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Delhaize : si ça passe là, c’est tout le secteur qui suivra
Non à la spirale infernale !
Malgré un bénéfice record de 2,5 milliards d’euros, Ahold Delhaize – qui ferait mieux de s’appeler Holdup-Delhaize – s’attaque à ses travailleurs et travailleuses pour encore augmenter ses profits d’un milliard d’euros. Par le biais de la franchisation, Delhaize veut se débarrasser de 9.000 employés. Cela représente 13% des 70.000 personnes employées dans la distribution alimentaire.
Par Wouter (Gand), article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste
Le prétexte est de gagner plus rapidement une meilleure part de marché. Le résultat escompté n’est pas du tout certain: 25 % des magasins franchisés sont aujourd’hui en difficulté. Il y a tout simplement trop de concurrence entre magasins en Belgique. L’an dernier, 75 supermarchés ont été créés.
Ces chaînes négligent les salaires de leurs travailleurs pour se battre contre leurs concurrents. La croissance de l’une se fait au détriment d’une autre. C’est très clairement néfaste au personnel mais ceux qui osent dire que c’est à l’avantage des clients ne sont certainement pas allés faire des courses par eux-mêmes depuis longtemps. En un an, le prix d’un caddie de supermarché a augmenté de près de 20%.
Conditions de travail et de salaire plombées
L’arrivée récente des magasins Albert Heijn et Jumbo a accéléré la course vers le bas. Ces chaînes ne paient par exemple aucune prime pour le travail du dimanche. Cela fait pression sur les autres chaînes. Makro a déjà fait faillite. Ailleurs, les conditions de travail et les salaires sont sous pression. Si les plans de Delhaize et d’Intermarché passent, la seule question sera de savoir qui sera le suivant.
Les magasins franchisés exercent une pression sur les conditions de travail et les salaires parce qu’ils relèvent d’une sous-commission différente. Bien sûr, il existe des magasins franchisés où les conditions sont acceptables, mais les conditions de base sont bien pires: des grilles salariales jusqu’à 25 % inférieures, pas de compensation obligatoire pour les trajets domicile-travail, pas de salaire supplémentaire le dimanche et les jours fériés, pas de chèques-repas… Les syndicats n’auraient jamais dû accepter la création d’une sous-commission pour les magasins franchisés en 1999. Le combat d’aujourd’hui est compliqué par la défaite d’alors.
Les 25 dernières années ont été marquées par une vague de franchisations. On présente les franchises comme de petits opérateurs indépendants, mais c’est souvent loin d’être le cas. Sur les 50 magasins franchisés Albert Heijn, 35 sont exploités par de grandes entreprises. Peeters-Govers, par exemple, exploite 14 magasins de ce type. Non, il ne s’agit pas d’un ancrage local. Il s’agit d’une attaque orchestrée contre les conditions de travail !
Chez Albert Heijn, les « frais de personnel » sont moins élevés. Comment est-ce possible ? Koen Roosen, secrétaire de la CSC, expliquait dans Het Nieuwsblad : « Ils paient le minimum. Ils ne donnent pas d’extras. Les travailleurs ne sont là que depuis une dizaine d’années, ils ont donc beaucoup moins d’ancienneté. Ils travaillent beaucoup avec des intérimaires, des étudiants et des contrats à temps partiel. 30 % de leurs employés sont des intérimaires. Dans les magasins des autres chaînes, ce n’est guère le cas. La politique salariale d’Albert Heijn entraîne un taux de rotation élevé, mais ils n’en ont rien à faire. Dans certains magasins, la terreur règne, personne n’ose bouger. »
D’une manière générale une politique est consciemment mise en œuvre pour créer une société où au moins deux emplois sont nécessaires pour tenir le coup. C’est déjà le cas aujourd’hui avec la prolifération des emplois flexibles. De nombreux travailleurs d’autres secteurs à bas salaires acceptent un emploi flexible dans la distribution. Il en va de même pour les étudiants obligés de travailler pour payer leurs études. Dans certains supermarchés néerlandais, il n’y a pratiquement plus que des étudiants qui travaillent, y compris des jeunes de 16 ans qui gagnent à peine 6 euros de l’heure. Bref, la porte est ouverte pour augmenter radicalement le nombre de travailleurs pauvres et aboutir à une société où un seul emploi ne suffit plus.
Le secteur de la distribution est connu depuis longtemps pour ses bas salaires. Les travailleurs du secteur étaient en première ligne pendant la pandémie et reconnus comme essentiels. Aujourd’hui, ils sont bradés. Le contraste est saisissant avec ce que les émoluments que la direction s’accorde. Le PDG d’Ahold-Delhaize a vu sa rémunération annuelle passer à 6,5 millions d’euros. Les propriétaires d’Aldi et de Lidl figurent parmi les dix Européens les plus riches.
Cette bataille nous concerne tous et toutes
Si le personnel de Delhaize perd ce combat, d’autres suivront. Pourquoi Colruyt, Aldi ou Lidl devraient-ils continuer à payer des salaires plus élevés ou rester fermés le dimanche ? Une fois cette nouvelle norme établie, d’autres secteurs suivront. Si un secteur peut imposer une flexibilité maximale, pourquoi s’en priver ailleurs ? La bataille chez Delhaize concerne tout le monde.
