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[DOSSIER] L'Union Européenne: un projet antisocial dès ses origines
Le modèle social européen «est déjà mort», comme l’a un jour déclaré Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne. La réalité de la crise économique, l’empressement avec laquelle le monde politico-économique s’en est servi pour aller vers toujours plus de néo-libéralisme ont piétiné l’illusion de la soi-disant «Europe sociale» promue par tous les sociaux-démocrates de la communauté européenne. Certains pourtant, y compris dans les rangs de ceux qui la critiquent, persistent à défendre le retour à une Europe meilleure et plus sociale.
Le texte qui suit est issu de la brochure de PAUL MURPHY «TSCG, un traité qui rime avec austérité» écrite dans le cadre du référendum irlandais de 2012 consacré au Traité de Stabilité, de Coopération et de Gouvernance (TSCG), le pacte budgétaire européen. Paul Murphy était à l’époque député européen du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière). Il est aujourd’hui député au parlement irlandais.
Il s’agit encore d’une idée fausse. L’Union Européenne n’a pas été transformée, «l’Europe de l’Austérité» n’a pas pris la place de «l’Europe Sociale». La crise économique lui a au contraire permis d’apparaître sous son vrai jour maintenant que le capitalisme et ses représentants montrent leurs dents. Les divers textes législatifs ont, les uns à la suite des autres, façonné une Europe conçue dans l’intérêt du capital et non dans celui des travailleurs.
L’Union Européenne, que ce soit dans ces formes anciennes ou actuelles, n’a jamais eu vocation à être sociale. Il s’agit depuis toujours d’un club pour les capitalistes qu’elle représente et grâce auquel ils peuvent mieux apparaître sur le marché mondial. Sa création ne participe pas d’un processus élaboré à la base avec l’implication des travailleurs et à leur bénéfice. Comme l’a observé le révolutionnaire Léon Trotsky dès 1923 : «les forces de production capitalistes ont dépassé le cadre des Etats nationaux européens». A l’époque déjà, les classes capitalistes étaient à la recherche de plus grands marchés et souhaitaient obtenir un plus grand pouvoir politique.
La construction européenne eut pour premier déclencheur la fondation de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1951. Les capitalistes français, soutenus en cela par l’impérialisme US, entendaient contenir la domination allemande dans l’Europe d’après-guerre. Pour y parvenir, ils enfermèrent ce pays dans un projet de développement à l’Ouest du continent. On redoutait également la force du mouvement ouvrier, alors une menace pour le capitalisme en Europe. On espérait protéger le capitalisme de la révolution par la stabilité qu’apporterait le développement économique.
A mesure que le projet européen avançait, deux processus émergèrent pour satisfaire les besoins des classes capitalistes en Europe.
1. Par la construction d’un marché commun, dans lequel la libre circulation du capital et de la main d’oeuvre en Europe rendrait possible une pression à la baisse sur les salaires et les droits des travailleurs, tandis qu’elle s’emploierait à étendre le libéralisme.
2. Par une action commune sur la scène internationale en mutualisant les ressources fut-ce en sacrifiant une certaine souveraineté. Cette stratégie comporte deux volets: le premier consiste à accroître leur pouvoir pour mieux exploiter les peuples et les ressources dans les pays les moins développés, grâce à la possibilité de négocier en tant que bloc; les accords sur le libre échange en sont un bon exemple. Quant au second, il s’agit de concurrencer une Amérique sur le déclin tandis que la Chine commence à émerger. On retrouve cette préoccupation dans l’ensemble des documents rédigés par l’élite politique européenne au cours des dix années écoulées. Que cela soit dans ces formes anciennes ou actuelles l’Union Européenne n’a jamais eu de vocation sociale.
Conflits entre capitalistes européens
On observe des tensions entre ces deux objectifs clé, tout comme des conflits entre différentes formes de capitalisme. Du côté britannique, le lien spécifique avec l’impérialisme américain conduit à privilégier le premier aspect ; en France au contraire on insiste sur l’intégration politique et l’indépendance de l’Europe pour ne plus subir la main mise américaine. Cela eut pour conséquence l’opposition du président de Gaulle à l’entrée de la Grande Bretagne dans le Marché Commun en 1963 et, si elle y est parvenue ultérieurement, elle n’a jamais montré beaucoup d’enthousiasme dans sa participation (rappelons que ce texte a été écrit avant le vote du Brexit, NDLR).
