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Pourquoi il faut lutter et faire grève
Gouvernement, médias et patrons parlent d’une même voix : les actions contre la politique d’assainissement sont irresponsables. Face au mécontentement, ils défendent bec et ongle qu’il n’existe aucune alternative : nous devons assainir pour éviter de mettre en péril l’avenir de nos enfants et des générations futures. Nous ne sommes pas d’accord. Ce dossier vise à répondre à quelques arguments qui reviennent fréquemment.
Faire grève : est-ce irresponsable ?
Qu’entend-on par ‘‘responsable’’? Les spéculateurs jouent avec nos fonds de pension, les banques utilisent notre épargne comme au casino, et ce sont les moyens publics qui sont utilisés pour venir ensuite à leur rescousse. Et alors nous, on devrait accepter sans broncher de supporter l’austérité, sous peine d’être taxés d’irresponsables ?
La politique d’assainissement de l’Europe, du Fonds Monétaire International et de l’ensemble des partis établis nous entraine tout droit à une crise plus profonde. Les divers assainissements renforcent l’incertitude et détruisent la consommation. En Grèce, les travailleurs ont déjà vu disparaître jusqu’à 40% de leur revenu avec pour seul résultat une crise encore plus intense.
Pour nous, il est surtout irresponsable de nier l’accès à un avenir convenable pour toute une génération de jeunes. En Europe, 22,7% des jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi. Sous la pression des marchés financiers et de leurs représentants politiques – l’économiste libéral Paul De Grauwe décrit la Commission Européenne comme ‘‘un agent des marchés’’ – le nombre de jeunes sans boulot continue de grossir. Si quelque chose est bien irresponsable, c’est que le monde politique défende les intérêts du capital financier des spéculateurs et des banquiers alors que ces derniers n’ont qu’une chose en tête : leur prochain bonus, qui atteindra encore des sommets.
Les travailleurs, les chômeurs, les pensionnés, les jeunes,… ne sont pas responsables de la crise et ils ont tout à fait raison de dire qu’ils n’acceptent pas de payer.
Faire grève, ça change quelque chose ?
La sécurité sociale et toutes les protections sociales telles que l’abolition du travail des enfants ou l’introduction de la journée des huit heures ne tombent pas du ciel. Ce ne sont pas non plus les produits d’une générosité soudaine du monde patronal. Chaque acquis social est le produit d’une lutte. Même nos droits démocratiques, comme le droit de vote, sont les fruits de conflits sociaux. Ceux qui se battent peuvent perdre, mais ceux qui ne se battent pas sont battus d’avance.
Laisser faire les requins de la finance et les patrons ouvre grand la porte aux conditions de travail des Chinois avec des salaires indiens. L’Allemagne nous montre la voie sur ce chemin, avec des salaires de 2 ou 3 euros de l’heure qui n’ont rien d’exceptionnels. Notre protection sociale provient de l’existence d’un mouvement ouvrier organisé et des combats qu’il a mené. Nous ne sommes pas les seuls à en être conscients, et c’est pourquoi la propagande officielle se déchaîne tellement contre les organisations de travailleurs.
D’autre part, dire que les actions ne servent à rien puisque le Parlement a déjà voté les mesures ne tient pas la route. A l’époque, le travail des enfants était également permis par la loi. Devrions-nous simplement tout accepter du gouvernement et du Parlement ? Et s’ils décident demain de s’en prendre à l’indexation des salaires ? Devra-ton alors seulement se battre jusqu’au moment où le vote passera au Parlement pour tout avaler ensuite ?
Les grèves ne dérangent-elles pas tout le monde ?
Une grève a fort peu de sens si les patrons ne la ressentent pas… Ce n’est pas en demandant gentiment et en faisant preuve de docilité qu’on arrache des emplois décents et de bonnes conditions de travail. Les travailleurs et leurs familles constituent la majorité de la population, ils sont les 99% opposés aux 1% de capitalistes super-riches. Le meilleur endroit où leur faire mal, c’est au portefeuille, en leur privant de revenus. Quand le travail est stoppé, quoi.
Les patrons et leurs médias font de leur mieux pour imposer l’image de grèves qui n’ont pour objectif que de laisser d’autres travailleurs dans le froid ou les embouteillages. Ils vont aussi très vite pour calculer combien une grève ‘nous’ coute… Selon le ministre des Pensions Van Quickenborne, une grève des cheminots coûte à chaque Belge 10 euros par jour. C’est leur logique : si un patron perd, les frais sont pour la collectivité. Mais s’il fait du profit, c’est pour sa poche. Remettre ça en question est ‘irresponsable’.
On ne fait pas grève pour le plaisir : les travailleurs perdent une journée de salaire contre une allocation de grève de seulement 30 euros par jour. Un gréviste perd donc facilement 50 euros ou plus par jour de grève. Une grève est une action directe dans laquelle les intérêts des travailleurs et des patrons sont directement opposés. Les grévistes démontrent que la création de toute la valeur et de toutes les richesses est le produit de leur travail, ce qui pose la question de qui possède le pouvoir dans la société. Comme le disait le slogan de la grève historique des cheminots hollandais de 1903 : ‘‘Tous les rouages s’arrêteront si ton bras puissant le veut.’’
