Crise climatique. Contre le chaos destructeur de l’économie de marché: la planification écologique et démocratique socialiste

Sans renverser le capitalisme, nous n’aurons bientôt plus rien à sauver

« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, (…), l’humanité ne le peut pas. » Le verdict est angoissant. Il figure dans le résumé provisoire du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) qui a fuité via l’agence France Presse (AFP). Notre avenir immédiat est celui d’une crise climatique aux retombées « cataclysmiques ». Disons les choses telles qu’elles sont : l’inaction des gouvernements est un crime contre l’humanité.

Dossier de Nicolas Croes paru dans l’édition de septembre de Lutte Socialiste

Une fuite qui en dit beaucoup

Le rapport du Giec ne doit officiellement être publié qu’en février 2022. Il comportera environ 4.000 pages pour compiler l’ensemble des publications scientifiques relatives au climat produites en l’espace d’environ six ans (le dernier rapport ayant été publié en 2014). Il sera accompagné d’un « résumé pour les décideurs » d’une trentaine de pages dont chaque terme sera, comme à l’accoutumée, négocié par les délégations des 197 pays de la Convention cadre des Nations unies pour le changement climatique (CNUCC).

Cette fuite organisée dans la presse est un appel à l’aide autant qu’un acte d’accusation. Agir de cette façon a permis que des termes tels que « cataclysmiques » ne soient pas adoucis sous la pression des pétromonarchies du Golfe ou de puissances impérialistes de premier plan comme la France ou les États-Unis qui soutiennent toujours généreusement leurs multinationales pétrolières criminelles. Cela permet aussi au rapport de s’imposer dans les discussions autour de la 26e Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique (la COP26) qui aura lieu à Glasgow du 1er au 12 novembre au lieu de sortir 3 mois après. Cette fuite est le cri désespéré d’une communauté scientifique qui ne parvient pas à peser sur des décideurs qui ont choisi leur camp : celui des grandes entreprises.

Regarder la réalité en face…

Depuis 1990, le nombre de catastrophes liées au changement climatique a triplé, forçant chaque année des millions de personnes à se déplacer. Les dix catastrophes météo les plus coûteuses de l’année 2020 ont presque atteint les 150 milliards de dollars de dommages pris en charge par les compagnies d’assurance. Ces dix catastrophes ont également fait au bas mot 3.500 morts et ont déplacé plus de 13,5 millions de personnes. Cet été, les mégafeux ont réduit en cendre des millions d’hectares de forêt, de l’Amazonie à la Sibérie, tandis que les dômes de chaleur en Amérique du Nord et les inondations en Europe, notamment en Belgique et en Allemagne, ont montré qu’aucun pays n’est à l’abri.

Ce n’est hélas qu’un léger avant-goût. Une multitude de scientifiques de premier plan estiment que les signes vitaux de la terre s’affaiblissent et s’inquiètent de l’imminence possible de certains « points de rupture » climatiques. L’objectif est clair: réduire de moitié les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2030 et atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050. C’est la seule manière de stopper le cours de la dégradation climatique et d’éventuellement l’inverser. Et nous sommes déjà en 2021.

… et exproprier les criminels climatiques

La crise climatique et écologique au sens large doit impérativement devenir la pierre angulaire sur laquelle doivent reposer les prises de décisions politiques. Les États-Unis ont annoncé vouloir réduire de 50% à 52% leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 2005. La Chine vise la neutralité carbone pour 2060. L’Union européenne a annoncé vouloir y parvenir 10 ans plus tôt. Toutes ces belles déclarations restent extrêmement floues concernant la manière d’y parvenir. Et un objectif sans un plan, ça n’est qu’un souhait.

Le rapport provisoire du Giec est le premier à démontrer hors de tout doute le lien entre les conditions météorologiques extrêmes de la dernière décennie et le changement climatique, tout en attribuant ce dernier à l’impact de l’activité humaine. Pour intervenir correctement et définir un plan d’action efficace, nous devons définir l’activité humaine dont on parle. C’est en fait la grande faiblesse de ce rapport provisoire : il reste évasif concernant le système économique responsable de l’actuelle situation de crise écologique : le capitalisme.

Nous ne sommes pas tous également responsables de la crise climatique. En 2017, un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project a souligné que 100 entreprises sont à elles seules responsables de 71 % des émissions globales de gaz à effet de serre émises entre 1988 et 2015. Sans surprise, il s’agit essentiellement d’industries pétrolières. Comment peut-on sérieusement imaginer le moindre début de solution sans agir de toute urgence pour les empêcher de nuire ?

