Michèle Martin : symptôme d’une justice malade

A l’heure où nous écrivons ces lignes, Michèle Martin est toujours en prison, mais sur le point d’être libérée… sauf dernier rebondissement judiciaire. Cette perspective de libération secoue la Belgique depuis quelques semaines car le souvenir du drame qui a secoué le pays il y a quinze ans est encore bien ancré dans les mémoires… A l’époque, la tragédie avait soulevé bien des questions sur le fonctionnement de la police et de la Justice ainsi que sur la place faite aux enfants dans notre société. La colère légitime de la population a déferlé dans les rues et le pouvoir a vacillé au moment ou la classe ouvrière commençait a se mettre en marche… juste avant d’être stoppée par un savant mélange de récupération et de répression, et quelques vagues promesses de réformes lancées suite à la Marche Blanche<

Par Jean L.

  • [DOSSIER] Ce système est pourri… jusqu’à la moelle !

Aujourd’hui, que reste-t-il de ces promesses ? Une réforme des polices bâclée et une Justice exsangue. On a beaucoup parlé du droit des victimes, des maisons de justice ont été construites. C’est tout.

Derrière ces souvenirs qui sont ravivés par les événements actuels, il y a donc un malaise généralisé face à la Justice : arriéré judiciaire, manque de moyens humains et matériels à tous les étages, surpopulation carcérale et surtout, de plus en plus de difficultés pour les plus faibles de se défendre devant un tribunal. Les avocats prodeo ont d’ailleurs manifesté récemment leurs préoccupations à ce sujet. A cela s’ajoutent des soupçons et des faits de collusion entre l’appareil judiciaire et le pouvoir politique et/ou le patronat. Les criminels en col blanc et les grands fraudeurs arrivent toujours à éviter les sanctions, alors que “Monsieur tout le monde” n’a aucun moyen de faire sauter ses contraventions. Le baromètre Justice de 2010 a d’ailleurs clairement mesuré ce malaise en indiquant que seuls 6 Belges sur 10 faisaient confiance au système judiciaire.

Face à une Justice malade, il est normal que le sentiment d’injustice se développe dans la population, parfois sans discernement. Mais aujourd’hui de quoi est-il question ? Que Michèle Martin soit en liberté (plus ou moins surveillée), cela ne réjouit personne. Que Marc Dutroux le soit dans quelques années, encore moins.

Mais que proposent ceux qui manifestent contre la libération de Michèle Martin? Des lois d’exception, sans doute à effet rétroactif pour qu’elles puissent s’appliquer aux intéressés? Terrain glissant. Il ne faut pas être juriste pour comprendre le danger qui guette derrière ce genre de “solutions”. Si l’on admet aujourd’hui qu’une loi puisse être votée avec effet rétroactif pour des cas très spécifiques, cela permettra demain de rééditer ce types de mesures spéciales contre tous ceux que le pouvoir aura décidé de criminaliser. Non, ce n’est pas de la parano : l’arsenal judiciaire s’est considérablement développé depuis le 11 septembre 2001, contre les mouvements sociaux et syndicaux. Et sur ce terrain, les tribunaux font diligence quand il s’agit de défendre les “intérêts supérieurs” de l’Etat ou ceux des patrons.

Par contre, on constate que la Justice reste passive face aux bavures policières ou aux opérations commando de barbouzes organisés en milice privée. La Justice, même malade, reste une justice de classe.

Disons le clairement : dans ce contexte, accepter des mesures d’exception contre Michèle Martin ou Marc Dutroux, c’est donner une nouvelle arme à l’establishment, qui pourra par la suite s’en servir contre nous. D’un manière plus générale, les peines incompressibles ne sont qu’un hochet que la droite agite régulièrement, tout en sachant parfaitement que leur mise en oeuvre serait une pure folie. Avec de telles peine, tout travail de réinsertion des détenus serait impossible, ce qui reviendrait à placer des bombes à retardement dans chaque prison, déjà sous tension. Par contre, il apparaît clairement que le suivi des libérations conditionnelles manque de moyens, notamment pour surveiller les éléments “à risque”.

Cela dit, une question continue à nous hanter : comment faire pour protéger nos enfants ? Il faut rappeler que la question ne se limite pas à empêcher quelques monstres prédateurs de nuire. La grande majorité des cas de maltraitance ont lieu à l’intérieur du noyau familial. D’où la nécessité de mettre en place des infrastructures qui permettraient aux victimes de trouver refuge dans un cadre sécurisant. Mais cela relève peut-être de l’utopie quand on voit la pénurie d’écoles, de crèches et d’encadrement parascolaire… En tout cas, aucune mesure répressive n’a jamais empêché un drame. Avec plus de protection et de prévention, on peut y arriver.

Quant à la Justice, il faudra plus qu’une réforme de façade pour la rendre plus juste. Seule une Justice réellement démocratique pourra être vraiment équitable et capable de protéger la population. Pour cela, les magistrats devraient être élus par la population et révocables à tout moment. De cette manière, la population pourra garder un certain contrôle sur les décisions judiciaires et s’assurer que chacun soit traité équitablement. Bien sûr, ce type de justice ne peut fonctionner réellement sous le règne du capitalisme. C’est dans une société socialiste qu’elle pourra se développer et travailler davantage sur la prévention des conflits que sur la simple répression.

En attendant, il faut donner beaucoup plus de moyens aux missions les plus utiles de la Justice : aide aux victimes, aide aux justiciables, médiation, réinsertion sociale des détenus,…

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