Corbyn en Grande-Bretagne, Sanders aux USA : la percée de candidats de gauche bouscule l’élite néolibérale

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A peine la poussière est-elle retombée en Grèce après le gigantesque ‘‘NON’’ à l’austérité exigée par la Troïka et le rapide retournement de veste de la direction de SYRIZA que de nouvelles migraines se présentent à l’establishment. En Grande-Bretagne, le candidat de gauche à la présidence du Parti Travailliste, Jeremy Corbyn, a créé la surprise en arrivant en tête des sondages. Ses meetings attirent des milliers de jeunes, de travailleurs et de gens ordinaires qui, jusqu’à tout récemment, ne se sentaient plus du tout concernés par le monde politique. La presse capitaliste et l’establishment sont aux abois.

Par Peter Delsing

Corbyn rejette cette idée d’une politique où ‘‘tout le monde’’ considère l’austérité néolibérale comme allant de soi. Il fait campagne sur des questions telles que la nationalisation des secteurs du rail et de l’énergie, il veut combattre les inégalités et arrêter les guerres capitalistes. Et puis, aux Etats-Unis, il y a Bernie Sanders, un candidat de gauche qui se présente aux primaires démocrates qui doivent trancher qui sera le candidat aux présidentielles de 2016. Tout d’abord ignoré par les puissants groupes de presse capitalistes, Bernie Sanders et le mouvement de gauche autour de lui ont fini par sérieusement bousculer la campagne d’Hillary Clinton, candidate naturelle des Démocrates. Sanders attire lui aussi une foule de participants à ses meetings, aucun autre candidat à la présidentielle américaine ne parvient à l’égaler. Il défend un système de soins de santé universel, un enseignement supérieur gratuit face à l’explosion des dettes étudiantes, l’instauration d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure, etc. Comment expliquer ces remarquables bouleversements ?

‘‘Tout ce qui semblait solide se dissout dans l’air’’ (Marx)

De par son analyse dans le ‘‘Capital’’, Marx expliquait qu’une base rationnelle se trouve derrière l’éclatement d’une crise au sein du système. Ces 30 à 40 dernières années, nous avons constaté une baisse systématique des investissements, malgré une hausse des profits pour les capitalistes grâce aux politiques néolibérales. Alors que divers éléments de crise étaient déjà présents dans les années ‘70, nous avons connu une croissance encore plus faible ces dernières décennies, une baisse du pouvoir d’achat, une baisse des allocations sociales,… ainsi que des éléments de la notion marxiste de suraccumulation du capital au-delà de ce que le marché pouvait absorber. Cela s’est traduit par un chômage structurel de plus de 10% en Belgique et un chômage de masse en Europe du Sud. Des générations entières de jeunes et de travailleurs ne connaissent ce système que par son caractère instable et antisocial, où chaque revers économique dégrade ou balaye rapidement leur niveau de vie. Politiquement, cela a créé un vide dans lequel ont tenté de s’engouffrer les forces de droite populistes ou d’extrême droite. Mais de grandes possibilités sont également présentes pour de nouveaux mouvements de gauche.

Il nous faut des instruments indépendants de l’establishment capitaliste

L’irruption de Corbyn et Sanders sur le devant de la scène politique en Grande- Bretagne et aux États-Unis renverse toute la sagesse conventionnelle. A l’occasion de la défaite du Parti Travailliste aux dernières élections britanniques, tous les commentateurs bourgeois – et les partisans de droite de Tony Blair – étaient unanime à dire que la campagne de Miliband était axée ‘‘trop à gauche’’ et se concentrait trop sur les inégalités. Le sentiment dominant parmi la majorité des travailleurs et des jeunes en Grande-Bretagne, basée sur leur expérience concrète, est que le Parti Travailliste est lui aussi un parti néolibéral, mais qui applique l’austérité à un rythme différent de celui des conservateurs Tories. Dans les faits, les Tories n’ont ‘‘remporté’’ qu’avec le soutien de 24% de l’électorat. La force d’attraction du Parti Travailliste avait souffert de son programme de cogestion du capitalisme. Jeremy Corbyn et le mouvement qu’il a spontanément provoqué illustrent que des positions de gauche plus radicales ne repoussent absolument pas les électeurs, bien au contraire. Il faut investir dans les services publics et l’emploi, c’est vrai. Le succès de Corbyn – et Sanders aux États-Unis – donne un aperçu du potentiel d’un mouvement socialiste indépendant en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et ailleurs.

Sanders a réuni 28.000 personnes à Portland (Oregon) pour un meeting. À Los Angeles, 27.000 se sont retrouvées dans un stade, avec peut-être bien autant de personnes à l’extérieur. Sanders, à l’instar de Corbyn, développe de véritables problématiques : l’enseignement, les salaires, les investissements sociaux,… C’est un sérieux pas en avant qui contraste considérablement avec la rhétorique des candidats de l’establishment. Plus les Américains entendent parler de la campagne de Sanders, plus ce dernier grimpe dans les sondages. Dans l’Etat du New Hampshire, Sanders a même dépassé Hillary Clinton dans un sondage (44% contre 37%) et ce n’est pas le seul sondage qui démontre qu’il pourrait bien l’emporter. Sanders pourrait même obtenir des fonds capables de rivaliser avec ceux de Jeb Bush ou Scott Walker (des candidats républicains), mais uniquement sur base de donations de gens ordinaires et pas de multinationales.

