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Les États-Unis sont-ils prêts pour une révolution politique ?
La campagne en cours en vue des élections présidentielles de 2016 aux États-Unis a atteint sa vitesse de croisière. Ces élections vont dominer l’actualité politique tout au long de l’année prochaine. Il y a six mois, les médias affirmaient encore qu’Hillary Clinton était bien partie pour remporter le scrutin les doigts dans le nez. Mais la société états-unienne tremble sur ses bases. Tellement fort, que voilà qu’un candidat qui se dit socialiste et qui appelle à une ‘‘révolution politique’’ contre la classe des milliardaires surfe à présent sur une immense vague d’enthousiasme et donne des sueurs froides à l’establishment.
Par Bart Vandersteene, envoyé spécial à Seattle
De plus en plus de gens critiquent le capitalisme
Le premier débat télévisé entre candidats démocrates a eu lieu le 13 octobre. Ce débat a été suivi par 15 millions d’Américains, un record. C’est là que Bernie Sanders a pour la première fois divulgué son affiliation socialiste devant une audience de masse. Il n’a pas refusé le combat. À la question de savoir s’il était partisan du capitalisme, il a répondu : ‘‘Est-ce que je me considère comme faisant partie du processus capitaliste qui fait qu’une petite minorité possède tellement tandis que la grande majorité n’a pratiquement rien, dans lequel l’avidité et l’arrogance de Wall Street tiennent notre économie en otage ? Non, moi, je crois en une société où tout le monde vit bien, et pas seulement une petite poignée de milliardaires.’’
Pendant et après le débat, on a vu une forte hausse du nombre de recherches du mot ‘‘socialisme’’ sur internet. Pour la première fois depuis des décennies, la campagne de Bernie Sanders a suscité un débat où est centrale la question du socialisme. C’est la conséquence de la profonde crise de la société américaine, où le concept de ‘‘l’American Dream’’ est de plus en plus remis en cause par une grande partie de la population, surtout les jeunes.
Les limites de Bernie Sanders
Le choix de Bernie Sanders de participer aux primaires du Parti démocrate indique cependant une contradiction fondamentale dans sa campagne. Comment vouloir mener campagne contre les super-riches, au sein d’un parti qui est financé et contrôlé par ces mêmes super-riches ? Sa campagne commence à menacer ceux qui sont aux commandes du parti, la riposte se prépare avec des ingrédients bien connus : mensonges, distorsions, manœuvres politiques, calomnies,… Les médias privés, aux mains des mêmes milliardaires, vont jouer un rôle très important dans cette campagne de dénigrement. La question n’est pas de savoir ‘‘si’’, mais ‘‘quand’’ les gants de velours seront ôtés pour faire place aux gants de boxe.
Le groupe Alternative Socialiste, section-sœur du PSL aux États-Unis, a appelé Bernie Sanders à mener une campagne indépendante au cas où il perdrait les primaires démocrates. Il s’y est toutefois déclaré opposé et a dit qu’il soutiendrait Clinton le cas échéant. Cela signifierait de laisser tomber toute la dynamique de sa campagne pour se livrer à l’establishment Démocrate regroupé autour de Clinton. C’est un des grands problèmes de Sanders, en plus de toute une série de positions faibles concernant la politique extérieure et les illusions qu’il crée dans le modèle scandinave qu’il présente comme un exemple de ‘‘socialisme’’ réussi.
Rejet croissant de l’establishment
Malgré ses limitations, la campagne de Bernie Sanders représente un souffle nouveau pour des millions de travailleurs américains et pour les nombreux jeunes qui se posent la question de savoir dans quel type de société ils vont vivre. Il s’agit également d’une réaction contre le contrôle de l’ensemble du processus politique par les super-riches. Beaucoup de gens en ont marre de voir que la politique nationale est plus que jamais contrôlée par les 0,01 % des plus riches Américains. En 2010, la Haute Cour de justice des États-Unis a décidé qu’il ne devrait y avoir aucune limitation aux sommes d’argent que les entreprises et millionnaires peuvent donner pour financer une campagne électorale. Depuis lors, toutes les orientations politiques des différents partis sont plus que jamais contrôlées et dominées par cette avalanche de dollars.
Le New York Times écrivait le 11 octobre que 158 familles à peine contribuent à la moitié du financement de toutes les campagnes politiques pour cette élection. Ces familles ont fait don de 176 millions de dollars (160 millions d’euros). La plupart de ces donateurs tirent leur fortune du secteur financier ou énergétique. Ce faisant, ils veulent clairement éviter toute régulation de leurs secteurs ou de devoir payer plus d’impôts.
Le même article du New York Times faisait également remarquer que les positions de ces 158 familles ne coïncident pas avec les aspirations de la majorité de la population. ‘‘Les deux tiers des Américains veulent plus d’impôts pour tous ceux qui gagnent plus d’un million de dollars par an ; 60 % des Américains veut voir une intervention de l’État pour réduire le fossé entre riches et pauvres ; 70 % veulent maintenir la sécurité sociale, des soins de santé publics et une pension minimum garantie pour les plus de 65 ans.’’
Le rejet croissant de l’establishment met sous pression le système des deux partis aux États-Unis. Il y a une radicalisation également du côté des Républicains, avec l’émergence d’un courant de droite populiste, le ‘‘Tea Party’’, mais aussi de Donald Trump et de Ben Carson, qui tirent leur soutien du fait qu’ils ne sont pas des politiciens. Mais l’évolution la plus importante est le développement d’idées de gauche, voire socialistes. Ce processus doit logiquement aboutir à la création d’un nouveau large parti de gauche.
Notre camarade Kshama Sawant est la voix la plus proéminente dans cet appel à la création de ce nouveau parti de gauche. À peine deux ans après son élection au conseil de la ville de Seattle, elle a déjà pu obtenir plusieurs importantes victoires, telles que la hausse du salaire minimum à 15 dollars de l’heure (13,5 € de l’heure). Seattle est devenue la première ville des États-Unis à appliquer ce nouveau salaire minimum. À présent, Kshama se bat pour être réélue le 3 novembre. L’establishment déverse énormément de moyens dans la campagne de leur candidat pour tenter de la contrer. Mais si Kshama est réélue, son exemple servira à nouveau de modèle qui pourra être répété partout dans le pays, en vue de la création d’un parti des 99 %.