Category: Culture

  • Cinéma et contestation

    Le vingtième siècle a connu l’essor du cinéma jusqu’aux superproductions actuelles. Bien que les inégalités entre classes sociales ne sont pas apparues seulement au cours du vingtième siècle, le cinéma ne pouvait passer à côté des nombreux conflits sociaux qui ont marqué les décenies de son développement.

    Par Nicolas Menoux

    Elaboré pour toucher les masses, le cinéma a revêtu différentes formes et fonctions. Avant d’être divertissant, le cinéma était didactique, puis très vite il a été intégré comme outil de propagande. Il faut comprendre que le cinéma est un média parmi d’autres (journaux, télévision, radios,…) et qu’il peut donc être utilisé ou manipulé pour faire passer les valeurs d’une idéologie, qu’elle soit capitaliste, fasciste, communiste, … (notamment en période de guerre). En fait il s’agit d’une pratique générale qui touche différentes formes d’expression, et pas uniquement le cinéma.

    Cependant, comme c’est le cas pour de nombreuses formes d’expression, le cinéma a été utilisé aussi comme moyen d’exprimer une contestation. Les documentaires, genre qui s’oppose à la fiction, ont par exemple permis d’illustrer, en filmant la réalité sans modification, des inégalités, des injustices sociales. Certains cinéastes ont utilisé leur caméra pour dénoncer et montrer à tous des problèmes inaccessibles à la majorité (distance, manque d’information, désinformation…). Dans cette lignée, de nombreux films ont été tournés sur les grèves et les différents mouvements ouvriers, reflétant ainsi les conditions de vie des travailleurs (Borinage, mai 68 pour ne citer qu’eux). Mais le pouvoir en place a aussi ses armes, telle que la censure, pour éviter ces débordements qui nuisent à leur autorité. Par exemple, le système holywoodien, sous le McCarthysme, a multiplié les pressions pour empêcher certains travailleurs d’exercer leur activité sur base de leur proximité avec l’idéologie communiste.

    En fait, si on regarde de manière générale les thèmes traités au cinéma, on peut voir que ceux-ci transcrivent les idées qui se développent dans la société. Par exemple, après la chute du mur de Berlin, l’idée était qu’aucune alternative au capitalisme ne semblait réalisable. La mondialisation et l’impérialisme des puissances occidentales se sont renforcés et cette période a vu une plus grande diffusion des films sur le modèle américain, surtout tournés vers le divertissement. De même, les mouvements de contestations contre la guerre du Vietnam avaient généré plusieurs superproductions visant à dénoncer différents aspects du conflits (Platoon, Full Metal Jaquet, The Deer Hunter,…)

    Plus de films et de documentaires critiques

    ces dernières années, les nombreuses abérrations engendrées par le capitalisme ont provoqué la montée d’une vision contestataire monte dans la population. Si on regarde alors les grands circuits de diffusion cinématographique, on peut remarquer une montée de films qui traitent des problèmes engendrés par le système. Aux Etats Unis, ceci est très clair. Micheal Moore sort chaque année un nouveau documentaire qui s’attaque et dénonce l’administration américaine. Ceci a toujours existé, mais ici ses films sont largement diffusés. Plus marquants encore sont les films récents autour de Georges Clooney (figure du starsystem américain) qui abordent des perverssions du système capitaliste : les malversations politiques, diplomatiques, économiques des multinationales pétrolières américaines dans Syriana, le McCarthysme dans Good Night, and Good Luck (film réalisé par Clooney).

    Il faut savoir en fait que l’industrie cinématographique est vouée au rendement et au profit. Si plusieurs films critiquent la société, c’est que le public est prêt à payer pour voir cette critique. Ces différentes sorties témoignent donc d’une prise de conscience de plus en plus large de la population des problèmes sociaux, politiques, … soulevés. Le souci principal reste qu’aucune alternative n’est réellement proposée et qu’un film ne change pas fondamentalement la situation objective. Le cinéma a cet avantage de toucher un large public, mais le travail reste à faire dans la réalité concrète de notre société. Nous devons rester attentifs à ces manifestations artistiques, mais nous devons surtout en tirer les conclusions correctes. A côté de ces témoignages, nous devons nous organiser et construire un large mouvement uni et actif contre les différentes dérives libérales et anti-sociales et proposer une alternative concrète : une société socialiste.

