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Pas de conquêtes sociales sans libertés syndicales !

La colère sociale gronde. Au centre d’appel d’urgence 112, le personnel tire la sonnette d’alerte. Le personnel soignant est sur les genoux. Les aides ménagères du secteur des titres-services ont manifesté. Chez PostNL, la fraude sociale et le travail non déclaré sont la norme. Dans presque tous les secteurs, il a fallu entrer en action ou menacer de le faire pour obtenir ne serait-ce que la minime augmentation de salaire de 0,4 %. Dans la distribution, la colère a éclaté chez Lidl, Carrefour Mestdagh et Aldi. Même la police a organisé des actions, y compris des blocages routiers, en raison de l’absence d’augmentation des salaires. Pour défendre notre pouvoir d’achat, nous devrons nous battre, et le droit à l’action collective, sans risque d’amende ou de condamnation, est essentiel pour ce faire. La meilleure manière de défendre un droit, c’est de l’utiliser.
Par un cheminot, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
Syndicalistes, pas criminel.le.s !
En 2018, le président de la FGTB d’Anvers Bruno Verlaeckt était condamné pour avoir organisé un piquet de grève le jour d’une journée d’action nationale. Ensuite, ce sont 17 syndicalistes FGTB qui ont été condamnés à Liège à des peines de prisons avec sursis avec amendes pour avoir été présents à un barrage routier lors des grands mouvements de grèves de 2015 : « les 17 du pont de Cheratte ». Ils viennent récemment d’être condamnés en appel avec augmentation des amendes financières.
Ces différentes condamnations confirmées en appel ne doivent rien au hasard. Elles illustrent que la Belgique est entrée depuis quelques années dans une nouvelle période de conflits sociaux. Que la justice soit utilisée pour affaiblir la contestation sociale n’est pas une nouveauté en soi. Mais faire condamner des militants et des responsables syndicaux pour leur simple présence sur la voie publique, c’est un sérieux pas supplémentaire. Comme l’explique le tract de la FGTB, « C’est leur seule présence passive sur les lieux qui justifie la condamnation pour entrave méchante à la circulation (article 406 du Code pénal) ». Cette jurisprudence rend possibles des condamnations pour tous les mouvements sociaux qui utilisent les méthodes que sont les manifestations, « sit-in », rassemblements sur la voie publique, etc.
Un droit n’existe que dans la mesure où il est utilisé
La bourgeoisie belge est particulièrement bien organisée dès lors qu’il s’agit de mobiliser ses instruments juridiques pour affaiblir les syndicats, comme le démontre son recours progressif mais de plus en plus systématique à l’envoi d’huissiers aux piquets de grève. Elle n’a pas manqué d’améliorer ses outils à cette fin au cours de ces dernières années. Notamment en utilisant des articles dont l’origine remonte au 19e siècle, comme celui sur l’entrave méchante à la circulation, ou encore en adoptant de nouvelles lois, comme celles portant sur le service minimum aux chemins de fer [voir ci-contre], chez Belgocontrol ou dans les prisons. Quand les patrons et leurs juges parlent de droit de grève prétendument « rééquilibré », il s’agit en fait de le vider de sa substance.
Les patrons, les actionnaires et leur personnel politique n’ont pas besoin d’agir pour être servis. Les coulisses du pouvoir leurs sont acquises. En revanche, s’opposer à eux est soumis à des restrictions : les autorités veulent fixer les règles sur la manière et le moment où nous pouvons entrer en action. Ce n’est évidemment pas « équilibré », c’est une restriction antidémocratique du droit à l’action collective.
Les différents gouvernements aiment parler de consultation sociale, même lorsqu’ils veulent nous faire avaler leurs propositions impopulaires. Nos conquêtes sociales ont toujours été le fruit d’un rapport de forces construit en nous organisant, en nous mobilisant et, si nécessaire, en faisant grève. Les grèves sont indispensables au changement social.
Un droit n’existe que dans la mesure où il est utilisé. Sinon, il reste à l’état de concept abstrait sur un bout de papier. Pour mobiliser nos collègues et les convaincre de défendre le droit de grève, il faut se servir de l’outil qu’est la grève pour engranger des victoires. Le plan d’action de l’automne 2014 fut par exemple un grand succès, avec une grande manifestation syndicale (la plus imposante depuis 1986) et une tournée de grèves provinciales construisant l’élan vers la monumentale grève générale nationale du 15 décembre. Mais les atermoiements et les divisions aux sommets des syndicats avaient finalement permis au gouvernement Michel de neutraliser l’initiative.
Plus de pouvoir d’achat par plus de salaire !
Les syndicats mènent des actions face à l’explosion des prix et à la nécessité de casser la loi de 1996 qui empêche d’augmenter les salaires seront à l’honneur. Impliquer le plus possible la base et mettre au point un agenda d’actions sérieux jusqu’à la victoire sur ces thèmes est indispensable. Ne plus s’arrêter à mi-chemin est le meilleur moyen de démontrer par la pratique en quoi notre droit de grève est indispensable.
En s’attaquant au droit de grève, la bourgeoisie tente d’affaiblir au maximum la capacité de résistance syndicale. Elle envoie dans le même temps un signal clair : il n’est plus question pour elle de faire des concessions. En fait, l’utilisation traditionnelle des grèves et des manifestations comme outil de pression pour obtenir des victoires sérieuses dans des négociations devient plus compliquée. Si nous voulons un partage équitable des richesses, de bonnes conditions de travail et des perspectives d’avenir, il ne suffira plus de mettre la pression, nous allons devoir nous attaquer aux racines mêmes du système capitaliste.
Le 22 novembre, une action a été organisée à Gand contre les Sanctions administratives communales (SAC) infligées à des syndicalistes distribuant des tracts. L’action a été soutenue par les trois syndicats et de nombreuses organisations, dont la Campagne ROSA, qui a également reçu de telles amendes après avoir mené des actions. Le 6 décembre est une journée d’action en front commun syndical pour le pouvoir d’achat et les droits syndicaux. C’est une bonne chose.
Nous avons besoin d’une campagne nationale d’informations et d’actions d’ampleur pour défendre les droits syndicaux. Nous ne pouvons pas faire confiance aux grands médias tenus par l’establishment pour en expliquer les enjeux – ces mêmes médias qui ont colporté des accusations sordides pour décrédibiliser les grévistes du pont de Cheratte. Partout où c’est possible, nous devrions donc organiser ou continuer d’organiser des assemblées générales pour informer les collègues, discuter des prochaines étapes de la lutte et les décider par des votes démocrates.
Service minimum aux chemins de fer : le droit de grève vidé de sa substance
En 2017 était adoptée la « loi relative à la continuité du service de transport ferroviaire de personnes en cas de grève ». C’était l’instauration du fameux service minimum sur le rail. Dans les services considérés comme essentiels au trafic de trains, chaque agent doit signaler au plus tard 72 heures à l’avance s’il participera ou non à l’arrêt de travail.
Le ministre des Transports de l’époque, François Bellot (MR), s’était défendu de toute attaque sur le droit de grève. Il ne s’agissait pas selon lui d’interdire la grève, mais uniquement de mieux organiser le service avec les travailleurs qui ne souhaitent pas y participer. Un argumentaire bien travaillé mais qui ne reflète rien de la réalité.
Il est par exemple possible pour un gréviste de changer d’avis au dernier moment pour finalement venir travailler. L’inverse par contre, est considéré comme une faute assortie d’une punition. Même formellement, il n’y a donc pas d’égalité entre grévistes et non-grévistes.
Le service minimum a aussi permis de faire baisser artificiellement l’adhésion aux actions syndicales. Si vous êtes conducteur de train mais que vous n’êtes pas prévu au planning ce jour-là, vous n’avez pas la possibilité technique de vous déclarer tout de même en grève, contrairement à ce qui se faisait dans l’ancien système. Mais le jour de l’action, vous verrez toute une partie du personnel d’encadrement, d’habitude affecté à d’autres tâches, conduire des trains. Et dans les cabines de signalisation qui gèrent le trafic en temps réel, tout est fait pour assurer la circulation coûte que coûte, quitte à faire enchaîner deux shifts par un même agent… Tout ceci est complété par un article de la loi qui introduit l’interdiction d’empêcher « l’utilisation des outils de travail et d’infrastructures ». Les directions de la SNCB et d’Infrabel n’ont pas tardé à en user et en abuser. En pratique, il est devenu extrêmement compliqué d’organiser un piquet de grève.
Un autre aspect du service minimum avait moins attiré l’attention. C’est HR Rail, l’employeur juridique des cheminots, qui doit valider le préavis de grève reçu d’une organisation syndicale pour que la procédure se poursuive. Si HR Rail ne reconnaît pas le préavis, il est impossible pour l’organisation en question d’organiser un mouvement de grève dans les règles. Le SIC (Syndicat Indépendant Cheminots) en a fait les frais à plusieurs reprises. En 2018 par exemple, il lui a été refusé de couvrir toutes les fonctions du personnel par un préavis, sous prétexte que la mesure contestée ne concernait que les conducteurs de train. Rendant de ce fait impossible aux autres de participer à la grève par solidarité. En novembre 2021, un autre de ses préavis a été refusé au motif que la mesure contestée devait d’abord être débattue dans… un organe de concertation où le SIC n’était pas présent ! C’est donc l’employeur qui décide si une grève est légitime ou non… Le rêve de tous les patrons !