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Grèce : Evaluation des récentes élections.
Lors du premier semestre de cette année, la Grèce a connu pas moins de 6 journées de grève générale. Aux dernières élections, le gouvernement du PASOK a subi une importante perte de soutien, mais malgré l’énorme colère de la classe ouvrière face aux coupes budgétaire, les partis de gauche ne sont pas parvenus à obtenir de réels gains. Quelle analyse tirer ?
Entretien avec Andreas Payiatsos, membre de Xekinima (CIO-Grèce)
Papandreou, le premier ministre grec, affirme que les résultats des élections régionales illustrent que le peuple grec soutient sa politique. Quelle est ta réponse par rapport à cela ?
Il faudra se souvenir de M. Papandreou comme étant le plus grand menteur jamais élu au poste de premier ministre en Grèce ! Lors de ces élections, son parti, le PASOK, a perdu 1.1 million de voix, en comparaison des 3 millions de voix que le PASOK a reçu il y a à peine 12 mois, lors des élections nationales (en passant de 3 012 000 voix à 1 950 000). Si ça c’est une “victoire”, je me demande à quoi ressemblerait une défaite !
Il faut aussi se souvenir que ce résultat est la conséquence du chantage honteux exercé par ce même premier ministre. Tout au long de la campagne électorale, il a sans arrêt averti que si les résultats des élections régionales ne donnaient pas des résultats satisfaisants pour le gouvernement, alors il appellerait à des élections nationales anticipées avant la fin de cette année. C’était là l’expression de l’inquiétude, si pas de la panique, du parti dirigeant face à la possibilité d’une réelle catastrophe – c’était une tentative de récupérer à nouveau les voix de ceux qui avaient voté PASOK aux élections de l’an dernier.
Les partis d’opposition ont-ils profité de la perte de soutien du PASOK ?
Nouvelle Démocratie (ND), qui est le principal parti bourgeois d’opposition, a aussi perdu énormément de voix. Il est passé de 2 095 000 voix à 1 750 000 – donc il a perdu 550 000 voix. Le plus comique est que ce parti, tout comme le PASOK, considère avoir obtenu une victoire !
En termes absolus, les deux partis de la classe dirigeante, PASOK et ND, ont ensemble obtenus 3 700 000 voix, pour un total de 9 750 000 électeurs, c.à.d 37,9%. C’est là le plus bas pourcentage obtenu par ces deux partis depuis qu’ils ont été constitués en tant que partis de masse à la fin des années ‘70.
L’effondrement du soutien pour ces partis est un phénomène extrêmement positif. Tout le problème est dès lors le fait que les partis de gauche n’ont pas grandi et n’ont pas été à même de fournir une alternative pour les masses grecques, en colère et désespérées. Les forces de la gauche sont demeurées fondamentalement stagnantes.
Cela inclut-il l’ensemble des partis de gauche ?
La gauche, en général, est touchée par ce phénomène, mais de manières différentes.
Par exemple, Syriza (la coalition de la gauche radicale) a reçu 4,5% des voix, à peu près la même chose que lors des élections nationales d’octobre de l’an passé, mais a en réalité connu une perte dans le nombre absolu de voix – de 73 000 voix au total. La crise au sein de Syriza est profonde et va se poursuivre.
Le parti communiste (KKE) a gagné 75 000 voix de plus, mais cela ne représente qu’une très faible hausse de son soutien : moins d’1% de l’électorat en plus, et une hausse d’environ 13% par rapport à ce qu’il avait obtenu l’an dernier. Si on était dans un autre contexte, on pourrait éventuellement appeler ceci un progrès. Mais au vu de l’ampleur de la crise qui est aujourd’hui en train d’ébranler l’ensemble de la société grecque, jusqu’à ses fondements, au vu des attaques massives contre les conditions de vie et les droits des travailleurs grecs, cette hausse ne signifie rien.
La seule force de gauche qui ait grandi est l’Alliance anticapitaliste. Celle-ci a attiré la plus grosse part des votes de protestation qui restaient, en particulier provenant d’électeurs Syriza désabusés. Elle est ainsi passée de 25 000 voix en 2009 à 95 000 aujourd’hui – soit une hausse de 400%.
Ce pourcentage, qui tourne autour de 2% de l’électorat au niveau national, pourrait en théorie être utilisé pour amener des transformations majeures dans la gauche et dans le mouvement ouvrier en Grèce, mais la condition pour cela est que les groupes qui composent l’Alliance anticapitaliste (environ une dizaine, pour la plupart d’orientation maoïste, de même que les sections du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale et de l’International Socialist Tendency (IST) en Grèce) adoptent une attitude sérieuse par rapport aux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière et évitent le sectarisme et l’arrogance politique qui les caractérisent en général. Nous ne pouvons pas être très optimistes par rapport à cette perspective.
L’abstention n’est-elle pas le réel vainqueur de ces élections ?
En fait si. L’abstention a atteint un niveau hallucinant, surtout dans les grands centres-villes. Le taux d’abstention général a été de 40% mais à Athènes, par exemple, il a atteint 57%, et 55% au Pirée ! On est devant un phénomène “inouï” – non seulement parce que la population grecque est très politisée, mais aussi parce que le vote en Grèce est obligatoire !
On a aussi vu des records de votes “blancs” ou “nuls” – dans la région d’Athènes, qui inclut Athènes et le Pirée, ces votes ont atteint 9% !
Si on prend cela en considération, alors le candidat commun de Nouvelle Démocratie et de la LAOS (Laïkós Orthódoxos Synagermós, Alerte populaire orthodoxe, parti populiste d’extrême-droite) à Athènes n’a en fait reçu que 13,8% des voix sur le total des gens qui auraient pu aller voter, et le candidat du PASOK n’en a reçu que 11,2% ! Au Pirée, le PASOK est arrivé premier avec 12,4% du total des électeurs potentiels, et ND deuxième avec 9,7% de ces voix.
SYRIZA est en crise – comment cela s’est-il manifesté lors de ces élections ?
Tout d’abord, il y a eu une véritable chute du nombre absolu de voix, en plein milieu de la crise la plus catastrophique qu’ait jamais connue la classe ouvrière grecque – et alors que la gauche devrait offrir une issue et voir ses forces croître rapidement. Deuxièmement, Syriza s’est présentée divisée dans toute une série de villes et de régions. Par exemple, en Attique, il y avait deux candidats – l’un, Mitropoulos, membre du PASOK mais soutenu par Synaspismos (qui est le plus grand parti dans Syriza) tout seul, et l’autre, Alavanos, l’ancien président de Synaspismos et soutenu par les maoïstes du KOE et par le DEA (un groupe “trotskyste”, scission de la section grecque de l’IST). La majorité des membres du secrétariat central de Syriza, au nombre de 10, y compris deux parlementaires Syriza, se sont distanciés de ces deux factions en lutte, en tentant de développer un “troisième pôle” à l’intérieur de Syriza, basé sur une approche principielle et non sur des ambitions sectaires, et sur un programme à la gauche du programme Syriza officiel. La section grecque du CIO, Xekinima, a joué un rôle énergique dans cet effort.
Alavanos comme Mitropoulos ont tous les deux obtenus un score extrêmement mauvais lors de ces élections. Le premier a reçu 2,2% des voix, le second 6,2%. C’est une défaite pour tous les deux, bien qu’évidemment les mauvais résultats pour Syriza représentent un recul et ont en général des effets négatifs sur le développement du mouvement.
Quelles sont les perspectives pour le mouvement ouvrier ?
Avant que nous ne parlions de ceci, il importe de mentionner le fait que le plus important résultat de ces élections a été la montée du parti néofasciste Chrysi Avgi (Aube dorée). Il a reçu environ 10 000 voix et plus de 5% à Athènes, et dans certains quartiers entre 15 et 20%. Il ne s’est pas présenté sur le plan national, mais dans les régions où il s’est présenté il a obtenu un très gros score. Une partie de ces votes sont évidemment des votes de protestation, mais la situation est dangereuse. Ce groupe n’est pas une organisation populiste, mais un parti ouvertement néonazi, qui utilise des couteaux et des barres de fer lors de leurs activités et campagnes “politiques” au jour le jour. Il est grand temps que les partis de masse de la gauche se réveillent et réalisent le danger que représente le néofascisme, surtout dans ces conditions de grave crise économique et sociale.
En ce qui concerne le mouvement ouvrier, comme nous l’avons mentionné dans des articles parus plus tôt sur les sites du Comité pour une Internationale Ouvrière, la direction du mouvement syndical en Grèce a décidé de remballer le mouvement contre les coupes budgétaires profondes du gouvernement PASOK. Dans ces conditions, ceci revient à une trahison ouverte – par conséquent le président de la fédération syndicale grecque, la Confédération générale des syndicats (GSEE) est en train de devenir une des personnes les plus détestées dans le mouvement. Toutefois, même lui a été forcé, sous pression de la base, d’appeler à une nouvelle grève générale pour le 15 décembre. Bien entendu, cela n’est que dans le but de laisser échapper la pression, et la direction va dans les faits saboter la grève générale. Elle ne veut pas que cette grève soit un succès, dans le but de pouvoir dire après que les travailleurs ne veulent pas se battre.
En attendant, la lutte continue. Il y a sans arrêt de nombreuses luttes par des travailleurs de différentes entreprises qui licencient ou qui ferment. Avec Xekinima, la section grecque du CIO, nous sommes impliqués dans toute une série de ces luttes, telle que la lutte contre les licenciements de masse chez Aldi, la chaine de supermarchés internationale basée en Allemagne.
Le secteur public continue à être troublé, tandis que le gouvernement semble encouragé à massacrer l’emploi par les bouchers du gouvernement Con-Dem britannique. En ce moment, les plus importants processus en cours sont centrés autour des universités, où il y a beaucoup de développements fiévreux, pas seulement parmi les étudiants, mais aussi du côté des enseignants universitaires. Xekinima a produit des milliers de tracts pour une campagne massive dans les universités, appelant à des grèves et à des occupations, pour la création d’un front de tout le secteur de l’enseignement et pour que des liens soient créés entre le mouvement de la jeunesse et le mouvement ouvrier en général, afin de nous débarrasser de ce gouvernement et de sa politique.