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Tag: Marxisme
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Ecole d’été du CIO : comment construire les forces du marxisme révolutionnaire durant cette période de crise du capitalisme ?
Durant une pleine semaine, quelque 395 marxistes issus de pas moins de 31 pays différents se sont réunis en Belgique afin de tenir d’intenses discussions politiques et de partager les diverses expériences militantes qui ont pris place durant l’année écoulée. Cette école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) était la plus grande depuis des années, et les discussions y furent particulièrement instructives et formatives. Les points forts n’ont pas manqué au cours de toutes ces journées, mais le débat central fut sans aucun doute celui consacré aux tâches du mouvement ouvrier dans cette période de crise durable du capitalisme allant de paire avec une croissance des luttes et la possibilité de fondamentalement renverser ce système pourri.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière organise tous les ans une école d’été, depuis de nombreuses années déjà. Ces derniers temps, cet évènement a progressivement quitté son caractère exclusivement européen pour devenir un véritable évènement mondial. Ainsi, cette année, des représentants de 31 pays étaient présents (le Comité pour une Internationale Ouvrière est actif dans 44 pays), parmi lesquels divers militants du Sri Lanka, de Malaisie, du Nigeria, du Kazakhstan, du Liban, du Brésil, des Etats-Unis, du Québec, d’Australie, de Hong Kong, etc. Nous avons également accueilli deux représentants du Frontline Socialist Party du Sri Lanka, un nouveau parti large de gauche qui a récemment rompu avec son passé marqué par le nationalisme cinghalais et désire maintenant discuter et entretenir des relations avec d’autres forces de gauche.
Il est bien entendu impossible dans un rapport aussi court que celui-ci de livrer une idée précise de la teneur des discussions, nous ne pouvons qu’effleurer les principaux thèmes à avoir été abordés. Des rapports plus détaillés seront toutefois publiés sous peu sur ce site.
L’un des premiers éléments soulevés à cette école de formation a été le fait que la crise profonde du capitalisme se poursuit et se dirige même vers une nouvelle chute. En conséquence, peu à peu, les illusions basées sur l’idée que cette crise ne serait qu’un bref orage économique vont disparaître. En Europe, la crise s’approfondit tandis que la menace de la désintégration de la zone euro devient une discussion sans cesse plus ouverte, un évènement inévitable dans le cadre du système capitaliste. Aux Etats-Unis, la reprise est bien plus faible qu’initialement espéré et l’économie chinoise connaît également un essoufflement. Les capitalistes eux-mêmes ne savent plus où ils en sont et n’ont aucune solution sérieuse sur laquelle se baser pour répondre à la crise.
Le contexte international actuel est aussi puissamment marqué par le développement des luttes de masse, avec la vague révolutionnaire du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord suivie par des mouvements à la fois aux États-Unis (avec la bataille du Wisconsin, puis l’irruption fantastique du mouvement Occupy) et en Europe (notamment au travers de grèves générales historiques en Grèce et au Portugal). Le potentiel de ces mouvements a été illustré par la chute des dictateurs Ben Ali (en Tunisie) et Moubarak (en Egypte). La suite de ces évènements a cependant clairement indiqué qu’une vague révolutionnaire ne se développe pas de façon linéaire. Sans instruments politiques propres aux travailleurs et aux pauvres, l’espace laissé vacant peut être (temporairement) investi par d’autres forces. La rapide croissance du soutien à la coalition de la gauche radicale grecque Syriza exprime que les développements peuvent être soudains et que la question d’un gouvernement réellement de gauche et de la politique qui devrait être la sienne (y compris face à la question de la monnaie unique) se pose jusqu’au sein de l’Europe.
La situation grecque et les perspectives pour les luttes dans ce pays ont pris une place prépondérante durant l’école d’été, avec des discussions très instructives et enrichissantes concernant notamment les propositions et revendications les plus correctes à mettre en avant aujourd’hui pour renforcer le mouvement. Certains points méritent encore certainement d’être approfondis mais toute cette discussion sur le programme concret que devrait adopter un gouvernement des travailleurs au sein de l’Union Européenne est neuve et est une expression de la radicalisation à l’œuvre en Europe.
L’école d’été n’a pas comporté que des sessions de discussion en plénière sur la situation internationale et l’Europe, mais aussi tout un nombre de commissions sur des sujets variés. Des discussions en comités plus restreints ont ainsi pris place sur les luttes étudiantes au Québec, le développement de la lutte des classes aux USA, la situation au Nigeria, au Brésil, au Sri Lanka,… A chaque fois, l’idée était d’expliquer quelles leçons tirer de situations spécifiques pour la formation des militants marxistes. Des commissions plus pratiques ont également eu lieu, au sujet du rôle de nos publications, de la manière d’organiser nos sections,… A côté de cela, de l’espace a été laissé pour des commissions consacrées aux leçons à tirer de thèmes historiques pour les luttes d’aujourd’hui. Une commission a été consacrée au 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie et un camarade grec a parlé des traditions révolutionnaires de son pays. Nous publierons des rapports d’un grand nombre de ces commissions.
Il est clair que nos sections à travers le monde ont pu se renforcer dans la période écoulée et peuvent dorénavant jouer un plus grand rôle dans les luttes. Cette situation est source de grandes expériences et toute une série d’analyses portant sur notre compréhension de la situation objective actuelle et de nos tâches au sein de celle-ci peuvent être affinées. Dès lors, l’enthousiasme parmi les participants n’était pas surprenant. Cet enthousiasme s’est notamment traduit par un appel financier très réussi pour notre internationale et par l’intérêt porté sur le matériel politique des différentes sections.
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Les éditions Marxisme.be rééditent "Ma vie" de Trotsky
Après le livre de Gustave Dache consacré à la grève générale de 60-61 : ‘‘La grève générale révolutionnaire et insurrectionnelle de l’hiver 60-61’’, les éditions Marxisme.be publient une nouvelle édition de l’autobiographie du révolutionnaire russe Léon Trotsky, ‘‘Ma Vie’’. Voici ci-dessous la préface de cette édition.
Il vous est possible de commander ce livre via redaction@socialisme.be ou en téléphonant au n°02/345.61.81 (658 pages, 20 euros).