Les tensions à ce propos ont toujours été de mise parmi les différents capitalistes d’Europe. On parle généralement pour cela d’une opposition entre l’approche «fédéraliste» et l’autre, «intergouvernementale». L’Allemagne pousse le plus souvent vers une Europe «fédérale» dans laquelle les principaux pouvoirs seraient attribués à la Commission Européenne et dans une moindre mesure au Parlement. A l’inverse les gouvernements français ont toujours insisté sur la nature intergouvernementale du projet. Ils cherchent ainsi à donner le pouvoir au Conseil Européen dans lequel chaque état membre est représenté. Ces différences illustrent tant la confiance du capitalisme français dans sa capacité à mieux négocier dans un cadre intergouvernemental que l’ambition allemande d’étendre sa domination à l’Est, d’où son besoin croissant en institutions fédérales.
On a vu les traités se succéder, chacun dépassant son prédécesseur pour rendre l’Europe encore plus néo-libérale. Le Traité de Maastricht et ses «Critères de Convergences» suivi du Pacte de Croissance et de Stabilité affichent la volonté de graver ce modèle dans le marbre, d’accélérer dans toute l’Europe les attaques contre les travailleurs par la réduction des dépenses publiques. Ce phénomène, tout comme le processus d’intégration politique et militaire prit de l’ampleur à Nice et à Lisbonne.
Malgré l’idée suggérée puis abandonnée d’une conscription européenne par les partisans du OUI à Lisbonne II, les establishments politiques doivent disposer d’une force militaire pour consolider leur pouvoir. Le président français Sarkozy a souligné ce concept sous-jacent en déclarant: «L’Europe ne peut à la fois être un nain en matière de défense et un géant économique.» Quant à Javier Solana, ancien Haut Représentant de l’UE, il a déclaré alors qu’il nommait un chef de l’Agence de Défense Européenne: «L’Europe a plus que jamais besoin de mettre son potentiel militaire à la hauteur de ses aspirations. Il nous faut aussi mieux répondre aux défis auxquels sont confrontés nos industries de l’armement. Cette Agence peut changer beaucoup de choses.»
Retardé par une large opposition des opinions publiques aux différents traités, ce processus s’est cependant poursuivi, celui de Lisbonne permettant d’établir des alliances militaires internes au sein même de l’Union,
Une Europe sociale?
Les aspects plus «sociaux» de l’Europe capitaliste comme les «Etats providence» et les droits des travailleurs, sont des réalisations d’après-guerre; non pas de généreux cadeaux offerts par le système économique, mais au contraire le fruit de luttes menées par un mouvement ouvrier relativement fort. Y compris dans les occasions où la transposition de la législation européenne au cadre national irlandais a par exemple permis d’améliorer la condition des salariés et des femmes, on doit y voir le résultat de luttes menées tant sur en Irlande que dans l’ensemble de l’Europe, et non un don octroyé par le système. De façon générale cependant, l’Union Européenne et ses leaders ont préféré travailler à leur réduction et à leur sape plutôt qu’à leur sauvegarde.
Ces vingt dernières années, les partis dits «sociaux-démocrates», comme le Parti Travailliste, le Parti Socialiste en France et le SPD en Allemagne ont connu une profonde mutation. Malgré une direction acquise au capitalisme, ils possédaient autrefois une base ouvrière ; ce n’est plus le cas aujourd’hui. Toutefois, si les directions ne se sont jamais réclamées d’une authentique transformation socialiste, ces partis offrirent jadis une réelle alternative à l’orthodoxie capitaliste.
Sous l’effet combiné de graves défaites ouvrières dans les années ‘80, comme la grève des mineurs britanniques, et de la chute du stalinisme, ces appareils se trouvèrent désorientés et effectuèrent un virage à droite significatif. Une fois perdu le lien avec la classe ouvrière, ils devinrent ouvertement des partis capitalistes. Les sociaux-démocrates ont mené des politiques néo-libérales dans toute l’Europe, minant les précédentes conquêtes que l’on pouvait dans une certaine mesure porter à leur crédit.
