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Avons-nous raison de protester ? Antidote anti-idéologie patronale
L’idéologie dominante vise à maintenir l’ordre établi, à convaincre tout un chacun qu’il faudrait accepter ‘‘comme allant de soi’’ (avec enthousiasme ou en traînant les pieds, peu importe) les mesures antisociales de la classe dominante, celle des grands patrons et gros actionnaires. Le plan d’action syndical n’a pas dérogé à la règle : il a subi un tir de barrage idéologique dès ses premières minutes.
Par Ben (Charleroi)
‘‘Nous vivons plus longtemps, il faut donc travailler plus longtemps’’
FAUX. Il y a vingt ans, l’espérance de vie d’un travailleur était légèrement plus courte qu’actuellement, mais les pensionnés de demain auront beaucoup plus contribué. Au cours de la seconde moitié du 20e siècle, la productivité des travailleurs belges a augmenté de 650%. Sur la même période, le nombre d’heures prestées a augmenté de 33% et les salaires bruts de 250%. Mais à la fin de cette période où plus de valeurs ont été produites, les salaires bruts auraient dû croître de 433%. Et nous ne sommes pas récompensés par une pension décente. Selon le Bureau du Plan, la pension moyenne d’un travailleur était équivalente à 43,8% du salaire moyen en 1980. En 2000, il s’agissait de 32,5% et, selon la KBC, les perspectives sont de 26% pour 2030.
En 2012, l’espérance de vie en bonne santé était de 67 ans en Flandre, de 64 ans à Bruxelles et de 63 ans en Wallonie. Elle est encore plus basse pour les travailleurs peu qualifiés ainsi que pour ceux qui effectuent des travaux lourds. Voilà le contexte dans lequel le gouvernement veut nous faire bosser jusqu’à 67 ans, alors qu’un million de personnes prennent des antidépresseurs en Belgique, que le nombre de burn-out ou de problèmes liés au stress explose et que de plus en plus de personnes ne trouvent pas d’emploi, notamment parmi la jeunesse.
‘‘Les chômeurs sont des profiteurs’’
FAUX. On voudrait nous faire croire que les chômeurs profitent de leur situation parce que ‘‘du boulot, il y en a’’. Ces dernières années, il y a eu chaque mois entre 25 et 30.000 offres d’emploi face aux 400.000 chômeurs complets indemnisés, pas besoin d’être grand mathématicien pour comprendre qu’il n’y a pas assez de travail disponible pour tout le monde. Ce n’est pas prêt de s’améliorer avec les nombreuses restructurations d’entreprises, le non-remplacement massif de fonctionnaires, etc.
On dit aussi des chômeurs qu’ils ‘‘fraudent’’, avec de fausses adresses, pour bénéficier du statut d’isolé et percevoir plus. Dans le cas des chômeurs, il s’agit d’une stratégie de survie et certainement pas d’une technique pour faire du profit! Ce n’est pas avec 1000 euros par mois qu’on fait du profit. (1) Une fois le loyer et les charges payés, il reste à peine de quoi manger et assumer la vie de tous les jours.
Les vrai tricheurs, ce sont les grands patrons, les grands actionnaires, les riches, les grosses entreprises. Ce sont eux qui s’enrichissent sur le dos des travailleurs, qui touchent des salaires démesurés (2), qui éludent l’impôt, qui reçoivent des cadeaux fiscaux (3) et s’enrichissent sur le dos de l’Etat. Ces sont eux qui profitent. L’actualité récente – l’affaire Luxleaks – est d’ailleurs là pour démontrer qu’alors qu’on augmente les contrôles des chômeurs, on ne fait rien contre la fraude fiscale.
“Nous avons vécu au-dessus de nos moyens”
FAUX. Une partie de plus en plus importante de la population ne fait que se précariser : nous sommes passés de 7% de taux de pauvreté dans les années ‘90 à 15% aujourd’hui. La Belgique est un pays riche, mais les 20% les plus riches de la population détiennent 61,5% de toutes les richesses tandis que les 20% les plus pauvres n’en détiennent que 0,2%.
Mais même si on se contente de parler des finances publiques, les dépenses publiques belges sont restées stables cours de ces 30 dernières années, autour de 43% du PIB (4). Ce qui déséquilibre le budget de l’Etat, ce sont surtout les énormes cadeaux fiscaux dont bénéficient les grandes entreprises, les rentiers et les riches. Ainsi que le payement de la dette publique et de ses intérêts (5).
Ce sont les plus riches, les entreprises et les actionnaires qui ont vécu sur nos moyens. Des sommes colossales sont passées des poches des travailleurs aux coffres forts de l’élite. Et aujourd’hui, alors que ce sont eux qui ont fait la fête sur notre dos – et sans nous inviter – ils nous refilent la gueule de bois austéritaire en guise de remerciement!
‘‘On doit laisser sa chance au gouvernement. Ou le pousser à négocier.’’
FAUX. Ce gouvernement est ouvertement de droite dure et patronal. Le laisser démonter les grandes conquêtes du mouvement ouvrier pour en faire le bilan ensuite, cela ne fera que détériorer le niveau de vie de la majorité de la population. Ce serait une faute grave. Nous devons défendre nos conquêtes sociales comme si notre vie en dépendait. Plus les conditions de vie se dégraderont et plus nous aurons des difficultés à organiser les luttes.