Par Nicolas Croes
”Le trotskisme n’est pas un nouveau mouvement, une nouvelle doctrine, mais la restauration, la renaissance du marxisme véritable tel qu’il a été exposé et appliqué au cours de la révolution russe et des premiers jours de l’Internationale communiste” James Cannon (1942)
Ce n’est aucunement un hasard si les éditions marxisme.be ont choisi de rééditer cette autobiographie en ce moment, en pleine crise du système capitaliste, au beau milieu d’effroyables turbulences économiques et sociales. A travers le monde, des millions de personnes sont brutalement envoyées rejoindre la masse de ceux pour qui l’avenir n’est qu’incertitudes. Jamais autant de richesses n’ont pourtant été disponibles sur cette terre. Les ressources nécessaires pour assurer à chacun une vie décente dans une société qui vise à l’épanouissement de tous sont bel et bien là, à portée de main, mais elles sont accaparées par une petite élite bien décidée à préserver ses privilèges, qu’importe le moyen. Cette avidité prédatrice gâche l’énergie créatrice de milliards de personnes par le chômage, la misère, un travail sans cesse plus aliénant et des conditions de vie en constantes dégradations partout sur le globe. Cette spirale négative ne semble pas pouvoir toucher de fond.
Toutefois, malgré cette immonde opulence et une concentration de richesses véritablement inouïe, le pessimisme règne en maître parmi les élites dirigeantes. Face à ce système dangereusement à la dérive, leur inébranlable confiance d’autrefois est devenue anxiété. Aucune solution au sein de ce système ne semble capable de restaurer la croissance économique d’antan et de surmonter les contradictions internes du capitalisme, de plus en plus explosives. Voilà le contexte dans lequel l’establishment capitaliste a assisté, avec un effroi gigantesque, au grand retour des révolutions et des luttes de masse, particulièrement à partir de l’année 2011.
Pour toutes les élites, la chute de Ben Ali en Tunisie et celle de Moubarak en Egypte a constitué un effrayant avertissement, renforcé par les luttes de masse qui se sont développées bien au-delà de la région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord par la suite. Malgré le frein constitué par des directions syndicales gagnées à la logique du ‘‘libre’’ marché, le chemin de la lutte s’est imposé aux masses en balayant du même coup toutes les thèses portant sur la fin de l’ère des révolutions. Que sont maintenant devenus ces contes qui qualifiaient de dépassé le rôle des syndicats, l’avenir appartenant aux ONG ? Ils se sont évanouis face à la spectaculaire réapparition du vieux spectre de la lutte des classes. Quant à cette jeunesse considérée comme égoïste et ‘‘matérialiste’’, elle a su donner une idée de l’étendue de la solidarité et de la détermination dont elle est capable au travers, notamment, du mouvement des Indignés et Occupy Wall Street ou encore en s’impliquant activement dans l’organisation des grèves générales qui ont commencé à secouer tous les continents.
Cette véritable guerre de classe a bien entendu son prolongement sur le terrain idéologique. Les élites capitalistes peuvent encore bien s’accommoder de changements au sommet du système, comme en Tunisie et en Egypte, pour autant que le système économique actuel soit préservé. Il leur est primordial de défendre l’idée que ce système reste le seul viable malgré les problèmes qu’il rencontre et suscite. Toute idée d’une alternative face au capitalisme nécessite donc d’être combattue pour finir réduite à néant ou au moins suffisamment déformée et caricaturée.
C’est dans cette optique que se déroule une lutte qui a pour champ de bataille le passé et l’héritage des luttes du mouvement des travailleurs. Ainsi présente-t-on le plus souvent la sanglante caricature de socialisme qu’est le stalinisme comme découlant directement du marxisme, ou en tout cas du bolchévisme. Ce mythe qui associe étroitement l’image de Lénine à celle de Staline réduit Trotsky au niveau d’un simple apprenti dictateur, un triste personnage jaloux d’avoir perdu une lutte personnelle pour succéder à Lénine. Cette fable s’effondre cependant très facilement à l’étude des faits historiques, et c’est pourquoi il importe pour les partisans du capitalisme – débridés ou ‘‘domestiqués’’ – de les passer sous silence ou de les déformer. La présente autobiographie de Trotsky est donc avant tout à considérer comme une des armes destinée à restaurer la vérité.
C’est comme cela que nous la voyons aujourd’hui, et il n’en a d’ailleurs jamais été autrement. A l’époque de sa rédaction, elle avait déjà pour tâche d’être une arme forgée contre Staline, contre la contre-révolution bureaucratique et sa monstrueuse machine de falsification. La bureaucratie soviétique, pour assoir son pouvoir usurpé aux masses, avait besoin de se présenter comme l’héritière de la Révolution d’Octobre. Des moyens colossaux ont donc été dégagés pour réduire au silence la moindre voix dissonante, sous le flot de la propagande et par les armes, à coups de purges et de meurtres de masse. Trotsky lui-même en fut victime en 1940, tout comme une bonne partie de ses meilleurs collaborateurs. Mais ses idées et ses analyses, elles, sont toujours vivantes aujourd’hui.
A l’époque tout comme aujourd’hui, la crainte de voir la recherche d’une alternative s’orienter vers le marxisme révolutionnaire a constitué la principale motivation de nombreux textes consacrés à Trotsky. Bien peu de personnages à travers l’histoire ont été sujet d’autant de calomnies et de mensonges. Durant des décennies, le mouvement des travailleurs a été inondé de textes sur Trotsky écrits sous la direction des dirigeants de Moscou. La plupart sont maintenant introuvables, sauf dans la poussière des étagères des bouquinistes, et c’est heureux, mais s’ils restent pour les historiens d’importants témoignages sur la falsification. Maintenant que le stalinisme et la protection qu’il représentait se sont effondrés en Russie, s’y référer autrement équivaut à se couvrir de ridicule pour un chercheur.
Récemment pourtant, l’écrivain britannique Robert Service a publié une biographie de Trotsky dont les nombreuses contradictions sont basées sur les mensonges précédemment propagés par le stalinisme. Mais cette publication là non plus n’est aucunement un hasard, elle a un objectif bien précis. Le lecteur qui découvre Trotsky aujourd’hui peut être surpris de constater qu’un homme décédé il y a plus de 70 ans continue de déchaîner les passions à ce point. Il en comprendra toutefois aisément les raisons à la lecture des pages qui suivent. La théorie de la ‘‘révolution permanente’’ de Trotsky, par exemple, garde toute sa pertinence au regard du processus révolutionnaire à l’œuvre au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Du fond du XXe siècle, elle clame qu’une seconde révolution est nécessaire pour réellement concrétiser les aspirations démocratiques des masses en renversant le régime capitaliste. Les lignes de Trotsky consacrées à la révolution russe semblent constituer un manuel offert aux révolutionnaires des places Tahrir et à l’encre à peine sèche.