  • Le monde comme ils le veulent.

    Jean-Claude Paye, sociologue, a écrit et publié en 2004 aux éditions la dispute* le résultats de ses recherches et de ses analyses des changements intervenus dans le droit et la procédure pénale ces dix dernières années dans le monde, et plus particulièrement en Occident.

    François Barzin

    Ce que cet auteur annonce dans son livre est l’avènement d’une dictature mondiale, emmenée par les Etats-Unis sous couvert de lutte contre le terrorisme. L’auteur y décrit la recomposition progressive des Etats nationaux autour d’appareils policiers auxquels les divers gouvernements donnent de plus en plus de pouvoir et de prérogatives. Ces recompositions faites à l’heure de la lutte contre le terrorisme, s’intégreraient plus largement dans une structure impériale dont les Etats-Unis auraient l’exclusivité de la direction politique.

    Si la perpective d’une superpuissance américaine doit être légèrement revue à la baisse, au vu de ses échecs en Irak et en Afghanistan, les lois liberticides inspirées et recommandées par les Etats -Unis aux pays européens n’en sont pas moins devenues une réalité.

    Le danger actuel de cette évolution, continuation d’une justice de classe, est la constitutionnalisation de cette justice de classe. Auparavant, la subjectivité de la justice reposait sur un rapport de force instauré dans le cadre d’un Etat de droit et d’une démocratie. Aujourd’hui ce qui nous est promis est l’impossibilité de modifier ces rapports de force, et donc la subjectivité politique et judiciaire, au nom de la lutte contre le terrorisme. Vouloir influencer le fonctionnement des institutions démocratiques pourra être considéré comme terroriste en soi, alors que cela est bien sûr l’enjeu même de la vie démocratique. Le droit à la défense devient impossible puisque c’est aux accusés de prouver qu’ils sont innocents sur base d’intentions qui leurs sont attribuées, leurs faits et gestes témoignant contre eux et non pas pour eux. Il n’y a pas de partie tierce, telles des victimes réelles d’un véritable attentat par exemple, mais seulement des accusés et un Etat juge et partie, inconcilablement opposés dans la défense de leurs intérêts respectifs.

    Il ne peut plus y avoir de liberté individuelle dès lors que l’Etat peut-traîner quiconque en justice sur base de ses intentions politiques.

    Qu’en est-il donc de ces lois, décisions – cadre, accords et négociations passés entre pays de l’Union, entre l’Union européenne et les Etats-Unis ? Quelle est la philosophie, la méthode et les objectifs avoués de ces lois ou de ces accords ?

    Une inversion du sens de la procédure pénale

    De manière générale la tendance est à la subordination du pouvoir judiciaire à celui de la police – et plus l’inverse comme précédemment – au renforcement du parquet sur le juge d’instruction, à la régression du droit de la défense devant des enquêtes policières secrètes et proactives sur lesquelles elle n’a plus aucun contrôle, les forces de police devenant généralement intouchables judiciairement, leur méthode de production de la preuve n’étant plus elle-même soumise à l’examen contraignant du pouvoir judiciaire. Cette redéfinition des pouvoirs respectifs de la police et de la justice va de pair avec la redéfinition des infractions incriminées et des personnes ou des groupes visés : les critères définissant une action terroriste ou une action criminelle sont élargies par des définitions purement subjectives ou spéculatives comme dit plus haut, telle la volonté d’intimider ou l’intimidation des populations, ou parties de celles-ci, la volonté d’influencer le fonctionnement d’autorités publiques, la « capture » d’infrastructures publiques ou privées, la simple intention de commettre un acte dit terroriste… A remarquer la notion de capture d’infrastructures publiques ou privées qui vise directement les organisations syndicales et altermondialistes dont ces « captures » sont les principaux moyens d’actions. Il faut savoir également que le conseil de l’Europe a instauré les accords Shengen 2 qui visent explicitement à l’échange d’informations sur des activistes politiques qui se rendent à des sommets internationaux pour permettre leur arrestations et leur emprisonnement éventuel dans tous les pays de l’Union.

