Comptes-titres : Impôt sur la fortune ou taxe symbolique?

Le gouvernement Vivaldi s’était mis d’accord sur une taxe de 0,15% sur les détenteurs de comptes titres dont la valeur cumulée dépasse le million d’euros, appelée « contribution de solidarité » en référence à l’ « impôt de solidarité sur les fortunes » (ISF) en France, aboli en 2019 par Macron.(1) En Belgique, cette taxe devrait rapporter 428 millions d’euros au budget fédéral et servirait, entre autres, à payer partiellement les moyens supplémentaires accordés aux soins de santé (par ailleurs toujours largement insuffisants).

Par Boris (Bruxelles)

Début octobre, Paul Magnette annonçait que le PS avait obtenu un impôt sur la fortune pour les patrimoines mobilier à partir d’un million d’euros. Cette annonce avait été démentie par George-Louis Bouchez (Président du MR) qui précisait que l’accord visait à réhabiliter la taxe sur les comptes-titres initiée par la coalition suédoise et annulée par la Cour constitutionnelle. Quelle est la différence? La principale réside dans le fait que les actions nominatives, où l’actionnaire est identifié, ne se retrouvent pas dans les comptes-titres et ne sont donc pas taxées. Ces actions nominatives visent surtout les gros investisseurs dans les grandes sociétés. Bref, en général, ce sont les plus riches qui en possèdent. C’est entre autres pour cette raison que la Cour constitutionnelle avait jugé discriminatoire la taxe compte-titre du gouvernement Michel.

Alors que la taxe compte-titres de la suédoise devait rapporter 252 millions d’euros, celle-ci devrait rapporté plus de 400 millions selon la Vivaldi. Contrairement à la première mouture, la taxe s’applique ici aux détenteurs à partir d’un million euros au lieu de 500.000 euros. La différence de montant est expliquée par le fait que celle-ci ne s’applique pas qu’aux particuliers mais également aux sociétés. De plus, un système anti-abus à effet rétroactif au 30 octobre sera mis en place. Cependant selon un banquier privé interrogé dans L’Écho, certains clients ne vont pas se priver de manœuvrer pour éluder la taxe. Ils s’activent déjà. Les banques devront prélever elles-même la taxe et ne sont pas responsables des abus fiscaux. En l’absence de levée du secret bancaire, il sera donc difficile d’attraper celles et ceux qui fraudent.

En compétition avec le PTB, le PS présente cette taxe comme une grande avancée obtenue alors que le PTB reste dans l’opposition. Pourtant l’impôt sur la fortune du programme électoral du PS devait rapporté 2,3 milliards d’euros soit quasi l’équivalent des coupes budgétaires de la coalition suédoise dans les soins de santé. 400 millions, c’est bien peu pour une taxe qui touche moins les trente familles de milliardaires que les millionnaires. Il s’agit bien d’une taxe très limitée et surtout à haute valeur symbolique afin de redorer l’image du PS et de justifier sa participation à un gouvernement qui doit gérer la crise pour les capitalistes et qui ne représente pas de changement réel pour les travailleurs et leur famille.

La lutte pour la taxe des millionnaires – qui dispose d’un large soutien dans la société – reste donc d’actualité. Si le PTB le souhaite, le PSL est prêt à collaborer pour aider à construire le rapport de force extra-parlementaire qui s’impose.

Lors d’un débat télévisé, le jour de l’annonce de la formation du gouvernement Vivaldi, George-Louis Bouchez argumentait que si l’ISF français rapportait 3 à 4 millions (4,2 millions en 2018) d’euros par an dans une économie 6 fois plus grande que la Belgique, la taxe des millionnaires rapporterait quant à elle entre 500.000 et un million d’euros en Belgique et que le PTB ne pourrait pas financer son programme avec celle-ci. Raoul Hedebauw lui rétorquait que l’ISF avait été raboté à travers les années en France et que le PTB a calculé que la taxe des millionnaires rapporterai entre 7 et 8 milliards d’euros par an en Belgique.

Nous devons aussi nous préparer à la contre-offensive patronale que cela implique. L’introduction de l’impôt sur les grandes fortunes en France sous le gouvernement de Mitterrand en 1981 a provoqué un sabotage de l’économie sous la forme d’une fuite des capitaux d’une ampleur inédite. L’introduction de la taxe des millionnaires en Belgique demandera de recourir à des mesures de nationalisation, dont celle de l’ensemble du secteur bancaire, afin de stopper efficacement la spéculation mais aussi afin de s’en prendre au droit de propriété du capital et d’imposer la taxe aux saboteurs et grands fraudeurs fiscaux.

(1) Un compte-titre est un compte, généralement auprès d’une banque, qui mentionne les titres (actions, obligations cotées en bourse, Sicav, produit dérivés,..) détenus par un particulier ou une société. Un tel compte-titre est toujours lié à un compte à vue sur lequel sont versés les dividendes et intérêts des titres détenus.

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