[INTERVIEW] Le socialisme à nouveau populaire aux USA

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Bernie Sanders a popularisé l’idée du socialisme démocratique auprès de millions de personnes aux États-Unis et à l’étranger. Son programme – qui défend un salaire minimum de 15 $ de l’heure, de meilleurs soins de santé et un enseignement de qualité – repose sur les intérêts des travailleurs. Mais quand Bernie Sanders parle de socialisme, il s’agit surtout d’un capitalisme plus réglementé. Nous sommes quant à nous favorables à un changement plus fondamental qui rejette totalement le système capitaliste. Nous en avons discuté avec Kshama Sawant, élue au conseil municipal de Seattle.

À quel point est-ce important que Bernie Sanders se qualifie de socialiste ?

‘‘Que l’on soit d’accord ou non avec la manière dont Bernie Sanders considère le socialisme, il est à noter que c’est la première fois dans l’histoire américaine qu’un candidat qui se dit socialiste a une chance de remporter les présidentielles. Et il n’a fait aucun pas en arrière sur ce point. Il a démontré que le socialisme n’est plus l’obstacle qu’il était à l’époque de la guerre froide. Sa campagne a suscité un énorme intérêt pour le socialisme, en particulier chez les jeunes.’’

Qu’est-ce qu’est pour toi le socialisme démocratique ?

‘‘Le socialisme est une société où les moyens de production et d’échange sont démocratiquement contrôlés afin que chacun puisse vivre une vie meilleure. Pour cela, il nous faut briser la dictature des grandes entreprises sur l’économie et la politique. Nous vivons dans un monde où les richesses sont aussi grandes que les possibilités technologiques, mais elles côtoient parallèlement la pauvreté, les guerres et la crise écologique. Voilà le résultat du capitalisme, un système où seuls compte la course aux profits et où les richesses sont concentrées dans les mains d’une élite capitaliste.’’

Qu’entend Bernie Sanders derrière le terme de socialisme ?

‘‘Bernie Sanders défend de nombreuses revendications de première importance : un salaire minimum de 15 dollars de l’heure, des soins de santé décents, un impôt sur les fortunes, un enseignement gratuit, etc. Les réformes radicales qu’il popularise représentent une partie importante de tout programme socialiste aujourd’hui. mais il se limite à une redistribution des richesses par une expansion du secteur public dans le cadre du capitalisme. Pour nous, le socialisme est un système social où les moyens de production et d’échange ne restent pas aux mains d’une oligarchie avide de profits et profondément antidémocratique.’’

Sanders affirme pourtant bien que les entreprises ont trop de pouvoir ?

‘‘Il explique que les grandes banques qui dominent l’économie devraient être divisées en petites unités. C’est bien plus radical que ce qu’Hillary Clinton propose comme réglementation de Wall Street, c’est vrai. Mais la scission des banques ne serait que temporaire sous le capitalisme. Ce système est basé sur l’exploitation et la concurrence, il conduit inévitablement au développement de gigantesques monopoles. Bernie Sanders défend le projet de retirer les soins de santé des mains du privé et des 1% au sommet de la société, nous devons faire pareil avec les banques. Pourquoi permettre à une petite oligarchie de disposer du contrôle de notre économie ?

‘‘Comme Bernie l’a fait remarquer dans l’un des premiers débats pour l’investiture démocrate : ‘‘le Congrès ne contrôle pas Wall Street, Wall Street contrôle le Congrès.’’ Je suis tout à fait d’accord. Tant que nous vivrons dans une société capitaliste, nous allons bien sûr défendre toutes les réformes possibles pour améliorer la vie des travailleurs. Mais la cause fondamentale d’où découlent ces problèmes, c’est le système capitaliste lui-même. La seule façon de s’y opposer, ce n’est pas avec des gouvernements qui défendent les intérêts des riches, mais en nous organisant nous-mêmes, avec les millions de gens ordinaires sur les lieux de travail, dans les quartiers et les écoles, tant au niveau politique que syndical.’’

Pourquoi la campagne de Bernie a-t-elle remporté un tel succès ?

‘‘Le capitalisme est embourbé dans une profonde crise structurelle. Nous connaissons la reprise économique la plus faible depuis la Seconde Guerre mondiale, avec des inégalités sans précédent et une montagne de dettes. L’infrastructure est littéralement en train de pourrir au point que des enfants sont empoisonnés, comme à Flint et ailleurs. Le capitalisme conduit aux crises économiques, mais aussi aux catastrophes écologiques. Les grandes entreprises refusent d’investir dans une économie verte pour le 21e siècle. Ils préfèrent au contraire jouer leur argent dans le gigantesque casino du marché financier. Et quand plus rien ne va, comme en 2008-09, c’est à nous de payer pour eux.

‘‘Wall Street, les grandes compagnies pétrolières et les autres grandes entreprises s’opposent aux changements nécessaires. Ils sont viscéralement contre les réformes radicales que Bernie popularise. Nous pouvons conquérir l’implémentation du programme de Sanders, mais seulement à l’aide d’une lutte de masse. À Seattle, nous avons arraché les 15 dollars de l’heure par la mobilisation active des travailleurs et de leurs familles dans la rue, en construisant un mouvement indépendant des grandes entreprises et du Parti démocrate.

‘‘Pour briser le pouvoir des grandes entreprises, nous devons mettre sous contrôle démocratique public les 500 plus grandes entreprises qui dominent l’économie et le système politique. Nous voulons une démocratie radicale qui va jusqu’au cœur de l’économie, sur les lieux de travail, afin que les travailleurs puissent décider de ce qui est produit, de la manière de le produire et de la manière d’utiliser les ressources disponibles. Cela nous permettrait de planifier démocratiquement l’économie en l’orientant vers la satisfaction des besoins de chacun.’’

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