    La simple appartenance à une organisation terroriste, c’est à dire politique ou syndicale notamment, ou la participation à ses activités, même légales, en connaissance ou en méconnaissance de cause peut valoir à quiconque d’être assimilé à un terroriste. D’une inculpation ou d’une suspicion à partir d’éléments objectifs, l’on va vers une inculpation à partir d’une interprétation subjective et politique du droit de chacun.

    Comme on peut le constater, le caractère vague des incriminations et leur caractère foncièrement subjectif permet de s’attaquer à n’importe qui et à n’importe quoi dès lors qu’il gène le pouvoir en place, les activistes politiques et syndicaux étant visés de façon privilégiée. Le traitement des insoumis renommés terroristes peut aller jusqu’aux gels des avoirs ou de toute les sources de revenus, sans parler de la suspension des droits civiques, des peines de prisons, amendes et autres … Les gardes à vue sont doublées, généralement, ce qui augmente les possibilités de pression de la part de la police, pour arracher des aveux, par exemple.

    La collaboration automatique

    Pour rendre effective ces différentes dispositions légales visant la répression du « terrorisme », les différentes autorités publiques des pays européens ont conclu des accords de collaborations automatiques et obligatoires entre leurs appareils policiers et judiciaires respectifs. Ainsi en est-il du Mandat d’Arrêt Européen. Ce contrat de collaboration impose l’extradition automatique de n’importe quel individu accusé de terrorisme par tout Etat requis par un autre Etat. Ce qui paraît être un gage d’efficacité contre le crime organisé, est en fait une remise en cause du droit d’asile. Le Mandat d’Arrêt Européen est basé sur le principe de reconnaissance mutuelle des législations pénales de chaque Etat par tout les autres, chacun étant supposé démocratique et respectueux des droits et libertés fondamentales de leurs concitoyens. Les problèmes à l’extradition entre Etats Membre ne se posant donc pas. Mais la France du massacre de Charonne n’était-elle pas démocratique, pas moins que la Belgique des tueries du Brabant wallon, ou que l’Italie anticommuniste et maffieuse de Berlusconi ? Que nous réserve l’avenir ? Peut-être verrons nous en France éclore les fleurs nauséabondes du Front national ?

    Mais de toute façon, en Europe, la révision générale à la baisse des critères qui donnent droit à être accusé de terrorisme, est susceptible de remettre en cause le droit d’asile de beaucoup de personnes et d’organisations militantes dans un avenir plus ou moins proche.

    L’hégémonie coulée dans le droit

    L’élaboration de toute ces lois, ainsi que la philosophie sécuritaire sont impulsées par les Etats -Unis, qui ont été les premiers à remettre en cause le régime du droit international fondé sur le respect mutuel de la souveraineté de chaque Etat, mais aussi sur le principe du respect des droits humains, dont celui du droit à la défense et à la représentation juridique. Le refus de donner aux prisonniers de Guantanamo le statut juridique de prisonniers de guerre permet à la première puissance mondiale de les détenir de façon indéfinie sans inculpation et surtout dans le secret, sans droit à la défense, sans la publicité et l’objectivité des débats. La sécurité de ces personnes ne peut être assurée par aucun moyen, sinon de loin, par le biais de la pression internationale, comme au temps de Pinochet, quand amnesty international faisait campagne pour la libération des prisonniers politiques. Cette action du gouvernement américain vis à vis des « combattants illégaux » par la procédure d’exception aboutit à la suspension du droit international – de fait – par les Etats-Unis.

    Malgré leurs hypocrites critiques de l’unilatéralisme américain, les pays européens, Conseil de l’Europe en tête, se sont empressés de répondre aux exigences antiterroristes des Etats-Unis, puisque ensuite la rhétorique sécuritaire a justifié la mise sous surveillance politique de leur propres populations.

    Ainsi, le Conseil de l’Europe concluait des accords autorisant l’extradition quasi automatique vers les Etats-Unis de tout citoyen européen suspecté de terrorisme dans un même temps qu’il travaillait au mandat d’arrêt européen et autres dispositions liberticides, dans des conditions politiques tout à fait répugnantes et suspectes (Certaines décisions cadre trop clairement liberticides ont été prises au Conseil de l’Europe en annexe de négociations portant sur le droit de la pêche par exemple, ni vu, ni connu).

