Tag: Marxisme

  • Y’en a assez de cette société ! Réponse socialiste pour un urgent changement de système

    On n’oubliera pas de sitôt ces dizaines de milliers de jeunes grévistes pour le climat qui, des mois durant, ont notamment crié ‘‘system change, not climate change!’’ (‘‘changeons le système, pas le climat !’’) avec une colère mêlée d’espoir et d’angoisse. Nous sommes de plus en plus à en être convaincus: il n’y a plus de temps à perdre ! Le changement climatique est déjà là et nous n’avons qu’une petite fenêtre d’opportunité face à nous pour éviter la catastrophe totale. Alors il est urgent de comprendre ce que représente ce système, ce sur quoi il repose et comment il est possible de le renverser au plus vite.

    Dossier, par Nicolas Croes

    Le système capitaliste nous pousse à l’abîme

    Les rapports scientifiques et commentaires d’experts se suivent et se ressemble. S’ils divergent sur l’étendue de la gravité de la situation, ils s’accordent sur un point : les dix années à venir seront cruciales. En juin, l’ancien ministre français de l’environnement (2001-2002) Yves Cochet déclarait ‘‘L’humanité n’existera plus en tant qu’espèce en 2050’’. Au même moment, les scientifiques australiens du Breakthrough National Centre for Climate Restoration publiaient un rapport qui défend que ‘‘La planète et l’humanité auront atteint un point de non-retour à la moitié du siècle (…) sans une action radicale immédiate, nos perspectives sont faibles’’.

    En août 2018, une étude de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences indiquait encore que la Terre se trouvait proche de son ‘‘point de rupture’’, avec une température pouvant se stabiliser à 4 ou 5 degrés Celsius supplémentaires par rapport à celles de l’ère préindustrielle. À l’ouverture de la COP24, en décembre 2018, David Attenborough (la voix des documentaires Planet Earth de la BBC) déclarait : “Si nous ne faisons rien, il faut s’attendre à l’effondrement de nos civilisations et à la disparition de la nature dans sa quasi-totalité.”

    Certains nuancent. Mais même une augmentation de 3 degrés – c’est-à-dire la perspective faisant l’objet du plus large accord si la tendance actuelle se confirme – signifierait une destruction des écosystèmes de l’Arctique et de l’Amazonie. Les sécheresses que cela impliquerait soumettraient la moitié de la population mondiale à vingt jours par an de ‘‘chaleur létale’’, c’est-à-dire à des vagues de chaleur mortelles similaires à celles qui ont causé des dizaines de morts en juin dernier au Nord de l’Inde. Il est impératif de réduire drastiquement les émissions pour garder le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle et ainsi se prémunir des conséquences les plus dramatiques.

    Et s’il n’y avait que les émissions de gaz à effet de serre ! À rythme inchangé, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050! Aujourd’hui déjà, l’être humain absorbe environ cinq grammes de plastique par semaine, soit l’équivalent du poids d’une carte bancaire, selon le Fonds mondial pour la Nature (WWF). Chaque année, 600.000 tonnes de plastique sont rejetées dans la mer Méditerranée !

    L’eau est amenée à devenir un enjeu géopolitique, et nous savons très bien ce que cela signifie dans ce système où règnent les ‘‘guerres pour le pétrole’’ et le pillage néocolonial des ressources. En 2018, les guerres et les persécutions ont poussé 71 millions de personnes à fuir : jamais il n’y a eu autant de réfugiés et de déplacés à travers le monde que l’an dernier. Qu’en sera-t-il avec les profonds changements climatiques qui s’annoncent ? Si nous ne parvenons pas à inverser le cours des choses, la barbarie sera poussée jusqu’à de nouveaux sommets effroyables.

    Ni fatalité, ni résignation

    Ce futur apocalyptique n’est toutefois inévitable que si on l’accepte ! Prendre conscience qu’il faut changer les choses est un premier pas mais, sans perspective, il est facile de se laisser envahir par un profond sentiment d’impuissance (on parle aujourd’hui d’éco-anxiété) et les discours catastrophistes. Il n’est pas question d’embellir le constat, mais de l’analyser pour déterminer quelles sont les forces sociales capables de délivrer un changement concret et, sur cette base, de développer une stratégie pour arracher la victoire.

    Une chose est sûre : nous ne devons pas nous en remettre à ce qui a échoué jusqu’ici. Cela fait des décennies que les divers gouvernements se réunissent, palabrent, promettent, versent des larmes de crocodiles… et n’agissent pas, où alors pour balancer de la poudre aux yeux. Comment ne pas éclater de rage face au gouvernement canadien de Justin Trudeau qui a fait déclarer ‘‘l’urgence climatique’’ au parlement le 17 juin… et a approuvé une extension massive de l’exploitation du pétrole dans le pays le 18 juin, moins de 24 heures après ?!

    L’autorité de ces marionnettes politiques hypocrites soumises aux grandes entreprises disparaît à vue d’œil. Mais les préjugés qu’ils ont répandu des années durant ne s’évanouissent pas si facilement. Ces dernières décennies, le règne quasi sans partage de la pensée néolibérale a conduit à une forte individualisation dans la société. Si tellement de gens se sentent si mal face à l’état de l’environnement, c’est non seulement faute de stratégie globale, mais aussi parce que l’establishment – et certains écologistes aussi hélas – font tout pour les culpabiliser en accentuant que le problème, ce sont avant tout les comportements individuels.

    Quel magazine n’a pas publié de questionnaire sur l’empreinte écologique et l’impact sur la planète de nos habitudes alimentaires ou de transport? Systématiquement, cela débouche sur des recommandations personnalisées. Il n’y a aucun mal à réfléchir à sa consommation, mais un mode de vie n’est pas un mode de lutte. Il est impossible de combattre le réchauffement climatique simplement en recyclant nos déchets. Mettre l’accent sur le recyclage, c’est non seulement sous-estimer l’immensité du problème, mais également l’immensité du pouvoir que nous avons pour changer les choses.

    Le recyclage individuel tel qu’il est considéré aujourd’hui est d’ailleurs né de la campagne Keep America Beautiful lancée par Coca-Cola, d’autres géants de la boisson et Phillip Morris après le vote d’une loi interdisant la vente de boissons en emballages non réutilisables en 1953 dans le Vermont, aux Etats-Unis. L’objectif visé était de mettre pression sur les législateurs (la loi fut effectivement abrogée) et de convaincre le public que le problème, ce n’était pas la production et la vente, mais bien la consommation et l’utilisation.

    Nous sommes bien plus que des consommateurs, et le champ de nos actions dépasse de loin le cadre étroit du caddie d’un magasin. Présenter le capitalisme comme un simple choix de vie revient à culpabiliser l’individu au lieu de condamner le système, ce qui revient à faire un beau cadeau à ce dernier. Au final, tout est fait pour qu’il nous soit plus facile d’envisager l’effondrement de toute civilisation ou la fin de la planète plutôt que la fin du capitalisme.

    Un système qui repose sur le gaspillage

    En 2015, une série d’enquêtes journalistiques révélaient que les multinationales pétrolières avaient conclu que le réchauffement climatique était un risque réel à partir de 1977 déjà. Elles avaient donc décidé en toute connaissance de cause de dépenser des millions de dollars en relations publiques et lobbying pour convaincre les politiciens et le grand public que le réchauffement climatique n’existait pas ou qu’il s’agissait d’un phénomène naturel. De plus récentes études montrent que ces entreprises étaient au courant depuis 1954 au moins (date du rapport du géochimiste Harrison Brown à l’American Petroleum Institute).

    Récemment, ExxonMobil, Shell, Chevron, BP et Total ont reconnu leurs erreurs et annoncé leur soutien affiché à la maîtrise du réchauffement climatique. Mais, dans les faits, l’ONG InfluenceMap a révélé que ces géants du pétrole ont dépensé un milliard de dollars en lobbying visant à ‘‘étendre leurs opérations en matière d’énergies fossiles’’ depuis les Accords de Paris sur le Climat, en 2015 ! Ces entreprises sont capables de tout sacrifier – environnement, santé, droits des peuples indigènes,…- pour satisfaire l’avidité de leurs actionnaires.

    Ce ne serait que justice d’exproprier ces multinationales criminelles, il faut les empêcher de nuire. C’est là que se situe le problème fondamental : le capitalisme repose sur la propriété privée des moyens de production et d’échange ainsi que sur la concurrence dans le but d’accumuler du profit. C’est l’exploitation de la majorité au profit de la minorité possédante.

    Ce système entrave la technologie et ce qu’il est possible de faire pour le bien de la planète ou de l’humanité. C’est de toute évidence le cas au niveau des énergies renouvelables. Mais les moyens techniques actuels permettraient aussi, par exemple, de libérer l’être humain d’énormément de temps de travail. Au lieu d’augmenter le bien-être de chaque être humain, des masses de gens sont jetées dans la précarité. La seule manière d’assurer que le remplacement du travail manuel par la technologie puisse libérer les travailleurs sans atteindre leurs conditions de vie est la diminution du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Pour cela, il faudra posséder nous-mêmes les lieux de travail, les capitalistes n’accepteront jamais pareille atteinte à leurs bénéfices.

    Plutôt que d’être réinvesties dans la protection de l’environnement et le développement social, culturel ou technologique, les richesses sont stockées dans des paradis fiscaux et servent, par exemple, à spéculer sur le prix des denrées alimentaires ou bien dorment sur des comptes en banque pour générer des intérêts. Les investissements dans la technologie de guerre étant plus rentables que pour sauvegarder notre environnement, nous nous retrouvons avec des machines à tuer sophistiquées à la durée de vie certainement plus longue que les téléphones et autres outils du quotidien volontairement programmés pour ne fonctionner correctement qu’un court laps de temps.

    Ce fonctionnement est une pure aberration. Le fait que le résultat des recherches scientifiques faites par des entreprises privées ne soit pas collectivisé amène les entreprises concurrentes à refaire ces recherches avec le risque évident de refaire les erreurs de la première. C’est un gaspillage complet de temps, d’énergie et d’argent. Ce non-sens n’est justifiable que par la logique de profit et la concurrence du secteur privé. Cette logique agit comme un frein au progrès: retient des nouveaux brevets, refus de produire de nouveaux médicaments tant que les anciens stocks ne sont pas écoulés, production polluante car moins coûteuse, etc.

    Concentrer la colère vers les fondements du système

    Nous ne sommes pas que des consommateurs : nous sommes surtout des producteurs de richesses, c’est notre travail qui fait tourner l’économie. Cette force sociale, c’est la faiblesse du système capitaliste. La classe sociale dominante possède les moyens de production et les utilise comme bon lui semble, mais cette puissance peut être vaincue lorsque la classe des travailleurs se croise les bras et que plus rien ne tourne. Grâce à la grève, il nous est possible de bloquer l’économie toute entière. C’est une étape déterminante non seulement pour se rendre compte de notre force collective, mais aussi pour remettre en question la propriété de ces moyens de production. Les patrons ont besoin des travailleurs, mais les travailleurs n’ont pas besoin de patrons !

    Imaginons ce qu’il serait possible de faire si les secteurs stratégiques de l’économie tels que l’énergie et la finance étaient expropriés et placés dans les mains de la collectivité ! Que ne serait-il pas possible de réaliser en possédant ces moyens et en décidant démocratiquement de la manière de les gérer dans le cadre d’une planification rationnelle de la production !

    Ce système est à bout de souffle. Dix ans après la grande récession, une certaine reprise économique a eu lieu, essentiellement basée sur les ressources injectées dans l’économie par les autorités. Cela a contribué à creuser davantage le fossé entre riches et pauvres. L’élite au sommet de la société en a profité alors que la vaste majorité de la population a souffert de l’austérité. Mais aujourd’hui, l’économie mondiale est à nouveau au bord de la crise.

    Cependant, tout comme les aristocrates se sont accrochés au pouvoir alors que le féodalisme était obsolète face au nouveau système naissant, la bourgeoise – qui possède les moyens de production autant que les aristocrates possédaient les terres à l’époque – s’accroche au pouvoir malgré la preuve évidente que son système est dépassé. Des mouvements de masses menant directement à des révolutions ont été nécessaires pour arracher le pouvoir à la vieille aristocratie, il en ira de même pour arracher le pouvoir des mains des capitalistes.

    L’ère des mouvement de masse

    A la suite de la crise économique de 2007-8, des mouvements de masse exceptionnellement dynamiques ont eu lieu de par le monde, y compris de dimension révolutionnaire ou prérévolutionnaire comme ce fut le cas avec les révolutions de 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ou avec les luttes des travailleurs grecs dans la période de 2010 à 2013. Ces luttes n’ont hélas pas réussi à conduire à un changement de système.

    En Egypte, en Syrie et en Libye, les révolutions se sont transformées en contre-révolutions ouvertes en raison de l’absence d’un parti révolutionnaire de masse capable d’orienter la colère à l’aide d’une stratégie claire et d’un programme visant à renverser tout le système et non pas seulement les dictateurs. En Grèce, le parti de gauche SYRIZA a capitulé une fois arrivé au pouvoir en 2015 faute de disposer d’un programme de rupture anticapitaliste et socialiste. C’est l’absence de partis révolutionnaires de masse qui a permis à la classe dirigeante de mener une contre-offensive à l’échelle mondiale et de faire payer aux masses populaires de la planète la crise que le système capitaliste avait lui-même créée.

    Mais en dépit de ces défaites, des dizaines de millions de travailleurs et de jeunes se sont radicalisés et sont à la recherche d’idées et de méthodes de lutte. La méthode de la grève a fait son retour sur le devant de la scène. En Belgique, le plan d’action syndical de 2014 a remis au goût du jour la grève générale politique, contre un gouvernement, et a popularisé l’idée d’un plan d’action. L’outil de la grève a également été saisi par le mouvement pour le climat à travers le monde sous l’impulsion de la jeunesse ou encore par le mouvement pour l’émancipation des femmes.

    Lors de ce mois de juin uniquement, alors que les mobilisations de masse se poursuivaient en dépit de la répression en Algérie ou au Soudan, le régime de droite du président brésilien Bolsonaro a fait face à une grève générale qui a mobilisé 45 millions de travailleurs. A Hong Kong, plus de deux millions de personnes (plus d’un quart des habitants !) se sont mobilisées contre une loi répressive et contre la soumission au régime de Pékin. En Suisse, 500.000 personnes ont participé aux mobilisations dans le cadre d’une grève féministe organisée par les syndicats.

    La colère est vaste et profonde. L’ingrédient crucial qui manque est une alternative politique de masse pour organiser la classe des travailleurs, les opprimés et les pauvres à l’échelle internationale autour d’un programme cohérent de transformation socialiste de la société. Nous sommes confrontés à un choix. Soit l’infime minorité parasitaire continue à piller la planète tout en continuant à s’enrichir en ruinant la vie de la grande majorité de la population. Soit nous parvenons à une société socialiste démocratique, qui ferait en sorte que toutes les ressources, les connaissances scientifiques et les capacités productives modernes soient mises au service de la société tout entière, et dans le respect de l’environnement.

  • Le temps nous manque : rejoins la lutte pour une autre société !

    Nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus avoir d’illusion dans le système capitaliste. Non, ça n’est pas un caprice d’enfant de refuser que le fruit de son travail soit accaparé par une infime minorité de la population. Ce n’est pas non plus croire aux bisounours que de vouloir une planète habitable par tous, et pas juste pour les capitalistes capables d’acheter des bombonnes d’air des rocheuses canadiennes ou de construire des bunkers en Nouvelle Zélande (véridiques !).

    Par Emily Burns

    Mais beaucoup se demandent s’il est possible de construire une autre société. Pas tant conceptuellement – on l’a tous imaginé à un moment où à un autre – mais sommes-nous réellement capables de renverser ce système et sa classe dominante capitaliste vu l’énorme pouvoir qu’elle détient ?

    C’est vrai, le rapport de force est actuellement à leur avantage, mais il n’est pas inamovible ! Rien n’a jamais été obtenu pour la majorité sociale en le demandant gentiment, mais au travers de mouvements de masse. C’est vrai, ça ne va pas se faire du jour au lendemain : il faut de la patience, malgré l’urgence. C’est vrai, ils ont l’argent, sont organisés et ont en tête l’histoire des luttes sociales. Mais notre force potentielle – notre nombre – est bien plus grande encore.