Nos organisations-soeurs aux États- Unis, en Angleterre et au Pays de Galles, en Ecosse et en Irlande du Nord sont en dialogue avec ces nouveaux mouvements ‘‘socialistes’’. Mais les campagnes de Sanders et Corbyn comportent tout de même une contradiction majeure. Aux Etats-Unis, le Parti Démocrate représente un parti du Capital avec un appareil de parti entièrement pro-capitaliste. En dépit de l’afflux récent de membres qui veulent voter pour Corbyn, les structures du Parti Travailliste ne représentent aucunement un forum pour le débat et l’exercice d’idées et de campagnes de gauche. L’aile droite hostile à Corbyn contrôle le groupe parlementaire et tout l’appareil du parti. Soit ils saboteront Corbyn, soit une scission se produira au sein du parti. Même si Corbyn est toléré en tant que président, les parlementaires de droite feront tout leur possible pour saper ses propositions et le combattre en interne.

Mettre sur pied une toute nouvelle structure démocratique et inclusive s’impose pour obtenir un véritable parti de lutte. Le Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles, le Socialist Party écossais et le Socialist Party d’Irlande du Nord (nos partis-frères en Grande- Bretagne) appellent Corbyn à lancer un tel parti des travailleurs et des jeunes à partir d’une grande conférence réunissant la gauche et tous ceux qui veulent se battre contre l’austérité. Nous appelons également Sanders à faire face à une éventuelle défaite contre Clinton aux primaires démocrates en se préparant à lancer une campagne présidentielle indépendante et socialiste. Aucun soutien ne doit être accordé à un candidat démocrate du Big Business. Le potentiel présent doit être exploité pour donner naissance à un large mouvement de la classe des travailleurs indépendant de Wall Street.

L’avertissement de la capitulation de SYRIZA

Nous soutenons le virage à gauche exprimé par ces mouvements, tout comme notre organisation-soeur grecque qui avait soutenu de manière critique SYRIZA. Nous avons prévenu dès le départ que Tsipras et la direction du parti s’orientaient vers le centre – autour de la dette nationale et de la propriété publique de l’économie notamment – et qu’un gouvernement de gauche devrait rompre avec le capitalisme s’il était désireux d’appliquer une politique sociale. Même avant le référendum, il était clair que Tsipras ne disposait d’aucune alternative sérieuse face au système capitaliste. C’est cela qui l’a conduit à capituler face à l’Union européenne, au néolibéralisme et à l’austérité.

Jeremy Corbyn dit qu’il est prêt à faire tourner la planche à billets pour investir dans les services publics et les emplois. Il est certain que ces investissements sont nécessaires. Mais sur base capitaliste, une telle création de monnaie à partir de rien ne conduira pas aux nouveaux investissements espérés. Comme à la fin des années ’70 avec les mesures keynésiennes, cela peut donner naissance à une inflation ou à une stagflation (forte inflation des prix et stagnation économique). C’est l’échec des solutions réformistes de type keynésiennes qui a ouvert la voie aux politiques néolibérales.

Un gouvernement de gauche subirait l’offensive de l’appareil d’Etat capitaliste (hauts fonctionnaires, managers,…). Les marchés menaceraient d’organiser la fuite des capitaux et les grandes entreprises le sabotage de l’économie. Le capital ne ménagerait pas ses efforts pour dépeindre un gouvernement de gauche comme une bande d’aventuriers. Nous aurons besoin d’un mouvement de masse dans les rues et dans les entreprises armé de ses propres instruments politiques et d’un programme visant à la nationaliser sous contrôle et gestions démocratiques des secteurs clés de l’économie, non pas de manière bureaucratique mais sous l’autorité d’organes démocratiquement élus sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers.


 

Kshama Sawant a obtenu 52% aux primaires à Seattle

Cette année, les 9 conseillers municipaux qui gèrent la ville de Seattle doivent être réélus (7 par district et 2 à l’échelle de toute la ville). Ces élections se passent en deux tours et Kshama vient de remporter la première manche avec 52% des voix, soit 15% de plus que son plus proche adversaire sur un panel de 5 candidats.

Kshama a joué un rôle essentiel pour arracher l’instauration d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure, une première dans une grande ville américaine. Elle a utilisé sa position pour aider à construire un mouvement populaire, avec soutien syndical. Elle lutte aujourd’hui pour le contrôle des loyers et la construction de logements publics de qualité.

Sa campagne a engagé quelque 600 volontaires et elle a su récolter 265.000 dollars, dont pas un cent n’est issu des grandes entreprises. Elle se trouve en bonne position pour remporter les élections de novembre, mais les grandes entreprises feront tout pour la bloquer.

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