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Féminisme et socialisme
Rapport de la commission « féminisme et socialisme » de l’École d’été 2014 du Comité pour une Internationale Ouvrière. Par Emily (Namur)
Beaucoup de personnes aux diverses références se disent féministes. Pourtant, selon nous, seul le socialisme peut mettre en place les bases matérielles pour en finir avec le sexisme.
Il y a 10 ans, nous pouvions encore entendre parler de post-féminisme. En effet, d’un point de vue purement juridique, les femmes ont pu obtenir une relative égalité devant la loi. Toutefois, la crise économique subie depuis plusieurs années par la majorité sociale démontre que cette égalité existe uniquement sur le papier. Les groupes les plus opprimés de la population – tel que les femmes – subissent cette crise avec le plus de violence. Si aujourd’hui il n’y a pas de large mouvement de femmes, beaucoup se sentent concernés par cette question et ont une volonté d’agir dessus, mais manquent de méthodes et de perspectives.
Les marxistes ont pour tâche de se battre pour une égalité de fait, qui ne reste pas virtuelle. Pour ce faire, il est primordial, d’une part, de gagner davantage de femmes aux idées révolutionnaires et au socialisme. D’autre part, il est indispensable de mener les luttes nécessaires à la mise sur pied d’une société au sein de laquelle les bases matérielles de l’oppression des femmes auront disparu, une société socialiste.
On ne peut nier que la classe ouvrière est parcourue par le sexisme. Cette oppression est plus ancienne que le système capitaliste puisqu’elle est apparue avec les premières sociétés de classes et est dès lors pleinement intégrée. C’est, dans ce cadre, un combat permanent pour organiser les femmes et les développer en tant que cadre révolutionnaire.
Toutefois, le patriarcat n’a pas toujours existé. Si on rencontrait, dans les sociétés communistes primitives, une certaine division des tâches entre hommes et femmes, il n’existait pas de hiérarchie entre les rôles. La survie du groupe ne pouvait se faire que par une parfaite coopération entre tous. L’apparition d’un surplus de production développe les bases matérielles de l’oppression de classe et des femmes. En effet, cela s’est propagé de pair avec la notion de filiation et celle que la propriété privée doit se transmettre de génération en génération. Cela a permis l’émergence d’une hiérarchisation entre les rôles dits productifs et reproductifs. Depuis, il y a eu différent type de société de classes, mais l’oppression des femmes est restée une constante dans chacune d’elle. Ce n’est qu’en abolissant la société de classe que l’on pourra abolir le sexisme. Mais pour ce faire, l’unité des hommes et des femmes de notre classe dans cette lutte est indispensable.
Notons que les femmes de la classe ouvrière ne sont pas les seules opprimées. Par exemple, la violence vis-à-vis des femmes est présente partout, même s’il sera souvent matériellement moins difficile pour les femmes des couches supérieures de quitter une situation de violence conjugale sans risquer de sombrer dans la misère. Dans la même logique, bien que Michelle Obama soit une femme noire, elle est bien moins opprimée qu’une femme travaillant dans un fast-food, mais également bien moins qu’un homme y travaillant. Toutes les femmes sont donc opprimées, mais les femmes de la classe ouvrière le sont doublement. Et si des femmes de la classe dirigeante veulent réellement lutter contre le sexisme, il sera nécessaire qu’elles rompent avec leur classe pour lutter au côté de la classe ouvrière contre le capitalisme. L’oppression de classe prévaut donc sur les autres formes d’oppressions. Ce n’est qu’en abolissant les sociétés de classes que nous pourrons avoir les bases matérielles suffisantes pour nous attaquer aux autres formes d’oppression, et ce dans un processus dialectique.
Nous réfutons le féminisme bourgeois qui oppose les hommes aux femmes – en considérant même parfois que ces dernières, de par leur genre, doivent nécessairement avoir raison – et qui regarde les choses de manière abstraite. Non, avoir plus de femmes à des postes à responsabilité ne changera pas la nature de l’oppression de classe. Non, ce n’est pas simplement par la voie parlementaire ou grâce à quelques personnes d’exceptions que les femmes ont obtenu des acquis. Nous refusons également de tout orienter sur une question individuelle et de croire qu’il n’est pas possible d’avoir une vision globale. Bien que l’expérience de chacun puisse être différente, la compréhension des différents points de vue est possible et la solidarité et l’unité indispensables.