    S’organiser

    Ensemble et organisés, nous sommes bien plus forts que la simple somme de chacun de nous. Dans le cadre de mouvements sociaux comme celui des jeunes pour le climat, des blouses blanches ou des pompiers, des questions reviennent systématiquement. Qu’est-ce que je peux faire ? Quelle est la prochaine étape de la lutte ? Quel mot d’ordre mettre en avant ? Comment en discuter autour de moi ? Il est crucial de débattre de tout cela collectivement et démocratiquement et de se baser sur l’expérience collective du mouvement des travailleurs en réunissant nos expériences propres, celles d’ailleurs et celles des générations précédentes. C’est ainsi qu’on évite de partir de zéro et que l’on peut dépasser le cadre des ‘‘solutions’’ individuelles.

    Au PSL, on veut réfléchir en dehors de la boite, on pense qu’aucun compromis n’est possible avec ceux qui ont des intérêts fondamentalement opposés aux nôtres et on défend une rupture socialiste avec le capitalisme. Pour cela, voter à gauche ne suffit pas. L’Histoire nous a démontré que la classe dominante n’acceptera jamais de perdre ses privilèges ; lorsqu’elle est menacée, elle est prête à tout ! Il faut en être conscient et s’y préparer.

    Se préparer

    N’ayons pas d’illusion, se préparer pleinement à intervenir dans les mouvements et construire une conscience collective de rupture socialiste avec le capitalisme nécessite de se structurer au niveau local, mais aussi international et d’y mettre de l’énergie.

    On a besoin de toi. Si tu partages les analyses présentes dans ce journal, saute le pas deviens membre du PSL !

    Chaque membre est convié à participer de manière hebdomadaire à sa réunion de section, un moment important où l’on peut prendre un peu de distance par rapport au système capitaliste dans lequel on baigne 7 jours sur 7. On y discute des développements dans l’actualité locale, belge et internationale et des mots d’ordre à mettre en avant ; on y revient périodiquement sur des expériences de luttes passées ou des auteurs clés pour en tirer les enseignements. Nos campagnes sont également discutées lors de cette réunion.

    Lors d’une action, au-delà de construire un rapport de force en mobilisant pour celle-ci, nous tentons au mieux de nos possibilités de mettre en avant, le plus concrètement possible, quelles pourraient être les prochaines étapes du mouvement et comment y parvenir, nous mettons également en avant la nécessité de lier les différentes luttes entre elles. Nous développons ces éléments dans nos tracts et surtout notre journal ; les ventes militantes de ce dernier débouchent souvent sur des discussions intéressantes.

    Ça s’apprend

    Se préparer à une confrontation de classe nécessite de développer une série de compétences. Nous étoffons nos capacités organisationnelles au travers d’une série de tâches que nous nous répartissons : écriture d’articles ; gestion de nos publications ; de nos finances, provenant entièrement de nos membres et du soutient ce que nous sommes capables de récolter autour de nous ; organisation des réunions de section,…

    Nous prenons également une série d’initiatives comme le 23 juin avec une manifestation pour faire barrage à l’extrême droite et la politique antisociale; ou encore à l’université de Gand – où nous sommes présents dans la délégation syndicale – où nous voulons mener concrètement la campagne de la FGTB pour les 14€ de l’heure. Même lorsque des actions sont petites, elles sont cruciales pour remettre en avant des méthodes de luttes collectives et puis, comment vouloir jouer un rôle-clé dans un processus en faveur d’un changement socialiste de société si nous n’avons pas pris l’habitude de prendre la parole, d’organiser des activités militantes, etc. ?!

    Ne reste pas sur la ligne de touche, on a besoin de toi !

    Si toi aussi tu veux un changement réel, ne reste pas spectateur, engage-toi et joue un rôle actif. Prends contact avec nous en discuter ! 02 345 61 81 ou info@socialisme.be Et n’hésite pas à verser une contribution sur le compte du PSL/LSP : BE86 5230 8092 4650 (BIC TRIOBEBB).

  • Le problème, c’est le capitalisme. La réponse, c’est le socialisme !

    Les efforts de nombreuses personnes pour réduire leur empreinte écologique ne suffisent pas, c’est ce qui ressort des rapports désastreux du GIEC. Les vrais responsables de ce système ne sont pas prêts à faire des efforts similaires. Les capitalistes veulent à tout prix sécuriser leurs profits, et tant pis pour la planète.

    Marx note dans ‘‘Le Capital’’ que le capitalisme épuise ‘‘simultanément les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur’’ Dans un autre ouvrage, il écrit : ‘‘La nature est tout autant la source des valeurs d’usage (qui sont bien, tout de même, la richesse réelle !) que le travail, qui n’est lui-même que l’expression d’une force naturelle, la force de travail de l’homme.’’ L’exploitation de toutes les sources de richesse, tant les travailleurs que la nature, est inhérente au capitalisme, au coeur duquel se trouve la recherche maximale de profit pour une infime élite.

    Le marxisme ne se limite toutefois pas à la dénonciation, il s’agit de ‘‘comprendre le monde pour le changer’’. Le système capitaliste repose sur la propriété privée des moyens de production. Les capitalistes, aujourd’hui principalement des fonds d’investissement dominés par les intérêts financiers d’une poignée d’ultra-riches, contrôlent une grande partie de la production et déterminent ainsi ce qui est produit et de quelle manière. Des recherches menées en 2011 ont montré que la grande majorité du commerce mondial est aux mains d’à peine 147 entreprises ! Ces sociétés sont étroitement imbriquées les unes aux autres. Le ‘‘libre marché’’, c’est la dictature des ultra-riches.

    Le capitalisme vise à accroître le pouvoir de ces ultra-riches. Cela ne peut se faire qu’en épuisant systématiquement plus les deux sources de richesse: les travailleurs et la nature. La grande majorité de la population mondiale est obligée de vendre son travail en échange d’un salaire, c’est de là que proviennent les profits des capitalistes. Mais cela crée aussi une force sociale qui peut bloquer toute la machine de ce système. Sans notre travail, plus rien ne se passe ! De plus, le travail dans le cadre de ce système est généralement une oeuvre collective qui entraine logiquement à sa suite l’organisation et la lutte commune pour des intérêts communs. Le capitalisme a lui-même engendré la force sociale capable de mettre un terme à ce système. C’est pourquoi la classe des travailleurs joue selon nous un rôle central dans la lutte pour renverser le capitalisme.

    À quoi pourrait ressembler un système différent ? La suppression de la propriété privée des moyens de production et leur remplacement par la propriété et la gestion collectives de l’industrie et des services permettrait d’utiliser les moyens existant pour satisfaire les priorités sociales et environnementales. Cela permettrait d’utiliser les ressources disponibles de manière rationnelle et planifiée, en fonction des besoins de l’être humain et de la planète. La planification démocratique de l’économie est un élément essentiel de l’alternative socialiste au capitalisme.

  • “Marxisme et climat” : Deux meetings des Etudiants de Gauche Actifs à l’ULB et l’ULg

    SYSTEM CHANGE NOT CLIMATE CHANGE – SAVE OUR PLANET FROM CAPITALISM

    • Bruxelles : Mardi 19 février, 19h, ULB Solbosch – auditoire H1301 – Sur Facebook
    • Liège : Jeudi 28 février, 18h30, place du XX Août, salle du Petit Physique – Sur Facebook

    Le changement climatique nécessite des réponses urgentes. Les politiciens capitalistes ne vont pas au-delà des mesures symboliques ou des écotaxes : ils font payer les familles ordinaires. Ils refusent de s’en prendre aux multinationales ; ils défendent les profits des ces grands pollueurs qui exploitent l’humain et la nature. Marx avait raison : le capitalisme est incompatible avec les intérêts de l’humanité et de la planète.

    Si la production était gérée démocratiquement, les décisions seraient prises dans leurs intérêts, et non dans le but de faire des profits. Nous avons besoin d’une économie rationnellement planifiée pour s’attaquer aux gaspillages et à la pollution. C’est ce que nous appelons le socialisme.

    Comment en finir avec le système capitaliste ? À quoi ressemblerait une société socialiste ? Et pourquoi est-ce indispensable pour notre environnement ?

    L’histoire montre que la lutte de la classe des travailleurs est cruciale pour parvenir à un changement social majeur. Ce ne sont pas les capitalistes, mais les travailleurs qui font tourner l’économie. C’est avec cette lutte que nous avons arraché nos conquêtes économiques et sociales. C’est pourquoi les Étudiants de Gauche Actifs recherchent le soutien actif et la coopération du mouvement des travailleurs et que nous les appelons à lutter ensemble pour une société socialiste démocratique !

    De cette façon, les ressources pourraient être utilisées dans l’intérêt de tous les jeunes, des travailleurs et de la planète.

    AGENDA :

    • Mercredi 13/02 : grève nationale pour le pouvoir d’achat.
    • Jeudi 14/02 : grèves des jeunes et manifestations pour le climat.
    • Vendredi 15/03 : journée internationale de grèves et de manifestations des jeunes.
  • 1949 – La révolution chinoise

    Dirigeant communiste s’adressant aux survivants de la Longue Marche.

    Le capitalisme et l’impérialisme ont été chassés du pays, mais le pouvoir politique est resté entre les mains d’un parti unique stalinien

    En cette année du 60e anniversaire de la République populaire de Chine (c’est article a initialement été publié en 2009), le régime du Parti communiste chinois est particulièrement nerveux. Il dépend de plus en plus de campagnes de propagande prestigieuses, du style Jeux olympiques, pour s’assurer une certaine base de soutien ; en effet, malgré des décennies de croissance économique record, il est à présent confronté au mécontentement des travailleurs, des paysans et de la jeunesse.

    Ma?o Tsé-Tou?ng (Mao Zedong), l’homme à la tête du Parti communiste chinois au moment de la fondation de la République populaire chinoise il y a 60 ans, a beau être crédité d’être le père fondateur de la nation, le point de vue officiel du régime actuel est que sa politique était une vision d’« ultragauche », qui a dû être « corrigée » par le retour à la loi du marché sous son successeur Te?ng Hsia?o-P’i?ng (Deng Xiaoping) en 1978. Pour en savoir plus sur la véritable histoire révolutionnaire de la Chine, nous devons tout d’abord nous pencher sur ses origines.

    Par Vincent Kolo du groupe « Ouvrier chinois » (section chinoise du CIO), 2009

    Le PCC (Parti communiste chinois) n’est pas arrivé au pouvoir à la tête d’un mouvement des travailleurs. Étant donné son orientation stalinienne et ses méthodes de même type, le PCC était à l’origine en faveur d’un programme limité, l’établissement d’une « nouvelle démocratie », dans le cadre d’une économie capitaliste. Mais, presque malgré lui, le PCC s’est retrouvé hissé à la tête d’une des plus puissantes vagues révolutionnaires de l’histoire mondiale.

    C’est cette véritable fièvre révolutionnaire de masse, dans le cadre du contexte international qui se mettait en place après la Seconde Guerre mondiale, qui a poussé le régime de Mao à introduire les changements qui ont transformé la Chine de fond en comble.

    Cela faisait longtemps que la Chine était connue comme « le grand malade » du continent asiatique ; c’était un pays pauvre, même par rapport au reste de l’Asie à cette époque. Avec son immense population (près de 500 millions d’habitants en 1949), la Chine était le plus grand « État failli » du monde et ce, depuis près de 50 ans.

    De 1911 à 1949, la Chine était un territoire déchiré, partagé entre différents chefs de guerre, avec un gouvernement central corrompu, à la merci des interventions des puissances étrangères. Mais mettre une terme à la domination des comptoirs coloniaux et à l’occupation par des armées impérialistes étrangères n’a été qu’un des gains de la révolution parmi d’autres. Le régime de Mao a également introduit une des réformes foncières les plus importantes de l’histoire mondiale – même si elle n’était pas aussi étendue que la réforme foncière mise en place par la révolution russe, la population rurale concernée était quatre fois plus grande.

    La révolution paysanne

    Cette révolution paysanne a, comme le disait l’historien Maurice Meisner, « annihilé la classe féodale chinoise en tant que classe sociale (en lui ôtant toutes les terres qui constituaient la base de son pouvoir), éliminant ainsi pour de bon une des classes dirigeantes qui avait eu avait eu le règne le plus long de l’histoire mondiale, une classe qui avait pendant très longtemps représenté un obstacle majeur à la modernisation et au retour de la Chine sur la scène mondiale. »

    En 1950, le gouvernement de Mao a également signé une loi sur le mariage qui interdisait les mariages arrangés, le concubinage et la polygamie, tout en facilitant l’obtention de divorces pour les hommes comme pour les femmes. C’était un des bouleversements les plus importants jamais vus dans l’histoire des relations familiales et maritales.

    Lorsque le PCC a pris le pouvoir, 80 % de la population était analphabète. En 1976, à la mort de Mao, l’analphabétisme était tombé à 10 %. En 1949, l’année où Mao a pris le pouvoir, il n’y avait que 83 bibliothèques publiques dans tout le pays, et 80.000 lits d’hôpitaux – une situation d’arriération. En 1975, on y trouvait 1250 bibliothèques et 1.600.000 lits d’hôpitaux.

    L’espérance de vie est passée de 35 ans en 1949 à 65 ans en 1975. Les innovations dans la santé publique et le système d’enseignement, la réforme de l’alphabet (simplification des caractères chinois), le réseau de « docteurs aux pieds nus » mis en place pour couvrir la plupart des villages ont en effet transformé les conditions des populations rurales pauvres. Toutes ces réalisations, à une époque où la Chine était bien plus pauvre qu’aujourd’hui, démontrent la faillite du nouveau système de marché libre et de privatisation qui a amené la crise dans les systèmes de santé et d’enseignement.

    L’abolition du féodalisme était une précondition cruciale pour le lancement de la Chine sur la voie du développement industriel moderne. Le régime de Mao avait tout d’abord espéré pouvoir conclure une alliance avec certaines sections de la classe capitaliste et a laissé des pans entiers de l’économie entre les mains du privé. Mais il s’est rapidement retrouvé contraint d’aller beaucoup plus loin qu’initialement prévu, en expropriant même les « capitalistes patriotes » pour incorporer leurs entreprises dans un plan étatique sur le modèle du système bureaucratique en vigueur en Union soviétique.

    Comparé à un véritable système de démocratie ouvrière, le plan maoïste-stalinien était un outil assez rudimentaire et brutal, mais un outil néanmoins, incomparablement plus vital que le capitalisme chinois corrompu et anémique qui l’avait précédé.

    Au vu du caractère relativement primitif de l’économie chinoise au début de la révolution, le niveau d’industrialisation obtenue tout au long de cette phase d’économie planifiée est absolument époustouflant. De 1952 à 1978, la part de l’industrie dans le produit national brut est passée de 10 % à 35 % (données de l’OCDE). Il s’agit d’un des taux d’industrialisation les plus rapides jamais vus, supérieur au taux d’industrialisation du Royaume-Uni à l’ère de la révolution industrielle de 1801-1841 ou à celui du Japon lors de sa période de transition au capitalisme de 1882 à 1927 (ères Meiji et Taïsh?). Au cours de cette période, la Chine a bâti des industries nucléaires, aéronautiques, maritimes, automobiles et de machinerie. Le PIB mesuré en pouvoir d’achat s’est augmenté de 200 %, tandis que le revenu par habitant augmentait de 80 %.

    Une révolution n’est pas l’autre

    Les deux grandes révolutions du 20e siècle, la révolution russe de 1917 et la révolution chinoise de 1949, ont plus contribué à changer le monde que n’importe quel autre évènement au cours de l’histoire mondiale. L’une comme l’autre ont été la conséquence de l’incapacité du capitalisme et de l’impérialisme à résoudre les problèmes fondamentaux de l’humanité. L’une comme l’autre ont été des mouvements de masse d’une ampleur épique, et non pas de simples coups d’État militaires comme les politiciens bourgeois aiment le raconter. Ayant dit ceci, il faut cependant noter des différences fondamentales et cruciales entre ces deux révolutions.

    Le système social établi par Mao n’était pas le socialisme, mais le stalinisme. C’est l’isolement de la révolution russe à la suite de la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe et ailleurs au cours des années 1920 et 1930 qui a fait arriver au pouvoir une bureaucratie conservatrice en Russie sous Staline, qui tirait son pouvoir et ses privilèges de l’économie étatique.

