Stop au SACcage du droit de protester !

antwerpen2-300x225Conditions drastiques avant d’autoriser des militants syndicaux à manifester, Sanctions Administratives Communales (SAC) pour les adversaires des déclarations racistes du bourgmestre De Wever contre les Berbères,… La liberté de mener des actions de protestation est malmenée à Anvers. Toute opposition n’est tolérée qu’à titre individuel et dans les limites du système néolibéral. Cette prolifération de règles qui restreignent le caractère public de l’espace public en combinaison de l’accroissement des possibilités répressives découle de l’approche néolibérale selon laquelle ‘‘la société n’existe pas, il n’y a que des individus’’, comme le disait Margareth Thatcher.

Par Geert Cool, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste

La liberté de mener des actions de protestation est un droit acquis par le mouvement des travailleurs. Le droit à l’organisation, c’est la lutte collective qui l’a arraché. Avec l’avènement du capitalisme tout a été jeté dans la sphère individuelle. L’ouvrier devait respecter ses obligations et recevait un salaire en échange de sa force de travail. Aucun autre droit n’existait pour lui. La loi ‘Le Chapelier’ de 1791 stipulait explicitement : ‘‘Tous attroupements composés d’artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l’industrie et du travail appartenant à toutes sortes de personnes, (…) seront tenus pour attroupements séditieux, et, comme tels, ils seront dissipés par les dépositaires de la force publique, sur les réquisitions légales qui leur en seront faites, et punis selon tout la rigueur des lois sur les auteurs, instigateurs et chefs desdits attroupement, et sur tous ceux qui auront commis des voies de fait et des actes de violence.’’ L’article 416 du Code pénal napoléonien de 1810 interdisait toute organisation d’opposition aux employeurs et l’article 415 interdisait chaque ‘‘coalition’’ en vue d’arrêter ou d’entraver le travail. Entre 1830 et 1867, 1.500 ouvriers ont été condamnés sur cette base en Belgique uniquement.

Toute forme d’organisation du mouvement ouvrier était considérée comme une punissable infraction au droit au travail. Cependant, le droit à l’organisation et à l’action collective ont été imposés. Cela n’est pas arrivé en le demandant gentiment mais en exigeant ces droits. Le droit d’association n’a été reconnu qu’en 1921 en Belgique et ce n’est pas un hasard si cela coïncide avec l’introduction du suffrage universel masculin. La menace d’une révolte ouvrière après la Première guerre mondiale dans la continuité de la Révolution russe de 1917 a obligé la bourgeoisie à faire des concessions. Outre le droit à l’organisation, le droit à l’action collective a aussi été imposé ; des manifestations au droit de grève en passant par d’autres actions publiques.

Si aujourd’hui la droite veut limiter le droit à l’action collective, le droit de manifester pour exprimer ses opinions et le droit de grève, cela cadre dans la politique thatchérienne visant à tenter de fondamentalement changer les relations de force entre travail et capital en faveur de ce dernier. Sous prétexte de modernité et de progrès, on plaide pour un retour aux normes du début du 19ème siècle lorsque le travail des enfants était ‘‘nécessaire’’ à la position concurrentielle des entreprises et la sécurité sociale ‘‘impayable’’ de sorte que la protection sociale se limitait à la charité. Les néolibéraux d’aujourd’hui répètent presque littéralement la loi Le Chapelier ou les articles du code pénal napoléonien. Ils parlent eux aussi du ‘‘libre exercice de l’industrie et du travail’’ menacé par les actions de grève.

Remise en cause de l’action collective

Aujourd’hui, pour pouvoir organiser une action, il faut parfois répondre à toute une série de conditions. La CGSP en a fait l’expérience lors de sa manifestation du 22 mars à Anvers. Quelques exemples de conditions : ‘‘l’utilisation de sirènes et autres sources de bruit est interdite sauf le mégaphone utilisé par le président et par des participants désignés au préalable à la police’’, ‘‘l’organisateur fixe clairement quels slogans seront scandés et quel message est annoncé (ils ne peuvent être ni provocants ni punissables).’’