‘‘Ma Vie’’ est le premier livre de Trotsky écrit en exil, suite à son expulsion hors d’Union Soviétique. De ce fait, une bonne partie de son travail politique n’est pas abordée, il manque encore une bonne décennie d’activités politiques. Durant ces années-là, Trotsky a fait l’expérience d’une ‘‘planète sans visa’’, selon ses propres termes, un monde où les divers gouvernements refusaient les un après les autres d’accueillir le grand révolutionnaire jusqu’à ce que le Mexique lui ouvre ses portes en 1936. C’est là qu’il sera assassiné en 1940 par le stalinien Ramon Mercader.
Ces années sont pourtant cruciales dans l’apport théorique et pratique de Trotsky au marxisme, et nous encourageons le lecteur à s’y intéresser. Toute cette période est marquée par la lutte contre le fascisme et l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 et l’approche de Trotsky à ce sujet reste une précieuse contribution pour la lutte contre l’extrême-droite au 21 siècle. Les années ’30, c’est encore la révolution espagnole, les grandes grèves de 1936 en France, la fondation de la Quatrième Internationale, le Pacte Hitler-Staline et l’arrivée de la seconde guerre mondiale. Ce sont aussi les années qui ont suivi le grand crash de 1929 et au cours desquelles Trotsky a observé avant bien d’autres la montée des Etats-Unis. Sur tous ces thèmes et bien d’autres, les analyses de Trotsky restent marquantes et profondément ancrées dans les questions que se posent tous ceux qui veulent changer le monde.
Durant tout ce temps aussi, la vie de Trotsky était en sursis, et il le savait fort bien. Pour la bureaucratie soviétique, et Staline à sa tête, noyer dans le sang la vieille garde bolchévique était une priorité absolue. Les années ’30 sont en Russie des années de répression féroce qui voient les témoins de la Révolution d’Octobre et les défenseurs des principes du marxisme authentique groupés dans l’opposition de gauche traqués, expulsés du parti, exilés en Sibérie, puis enfin exécutés ou laissés à pourrir dans les camps de travail. Le plus vieil et redoutable adversaire du ‘‘chacal du Kremlin’’ (comme l’appelait Trotsky lui-même) était cependant toujours vivant, libre de parler et de poursuivre son effort porté à la fois contre le capitalisme et la caste bureaucratique à la tête de l’Union Soviétique.
A l’approche de la seconde guerre mondiale, alors que Trotsky était plongé dans la rédaction d’une monumentale biographie de Staline qui devait rester inachevée, l’impératif de supprimer le dernier à porter encore sur ses épaules le véritable héritage de la révolution russe et son expérience devint des plus pressant. Cette triste tâche fut accomplie le 21 août 1941 par un agent du Kremlin infiltré parmi les proches de Trotsky. En récompense de ce meurtre politique, il sera fait Héros de l’Union Soviétique et chevalier de l’Ordre de Lénine à sa libération au début des années ‘60.
A travers ‘‘Ma Vie’’, le lecteur découvrira un Trotsky vivant la révolution non pas à travers une liste de dogmes, comme l’image en a été propagée par les staliniens et les sociaux-démocrates, mais à l’aide d’une grille d’analyse marxiste destinée à décrypter les évènements neufs sur base des leçons des anciens pour en anticiper les conséquences et ainsi pouvoir adapter le travail des révolutionnaires. Nombreux seront ceux qui s’étonneront de découvrir un personnage ne cherchant ni à dissimuler ses mésestimations passées ni à les justifier mais qui, au contraire, veut faire partager toute son expérience, y compris celle acquise au cours de ce qu’il a par la suite considéré comme des erreurs.
Ainsi, Trotsky n’a formellement rejoint les bolchéviques qu’en juillet 1917, et n’a donc que tardivement rejoint Lénine sur la conception du parti révolutionnaire, ce dernier rejoignant Trotsky sur la conception des tâches de la révolution socialiste. Par la suite, il a systématiquement défendu avec acharnement la conception léniniste du parti révolutionnaire alors que certains le pressaient de s’en distinguer au même titre que du stalinisme.
En préface à son Histoire de la révolution russe, dont nous conseillons vigoureusement la lecture, Trotsky a notamment écrit : ‘‘Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatiliserait comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. Cependant le mouvement ne vient pas du cylindre ni du piston mais de la vapeur.’’ C’est cette tâche qui est la plus urgente actuellement, celle de construire le meilleur piston pour canaliser l’extraordinaire énergie des masses en lutte contre le capitalisme.
A ce titre, nous invitons le lecteur à tirer les leçons que Trotsky a lui-même tirées de son expérience militante et à non seulement chercher à approfondir sa compréhension de ce que le marxisme révolutionnaire signifie aujourd’hui, mais aussi et surtout à considérer de participer à la construction de ce ‘‘piston’’.
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Il y a certaines choses que l’on ne vous dit pas sur le capitalisme…
Alors que la crainte d’une nouvelle récession se fait sans cesse plus préoccupante, politiciens et économistes ne parlent plus que de ‘‘stabilisation’’, de retour à la ‘‘normale’’ pré-2008 (on ne parle même plus des ‘‘30 glorieuses’’ d’après guerre). Face à cet avenir incertain, de plus en plus nombreux sont ceux qui, effrayés, détournent le regard du caractère profond de l’actuelle crise systémique pour lorgner sur un passé, proche ou plus lointain, où tout semblait aller pour le mieux.
Par Nicolas Croes
Ce dossier est basé sur la critique de Lynn Walsh du livre ‘’23 choses que l’on ne vous dit pas sur le capitalisme’’ parue dans ‘‘Socialism Today’’, revue de nos camarades britanniques.
En fait, même selon ses propres critères, le capitalisme est un échec. Au cours de ces trente dernières années, l’influence grandissante du néolibéralisme a entraîné de moindres performances économiques partout à travers le monde. Les ingrédients de base de cette recette pro-riches étaient la dérégulation des marchés (particulièrement du secteur financier), la dégradation progressive de l’intervention de l’Etat dans l’économie (privatisations, libéralisations,…), une réduction massive de l’imposition des entreprises et des riches et, enfin, un assaut organisé contre les travailleurs et les droits syndicaux. Toutes ces mesures puisaient leur justification dans l’idée que les ressources seraient mieux gérées ainsi et que la richesse finirait par ‘‘ruisseler’’ du haut vers le bas, conduisant à une plus grande prospérité pour tous.
Des riches plus riches, des pauvres plus pauvres
Le principal succès remporté par le néolibéralisme est d’avoir augmenté les profits, les revenus et la fortune des capitalistes. Entre 1979 et 2006, le pourcent le plus riche des Etats-Unis a doublé sa part de possessions dans le revenu national (de 10% à 22,9%). Le 0,1% situé tout au sommet a même réussi à plus de tripler ses avoirs, en passant de 3,5% en 1979 à 11,6% en 2006. Selon l’hypothèse néolibérale, une croissance économique plus rapide devait également faire partie du processus. Sauf que, selon les données de la Banque Mondiale, l’économie mondiale a connu une croissance annuelle moyenne de 3% durant les années ‘60 et ‘70, pour une moyenne de 1,4% entre 1980 et 2009.
