USA: La Convention démocrate la plus contestée depuis 1968

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Il nous faut un nouveau parti des 99% pour vaincre la classe des milliardaires

La Convention nationale démocrate (DNC) s’est retrouvée engloutie dans la controverse, les tensions et la contestation. A l’intérieur du DNC, à l’extérieur de ses portes et dans toute la ville de Philadelphie, dans le métro, dans les bars, les restaurants et les hôtels, la polarisation politique est évidente. À bien des égards, cette DNC est la plus controversée depuis 1968. Cela ne fait qu’à nouveau souligner les bouleversements qui prendront place dans les années à venir dans l’opposition à l’establishment.

Par Patrick Ayers, Socialist Alternative (partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière aux Etats-Unis)

Protestations à Philadelphie.
Protestations à Philadelphie.

Des milliers de personnes ont participés aux actions de protestation à l’occasion de la DNC. En dépit d’une chaleur à certains moments véritablement étouffante, quatre manifestations ont eu lieu quotidiennement du centre-ville vers le parc FDR (Franklin Delano Roosevelt), aux portes de la muraille militarisée entourant la DNC.

Les plus grandes manifestations ont eu lieu le dimanche et le lundi, avec la participation de milliers de personnes, la grande majorité d’entre eux n’étant membre d’aucune organisation traditionnelle de gauche. Cette foule représente une nouvelle génération de militants réveillée par la campagne de Bernie Sanders et maintenant prête à aller au-delà. Le slogan le plus populaire était de loin : “Hell No, DNC, nous n’allons pas voter pour Hillary!” Le hashtag #Demexit (en référence au Brexit) est devenu très populaire.

La candidate du Parti Vert Jill Stein était très présente avec un profil énergique dans ces manifestations. Les manifestants l’ont traitée comme une rock star. La grande majorité des manifestants, venus des quatre coins des États-Unis, semblent décidés à la soutenir. Nombreux sont toutefois ceux qui sont prêts à la soutenir en signe de protestation tandis que d’autres entretiennent toujours l’espoir que le Parti démocrate peut être réformé. Socialist Alternative (CIO-USA) a participé à toutes les manifestations, en appelant à soutenir Jill Stein et à construire un nouveau parti des 99%, comme outil essentiel pour développer des mouvements sociaux de masse afin d’aboutir à une véritable révolution politique.

Le “Walk-out”

La DNC a provoqué la colère de nombreux partisans actuels et anciens de Bernie Sanders, non seulement à l’extérieur de ses murs mais aussi en son sein. Des centaines de délégués sont sortis de la convention en signe de protestation le mardi soir (le «Walk-out»).

Quelques jours avant que les délégués du Parti démocrate ne se réunissent à Philadelphie, les emails de la direction du parti publiés par Wikileaks ont révélé au grand jour ce que la plupart des partisans de Bernie avaient déjà soupçonné: la direction du parti a truqué le processus des primaires en la faveur d’Hillary. Les délégués ont subi une pression énorme pour rejoindre la campagne d’Hillary avant même d’arriver à Philadelphie. Pourtant, de nombreux partisans de Bernie ont résisté et s’opposent à la manière dont ils ont été traités.

Bernie a joué le rôle de pacificateur en chef de l’establishment du parti, mais il a échoué. Beaucoup de ses partisans ont hué son soutien à Hillary le lundi matin lors d’une réunion de pré-convention de ses délégués.

Depuis lors, la DNC est allée plus loin pour imposer l’unité en instrumentalisant la peur de Trump, l’autorité morale des dirigeants progressistes et la pure et simple discipline imposée. Nina Turner, partisane de Bernie de premier plan et sénatrice de l’Ohio du Parti démocrate, s’est vue dépouillée de ses droits de même que d’autres partisans de Bernie qui ont protesté à l’intérieur de la salle de la Convention.