Nous vivons-nous pas au-dessus de nos moyens ?
Les fortunes des familles belges représentent 1.700 milliards d’euros, soit cinq fois le montant total de la dette publique. Alors que 341 milliards d’euros se trouvent chez les 1% les plus riches, les 50% les plus pauvres possèdent ensemble 235 milliards d’euros. Ces grandes fortunes ne sont pas le fruit du travail. En 2009, le revenu annuel d’Albert Frère était de 3,9 millions d’euros, ce qu’un salarié ne pourrait en moyenne obtenir qu’en travaillant environ 130 ans. Albert Frère gagne encore d’avantage en dividendes et en redistribution de bénéfices grâce aux actions de diverses entreprises. Ces gens-là payent en moyenne 11% d’impôts, quasiment rien même pour les plus gros d’entre eux. En 2010, les sociétés cotées en Bourse ont distribué 4,4 milliards d’euros de dividendes. On parie qu’Albert Frère considère que le commun des mortels vit au-dessus de ses moyens ?
Nous vivons plus longtemps, n’est-il pas normal de travailler plus longtemps ?
En 1960, l’espérance de vie moyenne était de 70 ans, pour presque 80 en 2007. En 1960, on travaillait en moyenne 2.289 heures par an, contre 1.611 en 2007, soit presque 30% de moins. Mais par contre, depuis lors, nous sommes passés d’une productivité moyenne de 11,89 dollars par heure en 1960 à 53,18 dollars aujourd’hui (en prenant la valeur du dollar en 2007 comme base comparative). Cela provient des améliorations technologiques, de l’augmentation de la formation et, surtout, d’un rythme de travail beaucoup plus élevé. Tout cela, avec l’augmentation du nombre d’employés (passé de 3,5 à 4,3 millions), a entraîné un quasi quadruplement de la valeur annuelle de la production totale dans notre pays (de 97,5 milliards de dollars à 371,5 milliards de dollars).
La forte baisse du niveau de vie de la population grecque et les attaques contre les soins de santé dans ce pays peuvent rapidement entrainer une baisse de l’espérance de vie. Ceux qui veulent aujourd’hui lier l’âge de la pension à l’espérance de vie seront-ils alors favorables à l’abaissement de l’âge de la retraite ?
Les jeunes sont-ils victimes de l’égoïsme des plus âgés ?
Pour certains, les actions contre les assainissements mettent en péril l’avenir des jeunes. C’est bien étrange de la part de ceux-là mêmes qui défendent un système qui fait de ces jeunes une ‘‘génération sans avenir’’. Personne ne parvient non plus à expliquer comment les jeunes peuvent bien avoir un meilleur avenir devant eux si on force nos aînés à travailler plus longtemps, diminuant donc les emplois disponibles.
Les capitalistes reconnaissent que les jeunes ont actuellement peu de perspectives. Le Forum Economique Mondial a publié un rapport annuel sur les ‘‘risques globaux’’ dans lequel il constate que ‘‘les graines de la dystopie’’ constituent le plus grand danger de notre époque. La ‘dystopie’ est l’inverse de l’utopie, synonyme d’une société de désespoir. D’après les grands patrons du FEM, leur système est en danger parce que les jeunes n’acceptent plus cette situation et entrent en lutte.
Ce que le gouvernement nous veut faire avaler
- Attaquer les plus faibles d’abord. Les jeunes qui entrent sur le marché de l’emploi, les travailleurs plus âgés qui veulent partir en prépension, les chômeurs, les femmes,… Ce sont les premières victimes du gouvernement Di Rupo 1er.
- L’allocation de chômage va plus vite baisser et le risque de perdre son allocation devient plus grand. Les chômeurs doivent accepter n’importe quel petit boulot flexible dans une zone de 60 km autour de leur domicile (tandis que l’essence devient sans cesse plus chère…)
- Le stage d’attente pour les jeunes passe de 9 à 12 mois
- La prépension devient moins accessible, avec des conditions plus strictes: 62 ans, à condition d’avoir travaillé 40 ans. Nombre d’exceptions sont abolies
- Dans les soins de santé, le gouvernement veut assainir 2,3 milliards d’euros. C’est une illusion de penser que c’est possible sans que les patients ne le ressentent ou sans démantèlement des services
- D’autres services doivent aussi assainir. Dans les chemins de fer par exemple, le gouvernement veut épargner 263 millions d’euros d’ici 2014, soit plus de 10% de la dotation totale
- La possibilité de crédit-temps est limitée et devient très désavantageuse pour le calcul des pensions
- Le gouvernement nous veut faire payer plus pour différentes dépenses, comme avec les frais notariés, l’isolement des maisons, d’autres mesures qui limitent les dépenses l’énergie,…
- Les assainissements seraient ‘‘équilibrés’’ car il existe également des mesures destinées à limiter la déduction des intérêts notionnels et à lutter contre la fraude fiscale. Mais selon le commissaire européen Olli Rehn, l’impact budgétaire de ces deux mesures a été surestimé dans le budget…