    Tous les éléments de démocratie ouvrière – la gestion et le contrôle de l’économie et de la politique par des représentants élus et dépourvus de privilèges – avaient été anéantis.

    Cependant, comme l’a expliqué Léon Trotsky, une économie planifiée a tout autant besoin de démocratie pour vivre que le corps humain a besoin d’oxygène. Sans cela, sous un régime de dictature bureaucratique, le potentiel de l’économie planifiée peut être dilapidé et au final, comme cela a été démontré il y a maintenant un peu plus de vingt ans, l’ensemble de l’édifice se voit menacé de destruction.

    Mais c’est le modèle stalinien qui a été adopté par le PCC lorsqu’il a pris le pouvoir en 1949. Car même si l’URSS stalinienne était loin d’être un véritable système socialiste, l’existence d’un système économique alternatif au capitalisme et les gains visibles que cela représentait pour la grande masse de la population exerçaient un puissant pouvoir d’attraction et de radicalisation dans la politique mondiale.

    La Chine et la Russie, en raison de leurs économies étatiques, ont joué un rôle important dans la politique mondiale en contraignant le capitalisme et l’impérialisme à faire toute une série de concessions, notamment en Europe et en Asie.

    La révolution chinoise a accru la pression sur les impérialistes européens qui ont fini par évacuer leurs colonies dans l’hémisphère sud. Elle a aussi contraint l’impérialisme états-unien, craignant de voir ces pays suivre l’exemple chinois, à financer la reconstruction et l’industrialisation rapides du Japon, de Taïwan, de Hong Kong et de la Corée du Sud afin de pouvoir utiliser ces États en tant que satellites et zones-tampons pour contrer l’influence de la révolution chinoise.

    Si tant la révolution chinoise que la révolution russe étaient dirigées par des partis communistes de masse, il existait des différences fondamentales entre ces deux partis tant en terme de programme que de méthode et avant tout en terme de base sociale. La révolution russe de 1917, dirigée par le parti bolchévique, avait un caractère avant tout ouvrier, un facteur d’une importance cruciale. C’est ce facteur qui a doté la révolution russe d’une indépendance politique et d’une audace historique qui a permis à tout un pays de s’engager sur une route qui n’avait jamais été ouverte auparavant. Les dirigeants de cette révolution, notamment Lénine et Trotsky, étaient des internationalistes qui considéraient leur révolution comme le début de la révolution socialiste mondiale.

    Au contraire, les dirigeants du PCC étaient en réalité des nationalistes avec seulement un fin vernis d’internationalisme. Cela correspondait à la base paysanne de la révolution chinoise. Lénine a toujours dit que la paysannerie est la moins internationaliste de toutes les classes sociales. Ses conditions de vie, son isolement et sa dispersion, lui donnent une mentalité de village qui lui rend bien souvent difficile même le développement d’une perspective nationale.

    Plutôt qu’un mouvement ouvrier de masse basé sur des conseils avec des dirigeants élus par la base (ces conseils, appelés en russe « soviets », étant le véritable moteur de la révolution russe) dirigé par un parti prolétarien marxiste démocratique (le parti bolchévique), en Chine, le pouvoir a été pris par une armée, l’Armée de libération du peuple chinois (ALP). La classe ouvrière n’a pas joué le moindre rôle dans la révolution chinoise – au contraire, elle a même reçu des ordres pendant la révolution de ne pas faire grève ni manifester mais d’attendre l’arrivée de l’ALP dans les villes.

    La paysannerie est capable d’un grand héroïsme révolutionnaire, comme toute l’histoire de lutte de l’Armée rouge en Russie ou de l’Armée de libération du peuple en Chine l’a montré, que ce soit dans la lutte contre le Japon ou contre le régime dictatorial de Tchang Kaï-chek (Jiang Jieshi). Cependant, elle est incapable de jouer le moindre rôle politique indépendant. Tout comme les villages suivent toujours la ville, la paysannerie, sur le plan politique, est condamnée à toujours suivre l’une ou l’autre des classes urbaines : soit la classe prolétaire, soit la classe capitaliste.

    En Chine, au lieu de voir les villes se tourner vers la campagne, le PCC est arrivé au pouvoir en construisant une base de masse parmi la paysannerie avant d’occuper les villes qui étaient essentiellement passives, fatiguées par des années de guerre. La base sociale de la révolution a eu pour résultat qu’elle a pu copier un modèle social existant (celui de l’URSS), mais pas en créer un nouveau.

    La théorie de la « révolution par étapes »

    L’orientation du PCC envers la paysannerie a été élaborée à la suite de la terrible défaite de la révolution chinoise de 1925-1927, une défaite causée par la théorie de la « révolution par étapes » promue par l’Internationale communiste sous la direction de Staline. Selon cette théorie, la Chine n’était encore qu’à l’étape « nationaliste-bourgeoise » de la révolution (avec un territoire national sous la coupe de différents chefs de guerre), et donc les communistes devaient soutenir et servir le Parti nationaliste (le Kouoo-mi?n tang / Guomin dang) bourgeois de Tchang Kaï-chek. L’impressionnante base jeune et ouvrière du PCC a été brutalement massacrée lors de la prise du pouvoir par le Parti nationaliste.

    Mais si une importante minorité trotskiste s’est formée peu après cette défaite, tirant à juste titre la conclusion que la révolution chinoise devait être guidée par la classe ouvrière et non pas par les bourgeois, la majorité des dirigeants du PCC s’en sont tenus à la conception stalinienne de la « révolution par étapes », même si, ironiquement, ils ont eux-mêmes fini par comprendre qu’il fallait abandonner cette idée après leur prise du pouvoir en 1949.

    Par conséquent, à la fin des années 1920, le principal groupe de cadres du PCC (pour la plupart issus de la petite-bourgeoisie intellectuelle), conservant ces idées erronées et pseudo-marxistes, est passé à la conception d’une lutte armée à partir du village. Tch’e?n Tou?-hsie?ou (Chen Duxiu), le fondateur du PCC, qui deviendra plus tard trotskiste et sera chassé du parti pour cette raison, avait averti du fait que le PCC risquait de dégénérer au rang de la « conscience paysanne », un jugement qu’on peut qualifier de prophétique. Alors que le parti comptait 58 % d’ouvriers en 1927, il n’en comptait plus que 2 % en 1930.

    Cette composition de classe est restée pratiquement inchangée jusqu’à la prise de pouvoir en 1949, étant donné que la direction ne se focalisait plus que sur la paysannerie et rejetait les villes en tant que centres de la lutte.

    On assistait en même temps à une bureaucratisation croissante du parti, au remplacement du débat et de la démocratie internes par un régime de décrets et de purges, avec le culte de la personnalité autour de Mao – toutes ces méthodes étant copiées de celles de Staline.

    Un environnement paysan, une lutte principalement militaire, sont beaucoup plus enclins à donner naissance à une bureaucratie qu’un parti immergé dans les luttes du prolétariat. Par conséquent, alors que la révolution russe a dégénéré en raison d’un contexte historique défavorable, la révolution chinoise était bureaucratiquement déformée dès le début. C’est ce qui explique la nature contradictoire du maoïsme, d’importants gans sociaux accompagnés d’une féroce répression et d’un régime dictatorial.

    La guerre d’occupation

    Lorsque la guerre d’occupation japonaise a pris fin en 1945, l’impérialisme états-unien a été incapable d’imposer de façon directe sa propre solution pour la Chine. L’opinion publique avait en effet un fort désir de voir les soldats rentrer au pays. Les États-Unis n’ont donc pas eu d’autre option que de soutenir le régime corrompu et incroyablement incompétent de Tchang Kaï-chek en lui envoyant des quantités massives d’armement et de soutien financier.

    Les États-Unis n’avaient cependant que peu de confiance dans le régime du Parti nationaliste chinois, comme l’exprimait le président Truman quelques années plus tard : « Ce sont des voleurs, il n’y en a pas un pour racheter l’autre. Sur les milliards que nous avons envoyé à Tchang, ils en ont volé 750 millions ».

    Pour les masses, le régime « nationaliste » a été une véritable catastrophe. Ce fait est en grande partie oublié aujourd’hui, sans quoi nous n’assisterions pas au phénomène grotesque du regain de popularité de ce parti aujourd’hui en Chine parmi la jeunesse et les classes moyennes.

    Au cours des dernières années du règne du Parti nationaliste, plusieurs villes étaient réputées être remplies de « personnes en train de mourir de faim dans les rues et abandonnées là ». Les usines et les ateliers fermaient en raison du manque de matières premières ou parce que leurs travailleurs étaient trop faibles pour pouvoir accomplir leur travail, tant ils avaient faim. Les exécutions sommaires par les agents du gouvernement, le crime omniprésent sous la tutelle des gangs mafieux, tout cela était la norme dans les grandes villes.

    En plus de la redistribution des terres qu’il opérait dans les zones qu’il avait libérées, la plus grande force du Parti communiste était la haine de la population pour le Parti nationaliste. C’est également ce facteur qui a favorisé des désertions massives des soldats de Tchang Kaï-chek qui passaient à l’Armée de libération du peuple. À partir de l’automne 1948, à quelques exceptions près, les armées de Mao avançaient la plupart du temps sans aucune opposition sérieuse.

    Dans une ville après l’autre, partout dans le pays, les forces du Parti nationaliste se rendaient, désertaient, ou se mutinaient pour rejoindre l’ALP. Dans les faits, le régime de Tchang qui pourrissait de l’intérieur présentait au Parti communiste des circonstances extrêmement favorables. Les autres mouvements de guérilla maoïste qui ont tenté de reproduire chez eux la victoire de Mao (en Malaisie, aux Philippines, au Pérou, au Népal) n’ont pas eu autant de chance que lui.

    Les grèves des travailleurs

    Avec une véritable stratégie marxiste, le Parti nationaliste aurait certainement pu être dégagé beaucoup plus rapidement et à bien moindres frais.

    Dès septembre 1945, à la suite de la débandade militaire du Japon, jusqu’à la fin 1946, les travailleurs de toutes les grandes villes ont organisé une vague de grèves splendide, avec 200.000 grévistes rien qu’à Shanghaï. Les étudiants marchaient en masse dans les rues, dans le cadre d’un mouvement de masse qui reflétait la radicalisation des couches moyennes de la société.

    Les étudiants exigeaient la démocratie et rejetaient la mobilisation militaire du Parti nationaliste dans le cadre de la guerre civile contre le Parti communiste. Les travailleurs exigeaient des droits syndicaux et des hausses de salaire après des années de blocage salarial.

    Au lieu de donner une direction à ce mouvement prolétarien, le PCC a cherché à le freiner, appelant les masses à ne pas recourir à des « extrémités » dans le cadre de leur lutte. À ce moment-là, Mao était toujours convaincu de la nécessité d’un « front uni » avec la bourgeoisie nationale, qu’il ne fallait pas effrayer en soutenant les mouvements des travailleurs.

    Les étudiants ont été utilisés par le PCC en tant qu’objet de marchandage afin de faire pression sur Tchang Kaï-chek, pour le convaincre de se rendre à la table des négociations. Le PCC a tout fait pour maintenir séparées les luttes des étudiants et les luttes des travailleurs.

    Les lois inévitables de la lutte de classe sont ainsi faites qu’en s’efforçant de limiter ce mouvement, le PCC a automatiquement entrainé sa défaite et sa démoralisation. De nombreux militants étudiants et travailleurs se sont retrouvés pris par la vague de répression qui a ensuite été lancée par le régime nationaliste. Bon nombre ont été exécutés.

    Une occasion en or a été ratée, ce qui a permis à la dictature du Kouo-min tang de prolonger sa vie d’autant d’années, tout en rendant les masses urbaines passives, simples spectatrices de la guerre civile qui se jouait dans le pays.

    Après la révolution

    Toujours aussi fidèle à la théorie stalinienne de la « révolution par étapes », Mao écrivait ceci en 1940 : « La révolution chinoise à son étape actuelle n’est pas encore une révolution socialiste pour le renversement du capitalisme mais une révolution démocratique bourgeoise, dont la tâche centrale est de combattre l’impérialisme étranger et le féodalisme national » (Mao Zedong, De la Nouvelle Démocratie, janvier 1940).

    Afin d’accomplir ce bloc avec les capitalistes « progressistes » ou « patriotes », Mao a tout d’abord limité sa redistribution des terres (en automne 1950, elle ne concernait encore qu’un tiers du pays). De même, alors que les entreprises appartenant aux « capitalistes bureaucratiques » (les cadres du Parti nationaliste) avaient été nationalisées directement, les capitalistes privés ont conservé le contrôle de leurs entreprises, lesquelles, en 1953, comptaient toujours pour 37 % du PIB.

    La situation a beaucoup changé avec le début de la guerre de Corée qui a éclaté en juin 1950. Cette guerre, qui s’est soldée par la division de la Corée entre une Corée du Nord, « communiste » (stalinienne) et une Corée du Sud capitaliste (sous protectorat états-unien), a fortement intensifié la pression des États-Unis, avec toute une série de sanctions économiques et même la menace d’un bombardement nucléaire sur la Chine.

    Cette guerre, et la brusque intensification de la situation mondiale qui l’a accompagnée (c’était le début de la « guerre froide » entre l’Union soviétique et les États-Unis) a eu pour conséquence que le régime de Mao, pour pouvoir rester au pouvoir, n’a pas eu d’autre choix que d’accomplir la transformation complète de la société, accélérant le repartage des terres et étendant son contrôle sur l’ensemble de l’économie.

    La révolution chinoise a donc été une révolution paradoxale, en partie inachevée, qui a permis d’obtenir d’énormes avancées sociales mais tout en créant une dictature bureaucratique monstrueuse dont le pouvoir et les privilèges ont de plus en plus sapé le potentiel de l’économie planifiée.

    Au moment de la mort de Mao, le régime était profondément divisé et en crise, craignant que de nouveaux troubles de masse ne lui fassent perdre le pouvoir.

    Un mécontentement grandissant face aux successeurs de Mao

    Lorsque les dirigeants actuels de la Chine contemplent la gigantesque parade militaire du 1er octobre, sans doute pensent-ils en même temps aux problèmes croissants auxquels ils sont confrontés au fur et à mesure que la crise du capitalisme mondial s’approfondit. Les centres d’analyses du gouvernement ont déclaré que le pays a perdu 41 millions d’emplois en 2008 en raison de la baisse des exportations (-23 % cette année). En même temps, le nombre de grève se serait accru de 30 %.

    Le gouvernement est agité. Ça se voit par sa décision de limiter à 200.000 le nombre de participants à la grande parade de la Fête nationale à Pékin – il y a 20 ans encore, on s’accommodait sans difficultés d’un million de participants. Le régime a également prohibé les cérémonies et parades dans les autres villes. Pour quelle raison ? Parce qu’il est terrifié que ces évènements pourraient être exploités pour en faire des marches contre son gouvernement. Partout dans le pays, le régime fait face à une opposition massive de la part de la population, pas seulement dans les régions d’ethnies non chinoises (comme l’Ouïghouristan à majorité turco-musulmane dans l’ouest, où d’ailleurs les Ouïghours n’étaient pas les seuls à marcher contre le régime, les Chinois aussi y étaient).

    Les étudiants de deux universités de Pékin se sont mis en grève contre leur programme d’entraînement trop rigoureux qui leur est imposé avant la cérémonie du 1er octobre, certains allant même jusqu’à brûler leurs uniformes de cérémonie. Sur de nombreux réseaux, on voit les gens commenter « C’est votre anniversaire, maintenant moi j’ai quoi à voir dans ça ? ». Beaucoup de jeunes sont devenus de fervents anticommunistes, qui soutiennent le capitalisme mondial en pensant à tort qu’il s’agirait d’une alternative au régime actuel. D’autres préfèrent se tourner vers l’héritage de Mao, qui a été selon eux complètement trahi par ses héritiers politiques. Au vu de toutes les turbulences sociales et politiques dans le pays, les marxistes tentent, via leur site et leurs publications, de gagner l’adhésion de ces jeunes au socialisme démocratique mondial en tant que seule alternative viable.

