Personnel et étudiant⸱es plus forts ensemble! Entretien avec Tim Joosen, délégué CGSP à l’Université de Gand

À l’Université de Gand (UGent), les membres du personnel ont participé à l’occupation du bâtiment UFO. Ils ont reçu le soutien actif de leur délégation syndicale. C’était clairement un atout pour l’occupation. Nous en avons parlé avec Tim Joosen, représentant syndical de la CGSP UGent.

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La répression de l’administration universitaire contre les occupant⸱es fait immédiatement penser à la manière dont les patrons tentent de briser les grèves ?

“Les similitudes sont effectivement très fortes. L’université s’est présentée au tribunal avec une requête unilatérale, ce qui signifie qu’elle peut dire ce qu’elle veut en tant que plaignante sans être contredite. À plusieurs reprises ces dernières années, des requêtes unilatérales ont été utilisées pour briser des grèves. Si les patrons agissent ainsi, c’est parce que les autres procédures sont plus difficiles. L’université a fait appel à un cabinet d’avocats spécialisé dans la résolution des conflits sociaux.

“En première instance, la requête unilatérale a été rejetée. Le juge a estimé à juste titre que l’argument selon lequel l’occupation devait être interrompue en raison de sa nature “perturbatrice” ne tenait pas la route. Il n’est que logique de s’attendre à une certaine perturbation lors d’une action sociale. Mais dans les faits, deux réunions du conseil d’administration se sont tenues durant l’occupation, dans le même bâtiment. De nombreux cours se sont déroulés tranquillement et le personnel a pu poursuivre ses activités dans le bâtiment comme à l’accoutumée.

“En appel, le conseil d’administration a constitué un dossier de faits erronés. Il a par exemple affirmé que certaines prises de courant avaient été cassées. Il peut être facilement démontré que c’est le cas depuis des années… Il a prétendu que les occupant⸱es avaient endommagé les sorties de secours, alors que les rapports du CPPT (Comité pour la Prévention et la Protection au Travail) mentionnent ce problème depuis des mois ! A tout cela s’ajoute encore des éléments de racisme. Le conseil estimait que la direction de l’occupation n’était plus aux mains des étudiant⸱es, mais “d’hommes barbus” qui venaient donner des ordres le soir… Quiconque a suivi l’occupation, même de la marge, sait très bien que les décisions étaient prises lors des assemblées générales.

“Au-delà du fait que nous soutenons le contenu des revendications des occupant⸱es, la défense du droit à l’action collective est très importante pour les syndicats.”

La CGSP UGent s’est empressée de soutenir l’occupation. Comment en est-on arrivé là ?

“Quelques semaines après les violences du Hamas du 7 octobre, que nous condamnons évidemment, il y avait déjà des manifestations contre l’offensive israélienne à Gaza. Il s’agissait d’actions menées par des étudiant⸱es et des membres du personnel. Dans un département comme celui des études sur les conflits et le développement, par exemple, il y avait déjà beaucoup de connaissances de base. Des actions hebdomadaires ont eu lieu, avec le corps professoral. Dès le début, le syndicat a soutenu ces actions, car nous sommes à l’origine de la demande de rupture de la coopération avec les institutions israéliennes.

“Les actions ont pris de l’ampleur et ont bénéficié d’un soutien plus large. Début mai, une étape supplémentaire a été franchie avec l’occupation permanente du bâtiment de l’UFO. Cette action a également été immédiatement soutenue par une grande partie du personnel. Plus qu’un soutien, il s’agissait d’une participation active, des dizaines de membres du personnel ayant pris part à l’occupation. Certains d’entre elles et eux ont d’ailleurs rejoint le syndicat à la suite de cette expérience.

“La direction a tout fait pour criminaliser le mouvement. Un petit groupe d’activistes a repeint le Rectorat à la peinture et il y a eu un incident. Nous préconisons toujours plutôt des actions collectives et de masse, et non des actions plus individuelles, mais il est extrêmement frappant de voir à quel point le conseil d’administration a tenté de polariser la situation autour de cet incident. Cela peut fonctionner, mais jusqu’à un certain point seulement. De nombreux membres du personnel savent bien que le conseil d’administration a toujours adopté une ligne dure ces dernières années, sans jamais se montrer disposé à la concertation lorsqu’il s’agissait de budgets ou de projets de réforme. Le personnel a bien reconnu la méthode. Mais le plus important, c’est que les militant⸱es syndicaux représentaient ce qui est vivant parmi les étudiant⸱es et le personnel.

“L’administration joue les durs à cuire et s’en prend personnellement aux militant⸱es. Par exemple, Maarten Boudry (membre du Département de philosophie et de sciences morales de l’Université de Gand) a accusé les activistes d’antisémitisme tandis qu’un professeur soutenant les actions a même été accusé de sympathie pour l’extermination de la population juive! C’est loin d’être le cas, mais cela montre à quel point le combat est difficile. Une campagne a cherché à bloquer le mouvement par tous les moyens possibles.”

Il y a eu répression et criminalisation, mais l’université a également fait d’importantes concessions. Pense-tu que le soutien du personnel a joué un rôle à cet égard ?

“C’est certain. Bien sûr, il s’agit d’une combinaison de facteurs. L’opinion publique n’a jamais été aussi clairement opposée au génocide à Gaza. Si la direction n’avait pas senti que la demande de boycott universitaire bénéficiait d’un si large soutien, elle n’aurait pas reculé.

“Dès les débuts de l’occupation, on a cherché à impliquer le personnel, en l’invitant aux activités de l’occupation mais aussi par un travail de sensibilisation. C’était important afin de démontrer que la délagation syndicale bénéficiait du soutien du reste des travailleur⸱euses. Le personnel de l’université n’était pas le seul concerné: des délégations syndicales d’autres entreprises sont aussi venues témoigner leur solidarité. Certains jours, plusieurs délégations se sont rendues sur place. Cela a rendu la solidarité très concrète. Cela a sans doute joué un rôle dans la réticence des autorités communale à déployer la police lors de l’expulsion.

“L’élargissement du soutien au personnel et aux travailleur⸱euses de l’extérieur à l’UGent a joué un rôle crucial dans la pression exercée pour arracher des concessions. Ensemble, nous sommes plus fort⸱es.”

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