Les gouvernements capitalistes font pis que ne rien faire : ils les encouragent. En 2019, le soutien public aux combustibles fossiles (surtout au pétrole) avait encore augmenté de 5 % pour atteindre la somme de 178 milliards de dollars dans cinquante pays de l’OCDE, du G20 et du Partenariat oriental de l’Union européenne (six pays d’Europe centrale du Caucase). Depuis lors, la pandémie a été saisie comme une opportunité par ces géants de la pollution. L’Italie a par exemple octroyé à l’entreprise pétrochimique Maire Tecnimont un prêt garanti par l’État de 365 millions d’euros dans le cadre de son plan de relance. La Banque centrale européenne n’a imposé aucune contrepartie environnementale à ses aides financières qui ont bénéficié à des compagnies pétrolières et gazières comme Total, Shell, ENI, Repsol et même à E.ON, une firme encore active dans le charbon.

Soyons clairs : on ne contrôle pas ce qu’on ne possède pas ! Ces entreprises doivent de toute urgence être expropriées et placées sous le contrôle et la gestion démocratiques de la collectivité afin qu’elles cessent de nuire et que leurs réserves soient saisies pour être investies dans la transition verte et la reconversion des travailleurs, sans indemnisation pour les gros actionnaires. Chaque projet prétendument écologique qui reste silencieux sur cette question doit être pris pour ce qu’il est : au mieux une (mauvaise) blague, au pire une manoeuvre de diversion.

Le « capitalisme vert » est un mensonge

Les médias et le monde politiques traditionnels cherchent à nous convaincre que l’intérêt général se confond avec celui des grandes entreprises et de leurs actionnaires, caractérisés par une vision à court terme toute tendue vers l’appropriation maximale de la richesse produite. Respecter ce cadre implique équivaut à foncer droit dans le mur.

De là découlent notamment la confiance aveugle envers les hautes technologies très consommatrices d’énergie et de matières premières rares ou de plus en plus difficiles et polluantes à extraire ou encore en une « transition énergétique » reposant sur les voitures électriques au lieu des transports en commun (au grand plaisir des entreprises automobiles). Mais les matières premières rares nécessaires à la fabrication de batteries engendrent pollution et massacre des droits humains. Sans surprises, c’est l’approche que défendent les ultra-milliardaires Michael Bloomberg, Jeff Bezos et Bill Gates, tous trois à la manœuvre derrière l’entreprise minière KoBold Metals.

Le pilier de la politique environnementale de l’Union européenne est le principe pollueur-payeur (PPP) selon lequel au pollueur de supporter les coûts associés à la pollution qu’il génère. En juillet, la Cour des comptes européenne (CCE) a remis un rapport qui met à nu le mécanisme pour ce qu’il est : une vaste fumisterie au bénéfice des grandes entreprises. Les coûts non pris en charge par les industriels se chiffrent en « centaines de milliards d’euros ». Conclusion : ce sont les budgets publics – et non ceux du pollueur – qui sont utilisés pour financer les actions de dépollution. « En bout de chaîne, la facture pour les citoyens de l’Union européenne est salée », déplore la Cour. Et selon l’Agence européenne de l’environnement, la pollution de l’air est à elle seule à l’origine d’environ 400.000 décès prématurés chaque année.

Le tableau ne serait pas complet sans parler des écotaxes et de toutes les tentatives de culpabiliser la population pour son comportement de consommateur, comme si nous avions le moindre mot à dire sur la manière dont les choses sont produites aujourd’hui ! Mais dans le contexte de crise socio-économique actuel, de nouvelles taxes de ce type pourraient bien donner naissance à des mouvements de lutte capable d’éclipser l’ampleur de celui des Gilets jaunes en 2018…

Mobilisation générale pour la planification démocratique

La grande différence entre l’époque actuelle et le début des années ’90, quand le thème du climat commence à s’imposer (autour de la conférence de Rio en 1992), c’est qu’à l’époque, le néolibéralisme avait subi une forte impulsion en conséquence de l’effondrement du modèle alternatif soviétique. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans « l’ère du désordre », marquée par une crise économique profonde et le discrédit du modèle néolibéral. C’est une ère qui comporte de nombreux dangers (guerre, croissance des forces réactionnaires,…), mais aussi des opportunités en termes de révolutions et de soulèvements de masse. Voilà où repose notre issue pour en finir avec l’exploitation capitaliste des deux sources de toutes richesses : la nature et les travailleurs.

