[DOSSIER] Nous avons raison de nous révolter ! Refusons l’austérité !

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Le soir du 6 juin dernier, Pascal Wauters, 46 ans, est décédé à son domicile. Revenu malade de son travail, il avait essayé de contacter à trois reprises le numéro d’urgence 112, sans parvenir à avoir un opérateur au bout du fil. Ce jour-là, la centrale d’urgence de Flandre orientale s’était retrouvée débordée. Le service des Affaires intérieures s’est insurgé : ‘‘que cet homme n’ait pas été aidé est inacceptable (…) notre objectif est que les appels bénéficient d’une réponse dans les cinq secondes.’’ Que s’est-il passé ? Pour les syndicats, la réponse va de soi : toutes les centrales sont en sous-effectifs.

Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

Vous n’avez pas entendu parler de ce drame ou fort peu ? Rien d’étonnant. S’il y avait eu moyen de tordre l’histoire pour accuser un gréviste ou l’autre, ça aurait été le cas. Pendant plusieurs jours. Avec à peine quelques lignes pour rectifier les choses une semaine après. Nous n’exagérons rien, la presse dominante n’a pas agi autrement en octobre dernier, quand une action de blocage à Liège avait retenu quelque temps un chirurgien dont un patient avait trouvé la mort par la suite. Au final, rien n’incriminait les grévistes, mais le mal était fait. Pour ça, l’espace ne manque jamais dans les pages des quotidiens Le Soir, La Dernière Heure et autres torchons des médias de masse. La mort silencieuse ou les complications diverses issues de la rage austéritaire ne bénéficient pas de cette attention médiatique.

Partout règne le ‘‘deux poids deux mesures’’

Alors que les bénéfices des entreprises et les dividendes des actionnaires ne connaissent pas la crise, alors que la fraude et l’évasion fiscale se généralisent au point que la Belgique soit considérée comme un paradis fiscal,… les travailleurs devraient accepter de travailler plus pour gagner moins !

Le gouvernement bloque les salaires des travailleurs, flexibilise le marché du travail (fin des 38h/semaine, temps partiel avec horaire 24h à l’avance,…) ; porte l’âge légal de la pension à 67 ans, appauvrit les jeunes, les femmes et les pensionnés, fait la chasse aux travailleurs sans emploi, aux bénéficiaires du Revenu d’intégration sociale (RIS) et aux malades ; coupe dans notre sécurité sociale et nos services publics tant au niveau des infrastructures que des emplois et des conditions de travail ;…

Pendant ce temps-là, les riches n’ont jamais été aussi riches. Pendant ce temps-là se succèdent les Luxleaks et autres Panama Papers. Et quand les États-membres de l’Union européenne se mettent d’accord pour une mesure concrète (quoi que très timide) concernant l’évasion fiscale – la directive européenne Atad (Anti Tax Avoidance Directive) – le gouvernement belge freine des quatre fers, jusqu’à se retrouver seul à vouloir la bloquer.

La colère pousse à l’action

Le 24 juin dernier, des milliers de piquets de grève ont étaient installé dans le pays. Ce n’était encore que l’expression la plus visible de l’énorme colère provoquée par les politiques inéquitables du gouvernement fédéral. Derrière chaque piquet se trouvaient aussi nombre de travailleurs en grève restés chez eux. Et derrière, on compte encore un plus grand groupe de gens en colère ou inquiets, mais qui, pour une raison ou une autre, ne pouvaient pas ou ne voulaient pas encore faire grève.

Entre la manifestation nationale du front commun du 24 mai et cette date, de nombreux travailleurs n’ont pas pu attendre les dates prévues par le nouveau plan d’action syndical pour partir en action. Dès le lendemain, les cheminots sont partis en grève spontanée (soutenue par la suite par la FGTB et la CSC) de plus d’une semaine suite à une attaque contre leur temps de travail. Pendant ce temps, les agents pénitentiaires poursuivaient leur grève entamée précédemment.

Une journée d’action était prévue dans les services publics par la FGTB et la CSC le 31 mai, elle s’est transformée en journée d’action et de grèves, sous la pression de la base, dans la CGSP-Admi et en Wallonie essentiellement. À partir de cette date, les ouvriers communaux de Saint-Nicolas (Liège) sont partis deux semaines en grève. Leurs collègues d’Intradel (Intercommunale de Traitement des Déchets Liégeois) sont quant à eux partis en grève une semaine durant. Diverses sections dépendant de la CGSP Admi ont observé un, deux ou trois jours de grève, avec la tenue régulière d’assemblées du personnel.