Alors que les revenus des actionnaires ont connu une véritable explosion, ceux des travailleurs et de la classe moyenne n’ont goûté qu’à la stagnation. De 1980 à aujourd’hui, les revenus des dirigeants d’entreprises (salaires, stock options,…) sont passés d’un rapport de 30 à 40 fois le revenu moyen d’un travailleur à… 300 à 400 fois l’équivalent du salaire d’un travailleur de base! Parallèlement, le plein emploi s’est évanoui au profit d’un chômage de masse tandis que se généralisaient les emplois précaires et sans protection syndicale. Cette stagnation des revenus des travailleurs a miné la demande en biens et services, jusqu’au moment ou cette chute des revenus a été compensée par le développement des dettes et emprunts, afin de doper la consommation.
De fait, il était possible de prêter de gigantesques masses d’argent, comme les investisseurs se tournaient de plus en plus vers un secteur financier au développement colossal puisque les investissements dans de nouveaux moyens de productions ne garantissent plus un taux de profit suffisant à leurs yeux. Le développement des nouvelles technologies et de la productivité était graduellement devenu un sérieux problème, en mettant sous pression le taux de profit et en poussant à économiser sur les salaires des travailleurs, qui de ce fait étaient constamment moins aptes à écouler la production. Le secteur financier s’est donc senti progressivement moins concerné par les perspectives à long terme de la production.
La formidable augmentation des profits du secteur financier n’a pas entraîné de similaire croissance de l’économie, ni de la productivité, et encore moins du niveau de vie de la majorité de la population. Et, malgré le développement de tout un tas de dérivés financiers visant à minimiser les risques, l’instabilité économique s’est accrue, avec toute une série de crashs financiers majeurs de la crise asiatique de 1997 jusqu’au point culminant de la crise survenue en 2008.
There Is No Alternative
Avec la dégradation de la situation économique d’après-guerre, l’idéologie et les politiques keynésiennes (intervention de l’État, dépenses sociales élevées et tentatives relatives de contrôle de l’économie nationale) ne correspondaient plus à la période. Elles ont donc peu à peu fait place au monétarisme de Milton Friedman et de ‘‘l’École de Chicago’’ (notamment célèbre pour avoir utilisé le Chili de Pinochet comme véritable laboratoire du néolibéralisme). Leur politique était basée sur la ‘‘main invisible’’, théorie selon laquelle le marché était capable de s’autoréguler, idée de plus en plus présentée comme une évidence quasi-scientifique. Et, même si ça ne fonctionnait pas parfaitement, il n’y avait pas d’alternative (‘’There Is No Alternative’’, Tina). Suite à la crise financière de 2008, Alan Greespan, à la tête de la Federal Reserve (la Banque centrale américaine), a dû confesser que cette idée était fausse et qu’il avait eu bien tort d’y croire.
A partir des années ’80 et de la contre-révolution de Thatcher (en Grande-Bretagne) et de Reagan (aux USA), les académiciens monétaristes du type de Friedman, auparavant considérés comme une petite clique d’économistes de droite, ont fourni le soutien intellectuel nécessaire au développement de ces politiques, faites pour s’adapter aux nouvelles conditions matérielles de la société afin de vigoureusement redéfinir les rapports entre travail et capital (à la faveur de ce dernier). Cet armement idéologique a considérablement été renforcé par l’effondrement du stalinisme. En l’absence de toute alternative idéologique de la part des dirigeants des partis ouvriers traditionnels, les idées néolibérales se sont diffusées dans de plus larges franges de l’opinion publique.
Comment coordonner l’économie ?
La contradiction fondamentale du capitalisme est que le processus de production est socialisé alors que la propriété des moyens de production est privée. La production capitaliste actuelle requiert un haut degré d’organisation sociale, mais les lois de la propriété privée des moyens de production et de la concurrence empêchent toute planification et entraîne une production anarchique se traduisant par des crises périodiques. Il est crucial et urgent de coordonner l’économie, de voir comment produire ce qui est exactement nécessaire à la collectivité, et de façon beaucoup plus efficace.
La division du travail entre les diverses entreprises s’est très fortement développée jusqu’à aujourd’hui, et les entreprises sont fort dépendantes les unes des autres. La nature sociale du processus de production s’est largement intensifiée. Aujourd’hui, entre un tiers et la moitié du commerce international concerne des transferts entre différentes unités au sein même des multinationales. D’autre part, les grandes entreprises ne peuvent poursuivre leur course aux profits à large échelle que grâce au soutien d’institutions publiques comme le système légal, l’enseignement et la formation des travailleurs, les subsides publics pour la recherche et le développement,… Toutes choses connaissant un degré de planification assez élaboré, mais hélas en restant dans le cadre de la course aux profits et de la concurrence inscrite au plus profond du système capitaliste.
Les secteurs clés de l’économie doivent être nationalisés et placés dans les mains de la collectivité pour procéder à une coordination des diverses unités de production, basée sur la satisfaction des besoins de la majorité de la population, dans le respect de notre environnement. Toutes les petites entreprises ne seraient pas nécessairement nationalisées, mais intégrées dans le cadre global de la planification établie. Cette planification centrale n’est pas une utopie, comme l’ont démontré les différents Etats durant les deux guerres mondiales, qui ont massivement introduit des éléments de planification dans le cadre de l’effort de guerre.
Mais pour être soutenable à long terme, pour reprendre les termes du révolutionnaire Léon Trotsky, une économie planifiée a besoin de démocratie comme un corps a besoin d’oxygène. Nombreux sont ceux qui rejettent tout système de planification à la simple idée du cauchemar stalinien et des dictatures bureaucratiques copiées sur le modèle de l’Union Soviétique. Mais il faut bien considérer que la dégénérescence de l’URSS ne provient pas de la ‘’folie d’un homme’’ ou du ‘’lien naturel entre le communisme et le stalinisme’’, mais de conditions historiques très précises (l’isolement d’un pays économiquement et culturellement arriéré, avec une classe ouvrière très limitée et un gigantesque analphabétisme,…) qui ont permis l’émergence d’une bureaucratie contre-révolutionnaire.
Des comités démocratiquement élus, avec des représentants révocables à tout moment par leur base, peuvent élaborer un plan économique flexible, adapté et coordonné à tous niveaux (local, régional, national et international) et continuellement amélioré par l’implication active de comités de base, tant du point de vue de la production elle-même que de la distribution ou encore de la vérification de la qualité des produits. Une société basée sur ces comités de quartier, d’usine, d’école,… – une société socialiste démocratique – est la meilleure réponse qui soit contre la dictature des marchés et des spéculateurs.
