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Résultat des législatives en France : un soulagement, mais surtout un répit à ne pas gâcher
Construisons un large front de la lutte sociale via des comités antifascistes et anti-austérité démocratiques
C’est une victoire, et un grand soulagement. En particulier pour les personnes déjà opprimées, et pour les mouvements sociaux, syndicaux, les activistes de gauche – pour toutes les personnes qui ont l’espoir d’un changement fondamental de politique. Le RN a été repoussé, non seulement loin d’ une majorité absolue, mais aussi seulement à la 3ème place en termes de blocs à l’Assemblée Nationale. Nous savons toutefois que cette victoire pourrait n’être que temporaire : l’extrême droite n’a jamais été aussi proche du pouvoir depuis la seconde guerre mondiale.
La volonté de barrer la route au RN a été extrêmement forte. C’est le reflet du potentiel pour un puissant mouvement antifasciste qui réagirait à chaque agression ou acte d’intimidation, en ligne ou dans la vie réelle, par une mobilisation dans la rue. Le développement de comités de lutte antifascistes et anti-austérité démocratiques s’impose pour organiser cette riposte.
Depuis le soir du 9 juin, un enthousiasme s’est éveillé dans de larges couches de la société pour appliquer un programme qui rompt avec la politique des riches et cherche à enrayer la machine à profits. De tels comités d’action pourraient également jouer un rôle de vigilance envers les partis et élu.es de gauche, pour leur imposer de défendre un programme de gauche réellement en rupture avec les politiques pro-capitalistes. Si Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales, a renoncé à sa candidature après avoir été investi candidat, c’est suite à la pression du mouvement féministe. Cela donne une idée de ce qui serait possible à la base d’exercer comme pression constante sur les élu.es si elle était structurée et démocratiquement organisée.
Par Stéphane Delcros
C’est la rue qui a bloqué l’extrême droite
Depuis des années, les médias dominants – et pas uniquement ceux détenus par Bolloré – ont dressé le portrait d’une France qui colle étroitement à la vision politique de l’extrême droite. Et quand les sondages laissaient entendre que le Rassemblement national était aux portes du pouvoir, la plupart des éditorialistes ont prétendu qu’il ne s’agissait somme toute que d’une alternance comme une autre. C’est à peine si l’augmentation des violences et incidents racistes et LGBTQIA+phobes durant la campagne a été commentée.
Quant à Emmanuel Macron, il a pointé « des choses ubuesques » dans le programme du Nouveau front populaire en citant ce qu’il qualifie de « changement de sexe en mairie ». Au même moment, le président du RN Jordan Bardella a été vu chez l’ancien conseiller politique de Macron Thierry Solère quelques jours après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, selon le journal Libération. Le journal a révélé que plusieurs rencontres ont dernièrement eu lieu entre Marine Le Pen, Jordan Bardella et des personnalités de la macronie aussi illustres que l’ancien Premier ministre Edouard Philippe ou encore le ministre de la Défense Sébastien Lecornu.
Très clairement, ce n’est pas grâce à la classe politique et médiatique dominante que le RN a été empêché d’accéder au pouvoir. C’est par en bas qu’une pression s’est construite dans la société et qu’une mobilisation de grande ampleur est née pour faire déjouer tous les pronostics, en commençant par des rassemblements spontanés devant les sièges des partis de gauche appelant à l’unité.
Le soir des élections européennes, le 9 juin, et celui du premier tour, le 30 juin, de nombreuses personnes sont descendues dans les rues pour protester contre la montée de l’extrême droite et pour défendre des politiques en faveur de la classe travailleuse, de la jeunesse et des personnes opprimées. Si les manifestations étaient moins “étoffées” que celles de 2002, quand Jean Marie Le Pen était arrivé au second tour face à Jacques Chirac, la mobilisation de la rue était bien réelle, non seulement contre le RN, mais aussi contre la macronie et son régime antisocial et autoritaire qui lui a ouvert la voie.