  • 10 ans après le krach financier : une réponse socialiste à la crise capitaliste

    Le 15 septembre dernier, une rencontre particulière a eu lieu dans un lieu tenu secret à Londres. Des banquiers de premier plan qui faisaient partie de Lehman Brothers – autrefois la quatrième banque d’investissement au monde – y ont célébré le dixième anniversaire de son effondrement en 2008 avec ‘‘cocktails et canapés’’. La disparition de cette banque d’investissement a marqué un tournant majeur dans la crise financière déjà en cours depuis 2007, mais qui s’est ensuite transformée en un krach économique mondial.

    Par Steve Score, Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles.

    L’économie mondiale ne s’est toujours pas totalement remise de cette crise qui a fondamentalement changé la politique à travers le monde. Les milliards de personnes qui ont subi les conséquences de ces événements avec une dégradation de leurs conditions de vie n’avaient vraiment aucune raison de se réjouir !

    Jusqu’à l’effondrement de Lehman Brothers, les gouvernements, banquiers et économistes répétaient encore à l’envi que le capitalisme basé sur un marché libre non réglementé, avec une intervention limitée de l’État, était systématiquement la meilleure option. Ils se sont alors rendu compte que, s’ils n’intervenaient pas, ils risquaient non seulement un accident, mais un accident de l’ampleur de celui de 1929. Cet événement a entraîné la grande dépression des années 1930, avec toutes ses conséquences, y compris la révolution et la contre-révolution. Ils ont été forcés d’agir.

    L’intervention des autorités

    Les gouvernements capitalistes néolibéraux ont totalement changé d’approche. Ils ont nationalisé et subventionné les banques. Ils ont injecté des milliards de dollars dans les économies du monde entier. Cela n’était pas à destination de la classe des travailleurs. Tous les efforts visaient les banques et les institutions financières. Cette énorme intervention des autorités a empêché une répétition du crash de 1929, mais cela n’a pas permis de stopper l’important ralentissement économique mondial.

    Il ne s’agissait bien sûr pas de nationalisations socialistes mais plutôt de ‘‘socialisme pour les riches’’ dans le but de soutenir le capitalisme. Les faiblesses du capitalisme ont été mises en évidence. Parallèlement, des millions de personnes perdaient leur emploi et leur maison. Mais aucune subvention n’est venue soutenir leurs conditions de vie ! De leur côté, les banquiers qui ont précipité l’économie dans la crise n’ont pas été sanctionné pour leur rôle. Ils ont même pu continuer à récolter des bonus de plusieurs millions de dollars.

    Une fois de plus, les événements ont prouvé la justesse du marxisme. Parfois, ce furent même les principaux porte-parole du capitalisme qui s’accordaient à contrecœur à dire que l’analyse de Marx sur le capitalisme était rigoureusement exacte. L’an dernier, on a pu lire dans les pages de The Economist que ‘‘beaucoup de ce que Marx a dit semble devenir plus pertinent de jour en jour’’. Bien sûr, leur conclusion n’est pas de se débarrasser du capitalisme, mais de le consolider.

    La crise économique fait partie de l’ADN du capitalisme. Les périodes de croissance et d’effondrement périodiques n’ont jamais été éliminées, avec leur destruction de valeur, de capacités productives et compétences à grande échelle. Les effondrements affectent radicalement les conditions de vie de la classe ouvrière et, en même temps, démontrent le gaspillage et l’absurdité du capitalisme en tant que système. Depuis des centaines d’années, les économistes capitalistes ont été incapables de résoudre ce problème fondamental.

    Expansion et récession

    Dans chaque boom économique, les représentants des capitalistes prétendent avoir trouvé la réponse ! Gordon Brown, ancien Premier ministre britannique travailliste en place au moment de l’effondrement, avait prétendu à plusieurs reprises avoir résolu les maux du capitalisme. Il l’a encore affirmé dans son discours sur le budget de 2007, quelques mois seulement avant le début de la crise.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) avait depuis longtemps analysé les processus qui conduiraient à l’inévitable crash. Toute la question était de savoir quand cela surviendrait. Cette conviction n’a pas été formulée à la manière grossière de ceux qui prétendent qu’une crise catastrophique se profile à l’horizon chaque année, mais sur base d’une analyse sobre des facteurs économiques.

    Le déclencheur immédiat de la crise a été la perte de confiance dans les grandes banques d’investissement qui avaient investi dans des prêts qui, en réalité, ne seraient jamais remboursés. Sur fond de bulle immobilière, le marché américain des ‘‘subprimes’’ accordait des prêts à des personnes qui n’avaient pas les moyens de les rembourser. Ces dettes extrêmement risquées ont ensuite été vendues sous forme de produits financiers, mélangées à d’autres prêts de manière complexe. Les banques ont réalisé d’énormes profits sur leurs spéculations, mais celles-ci reposaient sur une construction financière fragile de dettes et de risques.

    Une série de formes de spéculation initialement destinées à répartir le risque s’est transformée en ‘‘instruments financiers de destruction massive’’. Les problèmes sont apparus lorsque certains de ces risques ont commencé à faire faillite et que les banques ont commencé à admettre qu’elles n’avaient aucune idée de la valeur réelle de leurs fonds de placement. Lehman Brothers avait emprunté 35 fois plus que la valeur de ses actifs.

    Les banques dans leur ensemble étaient ‘‘sous-capitalisées’’, en accordant des prêts beaucoup plus importants qu’elles n’avaient d’actifs. Le château de cartes du monde de la finance a commencé à s’effondrer et son impact s’est répandu dans le monde entier. La crise financière s’est inévitablement étendue à l’économie réelle, à la production de biens matériels. À ce moment-là, le gouvernement américain est intervenu pour renflouer de grandes banques d’investissement comme Bear Stearns et les courtiers en hypothèques soutenus par le gouvernement Freddie Mae et Fannie Mac.

    Au Royaume-Uni, le gouvernement a dû intervenir pour sauver la banque Northern Rock, la Royal Bank of Scotland (RBS) et Lloyds. Le chancelier Alastair Darling a rappelé qu’il avait eu une conversation avec le président de la RBS, alors la plus grande banque du monde, qui a déclaré qu’elle manquait de liquidités. Quand Darling lui a demandé ‘‘combien de temps avons-nous ?’’, on lui a répondu ‘‘quelques heures’’.

    La cause sous-jacente de cette crise était bien plus qu’une simple spéculation financière qui a mal tourné. Partout dans le monde, la dette avait atteint des niveaux sans précédent. Nous avons commenté ces causes à l’avance.

    En décembre 2006, Lynn Walsh a écrit dans le magazine Socialism Today un article intitulé : ‘‘L’économie américaine se dirige-t-elle vers la récession ?’’ Il a expliqué que le boom avait, jusqu’alors, été soutenu par l’endettement des consommateurs. Mais l’inégalité croissante et l’appauvrissement constant des travailleurs au cours d’un certain nombre d’années ont contribué à l’instabilité de l’économie. Il disait alors du capitalisme américain : ‘‘Son orgie de profits à courts termes a sapé ses propres fondements, et le système fait face à un avenir de crise économique et de bouleversements politiques.’’

    Dans un autre article, publié en mai 2007, nous avons expliqué : ‘‘Derrière la marée de liquidités, il y a une source plus profonde, la suraccumulation de capital. Les capitalistes n’investissent leur argent que s’ils peuvent trouver des domaines d’investissement rentables. Depuis la dernière phase de la reprise d’après-guerre (1945-73), les capitalistes ont eu de plus en plus de mal à trouver des domaines d’investissement rentables dans la production. Malgré la croissance de nouveaux produits et de nouveaux secteurs de l’économie, il existe dans de nombreux secteurs une surcapacité par rapport à la demande de crédits garantis. Des milliards de personnes manquent de produits de première nécessité. Mais ils n’ont pas les revenus nécessaires, le pouvoir d’achat, pour acheter les biens et services disponibles dans le cadre de l’économie capitaliste.’’

    Les contradictions du capitalisme

    L’inégalité et l’exploitation sont ancrées dans les fondements du capitalisme. Marx a expliqué que le capitalisme repose sur la création de profit. Cela provient du travail non rémunéré des véritables créateurs de richesse, la classe ouvrière. Les travailleurs créent de la valeur, mais les patrons font des profits en les payant moins que la valeur qu’ils produisent. Avec le temps, les travailleurs ont tendance à être incapables à racheter la pleine valeur de ce qu’ils produisent, ce qui entraîne une surcapacité de production.

    Cette contradiction peut être surmontée par le capitalisme pendant un certain temps si les capitalistes réinvestissent ce surplus dans la production. Mais aujourd’hui, ils n’y parviennent pas, ils ne remplissent même pas leur mission historique de développer les forces productives. C’est ce qui sous-tend le cycle d’extension et de récession du capitalisme.

    Dans la période qui a précédé 2007, la bulle de la dette a soutenu la croissance économique pendant longtemps. Il a fallu qu’elle finisse par éclater. L’élément déclencheur, ce fut les prêts hypothécaires à risque. Mais cela aurait pu être une conséquence des nombreux problèmes qui existent dans ce système.

    Nous nous opposons à l’anarchie du capitalisme, un système fondamentalement non planifié, motivé par la nécessité de profits pour les propriétaires individuels et les grandes entreprises, au détriment de la satisfaction des besoins de la société et d’une planification socialiste démocratique. Pour pouvoir planifier l’économie, il faut la retirer des mains des ultra-riches et en faire une propriété publique. L’éclatement de la bulle a eu un impact immédiat sur l’économie réelle. Dix millions d’emplois ont été perdus aux États-Unis et en Europe.

    Cette situation a été exacerbée par les mesures d’austérité imposées par les gouvernements. La récession réduit les recettes du gouvernement, car les gens gagnent moins et payent moins d’impôts. Plus les autorités réduisent les dépenses publiques, moins les gens ont à dépenser, ce qui crée un cercle vicieux. Nous avons maintenant le plus haut niveau de dette publique depuis la Seconde Guerre mondiale.

    Les mesures d’austérité ont dévasté les services publics. Le niveau de vie réel, pour la grande majorité, ne s’est pas rétabli par rapport à son niveau d’avant 2007. Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, a déclaré l’an dernier qu’il n’y a pas eu de période de si faible croissance des revenus en Grande-Bretagne depuis le XIXe siècle.

    Les inégalités ont continué de grimper en flèche : la valeur nette des 500 premiers milliardaires du monde a augmenté de 24 % pour atteindre 5,38 milles milliards de dollars en 2017. Oxfam affirme que 82 % de la richesse générée l’an dernier est allée au 1 % le plus riche de la population mondiale. La moitié la plus pauvre du monde – 3,7 milliards de personnes – n’a pas connu d’augmentation.

    La reprise

    La “reprise” économique depuis 2008 a été extrêmement faible et de nombreux facteurs laissent présager qu’un nouvel effondrement économique se profile. La dette a de nouveau augmenté, atteignant aujourd’hui 240 % de la production mondiale annuelle totale, soit 30.000 $ par personne ! Le rédacteur en chef américain du Financial Times parle ainsi des banques : ‘‘Ce qui s’est passé, c’est que la dépendance à l’égard de la dette privée – l’héroïne, si vous voulez – a été remplacée par une dépendance à l’égard de la dette publique – la morphine. Le système dans son ensemble est toujours déséquilibré.’’

    Toute une série de menaces pèsent sur l’économie mondiale, notamment le protectionnisme commercial croissant, ainsi que les troubles politiques et le changement climatique.

    Le marxisme n’est pas déterministe. Il n’y a pas de ‘‘crise finale’’ du capitalisme. Ce système ne s’effondrera pas de lui-même. C’est le rôle de la classe ouvrière au niveau international, avec le soutien de la grande majorité de la population mondiale, de mettre fin au capitalisme et de le remplacer par un système plus sain et plus humain. Le rôle des socialistes est de fournir une analyse, une alternative et une stratégie.

    Les banques et les institutions financières, ainsi que le nombre relativement restreint de grandes entreprises qui dominent l’économie doivent être nationalisées et placées sous contrôle démocratique. Cela permettrait de mettre en place un plan de production économique visant à produire ce qui est nécessaire, en utilisant les ressources du monde de manière durable et au profit de la société tout entière. Cela permettrait de mettre fin à la pauvreté, à l’inégalité et à toutes les horreurs causées par le capitalisme.

    Mais pour y parvenir, nous devons construire un mouvement de masse et une force socialiste qui puisse intervenir dans les événements. Le résultat de l’austérité imposée au monde depuis 2008 a été l’instabilité politique. D’énormes mouvements ont eu lieu à gauche dans de nombreux pays, mais on a également connu une croissance du populisme de droite et de l’extrême droite. Les gens sont de plus en plus désabusés par les partis politiques établis.
    Au cours des prochaines années, nous serons confrontés à une série de crises économiques et à la recherche de réponses par des millions de travailleurs et de jeunes. Nous devons construire des partis de masse armés de réponses socialistes face à la crise du capitalisme.

  • Vaincre ‘‘l’hégémonie culturelle de droite’’ par l’audace et la confiance autour d’un programme socialiste

    ‘‘Il y a une hégémonie culturelle de droite, et si l’on veut pouvoir résister à la finance, au monde bancaire, à la Commission européenne, ça prendra du temps.’’ C’est ainsi que s’est exprimé Raoul Heddebouw dans les pages du Soir en juin dernier. Que la droite soit omniprésente dans le débat public, c’est une évidence. Et elle a un effet. Nous craignons que cette ‘‘hégémonie culturelle’’ ne soit utilisée par le PTB afin de repousser à un avenir lointain la perspective d’une transformation socialiste de la société pour se restreindre à un programme pragmatique de réformes limitées dans son activité quotidienne. On ne trouve aucun pont entre les réformes et le changement fondamental de société nécessaire à leur maintien.

    Dossier de Nicolas Croes

    En plus de posséder les moyens de production et d’échange – les secteurs-clés de l’économie – la classe capitaliste est parvenue à distiller son idéologie bien au-delà de sa propre classe sociale grâce à sa domination économique (l’argent), politique (le pouvoir) et légale (la contrainte). Le contrôle des médias, des programmes scolaires,… a donné de nombreux outils à la classe dominante pour développer le fatalisme chez les victimes de l’exploitation et des discriminations inhérentes au système capitaliste. Voire même pour les convaincre qu’il est dans leur intérêt que les choses restent en l’état.

    Comme le disaient Marx et Engels au 19e siècle : ‘‘Les pensées de la classe dominante sont aussi les pensées dominantes de chaque époque, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle.’’ (L’idéologie allemande) Ainsi, on nous fait accepter que le capitalisme est la meilleure manière d’organiser la société, que toute alternative est impossible. On nous fait croire que l’Histoire est le fait de personnalités remarquables de l’élite et, surtout, que les travailleurs et la jeunesse n’ont aucun pouvoir de changer la société si ce n’est en s’en remettant béatement à ces dernières.

    ‘‘Les faits sont têtus’’

    Les idées de la classe dirigeante ont beau être dominantes, elles sont pourtant constamment remises en cause par d’autres. Le discours officiel vient systématiquement buter sur la réalité de la vie quotidienne. Comme le disait Lénine, ‘‘les faits sont têtus’’. Cela ne signifie toutefois pas que la population peut s’extraire tout simplement de l’emprise de l’idéologie dominante mais, à certains moments, les frustrations et les incompréhensions accumulées durant une période parfois longue peuvent soudainement exploser et s’exprimer de manière tout à fait inattendue.

    Il n’est pas rare d’entendre que la Flandre est irrémédiablement ‘‘de droite et conservatrice’’. Il est d’ailleurs déplorable que cette idée soit défendue par certains à gauche, parfois en raison d’un honnête défaitisme, parfois pour justifier cyniquement qu’il ne sert à rien d’organiser des actions. Et pourtant…

    Pourtant, en décembre 2014, une enquête menée par le bureau iVox pour le magazine Knack et la chaîne VTM révélait que 85% des Flamands étaient favorables à l’instauration d’un impôt sur les fortunes à partir d’1 million d’euros. 85% ! L’idée d’une taxation sur les gains du capital était également bien accueillie : 57% des sondés affirmaient alors vouloir taxer tous les revenus du capital, tandis que 65% se prononçaient en faveur d’une taxe sur les gains des transactions financières.