En effet, le suffrage universel mixte, le mariage civil, le droit de divorcer, l’avortement sécurisé, le congé maternité, les crèches, les cantines collectives (etc.) sont autant d’acquis obtenu en période de lutte intense de l’ensemble de la classe ouvrière – telle que la Révolution russe de 1917, et ce avec des décennies d’avance sur le reste du monde. C’est par la lutte de masse qu’il est possible de combattre la double tâche à laquelle sont astreintes les femmes dans une société de classe. Cette expression signifie qu’en plus du travail productif que la femme accomplit, elle prend en charge de manière individuelle le travail domestique. Les femmes de la classe supérieure pourront, elles, engager quelqu’un pour le faire à leur place.
Ce sont également des luttes majeures dans le secteur de l’industrie qui ont permis d’instaurer le principe de l’égalité salariale. Toutefois, si aujourd’hui elle est obligatoire dans de nombreux pays, sa mise en œuvre va dépendre du rapport de force en présence. Ainsi, selon la Banque Mondiale, les inégalités salariales varient entre 10 et 30%. Il n’existe pas, à ce sujet, de différence notable entre les pays dits riches et pauvres, mais l’écart salarial selon le genre est plus important parmi la classe inférieure que supérieur.
Avec les coupes budgétaires majeures que nous subissons aujourd’hui à travers le monde, la problématique de cette double tâche – ou double journée de travail – revient d’autant plus à l’avant-plan. Ainsi, les premières attaques sont dirigées vers le secteur des soins aux personnes (accueil de la petite enfance et des personnes âgées, soins de santé, enseignement, refuges pour femmes battues, etc.). Les dirigeants disent alors qu’il faut compter sur la grande société, c’est-à-dire la famille. Mais en faisant cela, c’est bien sur les femmes que retombe cette charge, comme responsabilité individuelle – plutôt que collectivement pris en charge par la société – alors que parallèlement à ça, les conditions de travail se dégradent, les chômeurs sont traqués, etc. Les mesures d’austérité ont jeté une très grande proportion de femmes dans la précarité et la misère, elles accroissent encore l’oppression des femmes en dégradant leurs conditions matérielles de vie.
Nous devons lutter pour la construction d’une société socialiste, une société qui comporte les bases d’une égalité entre les genres, c’est-à-dire avec une égalité totale au niveau matériel. Par exemple, l’accueil de la petite enfance doit être assuré par la collectivité parallèlement à un droit pour le parent qui le désire de rester à la maison avec un revenu décent. C’est seulement dans ce cadre-là qu’il peut y avoir un vrai choix. Cela devra évidemment passer par une gestion démocratique de l’économie.
Toutefois, face à une oppression aussi ancrée que l’est le sexisme, il y aura, en plus, besoin de travailler en profondeur, comme le disait Trotsky. Il est donc nécessaire de garder une attention constante à l’intégration des femmes dans toutes les luttes et à combattre le sexisme dans notre organisation par des discussions ouvertes à ce sujet. Nous pensons que pour gagner l’unité, nous devons expliquer en profondeur nos stratégies et nos méthodes, et puisque nous ne pouvons être totalement exempts de sexisme, lorsqu’un problème survient, il s’agira d’agir avec conséquence.
Lorsque nous menons des campagnes sur des questions plus spécifiquement “femmes” (avortement, planning familial, refuge pour femmes battues…), nous devons avoir une approche flexible selon la situation en présence. Avec le CIO, nous avons mené de nombreuses campagnes sur cette question, mais nous sommes petits face à l’ampleur de la tâche. Nous avons dès lors besoin d’un bon programme, juste et clair, même si pour l’instant nous n’avons pas les forces. Ajoutons que ce que nous nommons parfois “travail femme” n’est en rien séparé du reste du travail de l’organisation, il en fait partie intégrante : la lutte pour le socialisme.