Le mercredi 8 juin, les pompiers se sont réunis à Namur pour manifester contre le manque de moyens et de personnel et contre la réforme des services d’incendie. Le vendredi 10 juin, des centaines de travailleurs du non-marchand flamand se sont réunis à Bruxelles pour protester contre les plans de reconfiguration du secteur des soins de santé par le gouvernement flamand. Le mardi 14 juin, la CGSP-Mons a accueilli les conseillers communaux avec une ‘‘haie de la honte’’ quelques jours après la grève des travailleurs d’Hygea (intercommunale de gestion environnementale de 24 communes de la région de Mons-Borinage-Centre). Le lundi 20 juin, les militants de la FGTB-Centre et de toutes les centrales qui la composent ont mené une action de blocage de l’économie régionale. Le dépôt de carburants de Feluy, le Plan Incliné de Ronquières et l’écluse d’Havré étaient à l’arrêt. Ce même jour, à Charleroi, des syndicalistes de la CGSP ont fait des sittings devant les sièges des différents partis politiques. On peut ainsi encore mentionner la grève de 24 heures des travailleurs de Bpost le 13 juin. Ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres.

Un fossé de combattivité entre la Flandre et la Wallonie ?

Il est vrai que les choses sont plus difficiles en Flandre. Mais, selon le dernier Grand Baromètre RTL/IPSOS/Le Soir (20 mai 2016), 52% des Belges soutenaient la manifestation du 24 mai (64 % des Wallons, 55% des Bruxellois et 45% des Flamands). Aujourd’hui, ce chiffre serait certainement plus élevé. C’est de toute manière davantage que le soutien dont dispose le gouvernement dans les derniers sondages… Pas moins de 93 % des Belges estiment que Kris Peeters a tort quand il dit que nous vivons tous au-dessus de nos moyens. À peine 7% des Belges approuvent Charles Michel quand il parle de l’effet positif de la politique gouvernementale sur le pouvoir d’achat. Une large majorité de la population trouve toujours que les syndicats sont cruciaux pour défendre leurs droits (81% des francophones et75% des Flamands). Et souvenons-nous qu’au lendemain du plan d’action de 2014, un sondage avait dévoilé que 87% des Flamands étaient favorables à un impôt sur la fortune.

La meilleure manière de mobiliser tout ce potentiel, c’est d’organiser notre colère audacieusement, mais aussi minutieusement. C’est il y a exactement 80 ans, en mai 1936, qu’a commencé la grande grève contre le gouvernement Van Zeeland. Ce mouvement a forcé le gouvernement à démissionner, et le nouveau gouvernement a introduit la journée les congés payés et le début de la sécurité sociale. Tout cela a été obtenu parce qu’il ne restait aucun choix autre que la grève. Le slogan était alors : ‘‘Votre prénom est Wallon ou Flamand. Votre nom de famille est travailleur.’’ Inspirons nous de cet exemple d’unité de classe contre le gouvernement et les patrons !

‘‘Jamais une grève n’a fait plier un gouvernement’’

C’est ce que titrait fièrement La Libre au lendemain de la journée d’action et de grèves du 31 mai… en nuançant tout de suite concernant les années ’70 et le gouvernement Tindemans. Divers responsables (de la CGSP et de la CSC-Enseignement) avaient ouvertement réclamé la chute du gouvernement, faisant ainsi écho à un sentiment qui vit très largement dans tous les pays. Dans sa lettre ouverte à l’attention des grévistes, au même moment, l’administrateur délégué de la FEB Pieter Timmermans faisait ouvertement référence aux grèves massives qui étaient parvenues à faire tomber le gouvernement Tindemans. Le même jour, un article du Soir parlait de l’année 1990 ‘‘quand les enseignants firent reculer le pouvoir politique’’.

Nous nous souvenons tous du plan d’action crescendo de l’automne 2014 quand, à partir de la manifestation du 6 novembre (la plus grande manifestation syndicale depuis 1986), a suivi une tournée de grèves par provinces en front commun et tous secteurs confondus (qui fut un succès tant en Flandre qu’à Bruxelles et en Wallonie) pour finir par la grève générale nationale du 15 décembre. Le gouvernement a alors sérieusement vacillé. Il en aurait fallu peu pour qu’il tombe.

Organiser la colère

La grève nationale du 24 juin n’a pas été une réussite totale. Après que les dirigeants syndicaux aient laissé les agents pénitentiaires et les cheminots combattre seuls, jusqu’à leurs mettre des bâtons dans les roues à certains endroits (pensons à l’attitude des dirigeants de l’aile néerlandophone de la CGSP cheminots), cela n’est guère surprenant. Bien souvent, quand la grève était bien organisée et suivie (avec parfois des piquets remarquables), cela tenait à des problèmes spécifiques au lieu de travail. En organisant sérieusement le mécontentement avec l’objectif clair de se débarrasser du gouvernement et de sa politique, de nouvelles actions plus massives peuvent voir le jour à la rentrée.

