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Capitalisme en crise : Un monde en mutation
Début avril s’est tenue la réunion annuelle du Bureau Européen du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge. Els Deschoemacker résume ici l’essentiel de la discussion qui y a pris place. Les thèses adoptées à cette réunion sont disponibles sur notre site (voir ici).
Par Els Deschoemacker, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste
Depuis le début de cette année, le capitalisme a subi de nombreuses secousses. Les masses tunisienne et égyptienne ont concrètement illustré qu’un mouvement révolutionnaire peut conduire à des changements réels tandis que le désastre nucléaire au Japon est l’énième exemple des conséquences de l’irresponsabilité d’un système capitaliste qui ne voit qu’à court terme. La maximalisation des profits a motivé la construction de centrales nucléaires là où elles n’auraient pas dû être implantées. La sécurité maximale était garantie, mais en mots uniquement. Dans les faits, toutes les règles et les conseils des spécialistes ont été bafoués ; les intérêts économiques et politiques immédiats de l’élite ont pesé bien plus lourd ! Les conséquences pour la population japonaise sont dramatiques.
La conscience des travailleurs et des jeunes à travers le monde a été secouée, beaucoup de choses ont été clarifiées. Ces deux développements ont sans doute renforcé la colère concernant le fonctionnement de la société et nous ont enseigné d’importantes leçons sur ce qui est nécessaire afin d’aboutir à de véritables changements.
L’impact des révolutions
Une révolution a rarement eu un impact immédiat sur la volonté de lutte au niveau international au point de la révolution tunisienne ou égyptienne. La victoire, acquise par une ténacité et une volonté formidable de sacrifice des masses tunisiennes, a initié une vague qui continue à déferler sur les pays de la région. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ne seront plus jamais comme avant. Même si la lutte n’est pas encore finie, même si la classe dominante fait tout son possible pour reconquérir le vide du pouvoir et même si les révolutions sont clairement menacées, les élites de la région doivent dorénavant tenir compte d’une population qui a déjà acquis sa première expérience de lutte révolutionnaire. Les salariés et les jeunes tunisiens ont mis en garde l’ancienne élite : ‘‘si vous voulez revenir, nous le pouvons aussi !’’ Ils ne sont pas prêts à perdre leurs droits récemment et chèrement acquis.
Dans le monde entier, les régimes dictatoriaux ont muselé internet et ont censuré les nouvelles révolutionnaires afin d’éviter une révolte massive venant d’en bas. Les révolutions ont inspiré les travailleurs et les jeunes au-delà du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. D’ores et déjà, nous protestons au Wisconsin ‘‘comme un Égyptien’’, nous crions en France ‘‘Sarkozy, dégage’’ ou nous menaçons de faire chuter l’élite en Grèce ‘‘comme Ben Ali’’.
La nouvelle situation économique a causé la révolution
Cette énergie a directement résulté de la crise économique auquel est confronté le capitalisme. Le chômage et les hausses des prix du pain et de la nourriture ont souvent été à l’origine de situations révolutionnaires. En Tunisie et en Égypte s’y est rajouté le ravage néolibéral de la société. Et l’eau a débordé du vase.
Le capitalisme n’a pas de réponse face à cette crise, ni dans le monde néocolonial, ni ailleurs. Les stimuli précédents et les paquets de sauvetage qui ont sauvé les banques et les grandes entreprises ont bel et bien évité une dépression profonde comme celle des années trente, mais ils ont engendré de nouveaux problèmes. Une nouvelle crise a alors commencé: celle des dettes des gouvernements.
Les premières victimes des montagnes de dettes trop élevées ont été les pays dits ‘périphériques’ en Europe, les maillons les plus faibles. Mais dans les pays industrialisés plus riches également, des dettes astronomiques se sont accumulées. Aux USA, moteur de l’économie mondiale, les dettes ont atteint les 100 % du PIB. Chaque jour, la dette augmente de quatre milliards de dollars ! La pression pour passer à des coupes budgétaires plus drastiques se fait aussi plus importante. Après l’offensive républicaine, un message très clair de l’agence de notation S&P a été adressé au gouvernement : commencez les coupes, sinon la note des USA sera abaissée.
Un tel plan d’assainissement serait catastrophique pour la classe ouvrière américaine. La période des stimuli n’a déjà pas pu éviter que, pour la quatrième année consécutive, un million de personnes aient été expulsées de leurs propres maisons aux USA. Le pays compte aujourd’hui au moins 24 millions de chômeurs. Divers Etats sont au bord de la faillite et doivent sabrer dans leurs budgets en fermant des parcs, des écoles, des hôpitaux, des bibliothèques, en limitant les salaires et les droits syndicaux des travailleurs, etc.
Le plan d’assainissement pour lequel l’opposition républicaine se bat réduirait à néant le peu de pouvoir d’achat encore présent dans l’économie et ferait déborder la faible croissance poussée par le gouvernement vers une nouvelle période de récession. Mais Obama et les Démocrates ne sont pas non plus vierges de tout péché dans les Etats locaux et dans les assainissements antisociaux au niveau local. Ils appellent eux aussi à ‘travailler dur’ et à l’instauration d’assainissements brutaux. La lutte des travailleurs du Wisconsin illustre toutefois que la lutte de classe est de retour aux USA. Une nouvelle période de radicalisation a commencé. Un élément de cette lutte contre les assainissements est le combat pour le lancement d’un mouvement politique pour et par les salariés et les jeunes, un mouvement totalement indépendant des deux grands partis du capitalisme. Ce sont des partis dont on sait qu’ils ne se distinguent que par le rythme des attaques qu’ils proposent.
La politique des assainissements en Europe conduit à plus de dettes et de récession économique
Après pas moins de quatre plans d’assainissement sur les finances publiques, on s’attend à ce que la dette du gouvernement grec (de 130% avant les plans) continue de grimper jusqu’à 160 % ! L’économie s’est rétrécie de 4,5 % en 2010 et presque tout le monde commence à reconnaître qu’une restructuration de la dette grecque est inévitable. Les perspectives de l’économie irlandaise ne sont pas meilleures. La crise bancaire s’étend, ce qui fait que les injections financières représentent déjà 50 % du PIB irlandais. La dette totale de l’Etat et des banques représente 122.000 euros par salarié. En 2013, l’Irlande paierait annuellement 10 milliards pour les intérêts sur sa dette, plus que ce que le pays consacre à l’enseignement ! Le Portugal aussi a été contraint de faire appel au fonds de sauvetage de la Banque Centrale Européenne et du Fonds Monétaire International. Il n’y a pas d’espoir que ces pays puissent encore rompre la spirale de la dette.
Les critiques sur la politique d’assainissement se développent. Dans le quotidien flamand De Tijd (du 19 avril), il est fait référence à ce qui vit parmi la population grecque : ‘‘On est dans un cercle vicieux. Nous ne pouvons pas sortir de la crise avec une politique qui nous jette encore davantage dans la récession.’’ C’est un sentiment général qui revient tant en Grèce, qu’en Irlande ou au Portugal. Les politiciens ne peuvent plus descendre dans les rues sans être physiquement attaqués.
Ni l’Union Européenne, ni le FMI n’arrivent à échapper à la colère du peuple. Ils sont rejetés, à raison, comme les chiens de garde des intérêts des banques allemandes et françaises. Les banques allemandes sont présentes dans les dettes irlandaise, grecque et portugaise à hauteur de 386 milliards d’euros. Pour l’ensemble des banques de la zone euro, ce montant s’élève à 560 milliards d’euros ! La crainte d’une nouvelle crise bancaire est très importante. Les plans de sauvetage servent uniquement à sauvegarder ces investissements et à faire payer la population locale.
Même là où l’on parle d’un rétablissement économique après la crise (sur base des exportations notamment vers la Chine), les travailleurs ne sont pas à l’abri. Le redressement économique peut bien avoir conduit au retour des profits, des bonus et des dividendes record, les salariés n’en profitent pas. Ces derniers ne connaissent qu’attaques contre leurs salaires, leurs retraites et leurs soins de santé.
Rompre avec le système et lutter pour le socialisme
La majorité de la population nourrit une méfiance très profonde envers les partis bourgeois. Dans un sondage européen, seuls 6 % des sondés ont déclaré avoir confiance dans leur gouvernement, 46 % peu confiance et 32 % aucune confiance. Seuls 9 % trouvent que les politiciens sont honnêtes…
Cela ne signifie pas encore que les illusions dans le système ont disparu. Lors de la manifestation du 26 mars à Londres, trois sentiments étaient présents. Une minorité importante était convaincue que la société actuelle ne fonctionne pas et est prête à considérer des solutions socialistes. Une autre partie voulait lutter contre toutes les mesures d’austérité, mais une grande partie trouvait aussi que les assainissements étaient quand même inévitables. Ils espèrent que les efforts d’aujourd’hui rétabliront finalement l’économie. Quand cet espoir s’évapora, nous serons confrontés à une situation explosive.
La période qui est devant nous, sera marquée par des changements brusques. L’autre côté de la médaille, en revanche, c’est le danger de la contre-révolution, la réaction face à l’action. Si la gauche ne réussit pas à offrir une alternative progressiste et socialiste au vide que ce système pourri a créé, la droite et l’extrême-droite le feront avec une rhétorique populiste jouant sur l’égoïsme au détriment des plus faibles.
Le retour aux recettes réformistes de l’état-providence n’offre pas d’issue. Cela n’était possible qu’avec une conjoncture exceptionnelle, pas dans une situation de crise capitaliste mondiale comme aujourd’hui. La crise systémique requiert une alternative qui propose de rompre avec ce système. En Irlande, la population s’est d’abord trouvée dans une situation de choc, un tremblement de terre politique a suivi. Mais le nouveau gouvernement est la copie de l’ancien et les illusions disparaîtront comme neige au soleil.
Avec Joe Higgins au parlement, les véritables socialistes disposent d’une énorme plate-forme pour mener une opposition socialiste. Joe et le Socialist Party (notre section-sœur irlandaise) ont saisi cette position pour mettre sur pied une unité à gauche, l’United Left Alliance, qui compte désormais cinq parlementaires.
Ils se rendent compte que la classe ouvrière n’aura aucun autre choix que de lutter. Avec l’ULA, ils veulent anticiper cela pour que les salariés irlandais puissent compter sur un instrument politique qui défende leurs revendications au Parlement et qui se serve de cette plate-forme pour populariser à son tour ces revendications.