires)
«Le Premier Mai est avant tout une revue des forces internationales du socialisme, de ses progrès, de ses formes.» Rosa Luxemburg
L’évolution qu’a connu le 1er Mai à travers les années permet de retracer l’évolution du mouvement ouvrier lui-même, y compris des coups qui lui ont été portés. Certains 1er Mai sont ainsi marqués d’une pierre noire. En Italie et en Allemagne, les fascistes, arrivés au pouvoir avec la bénédiction et le soutien de la grande bourgeoisie mais soucieux de garder la classe ouvrière sous leur contrôle, joueront habilement d’un anticapitalisme démagogique en organisant des manifestations grandioses et des parades obligatoires pour ce qu’ils rebaptisent «la journée nationale du travail».
En Espagne, le 1er Mai 1937 sera également une expérience douloureuse : il coïncide avec un renforcement de l’étreinte des staliniens sur le foyer révolutionnaire espagnol. Ceux-ci se déchaîneront contre la grève générale, déclenchée spontanément à Barcelone malgré l’interdiction de manifester le 1er Mai promulguée par le Front Populaire. Dénonçant un prétendu «putsch hitlérien organisé par les trostkistes, agents du fascisme international», les staliniens en profiteront pour accélérer leur offensive destinée à mettre hors d’état de nuire tous les éléments révolutionnaires.
Le Premier Mai aujourd’hui
Depuis, les journées du 1er Mai ont connu des hauts et des bas, reflets du développement des luttes et des rapports de force entre les classes sociales. La chute du stalinisme, en ouvrant à la bourgeoisie un terrain propice à une offensive idéologique sans précédent et en accélérant la transformation des anciens partis ouvriers en partis bourgeois, a ainsi constitué une étape tournante dans la dynamique de «prostitution» de la fête du Premier Mai. En Russie, le fait que Boris Eltsine ait officiellement transformé la fête du travail en «fête du muguet» n’est évidemment pas une coïncidence.
Un peu partout, les défilés syndicaux, les manifestations et les grèves ont progressivement cédé la place aux discours des bureaucrates et aux activités ludiques à travers lesquelles la politique a de plus en plus de mal à se frayer un chemin. Mais le vent tourne. Aujourd’hui, avec le capitalisme en crise, la lutte internationale des travailleurs est plus que jamais d’actualité. La crise économique, la crise du capitalisme, entraîne déjà à l’étranger des réactions massives de travailleurs sous le slogan «Nous ne payerons pas leur crise!» Nous pensons que la tradition du 1er Mai doit être rétablie avec des manifestations combatives et des meetings politiques.
Au moment où la journée de 8 heures est remise en cause en pratique, où 15% de la population vit dans la pauvreté et où la crise conduit à une augmentation spectaculaire du chômage, cela est plus que jamais nécessaire. Nous allons donc participer aux cortèges et aux fêtes du 1er Mai qui ont encore lieu afin d’y faire entendre notre message politique de lutte.
- Voeux de mai du CIO
- Texte de Rosa Luxembourg sur les origines du premier mai
- Le socialisme comme alternative à l’ordre du jour Editorial de l’édition de mai 2009 de l’Alternative Socialiste
Interventions du PSL le 1er mai 2009
- Le Parti Socialiste de Lutte au 1er mai Rapport général des interventions
- Reportage-photos de Bruxelles
- Reportage-photos de Liège
- Reportage-photos d’Anvers
- Reportage-photos de Mons
- Reportage-photos de Charleroi
- Veille de Premier Mai à Gand
- Veille de Premier Mai à Alost
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Liège: “FESTIVAL Avanti”
Le Festival AVANTI
Pour en finir avec la politique néolibérale
menée par tous les gouvernements.
Pour mettre en avant la nécessité d’un nouveau
Parti de gauche pour les travailleurs et leurs familles.
Un parti à gauche du PS et d’Ecolo.
Un parti de débat et de combat.
Un parti qui serait le relais et le porte-parole
De tous ceux qui luttent pour une autre société:
Une société basée sur la solidarité et pas sur le profit!
Nous ne sommes pas les seuls à défendre cette idée.
Alors, que vous soyez syndicalistes, militants de gauche,
Actifs dans des associations ou simplement outrés par
l’évolution du monde et désireux de réagir,
Venez en discuter avec nous!
A l’initiative de l’ASL "A Contre Temps", du CPCR, de la Casa Nicaragua, de l’ASBL Leonardo da Vinci, de la coopérative des patients de la maison médicale BVS de Seraing, du Mouvement pour une Alternative Socialiste et du Comité pour une Autre Politique.
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Artiste : un vrai métier. Les artistes apportent des couleurs dans nos vies, mais la leur n’est pas toujours rose….
Officiellement, en Belgique, le statut d’artiste n’existe pas. Le jeune voulant entrer dans le monde artistique se retrouve d’abord confronté à un double problème de reconnaissance : d’une part, l’inexistence d’un statut clair et, d’autre part, bien souvent la non reconnaissance dans son propre entourage (« oui mais, c’est quoi ton vrai métier ? »).
Terence Deepijan
L’ONEm propose une demi-solution – « la protection de l’intermittence » – qui permet à un artiste de conserver ses allocations de chômage en ne déclarant qu’un seul contrat par an. Mais obtenir cette « protection » reste très difficile pour les jeunes artistes. Comme tout un chacun, un artiste doit cotiser s’il veut pouvoir bénéficier du chômage. Cependant on ne peut imaginer un musicien ou un comédien donner des représentations de 8h tous les jours, et encore moins un sculteur. Pour ces raisons, l’ONEm propose de convertir ces jours de travail en parts de cachet, mais il faut engranger pour plus de 17.000 € de cachet en un an pour pouvoir prétendre à ce droit !
Dans ces conditions, la sécurité offerte par cette « protection » ne sert qu’à ceux qui sont déjà à l’abri des problèmes financiers. Les difficultés ne s’arrêtent donc pas là : il faut encore pouvoir vivre de son travail d’artiste.
Dés lors la plupart des artistes « fraudent », mais parce qu’ils n’ont pas le choix s’ils veulent se loger et manger. Le seul autre « choix » qui leur est permis est de se résigner, de devenir un artiste du dimanche et de trouver un « VRAI » métier.