« La jeunesse emmerde le Front National »
La jeunesse surtout s’est fortement mobilisée, illustrant par-là même sa volonté de combattre les attaques de droite et d’extrême droite contre les personnes qui subissent l’oppression. Les 15 et 16 juin, 650.000 personnes se sont mobilisées dans près de 200 villes à l’appel des syndicats, des associations et des partis de gauche. Le week-end suivant, des organisations féministes et syndicales ont à nouveau mobilisé. De nombreux blocages de facs, d’assemblées et de grèves ont aussi pris place depuis le 9 juin.
Cette atmosphère a imposé que les partis de gauche fassent alliance en vue des législatives anticipées. C’est aussi elle qui a assuré de finalement faire barrage au RN tout en faisant du Nouveau front populaire le premier groupe à l’Assemblée, en dépit d’une intense campagne médiatique contre la gauche et tout particulièrement contre la France Insoumise. « Entre Bardella et Mélenchon, qui, en conscience, voudra mettre un signe d’égalité ? Le programme du RN est certes à bien des égards inquiétant, mais en face : antisémitisme, islamo-gauchisme, haine de classe, hystérie fiscale… », a ainsi écrit Alexis Brézet dans un éditorial du Figaro. Mais le soir du 7 juillet, c’est la joie et le soulagement qui dominaient dans les multiples rassemblements, dans les métros et dans les rues.
En dépit de l’intense campagne anti-LFI et anti-Mélenchon, la consigne du désistement dans les circonscriptions où le RN était en tête et où un.e candidat.e de gauche était troisième a été scrupuleusement respectée par Mélenchon et LFI, même dans la 6ème circonscription du Calvados, où un candidat LFI s’est retiré à l’avantage de l’ancienne Première ministre macroniste Élisabeth Borne. « Pas une seule voix, pas une voix de plus pour le RN », a déclaré Mélenchon, alors qu’à droite et dans la macronie, la consigné était beaucoup plus floue, tout particulièrement s’agissant d’un désistement à la faveur d’une candidature FI.
Cette démonstration d’un « front républicain à géométrie variable » a très clairement placé la droite et la macronie dans des difficultés. Mais cela a aussi laissé à Marine Le Pen l’opportunité de dire : « C’est le grand rêve d’Emmanuel Macron: le parti unique qui va de LFI aux LR ». Alors que le RN avait été mis en difficulté sur la question des retraites, comme il apparaissait que son modèle était sous certains aspects pire que celui imposé l’an dernier par le gouvernement macroniste d’Elisabeth Borne à l’aide de l’article 49.3 e la Constitution, celui-ci a ironisé sur le fait que Mélenchon préférait faire alliance avec « Madame 49.3 ».
Se désister à son bénéfice ou encore à celui de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, cela signifie d’entretenir une proximité avec celles et ceux qui ont ouvert la voie au RN et ont banalisé son racisme et son autoritarisme. Darmanin avait accusé Marine Le Pen d’être « molle » au sujet du radicalisme islamique. C’est aussi l’architecte de la « Loi immigration », considérée à juste titre comme une victoire idéologique par Marine Le Pen.
Aujourd’hui, le soulagement domine. Mais ce n’est qu’un répit à ne pas gâcher. L’extrême droite est passée de 5 millions de voix à 10 millions en peu de temps. Et elle peut encore progresser.
Et hélas, pour les personnes dégoûtées par la politique de Macron, cette attitude de se désister en faveur de macronistes, cela jette encore plus de discrédit sur les formations de gauche. Penser qu’un barrage contre l’extrême droite peut se faire avec celleux qui ont pavé la route pour l’extrême droite, c’est considérablement sous-estimer la violence des politiques macronistes ces dernières années, particulièrement pour les couches dans la population qui subissent des oppressions systémiques. Même si beaucoup de personnes ayant voté à gauche sont allées voter pour les macronistes au 2e tour « pour faire barrage au RN », de nombreuses autres ne l’ont certainement pas fait. Beaucoup se sont abstenues et certaines ont probablement même voté RN par dégoût de la politique menée ces 7 dernières années.
Une telle approche de la part de la gauche ouvre encore davantage la voie au RN dans les prochaines années, puisqu’il peut ainsi se présenter comme seule « alternative », face à l’entente de tous les autres. Cela permet à l’extrême droite de souligner que la gauche trahit (à nouveau) et ne représente pas une réelle alternative.