Les choses ont atteint leur point culminant le mardi. La DNC avait bloqué les tentatives faites par les délégués de Bernie de proposer démocratiquement une alternative à la nomination de Tim Kaine à la vice-présidence. Tim Kaine a derrière lui une longue liste de prise de position contre le droit des femmes de décider de leur corps ou encore en soutien à la peine de mort et aux politiques économiques pro-entreprises. Sa nomination a été considérée comme une nouvelle trahison. En ne permettant aucune discussion démocratique sur sa nomination, la DNC a livré un exemple de plus de l’arrogance indéfendable des dirigeants du Comité national démocrate antidémocratique.

Après le vote effectué le mardi soir, des centaines de délégués ont quitté la Convention. Les actions de la direction du parti ont créé l’atmosphère pour ce débrayage, mais il ne s’agissait pas totalement d’une action spontanée – aucune protestation efficace ne l’est jamais vraiment.

Kshama Sawant, «Bernie or Bust» (Bernie ou rien), Occupy Wall Street, Movement4Bernie et Socialist Alternative avaient aidé à organiser ce départ collectif. Les membres de Socialist Alternative Pam Keely et Kshama Sawant ont été cités dans Vox.com: «Nous devions le faire», a déclaré à VICE Pam Keeley, déléguée de Bernie Sanders de l’État de Washington, l’une des organisatrices du walk-out. «Nous en avons eu assez de l’hypocrisie, des mensonges, d’être utilisés pour recueillir des votes et des fonds de campagne pour être ensuite jetés comme des ordures. C’est essentiellement un soulèvement de la base.» Elle a précisé qu’environ 80 délégués ont quitté la Convention mais que «plusieurs centaines» en ont été empêchés par la police.

Selon un délégué, Sanders lui-même a envoyé un e-mail demandant à ses délégués de ne pas quitter la Convention. Mais certains de ses partisans sont profondément désenchantés de leur ancienne icône et sont convaincus que le candidat a quitté la voie qu’il a aidé à tracer.

«La raison pour laquelle les gens se sont retrouvés derrière Bernie Sanders était que son message était un message de rébellion contre un establishment détesté», a expliqué Kshama Sawant, élue socialiste au Conseil de la ville de Seattle qui a soutenu le débrayage, a déclaré VICE. «Il n’était pas logique pour Bernie d’attendre que ses partisans soutiennent son choix (en faveur d’Hillary) et disent :« Toute cette révolution politique, c’était super pour quelques mois, mais maintenant, plions-nous devant la quintessence même de cet establishment que nous détestons.»

Une foule de près de 5.000 manifestants se sont rassemblés devant la DNC dès que le débrayage a été connu. Socialist Alternative fut l’une des rares organisations présentes parmi cette foule énergique. Les chants et slogans ont résonné sans interruption en dépit des tensions avec la police, du spray au poivre et des arrestations. La foule a ensuite rejoint Black Lives Matter. Jill Stein s’est adressée à la foule sous les vivats tandis que les manifestants ont occupé les carrefours.

La DNC et la police n’ont pas permis aux manifestants et aux délégués oppositionnels toujours à l’intérieur de se retrouver le mardi soir. Les délégués ont organisé un sit-in à l’intérieur de la tente des médias de la DNC, puis ont été dispersés et envoyés dans des directions différentes. Mais le mercredi et le jeudi, de nombreux délégués oppositionnels ont rejoint les manifestations en dehors de la DNC.

Il nous faut un parti des 99%

La Convention de 1968 a été considérée comme un tournant radical du mouvement contre la guerre du Vietnam. De même, les bouleversements qui ont accompagné la DNC de 2016 et plus généralement les élections présidentielles elles-mêmes constituent un point tournant historique pour la gauche dans la société américaine.

En dépit de la capitulation de Bernie Sanders, beaucoup de ses partisans n’ont pas sombré dans la défaite sans combattre. L’establishment du Parti démocrate va tout faire pour contrecarrer et piéger toute véritable révolution politique.

Il est maintenant temps d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Pour gagner notre révolution politique, nous ne pouvons pas compter sur un seul individu. Pour mener à bien la révolution politique, nous avons besoin de notre propre organisation de masse indépendante. Nous avons besoin d’un nouveau parti des 99% pour aider à canaliser la colère croissante de millions de personnes, choisir nos propres candidats, construire des mouvements sociaux de masse à la base et vaincre la classe des milliardaires et son système à deux partis.

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