La faiblesse appelle l’agression, c’est ce que nous avons pu constater au port d’Anvers, où des robocops et un canon à eau ont forcé plusieurs piquets de grève le 24 juin. Ce fut une attaque politique contre le droit de grève. Avec une plus forte mobilisation sur place, cela n’aurait pas été possible. Tirons-en les leçons et préparons une plus grande présence aux actions sur base d’une bonne campagne d’information et de l’implication maximale de la base, notamment par le biais d’assemblées du personnel.

La prochaine grande mobilisation dans le cadre du nouveau plan d’action syndical sera le 29 septembre à Bruxelles. Avec une bonne préparation, cela pourrait à nouveau être une manifestation de masse de plus de 150.000 personnes. Si nous réussissons, nous pouvons être certains que le gouvernement, les patrons et les grands groupes de presse baisseront d’un ton. Nous pourrons alors complètement balayer le gouvernement par la grève du 7 octobre et des jours d’après. Alors ce ne sera pas seulement la FGTB et certaines centrales francophones de la CSC qui seront en grève, comme ce 24 juin, mais tout le monde qui cessera le travail ensemble.

Certains dirigeants syndicaux ne se battent pas pour l’opinion publique, ils s’y plient. Ils veulent à tout prix conclure des accords et perdent parfois de vue la pression qui retombe sur nos épaules dans les entreprises. Cela devient encore pire quand ces accords sont conclus sans que l’on ne demande leur avis aux travailleurs eux-mêmes. Nous sommes nombreux à être fatigués de ces barons qui, sans discussion avec la base, font sauter le front syndical ou, pire, qui injectent d’en haut la division communautaire dans le mouvement. ‘‘Le cynisme, c’est de l’espoir refroidi’’ disait l’écrivain de gauche Roger Vailland. C’est à cela que peut conduire la combattivité quand elle n’est pas accompagnée de la stratégie et du programme adéquats pour vaincre.

Nous comprenons la nécessité de fonctionner avec des représentants, des porte-paroles et des mandats, mais cela ne doit pas être instrumentalisé pour priver les membres de l’information et brider la liberté de débat et de travail en réseau. Le mouvement des travailleurs n’est pas une armée qui charge ou se retire sous les ordres de généraux. C’est une classe sociale où une position commune peut être forgée de la diversité d’opinions par le débat démocratique. À certains endroits, des assemblées du personnel sont organisées, de même que des réunions de militants dans quelques régionales, mais cela arrive trop peu et, souvent, uniquement pour informer, sans véritable débat.

Chez les agents pénitentiaires, chez les cheminots, mais également ailleurs s’est développée la pratique des Assemblées générales du personnel. Organisées de manière régulière et démocratique avec l’ensemble du personnel, celles-ci permettent de communiquer sur les motifs de la grève et de mettre au point des revendications claires tout en assurant que les piquets de grève soient plus massifs. En nous y prenant de la sorte, nous pouvons assurer que les prochaines grandes étapes soient des réussites.

  • Stop à l’austérité et aux attaques antisociales contre les travailleurs et leurs familles !
  • Restauration complète de l’index, négociations salariales libres et salaire minimum de 15€ bruts/heure !
  • Pas de sape des contrats de travail via la sous-traitance, l’intérim ou autres emplois précaires.
  • Pas touche au statut des fonctionnaires publics, pas de démantèlement des services publics, pas de privatisation ni libéralisation
  • Rétablissement de la prépension, pas touche à la pension anticipée et aux systèmes de fin de carrière avec RTT.
  • Relèvement des pensions à minimum 75 % du dernier salaire gagné avec un minimum de 1500€ par mois !
  • Stop à la chasse aux chômeurs, non à la chasse aux bénéficiaires du RIS, non à la semaine des 45 heures ! Pas de dégressivité, pas de service à la communauté, mais une réduction collective du temps de travail généralisée à 30h/semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !
  • Pour le renforcement de la lutte contre la grande fraude et l’évasion fiscales
  • Pour la levée immédiate du secret bancaire et l’instauration d’un cadastre des fortunes !
  • Pour le remboursement complet des 942 millions d’euros de cadeaux fiscaux aux multinationales (Excess Profit Rulings) ainsi que des autres cadeaux fiscaux de ce type (Intérêts notionnels,…) !
  • Allons chercher l’argent là où il est: chez les super- riches et dans les paradis fiscaux !
  • Nous ne contrôlons pas ce que nous ne possédons pas : nationalisation du secteur financier et des secteurs-clés de l’économie (sidérurgie, énergie,…) sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs et des usagers, sans rachat ni indemnité, sauf sur base de besoins prouvés, afin d’empêcher la fuite des capitaux face à une forte imposition des fortunes !
  • Pour une gestion rationnelle des ressources naturelles et de la production économique grâce à la planification démocratiquement élaborée de l’industrie et des services, seule manière d’assurer que l’économie soit au service des nécessités sociales de la population !
  • Pour une société socialiste !

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