    Les résultats de cette étude ne sont pas tombés du ciel : ils exprimaient l’effet d’entraînement qu’avait eu sur la société le plan d’action musclé du front commun syndical de l’automne 2014. Après une concentration de militants en septembre, une gigantesque manifestation avait été appelée et a réuni 150.000 personnes dans les rues de Bruxelles le 6 novembre 2014, dans la perspective d’une tournée de grèves provinciales qui fut un succès dans tout le pays, au Nord comme au Sud, et d’une grève générale nationale qui a paralysé l’ensemble du pays le 15 décembre. Chaque action donnait de l’élan pour la suivante. La colère sociale était devenue un véritable torrent qui a déferlé sur le pays.

    En dépit du battage médiatique intense contre les ‘‘grévistes preneurs d’otages’’ et de la quasi-unanimité du paysage politique flamand, 55% des sondés flamands soutenaient les actions syndicales, dont 32% des électeurs de la N-VA. Ce n’était pas compliqué à comprendre : 80% des répondants s’estimaient personnellement touchés par les mesures d’économie et 78% constataient qu’elles n’étaient pas réparties équitablement.

    Hélas, l’accent qu’ont ensuite mis les directions syndicales sur la ‘‘concertation sociale’’ ainsi que la désorganisation de la lutte a laissé le gouvernement se ressaisir. C’est ce qui lui a permis de continuer de faire des ravages, avec cette fois une attention toute particulière sur le sécuritaire et la question migratoire utilisés pour semer la division.

    Bien plus qu’une simple bataille d’idées

    La lutte d’idées reflète la lutte entre les classes sociales à l’œuvre dans la société. L’opposition à l’idéologie dominante de la classe dirigeante est le reflet des intérêts matériels des autres classes. En parlant de la Révolution russe, le révolutionnaire Léon Trotsky faisait remarquer que plus la classe des travailleurs agit ‘‘résolument et avec assurance, et plus elle a la possibilité d’entraîner les couches intermédiaires, plus la couche dominante est isolée, plus sa démoralisation s’accentue ; et en revanche, la désagrégation des couches dirigeantes apporte de l’eau au moulin de la classe révolutionnaire.’’

    C’est ce que l’on a pu voir au cours du plan d’action de 2014 : derrière la classe des travailleurs en action se sont groupés la jeunesse, le monde culturel (ce qui a notamment donné naissance à Tout Autre Chose),… On a même vu nombre de petits commerçants fermer symboliquement leur boutique ou leur café le jour des grèves pour montrer leur solidarité.

    Ce que cet exemple démontre, c’est que, sans remettre en question la nécessité de faire un intense travail de sensibilisation et d’information au jour le jour, c’est avant tout en entrant en action collectivement que la population passe à travers des sauts de conscience. La rapidité, l’ampleur, le caractère et la durée de ceux-ci sont déterminés par la manière dont elle peut être orientée au cours de son évolution. C’est là tout l’intérêt de construire des organisations politiques qui visent à accompagner cet apprentissage sur base de l’expérience concrète de la lutte.

    C’est ce que défendaient Marx et Engels dans le Manifeste du Parti Communiste. Selon eux, le rôle des communistes ne consiste pas à se contenter de prêcher la vérité au peuple par leur propagande en espérant que cela suffise à changer les mentalités. Il est de participer étroitement à la lutte des classes, en aidant les travailleurs à trouver le chemin vers une alternative.

    Un autre monde à gagner

    Vaincre définitivement ‘’l’hégémonie culturelle de la droite’’ exige de formuler des revendications et un programme qui repose sur les inquiétudes quotidiennes de la population pour faire un pont vers la nécessité d’un affrontement global avec le système capitaliste. Ainsi, sur base du sentiment général qui existe en faveur d’un impôt sur la fortune, il faut souligner que la seule manière d’éviter une fuite des riches et de leurs capitaux et de saisir en mains publiques la totalité du secteur financier. Ce qui permettrait de libérer les richesses dont nous avons besoin pour un vaste programme d’investissements massifs dans les infrastructures, les services publics,… Sur base d’une préoccupation largement ressentie, il est ainsi possible de donner un aperçu d’une organisation différente de l’économie et de la société : le socialisme.

    Trotsky disait à ce sujet : “La “possibilité” ou ‘‘l’impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte.’’ Allant un peu plus loin, il a ajouté que : “Les révolutionnaires considèrent toujours que les réformes et acquisitions ne sont qu’un sous-produit de la lutte révolutionnaire. Si nous disons que nous n’allons demander que ce qu’ils peuvent donner […] alors la classe dirigeante ne donnera qu’un dixième ou rien de ce que nous demandons. Le plus étendu et le plus militant sera l’esprit des travailleurs, le plus sera revendiqué et remporté.’’

    La classe des travailleurs a toujours le pouvoir de renverser le système capitaliste et de créer une société qui abolisse l’exploitation de classe, une société qui combine démocratie, égalité et liberté, surtout au vu des avancées économiques, scientifiques et technologiques modernes. Comme l’a expliqué le célèbre marxiste américain James Cannon, le rôle des socialistes authentiques est ‘‘de préparer les travailleurs pour cela, de les convaincre qu’une telle société est souhaitable et d’essayer de les organiser pour accélérer sa venue et pour y parvenir de la façon la plus efficace et la plus économique.’’ C’est l’approche défendue par le PSL.

  • 1818-2018 : la pensée de Karl Marx n’a pas perdu de sa fraîcheur

    Des sourcils ont dû sérieusement froncer à la City de Londres à la lecture du journal The Independant et de l’interview du gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, réalisée à la mi-avril. Celui-ci avertissait ses pairs : “Marx et Engels peuvent devenir à nouveau pertinents”. 200 ans après la naissance de Karl Marx, pourquoi donc ses idées suscitent-elles toujours autant d’intérêt et même de craintes ?

    Par Nicolas Croes

    Il poursuivait : “Si vous substituez les plates-formes aux usines textiles, Twitter au télégraphe, vous avez exactement la même dynamique qu’il y a 150 ans – quand Karl Marx gribouillait le Manifeste communiste.” Selon lui, les années de faible croissance des salaires depuis la Grande récession de 2008 suggèrent que l’expérience du 19e siècle est déjà en train d’être répétée. Quelques jours plus tard à peine, le tabloïd The Sun révélait que les cadences infernales en vigueur dans un dépôt britannique d’Amazon poussaient les travailleurs à uriner dans des bouteilles et à éviter de boire pour ne pas devoir quitter leur poste de travail…

    Ces dix dernières années, de nombreux économistes et analystes capitalistes se sont vus forcés de plonger dans les pages du Capital de Marx, non pas sans ressentir une certaine frustration à aller ainsi chercher des clés de compréhension auprès d’un révolutionnaire qui a dédié sa vie à la lutte contre ce système d’exploitation. Ainsi, le fameux économiste Nouriel Roubini (l’un des rares économistes capitalistes à avoir anticipé la crise économique de 2007-08) a-t-il déclaré à l’époque : ‘‘Marx avait raison, il est possible que le capitalisme lui-même se détruise à un certain moment. Vous ne pouvez pas transférer des revenus du travail vers le capital sans créer une surproduction et une rupture de la demande.’’

    Que des académiciens et des économistes partisans du capitalisme s’intéressent à Marx en se pinçant le nez, c’est une chose. Mais que les travailleurs et les jeunes regardent aussi de plus en plus de ce côté, c’en est une autre ! Et c’est précisément ce qui effraye Mark Carney et d’autres.

    Le capitalisme, un système qui a la crise inscrite dans son ADN

    Marx fut le premier à comprendre la logique de fonctionnement du système capitaliste, à en fournir une analyse scientifique et ainsi à expliquer ses crises récurrentes. Avec leur force de travail, les travailleurs créent une nouvelle valeur. Cependant, en retour, leur salaire ne représente qu’une partie de cette dernière. Le reste de cette valeur, les capitalistes la gardent jalousement pour eux et cherchent, de plus, continuellement à rogner sur les conditions de travail et de salaire des travailleurs dans le but de sauvegarder leurs profits à court terme face à la concurrence féroce sur le marché. C’est cette concurrence qui pose la base d’une nouvelle crise puisque les travailleurs disposent d’un salaire moindre pour acheter ce qu’ils ont produit. Ce système conduit donc systématiquement à une crise de surproduction.

    Une crise de surproduction implique un accroissement du chômage, une pression à la baisse sur les salaires et des économies dans les dépenses publiques. A partir de la fin des années ‘70, la bourgeoisie a différé une partie de la crise par le biais d’une accumulation historique des dettes publiques ainsi qu’en encourageant la classe ouvrière à recourir au crédit. Le manque de rentabilité de la production industrielle a conduit la classe capitaliste à concentrer son capital sur des investissements financiers de plus en plus sophistiqués et risqués. La classe ouvrière a elle aussi été poussée à rejoindre le casino du capitalisme, où les profits ont atteint des niveaux record. Les bulles spéculatives ont éclaté en 2007-2008, entraînant avec elles une vague de crises, de mesures d’austérité et d’appauvrissement de la population.

    Le responsable des gros patrimoines chez UBS, Josef Stadler, a publié l’an dernier un rapport sur les grosses fortunes qu’il a commenté comme suit: ‘‘Nous sommes à un tournant. La concentration des richesses n’a jamais été aussi haute depuis 1905’’. Le phénomène n’est pas neuf. Karl Marx expliquait ainsi dans Le Capital qu’il y a: ‘‘corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même.’’ Pour Josef Stadler, ‘‘La véritable question, c’est : jusqu’à quel point cette situation est-elle viable et à quel moment la société interviendra et se rebellera ?’’

    Comprendre le monde pour le changer

    Le ‘‘matérialisme dialectique’’ (que l’on appelle communément le marxisme, ou le socialisme scientifique) est né non pas comme une nouvelle philosophie, mais comme une méthode pour rechercher comment changer le monde. C’est une grille d’analyse pour l’action. Comme le disait Marx : ‘‘les philosophes n’ont jusqu’ici fait qu’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le transformer.’’

    Sa conclusion était qu’il fallait renverser le système capitaliste pour le remplacer par une société socialiste où les moyens de production et d’échange seraient libérés de la dictature des patrons et de la concurrence pour permettre d’harmonieusement répondre aux besoins de tous. Pour Marx, le capitalisme, tout en développant les forces productives et en socialisant la production (de petits ateliers vers les grandes multinationales), a crée les conditions matérielles du socialisme et engendre ‘‘son fossoyeur’’ : la classe ouvrière. Marx et son compagnon de lutte Engels se sont ainsi également investis avec passion et dévouement dans la construction des organisations du mouvement ouvrier.

    Tout cela est-il toujours bien pertinent ?

    Nous avons aujourd’hui derrière nous plus de 150 ans de lutte de classes. De nombreuses victoires passées ont arraché des conquêtes sociales et ont contrarié la soif de profits des capitalistes. Mais, suite aux lourdes défaites subies par la classe des travailleurs dans les années ’90 à la suite de l’effondrement du Bloc de l’Est et à la bourgeoisification des anciens partis ouvriers, un vide politique s’est développé pour la classe ouvrière tandis que les directions syndicales ont adopté le syndicalisme de concertation et délaissé le syndicalisme de combat. En conséquence, la classe ouvrière a peu eu recours à sa force.

    Et les capitalistes ont repris du terrain, au point où le milliardaire Warren Buffet a eu l’arrogance de déclarer sur CNN en 2005 : ‘‘Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner.’’ Parallèlement, la classe ouvrière a beaucoup changé en termes de taille, de location et de composition. Pour certains, cela suffit à dire qu’il serait ‘‘passéiste’’ de continuer à faire référence à la classe ouvrière comme force fondamentale de changement.

    Pourtant, même si certains anciens bastions de la classe ouvrière industrielle sont affaiblis dans les pays occidentaux, la classe ouvrière n’a pas disparu, elle est même numériquement et relativement beaucoup plus forte qu’à l’époque de Marx et Engels. La définition marxiste de la classe ouvrière – qui comprend tous ceux qui produisent une plus-value en vendant leur force de travail en échange d’un salaire pour pouvoir vivre – regroupe à l’heure actuelle la majorité de la force de travail active de la planète. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), il s’agit aujourd’hui de 3,4 milliards de personnes. La classe ouvrière n’a jamais été aussi grande et elle continue de croître, particulièrement dans les pays du monde néocolonial où l’urbanisation et l’industrialisation ont été menées au pas de charge ces 30 dernières années.

    Marx expliquait que le capitalisme tout d’abord créait la classe ouvrière, ensuite la rendait révolutionnaire. La classe en soi devient ainsi une classe pour soi, expliquait-il : quand les travailleurs prennent conscience de leur force potentielle, cette classe sociale devient toute-puissante. Elle peut bloquer toute l’économie par la grève, et se rendre ainsi compte que c’est elle la véritable créatrice de richesse. C’est ce que les commentateurs capitalistes expriment à leur propre manière en parlant de ce que ‘‘coûte’’ une grève. Sans travailleurs, pas de profits ! Et si les patrons ont absolument besoin des travailleurs, ces derniers, eux, peuvent très bien se passer de patrons…

    Le grand soir et les petites victoires

    L’échec du capitalisme sur le plan économique, écologique et social ; l’inégalité extrême, la brutalité de l’austérité, etc. poussent naturellement les gens à chercher une issue. Il est naturel que cette recherche s’oriente dans un premier temps vers ce qui semble ‘‘le plus facile’’ ou ‘‘le plus acceptable’’ au sein du système actuel.

    Le rôle des marxistes aujourd’hui n’est pas de commémorer la mémoire de Marx et de parler du socialisme en de grandes occasions pour ensuite limiter leur activité à ce qui serait permis dans la camisole de force d’un État capitaliste et alors que l’establishment fait tout pour démontrer qu’il n’existe pas d’alternative à l’austérité. Il est au contraire nécessaire d’aider les masses à trouver le pont qui existe entre leurs préoccupations quotidiennes et la nécessité de renverser le capitalisme pour le remplacer par une société socialiste.

    Pour cela, il faut un programme qui repose sur ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins sociaux (combien de logements sociaux nous faut-il ou encore comment organiser une répartition collective du temps de travail pour en finir avec le chômage ?). En mobilisant activement le plus grand nombre autour de celui-ci, de manière inclusive, il sera possible d’illustrer que le système actuel est un obstacle pour rencontrer nos besoins, mais qu’il peut être surmonté en s’organisant de façon conséquente autour du bon programme, avec la stratégie et les tactiques qui en découlent. À partir de là, pour reprendre une dernière fois les mots de Marx, il sera possible de ‘‘partir à l’assaut du ciel’’.

  • Camp d’été d’EGA, de ROSA et du PSL : Le programme

    Pour changer le monde, nous devons d’abord le comprendre. Participe au camp d’été annuel des Étudiants de Gauche Actifs, de la campagne ROSA et du Parti Socialiste de Lutte. Afin de nous préparer au mieux aux prochaines actions et campagnes, nous y alternons discussions politiques et formation marxiste avec des temps de loisirs et des activités sportives.

    INFOS PRATIQUES

    Le camp est ouvert à toutes et tous : écoliers, étudiants, travailleurs et pensionnés. Il est possible de venir un ou plusieurs jours – nous prévoyons d’ailleurs un week-end spécialement orienté vers les travailleurs – mais bien sûr chacun est invité à rester durant l’entièreté du camp. Vous pouvez passer la nuit sous tente ou dans l’un des dortoirs, au choix. Durant le week-end, un babysitting et des animations pour enfants sont prévus.

    • Quand : du vendredi 29 juin à 18h au jeudi 5 juillet à 12h.
    • Lieu : Kampplaats De Viggel III (Boolenstraat, Bree – chemin de terre)
    • Inscription : par mail ou via le lien sur nos sites. Mentionnez vos spécificités alimentaires (végétarien, halal, intolérances, allergies,…) et si vous serez accompagné par des enfants. Paiement sur BE86 5230 8092 4650 avec la communication “camp 2018 + nom”. Prix de prévente jusqu’au 15 mai.

    => Formulaire d’inscription en ligne

    => Evénement Facebook

    VENDREDI

    A partir de 16:00 : Accueil

    18:00 – 19:30 Repas froid

    20:00 – 22:00 Plénière – 200 ans après la mort de Marx, un monde toujours aussi révoltant.
    Rapport des luttes et grèves féministes dans l’Etat espagnol par Ainhoa, Libres y Combativas (organisation-sœur de ROSA).