La crise sanitaire autour de Covid-19, le changement climatique désastreux, les effets de la nouvelle crise économique, etc. rendent la nécessité d’une planification démocratique et écologique de l’économie beaucoup plus claire pour une couche plus large de la société.

Pour faire face aux enjeux climatiques, nous avons besoin d’investissements publics massifs de toutes parts. Nous avons besoin de travaux d’une ampleur inédite dans l’histoire de l’humanité, des travaux qui sont impossibles à réaliser s’ils sont laissés à l’initiative individuelle. Nous avons besoin de toute urgence d’un plan d’isolation et de rénovation des bâtiments – quartier par quartier – afin de réduire drastiquement les émissions dues au chauffage. Nous devons revoir de fond en comble l’urbanisme et l’aménagement du territoire pour faire face à l’impact de la crise climatique. Pensons qu’il est possible qu’avec l’augmentation du niveau des océans, plus de 200 millions de personnes soient à déplacer d’ici la fin du siècle ! Huit des dix plus grandes villes du monde sont actuellement situées sur les littoraux !

Pour disposer d’une telle vision à long terme, nous n’avons pas d’autre choix que d’assurer que l’économie repose sur la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques de l’ensemble des secteurs-clés (finance, énergie,…) afin de mobiliser tous les moyens nécessaires pour une planification rationnelle de la production économique avec des objectifs clairs, non de rentabilité à court terme pour les actionnaires, mais de protection de la population dans le respect du climat, de la couche d’ozone, de la biodiversité, des forêts,… C’est aussi la seule manière d’en finir définitivement avec l’aberration totale que représente l’obsolescence programmée et le gaspillage généralisé de l’économie capitaliste et de l’impérialisme. Un exemple parmi d’autres : le simple déplacement des troupes militaires américaines à travers le monde en une année représente autant d’émissions que la totalité de celles d’un pays comme le Danemark…

La transition vers une économie non carbonée requiert des efforts massifs, représentés par les capitalistes comme autant de menaces de pertes d’emploi. Mais toutes les études soutiennent par exemple que la conversion à 100 % d’énergies renouvelables dans le monde entier, accompagnée d’une reconversion professionnelle, pourrait générer des millions d’emplois supplémentaires.

Le 4 septembre 2017, le quotidien Financial Times affirmait que « la révolution des big data peut ressusciter l’économie planifiée ». Il est évident que les possibilités de collecte de données et de calcul actuelles permettraient de porter la planification démocratique de l’économie à un degré d’efficacité inimaginable. Si ces techniques n’étaient pas possédées par les industries privées de la Silicon Valley, comme l’infrastructure qui les génère et les traite, et si la recherche scientifique était libérée de la camisole de force de la logique de marché, il serait possible de disposer d’une analyse centralisée des innombrables données relatives à la crise climatique ou encore à la pandémie de Covid 19.

Il ne suffira toutefois pas d’utiliser les monumentales possibilités technologiques actuelles pour faire correctement fonctionner la planification. Aucun algorithme informatique comportant un grand nombre de variables ne peut être rendu efficace sans le retour constant des travailleurs et des utilisateurs. Comme le révolutionnaire russe Léon Trotsky l’a expliqué dans La Révolution trahie : « Sous une économie nationalisée, la qualité exige une démocratie des producteurs et des consommateurs, la liberté de critique et d’initiative – des conditions incompatibles avec un régime totalitaire de peur, de mensonge et de flatterie. » Il disait encore : « Une économie planifiée a besoin de démocratie comme un corps a besoin d’oxygène ».

Ce sera une discussion démocratique de bas en haut qui décidera du type de planification et de contrôle et de gestion des travailleurs à mettre en œuvre. Aux niveaux centralisés ou plus décentralisés de la planification, la démocratie des travailleurs sera toujours cruciale. Un plan conçu de manière centralisée devra être discuté, modifié et corrigé par une démocratie des travailleurs vivante composée des travailleurs du secteur en question, des utilisateurs et des fournisseurs. C’est la différence fondamentale avec la planification autoritaire bureaucratique sur laquelle reposait les économies staliniennes, elles aussi responsables de dramatiques désastres écologiques.