L’intégration européenne et la montée de ce que l’on appelle couramment le néo-libéralisme se sont déroulées simultanément. Le néolibéralisme a été porté par des économistes comme Milton Friedman et des chefs politiques comme Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Dans les grandes lignes, l’idée est de prôner une intervention réduite de l’Etat, la privatisation des services publics, la réduction des dépenses sociales, tout ceci accompagné d’une politique monétaire donnant priorité au contrôle de l’inflation sur la lutte contre le chômage.
Pendant la crise des années ’70, ce courant de pensée devint majoritaire dans le camp capitaliste, tant dans les milieux universitaires que politiques. David Harvey en explique les causes dans son livre Une Brève Histoire du Néo-Libéralisme: «la baisse des profits a amené la classe capitaliste à augmenter le taux d’exploitation des travailleurs et à diminuer la part des salaires dans la répartition des richesses; il a également fallu ouvrir de nouveaux marchés, privatiser la santé et l’éducation.» (David Harvey, « Brève Histoire du Néo-Libéralisme », Oxford Press, 2005.)
Le lancement de l’euro
La création du Mécanisme de Maintien des Taux de Change en 1979, puis le lancement de l’euro comme monnaie commune en 1999 constituent d’autres étapes vers la construction de ce club pour capitalistes. De leur point de vue, ce processus servait un double objectif tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
A l’intérieur il devait mener à une plus grande intégration du le marché commun, par la baisse du coût des transactions et une meilleure rétribution du capital. Le néo-libéralisme se forgea une autre arme : il créa la Banque Centrale Européenne, qu’il voulut indépendante et donc libre de tout contrôle démocratique. On lui donna un rôle encore bien plus limité que celui de la Réserve Fédérale : en effet sa seule fonction consiste à limiter l’inflation, sans chercher à parvenir au plein emploi. Combler un déficit de compétitivité par la dévaluation étant devenu impossible, la pression sur les salaires et les conditions de travail se fit plus forte.
Autre idée, créer une nouvelle monnaie de réserve pouvant rivaliser avec le dollar sur les marchés internationaux; elle contribua à établir la primauté du capital financier et fit de l’Allemagne un élément clé dans ce système international.
Aujourd’hui encore, le processus d’intégration reste truffé de contradictions, traversé par les conflits entre les différents capitalistes d’Europe, car le capitalisme européen continue d’opérer au niveau national ; il repose sur des grandes entreprises implantées dans des états-nations particuliers, généralement celui où elles sont nées et qui représente leurs intérêts.
On a sans doute assisté à une «européanisation» du capital au moyen de fusions transfrontalières ; certaines entreprises ont d’ailleurs accru leur activité dans un pays différent du leur.
Concrètement, cette tendance s’est traduite par la création de lobbies agissant au niveau de l’Union telle La Table Ronde des Industriels, même si dans leur majorité les grosses entreprises restent liées à un Etat en particulier.
Ces contradictions sont devenues un facteur prépondérant dans la crise économique ; l’absence d’union politique et fiscale d’une part, la divergence plutôt que la convergence économique de l’autre ont contribué à les exacerber. Sous l’effet de la crise, on a vu apparaître – en plus de l’opposition capital/travail – des conflits à l’intérieur même de la classe capitaliste dont les intérêts ne sont pas homogènes.
Et la démocratie?
La démocratie n’est jamais été l’apanage du projet européen, conçu par les élites politiques et économiques, auquel les peuples n’ont jamais été associés. A son stade actuel, il rappelle beaucoup les propos de Friedrich von Hayek: à une époque, ce théoricien du néo-libéralisme défendit ardemment la perspective de l’intégration ; il y voyait un effet un moyen de réduire la capacité d’intervention des Etats dans l’économie.
