Royaume-Uni : Après la manifestation du 26 mars : Pour une grève générale de 24 heures !

La manifestation du 26 mars à Londres contre la politique d’austérité du gouvernement Con-Dem, qui avait été appelée par la Trade Union Confederation il y a six mois, a certainement été la plus grande manifestation depuis les marches anti-guerres massives de 2003. Cette manifestation nationale suit une vague de manifestations locales et régionales, y compris des occupations de réunions de conseils communaux où devait se décider le vote du budget. Une belle réponse pour Mervyn King, le gouverneur de la Bank of England, qui se déclarait ‘‘surpris que le niveau de colère publique n’ait pas été plus grand que ce qu’il a été jusqu’ici’’, étant donné le fait que la population laborieuse se voyait réclamer de payer le prix de la crise financière.

Éditorial du magazine Socialisme Today, mensuel du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

La plupart des marches locales ont été organisées par des militants de la base ; les membres du Socialist Party ont joué un rôle proéminent dans de nombreux endroits. Il ne fait aucun doute que ces manifestations locales auraient eu un impact bien plus grand si les dirigeants syndicaux avaient utilisé leurs ressources pour mobiliser pour l’action. Cela faisait bien longtemps qu’une manifestation nationale était attendue et cette dernière a démontré l’énorme pouvoir potentiel de la classe ouvrière et de ses alliés parmi les étudiants et la classe moyenne. Mais par elle-même, une manifestation, quelle que soit sa taille, ne pourra pas empêcher les coupes ni faire chuter le gouvernement. La question inévitable est donc : ‘‘Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?’’

Même la TUC (Trade Union Confederation – la Confédération syndicale, qui chapeaute l’ensemble des syndicats britanniques, NDT) a appelé cette manifestation la “marche pour l’alternative”, sans toutefois préciser ni plan d’action pour la suite, ni alternative économique. Au fond, l’approche des dirigeants de la TUC, tout comme celle des autres dirigeants syndicaux, n’est rien de plus qu’une “stratégie” qui consiste à attendre le retour d’encore un autre gouvernement Labour.

Il faut une représentation politique

Le New Labour, qui se retrouve maintenant sous la direction d’Ed Miliband, n’offre aucune véritable alternative à la coalition Con-Dem. Il accepte le fait que certaines coupes budgétaires sont nécessaires. Sa politique consiste en fait à mettre en place la “consolidation fiscale” (des coupes dans les dépenses publiques, des hausses des taxes sur les travailleurs et sur les contributions aux pensions) sur une période plus longue. Le fait d’attendre le retour d’un gouvernement New Labour après les prochaines élections fédérales n’est donc pas une vraie alternative. Le temps d’y parvenir, les Con-Dem auront déjà accompli des coupes dévastatrices – à moins qu’ils n’en soient empêchés par un mouvement massif et soutenu de la classe ouvrière.

La faillite politique du New Labour souligne la nécessité d’une alternative électorale afin d’apporter une représentation ouvrière. Une partie importante de la bataille contre l’austérité consistera à présenter tout un tas de candidats ‘anti-cuts’ (anti coupes budgétaires) lors des élections communales du mois de mai. Beaucoup de personnes se dresseront sous la bannière de la TUSC, la Coalition socialiste et syndicaliste (Trade Unionist and Socialist Coalition), qui implique des syndicalistes combatifs du syndicat des travailleurs des transports, le RMT, du syndicat des services publics, le PCS, et d’autres syndicats, ainsi que le Socialist Party. Tout en mobilisant l’opposition aux conseils communaux qui tentent d’appliquer de brutales coupes budgétaires, cette campagne électorale devrait être considérée comme un pas en avant vers la construction d’un parti de masse de la classe ouvrière, qui offre une alternative socialiste aux trois grands partis capitalistes.

Pour une grève générale de 24 heures

Cependant, pour les syndicalistes, la prochaine étape la plus importante sera la grève. Nous allons sans nul doute assister à un grand nombre de grèves locales, et les dirigeants syndicaux devraient soutenir de telles actions au lieu de tenter de les bloquer. Mais l’échelle dévastatrice des coupes qui sont en train d’être mises en œuvre au niveau national par le gouvernement Con-Dem pose la nécessité d’une action de grève nationale, coordonnée entre les syndicats du secteur public. Ceci devient encore plus urgent avec l’attaque sur les pensions, qui prend la forme de hausses des contributions et de réduction des allocations.

Sur la question des pensions, le PCS discute en ce moment d’une action en mai ou juin, et le syndicat national des enseignants (NUT) et celui des universités et hautes-écoles (UCU) sont eux aussi en train de réfléchir à entrer en action lors des prochains mois. Toutefois, les autres syndicats du secteur public jusqu’ici ne proposent aucune action.

Cependant, les “réformes” des pensions – une série de coupes brutales – sont déjà en train d’être effectuées, et nous avons besoin d’une action dès que possible. Les syndicats du secteur public devraient coordonner leurs propositions pour une action nationale, avec comme objectif une grève générale de 24 heures, qui impliquerait également les syndicats des industries privées (comme ceux du rail) qui sont eux aussi confrontés à l’austérité. Avec de la détermination, les obstacles posés par les lois antisyndicales répressives du Royaume-Uni pourraient être balayées.

