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La Belgique, un ‘‘Etat en faillite’’ pour une population grandissante
Eradiquer la pauvreté, se mettre d’accord sur un programme en faveur de l’inclusion sociale
Une opération militaire d’une ampleur inédite dans notre pays – suite à la nouvelle selon laquelle les attentats de Paris auraient été préparés depuis Bruxelles et surtout Molenbeek – devait prouver que la Belgique n’est pas un ‘‘Etat en faillite’’ contrairement à ce que la presse étrangère suggérait. Mais malgré toutes ces actions musclées, aucun résultat rapide n’a été obtenu, ni dans la recherche des présumés terroristes – et donc sur le plan de la sécurité à court terme – ni dans la lutte contre les causes du phénomène. Ces racines ne se trouvent pas en première instance dans l’existence de différents niveaux de pouvoir en concurrence les avec les autres, ni dans la composition asymétrique des différents gouvernements, mais bien dans le démantèlement des conquêtes sociales de la classe des travailleurs que l’on désignait sous le terme ‘‘d’Etat providence’’.
Par anja Deschoemacker
C’est aller un peu vite en besogne? Suivez un moment mon raisonnement. On dit aujourd’hui que la politique trop laxiste de l’ex-bourgmestre de Molenbeek, Philippe Moureaux (PS), aurait contribué à la situation actuelle. Dans le sens où la politique du PS se limitait à ‘‘intégrer’’ dans diverses institutions des individus des classes moyennes issus des communautés d’origines immigrées, sans offrir de perspective convenable à la grande majorité de ces communautés, c’est assez correct. Le nombre de fonctionnaires d’origine immigrée grandissait, tout comme ailleurs du reste, sans faire beaucoup de différence pour la vie quotidienne de la jeunesse de Molenbeek qui souffrait – et souffre toujours – du manque d’un enseignement de qualité, d’emplois et de logements décents.
Ce n’est toutefois pas ça que veulent suggérer les partis du gouvernement fédéral, NVA et MR en tête. Selon eux, Moureaux n’aurait pas réagi assez fermement face au développement de courants radicaux dans les communautés musulmanes de sa commune. Nous avons assisté à ce qu’ils entendent par ‘‘action dure’’ : un état de siège à Bruxelles, des militaires dans les stations de métro et les gares, des perquisitions massives,… Mais cela ne marche pas non plus, pour autant que le but réel soit bien d’assurer la sécurité. Mais la sécurité ne pousse pas dans un désert social. Pas même avec l’armée au grand complet.
Un autre élément mis en avant dans la presse internationale et sur lequel les partis flamands – partisans d’une réforme d’Etat intérieure à la Région bruxelloise qui verrait nombre de compétences passer des communes à la région – aiment bien jouer, c’est la chaotique et inefficace répartition des compétences en Belgique. Que ça soit souvent chaotique et inefficace, nous n’en doutons pas. Mais dans le cadre d’un capitalisme en crise, dans un pays basé sur la division de pouvoir entre ses communautés historiques, croire que cela pourrait aller mieux en transférant tout simplement encore un peu plus de compétences d’un niveau à un autre est une illusion et rien de plus.
Ce dernier point n’est toutefois pas compris par le parti flamand officiellement de gauche, Groen. Son chef de file, Kristof Calvo, s’est jeté il y a quelques semaines sur le terrain de la guerre communautaire avec la proposition d’un référendum sur l’indépendance flamande en 2019. Cette proposition vise d’une part à démasquer la N-VA – va-t-elle oser appeler à l’indépendance, sachant qu’une large partie de son électorat actuel ne soutient pas l’idée – et d’autre part à clore ‘‘définitivement’’ la discussion communautaire en montrant qu’il n’y a pas de base massive favorable à l’indépendance.
Le fait que cette proposition n’arrive que quelques semaines après la manifestation syndicale du 7 octobre – bien plus grande qu’attendue – illustre que Groen a d’autres priorités et veut jouer sur un autre terrain que celui du mouvement social. L’énorme mouvement de lutte qui s’est développé depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de droite a justement eu pour effet de pousser la discussion dans la société sur un autre plan, vers une unité de classe contre la politique d’austérité, dans la direction d’une lutte que nous sommes en mesure de gagner. Ce n’est pas dans l’intérêt du mouve ment des travailleurs que des partis officiellement de gauche préfèrent se profiler sur la question nationale plutôt que sur la lutte de classe qui se déroule sous leur nez. Des partis de gauche qui mériteraient ce nom s’assureraient que les prochaines élections deviennent une punition vis-à-vis du gouvernement de droite en posant la question : qui doit payer pour la crise, les 99% de la population ou le 1% de méga-riches ?
Aucune des propositions de Calvo pour une refédéralisation ne touche le cœur de la question, à savoir que la question nationale est une lutte pour la répartition des pénuries sociales et qu’il faut s’en prendre à ces manques pour que cette lutte puisse s’arrêter.
Le sous-financement chronique dont souffre le système éducatif depuis des décennies a assuré que beaucoup de chouettes idées de ‘‘modernisation’’ tombent à l’eau, comme d’imposer le néerlandais comme deuxième langue obligatoire. Avec les médias et les partis fédéraux, dans le meilleur des cas, rien ne changera. Dans le pire, les tensions vont continuer de croître.
Tout comme c’est le cas pour la sécurité et pour la crise économique, ni l’aile droite ni l’aile gauche de l’establishment ne peuvent offrir de réponse sur le plan communautaire qui puisse mener à des solutions. Les politiciens jouent sur les contradictions poussées à leurs limites dans le cadre du capitalisme. Ils n’ont pas de réponse face à la perte continuelle de pouvoir d’achat et de standard de vie de la majorité, ni face à l’exclusion quasi-totale de parts entières de la population sur base de nationalité ou de religion. Ces contradictions peuvent être temporairement pacifiées en période de forte croissance économique combinée à une lutte du mouvement des travailleurs pour que cette croissance arrive aussi, au moins partiellement, entre les mains de la majorité sociale.
Mais depuis la fin des années 1970, c’est l’inverse que nous constatons. Non seulement les riches deviennent toujours plus riches, mais les pauvres sont aussi plus pauvres. Ni les problèmes communautaires, ni l’aliénation d’une partie de la jeunesse des communautés discriminées ne peuvent être résolus dans ce cadre. Seul le mouvement des travailleurs a la force potentielle de changer ce cadre et de construire une société dans laquelle tout le monde peut bâtir une vie digne d’un être humain. S’en prendre à la différence la plus importante et dominante entre les gens – la différence entre les classes sociales – va libérer l’espace pour permettre à tout le monde de vivre dignement et d’apprendre à voir dans les autres différences une source d’enrichissement au lieu d’une menace. Est