    Dans le même ordre d’idées, les Etats-Unis ont imposés à L’Europe l’échange des informations personnelles sur les passagers ayant réservés auprès de compagnies aériennes pour les Etats-Unis, ceux-ci pouvant à leur guise déterminer qui peut ou non entrer sur leur territoire ( L’ Europe a par après pris les même dispositions pour son propre compte par rapport aux réservations transeuropéennes).

    A ce stade nous devons avoir conscience que le Patriot act s’applique aussi à nous, comme à tous les citoyens de la planête et dès lors que nous posons le pied sur le sol américain, nous pouvons être détenu de façon indéfinie et sans inculpation. Dans ces conditions, comment imaginer une rencontre altermondialiste aux Etats-Unis, comme à Seattle en 1998 ? Les ébauches d’une démocratie planétaire, les citoyens américains, européens, les démocrates des pays du Tiers monde et l’ensemble des populations sont véritablement devenus les otages du reflux réactionnaire américain.

    Il faut quand même préciser que si tout le monde peut être enlevé, extradé et emprisonné indéfiniment par les autorités américaines, a contrario, aucun citoyen américain ne peut-être traduit devant un tribunal international pour crime de guerre ou pour crime contre l’humanité, ce qui concernerait pas mal de monde dans les services de renseignements et dans les administrations américaines

    La suspension du droit et du principe de légalité lui-même iront en s’aggravant, laissant de plus en plus de monde dans une anomie juridique autorisant tous les arbitraires. Le droit, comme ensemble hiérarchisé de garanties constitutionnelles, fait aujourd’hui de la procédure d’exception l’acte constituant d’un nouveau type de régime politique, celui ou le pouvoir politique décide directement de la norme à appliquer, de comment l’appliquer, et à qui l’appliquer. Pourtant l’égalité de tous devant la loi, suppose la reconnaissance de l’objectivité des actes incriminés, la constitution de parties tierces et le droit à la défense dans le temps long et posé de la procédure judiciaire. Il faut d’ailleurs dénoncer ici les appels à la rentabilité des parquets par Madame Onckelinks, qui est une façon insupportable d’instrumentaliser le pouvoir judiciaire à des fins politiques, électoralistes.

    Toute organisation politique progressiste devrait se mobiliser contre toutes ces régressions, car c’est véritablement l’exercice de nos droits constitutionnels qui est menacé. Si nous jouons le rôle des victimes indolentes, il se pourrait bien que le crocodile vienne nous manger.


    * La fin de l’Etat de droit, Lutte antiterroriste, de l’état d’exception à la dictature, Jean-Claude Paye, éd. La Dispute, 2004.

  • Conseil cinéma: The Edukators

    The Edukators ou Die Fetten Jahre Sind Forbei (les années grasses sont révolues) est un film vivant et accrocheur qui raconte l’histoire de trois étudiants idéalistes qui dénoncent les injustices sociales de façon anarchisante. Tandis que des habitants riches et décadents sont en vacances, les étudiants s’introduisent dans leurs villas luxueuses.

    Jon Sneyers

    Ils redécorent l’intérieur en profondeur et laissent un message : ‘les années grasses sont révolues’ et ‘vous êtes trop riches’. Lorsque les capitalistes rentrent chez eux, ils sont abassourdis, surtout quand ils remarquent que rien n’a été volé et qu’il ne s’agissait manifestement pas de voleurs ordinaires. Une nuit, les voleurs sont pris sur le fait quand un industriel puissant rentre chez lui brusquement. Impulsivement, ils décident d’enlever le gros porc.

    Les étudiants utilisent une méthode individualiste et anarchisante – en petits groupes, ils terrorisent des capitalistes esseulés- qui, pour nous, est contre-productive. Seul un mouvement de masse – soutenu par la majorité de la population- sera capable de transformer la société. Certaines formes d’ « action directe » se heurtent à l’incompréhension des masses et provoquent une répression croissante de la part de la classe dominante.

    Néanmoins, le film n’est pas dénué d’idées censées émises par les protagonistes. Les dialogues entre les militants et le capitaliste kidnappé sont très intéressants. Le capitaliste argumente à un moment donné que ce n’est pas lui qu’il faut viser car «il n’a pas inventé les règles du jeu capitaliste, il n’est lui-même qu’un pion de ce jeu ». Les voleurs rétorquent que ce n’est pas l’inventeur du revolver qui est responsable d’un meurtre mais celui qui appuie sur la détente.

