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[DOSSIER] Europe-Forteresse, mondialisation et capitalisme
C’est pas les immigrés qu’il faut virer, c’est le capitalisme qu’il faut éliminer !
Vous disposez d’un compte en banque avec 1 million d’euros ? Vous souhaitez investir dans une société en Europe? Dans ce cas, les gouvernements européens vous accueillent sans problème comme un immigré de grande valeur. Pas besoin de risquer votre vie en traversant la Méditerranée en bateau de fortune, ou de passer des mois à Calais dans des conditions de famine avant d’embarquer, caché, dans un camion ou un train. L’histoire est bien différente pour la majorité de ceux qui fuient la guerre, la dictature et la misère, au Moyen-Orient et en Afrique par exemple. La plupart se retrouvent sans ressource et affamés dans leur propre pays ou dans une région voisine avant de finir aux mains de passeurs, risquant leur vie pour traverser la Méditerranée.
Par Pietro (Bruxelles), article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste.
L’Europe-Forteresse
Les récents événements observés à Lampedusa ou sur les côtes grecques reflètent l’incapacité du capitalisme à gérer le phénomène de l’immigration. L’année dernière, 219.000 personnes sont arrivées en Europe par ces moyens, un chiffre qui devrait être plus élevé en 2015 (nous en étions à 137.000 à la fin du mois de juin). Il y a eu 900.000 demandes d’asile en 2014, ce qui représente une augmentation de plus de 45% par rapport à 2013. D’innombrables milliers d’autres ont trouvé la mort en tentant de traverser la méditerranée. (1)
La majorité de ceux qui risquent leur vie sont des réfugiés fuyant des conflits et des guerres. Parmi ceux qui parviennent tout d’abord en Grèce et en Italie, plus de 85% proviennent de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak et de Somalie, des pays où l’intervention militaire de l’impérialisme occidental a joué un rôle-clé dans la création de situations cauchemardesques. La crise économique profonde du capitalisme, les politiques néocoloniales et les interventions militaires impérialistes ont créé une instabilité politique, alimenté la violence sectaire et disloqué les économies des pays touchés. Un nombre grandissant ne voit plus d’autre issue que de prendre le risque de tenter une périlleuse traversée de la Méditerranée.
On entend souvent dire dans les médias que le phénomène migratoire représente une richesse pour les pays en voie de développement, ce que réfutent complètement les études statistiques. Le cas du Malawi est représentatif : la grande majorité des infirmiers a quitté le pays au point qu’il ne reste aujourd’hui que 336 infirmiers pour 12 millions d’habitants ! (2)
Mais même si l’Europe n’est concernée que par une infime minorité des réfugiés à travers le monde, la politique d’asile de l’Union Européenne repose sur la criminalisation des réfugiés et la militarisation de ses frontières.
Ce fut tout d’abord Frontex, puis Triton, des opérations visant à augmenter la défense et la sécurité des frontières européennes. A suivi ensuite une opération du gouvernement italien, ‘‘Mos Maiorum’’, dont l’objectif était de renforcer les contrôles en mer, de récupérer les immigrés et de les expulser. 150.000 personnes ont ainsi été sauvées et ramenées aux côtes italiennes. Mais en prétendant agir pour réduire les naufrages et sauver des vies, l’Union Européenne et ses États-membres n’ont fait que verrouiller l’accès à leur territoire via leur politique de visas, l’agence Frontex ou encore le système de surveillance Eurosur.
Pour résoudre le problème de l’accumulation de réfugiés dans certains pays, l’Union Européenne a largement débattu de l’instauration d’un système de ‘‘quotas’’ visant à répartir les réfugiés dans les différents pays membres. Cette approche a bien évidemment subi les foudres de l’extrême-droite et de la droite populiste pour lesquelles il est impensable de dépenser de l’argent pour sauver des immigrés. Tous les Etats ont commencé à se renvoyer la balle les uns aux autres.
Immigration et capitalisme
La faillite des élites européennes illustre l’une des contradictions inhérentes au développement du capitalisme : la tension entre le développement des forces productives et l’État-nation. Alors que le marché pousse les forces productives au-delà des frontières de l’État, la réalité est que le capitalisme a besoin de frontières nationales et des États-nations. Les entreprises ont besoin de l’État pour servir leurs intérêts ainsi que d’un appareil d’Etat – police, armée, tribunaux, prisons, etc. – afin d’empêcher la classe des travailleurs et les opprimés de se soulever et de protéger la propriété privée des moyens de production. Cependant, même s’il est clair que les limites des forces productives ont largement dépassé le cadre des frontières nationales, la majorité de la classe des travailleurs reste captive de ces limitations.
Alors qu’il y a 250 ans, la différence entre les pays les plus riches et les plus pauvres était de 1 sur 5, nous en sommes actuellement à 1 sur 400. (3) L’objectif principal de la classe dominante capitaliste reste l’accumulation de profits. La montée exponentielle des inégalités – particulièrement ces 30 dernières années – s’est accompagnée d’une énorme augmentation du phénomène migratoire. L’impact politique de ce phénomène est une mise en concurrence accrue de tous les travailleurs.