Comme l’a expliqué Peter Gowan : « Pour Hayek, les problèmes de l’Europe prennent leur source dans la montée de la souveraineté populaire et dans le possible contrôle démocratique de l’économie. Il perçoit de façon brillante comment les lois contenues dans ce traité international permettent de transgresser celles en vigueur dans les parlements nationaux classiques ; il en est de même pour leurs choix politiques. Qu’un traité puisse statuer sur des questions propres à chaque Etat permet donc d’empêcher ceux-ci de les élaborer démocratiquement, d’où ce zèle exercé depuis les années ‘80 pour l’établir. L’Europe selon Hayek se doit donc d’agir en force négative, en obstacle au contrôle démocratique des économies nationales.» (Peter Gowan, L’Etat de l’Union, le Contexte International, Euromemo Annual Workshop, 2005)
Cela reste vrai à l’heure actuelle. Karel De Gucht, alors ministre belge de la politique étrangère et ensuite commissaire européen a ainsi expliqué le lien entre le Traité de Lisbonne et la Constitution que les peuples français et néerlandais ont rejetée : «Le Traité Constitutionnel avait pour but d’être lisible à l’inverse de celui-ci […] La Constitution visait à être claire alors que ce traité se doit d’être obscur. Pari gagné.» (Flanders Info, 23 juin 2007.)
Il s’agit d’adopter une approche technocratique de la politique et de l’économie. Des discussions importantes relatives à notre vie quotidienne se tiennent au niveau de l’Union Européenne ; leur sens est cependant occulté par un langage technocratique. Ainsi, les peuples peuvent difficilement les suivre, encore moins s’y opposer et le pouvoir de décision leur échappe.
Les Institutions Européennes
L’Europe dispose d’une architecture institutionnelle profondément anti-démocratique, y compris selon les critères du parlementarisme bourgeois, car elle constitue un moyen terme entre ses principaux protagonistes, certains partisans du fédéralisme, d’autres d’une structure intergouvernementale. De fait, seuls les membres de la Commission et du Conseil, instances non élues, y détiennent un réel pouvoir.
Les membres de la Commission Européenne sont nommés par différents gouvernements de l’Union. Son rôle consiste à élaborer des politiques conformes aux intérêts du capital en Europe et son seul pouvoir se résume à proposer des lois ; vient ensuite le Conseil Européen qui réunit les chefs de gouvernement et les ministres des différents Etats.
Le soi-disant Parlement Européen n’en possède que le nom, dépourvu de son droit le plus élémentaire, celui de proposer des lois et de demander des comptes à l’exécutif. Perry Anderson a très bien résumé son rôle : «C’est une machine à produire une mise en scène gouvernementale bien plus que des lois ; elle donne à voir une façade symbolique assez semblable, dirais-je, à la monarchie britannique.» (Perry Anderson, Ce Nouveau Vieux Monde, p 23, Verso 2009.)
Grâce à cette façade on crée une illusion de démocratie ; on peut par exemple citer le droit d’ «Initiative Citoyenne» qui assure aux auteurs d’une pétition qu’elle recevra «toute l’attention» de la Commission Européenne à une condition : avoir recueilli un million de signataires.
Que les adeptes du Traité de Lisbonne aient bruyamment annoncé un pouvoir accru au Parlement ne les a guère empêchés de l’ignorer et l’Europe actuelle fonctionne encore moins démocratiquement qu’à sa création.
Le projet européen n’a même jamais été social-démocrate ; il est depuis toujours inspiré par les pouvoirs capitalistes à l’intérieur de l’Union, dont le «masque social» est tombé avec la crise. Une chose apparait désormais clairement : l’Europe capitaliste n’offre aucune perspective à la classe ouvrière ; il faudra donc en construire une autre.
Le capitalisme et les politiques néo-libérales ont mené l’Europe à une grave crise : l’UE doit faire face à la stagnation économique, alors que les Etats à sa périphérie connaissent un sérieux déclin. Les salariés en font les frais: le chômage a explosé depuis l’arrivée de l’euro -17 millions de chômeurs dans la zone euro et 25 dans l’ensemble de l’Union. Le niveau de vie, les services publics sont menacés et les solutions préconisées par le traité ne font qu’aggraver les choses.