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THEORIE : Quelle réponse face à la crise? Léon Trotsky à propos du plan De Man
Nous publions ici une critique écrite par le révolutionnaire Léon Trotsky concernant le plan du travail de Henri De Man, qui a concerné notre pays dans les années ’30. “Le plan De Man” visait à sortir l’industrie de la crise tout en restant dans le cadre du capitalisme. Les mesures de ce plan allaient assez loin, avec entre autres la proposition de nationaliser une grande partie de l’économie (et notamment le secteur du crédit) et avec une plus grande régulation des banques. Le plan De Man a disparu de la scène suite à la polarisation qui a précédé la Seconde Guerre Mondiale – De Man finissant même par rejoindre le camp de l’occupant – mais les questions qu’il soulevait restent d’actualité. En 1934, Trotsky avait écrit une lettre aux marxistes belges pour leur conseiller une approche face à ce plan.
Ce texte est tiré du site www.marxists.org
Camarades,
Inutile de vous dire que, ces derniers jours, j’ai étudié avec la plus grande attention les journaux, revues, procès-verbaux et lettre que vous avez envoyés [1]. Grâce à un excellent choix de matériel, j’ai pu en relativement peu de temps être informé sur l’ensemble de la question et sur l’essentiel des divergences qui se sont dans notre organisation. Le caractère strictement principiel de votre discussion, dénuée de toute outrance personnelle, donne l’impression la plus favorable quant à l’état d’esprit et son niveau moral et politique. Il me reste à souhaiter de tout cœur que cet état d’esprit soit non seulement préservé et renforcé dans la section belge, mais qu’il en arrive à prévaloir dans nos sections sans exception.
Les remarques que je souhaite faire sur la question en discussion elle-même ne peuvent prétendre être complètes. Je suis éloigné du théâtre de l’action. Des facteurs aussi importants que l’état d’esprit des masses ne peuvent être appréhendés à travers seulement des rapports de presse et des documents ; il faut prendre le pouls des réunions ouvrières, ce qui est, hélas, hors de ma portée. Cependant, dans la mesure où il s’agit de faire des suggestions sur le terrain des principes, la position d’un observateur de l’extérieur peut avoir peut-être certains avantages, puisqu’elle lui permet de se dégager des détails et de se concentrer sur l’essentiel.
Je dois en venir maintenant au sujet lui-même.
D’abord – et je considère que c’est la question centrale – je ne vois aucune raison pour que vous retiriez votre mot d’ordre « Le parti ouvrier belge au pouvoir ! » [2]. Quand nous avons pour la première fois lancé ce mot d’ordre, nous avions pleine conscience du caractère de la social-démocratie belge, qui ne veut pas se battre et ne sait pas se battre, et qui, pendant plusieurs décennies, a joué le rôle d’un frein de la bourgeoisie sur la locomotive prolétarienne, qui a peur du pouvoir en dehors d’une coalition, car elle a besoin d’alliés bourgeois pour pouvoir refuser les revendications des ouvriers.
Nous savons tout cela. Mais nous savons également que non seulement le régime capitaliste dans son ensemble, mais aussi son appareil parlementaire d’Etat, sont entrés dans une période de crise aiguë qui porte en elle la possibilité de modifications (relativement) rapides de l’état d’esprit des masses, comme celle d’une succession rapide de combinaisons parlementaires et gouvernementales. Si l’on prend en considération le fait que la social-démocratie belge, avec les syndicats réformistes, domine totalement le prolétariat, que la section belge du Comintern est tout à fait insignifiante [3] et l’aile révolutionnaire très faible, il devient clair que l’ensemble de la situation politique doit suggérer au prolétariat l’idée d’un gouvernement social-démocrate.
Nous avons auparavant estimé que la réalisation d’un tel gouvernement constituerait incontestablement un pas en avant. Non bien entendu dans le sens que le gouvernement des Vandervelde, De Man et compagnie serait capable de jouer quelque rôle positif que ce soit dans le remplacement du capitalisme par le socialisme, mais dans ce sens que, dans les conditions données, l’expérience d’un gouvernement social-démocrate serait d’une importance positive pour le développement révolutionnaire du prolétariat. Le mot d’ordre de gouvernement social-démocrate est ainsi calculé non pour quelque conjoncture exceptionnelle, mais pour une période politique plus ou moins longue. Nous ne pourrions abandonner ce mot d’ordre que si la social-démocratie – avant son arrivée au pouvoir – commençait à s’affaiblir considérablement, à perdre son influence au profit d’un parti révolutionnaire ; mais aujourd’hui, hélas, une telle perspective est purement théorique. Ni la situation politique générale, ni le rapport des forces à l’intérieur du prolétariat ne permettent de retirer le mot d’ordre du « pouvoir à la social-démocratie ».
Le plan de De Man, emphatiquement appelé le « Plan du Travail » (il serait plus juste de l’appeler « Plan pour abuser les travailleurs »), ne peut certainement pas nous conduire à abandonner le mot d’ordre politique central de cette période. Le « Plan du Travail » sera un instrument nouveau – ou rénové – du conservatisme bourgeois-démocratique (ou même semi-démocratique). Mais toute l’affaire réside en ce que l’extrême acuité de la situation, l’imminence des dangers qui menacent l’existence de la social-démocratie elle-même, la forcent, contre sa propre volonté, à s’emparer de cette arme à double tranchant, aussi peu sûre qu’elle soit du point de vue du conservatisme démocratique.
L’équilibre dynamique du capitalisme est à jamais détruit ; celui du système parlementaire est en train de craquer et de crouler. Et finalement – c’est un maillon de la même chaîne – l’équilibre conservateur du réformisme, forcé de dénoncer publiquement le régime bourgeois pour pouvoir le sauver, commence à être ébranlé. Une telle situation est riche de grandes possibilités révolutionnaires – ainsi que de dangers. Nous ne devons pas retirer le mot d’ordre « le pouvoir à la social-démocratie », mais, au contraire, lui donner un caractère d’autant plus militant et tranchant.
Entre nous, il n’est pas nécessaire de dire que ce mot d’ordre ne doit pas comporter une ombre d’hypocrisie, de faux-semblant, d’atténuation des contradictions, de diplomatie, de confiance, prétendue ou réelle. Que les social-démocrates de gauche se servent du beurre et du miel, dans l’esprit de Spaak [4]. Nous utiliserons, comme avant, le vinaigre et le poivre.