    SAMEDI

    11:00 – 13:00 Plénière – Comment le PSL considère-t-il les élections? Qu’est-ce qu’un programme communal socialiste ?

    14:30 – 17:00 Ateliers – Thèmes internationaux

    • Les Kurdes, en lutte contre Daesh et Erdogan et pour leur liberté.
    • Une guerre commerciale, c’est quoi ?
    • France insoumise, Podemos,… Quel rôle les nouvelles formations de gauche peuvent-elles jouer dans les mouvements sociaux ?
    • 50 ans après l’assassinat de Martin Luther King, retour sur le mouvement des droits civiques aux USA
    • Thatcher, Clinton, May, Merkel,… Pourquoi a-t-on besoin d’un féminisme socialiste ?
    • Kurdistan, Catalogne,… L’indépendantisme peut-il être progressiste ?

    17:00 – 19:00 Temps libre : jeux, sport, sieste,…

    19:00 – 20:30 BBQ

    20:30 – 22:30 Film ou Foot [8èmes de la Coupe du Monde] au choix

    DIMANCHE

    10:30 – 11:30 Plénière – Le rôle de la grève générale et des occupations d’usines en mai ’68.

    11:30 – 12:30 Ateliers – Thèmes belges et syndicaux (1e partie).

    • La réduction collective du temps de travail, une solution contre la précarité et les discriminations ?
    • Nos droits syndicaux sous pression, comment riposter ?
    • De bonnes pensions pour tous : possible ou irréaliste ?

    14:00 – 15:00 Ateliers – Thèmes belges et syndicaux (2e partie).

    15:00 – 17:00 Ateliers – 100 après, (re)découvrir la Révolution allemande.

    • Grande Guerre, horreur des tranchées et révolution.
    • L’héritage de Rosa Luxembourg.
    • 1918, 1919, 1923 : qu’a-t-on fait de l’énorme potentiel révolutionnaire en Allemagne ?
    • Comment le fascisme a-t-il pu triompher ?

    17:00 – 19:00 Temps libre & Jeux

    20:30 – 22:30 Film ou Foot [8èmes de la Coupe du Monde] au choix

    LUNDI – La jeunesse et les mouvements sociaux

    10:30 – 12:30 Plénière – Le rôle de la jeunesse dans les mouvements de masse aux USA, dans l’Etat espagnol, dans les luttes féministes,…

    14:00 – 16:00 Ateliers – Les événements de mai ‘68

    • Quand le Printemps de Prague défiait le stalinisme.
    • Mai 68 : à deux doigts d’une révolution ?
    • 50 ans après la révolution sexuelle, comment combattre la commercialisation du corps des femmes ?
    • Leuven Vlaams : comment comprendre cette lutte pour l’enseignement supérieur flamand ?

    16:00 – 17:00 Libre

    17:00 – 19:00 Ateliers pratiques – EGA et ROSA en action

    • Construire EGA sur son lieu d’étude?
    • Comment animer un stand EGA/ROSA?
    • La campagne ROSA: préparons l’été et la rentrée

    20:00 – 22:00 Film ou Foot [8èmes de la Coupe du Monde] au choix

    MARDI – Qu’est-ce que le marxisme?

    10:30 – 13:00 Ateliers – Les fondements du marxisme.

    • Comprendre le monde pour le changer : le matérialisme dialectique.
    • Bien plus que des rois et des reines : le matérialisme historique.
    • Dans les entrailles de l’ogre : comment fonctionne l’économie capitaliste ?
    • Le Manifeste du parti communiste : Comment Marx a-t-il traduit ses idées en un programme ?

    14:30 – 17:00 Après-midi libre, jeux, sport, sieste, piscine …

    17:00 – 19:30 Ateliers – Thèmes divers.

    • Marxisme et anarchisme : un débat toujours actuel.
    • Le concept d’aliénation chez Marx.
    • La biologie détermine-t-elle le destin des femmes ?
    • Marxisme et écologie.

    21:00 – 23:00 Film ou Foot [20:00 – 8èmes de la Coupe du Monde] au choix

    MERCREDI

    10:30 – 13:00 Ateliers – Luttes d’aujourd’hui à travers le monde

    • Être heureux et LGBTQI : faudra-t-il passer toute sa vie à lutter ?
    • Mouvements de solidarité avec les migrants et mouvement antiguerre : quelle orientation adopter ?
    • 70 ans après la Nakba, quelles perspectives pour la lutte des Palestiniens ?

    14:30 – 17:00 Ateliers – Que défendent les Etudiants de Gauche Actifs (EGA) ?

    • Un enseignement démocratique : lequel et comment y parvenir ?
    • Quelle forme de résistance contre la droite populiste et l’Alt-Right ?
    • Industrie alimentaire : le capitalisme se moque de la vie.
    • Ecologie : nous manquons de temps, n’en gaspillons pas avec l’illusion du capitalisme vert.

    17:00 – 18:00 Plénière – Clôture du camp: allons-y militer avec EGA et ROSA

    21:00 Fête de clôture

  • USA. Une approche socialiste du contrôle des armes à feu

    17 personnes ont été tuées lors d’une fusillade dans une école de Floride le 14 février dernier. L’incident est loin d’être unique : il y en a presque un par jour aux États-Unis comprenant plus de quatre décès et/ou blessés à la suite de la fusillade. En 2014, 33.954 décès ont été causés par des armes à feu aux États-Unis, parmi lesquels un grand nombre de suicides. Le problème des fusillades dans les écoles a déjà été discuté il y a des années dans le documentaire ‘‘Bowling for Columbine’’ de Michael Moore, en 2002.

    L’élément neuf, c’est la riposte de la jeunesse qui s’organise contre la violence contre la violence et les politiciens financés par l’industrie de l’armement et les lobbys qui l’accompagnent. Le 21 février, des manifestations locales ont eu lieu, suivies par d’autres actions : des manifestations étudiantes sont prévues le 14 mars et une marche nationale contre la violence à l’école à Washington aura lieu le 24 mars. L’effet de la protestation de masse contre Trump n’a clairement pas disparu et établit une tradition de protestation politique de la jeunesse.

    L’industrie de l’armement est importante aux États-Unis. On estime à plus de 300 millions le nombre d’armes en circulation dans ce pays pour une population de 320 millions d’habitants. Au cours des dernières années, le secteur a connu une forte croissance : la production a augmenté de 158% en dix ans et le nombre d’emplois dans le secteur a doublé pour atteindre plus de 300.000 emplois.

    L’article suivant a été écrit par Tom Crean, qui figure parmi nos camarades de Socialist Alternative. Ce texte avait initialement été rédigé à la suite de la tuerie de l’école de Sandy Hook en décembre 2012, lors de laquelle un jeune homme avait massacré 20 enfants et 6 de leurs maîtresses, après avoir également abattu sa propre mère et avant de se suicider lui-même. Cet article avait été rédigé pour servir de base de discussion pour un débat au sein du Comité exécutif national de Socialist Alternative. Après discussion, le texte a été amendé et publié ensuite en tant que position officielle de l’organisation.


    Les politiciens libéraux appellent à plus de restrictions sur le port des armes. Même l’Association nationale des armes à feu (NRA), le tout-puissant lobby des fabricants et vendeurs d’armes (qui regroupe aussi de nombreux « usagers »), a récemment accepté que des limitations soient placées sur la vente des chargeurs de mitrailleuses qui permettent à des meurtriers comme Stephen Paddock, l’auteur de la tuerie de Las Vegas, de transformer un simple fusil en une véritable machine à tuer, capable de projeter plus d’un millier de balles sur une foule en à peine dix minutes.

    Si les tueries de masse sont évidemment le genre d’événement qui attire le plus d’attention et suscite le plus d’horreur, ces actes, aussi terribles soient-ils, ne comptent toutefois que pour une infime fraction du nombre de morts par balles aux États-Unis. Un rapport récemment publié révèle en effet que plus de citoyens des États-Unis sont morts victimes des armes à feu dans leur propre pays au cours des 50 dernières années qu’au cours de toutes les guerres auxquelles ont participé les États-Unis partout dans le monde depuis leur indépendance !

    La question que nous nous posons est donc de savoir si une telle situation, où la société est virtuellement submergée par le nombre d’armes à feu en circulation, est intéressante pour la classe des travailleurs. Nous voulons également dans cet article expliquer pourquoi nous nous opposons tant au « droit de se défendre par les armes » défendu par la droite qu’aux propositions de restreindre le port d’arme défendues par les libéraux.

    Nous devons également remarquer que malgré toutes ces horribles tueries de masse qui tendent à battre des records (celle de Las Vegas était la plus meurtrière tuerie commise par un homme seul de l’histoire des États-Unis et celle de Sutherland Springs était la plus meurtrière perpétrée dans un lieu de culte), on ne voit finalement que peu de gens défendre les restrictions au port d’arme à feu. Un sondage mené en octobre 2017 révélait qu’à peine 64 % de la population était pour plus de restrictions (une hausse d’à peine 3 % sur les dernières années). De plus, très peu de gens soutiennent une interdiction totale et parmi les 64 % de personnes qui se déclarent en faveur de plus de mesures, les avis divergent fortement sur les mesures à prendre ou non.

    En fait, quand on regarde l’évolution à long terme, au cours des 20 dernières années par exemple, on se rend compte que la tendance dans l’opinion publique va en sens inverse : selon un sondage réalisé par Gallup, alors que seule 57 % de la population était pour l’interdiction de la vente libre de fusils d’assaut en 1996, cette proportion a diminué à 46 % en 2012 et à 36 % en 2016.

    Parmi les mesures de restriction qui sont toutefois soutenues par une grande partie de la population, on peut citer un examen du vécu de la personne (casier judiciaire, etc.) ; la plupart des gens s’accordent aussi à dire que les personnes souffrant de maladies mentales et certaines personnes inscrites sur des listes noires gouvernementales ne devraient pas y avoir accès ; enfin, la majorité de la population convient aussi de la nécessité de mettre en place une base de données des ventes d’armes centralisée au niveau nationale.

    Alors que la polarisation politique ne cesse de s’intensifier aux États-Unis, le « droit à une arme » est aujourd’hui devenu un véritable enjeu politique. Il est également clair que les arguments des libéraux, qui se prononcent en faveur de mesures de restriction beaucoup plus strictes pour le port d’arme, échouent à convaincre une grande partie de la population. C’est sans doute malheureux, mais il faut bien reconnaître que l’argument de la NRA, selon lequel « la meilleure manière d’empêcher les criminels et les fous de tuer les simples citoyens, est d’armer les simples citoyens » a clairement eu bien plus de succès parmi toute une couche de la population (un argument d’ailleurs repris par Donald Trump avec sa proposition d’armer les enseignants eux-mêmes, NDT) : ce fait doit absolument être pris en compte par la gauche si elle veut pouvoir formuler une position appropriée quant à la meilleure manière de combattre l’épidémie de violence armée dans notre société.

    Quelle position adopter suite aux tueries dans les écoles aux États-Unis ? La restriction du port d’arme est-elle la solution à la violence des armes ?

    (article de 2012)

    Le meurtre de 20 élèves de CP1 et de 7 adultes à l’école primaire de Newtown, Connecticut, en décembre 2012 par un jeune homme mentalement dérangé a réouvert le débat sur le contrôle des ventes d’armes à feu aux États-Unis. C’est ainsi que l’administration Obama a annoncé en janvier 2013 vouloir mettre en place des mesures qui rendraient obligatoire un examen du vécu pour toute personne désireuse d’acheter une arme, l’interdiction de la vente d’armes de guerre du type armes semi-automatiques, et des restrictions sur les chargeurs de plus de 10 balles. Cette proposition de mesures fort limitées visant à restreindre le port d’arme a été vertement décriée par l’Association nationale des armes à feu (NRA), même si certains sondages indiquent qu’une part croissante de la population serait en faveur de telles mesures.

    Néanmoins, les tentatives de renforcer les lois sur le port d’arme au niveau fédéral sont maintenant bel et bien mortes, puisque le projet de loi d’examen du vécu de l’acheteur d’armes n’a pas pu obtenir les 60 voix requises au Sénat pour éviter l’obstruction – quand bien même cela peut sembler étrange dans un pays où cette proposition serait soutenue par près de 90 % de la population. Il faut cependant insister sur le fait que ce vote et l’abandon temporaire de ce projet de loi ne signifient pas que le débat sur le contrôle des armes est terminé. D’autres mesures ont été votées et appliquées au niveau régional, tandis que le débat sera forcément relancé par les prochaines tueries qui surviendront encore à l’avenir puisque cela semble inévitable à l’heure actuelle. Il est également clair qu’une importante fraction de la classe dirigeante désire, – pour des raisons qui lui sont propres –, mettre au pas le syndicat des armes.

    En tant qu’organisation marxiste devenant de plus en plus connue au niveau national et international, il est important que nous puissions adopter une position claire au sein de ce débat. Pour ce faire, il nous faut tout d’abord nous pencher sur le contexte historique du « droit à se défendre par les armes » et des mesures de contrôle sur les armes aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Il nous faut analyser les causes complexes qui expliquent l’énorme niveau de violence armée dans la société états-unienne. Nous devons également comprendre les motivations réelles derrière les arguments des deux camps bourgeois qui s’opposent sur cette question – celui qui veut plus d’armes en circulation et celui qui en veut moins. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons envisager des revendications et des solutions socialistes à ce fléau.

    L’aspect fondamental de notre questionnement est sans doute de nous poser ces deux questions :

    1. le fait d’armer une grande partie de la population états-unienne, dans le contexte du 21e siècle et au vu de l’idéologie individualiste réactionnaire qui promeut cet armement, est-il ou non un avantage pour la classe des travailleurs ?
    2. Comment réagir dans une situation où l’État a de plus en plus de pouvoirs, ce qui représente clairement une menace pour toute couche de la société états-unienne qui déciderait de s’opposer aux dictats de la classe dirigeante ?

    Il est évident qu’on ne peut trouver une réponse à ces deux questions hautement complexes en quelques phrases désinvoltes.

    Le contexte historique

    Selon le Deuxième Amendement de la Constitution des États-Unis, « Une milice bien organisée étant nécessaire pour la sécurité d’un État libre, il ne sera pas contrevenu au droit du peuple à détenir et à porter des armes ». Le contexte de cet amendement, qui date de l’année 1791, était celui de la guerre d’indépendance révolutionnaire que les Treize Colonies qui allaient ensuite former les États-Unis d’Amérique ont menée contre la Grande-Bretagne. À l’époque, les Pères fondateurs des États-Unis étaient convaincus que la lutte contre la Couronne britannique n’était certainement pas terminée – comme l’histoire l’a d’ailleurs prouvé plus tard, lorsque les Britanniques ont pris et incendié la ville de Washington lors de la guerre anglo-américaine de 1812. Il y avait alors une forte opposition à l’idée d’une armée de métier, vu l’expérience historique de l’Europe et la récente expérience de l’armée britannique. Les armées de métier étaient correctement identifiées par les révolutionnaires américains comme autant d’instruments de répression entre les mains des tyrans.

    Par conséquent, dans la jeune république américaine, une large couche de la population blanche masculine était armée, principalement pour des raisons militaires. Il n’était évidemment pas question pour la classe dirigeante d’autoriser les Noirs, libres ou esclaves, à porter des armes. De nombreux États exigeaient des propriétaires d’armes qu’ils se fassent inscrire, et interdisaient le port d’armes dissimulées (c’est-à-dire que toute personne portant une arme devait afficher cette arme en permanence en la portant à sa ceinture, on ne pouvait pas la garder cachée dans la poche de sa veste par exemple).

    De manière générale donc, le Deuxième Amendement et la Déclaration des droits dont elle fait partie font bel et bien partie intégrante de l’héritage progressiste de la révolution bourgeoise américaine contre le féodalisme britannique. Mais au fur et à mesure du développement du capitalisme, la question du contrôle des armes est devenue inséparable de la lutte de classe du Capital contre le Travail, et notamment du désir de la classe dirigeante de maintenir soumise la population afro-américaine.

    Il y a eu, au cours de l’histoire des États-Unis, de nombreux exemples d’horribles massacres de travailleurs en lutte pour leurs droits. En 1914, durant une grève des mineurs dans le Colorado, 21 hommes, femmes et enfants ont été tués à Ludlow par la milice étatique armée de mitrailleuses. En 1937, la police a ouvert le feu à Chicago sur une marche pacifique de travailleurs de l’acier et leurs familles : dix travailleurs ont été tués et 40 blessés – tous par des balles tirées dans leur dos.

