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Category: Pétrochimie
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Du jamais vu : un plan Renault chez Solvay !
Aux informations du 29 juillet 2010 on pouvait lire « Les résultats de Solvay dépassent les attentes. […] Au deuxième trimestre 2010 le chiffre d’affaire hors activités pharmaceutiques a bondi de 32% par rapport au deuxième trimestre 2009 ». Aujourd’hui on lit : « Solvay : 800 pertes d’emploi dans le monde, 150 à 160 emplois supprimés en Belgique » ! La procédure Renault commence !
Une procédure Renault ? Dans une entreprise dont la bonne santé financière ne fait aucun doute ?
La société Solvay a une image de marque à laquelle elle tient, celle d’une société « sociale » où patron, chefs et employés vivent en parfaite harmonie, les uns travaillant joyeusement, l’autre, reconnaissant, distribuant force de récompenses sous forme d’appointements bien au-dessus de la moyenne nationale et autres avantages sociaux. La société qui tenait au cœur du fondateur Ernest Solvay.
Oui ! Sauf que cela se réfère à l’ancienne société Solvay, celle qui s’appelait Solvay & Cie.
L’entreprise d’aujourd’hui ne correspond plus à cette image paternaliste. Depuis la transformation de la société en société anonyme son « cœur business » a été remplacé par le « core business » ! L’intérêt pour le bien-être des travailleurs a cédé la place à l’importance donnée au portefeuille des actionnaires (en majorité les familles Solvay, Janssen et autres). Graduellement les appointements ont rejoint la « médiane » des rémunérations nationales, les avantages sociaux ont été rognés petit à petit.
Depuis le début des années 1980 l’entreprise n’a de cesse de trouver comment augmenter les dividendes de ses actionnaires. Elle a mis au point un système de « dégraissement » du personnel barémisé sous la forme d’une convention collective de retraite anticipée, système il faut bien le dire, plus avantageux que la pré-pension.
Ces 20 dernières années plusieurs études ont été menées pour « rendre l’entreprise plus performante », pour « diminuer les frais fixes » ! Plusieurs centaines de postes de travail sont ainsi passés à la trappe.
Petit à petit la société Solvay a été fractionnée en Business Units indépendantes, ce qui a aussi permis de morceler la comptabilité. La recherche et l’administration centrale restaient néanmoins centralisées en Belgique. Cette organisation en Units a facilité la vente de diverses activités, personnel compris, qui ne semblaient plus essentielles à l’entreprise.
Depuis peu, même les employés « cadres », qui se voient refuser une représentation syndicale au sein de l’entreprise Solvay, ont été approchés individuellement pour se voir proposer, voire imposer, une retraite anticipée. Les barémisés, qui quant à eux avaient, jusqu’à présent, le choix de partir ou rester, ont aussi vu les propositions de départ devenir plus « impératives ».
Aujourd’hui un sommet vient d’être atteint. Une procédure Renault est enclenchée. La Direction se veut rassurante en insistant sur le fait que toutes les mesures seront prises pour effectuer les licenciements annoncés d’une manière aussi douce que possible. On est en droit de se demander comment puisque tous les travailleurs dans les « conditions » de la retraite anticipée ont été contactés et ont déjà entamé les formalités de départ.
Il s’agit donc de 150 à 160 départs supplémentaires, qui n’entrent pas dans le cadre de la convention collective.
Tout ceci nous donne une idée plus exacte de l’ampleur de la restructuration. Restructuration élaborée à la suite d’une décision de régionaliser les Business Units vers l’Asie et l’Amérique du Sud. Encore un effet pervers de la mondialisation.
Bien que dans l’entreprise Solvay le personnel ne soit pas particulièrement adepte d’actions syndicales, le taux de syndicalisation a toujours été élevé.
L’annonce de ces licenciements est non seulement un coup de massue pour le personnel, mais aussi pour les délégués syndicaux SETCa qui ont une double déconvenue par la perte de l’assistance de leur permanent, celui qui les épaulait depuis un grand nombre d’années. Ce permanent, responsable du secteur industrie, vient d’être lui-même licencié par l’organisation syndicale, pour des raisons fantaisistes. Dans un moment aussi crucial que l’enclenchement d’une procédure Renault, les délégués vont devoir travailler avec des permanents qu’ils ne connaissent pas, des permanents qui ne connaissent pas le terrain, des permanents, enfin, qui sont bien gentils mais qui ne sont pas des foudres de lutte syndicale.
Mondialisation augmentée de bureaucratie ! Sale temps pour les travailleurs et les militants syndicaux de SOLVAY S.A. !
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Bayer: Riposte syndicale réussie face aux attaques patronales
Fin 2009, la direction de l’usine chimique Bayer à Anvers a mené une attaque de grande ampleur contre les conditions de travail et de salaire des ouvriers et des employés. Le débat a été lancé dans les médias par les représentants des organisations patronales et des politiciens. Ils étaient tous d’accord : ouvriers et employés devraient faire des sacrifices sur leurs salaires et temps de travail, sinon l’usine risquait de fermer, entraînant la suppression de 850 emplois.
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L’entreprise de Bayer à Anvers a réalisé un profit de 191 millions d’euros en 2008, 18% de plus qu’en 2007. Les bénéfices ont surtout été réalisés dans l’activité financière. Le résultat de la production a baissé de 25 millions d’euros sur un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros, mais il est remonté en 2009. La productivité (valeur ajoutée par travailleur) a doublé depuis 2005.
En 2008, Bayer n’a payé que 10,02% d’impôt sur ses bénéfices. Les intérêts notionnels lui ont rapporté 55 millions d’euros. D’après les réviseurs d’entreprise, la réduction du temps de travail à 33,6 h par semaine (en 2004) a rapporté plus de 6 millions d’euros de déduction de charges patronales à Bayer.
Au niveau mondial, les actionnaires de la multinationale ont reçu 3,7% en plus pour l’année 2008 : 1,07 milliards d’euros de dividendes ont été versés.
[/box]Les syndicats et le personnel chez Bayer ont refusé les propositions de la direction visant à réduire les salaires et se sont opposés courageusement à l’offensive médiatique. Suite à cette opposition, la direction a du retirer ses propositions, en écartant soudainement le scénario de la fermeture. L’attitude résolue des travailleurs, soutenus par leurs collègues du secteur et du site allemand d’Uerdingen, a montré qu’on peut obtenir des résultats en refusant de sacrifier les conditions de travail sous le prétexte trop facile de la crise.
Que voulait la direction ?
La direction avait proposé d’augmenter le temps de travail, dans un premier temps de 33,6 h à 35,25 h par semaine. La direction affirmait que cette mesure était nécessaire pour maintenir la position concurrentielle de l’entreprise et s’appuyait, en plus, sur les surcapacités de production de polycarbonate. D’après la direction, il fallait couper dans la production soit à Anvers, soit à Uerdingen (Allemagne).