Les instruments politiques de la classe capitaliste s’enfoncent dans leur crise historique
Le résultat électoral a consacré la continuation de la désintégration du « centre » politique. Macron avait bâti sa victoire de 2017 sur les cendres des 2 partis piliers de la 5ème République (LR/UMP/RPR et PS), ce qui avait permis à la classe dominante de continuer sa politique, même sous un nouveau visage – et en fait avec même davantage de brutalité. Non seulement les macronistes recueillent le plus faible score depuis l’arrivée au pouvoir de Macron, mais si on l’ajoute aux résultats du PS et Les Républicains, c’est un score historiquement faible pour les partis institutionnels qui concentrent tout le vote de l’idéologie dominante.
La 5ème République, qui avait été construite pour éviter que « les extrêmes » ne puissent pas bloquer la politique en faveur des capitalistes, montre aujourd’hui son impuissance, après que les 3 grandes tendances qui l’ont gouverné aient miné leurs positions pendant 65 ans avec leurs politiques antisociales.
Les macronistes sauvent leurs meubles et veulent rester au pouvoir
En arrivant par surprise finalement 2ème bloc (et non 3ème) à l’AN, Macron a sauvé ses meubles grâce aux désistements des candidatures de gauche dans les circonscriptions où elles sont arrivées derrière celles du RN et des macronistes. Dans ces circonscriptions, 72% de l’électorat NFP a voté macroniste pour faire barrage au RN. Au contraire, dans de nombreuses circonscriptions, les macronistes ont maintenu leur candidature face à la gauche, particulièrement en face de candidatures FI mieux placées pour battre le RN. Et moins de 50% de personnes ayant voté macroniste ont reporté leur voix sur le NFP. Les statistiques montrent que si les candidatures et l’électorat NFP avaient eu le même comportement que celui des macronistes, le RN serait aujourd’hui le 1er groupe à l’AN.
Avec ce sauvetage de leurs meubles, les macronistes et Les Républicains se sentent pousser des ailes pour tenter de barrer la route à un éventuel gouvernement de gauche, et réclamer un gouvernement excluant la FI et dont le centre de gravité seraient davantage vers le « centre gauche » voire le « centre », c’est-à-dire bien à droite.
Victoire pour le NFP – mais sans majorité absolue, et avec un rapport de forces interne modifié
Le NFP a obtenu une victoire, mais il s’agit aussi d’une victoire en trompe l’œil, sans majorité absolue et alors que les divergences ne sont pas minces entre ses différentes composantes. En réalité la FI est seule au monde à l’Assemblée Nationale, avec un programme de transformation sociale qui comporte des faiblesses, mais qui est de loin plus prometteur pour faire face aux enjeux actuels que ceux du PS, des Ecologistes ou du PCF.
La FI est parvenue à se maintenir avec un nombre équivalent de député.es en ayant laissé une centaines de circonscriptions essentiellement au PS dans l’accord de constitution du NFP. Par ailleurs, des candidat.es du PS opposés au NFP avaient également déposé des candidatures contre la FI, à côté aussi de candidatures dissidentes de la FI ou encore du nombre de macronistes qui ont refusé de se désister au bénéfice d’un candidat.e de la FI. Mais à l’heure du premier bilan, il est clair que le rapport de forces interne à l’union de la gauche a été modifié et que le PS est en meilleure posture.
En dissolvant l’Assemblée nationale, Macron misait sur une gauche éclatée et sur l’avantage de se présenter à nouveau comme le seul rempart face à l’extrême droite, dans le contexte où de toute façon de probables élections anticipées allaient avoir lieu fin d’année, sur base d’une probable motion de censure déposée par Les Républicains (LR). Mais la classe dominante visait aussi un autre objectif : profiter du succès de la liste PS-Place Publique de Raphaël Glucksmann aux élections européennes, arrivé devant la FI (qui par ailleurs augmentait fortement son résultat précédent, dans des élections qui mobilisent peu l’électorat « traditionnel » de la FI).
