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Debout les Belges : le danger est-il passé ?
Laurent Louis a annoncé que son mouvement ‘‘Debout les Belges’’ quittait la sphère politique pour se consacrer à l’éveil citoyen. Même si l’on peut se réjouir du fait que ce mouvement n’ait pas obtenu le moindre élu, nous devons rester vigilants et combattre politiquement les idées que Laurent Louis a propulsées dans le débat public. Son score personnel aux élections était de 13.183 voix et les meetings publics qu’il a organisés ont pu compter sur une audience massive.
Par Alain (Namur) et Simon (Liège)
Les élections sont un instrument de mesure de l’état d’esprit des masses. Aujourd’hui, une course de vitesse est engagée entre deux pôles opposés. Autant l’élection de parlementaires du PTB et la progression de ce parti sont les signes qu’une partie de la population est à la recherche d’une alternative progressiste et que la volonté de lutter est présente, autant les bons scores réalisés par les populistes de droite, l’extrême-droite et les provocateurs réactionnaires illustrent que, pour une autre partie de la population, le désespoir économique et social se traduit par la haine contre des boucs émissaires : immigrés, juifs, féministes, LGBTQI,…
Une conscience anti-système très floue
Au cours de ces dernières années, la plupart des institutions qui assurent la domination du capital, y compris idéologiquement, ont perdu en autorité. Que ce soient les institutions politiques, l’école, les médias, les sciences,… toutes ces institutions ont vu baisser leur crédibilité. Les pseudos anti-systèmes jouent sur ce sentiment de défiance à l’égard du système pour faire progresser leurs idées et crédibiliser leurs discours. En France, ce sont des personnalités comme Dieudonné ou Alain Soral qui surfent sur ce courant. En Belgique, après plusieurs tours de girouette idéologique (passant du MR au PP, créant ensuite le MLD avant de rejoindre le parti Islam pour enfin élaborer Debout les Belges), Laurent Louis a surfé à fond sur cette vague, niant la théorie des classes pour préférer celle du complot, déviant la haine portée contre les millionnaires et le patronat vers la haine contre les ‘‘sionistes’’ et ‘‘ceux qui tirent les ficelles’’.
Jusqu’ici, cela a pu avoir un certain effet dans certaines couches de la population et, attention à la caricature, cela ne concerne pas que des marginaux. Ces sentiments anti-système se trouvent aussi dans la jeunesse ou parmi les travailleurs issus de l’immigration qui n’ont pas connu de grand mouvement de classe et qui ne sont pas impliqués dans des organisations traditionnelles du mouvement organisé des travailleurs. La conscience que la société roule à l’envers est largement présente, de même que la colère contre les nombreuses injustices, mais le manque d’analyse et le flou qui entourent le rejet du système peuvent conduire à de dangereux culs-de-sac.
Sur une base qui mêle le vrai (comme la dénonciation du gouvernement israélien en tant que tête de pont de l’impérialisme américain), le faux (la dénonciation des soi-disant réseaux pédophiles) et l’abracadabrant (le contrôle du monde par quelques personnes qui tirent les ficelles comme les illuminatis), les mouvements complotistes comme ‘‘Debout Les Belges’’ détournent la colère des masses vers des leurres (les fameux ‘‘false flags’’ dont les théoriciens du complot sont si friands). Ainsi, on a pu voir Laurent Louis ou son comparse Alain Soral dénoncer le sionisme international pour sémantiquement glisser très vite vers ‘‘les juifs’’ dans le sens large, la culture gay ou encore le militantisme pour les droits des femmes. Voilà qui fait bien les affaires des véritables responsables de la misère planétaire : le monde du Capital.
Force est de constater que le capitalisme en tant que tel est d’ailleurs rarement pointé du doigt, sinon timidement en parlant de ‘‘mondialisme’’, et essentiellement voire quasi-uniquement pour déplorer l’effacement des cultures nationales.
Par contre, en tant que parlementaire, on a pu voir Laurent Louis à l’œuvre en proposant que les chômeurs soient astreints à des travaux d’intérêt général. Voilà l’alternative politique de Debout les Belges : des sous-emplois plutôt que la défense des services publics et la diminution du temps de travail. Les capitalistes se délectent d’un tel discours : voilà leurs profits préservés et leur responsabilité occultée.
La véritable opposition au système, c’est l’opposition au système capitaliste et la lutte pour une société qui retire des mains du secteur privé les secteurs-clés de l’économie (énergie, finance,…). Mais il est crucial que cette opposition ne se limite pas aux paroles et soit liée à une stratégie d’actions concrètes et de mobilisation, sous peine de voir la frustration s’accumuler chez de nombreuses victimes du système. La porte est alors ouverte à de fausses alternatives prétendument radicales.