    The Edukators mérite certainement le déplacement : le film combine un scénario à suspense et des acteurs talentueux avec des dialogues prenants et engagés.

  • Une chute… qui tombe à plat?

    Voilà ce qui s’appelle un timing particulièrement bien étudié. « La Chute », qui raconte les douze derniers jours de Hitler dans son bunker, débarque en plein milieu d’une année de commémorations en tous genres marquant le soixantième anniversaire de la fin de la guerre.

    Jean Peltier

    Sorti en septembre en Allemagne où il a rencontré un énorme succès (plus de cinq millions de spectateurs), il arrive maintenant sur les écrans un peu partout en Europe, accompagné d’un cortège de polémiques – peut-on montrer le caractère humain d’un monstre et d’un bourreau ? – qui ne doivent pas déplaire au responsable du marketing.

    Le succès de « La Chute » ne tient évidemment pas qu’à une bonne maîtrise du calendrier. Le film ne manque pas de qualités. Il respecte de près la réalité historique, il est remarquablement réalisé et les acteurs sont impressionnants, particulièrement Bruno Ganz qui réussit une composition extraordinaire en se coulant dans le personnage de Hitler tout en n’offrant jamais la moindre occasion au spectateur d’être touché par le côté humain du personnage et de lui trouver l’ombre d’une circonstance atténuante. Par ailleurs, « La Chute » ne s’intéresse pas qu’à la fin de carrière et de vie de Hitler. Il montre à la fois la similitude et le contraste entre deux mondes qui sombrent : les dignitaires d’un régime enfermés dans leur bunker et la population civile de Berlin qui erre affamée et totalement désemparée dans les ruines de la ville bombardée.

    Et c’est là que commencent les problèmes ! Car, pendant 2h30, on ne voit que des Allemands dans le film. Une grosse poignée de salauds, les dignitaires nazis, et des milliers de victimes, ceux que la folie des premiers a conduit au désastre. Par contre, les patrons, allemands eux aussi, qui ont amené les nazis au pouvoir et ont prospéré sous leur dictature, sont curieusement aux abonnés absents, tout comme l’armée allemande d’ailleurs. Sans même parler des 20 millions de morts soviétiques, des 6 millions de juifs exterminés dans les camps et des populations qui ont connu l’occupation de l’Atlantique à l’Oural. Ce qui fait quand même beaucoup de monde !

    « La Chute » est basée sur les travaux de Joachim Fest, un historien allemand renommé qui appartient à l’école conservatrice et anticommuniste toujours dominante dans l’Allemagne d’aujourd’hui. Sans manifester aucune sympathie pour le régime nazi, cette école a cependant comme fond commun de traiter le nazisme comme une « monstruosité historique » qui s’est imposée à une population qui fut donc d’abord la victime de ce régime avant de devenir celle d’une guerre perdue. Cette analyse ne permet guère de comprendre la dynamique sociale et politique qui a permis au mouvement nazi de mobiliser une fraction importante de la population allemande. Mais elle est bien commode pour garder un voile pudique sur les multiples soutiens – dans la droite et le patronat – qui ont permis aux nazis d’accéder au pouvoir. Et, puisque le nazisme n’aurait été ainsi qu’une parenthèse dramatique dans l’histoire allemande, cette vision est de plus parfaitement compatible avec le nationalisme « présentable » d’une grande puissance qui aurait retrouvé après 1945 sa vraie nature démocratique.

    Olivier Hirschbiegel, le réalisateur du film, n’est certainement pas loin de cette vision quand il affirme qu’il est « très fier d’avoir contribué à réaliser un film authentiquement allemand qui aborde l’histoire allemande sans porter de jugement a priori, sans cynisme et sans arrogance et qui suscite des interrogations chez le spectateur. Personne n’a le droit de nous empêcher de parler de notre propre histoire, sauf nous-mêmes. » Comprendre ce que fut réellement le fascisme dans les années ’30 pour mieux combattre celui qui remonte aujourd’hui un peu partout en Europe est de première importance. Malheureusement, « La Chute » ne nous y aidera pas beaucoup.