Appeler à des élections anticipées, tout de suite, et pour dans seulement 20 jours (le minimum légal), c’était miser sur une gauche désunie, mais aussi sur un affaiblissement potentiel de la gauche plus contestataire (FI) et un rééquilibrage en faveur de la « gauche » traditionnelle, pro-libérale. Et de fait, ces élections législatives replacent maintenant le PS et ses alliés un peu plus à l’avant-plan, comme le disait justement Glucksmann 3 jours avant le 2ème tour : « C’est la fin de l’hégémonie de Mélenchon sur la gauche française. »
Avec un camp macroniste extrêmement affaibli et Les Républicains en crise complète, les couches majoritaires de la classe dominante (celles qui n’ont pas – encore – suffisamment confiance dans le RN) accueillent à bras ouverts le retour d’une « gauche institutionnelle » qui se veut « responsable » pour continuer à défendre leurs intérêts, avec peut-être davantage de vernis social que ces dernières années.
Avant même d’être ou d’avoir été, le gouvernement de gauche est déjà censuré
Arrivé 1er bloc à l’Assemblée Nationale (AN) mais sans majorité absolue, le Nouveau Front Populaire s’est vu refuser de former un gouvernement. Macron traine pour nommer un premier ministre issu du NFP. Dans une lettre publiée le 10 juillet, Macron a plaidé pour « un large rassemblement des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines », c’est-à-dire (selon lui) sans le Rassemblement National (RN) ni la France Insoumise (FI). « Personne ne l’a emporté », dit-il.
C’est la continuation de la tentative de diviser la gauche, Macron misant sur le temps pour que les partis alliés à la FI décident finalement de l’exclure du projet et de former une coalition « d’union nationale ». Le RN, LR et une partie des macronistes ont déjà annoncé qu’ils voteraient une motion de censure en cas de gouvernement NFP.
Un gouvernement de gauche n’est pas à exclure, mais plus on s’éloigne du soir du 7 juillet consacrant la victoire (relative) du NFP, plus on s’éloigne d’un tel scénario, et plus on se rapproche d’une trahison (hélas attendue) de la “gauche” hors FI, ou de la mise sur pied d’un gouvernement de droite très dure.
Vers un gouvernement « d’union nationale », rassemblant (ou du moins soutenu par) tous les partis hors RN et FI ?
Macron veut un gouvernement basé sur ses propres troupes, incluant LR et/ou le PS, soit un « gros bloc centriste », qui mènerait une politique de droite. C’est la recette pour un dégoût encore plus grand de ces 3 nuances de politiques pro-capitalistes, et un rejet encore plus grand pour ces 3 courants aux prochaines élections.
LR est divisé sur l’idée d’entrer ou soutenir un tel gouvernement « centriste », tant le dégoût pour les macronistes est grand et il serait impopulaire de s’y accoler. Le PS est obligé (au moins pour temps) de montrer qu’il veut marcher côte-à-côte avec les autres à gauche, sans quoi il serait très vite décrédibilisé, lui qui tente depuis 2022 de se défaire de l’image de la politique antisociale de François Hollande qui lui est très justement collée.
Mais si la classe capitaliste veut qu’un tel gouvernement soit mis sur pied, comme seule garantie d’une continuation de la politique dans son intérêt : tant LR que le PS montreront leur responsabilité, y compris en en payant les conséquences. Soit en soutenant de l’extérieur une nouveau gouvernement macroniste ; soit en formant un gouvernement de grande ampleur, incluant ces 3 forces politiques et éventuellement d’autres (Ecologistes ? PCF ?), ou alors dans une alliance gouvernementale entre 2 des forces (macronistes et PS ; ou macronistes et LR), soutenue de l’extérieur par la 3ème. Il est aussi possible que maconistes et LR s’entendent pour former un gouvernement minoritaire, et obtiennent l’accord du RN pour ne pas être censurés, du moins pour une certaine période.
Depuis le 9 juin, les macronistes sont en crise, et se déchirent en interne. Une majorité d’ex-député.es et de l’électorat macroniste en veulent à Macron, jugé responsable de la crise actuelle – non pas à cause de la politique qu’il a mené, mais à cause de la dissolution…
Selon le journal Le Monde, le premier ministre Attal serait aujourd’hui en conflit avec Macron. Le député Sacha Houlié (qui était contre la réforme de l’assurance chômage et la loi immigration – mais bien pour la réforme des retraites) songe à créer un nouveau groupe “social-démocrate” à l’AN, avec la soit-disant “aile gauche” de la macronie. Il n’est pas impossible que se forme à un moment une alliance incluant les éléments “les moins à droite” de la macronie et la “gauche” hors la FI, avec un soutien du reste du camp Macron (voire des LR), de l’extérieur.