En de nombreux endroits, il est déjà interdit d’organiser des actions parce qu’il ne s’agit officiellement plus d’un espace public. C’est entre autres le cas d’une grande partie de la place se situant devant la gare d’Anvers Central. Poser des affiches en ville est complètement hors de question et des amendes ont même été infligées pour avoir apposé des affiches dans des magasins à Schaerbeek pendant les élections ! La liste bruxelloise Gauches Communes (à laquelle participait le PSL) a dû passer au tribunal parce qu’elle s’est vu imposer pas moins de 2600 euros d’amendes sur cette base ! Distribuer des tracts n’est pas non plus toujours évident. Les conditions que la ville d’Anvers impose rendent cela très compliqué.

Lorsque des actions spontanées ou non-autorisées se produisent, l’arme répressive des amendes SAC (Sanctions Administratives Communales) est sortie. Lors de la protestation contre les déclarations racistes de De Wever contre les Berbères, des centaines d’amendes SAC ont été distribuées. Ce type de répression vise à intimider les éventuels futurs participants aux actions tout en criminalisant la protestation. Avec la campagne ‘‘Stop SAC’’, nous avertissions déjà de ces dangers concernant ces amendes officiellement dirigées contre les ‘‘incivilités’’. Le caractère arbitraire de ces amendes est utilisé pour imposer la vision néo-libérale manu militari. Les autorités considèrent la protestation comme une charge.

Toute la campagne orchestrée contre le droit de grève représente une autre étape dans la contestation du droit à l’action collective. Si les néo-libéraux veulent également s’en prendre à ce droit, c’est parce qu’ils ont déjà pu miner avec succès tous les autres droits démocratiques et, naturellement, parce que le droit de grève va directement à l’encontre des intérêts des patrons. Les précédentes tentatives visant à limiter notre droit de grève via des requêtes unilatérales et même de ‘‘combi-taxes’’ (une taxe sur le transport en combi de police) ont systématiquement été confrontées à la résistance et à diverses objections juridiques. Toute la propagande visant à opposer le droit individuel au travail au droit à l’action collective a pour but de faire progresser la lutte contre le droit de grève.

Comment défendre nos droits ?

Le 1er avril, quelques centrales de la FGTB ont participé à une manifestation qui n’avait pas été annoncée vers la Grand-Place pour y protester contre la politique asociale du premier ministre de l’ombre, Bart De Wever. En même temps, cela apportait une réponse aux conditions drastiques encadrant dorénavant le droit de manifester. Les militants syndicaux sont passés outre ces conditions et se sont donc rendus sans autorisation vers la Grand-Place, désormais endroit interdit pour les actions de protestation. Dans la pratique, la force de leur nombre a imposé le droit à l’action collective.
Il y a aussi eu des actions créatives telles que ‘Burger Opstaand’ (Citoyens Debout) qui ont contourné avec précaution les dispositions qui définissent un attroupement ou une manifestation en gardant une distance suffisante entre participants pour par conséquent n’être présents qu’à titre ‘‘individuel’’ à un endroit.

Il faut réagir contre la répression croissante. Une réaction faible ne conduira qu’à plus d’agression. Il existe un énorme potentiel pour cette lutte contre la répression, comme cela avait été illustré par le succès de la campagne STOP SAC / Tegen GAS et d’autres initiatives opposées aux SAC. Des actions offensives telles que la manifestation spontanée des militants de la FGTB le 1er avril à Anvers sont très importantes pour faire valoir nos droits de la manière la plus efficace, par une lutte cohérente et grâce à la solidarité du mouvement des travailleurs.

Nous devons lier notre opposition à la politique antisociale à la défense du droit de mener cette résistance. Une campagne active et large visant à préserver ce droit à la contestation est impérative.

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