  • Carnets de voyage: d’Ernesto Guevara à Che Guevara…

    FILM

    Plus de trente années après sa mort, que reste t-il encore de la révolte qu’avait réussi à insuffler le Che à ses contemporains? L’image du grand révolutionnaire, complètement dépolitisée, ne sert plus aujourd’hui que d’icône publicitaire, au même titre que les stars préfabriquées pour ados. Fort heureusement, Diarios de Motocicleta ne participe aucunement à ce phénomène.

    Nicolas Croes

    Ce qui est conté ici est la transformation du jeune Ernesto Guevara, l’évolution qui fera de lui le Che. En 1952, accompagné d’Alberto Granado, il décida de partir à la découverte de l’Amérique latine à l’aide d’une moto, baptisée ironiquement la «Poderosa» (puissante). C’est au court de ce voyage qu’il fut confronté aux réalités sociales du continent, et qu’il se dirigea vers le marxisme.

    Pour réalisé ce road-movie magistral, Walter Salles a bénéficié de l’aide d’Alberto Granado, qui est toujours en vie et habite à Cuba, tout en ce basant sur les notes que le Che avait prises, et publiées. Mais si le film est avant tout l’histoire de deux amis, la mise en scène ne délaisse pas l’aspect social et politique de ce voyage initiatique, loin de là.

    On ne peut que compatir aux problèmes que rencontre le duo, notamment à la fin de la «Poderosa», véritable départ du film puisque c’est à partir de ce moment que les deux médecins vont réellement entrer en contact avec la population. Pourtant, très rapidement, et ce malgré leur situation parfois très pénible, ils se rendent compte qu’ils restent des privilégiés, libres qu’ils sont de ne pas avoir à vendre leur force de travail. Et c’est l’esclavage salarié, et la misère qui en découle, qui va amener Ernesto à changer l’orientation de sa vie, pour devenir le porte-parole d’une Amérique Latine des peuples, enfin libérée de la soumission à l’impérialisme.

  • FILM: FAHRENHEIT 9/11

    Le film de Moore son succès, son style percutant, montre que la seule raison de cette guerre est le pétrole. Que le gouvernement américain sert les intérêts des grosses entreprises et des banques.

    Geert Cool

    Tout au long du film, la critique se durcit. Le point culminant est la visite de Moore à Flint, petite ville du Michigan lourdement frappée par le chômage. A Flint l’armée recrute massivement et agressivement des jeunes qui ne voient pas d’autre issue. Les victimes de la guerre se trouvent dans les couches les plus pauvres de la population, et cela dans les deux camps.

    Bush était en excellents termes avec la famille Ben Laden. Les grosses entreprises américaines, liées à l’entourage de Bush, font des profits colossaux grâce à la guerre. Bush père siège à la direction de l’entreprise Carlyle, Dick Cheney a été PDG de Halliburton des années durant… Ces deux firmes sont spécialisées dans l’armement et la reconstruction.

    Le film de Michael Moore accuse avec virulence la façon dont travaille l’establishment. Mais le film se limite à une forte critique anti Bush sans qu’aucune alternative ne soit proposée. C’est dommage. Mais le succès de Fahrenheit 9/11 illustre le potentiel de construction d’une alternative anticapitaliste et socialiste.

  • LA MUSIQUE OUI! Mais à quel prix?

    LE FESTIVAL DE ROCK Pukkelpop a vu ses prix augmenter de 35 euros en 3 ans. En 2002, un ticket de concert à Forest National se vendait entre 30 et 35 euros ; il n’est pas rare aujourd’hui de devoir débourser le double, voire le triple, pour assister à un concert du même acabit. Si les festivals d’été et les concerts sont l’occasion pour beaucoup de jeunes de se détendre au son de leurs musiques préférées, c’est aussi l’occasion pour une poignée de « mastodontes » de réaliser de plantureux bénéfices…

    Cédric Gérôme

    « C’est Mozart qu’on assassine… »

    Alors que les festivals de musique n’ont jamais été aussi chers, ceux-ci perdent de plus en plus de leur qualité musicale pour devenir de vulgaires lieux de consommation et de propagande publicitaire. Utilisation subtile de bénévoles, obligation de consommer les boissons vendues à un coût exorbitant dans l’enceinte du festival…