Dans le matériel qui m’a été envoyé est exprimée l’idée que les masses ouvrières sont absolument indifférentes au « Plan du Travail » et, de façon générale, sont en état de dépression, et que, dans ces conditions, le mot d’ordre du « pouvoir aux social-démocrates » ne peut qu’engendrer des illusions et provoquer ultérieurement la déception. Incapable, d’ici, de me faire une idée claire de l’état d’esprit des différentes couches et groupes du prolétariat belge, j’admets pleinement cependant la possibilité d’un certain épuisement nerveux et d’une certaine passivité des ouvriers. Mais, tout d’abord, cet état d’esprit n’est pas définitif ; il est sans doute plus proche de l’expectative que du désespoir. Aucun d’entre nous ne pense, bien entendu, que le prolétariat belge soit déjà incapable de lutter dans les années qui viennent. Il y a, à l’intérieur du prolétariat, de nombreux courants d’amertume, de haine et de ressentiment, et ils cherchent une issue. Pour échapper à la ruine, la social-démocratie a besoin d’un certain mouvement des ouvriers. Elle doit faire peur à la bourgeoisie pour la rendre plus agréable. Elle est certainement mortellement effrayée à l’idée que ce mouvement puisse lui passer par-dessus la tête. Mais, avec l’insignifiance absolue du Comintern, la faiblesse des groupes révolutionnaires, et sous l’impression toute fraîche de l’expérience allemande, la social‑démocratie attend le danger immédiat, non de la gauche, mais de la droite. Sans ces préconditions, le mot d’ordre du « pouvoir à la social-démocratie » n’aurait pas de sens.
Aucun d’entre nous n’a jamais douté que le « plan » De Man et l’agitation de la social-démocratie autour de lui sèmeraient des illusions et provoqueraient des déceptions. Mais la social-démocratie, avec son influence sur le prolétariat et son plan, avec son congrès de Noël et son agitation, sont des faits objectifs : nous ne pouvons ni les supprimer, ni passer par-dessus. Notre tâche est double : d’abord, expliquer aux ouvriers d’avant-garde la signification politique du « plan », c’est-à-dire dévoiler les manœuvres de la social-démocratie à toutes les étapes ; deuxièmement, démontrer en pratique à des cercles ouvriers, plus larges si possible, que, dans la mesure où la bourgeoisie essaie de placer des obstacles à la réalisation du plan, nous combattons la main dans la main avec les ouvriers pour les aider à faire cette expérience.
Nous partageons les difficultés de la lutte, mais pas les illusions. Notre critique des illusions ne doit pas cependant accroître la passivité des ouvriers et leur fournir une justification pseudo-théorique, mais, au contraire, les pousser en avant [5]. Dans ces conditions, l’inévitable déception, à cause du « Plan du Travail », ne signifiera pas l’accroissement de la passivité, mais au contraire le passage des ouvriers vers la voie révolutionnaire.
Je consacrerai dans les prochains jours un article particulier au « plan » lui-même. Du fait de l’urgence de cette lettre, je suis contraint de me limiter ici à quelques mots sur ce sujet. D’abord je considère qu’il est faux de lier le « plan » à la politique économique du fascisme [6]. Dans la mesure où le fascisme met en avant – avant la prise du pouvoir – le mot d’ordre de nationalisation en tant que moyen de lutter contre le « super-capitalisme », il ne fait que piller la phraséologie du programme socialiste. Il y a dans le plan De Man – avec le caractère bourgeois de la social-démocratie – un programme de capitalisme d’État que la social-démocratie elle-même fait passer pour le début du socialisme, et qui peut réellement devenir le début du socialisme, en dépit de, et contre l’opposition de la social-démocratie.
Dans les limites du programme économique (« Plan du Travail »), nous devons, à mon avis, mettre en avant les trois points suivants :
- Sur le rachat. Si l’on prend la question d’un point de vue abstrait, la révolution socialiste n’exclut aucune espèce de rachat de la propriété capitaliste. A une époque, Marx exprimait l’idée qu’il serait bon de « rembourser cette bande » (les capitalistes). Avant la guerre mondiale, c’était encore plus ou moins possible. Mais, si l’on prend en considération l’actuel bouleversement du système économique national et mondial et la paupérisation des masses, on voit que l’indemnisation constitue une opération ruineuse qui ferait porter au régime dès le début un fardeau absolument intolérable. On peut et on doit montrer ce fait à tous les ouvriers, chiffres en main.
- En même temps que l’expropriation sans indemnité, nous devons mettre en avant le mot d’ordre du contrôle ouvrier. Quoi qu’en dise De Man, nationalisation et contrôle ouvrier ne s’excluent pas du tout l’un l’autre. Même si le gouvernement était tout à fait à gauche et animé des meilleures intentions, nous serions pour le contrôle des ouvriers sur l’industrie et le commerce ; nous ne voulons pas d’une administration bureaucratique de l’industrie nationalisée ; nous exigeons la participation directe des ouvriers eux-mêmes au contrôle et à l’administration par les comités d’entreprise, les syndicats, etc. C’est seulement de cette façon que l’on peut poser les fondations de la dictature prolétarienne dans l’économie.
- Le « plan » ne dit rien sur la propriété terrienne en tant que telle. Là, il nous faut un mot d’ordre adapté aux ouvriers agricoles et aux paysans les plus pauvres. J’essaierai de traiter à part de cette question.
Il faut maintenant en venir au côté politique du « plan ». Deux questions sont naturellement au premier plan ici : 1) la méthode de lutte pour la réalisation du « plan » (en particulier la question de la légalité et de l’illégalité), et 2) l’attitude vis-à-vis de la petite bourgeoisie des villes et des villages.
Dans son discours programmatique publié dans l’organe des syndicats, De Man repousse catégoriquement la lutte révolutionnaire (grève générale et insurrection). Peut-on attendre autre chose de ces gens ? Quelles que soient les réserves individuelles ou les modifications destinées surtout à consoler les jobards de gauche, la position officielle du parti demeure celle du crétinisme parlementaire. C’est selon cette ligne qu’il nous faut diriger les coups principaux de notre critique – non seulement contre le parti dans son ensemble, mais aussi contre son aile gauche. Cet aspect de la question de la méthode de la lutte pour les nationalisations est souligné avec une égale précision et de façon juste par les deux parties dans notre discussion, aussi n’ai-je pas besoin de la traiter plus longuement.