La première action de grève nationale du secteur public devrait être accompagnée d’une manifestation nationale au milieu de la semaine pour protester contre les coupes et contre les attaques sur les pensions. Ceci donnerait aux travailleurs de tout le secteur public de soutenir l’action de grève, et augmenterait la pression sur les autres syndicats du public dans le but de mobiliser pour une grève nationale d’une journée du secteur public. Les étudiants devraient eux aussi être appelés à se joindre à une telle journée d’action.

Le 26 mars a énormément accru la confiance des travailleurs, et devrait être utilisé en tant que tremplin vers une intensification de l’action de masse contre les coupes.

Une offensive ultralibérale

En parlant de la réduction brutale du niveau de vie des travailleurs, et du fait que le pire reste encore à venir sous le gouvernement Con-Dem, le secrétaire général de la TUC Brendan Barber en a appelé à George Osborne : ‘‘Le chancelier devrait montrer qu’il comprend les préoccupations de la population en faisant plus d’efforts pour promouvoir l’emploi et une croissance soutenue, plutôt que de simplement offrir des édulcorants dans un budget qui est destiné aux grandes entreprises et de mettre en place des mesures qui vont mener à une nouvelle détérioration des conditions de travail’’ (communiqué de presse de la TUC du 21 mars).

Barber montre son absence totale de compréhension du rôle joué par le gouvernement Con-Dem. Osborne et compagnie ne font pas que simplement tenter de surmonter les effets de la crise financière. Ils utilisent la crise comme une opportunité pour brutalement supprimer le rôle de l’État dans l’économie (tout en laissant encore plus de champ libre pour les grosses boites privées) et pour sabrer dans les services publics, y compris dans les soins de santé qu’ils avaient pourtant dit vouloir protéger. Ce programme a une base idéologique, qui reflète les intérêts du capital financier, favorisant une économie ultralibérale. Comment Osborne pourrait-il “comprendre les préoccupations de la population” ?

Il ne fait aucun doute qu’il y a des sections de la classe capitaliste, surtout ceux qui reflètent les intérêts de l’industrie, qui (tout comme les dirigeants Labour) favorisent une répartition de l’austérité sur une plus longue période. Par exemple, Jonathan Portes, directeur de l’Institut national de recherche économique et sociale (un think-tank proche du Trésor), écrivait que : ‘‘Étant donné la faiblesse économique, et l’ampleur de la capacité non-utilisée dans l’économie, il semble raisonnable d’étendre la consolidation fiscale en répartissant mieux les coupes budgétaires.’’ Il rejette l’idée selon laquelle la réduction du déficit à court terme est nécessaire pour éviter une crise de la dette du gouvernement, idée qu’il considère fortement exagérée : ‘‘Comparer le Royaume-Uni et la Grèce, c’est de l’intox.’’ Faisant remarquer qu’il y a déjà plus d’un million de jeunes au chômage, il défend que le fait de postposer les coupes et de promouvoir la croissance économique serait une politique plus efficace.

Toutefois, ce serait toujours une politique capitaliste : des coupes ralenties et une austérité prolongée, plutôt que la réduction de déficit “instantané” proposée par Osborne, qui pourrait bien pousser le capitalisme britannique vers une nouvelle crise.

Pour une politique économique socialiste

Certaines personnes à gauche ont à juste titre soulevé la question d’une alternative. Par exemple, George Monbiot écrivait dans le Guardian du 6 mars que nous devons nous ‘‘rassembler derrière ce que nous voulons, et pas seulement contre ce que nous ne voulons pas.’’ Monbiot propose une politique basée sur une plus forte taxation des riches et des grandes entreprises, sur des coupes dans le budget de l’armée, et sur une extension massive des services publics. Il revendique aussi la création d’emplois verts grâce à des projets environnementaux. Les mesures proposées sont désirables en soi et, si elles étaient mises en œuvre, elles amélioreraient les conditions des travailleurs. Il est possible que, en cas de crise économique profonde et d’un mouvement de masse de la classe ouvrière, un gouvernement capitaliste puisse concéder certaines de ces revendications, même si ce ne sera que de manière temporaire.

Mais la politique défendue par Monbiot ne se penche pas sur le caractère de classe du capitalisme : les grosses entreprises, qui vivent pour le profit, n’accepteront pas docilement une grosse hausse des impôts, ni une importante extension des dépenses pour les allocations, l’éducation, les soins de santé, etc. Les grandes entreprises sont déjà assises sur des montagnes de pognon, parce qu’il n’est pas profitable en ce moment d’investir dans de nouvelles capacités productives. Elles utiliseraient toute leur puissance économique et sociale pour résister à toute taxation “punitive” ou redistribution publique de la richesse en faveur de services à la population laborieuse.

Nous avons besoin non seulement d’une alternative politique, mais aussi d’une alternative au système actuel, qui est basé sur le profit et sur l’anarchie du marché. Nous avons besoin d’une économie qui satisfasse les besoins de la majorité. Ceci amène la question du contrôle de l’économie, qui ne pourrait être obtenu que via la nationalisation des banques et des grands monopoles dans l’industrie et dans les services. Les secteurs-clés de l’économie devraient être gérés sur base d’un plan organisé par des organes démocratiques composés de représentants élus provenant des syndicats, des collectivités, des organisations de consommateurs, etc. Une planification socialiste réussie demande la collaboration des travailleurs des autres pays, afin d’entamer un processus de planification économique sur le plan international.

Les véritables socialistes sont à l’avant-garde de la lutte pour construire un mouvement de masse capable d’agir contre les coupes, tout en soulevant la nécessité d’objectifs clairs et socialistes.

Vidéo du Socialist Party sur la manifestation du 26 mars

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