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Kirghizistan : après le soulèvement révolutionnaire d’avril, l’explosion du conflit ethnique
En avril dernier, le soulèvement des masses avait fait tomber en 24 heures le pouvoir du président Bakiyev. Mis au pouvoir en 2005 suite à un précédent soulèvement populaire contre la politique néolibérale du précédent gouvernement, Bakiyev n’avait jamais lutté contre la pauvreté et la corruption. Au contraire, sous son « règne » de corruption et d’autoritarisme, la pauvreté n’avait fait que s’accroître, les privatisations aux profits de l’élite du Kirghizistan et des capitalistes des pays impérialistes ainsi que les mesures impopulaires s’étaient multipliées. La dernière en date : le doublement du prix de l’électricité.
Par Yann Venier, Gauche Révolutionnaire (CIO-France)
Aujourd’hui, Bakiyev est remplacé par un gouvernement provisoire qui a promis la mise en place d’une politique radicale. Mais pour l’instant, la seule mesure réalisée est la réduction du prix de l’électricité, du gaz et de l’eau. Alors que le soulèvement d’avril réclamait la nationalisation des secteurs clés de l’économie, le gouvernement provisoire n’a nationalisé que deux banques aux mains du clan Bakiyev.
Le soulèvement d’avril dernier avait donc suscité beaucoup d’espoir. Mais il aura suffit de deux mois pour que le gouvernement provisoire engendre tout autant de déception, d’autant que la crise s’approfondit de jour en jour : le blocus imposé à la fois par l’Ouzbékistan et le Kazakhstan a entraîné une diminution de 15% du BIP depuis avril. Refusant de s’attaquer frontalement aux intérêts des capitalistes au Kirghizistan, le gouvernement provisoire est incapable de répondre à la situation des travailleurs et paysans de ce pays.
C’est dans ce contexte que se sont développés en juin les pogromes kirghiz contre les populations ouzbeks du sud du pays (dans la région d’Osh et de Jilalabad), région où les soutiens à Bakiyev sont encore forts et où les travailleurs kirghizs expulsés de Russie depuis le début de la crise économique mondiale vivent le chômage et la misère. Ce lumpenprolétariat a grossi la masse des nervis s’en prenant aux Ouzbeks. D’autant que ces derniers quant à eux, exclus durant cinq ans des quelques avantages octroyés aux régions du sud par le pouvoir ont eu tendance à soutenir le renversement de Bakiyev.
A ce jour, officiellement, il y aurait environ170 victimes (les ONG comme la Croix-Rouge parlent de plusieurs centaines de morts), des centaines de blessés et 700.000 Ouzbeks, réfugiés en Ouzbékistan avant que ce pays ne ferment ses frontières, des milliers de commerces, voitures, maisons appartenant à des Ouzbeks incendiés… Face à cela, le gouvernement provisoire a décrété la mobilisation de tous les hommes de moins de cinquante ans et ordonné à la police et à l’armée de tirer pour tuer afin de « rétablir l’ordre ». Cependant, les témoignages sur des policiers ou des militaires participants aux pogromes sont nombreux.
Il est clair que les forces du président déchu Bakiyev, sont à l’origine de ces pogromes afin de déstabiliser le pays et chercher ainsi à reprendre la main. Mais les bureaucrates et les hommes d’affaires du clan Bakiyev, dont les intérêts sont menacés par le renversement du pouvoir ne sont pas seuls ; les barons de la drogue – Osh est la plaque tournante du trafic de drogue d’Asie central à destination de l’Europe – se sont alliés aux soutiens de Bakiyev afin de protéger leurs intérêts qu’ils estiment menacés par le nouveau régime.
Le gouvernement provisoire, dépassé par les évènements, a fait appel aux forces armées de Russie, qui ne manqueront pas de s’installer durablement dans la région et de protéger les intérêts des capitalistes russes et donc la stabilité capitaliste du pays, contre le peuple et par la force s’il le faut. De plus cette intervention est pas du goût ni des Chinois, qui possèdent une frontière avec le Kirghizistan, ni par les forces armées internationales qui occupent militairement l’Afghanistan.
Le gouvernement provisoire a donc refusé de se reposer sur la classe ouvrière et paysanne du pays pour régler la situation. Pourtant des exemples de fraternisation entre Kirghizes et Ouzbeks se sont multipliés durant les pogromes : Kirghizes défendant les Ouzbeks ou défendant ensemble leurs biens contre les émeutiers, etc. Le Comité pour une Internationale ouvrière, au contraire, appelle les travailleurs, les pauvres et les paysans du Kirghizistan, qu’ils soient Kirghizes ou Ouzbeks, à construire leur propre organisation indépendante des capitalistes, avec un véritable programme révolutionnaire et socialiste, et à construire ensemble dès maintenant une force commune de défense face à tous ceux qui commettent ces pogromes où qui les fomentent.