Je voudrais seulement soulever un « petit » point. Ces gens-là peuvent-ils sérieusement penser à la lutte révolutionnaire quand au fond du cœur ils sont des… monarchistes ? C’est une grosse erreur de penser que le pouvoir du roi en Belgique est une fiction. D’abord cette fiction coûte de l’argent et il faudrait s’en débarrasser, ne fût-ce que pour des raisons économiques. Mais ce n’est pas l’aspect principal de la question. En temps de crise sociale, les fantômes prennent souvent chair et sang. Le rôle qu’a joué en Allemagne sous nos yeux Hindenburg [7], le palefrenier de Hitler, peut très bien être joué par le roi des Belges, imitant en cela l’exemple de son collègue italien. Une série de gestes du roi des Belges [8] au cours de la dernière période indique clairement cette voie. Qui veut lutter contre le fascisme doit commencer par lutter pour la liquidation de la monarchie. Nous ne permettrons pas à la social-démocratie, sur cette question, de se cacher derrière toutes sortes de trucs et de réserves.
Poser les questions de stratégie et de tactique de façon révolutionnaire ne signifie cependant absolument pas que notre critique ne devrait pas aussi suivre la social-démocratie jusque dans son refuge parlementaire. De nouvelles élections ne doivent avoir lieu qu’en 1936 ; jusqu’à ce moment, l’alliance des réactionnaires capitalistes et de la faim peut briser plus de trois fois le cou de la classe ouvrière. Nous devons poser la question de la façon la plus abrupte aux ouvriers social-démocrates. Il n’existe qu’un moyen d’accélérer la tenue de nouvelles élections : rendre impossible le fonctionnement du parlement actuel par une opposition résolue qui se traduise par l’obstruction parlementaire. Vandervelde, De Man et compagnie doivent être cloués au pilori, non seulement parce qu’ils ne développent pas la lutte révolutionnaire extraparlementaire, mais aussi parce que leur activité parlementaire ne sert absolument pas à préparer et à rapprocher la réalisation de leur propre « Plan du Travail ». Il faut arriver à faire clairement comprendre les contradictions et l’hypocrisie dans ce domaine à l’ouvrier social-démocrate moyen qui ne s’est pas encore élevé jusqu’à la compréhension des méthodes de la révolution prolétarienne.
La question de l’attitude vis-à-vis des classes intermédiaires n’est pas d’une importance moindre. Ce serait de la folie que d’accuser les réformistes de se situer dans la « voie du fascisme » parce qu’ils cherchent à gagner la petite bourgeoisie [9]. C’est là l’une des conditions essentielles pour le succès total de la révolution prolétarienne. Mais, comme dit Molière, il y a fagots et fagots. Un marchand ambulant ou un petit paysan sont des petits-bourgeois, mais un professeur, un fonctionnaire officiel portant un insigne distinctif, un mécanicien moyen, sont aussi des petits-bourgeois. Il nous faut choisir entre eux. Le parlementarisme capitaliste – et il n’en existe pas d’autre – conduit à MM. les Juristes, les Fonctionnaires, les Journalistes, apparaissant comme les représentants patentés des artisans, des marchands ambulants, des petits employés et des paysans semi-prolétarisés qui souffrent tous de la faim. Et le capital financier mène par le bout du nez ou se contente de corrompre les parlementaires de ce milieu des juristes, des fonctionnaires et des journalistes petits-bourgeois.
Quand Vandervelde, De Man et compagnie parlent d’attirer la petite-bourgeoisie au « plan », ils pensent non aux masses, mais à leurs « représentants » patentés, c’est-à-dire aux agents corrompus du capital financier. Quand nous parlons de gagner la petite bourgeoisie, nous pensons à la libération des masses exploitées et submergées vis-à-vis de leurs représentants politiques occupés à « faire de la diplomatie ». Face à la situation désespérée des masses petites-bourgeoises de la population, les anciens partis petits-bourgeois (démocrates, catholiques et autres) éclatent sous toutes les coutures. Le fascisme l’a compris. Il n’a pas cherché et ne cherche aucune alliance avec les « dirigeants » faillis de la petite-bourgeoisie, mais arrache les masses à leur influence, c’est-à-dire qu’il réalise à sa façon et dans les intérêts de la réaction le travail même que les bolcheviks ont accompli en Russie dans les intérêts de la révolution. C’est précisément de cette façon que la question se présente également en Belgique. Les partis petits-bourgeois, ou les flancs petits-bourgeois des grands partis capitalistes sont voués à disparaître avec le parlementarisme qui constitue pour eux l’étape nécessaire. Toute la question est de savoir qui conduira les masses petites-bourgeoises opprimées et déçues, le prolétariat sous une direction révolutionnaire ou l’agence fasciste du capital financier.
De la même façon que De Man ne veut pas de lutte révolutionnaire du prolétariat et craint une politique d’opposition courageuse au parlement qui pourrait conduire à une lutte révolutionnaire, de même il ne veut pas, il craint, une lutte véritable pour les masses petites-bourgeoises. Il comprend très bien que, dans leurs profondeurs, sont dissimulées des réserves de protestation, d’amertume et de haine qui pourraient bien se transformer en passions révolutionnaires et en dangereux « excès », c’est-à-dire en révolution. Au lieu de cela, ce que De Man recherche, ce sont des alliés au parlement, des démocrates défraîchis, des catholiques, des parents de droite dont il a besoin comme rempart contre des excès révolutionnaires possibles de la part du prolétariat. Nous devons savoir comment éclairer cet aspect de la question pour les ouvriers réformistes à travers l’expérience quotidienne des faits. Pour une union révolutionnaire étroite du prolétariat avec les masses petites-bourgeoises opprimées de la ville et du village, mais contre une coalition gouvernementale avec les représentants politiques de la petite bourgeoisie qui la trahissent !
Quelques camarades expriment l’opinion que le fait même que la social-démocratie présente son « Plan du Travail » doit secouer les classes intermédiaires et, avec la passivité du prolétariat, faciliter le travail du fascisme. Bien sûr, si le prolétariat ne se bat pas, le fascisme vaincra. Mais ce n’est pas du « plan » que ce danger découle, mais de l’importance de l’influence de la social-démocratie et de la faiblesse du parti révolutionnaire. La longue participation de la social-démocratie allemande au gouvernement bourgeois [10] a pavé la voie à Hitler. L’abstention purement passive de Blum de toute participation au gouvernement [11] créera également les prémisses d’une croissance du fascisme. Finalement, l’annonce de l’attaque contre le capital financier sans une lutte révolutionnaire de masse correspondante accélérera inévitablement le travail du fascisme belge. Ce n’est donc pas du « plan » qu’il s’agit ; mais du rôle traître joué par la social-démocratie et du rôle fatal de l’Internationale Communiste. Dans la mesure où la situation générale, et en particulier le destin de la social-démocratie allemande, impose à sa petite sœur de Belgique une politique de « nationalisation », ce fait, avec les dangers anciens, ouvre de nouvelles possibilités révolutionnaires. Ce serait la pire erreur que de ne pas les voir. Nous devons apprendre à battre l’ennemi avec ses propres armes [12].
