[FILM] Moi, Michel G, Milliardaire, Maître du monde

“Depuis que je vous parle, un grand patron français vient de gagner 1.000 euros, uniquement en dividendes. Et Oui. En une minute.” Le ton est directement donné, on est loin de la comédie franchouillarde avec ce faux documentaire sur un patron du Cac 40, Michel Ganiant. ‘‘Bienvenue dans le monde merveilleux du néolibéralisme. Manque de bol, c’est aussi le vôtre’’.

Par Nicolas Croes

En 1989, dans son premier film-documentaire ‘‘Roger and me’’, Michael Moore essayait (en vain) de rencontrer Roger Smith, le patron de General Motors, pour lui demander de venir à Flint voir les dégâts causés par son plan de restructuration. C’est un peu la même chose ici, sauf que le patron accepte de rencontrer le réalisateur et lui permet de le suivre avec son équipe de tournage, poussé par son ego et par l’opportunité de voir un de ses ‘gros coups’ passer à la postérité. Le réalisateur, Joseph Klein (de ‘‘No Pasaran Productions’’…), passe donc de l’autre côté de la barrière… Petit clin d’œil, Joseph Klein, c’est aussi le nom d’un machiniste américain du Wisconsin du début du XXe siècle, militant socialiste et même un temps élu membre de l’Assemblée d’Etat.

Après la crise économique, la mode est à la transparence, au ‘‘retour à un capitalisme éthique’’. Michel Ganiant se veut représentant de cette transparence. Né en mai 1968, il est le fruit de ce monde néolibéral qui a pris son essor après 1989 et l’effondrement du stalinisme. Il est la caricature du patron sans état d’âme, profite des aides à l’emploi pour licencier après, promet aux syndicats ce qu’il trahit le lendemain, est raciste, sexiste,… Sa soif de profit est insatiable. Mais par son biais, le film dévoile un système, un système où il y a fort peu de différences entre les prétendus ‘‘vieux capitalisme industriel’’ et ‘‘capitalisme financier’’, un système où la justice, les politiciens et les patrons sont d’un même milieu décadent où ‘‘être quelqu’un, c’est connaître tout le monde’’, un système où l’on collabore activement avec les dictatures, mais toujours sous le prétexte de ‘‘faire avancer la démocratie’’.

Finalement, nous assistons à la chute de Michel Ganiant, puis à son grand retour après un bref temps en prison avec la sortie d’un livre ‘‘Pour un capitalisme à visage humain’’, qui lui a surtout servi de levier pour créer un fond spéculatif basé sur le développement durable… Dernière référence à ‘‘Roger and me’’, qui se terminait par la chanson ‘‘What a wonderfull world’’ de Louis Armstrong, le film se termine ici par la version de Joey Ramone (considérablement plus pêchue), sur fond d’images d’exploitation dans les usines du monde néocolonial comme des pays capitalistes développés mais aussi de manifestations, de grèves, indiquant – peut-être de façon trop douce – la voie à emprunter pour en finir avec tous les Michel Ganiant du monde. En bref, un bon film, drôle, aux dialogues savoureux, qui dénonce le système et qui est un appel à poursuivre la lutte contre lui.

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