Voici l’Europe à la croisée des chemins. Si elle continue dans cette voie, elle est condamnée à une grave dépression économique, à un effondrement qui suscitera à la fois l’instabilité et une crise massive, une pauvreté jamais connue depuis des décennies. Cela annonce également plus d’oppression pour les peuples car la dictature des marchés et de la finance se maintiendra au détriment des droits démocratiques.
Une solution radicale s’impose, allant à contre-courant du traité, un changement révolutionnaire pour rompre avec l’actuelle Union Européenne capitaliste. Il faut dépasser une société et une économie façonnées conformément aux intérêts des banquiers, des grosses entreprises et des plus riches ; pour ce faire il faut mettre en place des gouvernements au service des travailleurs d’Europe, déterminés à accomplir des changements socialistes et ainsi donner priorité aux besoins des peuples sur les profits d’une minorité.
Un combat commun à tous les travailleurs d’Europe
La nécessité de se battre contre les politiques d’austérité qui détruisent la vie des gens s’impose dans toute l’Union. Ce sont les institutions européennes comme la Commission et la Banque Centrale qui ont elles-mêmes lancé cet assaut si bien coordonné contre le niveau de vie, aidées en cela par les gouvernements allemand et français.
Le mouvement ouvrier européen est d’abord confronté à une tâche à moyen terme : coordonner et unifier les luttes contre l’austérité. Cela permettrait également d’enrayer la montée des nationalismes qui visent à le diviser. Les errements des directions syndicales européennes, organisant au mieux une journée de protestation sans réel caractère en freinent la progression ; la mobilisation n’est donc pas à la hauteur de l’enjeu. Il revient à la base de lancer un appel massif à l’unité d’action et à la coordination des luttes.
Ces deux dernières années (2010 et 2011, NDLR), le Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière) a pris des initiatives en ce sens, relayées par des parlementaires de la fraction Gauche Unie Européenne au Parlement européen: l’une d’entre elles fut l’organisation d’une manifestation en Grèce qui rassembla plusieurs milliers de participants et au cours de laquelle Joe Higgins (à l’époque député irlandais du Socialist Party) prit la parole. Le dernier appel date de l’an dernier (2011), signé par 11 euro-députés ainsi que moi-même; en voici un extrait :
«Nous demandons solennellement aux syndicats européens de tout mettre en oeuvre pour faire du 21 juin une grande journée de protestation et de grèves contre l’austérité. Pour ce faire des actions solidaires exprimant une opposition claire à l’establishment européen devraient se tenir dans toute l’Union pendant les semaines à venir. Nous appellerons à un rassemblement des partis politiques, des syndicats et des associations auxquelles nous sommes affiliés.
Dans tous les pays le niveau de vie est menacé. Les travailleurs, la jeunesse, les chômeurs, les exclus et les retraités doivent d’urgence organiser la réplique unitaire. Cette première étape devra déboucher sur d’autres actions de même ampleur, y compris dans les entreprises, afin d’aboutir à une journée de grève générale dans toute l’Europe.»
Cet objectif demeure essentiel. Une journée européenne de grève générale contre l’austérité montrerait la capacité des travailleurs à se mobiliser et sèmerait la peur chez tous les capitalistes de l’Union. Ce sera le point de départ pour une action dans l’ensemble des pays du PIIGS; le mouvement ouvrier doit désormais s’organiser à ce niveau.(PIGS (littéralement, « porcs » en anglais) est un acronyme1 utilisé pour la première fois en 2008 par quelques journalistes britanniques et américains, spécialisés en finances ou en économie, pour désigner quatre pays de l’Union européenne : Portugal, Irlande, Grèce et Espagne (« Spain », en anglais) Parfois, l’Italie est incluse dans le lot, ce qui donne PIIGS)
Pour des gouvernements ouvriers
Appeler à une «Europe sociale» mythique ne suffit pas pour défier la logique de l’austérité et de la crise économique dont les travailleurs subissent les conséquences ; il faut aussi proposer une politique alternative. Pour tous ceux qui dans le monde pensent comme nous, au Comité pour une Internationale Ouvrière, cela signifie une rupture radicale avec le système capitaliste qui conditionne l’organisation sociale à la recherche du profit.