Socialisme ou barbarie

Le fait que les travailleurs et la population soient aux commandes changera tout. Cela permettrait de mettre en place une action coordonnée à l’échelle mondiale en étant débarrassés du blocage lié à la concurrence entre les différentes classes capitalistes nationales. Mais au-delà de permettre une véritable transition énergétique, cela ouvrirait la voie à une répartition du travail disponible entre toutes et tous. Nous pourrions travailler moins pour vivre mieux, en gagnant largement de quoi connaître une vie épanouie, débarrassée des burn-out et de la perte de sens d’emplois qui n’ont aucune réelle utilité sociale.

Les socialistes révolutionnaires ont été sur la défensive pendant longtemps et leur nombre a été réduit à un minimum historique. Mais nous changeons de période. C’est une fenêtre d’opportunité à saisir. C’est notre seule chance. Le PSL/LSP et son internationale, Alternative Socialiste Internationale, feront tout leur possible pour orienter les luttes vers la seule issue qui s’offre à nous : une sortie des crises multiples du capitalisme par le renversement de ce système barbare et la transformation socialiste de la société. Votre place vous attend dans ce combat.

Le capitalisme tue la planète: luttons pour le socialisme international !

Le PSL/LSP est la section belge d’Alternative Socialiste Internationale (ASI), une organisation internationale de socialistes révolutionnaires présente dans une trentaine de pays à travers le monde qui luttent pour mettre un terme au capitalisme et à ses crises, dont la crise climatique et toutes les formes d’oppression.

Voici le programme en 8 points que nous défendrons dans les mobilisations autour de la COP26 de Glasgow, en Belgique comme en Écosse. Vous souhaitez participer à ces mobilisations et rejoindre notre délégation internationale à Glasgow ? Contactez-nous !

  1. Pas de temps à perdre – Pour des investissements publics massifs dans les services publics, les logements sociaux et les infrastructures afin de stopper les émissions de gaz à effet de serre et de nous protéger contre les catastrophes liées au climat. Nous avons besoin de plus de transports publics, de meilleure qualité et gratuits !
  2. Le « capitalisme vert » est un mensonge : faisons payer les vrais pollueurs – Taxons les milliardaires et les entreprises pour investir dans les technologies, les énergies renouvelables et les emplois verts.
  3. Protégeons la terre et les ressources naturelles de l’exploitation impérialiste et des grandes entreprises – Il faut stopper les projets de pipelines, la déforestation et l’exploitation impérialiste des ressources naturelles tout en garantissant la satisfaction des besoins et le respect des droits des communautés indigènes et locales, ainsi qu’en garantissant l’emploi des travailleurs.
  4. Faisons grève ensemble contre le système – reconstruisons un mouvement combatif pour le climat – Organisons des comités de base pour le climat composés de jeunes et de travailleurs, tout en poussant les syndicats à s’engager. C’est nécessaire pour construire un mouvement coordonné de protestations et de grèves qui paralyse l’économie et impose de véritables changements.
  5. Une planification socialiste démocratique, pas le chaos du marché – Il est impossible de faire tourner le système de profit capitaliste afin qu’il sauve la planète. Dans un premier temps, les plus grandes entreprises doivent être expropriées : seule la propriété publique combinée à une planification socialiste démocratique internationale permettra de réduire rapidement les émissions tout en garantissant une vie et un avenir décents pour toutes et tous.
  6. Le capitalisme détruit la planète, nos emplois et nos moyens de subsistance – Avec le renversement du système actuel et la fin de l’exploitation des êtres humains et de la nature, il sera possible de créer des millions d’emplois durables bien rémunérés et de construire une nouvelle économie verte. Ce n’est qu’en nous débarrassant du capitalisme et de l’impérialisme que nous pourrons mettre fin aux guerres et aux conflits tout en donnant une véritable solution aux personnes forcées de fuir en raison des crises climatiques.
  7. La solidarité internationale des travailleurs, pas la rivalité nationaliste capitaliste. – Annulons toutes les dettes étrangères et supprimons les brevets sur les technologies vertes ainsi que sur les technologies médicales et pharmaceutiques. Les connaissances, les compétences et les ressources doivent être partagées sur base de la solidarité et de la coopération internationales des travailleurs.
  8. Changer le monde et lutter pour le socialisme international – Afin d’obtenir le changement révolutionnaire nécessaire pour mettre fin au capitalisme, à la destruction de notre planète et à toutes les formes d’oppression, rejoignez une organisation révolutionnaire – rejoignez Alternative Socialiste Internationale dès aujourd’hui !

Author

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop