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Nigéria : le secteur de l’énergie doit rester public !
Au Nigéria, le président Goodluck Jonathan a récemment lancé une “feuille de route pour la réforme du secteur de l’énergie”, dont le but est de privatiser la Power Holding Company of Nigeria (PHCN – Compagnie électrique du Nigéria). Comme condition pour cela, le gouvernement a augmenté le tarif de l’électricité d’environ 4 naïras du kilowattheure à 18 naïras du kilowattheure (0,02€ à 0,09€).
Socialist Democratic Movment
C’est là une tentative cynique d’exploiter la faillite de la PHCN à fournir de l’électricité en tant que couverture pour un agenda anti-pauvres visant à transférer les entreprises publiques vers les mains des capitalistes locaux ou étrangers et ce aux dépens des besoins économiques et de la fourniture de services.
C’est là un véritable revirement dans la tactique de ces bandits, plutôt que de piller la PHCN, l’élite dirigeante, avec leurs alliés étrangers, cherche une nouvelle manière de se faire de l’argent facile. Selon leur plan, après que le secteur privé ait acheté 51% de parts dans la PHCN, qui inclut les 6 compagnies génératrices d’État et 11 compagnies de distribution, le secteur privé sera également responsable de gérer le réseau de transmission “selon un contrat de gestion de cinq ans”.
Afin d’encore bien insister sur le caractère antisocial de leur “réforme du secteur de l’énergie”, le gouvernement a d’emblée annoncé que 50.000 travailleurs seront licenciés en 2011 suite à la privatisation de la PHCN. Ce chiffre, bien qu’il soit en lui-même assez alarmant, pourrait bien n’être en réalité qu’une sous-estimation du nombre réel de licenciements qui surviendront suite à la privatisation de la PHCN. Selon le Conseiller présidentiel pour l’énergie, le Professeur Barth Nnaji, « Il y a un coût de fonctionnement élevé pour la compagnie, qui engouffre chaque année 8 milliards de naïras (39 millions €), et qui se composent à 80% des salaires et des pensions du personnel, tandis que 70% des coûts se produisent au niveau de la distribution, c’est donc l’idée du groupe d’action de couper une grosse partie de ces frais salariaux afin de garantir un approvisionnement en électricité plus efficient pour le pays. Une fois que ces travailleurs auront été licenciés, nous signerons un accord avec les nouveaux propriétaires de ces compagnies afin qu’ils les réengagent ». C’est un mensonge. La plupart de ces travailleurs ne seront jamais réembauchés, et le paquet de primes de licenciements d’un montant de 135 milliards de naïras (650 millions €) qui a été promis mettra des années avant d’être payé, comme l’a clairement démontré l’expérience des travailleurs et des pensionnés de la Nitel (société des télécoms du Nigeria).
La vérité est que le gouvernement adore cette tactique du chantage selon laquelle le salaire des travailleurs est un énorme fardeau pour le revenu public, alors que la réalité montre le contraire. Par exemple, les 17.474 cadres et législateurs aux niveaux fédéral, étatique et local coûtent chaque année plus de 1,3 milliards de naïras (6,3 millions €) au pays. Le professeur Itse Sagay, dans une étude fort détaillée parue dans le Punch du 8 août 2010, a montré que cinq pourcent du budget annuel du Nigéria est dépensé chaque année uniquement pour payer “nos” 109 sénateurs et 360 députés.
En d’autres termes, 469 Nigérians mangent 5% du budget national, laissant les 150 millions d’autres Nigérians avec 1000 naïras (5€) chacun. Ce professeur a encore révélé que « En 2009, un sénateur gagnait sur l’année 240 millions de naïras en terme de salaire et de notes de frais, un député touchait 204 millions. Autrement dit, un sénateur gagnait en un an environ 1,2 millions d’euros, un député gagnait 1 million d’euro. Comparons ceci avec un sénateur américain qui gagne 174.000 dollars par an (127.000€) ou avec un député britannique qui gagne 64.000 livres sterling par an (77.000€).
En outre, le gouvernement tente à présent de criminaliser le salaire annuel des travailleurs de la PHCN qui s’élève au total à 8 milliards de naïras (39 millions €), comme si leur salaire était responsable de l’inaptitude du gouvernement à fournir un approvisionnement électrique suffisant pour la population. Mais on ne nous fera pas démordre du fait que c’est pour nous les pratiques corrompues des hauts fonctionnaires gouvernementaux, des gérants de la PHCN (qui incluent des personnes appointées par le gouvernement et des contractuels du gouvernement tels que Barth Nnaji) qui sont responsables de l’inefficacité et de l’insuffisance de la fourniture en électricité publique. Il faut se rappeler que le gouvernement Obasanjo aurait investi la somme mirobolante de 2400 milliards de naïras (12 milliards €) dans le secteur énergétique, mais pourtant de cette somme, on n’en a pas vu le moindre watt. De fait, ces 2400 milliards de naïras qui ont disparu quelque part auraient permis de payer le salaire du personnel de la PHCN pour les prochains 300 ans ! Il est grand que le Labour révèle ce qu’il est advenu de ces 12 milliards d’euro, et entame une action sérieuse contre tous les bandits impliqués.
Il est important ici de souligner que la véritable raison du non-fonctionnement des entreprises publiques est l’absence de démocratie dans la manière dont sont gérées ces entreprises, et la corruption éhontée parmi les hautes couches de l’administration, composées des divers amis politiques des divers régimes qui se sont succédé au pouvoir. Comme les socialistes l’ont toujours défendu, seuls la mise en propriété publique et le contrôle et la gestion démocratiques des entreprises publiques par des comités élus des travailleurs et des consommateurs peut les faire fonctionner de manière efficiente et afin de satisfaire aux besoins du peuple.
Dans une situation où le pouvoir absolu repose uniquement sur quelques bureaucrates au sommet qui prennent eux-mêmes toutes les décisions relatives à la gestion des entreprises publiques, il n’y a aucun moyen de faire cesser la mauvaise gestion et la corruption. Par exemple, pendant les années ′70 et ′80, les entreprises publiques fonctionnaient de manière relativement efficace. Toutefois, avec l’absence continue de démocratie dans la gestion de ces biens publics, ce n’était qu’une question de temps avant que les bureaucrates politiquement cooptés qui étaient aux commandes de la gestion de ces entreprises publiques ne les fassent complètement chavirer par la non gestion et par le pillage de leurs actifs et de leurs finances.
Deuxièmement, l’expérience de privatisations similaires dans d’autres secteurs de l’économie confirme l’échec total de la privatisation en tant que méthode pour fournir des infrastructures efficientes, bon marché et accessibles. Par exemple, comme l’avaient prédit les socialistes, la plupart des 400 entreprises publiques qui ont été privatisées (toutes l’ayant été en échange de prix bradés au profit d’entreprises locales ou étrangères – dont certaines ne sont que des devantures pour de nombreux politiciens corrompus) ne fonctionnent toujours pas aujourd’hui. À la place, la plupart d’ente elles ont été réduites à l’état de cadavres, avec toutes sortes de récits complètement scandaleux de mauvaise gestion par le secteur privé. Christopher Anyanwu, l’ex Directeur général du Bureau pour les entreprises publiques, dans un rare élan d’auto-confession de la part d’un cadre étatique, a confié en septembre 2009 que seules 10% des 400 firmes privatisées fonctionnent aujourd’hui à un niveau optimal. La Nitel par exemple a été dormante depuis sa privatisation, des milliers de membres de son personnel se trouvant en outre à l’agonie suite au non payement de leur salaire depuis plusieurs mois.
En particulier dans le secteur de l’énergie, la privatisation s’est dès le départ révélée n’être qu’une aventure désastreuse. Depuis 2005, lorsque la PHCN a été démantelée en 18 compagnies autonomes, environ 20 compagnies énergétiques qui ont reçu des permis de production et de distribution d’électricité n’ont pas généré le moindre mégawatt ! La réalité est que la classe dirigeante capitaliste nigérianne et leurs comparses étrangers auxquels appartiennent ces entreprises privées n’ont aucune confiance dans l’économie. En conséquence, ils sont bien plus prompts à investir dans la spéculation ou à entasser leur argent dans des banques à l’étranger plutôt que d’engager leur argent dans des investissements dans un secteur aussi intensif en capital que le secteur énergétique ; à la place, ils souhaitent racheter les 3000 mégawatts déjà générés par la PHCN pour pouvoir eux-même la revendre à un prix plus élevé aux consommateurs, tirant de l’affaire un profit facile pour très peu de dépenses en capital.
Et quand bien même ils investissent, ils le font de préférence à l’aide des ressources publiques, comme l’a d’ailleurs clairement démontré l’assurance du Président Goodluck Jonathan et de son Conseiller spécial à l’énergie, le Professeur Barth Nnaji, que « Le gouvernement fournira des rehaussements de crédit qui leur permettront d’investir dans la construction de centrales énergétique » et que « La Banque centrale du Nigéria a établi un fond de 300 milliards de naïras (1,4 milliard €)) qui seront mis à la disposition des investisseurs potentiels pour le secteur de l’énergie ». Ceci les assurera donc sur le fait qu’ils sont bien protégés, puisqu’en cas d’investissement non rentable, seul le gouvernement perdra de l’argent !