    Aux yeux des quelques grosses firmes qui contrôlent l’organisation des festivals et des concerts en salle, tous les moyens sont bons pour accroître leurs profits. Ainsi, Clear Channel, la puissante multinationale américaine qui a racheté la quasi-intégralité des promoteurs de concerts et de festivals en Belgique (Werchter, I love techno, Pukkelpop…), s’occupant également du business juteux de « Star Academy », et dont le bénéfice annuel avoisine les 8 milliards d’euros, fut un des promoteurs principal de la campagne guerrière de Bush. En échange de 200.000 $ versés au parti républicain et d’une campagne de propagande en faveur de la guerre, celle-ci s’est encore vu augmenter ses parts de marché par la Commission Fédérale des Communications, dont le président n’est autre que Michael Powell…le fils de Colin Powell.

    Parallèlement, l’industrie du disque est le théâtre de nombreuses « restructurations »: après avoir lancé la distribution de musique sur internet, les gros monopoles du multimédia se plaignent maintenant de la chute de la vente de disques et se débarrasse ainsi des artistes insuffisamment rentables. BMG, filiale du géant allemand Bertelsmann, compte licencier 60% de son personnel. Tous les artistes qui ont vendu moins de 25.000 disques cette année sont gentiment « remerciés ». En outre, BMG s’apprête à fusionner avec Sony, qui a annoncé récemment la suppression de 20.000 emplois d’ici 2006. Cette opération leur permettra de renforcer leur position dominante sur le marché et de faire exploser les prix. Si les jeunes et les travailleurs, artistes en tête, sont les premières victimes de cette logique, les big boss de l’industrie musicale s’en portent donc pour le mieux.

    ORGANISONS LA RÉSISTANCE !

    Tout comme l’enseignement et les services publics, le secteur musical est la cible de l’offensive patronale. Les festivals d’été doivent rester des lieux de divertissements, et non des créneaux supplémentaires pour les profits de la bourgeoisie. Nous ne pouvons accepter que le capitalisme commercialise nos loisirs, car c’est nous, jeunes, travailleurs, qui en payons la note. Rejoignez nos rangs pour combattre ce système et construire avec nous un avenir enir meilleur meilleur, une société socialiste

  • Disparitions

    Elie Gross (1947-2003)

    Elie nous a quitté fin novembre. Fils d’un père émigré juif polonais qui avait pour ami d’enfance Isaac Deutscher, et d’une mère juive séfarade, Elie est né à Casablanca. Il arrive en Belgique en 1956 et adhère, à dix ans, à la branche jeunes de l’Union des Progressistes juifs de Belgique (UPJB). Il sera un des piliers de l’UPJB pendant des dizaines d’années. Militant de la Ligue révolutionnaire des Travailleurs (LRT) dans les années 70 et 80, délégué syndical dans l’enseignement, fondateur (à la fin des années 70) du Comité du 1er Mai pour les Libertés démocratiques et ouvrières en Europe de l’Est, Elie aura été de tous les combats contre le racisme, le sionisme, l’impérialisme et la bureaucratie stalinienne. Il n’appartenait plus à un parti depuis plusieurs années, mais continuait de suivre avec attention toute tentative de créer une alternative gauche. C’est ainsi qu’il était abonné à notre mensuel depuis le n°1.

    Serge Cols (1932-2003)

    Serge a commencé à militer dès l’âge de 15 ans. Son vécu d’enfant juif caché, pendant la guerre, a fortement marqué sa personnalité et a fait de lui à la fois un militant antiraciste et anticapitaliste infatigable, mais aussi un anticonformiste qui n’hésitait pas à aller seul à contre-courant. C’est ainsi qu’il a été exclu du Parti communiste dans les années 50, puis du groupe Grippa (pro chinois) dans les années 60. Condamné et emprisonné pour avoir aidé des révolutionnaires portugais sous la dictature de Caetano, il est devenu dans les années 90 un des piliers du mouvement antimondialiste en Belgique. Leader naturel d’Attac Bruxelles, il a joué un rôle clé dans la mise sur pied de D14, la coordination qui a mis sur pied la manifestation contre le sommet de Laeken en décembre 2001.

    Nous saluons la mémoire de ce deux camarades qui viennent de disparaître et nous adressons nos salutations fraternelles à tous leurs amis.

    Guy Van Sinoy

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