    D’un autre côté, il y a également eu de nombreux cas de travailleurs qui se sont armés pour organiser leur autodéfense face aux attaques de l’État et/ou des badauds engagés par leurs patrons afin de briser leurs grèves. Dans les années 1880, le mouvement ouvrier de Chicago (Nord), très militant (notamment parce qu’il comptait alors de nombreux membres originaires d’Allemagne où le Parti socialiste était alors très fort et combattif), a été jusqu’à créer une milice ouvrière. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de quelque chose relégué à un lointain passé. Encore dans les années 1970, certaines grèves de mineurs se sont armées pour organiser leur autodéfense.

    De même, pendant le grand mouvement pour les droits civiques des années 1960, l’organisation des Diacres pour la défense et la justice a été formée en Louisiane (Sud) par d’anciens combattants noirs pour protéger les militants des droits civiques contre les attaques des forces étatiques et des associations d’extrême-droite comme le Ku Klux Klan. Cette organisation a été très efficace et a joué un important rôle auxiliaire pour les mouvements de masse qui étaient au cœur de la lutte.

    Le parti des Panthères noires (BPP, Black Panther Party) pour l’autodéfense a poursuivi cette tradition, même si son expérience a aussi démontré les conséquences fatales d’une approche d’« ultragauche » sur cette question. Au début, certaines actions menées par les Panthères noires ont bel et bien permis de démasquer au grand jour la véritable nature de la police, ce qui a donné le courage à de nombreuses personnes de se lever pour résister à l’État. Sur le plan politique, les Panthères noires avaient généralement raison d’appeler à une révolution et à l’autodéfense et de s’opposer au pacifisme ; elles ont d’ailleurs mené à bien des actions défensives qui étaient comprises par de plus larges couches (non encore révolutionnaires) de la communauté noire et de la classe des travailleurs comme des actes concrets de résistance contre les attaques violentes des forces racistes.

    Cependant, le fait que leurs militants posent en permanence avec leurs armes, même si cela pouvait attirer une minorité de jeunes noirs révolutionnaires, était une grave erreur qui a contribué à isoler les Panthères noires des larges couches de la classe des travailleurs, qui, si elles les considéraient avec sympathie, n’étaient pas prêtes à rejoindre une organisation révolutionnaire explicitement armée. Tout ceci a facilité la tâche à l’État capitaliste qui a pu briser cette organisation en recourant à sa même violence habituelle.

    D’importants militants comme Huey Newton et Bobby Seale qui dirigeaient le mouvement ont, bien après, admis s’être trompés. Comme Huey Newton l’écrit dans son livre Le suicide révolutionnaire : « Nous avons bientôt découvert que les armes et les uniformes que nous portions nous mettaient à part de la communauté. Nous étions considérés comme un groupe militaire ad hoc, agissant hors du tissu communautaire, trop radical pour en faire partie. Peut-être que la tactique que nous employions à l’époque était trop extrême ; peut-être que nous mettions trop l’accent sur l’action militaire ».

    Même dans une situation ouvertement révolutionnaire, l’enjeu fondamental n’est pas la mobilisation militaire mais bien la mobilisation politique de la classe des travailleurs et de tous les opprimés à partir d’un appel défensif et démocratique de résister afin de vaincre toute tentative de la part de l’élite dirigeante, peu nombreuse malgré ses immenses richesses, de recourir à la violence pour soumettre la majorité. C’est précisément ce qui a été réalisé par les bolchéviks en octobre 1917, lors de la révolution la plus démocratique de l’histoire. Les bolchéviks avaient émis un appel de classe envers les simples soldats de l’armée de l’empereur, neutralisant du même coup les forces de l’ancien État qui ne pouvait plus les employer en tant qu’arme au service de son régime autocratique.

    Bien entendu, l’histoire est remplie d’exemples négatifs, lors desquels la classe des travailleurs a manqué d’une direction suffisamment déterminée pour faire face à la menace que posait l’ancien régime, qui a alors pu librement déchaîner sa violence contre-révolutionnaire. Les tentatives d’aventuriers qui ont « pris le pouvoir » de façon prématurée au nom de la « révolution » ont elles aussi mené à des défaites sanglantes pour la population.

    La classe dirigeante cherche toujours à décrire ses adversaires comme des gens violents. Les marxistes ont justement la tâche de démontrer à la masse de la population que la principale source de la violence dans la société moderne est le capitalisme et la classe capitaliste dominante. Cela est particulièrement vrai aux États-Unis, où la classe dirigeante a pour habitude d’organiser elle-même toute une série d’interventions impérialistes sanglantes partout dans le monde afin de défendre le règne du profit.

    C’est dans ce contexte que nous devons envisager le contrôle sur les armes. Les tentatives de restreindre le port d’arme par la population font partie de l’histoire des États-Unis comme des autres sociétés capitalistes. En Europe, la classe dirigeante a fait de grands efforts pour désarmer les forces révolutionnaires et prolétariennes à la suite des troubles révolutionnaires de 1848, et plus tard pour désarmer la Résistance après la Deuxième Guerre mondiale, alors qu’elle avait vaillamment combattu les nazis pendant que les capitalistes avaient pris la fuite ou collaboraient avec l’occupant.

    De manière générale, quels que soient les prétextes employés à ce moment-là, la plupart des tentatives de contrôle des armes ont été au moins en partie motivées par le désir de la classe dirigeante de désarmer ses potentiels adversaires, dont le plus important est la classe des travailleurs. C’est ainsi que la Loi Mulford, votée en Californie en 1967 et dont l’objet était d’interdire le port en public d’une arme à feu chargée, était une réponse directe à l’émergence des Panthères noires. La Loi fédérale de 1968 sur le contrôle des armes était elle aussi en partie motivée par la crainte de voir la population noire prendre les armes, surtout après les troubles de 1967.

    Les marxistes se sont toujours opposés à ces tentatives de la classe capitaliste de s’assurer le monopole des armes et de la violence. Nous nous opposons à l’idée selon laquelle l’État seul devrait être armé, en tant qu’arbitre « neutre » entre les classes. En effet, toute l’expérience historique montre encore et encore que les forces armées au service de l’État ne sont pas neutres, mais servent uniquement les intérêts de la classe dirigeante.

    La police, toujours au service du peuple. Ou pas. Comment le débat sur le port d’arme a changé de nature

    Pendant la plus grande partie du 20e siècle, les mesures visant à contrôler les armes au niveau fédéral avaient le soutien des Démocrates comme des Républicains. Mais après la défaite de l’aile radicale du mouvement des droits civiques, l’effondrement du stalinisme, l’affaiblissement drastique du mouvement ouvrier et de toute véritable menace interne au règne du capitalisme étasunien, la classe dirigeante a commencé à se désintéresser de l’idée de désarmer ses adversaires potentiels.

    On a pu voir ce revirement dès la présidence de Ronald Reagan (au pouvoir de 1981 à 1989), avec le développement de la « Nouvelle Droite », pour qui toute restriction au « droit de porter une arme » était une atteinte au Deuxième Amendement. Cela faisait partie d’une évolution plus générale du Parti républicain, qui amorçait alors son tournant vers une approche plus populiste et plus orientée vers la religion.

    L’enjeu du port d’arme s’est retrouvé lié au populisme de droite et aux discours de « lutte contre la criminalité » avec des arguments au racisme à peine voilé pour mobiliser certaines couches de la classe des travailleurs et de la classe moyenne blanches. L’objectif des Républicains ce faisant était de se doter d’une base électorale et politique plus large pour pouvoir en même temps rendre plus acceptable leur programme capitaliste néolibéral dont le caractère se faisait de plus en plus agressif.

    La NRA a vu ses pouvoirs s’accroitre. Malgré quelques déconvenues comme l’interdiction de la vente de fusils d’assaut entre 1994 et 2004, son influence a continué à s’accroitre. Aux niveaux local et régional, elle a connu toute une série de petites victoires en vue de la suppression des restrictions au « droit » de porter des armes dissimulées. Ainsi, selon David Frum du journal L’Atlantique, « Depuis la tuerie de Newtown, une vingtaine d’États ont étendu le droit de porter des armes à des lieux où elles étaient jusque là interdites : bars, églises, écoles, universités, etc. » Même si nous ne sommes pas d’avis que ce que les Pères fondateurs avaient à l’esprit lorsqu’ils ont rédigé la Déclaration des droits en 1789 représente forcément un argument encore à l’heure actuelle, il nous semble toutefois intéressant de souligner que ces mêmes Pères fondateurs n’auraient jamais autorisé le port d’armes dissimulées dans des bars !

    D’où la NRA tire-t-elle donc son importance, quels sont les facteurs à l’origine de cette campagne contre les mesures de contrôle sur les armes à feu ?

    Tout d’abord, il est évident que la NRA dispose de moyens conséquents. Il s’agit en effet du syndicat d’une industrie incroyablement profitable, dont les ventes en 2012 ont été estimées par le Washington Post à 12 milliards de dollars (6000 milliards de FCFA), avec près d’un milliard de dollars de profits (500 milliards de FCFA). En 2015, ces ventes s’étaient élevées à 13,5 milliards de dollars, tandis que les profits connaissaient une hausse de 50 %, à 1,5 milliard de dollars. À la suite de la tuerie de Newtown, il a été révélé que Cerberus Capital, une des plus importantes sociétés d’investissement de Wall Street, détenait le Groupe « Liberté », qui est le fabricant du fusil utilisé par le tueur lors de ce massacre, le fusil d’assaut Bushmaster 15 (« Maitre de la brousse »). Les fabricants ne sont pas les seuls à se faire beaucoup d’argent grâce à la vente des armes : le plus grand revendeur d’armes à feu et de munitions aux États-Unis aujourd’hui n’est autre que la chaine de supermarchés Walmart !

    Mais la NRA est aussi poussée par une idéologie libertaire de droite qui promeut une version d’individualisme particulièrement réactionnaire. Ce point de vue se combine avec le mythe selon lequel sans un héros, un citoyen armé (et à peau blanche bien entendu), la Constitution risque à tout moment d’être renversée pour être remplacée par une tyrannie.

    Certes, il est vrai que l’État a connu un énorme accroissement de ses pouvoirs au cours des dernières années, justifiant le renforcement de son arsenal sécuritaire d’abord par sa soi-disant « guerre contre la drogue », puis par sa soi-disant « guerre contre le terrorisme », violant au passage les clauses du Quatrième Amendement de la Constitution destinées à protéger le citoyen contre toute « fouille ou confiscation déraisonnable ». Ce n’est pas un hasard si les ventes d’armes sont devenues encore plus importantes depuis qu’Obama a pris le pouvoir en 2008, et se sont encore élevées après que le même Obama, suite à la tuerie de Newtown, ait annoncé vouloir faire du contrôle des armes une priorité.

    Comme nous l’avons fait remarquer, si le score obtenu par Obama pour sa réélection en 2012 restait élevé, il ne pouvait être considéré comme remarquable. Parmi les électeurs du Parti républicain, une grande partie a été influencée par les fantasmagories de l’extrême-droite, notamment par l’idée selon laquelle Obama serait une sorte de tyran pro-musulman communiste et anti-américain. Il semble que les milices de droite et autres groupes d’extrême-droite connaissent une croissance depuis 2008, même si aucun de ces groupes ne dispose encore d’une audience de masse. Le Tea Party a beaucoup joué dans cette évolution, même si lui-même a subi un revers à partir de 2011.

    En réalité, la NRA est elle-même une des plus grandes organisations de droite dans le pays, disposant d’une base de masse : en 2010, elle affirmait avoir 4,3 millions de membres, 5 millions en 2017. Elle sert aujourd’hui à promouvoir les intérêts de l’industrie de l’armement et à mobiliser pour le « droit à porter une arme », cet enjeu étant, tout comme l’immigration et le droit à l’avortement, un de ceux que la classe dirigeante utilise afin de diviser la population et de rallier à sa cause une section de la population à son programme antisocial.

    Mais il nous faut être conscients que si de nos jours la NRA et ses soutiens se contentent de promouvoir le droit à porter des armes pour des individus sans véritablement encourager la formation de milices, dans un futur proche, une importante partie de sa base fortement armée et entrainée pourrait facilement être transformée en une force ouvertement contrerévolutionnaire destinée à terroriser les militants de gauche, les travailleurs en lutte, les personnes de couleur, les immigrés, les personnes homosexuelles, etc. en tant que force paramilitaire au service de l’État capitaliste.

    La violence armée aux États-Unis aujourd’hui

    Il nous faut également nous pencher sur les caractéristiques et causes particulières du niveau extrêmement élevé de violence armée dans la société étasunienne.

    On estime à pas moins de 300 millions le nombre d’armes à feu détenues aux États-Unis par des citoyens qui en sont les propriétaires légaux. En 2004, il y a eu dans ce même pays un taux de 5,5 homicides pour 100.000 habitants, un nombre trois fois plus élevé qu’au Canada (1,9 homicides par 100.000 habitants par an) ou six fois plus élevé qu’en Allemagne. Pour ne citer que l’association Occuper la NRA, une branche du mouvement Occuper Wall Street, « Les États-Unis représentent à peine 5 % de la population mondiale, mais détiennent la moitié de l’ensemble des armes à feu en circulation dans le monde, et comptent à eux seuls pour 80 % des décès par balles des 23 pays les plus riches du monde ».

    Il faut cependant reconnaître que le taux d’homicides a fortement diminué depuis les années 1990. En 2009, le taux d’homicides était à son niveau le plus bas depuis 1964, la moitié de son niveau des années 1980. Même si nous pouvons nous féliciter de cela, le nombre de morts violentes reste ahurissant : 13.000 tués par balles pour la seule année 2015, sans compter toutes les autres personnes assassinées au couteau, etc. Au Japon, le nombre de personnes tuées par balles la même année était de 1.

    Le taux d’homicides a pratiquement doublé de 1965 à 1980. À 1980, il était de 10,2 personnes tuées par 100.000 habitants, avant de diminuer à 7,9 tués par 100.000 habitants en 1984. Il est de nouveau monté dans les années 1991, avec un pic à 9,8 tués par 100.000 habitants en 1991. De 1992 à 2000, le nombre d’homicides avait fortement diminué, mais il est de nouveau en hausse partout dans le pays et ce, de façon particulièrement dramatique dans certaines villes telles que Chicago. Et bien que les taux d’homicides soient aujourd’hui revenus à leur niveau des années 1960, le taux de criminalité violente (qui fait intervenir un grand nombre d’armes) reste à un niveau bien plus élevé que ce qu’il était il y a 50 ans.

    Si l’attention des médias se focalise principalement sur des tueries comme celle de l’université Virginia Tech à Aurora, la violence armée reste essentiellement concentrée dans les quartiers pauvres des grandes villes, où la plupart des victimes sont des personnes de couleur et pauvres. L’exemple le plus extrême est sans doute celui de la Nouvelle-Orléans (Sud), où le taux d’homicides en 2004 était de 52 personnes tuées pour 100.000 habitants, soit dix fois la moyenne nationale.

    La ville de Chicago a récemment connu une forte hausse de la violence armée. Mais, comme l’a fait remarquer le New York Times, sur plus de 500 personnes tuées en 2012 à Chicago, plus de 400 l’ont été dans seulement la moitié des 23 arrondissements de police de la ville, soit les quartiers Sud et Ouest de la ville.

    Les personnes qui s’opposent au contrôle des armes affirment que la forte baisse du taux d’homicides démontre que le taux de violence n’est pas lié au nombre d’armes en circulation ni à la sévérité des réglementations. D’un autre côté, des partisans du contrôle des armes comme l’ancien maire de New York, M. Mike Bloomberg, affirment quant à eux que si le nombre d’homicides dans sa ville a atteint son point le plus bas en 50 ans (334 personnes tuées à New York en 2016, contre 2245 en 1989), cela démontre plutôt l’efficacité d’une force de police devenue beaucoup plus agressive et des mesures prises pour interdire le port d’arme dans les lieux publics.