L’augmentation du temps de travail se présentait sous la forme d’une réduction de 14 jours de compensation (ramenés à 10 dans la deuxième proposition) en moins. En outre, la direction proposait que les nouveaux travailleurs soient engagés avec un temps de travail de 38 h (36 dans le deuxième proposition) par semaine.
La direction voulait aussi passer de cinq à quatre équipes. Ceci n’est pas seulement une mesure organisationnelle, il s’agit d’un changement lourd de conséquences pour le rythme de travail, et qui risquait de diviser les travailleurs. Un système de cinq équipes implique de travailler 20 jours dans un cycle de 35 jours. Il n’y a pas de jours de compensation supplémentaires parce que ces jours sont déjà calculés dans le cycle. Avec quatre équipes, il faut travailler 20 jours dans un cycle de 28, ce qui implique un temps de travail de 42 h par semaine. Ces heures supplémentaires sont résorbées par des jours de compensation. Les nouveaux engagés auraient reçu moins de compensation.
Enfin la direction avait proposé un blocage de salaire, en excluant même, dans un premier temps, toute adaptation à l’index pour une période de 4 ans !
Le chantage et pas la concertation
La direction a choisi d’éviter toute concertation avec les syndicats. Pendant la réunion du Conseil d’entreprise le 14 octobre, elle n’a pas parlé d’une restructuration. Elle a simplement annoncé que des mesures étaient nécessaires pour garantir la compétitivité de Bayer et que 7 millions d’euros d’économies devraient être réalisés sur la masse salariale. Cela équivaut environ à 10% des coûts salariaux, qui ne représentent eux-mêmes que 8.6% des coûts globaux de Bayer.
A ce moment, la direction n’avait encore fait aucune proposition concrète, ce qui ne l’a pas empêché de vouloir arriver à un accord deux semaines plus tard. Elle a finalement dû concéder une nouvelle réunion le 12 novembre où elle a exposé ses propositions.
Les syndicats ont refusé de négocier sur cette base et demandé une conciliation. La direction a déclaré que la discussion était très urgente, même si les syndicats savaient que c’était faux, grâce aux contacts avec leurs collègues allemands.
La direction n’avait parlé d’aucune urgence aux travailleurs allemands, tout en annonçant que la production serait maintenue à Anvers et à Uerdingen, mais de manière plus flexible.
Face au refus syndical, la direction a commencé à chercher d‘autres moyens. Le 24 novembre, elle a envoyé une lettre à tous les travailleurs de Bayer-Anvers dans laquelle elle annonçait une décision « encore cette année » pour limiter la surcapacité. Elle ajoutait que les travailleurs devraient faire « un effort » en échange d’une garantie d’emploi pour quatre années et des nouveaux investissements.
Afin de faire monter encore plus la pression, la direction a utilisé un autre outil : le quotidien « Gazet van Antwerpen » qui est à nouveau apparu comme porte-parole du patronat chimique à Anvers. La une du 27 novembre titrait : « Bayer : assainir ou fermer ». D’après ce journal, la réunion de conciliation du même jour était la « dernière chance ».
A cette réunion de conciliation, la direction a adapté ses propositions (suppression de 10 jours de compensation au lieu de 14, blocage des salaires mais maintien de l’indexation, adaptation du système de 4 équipes, temps de travail de 36 h la semaine pour les nouveaux travailleurs). Les syndicats ont refusé les propositions et la conciliation a échoué.
Apparemment, le chantage mis en scène par la « Gazet van Antwerpen » n’a pas suffi. Par conséquent, la direction a trouvé d‘autres moyens de pression du côté du gouvernement flamand. Après une offensive de presse le 28 novembre, le ministre- président Flamand Kris Peeters a déclaré dans l’émission du « Septième Jour » (programme d’actualité le dimanche matin) : « Les syndicats de Bayer doivent prendre leurs responsabilités et s’occuper de l’avenir et de l’emploi. » Il avait probablement espéré qu’après Opel et DHL, il pourrait être cette fois le messager de nouveaux investissements à Bayer.
Peeters a été suivi très vite par les représentants des organisations patronales. Un porte-parole de la fédération des patrons de la chimie, Essenscia, est venu expliquer dans la presse qu’une solution était nécessaire à Bayer et « ceci via une adaptation du temps de travail de 33,6 h vers 35,25 h par semaine comme proposé par la direction. » La FEB était bien sûr d’accord avec cette position.
Quant aux partis politiques soi-disant dans « l’opposition », ils ont montré de quel côté ils se situaient dans les conflits sociaux. La Liste Dedecker a mis en garde « les syndicats qui abîment le climat de concertation et qui sont une menace pour l’emploi. »
Le front contre les travailleurs était maintenant au complet. N’ayant pas réussi à faire avaler ses projets par les syndicats, la direction de Bayer a donc utilisé ses collègues-patrons du secteur, les responsables politiques (la différence entre ces deux groupes étant limitée, le ministre-président Peeters étant lui-même porte-parole d’une organisation patronale, l’Unizo, avant de devenir ministre CD&V) et ses amis de la presse bourgeoise. Le magazine Trends (Tendances) a ainsi couronné la manoeuvre en lançant un appel aux gouvernements et aux directions syndicales pour « mettre la pression sur les syndicats à Bayer ».
Le but était de contourner les syndicats, d’augmenter la pression directe sur les travailleurs et d’utiliser l’inquiétude ainsi créée pour faire avaler les attaques par les syndicats. Ce n’était pas une concertation sociale, mais du chantage pur.
La réponse syndicale
Les syndicats ont tout de suite réagi aux propositions de la direction. Une prise de position commune de la FGTB et de la CSC a été distribuée après le conseil d’entreprise du 14 octobre. Dans ce tract, les syndicats ont expliqué pourquoi l’austérité n’est pas une option pour les travailleurs. Le fait que le tract était une position commune des deux syndicats n’était pas une donnée isolée. A chaque moment, les délégués ont veillé au maintien de l’unité syndicale. Le tract expliquait aussi que Bayer a fait de grands profits (191 millions d’euros en 2008 !) et que la réduction du temps de travail avait été introduite justement pour éviter des pertes d’emploi en redistribuant le travail disponible (depuis les années 1980, les travailleurs ont gagné plusieurs réductions de temps de travail en renonçant à des augmentations de salaire). Pendant des années, les travailleurs ont été informés d’une manière régulière de la situation financière de l’entreprise (y compris des salaires des managers).
Cette base de discussion avec les travailleurs a renforcé les délégués dans leur opposition aux attaques patronales. Le soutien parmi les travailleurs était très grand. Chaque prise de position de la délégation syndicale était le résultat d’un processus d’information et d’implication des travailleurs.
Après la réunion de conciliation fin novembre, les délégués ont organisé 23 réunions d’information pour les travailleurs d’équipe. La réaction de la grande majorité des 260 travailleurs d’équipe était claire : un retour vers un système de quatre équipes ne serait pas accepté. Une assemblée générale a réuni 300 travailleurs. Toutes ces réunions ont montré que les travailleurs continuaient à soutenir les délégués. L’offensive médiatique a obligé les délégués à réexpliquer avec beaucoup de patience leur position. En retour, le soutien des travailleurs à leurs délégués a obligé la direction à revenir sur l’idée d’organiser elle-même un référendum parmi les travailleurs. Elle s’est rendu compte que, dans un tel référendum, elle ne serait pas partie gagnante.
Les délégués n’ont pas seulement informé et discuté avec les travailleurs de Bayer. Ils ont aussi construit la solidarité et l’unité avec les collègues des autres entreprises du secteur et les collègues allemands. Les délégués d’autres entreprises chimiques à Anvers étaient bien conscients qu’un succès patronal à Bayer serait suivi d’autres offensives patronales chez eux. Les deux syndicats (FGTB et CSC) ont conclu un accord intersyndical pour affirmer qu’aucun accord comportant un recul sur les conditions de travail ou de salaire ne serait signé dans le secteur.
Le 4 décembre, pendant la manifestation nationale de la FGTB, les militants de Bayer étaient présents sur le podium. Le président national, Rudy De Leeuw, a exprimé son soutien explicite à ceux de Bayer contre toute mesure d’austérité. Au même moment, la direction a tenté son dernier coup, en demandant à tous les travailleurs présents dans l’entreprise de se rassembler, à un moment où elle savait qu’aucun délégué FGTB n’était présent dans l’entreprise. Mais les délégués CSC montaient la garde et la tentative de manipulation de la direction a échoué.
La direction doit reculer
Finalement, la direction a dû reculer. Elle a dû accepter de prendre plus de temps pour négocier et accepter qu’aucun sacrifice sur les conditions de travail ne serait accepté. Cette conclusion d’un contact entre direction et syndicats le 3 décembre a été communiquée aux médias par les syndicats mais la nouvelle n’a pas fait la une des journaux…
Levi Sollie, délégué FGTB : « Pourquoi nous avons dit non »
Le 15 décembre, le PSL a tenu une réunion publique à Anvers avec Levi Sollie, délégué FGTB. Voici quelques éléments rapportés par Levi.
« La FGTB et la CSC ont dit non à la proposition de la direction de Bayer qui a réalisé un profit de 192 millions d’euros en 2008.
« La direction est arrivée avec une liste d’exigences en échange d’une convention collective qui assurerait l’emploi. Les propositions de la direction étaient inacceptables pour tout militant, délégué, secrétaire ou centrale syndicale.
« Les propositions se composaient de 5 points. D’abord, la direction exigeait que nous renoncions à toute forme d’augmentation salariale pendant 5 ans. Pas de revendication salariale jusqu’à 2015 ! Dans la première proposition, la direction parlait de 4 ans sans indexation salariale. Ce n’est même pas légal !
« Ensuite, la direction voulait que tout le monde travaille plus longtemps en abandonnant 10 jours de réduction du temps de travail. Si tout le monde travaille 10 jours en plus chaque année, il y aura trop de travailleurs et donc des pertes d’emplois. Dans la crise actuelle en Europe et en Belgique, la seule façon de combattre cette crise est une réduction du temps de travail.
« Troisièmement, la direction voulait réintroduire le système de 4 équipes au lieu de 5 comme aujourd’hui. Le travail en 5 équipes est le meilleur système d’équipes. Les syndicats dans la chimie revendiquent depuis plus de 30 ans une humanisation du travail d’équipe. Cela implique de lutter contre les aspects dangereux pour la santé et de garantir la possibilité d’avoir une vie sociale. La direction de Bayer voulait mettre fin à cela.
« La direction voulait encore que la prime d’ancienneté et une partie de la prime annuelle soient versées dans une caisse de pension. Bayer tirerait des avantages fiscaux d’une telle construction, les désavantages seraient pour les travailleurs et leur sécurité sociale.
« Enfin, la direction voulait que les nouveaux travailleurs aient un autre contrat avec un temps de travail augmenté. Cette proposition ouvrirait la porte à une concurrence entre les travailleurs. Sur un plus long terme, elle minerait tous nos salaires et nos conditions de travail.
« Nous avons dit non à ces propositions. Nous avions également appris de nos collègues d’Uerdingen (Allemagne) que le chantage patronal ne reposait pas sur une base réelle. Le 9 décembre, un manager allemand est venu nous expliquer qu’il n’y avait pas de scénario de fermeture pour Anvers et que la direction envisageait d’augmenter les activités.
« Nous avons dit non à leurs propositions parce que nous n’acceptons pas l’agenda que le patronat voulait nous imposer. L’agenda de la FEB, l’agenda du VOKA, c’est de conditionner les investissements à l’acceptation d’assainissements. Comme nous savions que l’entreprise resterait ouverte, nous avons refusé de négocier sur base de l’agenda patronal.
« Nous avons aussi dit non parce que toutes les entreprises de la chimie ont, dans les grandes lignes, les mêmes conditions de salaires et travail. Ces conditions ne sont pas mauvaises mais elles n’ont rien d’exagéré. Elles sont les résultats d’une concertation sociale avec des accords collectifs conclus avec les patrons. Ces accords ont été réalisés dans de grandes multinationales qui ont fait d’énormes profits dans l’industrie anversoise pendant 40 ans, des profits de millions et même de milliards d’euros !
« Voilà les raisons pour lesquelles nous avons décidé de dire non et nous avons eu raison de le faire. »
Pourquoi il nous faut nos propres médias
Fin novembre les journaux étaient unanimes. Gazet van Antwerpen titrait : « Bayer : assainissements ou fermeture », Het Laatste Nieuws parlait des négociations « de la dernière chance », De Morgen titrait : « Les syndicats de Bayer jouent avec le feu » et De Standaard résumait leur point de vue en titrant : « Bayer Anvers menacé ».
Quand la direction a reconnu qu’il n’était pas question d’un scénario de fermeture, cette nouvelle a été bien dissimulée dans les journaux. Ceux qui suivent l’actualité en ne lisant que superficiellement les journaux ont compris le message : « les syndicats ne se comportent pas de manière responsable et sont rappelés à l’ordre par des hommes politiques comme Kris Peeters ». Dans les médias bourgeois, il n’y a presque pas eu de place pour la position syndicale ou pour une position critique envers la direction.
Les médias ont été utilisés par la direction de Bayer pour empêcher la concertation sociale. Ce n’est pas un nouveau phénomène. Les patrons de la chimie à Anvers utilisent tous le Gazet van Antwerpen pour annoncer des restructurations ou des pertes d’emplois. En juin 2006, juste avant les vacances, la direction d’Agfa-Gevaert avait ainsi annoncé une perte d’emploi de 1.000 travailleurs. Début 2008, la direction a suivi le même parcours pour annoncer 250 pertes d’emplois. Les médias ont chaque fois été utilisés pour faire monter la pression sur les travailleurs en diffusant largement ces nouvelles parmi les travailleurs et leur entourage, afin de faire sortir la discussion de l’entreprise et de miner la concertation sociale.
L’absence de médias largement diffusés favorables aux travailleurs se fait durement sentir. Tous les médias traditionnels suivent l’ordre du jour patronal. Ce n’est pas une coïncidence : ces médias sont contrôlés par le patronat. Lors de la construction du mouvement ouvrier organisé il y a un siècle, la presse ouvrière a toujours joué un rôle important. Malheureusement, les syndicats n’utilisent pas assez les possibilités. Les journaux syndicaux ne sont pas assez réguliers et pas très vivants. Les sites web des syndicats offrent à peine une vue des positions des délégués et militants dans les entreprises.
Nous avons besoin de nos propres médias. Ce mensuel et le site web socialisme.be veulent y contribuer en publiant des rapports et des analyses venant du mouvement ouvrier. Nous voulons ouvrir un espace aux témoignages des délégués et des militants. Nous voulons également présenter des idées qui permettront aux luttes de progresser.
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Bayer, où l’offensive patronale s’est heurtée à un mur
Mardi soir, le PSL-Anvers a organisé une réunion publique consacrée à l’attaque patronale qui y a pris place et à la réponse syndicale qui s’est développée en réaction. L’orateur était Lévi Sollie, délégué FGTB/ABVV à Bayer.
Ces dernières semaines, les ouvriers et employés de Bayer et, plus largement, du secteur pétro-chimique, ont reçu beaucoup d’attention. Ils ont été présentés comme des travailleurs surpayés pour une semaine de travail trop courte. Cette approche a été défendue tant par les journaux flamands (parfois même en première page) que par différentes émissions à la radio ou à la télévision.
Par contre, c’est à peine s’il a été mentionné dans de très petits articles que les syndicats avaient le soutien de l’immense majorité des ouvriers et des employés.
Prévue depuis un certain temps déjà, cette réunion était consacrée au thème: «Quelle réponse syndicale face à la crise». Au vu de l’actualité, la réunion a bien entendu été adaptée. Elle s’est déroulée à un moment symbolique; le 15 décembre étant en effet exactement 4 ans après l’approbation du très antisocial Pacte des générations au sein du parlement.
Levi Sollie est membre de la délégation FTGB de Bayer, une délégation qui, avec celle de la CSC, a dû faire face à l’offensive commune des organisations patronales, du Premier ministre flamand Kris Peeters et des médias traditionnels. Heureusement, cette offensive s’est heurtée à la résistance. Ces dernières années, le personnel de Bayer et de la société-sœur Lanxess a systématiquement été informé et impliqué dans les décisions de la délégation syndicale. Avec le bruit et la propagande des médias, il n’était pas forcément évident que les ouvriers et employés se rangeraient derrière leurs délégués. Mais c’est pourtant bien ce qui s’est produit. D’autre part, l’unité des différents syndicats a été sujet d’une attention constante et conséquente, tant dans le secteur qu’avec les collègues des sites allemands.
Les syndicats à Bayer ne se sont donc pas laissés faire et ont résisté contre l’attaque de la direction contre leur salaire et leurs conditions de travail. Effectivement, les salaires dans le secteur chimique sont plus élevés que dans d’autres. Mais ce sont précisément ces salaires qui devraient être la norme!
Ou bien alors est-ce le salaire proposé pour un «facteur de quartier» (8,43 euros) qui devrait être la norme généralement en vigueur? D’autre part, dans le contexte actuel de flexibilité, une semaine de travail de 33,6 heures n’est pas une exigence exagérée. Le gouvernement flamand a donné pendant plusieurs années des subventions à Bayer pour diminuer le temps de travail afin de sauver des emplois lors des restructurations. Enfin, Bayer a encore réalisé l’an dernier un bénéfice de 191 millions d’euros.
Levi Sollie a donc fait le récit de la lutte que les syndicats et les travailleurs ont dû mener ces dernières semaines pour conserver leurs salaires et leurs conditions de travail. Il a aussi tenu à remercier tous ceux qui ont permis d’obtenir ce résultat: très certainement tous les militants et délégués de Bayer et LANXESS, mais aussi les secrétaires syndicaux et les collègues d’autres sociétés du secteur pétro-chimique. L’offensive patronale a donc pu être bloquée, mais il est certains que d’autres tentatives arriveront.
Après son allocution, quelques questions et interventions pertinentes sont venues de la salle, notamment de la part de quelques jeune délégués de la SNCB ou de De Lijn. La soirée s’est terminée par des discussions informelles au comptoir.
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A Bayer, l’austérité n’est pas une option
A Anvers, la direction de Bayer a voulu imposer un plan d’assainissements. En vue de réaliser cet objectif, elle a pu compter sur la coopération des politiciens, des autres patrons et des médias. La proposition de travailler plus longtemps pour le même salaire était présentée comme «généreuse» et le refus des délégations syndicales d’accepter ce recul était qualifié d’«irresponsable». Ce n’est quand même pas le rôle des syndicats d’organiser la casse sociale? Après Bayer aurait rapidement suivi le reste du secteur. Où s’arrêterait dès lors cette spirale vers le bas?
190 millions d’euros de profit
Bayer n’est pas exactement une entreprise en difficultés. En 2008, les profits nets ont augmenté de 18% pour atteindre 190 millions d’euros. Ces profits ont toujours plus dépendu des activités financières, et en résultat la production a diminué ces dernières années jusqu’à près de 25 millions d’euros en 2008, soit 2,5% d’un chiffre d’affaire de presque un milliard d’euros.
L’entreprise veut néanmoins faire encore plus de profits et recherche des moyens de s’en prendre aux salaires. Pourtant, les coûts du personnel ne représentent que 8 ,8% des coûts totaux! Ces dernières années, les travailleurs ont toujours dû travailler plus durement, comme l’illustre la productivité (la valeur ajoutée par travailleur), qui a doublé depuis 2005.
Bayer veut assainir sur le personnel, car il ne reste plus grand-chose à couper ailleurs. Les diminutions de charges ne peuvent plus faire de grande différence, l’entreprise ne paye de toute façon presque aucun impôt. En 2008, le taux d’imposition réel était de 10,02%! Uniquement avec la Déduction des intérêts notionnels, Bayer a ramassé quelques 50 millions d’euros. La baisse des profits de la production provient en fait principalement des prix des matières primaires. Assainir sur le dos du personnel ne va rien y changer.
Travailler plus longtemps pour le même salaire?
La direction a proposé d’augmenter le temps de travail, vers 35,25 heures par semaine dans un premier temps, sans doute plus par la suite. Selon la direction, il s’agissait d’une nécessité pour préserver la position concurrentielle de l’entreprise. Elle parle en plus d’une surcapacité de production concernant le polycarbonate (200.000 des 550.000 tonnes seraient de trop). La production devrait être diminuée à Uerdingen (en Allemagne) ou à Anvers.
Mais comment diminuer la production en travaillant plus longtemps? Il est clair que ce n’est qu’un préambule pour pouvoir passer plus tard à des licenciements. Limiter le temps de travail à 33,6 heures par semaine était une mesure destinée à sauver l’emploi: en travaillant moins longtemps, les pertes d’emploi ont été limitées lors d’une restructuration précédente.
La direction a fait chanter le personnel en déclarant que le choix était entre accepter les assainissements ou fermer le site. La direction serait-elle ainsi capable de mettre la clé sous le paillasson de sa filiale anversoise qui lui rapporte 190 millions d’euros parce qu’elle ne sait pas faire grimper le chiffre jusqu’à 200 millions? Le chantage était surtout destiné à pouvoir utiliser au mieux les copains du monde politique et médiatique. Ces derniers ont présenté cette proposition visant à augmenter le temps de travail comme une offre «généreuse». Cette campagne de diffamation s’est rapidement répandue et a gagné de l’ampleur. Au début, seuls les délégués syndicaux de Bayer étaient de méchants loups, ensuite tous les travailleurs de l’entreprise, et enfin tout le secteur chimique. Face à une telle offensive médiatique, plus besoin d’argumenter en faveur de médias propres aux travailleurs et aux structures syndicales. C’est plus que nécessaire pour faire circuler les informations dans les délégations syndicales afin de pouvoir répondre sur les lieux de travail à la propagande des médias capitalistes.
La question centrale pour la direction de Bayer n’est pas le temps de travail, mais bien le salaire. C’est ça qui doit baisser. En Allemagne, la direction a exigé une diminution de 6,7%. Si Bayer réussit à faire travailler le personnel plus longtemps pour le même salaire et licencier ensuite le surplus de personnel, on parle en réalité de diminution salariale. Cet exemple serait bien entendu très vite suivi dans d’autres entreprises du secteur. Ce n’est pas une coïncidence si fédération patronale de la chimie suivait ces discussions de si près. Où s’arrêtera la spirale vers le bas? Au salaire proposé pour les «facteurs de quartiers»?
L’austérité n’est pas une option
La direction a bloqué le prolongement d’une convention collective concernant la sécurité de travail pour le lier à la discussion sur les salaires. En échange d’une augmentation du temps de travail, il y aurait cinq années de sécurité de travail. Voilà de quoi compléter le chantage.
Une diminution de salaire ou une augmentation du temps de travail signifie en pratique que les travailleurs qui restent payent la prime de départ du personnel en surplus. La diminution du temps de travail a été introduite au premier janvier 2004 pour éviter des licenciements secs et la direction de Bayer a reçu depuis lors plus de 6 millions d’euros de diminution de charges sociales avec l’introduction de la semaine des 33,6 heures. Et maintenant on devrait accepter tout d’un coup de travailler plus longtemps?
Les syndicats refusent d’accepter l’austérité. Chaque eurocent ou chaque minute assainie ne va conduire qu’à plus de misère. Les syndicats refusent encore d’entrer dans une spirale vers le bas avec leurs collègues de la filiale d’Uerdingen. Le personnel d’un site ne doit pas être monté contre celui d’un autre.
Stratégie combative
La prise de position adoptée par les délégations syndicales de Bayer est remarquable. A contre courant des médias et de la direction, on refuse clairement les assainissements. Pour renforcer la position des syndicats, ces derniers mois, la politique a été de systématiquement informer le personnel sur la situation financière réelle de l’entreprise. Sur le site web Roodoor.info, on peut voir (en néerlandais) quelques exemples d’excellents tracts syndicaux très informatifs. Il y a aussi eu des réunions du personnel.
Un accord a été conclu avec les syndicats de la filiale d’Uerdingen pour ne pas entrer en concurrence les uns avec les autres. Un pacte syndical a été conclu dans tout le secteur pour refuser chaque accord nuisant aux conditions de travail et de salaire.
Le personnel a refusé la proposition de la direction et elle a dès lors été obligée de revenir sur ses plans et d’annoncer qu’il y aura de nouvelles négociations en février, sans que l’on ne touche aux conditions de travail et de salaire.
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Petroplus: action contre le recours aux huissiers contre les actions syndicales
Ce mardi matin, une action a été menée devant le Palais de Justice d’Anvers contre les tentatives d’interdire les actions syndicales à Petroplus en ayant recours aux huissiers et aux requêtes unilatérales. Suite à l’intervention d’un huissier sur un piquet de grève, les syndicats avaient déposé un recours en justice. Le procès se tenait ce mardi et les syndicats avaient appelé à une action à laquelle environ 120 syndicalistes ont pris part, tant de la CSC que de la FGTB. En attendant le résultat de ce jugement, le 15 septembre, voici quelques photos.
- Lire notre dossiser: Des huissiers employés pour casser les piquets de grève
- Lire notre dossiser: Des huissiers employés pour casser les piquets de grève
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Chimie : quand tout va bien, les actionnaires en profitent. Quand cela va mal, les travailleurs paient.
Tous les secteurs sont touchés par la crise économique. Quand cela allait bien, les bénéfices atteignaient des records. Une série d’entreprises continue d’ailleurs à établir de nouveaux records : en 2008 Total a clôturé ses comptes avec 13,9 milliards de bénéfices nets, soit 14% de plus qu’en 2007. Maintenant que la crise économique est là, elle sert de prétexte pour mettre sous pression les salaires et les conditions de travail du secteur.
Par Geert Cool
On économise sur le personnel…
En Allemagne, Bayer a réduit le temps de travail de 37,5 à 35 heures avec une diminution salariale de 6,7%. Chez Agfa, les travailleurs ont refusé d’accepter ces conditions, ce qui a fait conclure au grand patron de la FEB, Rudi Thomas, qu’il s’agissait d’une attitude «irresponsable». Pour épargner les ouvriers et les employés, les bonus des cadres et des cadres de direction ont été rabotés.
L’Accord Interprofessionnel (AIP) prévoyait que, pendant la période à venir, les salaires allaient pouvoir être adaptés à l’indexation. Au cours des dernières années, la norme salariale générale de l’AIP n’a pas été adaptée dans l’industrie chimique ; il y a eu des accords entreprise par entreprise qui, souvent, dépassaient légèrement la norme de l’AIP. Aujourd’hui, le patronat exige une application stricte avec les bocages de salaires dans toutes les entreprises. Le 11 février, le patronat à même abandonné la négociation pour de possibles accords entreprise par entreprise.
…Après des années de bénéfices record
La prise de position rigoureuse du patronat vient après une période de bénéfices record. Autrefois tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour un certain nombre d’entreprises c’est d’ailleurs encore le cas. Dans le secteur pétrolier, des entreprises comme Total, Exxon Mobil ou Chevron ont totalisé des bénéfices record en 2008 de, respectivement, 14%, 11% et 28% supérieurs à ceux de l’année précédente.
Chez les géants de la chimie tels Bayer, les bénéfices des dernières années se sont comptés en milliards d’euros. En 2007, par exemple, Bayer a clôturé ses comptes avec un bénéfice de 4,3 milliards d’euros, soit 23,2% de plus qu’en 2006. Tessenderlo Chimie obtenait pour la première moitié de 2008 un bénéfice net de 101 millions d’euros, soit une augmentation de 37%.
Bénéfices en baisse
Pendant le dernier trimestre de 2008, il y a eu moins de bénéfices et une série d’entreprises voudront probablement le faire payer aux travailleurs. Chez GSK (GlaxoSmithKline), le groupe pharmaceutique britannique, une diminution des bénéfices du quatrième trimestre (7,1% soit 982 millions de livres sterling) a mené à l’annonce d’une perte de plusieurs milliers d’emplois. Dans l’installation de Genval, 75 des 397 emplois vont passer à la trappe. Chez Pfizer 8.000 emplois dans le monde vont être supprimés après une chute des bénéfices pendant le quatrième trimestre ; l’entreprise a dû payer en une fois 2,3 milliards d’indemnisations, ce qui a fait chuter les bénéfices à 266 millions d’euros. En même temps Pfizer a quand même racheté son concurrent Wyeth pour un montant de 58 milliards de dollars cash, le montant de rachat le plus haut depuis la reprise d’ABN Amro.
De grandes entreprises pharmaceutiques telles Janssen Pharmaceutica ont exigé des dispositions du gouvernement pour préserver leur position concurrentielle. Janssen se trouve dans les mains de Johnson & Johnson qui, au quatrième trimestre 2008, a aussi vu ses bénéfices fondre de 14% (à 2,97 milliards de dollars). Pourquoi la communauté doit-elle écoper de la mise à l’abri des bénéfices de Johnson & Johnson ?
La crise de surproduction
Dans la plupart des entreprises chimiques il y a encore de beaux bénéfices, mais de l’autre côté une série d’entreprises luttent contre la surcapacité de production. Au cours des derniers mois 20% des sociétés chimiques ont utilisé le chômage économique. Fin décembre le chômage temporaire a augmenté dans le secteur de 107% sur la base annuelle.
Chez Lanxess, un chômage économique « partiel » de six mois a été annoncé pendant lequel la plupart des ouvriers de l’équipe de jour seront sans travail une semaine sur deux. Les syndicats ont entamé des actions et ont rédigé, à juste titre, un tract disant «Les travailleurs ne peuvent écoper pour la crise économique. Les directions ont aussi leur responsabilité et ne peuvent prétendre être le dindon de la farce.» De plus, la direction a refusé de payer un bonus sur salaire de 250 euros qui avait pourtant été promis. L’entreprise a reçu en 2008 un cadeau de près de 5 millions d’euros, notamment sur le précompte professionnel, ce qui représente près de 23 fois le bonus qu’elle a refusé de payer.
La capacité de production est aujourd’hui supérieure aux besoins. Selon la fédération patronale Essencia, l’industrie chimique n’a tourné qu’au trois quart de sa capacité en janvier. Le patronat se rend compte qu’il est question d’une crise de surproduction, mais continue à chercher ses solutions ailleurs : chez les travailleurs. Il est cependant clair qu’une économie sur les salaires ne mettra pas fin à la surcapacité de production.
Ces dernières années, des bénéfices phénoménaux ont été enregistrés dans le secteur chimique. Ceci à l’avantage des actionnaires principalement, alors que pour les travailleurs il n’y a eu que quelques miettes pour gonfler une flexibilité et une productivité acceptables. Maintenant que cela va moins bien, le patronat veux faire payer les travailleurs. Cela passe par du chômage partiel, l’arrêt progressif des heures supplémentaires ou par la prise de jours de congé. Le patronat prévient tout de go qu’il est possible qu’il y ait, dans quelques mois, une possibilité de «vague de licenciements»
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UCB: 450 licenciements malgré des profits énormes
Cet après-midi, les ouvriers d’UCB en grève ont organisé un petit concert pour les familles du personnel et les sympathisants devant les portes de l’usine. Une septantaine de personnes ont profité des rythmes africains et d’une initiation à la danse. Cet évènement était une distraction bienvenue dans un conflit social qui prend base sur le licenciement de 370 employés et de 80 ouvriers pour cause de restructuration. Après le concert, nous avons discuté avec quelques membres du front commun syndical (FGTB-CSC) à propos de la grève.
Sur quoi porte exactement le conflit?
«UCB veut faire un licenciement collectif sur le site de Braine l’Alleud de l’ordre de 450 travailleurs: 370 employés et 80 ouvriers. Ce licenciement cadre dans une restructuration de l’entreprise: UCB veut changer sa stratégie sur le marché pharmaceutique. La direction dit que “tout d’un coup” elle a été confrontée à une baisse de la demande de médicaments à cause d’une modification de la politique de remboursement des médicaments. Pourtant, c’est là une évolution qui prend place depuis déjà de nombreuses années et qui était prévisible. La direction a quand même continué comme si rien ne se passait pour engranger le plus de profit possible des anciens produits avant de modifier la production. Le sort des travailleurs qui produisent ces médicaments n’était pas important : l’idée était à terme de les licencier avec un plan social minimal.»
«La direction prétend avoir voulu orienter sa production vers le marché de la biopharmaceutique. Comme si un tel changement se déroule du jour au lendemain ! Le développement d’une gamme de produits dans ce secteur prend au moins dix ans de recherche! Pour cela, UCB a racheté l’an dernier les entreprises Schwartz Pharma et CellTech en espérant pouvoir utiliser les produits de ces entreprises. Cela n’a pas marché et 450 travailleurs doivent maintenant en payer le prix» (le rachat de Schwartz Pharma et CellTech à coûté à UCB respectivement 4,4 et 2,3 milliards d’euro – ndlr).
