Enseignement francophone : hésitations dans les sommets syndicaux et motivation à la base

Au moment d’écrire ces lignes, la date du 27 avril n’était toujours pas une mobilisation officielle pour l’enseignement francophone. La détermination n’a pas manqué ces derniers mois, avec 4 journées de mobilisation et de grève qui ont à chaque fois réuni autour de 10.000 personnes. Lors de la grève générale des services publics du 10 mars dernier, pas mal de collègues attendaient des mots d’ordre qui ne sont jamais venus… Il nous faut un vrai plan d’action crescendo avec l’objectif non pas de nous faire entendre, seuls les sourds ne nous ont pas entendu, mais d’arracher plus de moyens !

Témoignage d’un jeune syndicaliste de la CSC publié dans l’édition d’avril de Lutte Socialiste

Samedi 15 avril, lors de “Socialisme 2023” : Atelier de discussion (11h-12h30) : Écoles glaciales, pénurie d’enseignant.e.s, hausse des frais d’inscription et menaces de réductions budgétaires : enseignant.e.s et étudiant.e.s, francophones et néerlandophones : plus forts ensemble ! Programme complet et inscription.

« Les manques sont énormes dans le secteur. Parlons d’abord des conditions de travail. Une de mes classes est assez représentative : un groupe de 30 élèves dont 2 DASPA (Dispositif d’Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivants et Assimilés) dans un local bien équipé (avec tableau interactif) mais aux plafonds remplis de bestioles en tous genres.

« La vétusté des bâtiments, les classes surchargées, la précarité du métier, surtout au début, avec des remplacements de courte durée sans aucune perspective, permettent d’expliquer que le métier rebute. 35% des jeunes enseignants quittent le secteur en 5 ans… Je suis dans ma 3e année et une collègue très proche en est à sa 7e, elle est déjà en burnout.

« Lors de l’annonce de cette journée d’action en front commun des services publics, je me suis forcément enthousiasmé pour cette date. Lors de la dernière assemblée générale, un tiers de l’assemblée réclamait une nouvelle journée de grève ! Mais c’était surtout l’occasion de travailler à la convergence des luttes ! Notre situation n’est pas isolée : les secteurs publics sont saignés depuis des années par les politiques d’austérité et il est clair qu’après une année de mobilisation exceptionnelle des enseignants, nos victoires étaient bien maigres. Il était temps de frapper plus fort, et ensemble cette fois !

La mobilisation à contre-courant

« Cette journée de grève prend place une semaine après les vacances, le timing pour mobiliser est très serré. C’est clair : ça ne va pas être facile. Ma déléguée syndicale (CSC) vient de se réorienter et partage maintenant son horaire entre deux écoles. Elle compte donc sur moi pour mobiliser. Le lundi arrive et je place l’habituel appel pour la grève suivi de quelques arguments ainsi que l’annonce du bureau d’inscription pour celle-ci durant la semaine. Cela permet d’alimenter les discussions dans la salle des profs chaque jour avant la mobilisation, de convaincre et d’inscrire dans la foulée.

« Dans l’après-midi du lundi je reçois un appel de ma déléguée « la CSC enseignement n’a pas déposé de préavis » QUOI !? Le 1er syndicat de Belgique, présent dans le front commun, n’a pas déposé de préavis !? Pour quel motif ? L’enseignement libre ne serait pas un service public ! C’est un non-sens ! C’est bien la Fédération Wallonie Bruxelles qui nous paye !? Ma déléguée envoie un mail au syndicat pour s’opposer à cette décision. À 17h, nous avons une réponse : le préavis est déposé. Une petite victoire !

« La semaine se déroule et je me rends compte que la mobilisation va essentiellement reposer sur mes épaules, la déléguée ne sera pas présente sur le piquet et ne fera pas grève non plus. Je fais les bureaux d’inscription et j’arrive tout doucement à une bonne dizaine ! À ce stade, il est possible de faire un piquet, mais certainement pas bloquant, c’est encore trop tôt. La tradition dans l’enseignement est la suivante, si il y a la possibilité d’un piquet bloquant tu ne le fais pas devant ta propre école, cela permet d’éviter les conflits avec les collègues non-grévistes.

« Le nombre de participants est déjà de 15 le mercredi, je décide donc de commencer la rédaction d’un tract à distribuer lors de la journée. Aussi, je veux mobiliser pour un piquet qui prendra place devant l’école et qui permettra de discuter des revendications avec les collègues non-grévistes, les élèves ou encore les parents d’élèves. La journée se poursuivra avec la traditionnelle tournée des piquets de grève dans le centre-ville en compagnie des militant.e.s du PSL et de la Campagne ROSA. J’envoie ces infos à ma déléguée et c’est le drame ! Elle refuse de communiquer les infos à mes collègues, car le tract et l’action ne sont pas validés par le syndicat ! Alors que celui-ci n’a rien produit comme matériel et n’a rien fait pour mobiliser même pas un mail ! Je décide de quand même communiquer les infos mais par les valves syndicales de la salle des profs.

« Finalement, nous avons poursuivi la discussion avec les collègues non-grévistes et les parents à l’entrée de l’école le matin de la grève, dans une excellente atmosphère, pour les sensibiliser et les mettre au courant de nos revendications portant essentiellement sur le refinancement public de l’enseignement. Ce piquet était inédit : des collègues tractant élèves et parents, ce n’était plus arrivé depuis une bonne dizaine d’années.

« 6 collègues m’ont rejoint sur les 23 grévistes pour la tournée de solidarité sur les autres piquets, la plupart sont des jeunes déterminés, car ils ont déjà compris la gravité de la situation et la nécessité de passer à l’action. Notre tournée a permis de constater que la mobilisation physique sur les piquets n’était pas énorme, même si la grève était bien suivie. Mais nous avons rencontré des délégations courageuses du personnel de Delhaize en lutte contre la franchisation, des journalistes de la RTBF opposés aux contrats précaires et au Freelance ou encore des collègues de l’université qui réclament un enseignement réellement gratuit et de qualité.

« Cette mobilisation démontre qu’il ne faut pas hésiter à bousculer l’appareil en exigeant un préavis, en mobilisant et en produisant son propre matériel avec l’implication des collègues. Comme le disait le dernier paragraphe de notre tract : « La colère des collègues doit se transformer en action pour ne pas laisser la place au cynisme et au défaitisme. Il faut impliquer davantage de collègues dans la mobilisation, c’est en convertissant le soutien passif en action que nous pouvons gagner. N’attendons pas les directions syndicales ! C’est à nous de défendre un syndicalisme de combat ! »

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