Par le biais de la franchisation, les syndicats sont écartés car chaque magasin est censé être une entreprise distincte. Bien entendu, ce n’est pas le cas : toutes les décisions importantes sont prises à un niveau supérieur dans une structure unique. L’élimination des syndicats est un tremplin vers la dégradation des conditions de travail. Avec les syndicats les travailleurs sont plus forts ensemble. Diviser pour régner et faire plus de profit, telle est la politique des patrons.
Les critiques de droite au Parlement et dans les médias prétendent que la position « rigide » des syndicats empêcherait la flexibilité nécessaire dans un marché en mutation. Si le secteur connaît des problèmes, ce n’est pas à cause du personnel, mais à cause d’une concurrence impitoyable motivée par la soif de profit. Ce ne sont pas les syndicats, mais les actionnaires qui posent problème. Ahold-Delhaize a annoncé fin novembre qu’elle offrait un milliard d’euros à ses actionnaires par le biais de rachats d’actions. Cette annonce a été suivie quelques mois plus tard par l’annonce d’une réduction d’un milliard d’euros des effectifs.
Le personnel en place est censé conserver ses conditions actuelles lors de la transition vers une franchise. Bien sûr, ce n’est que temporaire : les nouveaux employés auront de moins bonnes conditions et les anciens seront chassés. Les conséquences de la franchisation sont apparues clairement lors d’une inspection d’un AD Delhaize situé boulevard Anspach à Bruxelles. Huit des 20 employés contrôlés n’étaient même pas déclarés ! La police a mis le magasin sous scellés, mais la direction a brisé les scellés, ce qui a obligé la police à revenir à nouveau sur les lieux. Comment la protection sociale sera-t-elle respectée dans de telles conditions ?
Comment gagner ?
Il n’est évidemment pas question de cesser le combat. Poser des conditions à la franchise ne nous aide pas non plus, c’est en accepter le principe. Nous devons mener le combat ensemble. Il existe une grande solidarité au sein du personnel de Delhaize, mais aussi dans le reste du secteur et au sein de la population en général.
La direction s’est préparée à cette bataille. Nous ne pouvons pas laisser le personnel de Delhaize se battre seul, magasin par magasin. Une attaque contre eux est une attaque contre nous tous. Il y a eu des grèves spontanées, des actions au conseil d’entreprise et des blocages d’entrepôts. Il y a eu une manifestation commune avec les collègues d’Intermarché. Il s’agit d’un bon premier pas sur lequel on peut s’appuyer pour aller plus loin.
De grands piquets de grève pourraient être formés autour des magasins dans chaque ville le samedi, en appelant les clients, les voisins et les travailleurs d’autres secteurs à se joindre à eux. Ces actions locales peuvent servir de point de départ à des manifestations régionales. La solidarité et la mobilisation de tous les secteurs sont nécessaires pour que ces actions soient couronnées de succès.
Ces actions peuvent faire l’objet d’une mobilisation au moyen de pétitions, de tracts et de banderoles dans chaque magasin. Des affiches de solidarité peuvent être distribuées. Nous pouvons collecter des fonds pour les grévistes. Les 128 magasins peuvent devenir un centre de résistance autour duquel s’organise la solidarité.
Cela peut déboucher sur des manifestations régionales et nationales réunissant des dizaines de milliers de personnes, ce qui en ferait une lutte de toute la société. Transformer la solidarité en une lutte active couperait l’herbe sous le pied de la propagande des politiciens traditionnels et des médias à leur solde. Si Delhaize ne cède pas, nous devrons prendre la chaîne en main pour sauver les emplois. Cela signifierait prendre collectivement le contrôle et la direction des mains des actionnaires qui ont déjà suffisamment profité de la situation. Cela ouvrirait également la porte à une planification démocratique à partir des besoins du personnel et des clients.
Motions de solidarité avec la lutte chez Delhaize
La lutte chez Delhaize concerne tout le monde. Certaines délégations syndicales ont adopté des motions de solidarité, un bon exemple que nous invitons à suivre ! En voici quelques exemples.
FGTB Audi-Bruxelles : « En prenant la décision de franchiser tous ses magasins, il est évident que Delhaize veut se débarrasser de ses obligations d’employeur tout en gardant les avantages financiers de ceux-ci. Son intention est aussi d’affaiblir au maximum la défense syndicale que vous avez. Votre combat est juste ! En vous battant vous menez un combat qui va bien au-delà de vos magasins. Nous sommes attentifs à toutes les demandes de soutien qui pourraient nous parvenir et auxquelles nous répondrons présents. »
CGSP-ALR (Administrations locales et régionales) Bruxelles : « Nos collègues des supermarchés ont été en première ligne pendant la pandémie à l’instar des soignants et d’autres catégories professionnelles. Voilà la manière dont la direction de Delhaize a décidé de les remercier. Il est très loin le temps des applaudissements ! (…) Alors que nos conditions de travail et salariales ne font que se dégrader, si la direction de Delhaize arrive à imposer son plan, ce sont d’autres enseignes et ensuite d’autres secteurs qui seront les victimes de la voracité des grandes entreprises. La CGSP ALR Bruxelles s’engage donc à informer, sensibiliser et mobiliser en solidarité avec les travailleur.euse.s de Delhaize. Tenez bon les camarades, nous sommes à vos côtés !»
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