«Malgré tout cela, UCB a toujours fait des profits : sur un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros, ils ont obtenu en 2007 100 millions de profit net. Pour 2008, le profit est même estimé à 700 millions d’euros! Les travailleurs attendaient dès lors un plan social convenable, mais ce que propose la direction est scandaleux : un ouvrier qui a travaillé pendant 25 ans pour UCB recevra 62.000 euros brut : soit pas plus de 1.000 euros net par année travaillée!»
Comment la grève a-t-elle été déclenchée et comment a-t-elle été suivie par les employés et les ouvriers?
«L’action a commencé comme une grève spontanée parmi les ouvriers, qui ne voulaient pas accepter ce plan social. Nous revendiquons dans cette situation un plan social convenable, avec de bonnes primes de départ. Dans la situation économique actuelle, ce n’est pas du tout un luxe : comment veux-tu trouver aujourd’hui un autre travail convenable en étant un travailleur de 45 ans? Les ouvriers n’ont pas accepté la situation et sont partis en grève. Leurs délégués les ont suivis et ont organisé la grève.»
«Parmi les ouvriers, la grève est générale, les différentes équipes se sont mises ensemble et ont collectivement décidé d’arrêter le travail. Il n’y a pas d’équipes pour faire tourner la production».
«Chez les employés, la situation est différente. Ils ont décidé de ne pas suivre les ouvriers dans leur action, surtout sur base de la pression qu’ils ressentent de la part de la direction. Certains militants individuels participent quand même au piquet.»
Comment se déroule la grève? Quels sont les problèmes ?
«Les problèmes sont surtout dus à l’attitude extrêmement agressive de la part de la direction. Les cadres appellent les travailleurs chez eux pour les menacer. On dit aux travailleurs qui participent à la grève qu’ils n’étaient pas initialement sur la liste de licenciements, mais qu’au vu de leur attitude « négative », ils le seront. C’est une véritable terreur intellectuelle!»
«La direction veut absolument remettre l’usine en route et utilise tous les moyens possibles : un huissier est passé, escorté de la police, pour déclarer qu’il y a des astreints de 1.000 euros par travailleur ou fournisseur qui ne peut pas rentrer. Le piquet n’a jamais été un piquet de blocage : tout le monde peut passer. Le problème c’est que seulement les employés, et les 100 travailleurs avec un CDD viennent travailler : tous les ouvriers refusent, et donc il n’y a pas de production… Mais quelle limitation scandaleuse du droit de grève!»
«La direction a alors décidé de laisser travailler les ouvriers avec un CDD dans toute la production : même s’ils n’ont aucune expérience! Une usine chimique, c’est pourtant pas un jouet! Les conséquences sont là : aujourd’hui, un ouvrier temporaire a été gravement blessé quand sa main a été bloquée dans une machine pour laquelle il n’avait aucune expérience. Il est maintenant à l’hôpital pour une opération et risque même de perdre sa main! Ceci démontre l’attitude de la direction par rapport aux travailleurs : ce ne sont pour elle que des outils qu’on peut utiliser n’importe comment et, quand on n’en a plus besoin, on les jette à la poubelle!»
«Les astreintes de la direction sont une scandale : pendant des années, comme ouvriers, nous avons tout accepté pour garantir les profits de la direction : travailler en équipe, avec toutes les conséquences pour nos vies familiales, accepter de travailler les weekends, la « polyvalence » – qui signifie qu’on peut être mis sur n’importe quel poste – une flexibilité extrême : nous avons tout accepté pour garantir la rentabilité de l’entreprise.»
«Et maintenant, la direction nous traite comme des criminels : il n’y a jamais eu de blocage, mais ils nous ont quand même envoyé un juge, un huissier et la police. Nous ne sommes quand même pas des bêtes ou des sauvages? Nous ne sommes que des êtres humains qui veulent un salaire correct et un plan social acceptable pour le travail que nous faisons. La solidarité dans le quartier est énorme : une friterie locale nous a offert ses tables et ses chaises pour qu’on puisse avoir des meubles au piquet La commune, sur demande du bourgmestre, est venue installer une tente pour que les travailleurs qui gardent le piquet pendant la nuit puissent avoir un abri contre la pluie et le froid. Nous recevrons de l’électricité d’une entreprise voisine, des habitants et magasins dans le quartier nous offrent des boissons et de la nourriture… Voilà la solidarité humaine dans la pratique.»
«Mais il y a tout de même encore une grande demande de solidarité de l’extérieur: de la part d’autres délégations syndicales, de gens, de la presse. Ce conflit est trop peu connu. Nous invitons tout le monde à notre piquet!»
UCB Braine l’Alleud se trouve sur le zoning industriel de Braine, près de la sortie Whautier-Braine sur la E19. Après la sortie, prendre en direction de Braine, continuer jusqu’aux premiers feux, tourner aux feux à droite pour rentrer dans le zoning industriel. Après le rond point à gauche, tout au bout de cette rue, se trouve UCB et le piquet de grève. (Chemin du Forest, 1420 Braine l’Alleud). Les travailleurs sont présents au piquet 24h/24, les visites de solidarité sont plus que bienvenues!
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Grève chez CYTEC à Drogenbos
Depuis le lundi 13 octobre, le personnel de l’entreprise chimique CYTEC Surface Specialities, située à Drogenbos, est en grève. Le déclenchement de la grève fait suite au licenciement, au début du mois d’octobre, d’un employé du site, pour « raisons économiques », et ce sans respect des procédures prévues dans la Convention Collective de Travail de l’entreprise (entre autres le reclassement de la personne licenciée, voire, à défaut, le paiement d’une indemnisation). Le non-respect de la CCT se justifiait aux yeux de la direction par le fait que le dossier de l’employé en question contenait des fautes graves. Après que la délégation syndicale ait exigé d’avoir accès au dossier, il s’avéra que ce dernier ne contenait absolument aucun fait reprochable à l’employé, qui, soit-dit en passant, comptabilisait 21 ans d’ancienneté.
