Une réponse aux mensonges du patronat : Handicap salarial ou théorie du cercle vicieux?

Aujourd’hui, les organisations patronales préparent déjà les négociations salariales prévues pour l’automne et c’est le ‘modèle allemand’ qu’ils mettent en avant. L’argument central du patronat est le prétendu ‘‘handicap salarial’’, les salaires des travailleurs belges seraient trop élevés en comparaison de ceux des pays voisins. Qu’il y a-t-il de vrai là-dedans?

Par Thomas B (Gand)

Selon le Conseil Central de l’Economie, le handicap salarial belge comparé aux voisins français, allemand et hollandais, depuis 1996, est de 3,3%. Si on compte également les subventions fiscales pour les salaires, ce handicap est réduit à 1,65%. Les fédérations patronales flamandes, Unizo et Voka, tiennent compte du niveau salarial absolu pour parvenir à un handicap salarial de 11% tandis que la Fédération des Entreprises Belges parlait en 2008 de 12%.

Par contre, aucune organisation patronale ne tient compte de la productivité des travailleurs belges. Comparés aux travailleurs allemands, les travailleurs belges sont devenus 18% plus productifs entre 1996 et 2009. Il n’y a qu’au Luxembourg (avec le secteur financier) et en Norvège (avec le pétrole) où l’on fait plus de profit par travailleur et par heure (dans notre pays, c’est déjà 58,5 dollars par heure en moyenne). Cela signifie que les capitalistes réalisent de meilleurs profits dans notre pays par rapport à l’Allemagne. Mais ce n’est toujours pas suffisant, la maximalisation des profits est et reste le moteur fondamental du capitalisme.

Il n’est pas juste non plus de dire que ce soi-disant handicap salarial aurait conduit à plus de pertes d’emploi que dans les pays voisins. Entre 1996 et 2008, l’emploi dans le secteur privé est monté de 10,4% dans notre pays par rapport à une moyenne de 4,5% chez nos voisins, une croissance même sept fois plus rapide que chez ‘‘l’élève modèle’’ allemand. Là bas, les coûts salariaux représentent d’ailleurs 49% du coût de production en moyenne, contre seulement 38% en Belgique et seulement 27% spécifiquement dans l’industrie. Mais les diminutions de charges patronales ont conduit à bien plus de profits que d’emploi…

La crise pousse la bourgeoisie à lancer des appels pour s’attaquer encore plus durement et plus rapidement aux acquis de la classe ouvrière. Ces dernières trente années, de grands pas ont déjà été faits avec la politique néolibérale, et les prochains à venir concernent la limitation des allocations de chômage dans le temps ou l’augmentation de l’âge de la pension.

Pour le patronat, la responsabilité de la crise est à chercher du côté des travailleurs, ou au moins chez les syndicats ‘‘conservateurs’’ qui osent défendre de meilleurs salaires ou les pensions alors que nous devons ‘‘tous’’ participer à l’austérité. Mais quand on dit ‘‘tous’’, le patronat entend surtout ‘‘nous tous’’, et pas eux-mêmes… Ils invoquent la crise pour venir les aider à accentuer la spirale des salaires vers le bas.

Le SPF-Economie a calculé que 10% de tous les travailleurs de notre pays gagnent au maximum 1.807 euros bruts par mois, soit entre 1.200 et 1.300 nets selon la situation familiale. La moitié se situe sous les 2.486 euros bruts, ce qui signifie 1.400 à maximum 1.700 euros nets (pour un employé isolé avec trois enfants à charge). On ne peut donc pas vraiment dire que les salaires soient élevés. L’objectif du patronat est de parvenir à instaurer un vaste secteur à bas salaires, comme en Allemagne, où 20% des travailleurs gagnent mois de 10 euros bruts par heure.

Chez nous aussi, le nombre de salaires compris sous les 10 euros par heure a augmenté. Cela concerne par exemple le salaire des nouveaux auxiliaires-postiers ou des nouveaux jeunes travailleurs des Carrefours franchisés après le dernier plan de restructuration.

Avec l’arrivée des négociations collectives sur les salaires à l’automne, il est très important de contrer les arguments du patronat. Ce n’est pas à eux de déterminer l’ordre du jour des négociations ! Ce prétendu ‘‘handicap salarial’’ est une vaste blague destinée à éviter que les travailleurs ne revendiquent des compensations pour l’augmentation de la productivité.

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