Assemblée bruxelloise du PSL consacrée à la migration et à la crise des réfugiés, avec : Said, membre de la La Coordination des Sans-Papiers de Bruxelles – Pietro Tosi, Animateur MOC – groupe migrant CSC Bruxelles – Anja Deschoemacker, porte-parole de Gauches Communes et du PSL // Ce mercredi 16 septembre, Pianofabriek, 35, rue du Fort – Bruxelles.La super-exploitation des travailleurs migrants en Europe a un intérêt double: l’exploitation d’une main d’œuvre à bas salaire et l’instauration d’une pression à la baisse sur le coût du travail, notamment dans des secteurs impossibles à délocaliser : la logistique, le nettoyage ou encore l’Horeca. Si le gouvernement ne veut pas régulariser les sans-papiers, c’est essentiellement pour continuer à servir les intérêts des entreprises et du patronat, sur ce domaine comme sur les autres. La criminalisation des sans-papiers n’est pas un hasard, mais une volonté politique destinée à augmenter les profits!
L’Union Européenne prévoit la libre circulation de ses ressortissants en son sein. Mais il s’agit d’une conception de la ‘‘liberté’’ bien particulière, produite par le capitalisme et soumise à la Loi du marché et au principe de la mise en concurrence des travailleurs. C’est sur cette base que l’on a ainsi pu lire dans le magazine The Economist (avril 2011) un dossier défendant la liberté de circulation totale et l’ouverture des frontières.
Reste que cette prétendue liberté de circulation ne fonctionne pas dans les faits, comme l’illustrent ces migrants d’Italie qui ont été refoulés aux frontières françaises. Dans la grande majorité des Etats capitalistes, l’ouverture pure et simple des frontières serait bien plus déstabilisante qu’autre chose.
C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes !

Si le mouvement des travailleurs est assez fort d’un point de vue idéologique et organisationnel, il est capable d’imposer une toute autre musique reposant sur la solidarité active. Nous devons nous opposer à toute intervention militaire impérialiste, dont les effets sont de déstabiliser ces régions et d’ouvrir grand la porte aux seigneurs de guerre et autres organisations mafieuses pour qui le chaos est synonyme d’opportunité, tout en soutenant les mouvements de masse qui luttent pour de meilleures conditions de vie contre l’impérialisme, les oligarchies locales et les forces réactionnaires. Nous avons bien plus en commun avec les travailleurs d’Asie ou d’Afrique qu’avec les rapaces capitalistes des multinationales.
Un autre aspect de cette solidarité internationale est de lutter pour accorder le droit d’asile à ceux qui fuient la guerre, les conflits sectaires, la misère ou la dictature et pour que les demandeurs d’asile ne soient plus traités comme des criminels et enfermés dans des centres de détention fort peu différents des prisons.
Il faut aussi nous assurer de contrer l’extrême droite, dont l’attitude est de jeter de l’huile sur le feu pour stimuler le racisme et présenter les migrants comme les boucs émissaires des échecs économiques du capitalisme. Accroître les tensions et divisions entre divers groupes dans la société est une stratégie bien connue : diviser pour mieux régner. Le mouvement organisé des travailleurs est capable de lier ensemble la cause des migrants à celle des autres couches exploitées dans la société.
Dire que les moyens manquent pour offrir un bon avenir et de bonnes conditions de vie à la population – quelle que soit son origine – est un mensonge. Ce qui se produit dans les faits, c’est que les gros actionnaires et grands patrons pillent les caisses de la collectivité, la richesse créée à la sueur de notre front, pour ne laisser que des miettes tout en proclamant les poches et la bouche pleines ‘‘attention, les immigrés veulent vous voler ce qui reste !’’ Comme le dit le slogan : ‘‘le problème , c’est le banquier, pas l’immigré’’ !
La seule issue de sortie réaliste de la crise des réfugiés est une lutte unitaire de tous les travailleurs, indépendamment de leurs origines, genres ou encore orientations sexuelles, pour arracher les leviers de l’économie des mains de l’élite capitaliste. Il sera ainsi possible de disposer des moyens nécessaires pour mettre fin aux guerres, à la misère, à la destruction de l’environnement,… Seule l’instauration d’une nouvelle société, une société socialiste démocratique, sera de nature à voir naître un monde où la liberté de circulation sera réelle et débarrassée de la logique d’exploitation.
- 14 septembre : Bruxelles. Action : Rassemblement face au conseil européen justice intérieur (plus d’infos)
- 15 septembre : Bruxelles. Manifestation contre la venue de Marine Le Pen à Bruxelles (plus d’infos)
- 16 septembre : Bruxelles. Débat : Capitalisme et migration : quelle alternative à l’Europe-Forteresse ? (plus d’infos)
- 26 septembre : Bruxelles. Manifestation nationale de solidarité avec les réfugiés (évènement Facebook)
- 30 septembre : Liège. Débat : Capitalisme et migration : quelle alternative à l’Europe-Forteresse ? (plus d’infos)
(1) Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR).
(2) Pour le malawi : santé afrique : http://www.ipsinternational.org/
(3) Rapport OXFAM 2014