Par Cédric, MAS-Bruxelles
La réalité est que ce licenciement s’inscrit en prévision d’une restructuration plus large ; déjà, au cours de l’année, un autre employé du site s’était fait licencier. Ce dernier comptabilisait 31 ans d’ancienneté dans l’entreprise. Ces licenciements isolés ont pour but de créer un précédent, tout en éliminant de la boîte les travailleurs qui coûtent les plus chers. En atteste le fait que la direction refuse de reconduire la CCT pour les deux ans à venir, laquelle offre des garanties en terme de maintien de l’emploi. C’est pourquoi la réaction des travailleurs de l’usine est plus que nécessaire. Une de leurs revendications principale est notamment la reconduction de la CCT pour les deux années à venir. Maintenant que les travailleurs se sont mobilisés pour défendre leurs emplois, la direction se targue du fait qu’elle n’a pas de mandat pour négocier, renvoyant la balle au management américain. Au début du mois, par contre, elle était tout à fait compétente pour licencier un travailleur sans motif valable!
Ce lundi matin, quelques militants du MAS/LSP se sont rendus sur le piquet en soutien aux travailleurs en lutte. La grève est massivement suivie : sur une entreprise qui compte quelques 525 travailleurs, 98% des ouvriers et 80% des employés ont décidé d’arrêter le travail. De plus, la solidarité ouvriers-employés, parfois mise à mal lors de luttes précédentes, était clairement de mise. Des militants syndicaux provenant d’autres entreprises étaient également sur place en signe de solidarité. Le sentiment de la menace d’une restructuration était largement présent. D’autant plus que le personnel a appris au début du mois qu’un des ateliers de production (PU) était mis en vente. Si celui-ci ne trouve pas repreneur d’ici le 31 décembre, il sera tout bonnement supprimé : une trentaine d’emplois passeraient alors à la trappe.
Pour intimider les travailleurs et tenter de briser la grève, la direction ne recule devant rien : envoi de mails mensongers à l’ensemble du personnel, recours à la police et à la justice… Elle a même pris l’initiative de faire appel à une firme extérieure pour reprendre la production, ce qui constitue une solide entorse au droit de grève, mais aussi à la sécurité : ainsi, le personnel-cadre fut pendant un temps obligé de reprendre certaines tâches du personnel-ouvrier, pour lesquelles les cadres ne sont pas qualifiés. Quant on sait la dangerosité du site, cela laisse matière à réflexion : un des grévistes présent sur le piquet nous expliquait qu’en cas d’incendie, l’ensemble de la capitale devrait être évacuée ! Le site se trouve ainsi classé juste en-dessous des centrales nucléaires en termes de dangerosité et d’exposition à des produits toxiques…
De plus, les conditions de travail sur le site se sont sensiblement dégradées depuis que l’entreprise a été revendue par UCB à une firme américaine, celle-ci y ayant introduit de nouvelles techniques de management afin d’augmenter la productivité. La perception comme quoi « Depuis que les Américains sont là, c’est pire » ne doit pourtant pas nous faire perdre de vue qu’en matière de licenciement et de restructurations, UCB n’est pas en reste, elle qui est en train de liquider plus de 500 emplois en Belgique.
Un des grévistes nous expliquait qu’il s’était fait récemment rappeler à l’ordre par la direction parce qu’ « il ne souriait pas en arrivant au boulot» ; ce dernier nous rétorquait que ça ne le fait pas sourire de travailler pour engraisser une poignée d’actionnaires. En effet, il est impossible de concilier la soif de profit de quelques actionnaires avec la satisfaction, la sécurité et les conditions de travail des salariés.
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« Il ne s’agit pas seulement de gros sous, mais aussi de personnes »
Licenciements à Janssen Pharmaceutica :
Du 19 au 26 novembre, les travailleurs de Janssen Pharmaceutica ont fait grève contre la décision de la direction de supprimer 600 emplois. Le premier plan social a été rejeté par 92 % des travailleurs, le second à 54%, ce qui n’était pas assez (puisqu’il faut 66% pour poursuivre une grève). La grève a donc été levée mais la tension reste vive. Au piquet de grève, nous avons discuté avec Luc Van der Schoot, délégué CSC.
Quel est le principal motif de cette grève ?
Luc : « Les travailleurs ont trouvé le plan social et la convention collective (CCT) largement insuffisants. Le nombre de licenciements et le fait que la CCT prévoit un blocage salarial de trois ans sont inacceptables. Nous ne voulons pas nous laisser tromper par les employeurs. La volonté d’action est grande. 92 % des travailleurs ont refusé ce plan.
«La participation au vote – 88 % – a été très importante. C’était un vote particulièrement représentatif de tous les ouvriers et employés. Les chercheurs ont également voté. Ceux qui étaient sûrs de ne pas perdre leur travail aussi. Il ne s’agit pas seulement de gros sous mais aussi de la considération et du respect dus aux travailleurs. C’est pourquoi le plan social, qui était pourtant meilleur que celui d’il y a cinq ans, a rencontré une opposition aussi large.
Les piquets de grèves tournent bien, mais un piquet de grève est-il nécessaire lorsque 92 % des travailleurs se sont exprimés contre le plan social ?
« Avec 92 % de travailleurs contre le plan social, personne n’est venu pour travailler. Au contraire, chaque jour des gens viennent spontanément au piquet pour apporter leur soutien et montrer que nous ne sommes pas seuls.
« Le piquet de grève est pourtant nécessaire pour éviter que la direction ne livre des médicaments. Naturellement, nous laissons passer les médicaments destinés aux affections graves. Mais la direction a essayé d’en abuser. Elle a tenté d’entasser d’autres médicaments entre ceux qui pouvaient être livrés.
« Au piquet, il y a beaucoup de monde. Les gens veulent de la considération et de la reconnaissance pour leur job. Ce n’est pas évident et il est même difficile de toucher les médias avec cette grève. La grève chez Janssen est éliminée de la une des médias. Mais le piquet est prêt à répondre à toutes les questions.
Nous avons pu lire dans les médias les chiffres des bénéfices de la maison mère J&J (2,55 milliards de dollars au troisième trimestre, 3,08 milliards de dollars au deuxième trimestre) et de Janssen même (200 millions d’euros de bénéfice l’année dernière). Janssen n’est pas vraiment une entreprise en difficulté ?
« Les chiffres des bénéfices sont de l’huile sur le feu. J&J veut s’étendre vers les pays asiatiques et africains, mais il n’aurait pas assez d’argent pour l’emploi en Belgique ? Nous ne le croyons pas.
« De plus, il y a beaucoup d’insuffisances dans la communication de la part de la direction. Tout le monde a reçu une lettre avec un prétendu résumé de ce que contenait le plan social. En fait, la direction avait inséré entre les lignes de quoi faire pression pour que les travailleurs acceptent le plan, en disant que, s’il fallait recommencer les négociations, l’accord serait moins bon encore. »
Après une semaine de grève, il est acquis qu’il y aura 25 licenciements en moins et que la prime de départ sera portée de 11.000 à 15.000 euros. Le blocage salarial reste mais deux primes de 750 euros ont été promises en plus du salaire. Le mécontentement reste toutefois profond.