La classe capitaliste met la pression pour que le prochain gouvernement mène une politique antisociale
Mais tout nouveau gouvernement devra faire face aux exigences de la classe capitaliste. Tous les organismes économiques ont sorti leurs meilleurs chiffres et rhétoriques ces dernières semaines pour installer cette petite musique : une politique de gauche est inconcevable.
L’UE qui remet ses règles d’équilibre budgétaire à l’ordre du jour ; Les marchés financiers qui mettent la pression sur le pays ; la Banque de France qui révise à la baisse ses prévisions pour 2025 et 2026 ; la Banque centrale européenne (BCE) qui avertit qu’elle n’interviendrait pas au secours de la France… En quelques jours on a eu droit à un florilège de déclarations économiques anxiogènes – du moins en cas de gouvernement de gauche.
Le Premier Président de la Cour des comptes Pierre Moscovici y est aussi allé de ses alertes le 15 juillet : “Le prochain gouvernement devra réduire notre endettement” ; “Réduire la dette publique n’est pas une politique de gauche, ni de droite, c’est un impératif” ; et “Qu’on soit de gauche ou de droite, on doit savoir qu’un État endetté est un État paralysé” – spoiler alert : l’ancien Ministre de l’Économie et des Finances sous Hollande n’est pas à placer dans la 1ère de ces catégories.
L’actuel Ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a lui annoncé que le pays doit économiser 25 milliards d’euros en 2024, soit 5 milliards de plus que prévu. Une annonce faite le 11 juillet, au moment où Macron mettait clairement la pression sur le reste de “la gauche” pour exclure la FI d’un éventuel prochain gouvernement.
Un gouvernement NFP pourrait améliorer le quotidien de dizaines de milliers de personnes… et faire bondir la classe capitaliste
Ce n’est pas étonnant que la classe capitaliste fasse tout pour empêcher la mise sur pied d’un gouvernement NFP incluant donc la FI. Et ce n’est pas étonnant que la FI ait été tellement diabolisée depuis des années, mais particulièrement ces derniers mois et semaines – diabolisée tant par la droite et l’extrême droite, que par ses “alliés” “à gauche”.
C’est le poids des idées et de l’orientation de la FI dans la gauche et parmi des couches larges dans la société qui oblige ses “alliés” à faire des concessions, et d’accepter des revendications plus marquées à gauche qu’ils ne le veulent réellement.
L’espoir pour un changement de politique, vers la gauche, qui existe dans de larges couches, c’est aussi la raison pour laquelle PS, Ecologistes et PCF ne peuvent pas se permettre de trop vite se débarrasser de la FI et d’aller vers un gouvernement avec les macronistes.
Le programme du NFP est loin d’être parfait, et va moins dans le sens des besoins que celui de la NUPES en 2022, et que celui de la FI. Mais s’il est appliqué, il pourrait tout de même représenter un progrès réel pour de très nombreuses personnes, surtout les plus fragilisées, et donc aller contre l’intérêt de la classe dominante.
Blocage des prix, augmentation du SMIC à 1600€, rétablissement d’un Impôt de solidarité sur la fortune (ISF),… et, surtout, l’abrogation de la dernière réforme des retraites, et possiblement un retour même à l’âge du départ à la retraite à 60 ans : tout ceci est très mauvais voire inacceptable pour la classe capitaliste française, et même pour toute la classe dominante européenne, qui pourrait craindre des mouvements sociaux qui exigerait des mesures similaires dans d’autres pays.
Après le 1er tour, le lobby patronal MEDEF et ses amis ont sorti une liste de 10 conditions pour en réalité attaquer le programme du NFP (sans un mot à l’encontre du RN), mais en réalité surtout les points socio-économiques que la FI a réussi à imposer à la coalition de gauche.