Nous nous battons au contraire pour un gouvernement des travailleurs qui briserait cette logique, leur donnerait le pouvoir au lieu de l’abandonner aux représentants du grand capital et mettrait en oeuvre des politiques socialistes planifiées démocratiquement ; nous satisferions ainsi les besoins du peuple et non du capital.
Détailler ici ce que serait une politique 100% socialiste serait trop long. Nous nous contenterons de mettre en avant quelques grands axes de référence pour plusieurs pays d’Europe.
D’où viendraient les ressources ?
Quoiqu’en dise la propagande, l’Europe ne manque pas de richesses. En Irlande comme ailleurs, la crise a profité aux riches. Un rapport publié par Merrill Lynch en 2011 montre que le «Club des riches» d’Europe possède plus de 7.5 trilliards d’euros, soit deux fois le PIB de l’Allemagne, la plus grande puissance économique européenne. Malgré la crise les énormes profits réalisés par les grandes entreprises continuent d’augmenter ; dans la zone euro elles ont enregistré jusqu’à 3.6 trilliards de bénéfices en 2010. Une taxation des excédents à au moins 50%, un impôt sur les richesses, les gros revenus et les bénéfices des grandes entreprises, permettrait de socialiser cet argent et de l’employer au bien-être de tous plutôt qu’à l’enrichissement de quelques-uns. Les entreprises qui refuseraient d’investir leurs énormes profits dans la création d’emplois seraient nationalisées et placées sous contrôle public démocratique ; elles serviraient ainsi la société dans son ensemble.
Refusons de payer les dettes
Des niveaux de dettes insupportables paralysent l’économie des pays à la périphérie de l’Europe. L’Irlande devra rembourser 7 milliards d’intérêts en 2011 et ce chiffre dépassera les 9 milliards dans les années à venir. Faire supporter cela aux peuples est une injustice. L’intérêt des salariés doit l’emporter sur ceux qui des obligataires. Pour toucher des compensations ils devraient prouver que leur argent ainsi investi est indispensable au paiement des retraites des travailleurs ayant placé leurs économies dans des fonds de pension ou à la garantie de leur épargne. Aux riches d’assumer eux-mêmes les conséquences de leur crise.
Aidons les peuples, pas les banques.
La crise économique a montré l’immense pouvoir du secteur financier que banquiers et spéculateurs emploient actuellement à mener des politiques de droite. Les travailleurs du monde entier s’exposent à la colère des marchés s’ils refusent des baisses de salaires ou des coupes dans les services publics. Nationaliser les secteurs clés de la finance permettrait d’inverser la tendance ; l’argent profiterait alors à la collectivité par des prêts bon marché attribués aux patrons de petites entreprises ou exploitations agricoles ; les prêts immobiliers et leurs mensualités seraient recalculés en fonction de la valeur de l’habitation. Les banques centrales passeraient sous contrôle démocratique de sorte à servir les intérêts des travailleurs et non plus ceux du capital.
De ce fait la puissance et la richesse du secteur financier seraient employés à libérer les peuples du poids de la dette, plutôt qu’à soutenir les banques, les actionnaires et les riches obligataires.
De l’investissement public pour créer des emplois
En Irlande comme ailleurs, l’effondrement de l’investissement privé explique en grande partie cette profonde crise économique. En Europe, sa chute en termes d’apport en capital brut a atteint 565 milliards, la perte totale atteignant 611 milliards, ceci malgré les 2 trilliards de réserves injectés dans la trésorerie des principales entreprises. Nous assistons donc à une baisse de l’investissement et à une explosion de la richesse associées à un chômage tel qu’un investissement public massif s’impose pour y remédier. Lors de sa proposition de pré-budget en 2011, l’Alliance de la Gauche Unie a mis l’accent sur un pan d’investissement public qui créerait 150 000 emplois : cela inclurait un programme de collecte des eaux de pluie, la remise en état et l’isolation de bâtiments publics, la démolition de tous les logements sociaux désormais inadaptés et leur remplacement par des constructions conformes aux normes du développement durable. La demande pour de tels programmes s’étend à toute l’Europe. Si de plus celle-ci devenait socialiste, on pourrait élaborer un vaste programme d’investissement public dans l’infrastructure pan-européenne.