En langage courant, tout ce blabla signifie que le gouvernement désire utiliser les ressources publiques afin d’aider des individus et des compagnies privées qui n’ont de compte à rendre qu’à eux-mêmes à reprendre la PHCN. C’est la même chose qui a été faite en 2009 lorsque 620 milliards de naïras des fonds publics ont été utilisés par la Banque centrale du Nigéria pour renflouer 8 banques qui se trouvaient au bord de la faillite à cause de leurs pratiques douteuses, de la corruption de leurs dirigeants et des prêts inconsidérés couplés à l’investissement dans des actions à risque. C’est une chose de soutenir les clients d’une banque, mais c’est quelque chose d’entièrement différent d’en renflouer les propriétaires. La question est : si le secteur privé est si bon à gérer les entreprises publiques qui lui ont été vendues, pourquoi alors le gouvernement doit-il sans arrêt venir à sa rescousse avec l’argent du public et des plans de renflouement irréfléchis ? Les procès scandaleux qui sont en cours en ce moment contre certains dirigeants de banque accusés de pillage, de corruption et de pratiques douteuses démontre bien à quel point on ne peut pas faire confiance au secteur privé pour la gestion des entreprises publiques.
Dans tous les cas, l’objectif premier de tout investisseur privé est de faire du profit et non pas de fournir un service. Par conséquent, même dans la situation peu probable où le secteur de l’énergie serait rénové par une privatisation bien menée, avec un accroissement de la production et un circuit de distribution stable, les vastes masses laborieuses, les artisans, les petits commerçants, les patrons de petites ou moyennes entreprises, etc. devraient s’attendre à ce que la facture augmente jusqu’au point où seule une minorité de la population sera capable de se la payer.
Nous affirmons que la PHCN peut être efficiente si elle demeure publique. Ceci va cependant nécessiter son transfert sous le contrôle et la gestion démocratiques par des comités élus de travailleurs, des consommateurs et de représentants du gouvernement afin d’assurer que les ressources publiques qui auront été dépensées afin d’améliorer le secteur de l’énergie ne soit pas gaspillées ou mangées comme ça s’est produit à chaque tentative précédente du gouvernement pour revigorer le secteur. C’est aussi cela qui est nécessaire pour éviter une débacle comme l’ont connue l’ancienne Union soviétique et les États d’Europe de l’Est, où l’étouffement bureaucratique de l’économie a sapé leurs économies nationalisées. Ce que cela signifie est que, au lieu des quelques bureaucrates désignés par en haut par le gouvernement qui dicte le fonctionnement des entreprises publiques, les décisions doivent être prises par les travailleurs à la base et par les consommateurs, au moyen de représentants élus dans des comités de gestion aux niveau local, étatique et national, avec le mandat de superviser les affaires du secteur de l’énergie en accord avec les besoins du peuple.
Mais un tel système ne pourrait survivre très longtemps en isolation du reste du pays, ce qui est particulièrement vrai au Nigéria où le but premier de l’élite est d’être en position de manger. Voilà pourquoi il nous faut une révolution sociale pour changer de système, car un gouvernement capitaliste ne va jamais de son plein gré remettre le contrôle de l’économie aux travailleurs et à la masse du peuple. Seul un gouvernement socialiste et démocratique des travailleurs et des pauvres peut placer le contrôle des leviers de l’économie entre les mains du peuple. Avec un gouvernement des travailleurs et des pauvres, il serait possible d’utiliser les ressources de la société pour rechercher, développer et découvrir de nouvelles méthodes de génération d’électricité efficientes et écologiques, telles que l’utilisation des énergies éoliennes, solaires et marémotrices afin de progressivement quitter le gaz, le charbon, le pétrole et le nucléaire, qui sont les seules sources d’énergie aujourd’hui acceptées par la classe capitaliste au pouvoir, sans aucune pensée pour la sécurité de l’environnement ni des besoins en énergie de la société.
Malheureusement, aucun des partis politiques qui se présenteront aux élections de l’an prochain ne défendent un tel programme. Par conséquent, quel que soit le vainqueur de ces élections, il n’y aura aucun changement fondamental de la situation au Nigéria en ce qui concerne la plupart d’entre nous. C’est la raison pour laquelle le DSM, tout en soutenant des luttes telles que celles du personnel de la PHCN, appelle à la construction d’un mouvement politique de la population laborieuse afin de se débarrasser de l’élite de bandits capitalistes qui mène le pays au naufrage, et à l’établissement d’un gouvernement des travailleurs et des pauvres qui régnera pour satisfaire aux besoins de la population laborieuse et non pas pour les profits de la classe dominante.