    En réalité, le contrôle des armes est bien plus strict dans la plupart des grands centres villes qu’il ne l’est dans les banlieues et les zones rurales. D’autre part, si la présence policière massive dans les quartiers pauvres a certainement eu un effet, cela s’est fait aux dépens de la population, contrainte de vivre dans des mini-États policiers où la police oppresse systématiquement les jeunes hommes, en parallèle à la construction à l’échelle nationale d’un véritable « archipel du goulag » à l’américaine.

    Mais il y a clairement d’autres raisons pour la baisse du taux d’homicide, dont la fin de l’épidémie de crack des années 1980. Un facteur plus récent a été l’amélioration de la médecine d’urgence, qui a grandement amélioré les chances de survie des personnes blessées par balles. À ce propos, nous aimerions citer en long et en large un article du Wall Street Journal en date du 8 décembre 2012, qui démontre bien ce point essentiel : l’épidémie de violence est en réalité toujours aussi endémique dans la société états-unienne : « Le nombre d’homicides aux États-Unis diminue depuis vingt ans, mais le pays est toujours aussi violent.”

    Les criminologues qui attribuent la baisse du nombre de meurtres au fait que la police serait plus efficace et la population vieillissante pour dépeindre l’image d’une nation de plus en plus calme oublient souvent cette simple donnée : le nombre de personnes traitées dans les hôpitaux pour blessures par balles s’est accru de 50 % entre 2001 et 2011. Si les importants progrès qu’a connu la médecine ces dernières années n’explique sans doute pas à lui seul la baisse du taux d’homicides, tous les experts s’accordent à dire qu’ils jouent néanmoins un rôle très important.

    Les médecins urgentistes chargés de soigner les personnes ayant subi des attaques par balles ou au couteau disent que de plus en plus de gens survivent aujourd’hui à leurs blessures en raison de la création de nombreux nouveaux centres hospitaliers de traumatologie spécialisés dans le traitement des blessures graves, du recours de plus en plus fréquent à des hélicoptères pour amener les patients à l’ho?pital, d’une meilleure formation des secouristes, ainsi que de l’expérience acquise sur les champs de bataille d’Iraq et d’Afghanistan ».

    En gros donc, le nombre de blessés par balles continue à augmenter, mais les gens meurent moins facilement de leurs blessures qu’avant. Et la violence est toujours aussi omniprésente.

    Pourquoi la société étasunienne est-elle si violente ?

    Il est impossible de mettre en évidence un seul facteur qui expliquerait à lui seul le niveau particulièrement élevé de la violence aux États-Unis. Il est clair que le fait que les États-Unis sont le pays le plus inégalitaire de tous les pays capitalistes « développés » doit jouer un rôle majeur. Rappelons au passage que les États-Unis ont un taux de pauvreté plus élevé (17 % en 2002) que les 22 autres pays développés membres de l’OCDE. Le taux d’inégalité contribue en effet directement au sentiment d’aliénation ressenti par la masse de la population. Mais les énormes inégalités des États-Unis sont aussi la conséquence des conditions spécifiques du développement du capitalisme étasunien.

    Remarquons d’abord que la société états-unienne a été plongée dans la violence dès sa naissance. Historiquement, les États-Unis ont été un pays de pionniers, où la campagne sanglante destinée à arracher leurs terres aux peuples autochtones et qui a duré jusqu’à la fin du 19e siècle a impliqué l’armement d’une grande partie de la population.

    Plus important encore, il y a l’héritage de l’esclavage et la répression violente permanente des communautés afro-américaines, qui perdure encore aujourd’hui. La « guerre contre la drogue » des années 1970 n’était qu’une tentative de plus de criminaliser et d’opprimer la jeunesse noire, considérée par l’État comme la couche la plus radicale de la société, tout en constituant une stratégie électorale et politique pour entretenir le racisme malgré la fin officielle de la ségrégation légale, à la même époque.

    C’est ainsi que les États-Unis sont un des pays qui comptent le plus de prisonniers au monde, ce qui est en soi également une importante source de violence, quand des centaines de milliers de consommateurs ou trafiquants de drogues inoffensifs intègrent le monde extrêmement violent de la prison pour un certain nombre d’années, avant d’en ressortir en voyant leurs droits de citoyen fortement diminués et encore plus socialement aliénés qu’ils ne l’étaient avant d’arriver en prison.

    Dans certaines localités qui comptent parmi les plus déprimées des États-Unis, on voit une combinaison toxique formée d’une pauvreté systématique, d’une aliénation de masse et d’une féroce répression étatique. La violence en est la conséquence inévitable. Le fait qu’il soit si facile de se procurer une arme contribue-t-il à cette violence ? Cela ne fait aucun doute, mais il ne s’agit pas de la cause fondamentale.

    Et même si des petites villes plus aisées comme Newtown connaissent une dynamique sociale fort différente, il reste indéniable que l’anxiété causée par l’incertitude économique et l’aliénation sociale généralisée est omniprésente dans la société états-unienne. Et il semble bien que l’aliénation est encore pire pour les jeunes qui grandissent dans des banlieues résidentielles de villas individuelles qui ne comptent aucun espace de rencontre, parc public, etc. C’est ainsi qu’un auteur d’une étude sur les « fusillades sauvages » aux États-Unis faisait remarquer que « depuis 1970, on n’a connu dans tout le pays qu’un seul cas de fusillade sauvage dans une école située dans un centre-ville » (The Nation, 19 décembre 2012).

    Il faut également ajouter la forte déficience de notre système de santé mentale, conséquence inévitable d’un système de soins de santé où tout est laissé au profit tandis que les budgets des services sociaux et des hôpitaux publics sont systématiquement rabotés. Ces facteurs ne font qu’allonger la série des massacres.

    L’impérialisme états-unien propage de manière très enthousiaste une violence de masse partout dans le monde par ses interventions armées, ce qui contribue aussi directement à la violence aux États-Unis eux-mêmes. Cette politique guerrière, justifiée par la soi-disant « guerre contre le terrorisme », a directement contribué à la gigantesque expansion de l’appareil d’État. Obama et les autres politiciens capitalistes ont beau appeler à « mettre fin à la violence » aux États-Unis, cela ne les empêche curieusement pas d’envoyer des drones bombarder le monde entier, de commettre des assassinats politiques à gauche à droite et de militariser la police partout dans le pays.

    Mais il existe encore d’autres causes indirectes. Comme les marxistes aiment à le répéter, la production culturelle d’un pays tend inévitablement à refléter le point de vue et les valeurs de la classe dominante dans la société. Étant donné que la classe dirigeante a pour habitude de répondre par une violence systématique à toute menace ou ennemi qu’elle croit apercevoir de près ou de loin, nous ne devons pas être surpris de voir cette même tendance à la violence systématique se refléter dans les films, dans les jeux vidéo, et même dans la musique, où partout est idéalisé ce culte des armes et de la mort.

    L’état actuel du début sur le contrôle des armes – et notre position

    Après des années durant lesquelles les mesures de contrôle, surtout au niveau fédéral, étaient perçues par les libéraux comme impossibles à mettre en œuvre en raison de la puissance de la NRA, le débat est revenu à l’avant-plan à la suite de la tuerie de Newtown. C’est alors qu’Obama a décidé de faire de cet enjeu un des principaux points du programme de son second mandat, en même temps que la réforme de l’immigration, la réforme fiscale et le changement climatique.

    Dans les médias capitalistes, le débat sur le contrôle des armes est uniquement représenté par deux camps : d’un côté les principaux cadres du Parti démocrate, les maires des grandes villes et toute une section de la classe capitaliste qui a décidé qu’il est temps de mettre au pas la NRA ; de l’autre, les Républicains de droite, soutenus par la NRA et qui font tout pour résister à toute tentative de renforcer le contrôle sur les armes.

    Le point de départ de notre prise de position concernant cet enjeu est notre sympathie avec le désir de la plupart de nos concitoyens de voir un terme à toute cette violence, et notamment la fin des massacres. Nous rejetons totalement l’idée de la NRA selon laquelle la solution à des tueries comme celle de Newtown serait d’avoir un policier armé dans chaque école du pays, et rejetons encore plus l’idée mise en avant par certaines personnalités de droite, dont le président Trump, d’autoriser les enseignants à porter des armes en classe (le Dakota du Sud a déjà appliqué une loi en ce sens !). Leur argument est que « pour stopper les méchants armés, il faut armer les gentils ». Cela ne va faire qu’entrainer encore plus de violence dans la société, et non moins.

    Bien que nous soyons fermement convaincus du fait que les travailleurs, les minorités raciales et les opprimés doivent avoir le droit de se défendre contre la violence des patrons, de l’État et des groupes réactionnaires, nous estimons que le niveau actuel de violence par balles aux États-Unis représente en réalité aujourd’hui un véritable obstacle au développement de la lutte sociale. Tout en défendant notre position théorique d’ordre général sur l’État, et sans faire la moindre concession aux libéraux pour qui l’État est un « arbitre neutre », il nous faut examiner cette question de façon concrète, en tenant compte des conditions, du rapport de force et du niveau de conscience actuels.

    Peut-on de nos jours affirmer que la large circulation des armes à feu aux États-Unis est un facteur contribuant à renforcer la position de la classe des travailleurs  ? La réalité est que non. En fait, la plus grande libéralisation de l’accès aux armes de ces 30 dernières années a coïncidé avec une large offensive de la part de la classe dirigeante contre les droits démocratiques, avec le renforcement des pouvoirs répressifs de l’État. Les principales forces qui s’opposent au contrôle sur les armes sont aussi celles qui propagent une idéologie de droite sexiste, raciste et individualiste qui affaiblit la classe des travailleurs.

    De plus, c’est justement la menace posée par toute cette violence, que ce soit le risque quotidien de voir se déclencher une fusillade dans toute une série de localités ou le danger d’une attaque terroriste, qui donne à l’État le prétexte tout prêt pour renforcer ses pouvoirs répressifs. Cela ne veut cependant pas dire que nous devons nous aligner sur la position des libéraux qui prêchent le contrôle sur les armes et pour qui la circulation des armes est le problème fondamental alors qu’il n’en est qu’un facteur aggravant. Notre tâche est d’articuler une position prolétarienne indépendante.

    Nous rejetons l’argument de la NRA selon lequel les quelques mesures très limitées proposées par Obama pour restreindre la circulation des armes représentent une atteinte au Deuxième Amendement et au droit à porter une arme. Personne à l’heure actuelle n’a encore sérieusement proposé de tenter de désarmer la population, ne serait-ce qu’en partie. Les seules zones où on voit la police tenter de désarmer la population par la force sont les logements sociaux dans les centres-villes.

    Mais il ne suffit pas de s’opposer aux tentatives faites par la NRA pour encourager la paranoïa collective. Il nous faut aussi être clairs sur le fait qu’il existe bel et bien des raisons légitimes pour lesquelles les citoyens désirent porter une arme. Ainsi, dans les zones rurales, les armes sont couramment utilisées pour la chasse, pour combattre les prédateurs et pour les loisirs. Cela ne mène pas à des niveaux insensés de violence. De même, de nombreux habitants des villes et des banlieues désirent porter des armes pour leur protection personnelle. C’est surtout le cas dans les zones où la violence est endémique. Il ne faut par exemple pas être surpris si de nombreuses femmes cherchent à se procurer une arme pour pouvoir se défendre. En tant que socialistes, nous ne sommes pas des pacifistes ; nous ne nous opposons donc pas à ce que de simples citoyens possèdent une arme ou désirent en posséder une.

    La question que la plupart des gens se posent et à laquelle ils veulent une question dès aujourd’hui est en réalité celle-ci : « Comment diminuer toute cette violence ? ». Les bourgeois qui nous parlent de contrôle sur les armes n’ont en vrai aucune réponse sérieuse à apporter à cette question. Même si toutes les mesures proposées par l’administration Obama étaient votées au parlement, toute notre histoire indique que l’industrie de l’armement, un cartel extrêmement puissant, trouvera des manières de les contourner. C’est ce qui s’est passé après la soi-disant « interdiction » de la vente des armes d’assaut en 1994.

    L’autre raison fondamentale pour laquelle le camp bourgeois du contrôle sur les armes ne parvient pas à trouver une solution à la violence est que, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, la principale source de toute la violence dans notre société est le capitalisme lui-même, y compris l’État capitaliste.

    Des mesures qui seraient réellement destinées à faire baisser le taux de violence incluraient la fin de la « guerre contre la drogue », la décriminalisation de la plupart des drogues (il faut insister ici sur le fait que « décriminaliser » ne veut pas dire « autoriser » ; ce que nous entendons par là est que le problème de la drogue devrait être considéré avant tout comme un problème de santé publique et non comme quelque chose qu’il faut régler par la force), la libération des centaines de milliers de personnes condamnées à la prison pour faits de drogue alors qu’elles sont parfaitement inoffensives, et le démantèlement du système judiciaire criminel, raciste et hypertrophié en vigueur actuellement. Toutes ces mesures feraient beaucoup plus pour réduire le niveau de violence dans la société que toutes les mesures de contrôle sur les armes que l’on peut imaginer.

    Nous voulons aussi prendre des mesures sérieuses contre les énormes profits de l’industrie de l’armement en interdisant la vente d’armes par ces entreprises ou par le gouvernement aux régimes de droite du monde entier. Nous voulons aussi la fin des aventures militaires de l’impérialisme états-unien partout dans le monde et une réduction drastique du budget de l’armée et du Pentagone. Les ressources ainsi libérées pourraient être utilisées pour créer des emplois, améliorer le système d’enseignement et le système des soins de santé (y compris pour la santé mentale) et les services sociaux, ce qui contribuerait par la même occasion à réduire le taux de violence dans notre pays comme à l’étranger. Enfin, nous sommes pour l’annulation de la loi Patriote et autres lois qui autorisent l’État à espionner les citoyens et à recourir à une violence accrue à leur encontre, sans que cela ne contribue d’aucune manière à leur sécurité.

    Un simple programme de création massive d’emplois, un nouveau salaire minimum de 15 $ de l’heure (8000 FCFA) appliqué au niveau national et d’autres mesures sociales comme une véritable couverture maladie universelle et l’extension des soins de santé mentale peuvent être d’importantes mesures prises en vue d’obtenir une société moins violente et plus saine. Nous défendons toute mesure capable de réduire le taux d’inégalité dans la société états-unienne et destinée à démanteler le racisme institutionnel. Cependant, nous insistons sur le fait que nous ne pourrons jamais obtenir une société véritablement égalitaire et juste tant que nous ne sortons pas du cadre du capitalisme. Car même des réformes très modestes se retrouveront rapidement en contradiction avec les limites de ce système malade et putréfié.

    Une fois de plus, nous voulons insister sur le fait que ces mesures que nous proposons seraient bien plus efficaces pour réduire le niveau de violence que n’importe quelle mesure de « contrôle sur les armes », qui révèlera certainement son inefficacité. Toutefois, dans le contexte de notre mission qui est de renforcer la lutte des travailleurs pour leurs droits, nous acceptons de défendre certaines mesures de contrôle sur les armes telle que l’examen du vécu de la personne pour les ventes d’armes, l’interdiction de la vente d’armes de guerre semi-automatiques et la réduction de la taille des chargeurs en vente, dans la mesure où ces mesures pourraient contribuer à diminuer le taux de violence, ne serait-ce que de manière limitée.

    Nous avons cependant des réserves quant à la plupart des propositions d’examen du vécu. Par exemple, la proposition d’interdire l’achat d’une arme à toute personne ayant déjà été condamnée signifie dans la pratique exclure une importante portion de la classe des travailleurs noire – et les Blancs seraient à nouveau privilégiés pour l’obtention d’armes. Il faudrait dès lors au moins envisager la mise en place d’une procédure d’appel dans le cadre de cet examen du vécu.

    Une fois de plus, à aucun moment nous ne voulons dire que les nombreuses personnes détentrices d’une arme ou désireuses de s’en procurer une n’ont pas une raison légitime et bien fondée pour cela. Cependant, nous ne pensons pas que la situation actuelle soit dans les meilleurs intérêts de la classe des travailleurs. Ce n’est pas toutes les questions auxquelles on peut simplement répondre par « oui » ou par « non ». Notre position recèle des contradictions, nous le reconnaissons, mais nous pensons que cela n’est en définitive que le reflet de la vie sous le capitalisme, un système lui-même rempli de contradictions insurmontables, et que les contradictions de notre position ne sont rien par rapport à celles que nous impose et nous imposera ce système tant que nous vivrons selon ses lois.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop