Clabecq, 28 mars 1997. “Le plus beau jour de ma vie…”

Ce matin du 28 mars 1997, je suis à l’assemblée des travailleurs de Clabecq, dans la vieille usine. L’ambiance est tendue car beaucoup d’ouvriers ont cru qu’après la marche multicolore des 70.000, la situation serait débloquée pour sauver l’emploi. Le sentiment général est qu’il faut passer à l’action. La délégation a pris contact avec le cabinet du ministre de l’Intérieur Vande Lannote pour informer qu’on allait occuper symboliquement l’autoroute à Wauthier-Braine. Nous parcourons à pied les 6 km jusqu’à la bretelle d’autoroute. En chemin, on apprend que Vande Lanotte a donné un accord verbal.

Par Francine Dekoninck

Quand nous arrivons au pied de la bretelle, les gendarmes sortent des bois et nous attaquent. Les autopompes entrent en action. Les gendarmes pensaient sans doute que les travailleurs étaient venus les mains vides. Ce n’est pas le cas : quelques camions transportent du sable, des bâtons et quelques outils. Deux bulldozers tractopelles montés sur pneus accompagnent la manifestation. Ils s’inter­posent à l’avant et neutralisent les autopompes en brisant leur jet d’eau sous pression. Les pierres volent, les bâtons aussi, les gendarmes reculent, certains en pleine débandade. Quelques camions de gendarmerie sont renversés à coups de tractopelles. Cela dure une dizaine de minutes mais c’est du costaud.

Nous n’avons pas pu finalement occuper l’autoroute, mais nous rentrons fiers de nous à l’usine. Comme dans Astérix, où les Gaulois dérouillent les légions romaines, des ouvriers exhibent leurs trophées sur le chemin du retour : matraques, boucliers, casques arrachés aux gendarmes. Sur le chemin du retour, des habitants nous apportent du café, les enfants d’une école sont sortis pour nous applaudir: leur père ou un oncle travaille peut-être aux Forges.

Arrivés à l’usine, chacun fait sécher son pull sur des fils tendus devant un feu de palette. Je suis fourbue car j’ai marché plus de 10 km, mais c’est le plus beau jour de ma vie. Celui où les ouvriers de Clabecq ont flanqué une raclée aux gendarmes. A ce moment-là, personne ne sait encore que les images de cette bataille homérique vont faire le tour du monde sur toutes les chaînes télévisées…

 

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