On subsidie les embouteillages et il n’y aurait pas de moyens pour les transports en commun ?

4 milliards d’euros d’avantages fiscaux pour les voitures de société – les embouteillages coûtent 8 milliards d’euros par an

C’est une évidence pour tout le monde, il y a de graves problèmes de mobilité en Belgique, autant sur les routes, que sur le réseau ferroviaire. Tous les gouvernements successifs parlent énormément de la mobilité, et pourtant, tous se sont montrés incapables de résoudre les problèmes. La gestion des tunnels bruxellois ou les interminables travaux du RER sont là pour en témoigner, tout comme la ministre Galant elle-même, arrivée en retard à la première réunion réunissant les ministres de la mobilité des différentes entités du pays… à cause des embouteillages !

Par Ben (Charleroi)

Selon la Fédération des entreprises belges (FEB), relayant des données de l’OCDE, les files coûtent chaque année 8 milliards d’euros en Belgique, soit 2% du PIB. Mais les transports ont également un impact considérable sur l’environnement puisqu’ils sont responsables de 22% des émissions de gaz à effet de serre et des émissions polluantes locales qui détériorent la qualité de l’air (particules fines, NOx, CO…)(1)

Ça, c’est pour la situation actuelle, parce que le plus effrayant est encore à venir. Le Bureau du Plan prévoit, à l’horizon 2030, une augmentation conséquente de la demande de transport, de 11% pour les passagers et de 44% pour les marchandises. Et ce dans un contexte où les politiques de mobilité sont caractérisées par un manque systématique d’investissements, comme l’illustrent les routes de Wallonie ou les tunnels bruxellois. On pourrait aussi parler des réductions de subventions à la SNCB par les autorités fédérales ou des interminables aventures du Réseau Express Régional bruxellois (RER), prévu pour être opérationnel en 2012, puis en 2019, puis en 2020, puis en 2025 et peut-être même 2030…
Manque d’entretien, manque d’investissements dans l’infrastructure : la norme, c’est la réduction des dépenses, c’est l’austérité (ou la rigueur, l’effet est le même). Toujours aux dires de la FEB, les investissements dans la mobilité ont drastiquement diminué ces 30 dernières années. Eurostat chiffre à 1,5% du PIB l’investissement de la Belgique dans son infrastructure, moitié moins que la France ou les Pays-Bas.

On manque de moyens ? Et l’avantage fiscal pour les voitures de sociétés alors?

En Belgique, selon le bureau du plan, 10% du parc automobile sont des ‘‘voitures-salaires’’, mais près de 50% du parc automobile appartiennent à des personnes morales, autant dire que la question est de taille. Selon l’OCDE, le manque à gagner fiscal sur les voitures de sociétés est d’environ 2 milliards d’euros par an, chiffre similaire à celui publié par Inter-Environnement Wallonie avait sorti avec l’exemple de l’année 2012. Ce chiffre ignore cependant l’impact sur l’impôt des personnes physiques et sur les cotisations sociales, ce qui fait monter le manque à gagner à 3,392 milliards d’euro pour 2012. On se rapproche ainsi de l’estimation effectuée par l’agence de consultation Copenhagen Economics pour le compte de la Commission européenne en 2010, soit 4,1 milliards d’euros.(2)

Les ‘‘solutions’’ de la FEB

Il y en a beaucoup, mais deux principales : le budget mobilité et une taxe kilométrique. Le budget mobilité vise à préserver le cadeau fiscal aux entreprises en en changeant le contenu. Plutôt que de faire porter l’avantage fiscal sur les voitures de sociétés uniquement, il y aurait création d’un avantage fiscal pour les sociétés sur base d’un budget mobilité donné aux travailleurs, dont une partie réduite irait à la voiture de société, l’utilisation de l’autre étant laissée à la discrétion du travailleur (abonnement de train, achat d’un vélo, etc.).(3) Il n’est évidemment pas fait mention de réinvestissement dans les transports publics… Ni du fait que les entreprises bénéficient de suffisamment d’avantages fiscaux de toutes sortes et qu’elles pourraient donc franchement se passer de celui-ci.

Ce manque à gagner annuel de près de 4 milliards d’euros pourrait être utilisé pour d’important projets collectifs de mobilité. Comme par exemple pour augmenter les subventions publiques des transports en commun comme la SNCB, la TEC, De Lijn et la STIB et favoriser ainsi le développement d’un service fiable et de qualité pour tous. Pourquoi d’ailleurs ne pas réfléchir à la gratuité pure et simple des transports publics?

Un budget pareil permettrait de régler nombre de problèmes, en affectant au RER bruxellois les 800 millions qui manquent pour finir le projet, en s’attaquant sérieusement à la rénovation des tunnels de Bruxelles…

Allons un pas plus loin. Vous voyez tout ce qui pourrait être fait en supprimant l’avantage fiscal accordé aux entreprises pour les voitures de sociétés. Imaginons ce qu’il serait possible de faire en s’attaquant aux autres avantages fiscaux des entreprises. Mieux encore, en nationalisant (sans rachats ni indemnités) les secteurs clés de l’économie afin de mettre la main sur les profits gigantesques qu’une minorité de la population s’approprie sur le dos du travail de la majorité. Nous pourrions alors commencer à imaginer une société où non seulement la mobilité ne serait plus un problème du tout, mais également beaucoup d’autres soucis majeurs de la société.

Même si la FEB à d’autres objectifs, la conclusion de son rapport est juste: ‘‘Une chose est certaine : ne rien faire n’est pas une option. Time to act now!’’

1) ‘‘La congestion coûte plus de 8 milliards’’, vbo-feb.be
2) L’Echo, 12 mars 2016
3) L’Echo, 1er mars 2016

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