Et pour ce qui est de la négociation : si on n’arrivait déjà pas à négocier avec des gouvernements que certains qualifiaient encore de ‘‘centre-gauche’’, quelle marge de manœuvre existe-t-il vis-à-vis de ce gouvernement-ci? Restons sérieux. La concertation sociale de ces dernières années n’a fait qu’accompagner l’austérité et beaucoup avait déjà conclu sous le gouvernement Di Rupo que seul un retour au syndicalisme de combat pourrait aider à renouer avec des victoires syndicales. Arrêtons donc les illusions naïves. En avant pour un syndicalisme de lutte !
‘‘On doit tous faire des efforts.’’
FAUX. Des efforts pour quoi faire? Pour continuer d’augmenter les bénéfices des entreprises et d’enrichir les plus riches? Pour permettre à l’Etat de donner leur donner plus de subventions et de baisse d’impôts? Même des professeurs d’université commencent à remettre en cause cette logique. Selon Michel Gevers (UCL) ‘‘il n’y a aucun problème budgétaire. Il n’y a donc aucune raison de s’attaquer à notre système de sécurité sociale, notre recherche, nos institutions culturelles, ou la SNCB. Il suffit que les personnes les plus riches soient taxées comme les autres et que les entreprises bénéficiaires contribuent normalement à l’impôt’’ (6)
Il faut aller bien plus loin que de seulement taxer les plus riches et les entreprises bénéficiaires, mais savoir que le discours austéritaire perd déjà toute légitimité rien qu’avec ce genre d’argument est déjà une bonne chose. Le patronat et les riches ne veulent pas investir? Ne veulent pas payer d’impôt? Alors réquisitionnons leur patrimoine, nationalisons les secteurs clés de l’économie et choisissons nous-mêmes pourquoi investir et dans quoi!
Les seuls efforts que les jeunes et les travailleurs (avec ou sans emploi) doivent faire : c’est d’organiser la lutte, d’aider à la réorganisation des masses, d’aider à les doter d’un programme anticapitaliste et socialiste, un programme basé sur leurs besoins et pas sur celui de la minorité qui s’enrichit. Les seuls efforts à faire sont ceux qui aident à reconstruire un rapport de force face au patronat, aux riches et à leurs gouvernements afin de récupérer la richesse et le pouvoir que la classe dominante nous a volé.
“La grève, ça sert à rien, ça coûte cher et ça n’a jamais créé d’emploi.”
FAUX. C’est vrai, il n’y a pas eu énormément d’écrasantes victoires syndicales ces dernières années. Cela peut miner la confiance dans les méthodes de luttes traditionnelles que sont les grèves et les manifestations. Mais ce qu’il faut voir dans ces défaites, c’est le poids du syndicalisme de concertation et des stratégies défaitistes des directions syndicales.
La manifestation du 6 novembre a illustré le potentiel de luttes mieux organisées. La grève est un outil et, comme tout outil, s’il est mal utilisé, ça ne fonctionne pas bien. Si la grève est perçue comme une sorte de mouvement d’humeur, alors elle reste un mouvement d’humeur. Si elle est utilisée comme outil pour élargir la lutte, discuter des objectifs, permettre aux travailleurs de s’organiser et d’apprendre à ne compter que sur leur propre force pour changer la société, etc. alors les grèves et les manifestations pourraient prendre une tout autre dimension et nous pourrions renouer avec les grèves qui ont créé des emplois en imposant la diminution collective du temps de travail.
Et pour ce qui est du ‘‘coût’’ de la grève, soyons clairs, aujourd’hui, la seule grève qui coûte cher c’est la grève du capital, la grève des investissements! ‘‘Le cash des entreprises belges atteint 240 milliards d’euros’’ titrait ainsi le magazine Trends Tendances du 6 novembre 2014. Au niveau européen, c’est un trillion d’euros (soit 1000 milliards…) ; aux USA, c’est 4200 milliards de dollars. C’est cette grève patronale qui coute cher à la société, cette volonté de ne pas réinvestir les richesses produites.
Ce n’est un secret pour personne, si les entreprises accumulent au lieu d’investir, c’est parce que leur but n’est ni de créer de l’emploi, ni de régler les pénuries qui existe dans de si nombreux secteurs, ni même de développer la société de manière générale. Le seul et unique but des entreprises, c’est d’accroitre leurs profits et d’accumuler encore plus de capital.
Remettons donc en cause la propriété privée de ces moyens, occupons nos entreprises, reprenons collectivement en main la propriété et construisons à partir de là une société où les moyens de productions seront utilisés pour combler les besoins de la majorité et non pas les profits d’une minorité!
Notes
(1) Les montants exacts des allocations maximales et minimales peuvent être trouvés ici http://www.rva.be/frames/frameset.aspx?Language=NL&Path=D_opdracht_VW/&Items=2
(2) En 2013, le dirigeant de la société UCB, cotée en Bourse, était la personne la mieux payée de Belgique avec un salaire de 4 millions d’euros, soit 11.000 euros par jour !
(3) 10 milliards d’euros par an
(4) Chiffres de la Banque Nationale issus de la brochure ACIDE : http://www.auditcitoyen.be/wp-content/uploads/versionA5.pdf
(5) Voir également la brochure ACIDE
(6) Carte blanche dans Le Soir, jeudi 13 novembre 2014