Le quotidien économique belge francophone L’Echo a par ailleurs révélé que “de nombreux Français fortunés se renseignent sur une possible expatriation en Belgique”, pour échapper à la politique fiscale beaucoup plus dure envers les super-riches au cas où la gauche arriverait au pouvoir.
Pour Patrick Martin, le patron du MEDEF, « Le programme du Nouveau Front populaire serait fatal pour l’économie française. » Voyons un peu ce dont on parle. Selon Oxfam, depuis 2020, les 4 milliardaires français les plus riches (Bernard Arnault et sa famille, Françoise Bettencourt Meyers et sa famille ainsi que Gérard Wertheimer et Alain Wertheimer) ont vu leur fortune augmenter de 87% ! Dans le même temps, la richesse cumulée de 90% des Français a baissé. Sur la même période, les 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un chèque de 3.400 euros par personne en France. 11 des plus grandes entreprises françaises ont réalisé 101 milliards de dollars de bénéfices entre juin 2022 et juin 2023, soit une augmentation de 57% par rapport à la période 2018-2021. Alors, de l’argent, il y en a. Assez pour répondre à toutes les pénuries sociales. Assez pour assurer que plus personne ne soit laissé sur le bord du chemin et puisse se tromper de colère. Mais cet argent, il va falloir aller le chercher avec les dents.
Il nous faut un front uni des luttes sociales contre l’extrême droite, la casse sociale et toutes les oppressions
Il faut construire un mouvement dans l’esprit de la lutte contre la réforme des retraites, qui combine la force considérable du mouvement ouvrier organisé, grâce à l’arme de la grève reconductible, avec la volonté courageuse et inspirante de lutter en faveur d’un changement fondamental à l’avantage des jeunes et des opprimé⸱es, ce qui peut stimuler la lutte des classes dans son ensemble.
Le personnel des entreprises en grève pour des augmentations de salaires montrent la voie à suivre. Les grévistes sans-papiers victorieux.ses sur les chantiers des Jeux Olympiques montrent la voie. Les appels au personnel pour se mettre en grève dans les aéroports de Paris concernant les JO montrent la voie. Et l’appel de la CGT Cheminots à la mobilisation le 18 juillet pour un Premier ministre du Nouveau Front populaire montre aussi la voie, offrant une opportunité à des couches plus larges pour lutter.
Les jeunes et les travailleur.euses qui se sont mobilisées ces dernières semaines contre l’extrême droite et pour une politique de gauche ne se basent pas sur rien. Nous pouvons nous inspirer de toutes ces luttes, et du puissant mouvement sur les retraites, dont il faut tirer collectivement les leçons, car une victoire aurait placé notre classe sociale dans une bien meilleure situation aujourd’hui.
La lutte est nécessaire et elle doit s’organiser. Des comités démocratiques de résistance antifasciste et anti-austérité pourraient être créés dans tous les quartiers populaires, les banlieues, les écoles, les universités et les lieux de travail : des comités locaux contre l’extrême droite, la casse sociale et toutes les oppressions.
Des comités qui se battent contre chaque agression de la part de groupes ou d’individus réactionnaires, qui se sont multiplié ces dernières semaines, et qui s’attendent à l’arrivée au pouvoir du RN d’ici 2027, décuplant encore leur confiance pour attaquer principalement les personnes qui subissent déjà le racisme, les personnes LGBTQIA+, et les activistes de gauche, des mouvements sociaux et syndicaux.
Et aussi : de tels comités devraient aussi jouer un rôle de contrôle, de surveillance sur les partis de gauche : des comités de vigilance qui, par l’organisation de la lutte en bas, imposent aux élu.es de gauche d’agir effectivement comme des combattant.es de notre camp.
Le programme du NFP comportait des éléments importants, même si moins que ceux de la NUPES, et bien sûr de la FI. Ce type de programme peut servir de point de départ pour la lutte. Mais il est aussi nécessaire de porter des revendications de nationalisation de secteurs-clés de l’économie sous la gestion et le contrôle de la collectivité, à commencer par les secteurs financier et énergétique, pour être capable d’avoir un réel contrôle sur les prix et en même temps financer la planification écologique. Seul un changement de système, vers une société socialiste démocratique permettrait de mener une politique en notre faveur.