En lieu et place de la crise capitaliste, la planification démocratique
Cette crise économique, cause de souffrances pour des milliards d’entre nous n’est autre que celle du capitalisme. Ce système s’appuie à la fois sur la possession de capitaux privés et de scandaleuses quantités de richesses : il doit disparaitre. Une Europe des Travailleurs nationaliserait les secteurs clés de l’économie qui deviendraient propriété des salariés ; ils seraient gérés démocratiquement selon une planification rationnelle pour satisfaire les besoins des peuples.
Ce que nous proposons n’a rien à voir avec la caricature de planification socialiste en vigueur sous le stalinisme où elle s’exerçait de manière bureaucratique sous une dictature. Bien au contraire, le contexte serait celui d’une authentique démocratie ; chaque citoyen prendrait part aux décisions relatives au fonctionnement de la société, de l’économie au lieu de s’en remettre à une main invisible uniquement vouée à augmenter les profits des grosses entreprises. Dans une telle société socialiste, les représentants élus seraient révocables, rendraient compte à leurs mandataires et recevraient un salaire équivalent au leur.
Une planification socialiste coordonnée et démocratique permettrait de consacrer les ressources de l’Europe à l’industrie, au développement et à la recherche sur tout le continent qui a subi une désindustrialisation au cours des précédentes décennies. Cette tendance s’inverserait dans un plan respectueux du développement durable ; on investirait dans la transition des carburants fossiles vers les énergies renouvelables et leur usage efficient. Cela apporterait une croissance tant économique qu’écologique, à l’inverse des bulles immobilières financées par le crédit comme ce fut le cas en Irlande et en Espagne.
NON à l’Europe des Patrons OUI à une Confédération Européenne Démocratique et Socialiste
Une Europe démocratique et socialiste ne naîtra pas des cendres de l’Europe capitaliste. Les travailleurs devront arracher le pouvoir à ceux qui aujourd’hui le détiennent.
L’impact mondial des révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient, l’occupation grandissante des places publiques montrent la puissance de l’exemple, alors que les idées et le désir d’action se propagent à la rapidité de l’éclair. Qu’un seul pays d’Europe devienne socialiste et l’impact révolutionnaire sur les autres serait immédiat. Qu’en Grèce ou au Portugal les travailleurs prennent le pouvoir dynamiserait ceux des autres pays de l’Union.
L’avènement du socialisme dans certains pays nécessiterait un débat: faudrait-il limiter l’expérience à ces pays ou fonder une confédération d’états socialistes européens? Il ne s’agirait pas seulement de « réformer » l’Europe capitaliste, mais d’en construire une autre, complètement différente dans son organisation, fondée sur les principes de solidarité et d’égalité.
A l’opposé de ce que nous connaissons dans l’actuelle Union, où les peuples sont le plus possible maintenus éloignés des décisions, une société socialiste déplacerait le pouvoir au niveau local, comme le lieu de travail ou de résidence. Des représentants élus démocratiquement, révocables prendraient des décisions au plan européen. On utiliserait l’investissement public et la planification économique pour aider au développement des pays aux économies les plus faibles et assurer l’égalité entre les différents états.
Pour mener à bien ce combat, il nous faut non seulement refuser le Traité d’Austérité, mais aussi construire dans toute l’Europe des partis qui se consacreront à élaborer ces changements révolutionnaires. Le Socialist Party ainsi que d’autres partis frères au « Comité pour une Internationale Ouvrière » (www.socialist-world.net) est pleinement engagé dans cette tâche essentielle. De même, nous nous attachons à reconstruire le mouvement ouvrier : nous voulons pour cela que les syndicats deviennent des outils démocratiques servant les luttes des travailleurs ; nous travaillons également à la construction de nouveaux partis politiques de masse représentant la classe ouvrière. Ici en Irlande, le lancement et la création de l’Alliance de la Gauche Unie constitue une large part de ce processus.