On ne peut utiliser les conditions nouvelles qu’à condition de continuer à dresser les ouvriers contre le danger fasciste. Pour pouvoir réaliser quelque plan que ce soit, il faut que les organisations ouvrières se maintiennent et se renforcent. Il faut donc d’abord les défendre contre les bandes fascistes. Ce serait la pire stupidité que d’espérer qu’un gouvernement démocratique, même conduit par la social-démocratie, pourrait protéger du fascisme les ouvriers, par un décret qui interdirait aux fascistes de s’organiser , de s’armer, etc. Aucune mesure de police ne servira à rien si les ouvriers eux-mêmes n’apprennent pas à s’occuper des fascistes. L’organisation de la défense prolétarienne, la création de la milice ouvrière, est la première tâche et elle ne peut être reportée. Quiconque ne soutient pas ce mot d’ordre et ne le réalise pas en pratique ne mérite pas le nom de révolutionnaire prolétarien.
Il reste seulement à dire quelques mots de la gauche de la social-démocratie [13]. Sur ce sujet moins que tout autre, je ne veux rien dire de définitif, parce que j’ai été jusqu’à maintenant incapable de suivre l’évolution de leur groupe. Mais ce que j’ai lu ces derniers jours (une série d’articles de Spaak, son discours au congrès du parti, etc.) ne m’a pas fait bonne impression.
Quand Spaak cherche à caractériser la relation réciproque entre lutte légale et illégale, il cite… Otto Bauer comme une autorité, c’est-à-dire un théoricien d’une impuissance tant légale qu’illégale. « Dis-moi qui sont tes maîtres, et je te dirai qui tu es. » Mais laissons le domaine de la théorie et tournons‑nous plutôt vers les questions politiques réelles.
Spaak a pris le « plan » de De Man comme base de la campagne et l’a voté sans aucune réserve. On peut dire que Spaak ne voulait pas fournir à Vandervelde et compagnie l’occasion d’aller jusqu’à la scission, c’est-à-dire d’exclure du parti l’aile gauche, faible et encore inorganisée ; Spaak a reculé plutôt que de sauter. Peut-être étaient-ce là ses intentions, mais, en politique, ce n’est pas d’après les intentions qu’on juge, mais d’après les actions. L’attitude prudente de Spaak à la conférence, son engagement de lutter avec une totale détermination pour l’application du « plan », ses déclarations sur la discipline auraient pu être compris en eux-mêmes en considération de la position de la gauche dans le parti. Mais Spaak est allé plus loin : il a exprimé sa confiance morale en Vandervelde et sa solidarité politique avec De Man non seulement sur les objectifs abstraits du « plan », mais aussi en ce qui concerne les méthodes concrètes de lutte.
Les paroles de Spaak dans le sens : « Nous ne pouvons exiger que les dirigeants du parti nous disent publiquement quel est leur plan d’action, les forces, etc. » avaient un caractère particulièrement inadmissible. Pourquoi ne pouvons-nous pas ? Pour des raisons confidentielles ? Mais, même si Vandervelde et De Man ont des affaires confidentielles, ce n’est pas avec les ouvriers révolutionnaires contre la bourgeoisie, mais avec les politiciens bourgeois contre les ouvriers. Et personne ne demande que les affaires confidentielles soient publiées au congrès ! Il est nécessaire de donner le plan général de mobilisation des ouvriers et la perspective de la lutte. Par sa déclaration, Spaak a effectivement aidé Vandervelde et De Man à se dérober devant la question qui concernait les questions de stratégie les plus importantes. On peut légitimement dire qu’il existe des secrets partagés entre les dirigeants de l’opposition et ceux de la majorité, contre les ouvriers révolutionnaires [14]. Le fait que Spaak a également entraîné les Jeunes Gardes socialistes [15] dans la voie de la confiance centriste ne fait qu’aggraver sa culpabilité.
La fédération de Bruxelles a présenté au congrès une résolution « de gauche » sur la lutte constitutionnelle et révolutionnaire. Cette résolution était très faible, avec un caractère légaliste et non pas politique : elle a été écrite par un juriste, non par un révolutionnaire (« Si la bourgeoisie devait violer la Constitution, alors, nous aussi… »). Au lieu de poser avec sérieux la question de la préparation de la lutte révolutionnaire, la résolution « de gauche » brandit contre la direction une menace littéraire. Mais qu’est-ce qui s’est passé au congrès ? Après les déclarations les plus stupides de De Man, lequel, comme on le sait, considère la lutte révolutionnaire comme un mythe nuisible, la fédération de Bruxelles a humblement retiré sa résolution. Des gens qui se contentent si facilement de phrases vides et mensongères ne peuvent être considérés comme des révolutionnaires sérieux. Leur punition n’a pas tardé. Le lendemain même, Le Peuple commentait la résolution du congrès en disant que le parti se maintiendrait strictement dans les limites constitutionnelles, c’est-dire qu’il « lutterait » dans les limites que lui fixe le capital financier avec l’aide du roi, des juges et de la police. L’organe de la gauche, Action socialiste, versait pour de bon des larmes amères : quoi, hier, hier seulement, « tous » étaient unanimes vis-à-vis de la résolution de Bruxelles, pourquoi donc aujourd’hui ?… Lamentations ridicules ! « Hier » les gauches se sont fait rouler pour obtenir qu’ils retirent leur résolution. Et, « aujourd’hui », les vieux renards bureaucratiques expérimentés donnent à la malheureuse opposition une petite tape sur le nez. Bien fait ! C’est toujours ainsi que ces questions se règlent. Mais ce ne sont là que les bourgeons et les fruits viendront plus tard.
Il est arrivé plus d’une fois que l’opposition social-démocrate développe une critique très à gauche aussi longtemps que cela ne l’engage à rien. Mais, quand arrivent les heures décisives (mouvement gréviste de masse, menace de guerre, danger de renversement du gouvernement, etc.), l’opposition abaisse tout de suite son drapeau, ouvre aux dirigeants discrédités du parti un crédit nouveau de confiance, prouvant ainsi qu’elle n’est elle-même que la chair de la chair du réformisme. L’opposition socialiste de Belgique est en train de passer à travers sa première épreuve sérieuse. Nous sommes obligés de dire qu’elle l’a complètement ratée. Il nous faut suivre attentivement et sans idées préconçues ses pas ultérieurs, sans exagérer nos critiques, sans nous perdre nous-mêmes dans des bavardages sur le « social-fascisme », mais sans nous faire non plus aucune illusion sur les réelles capacités théoriques et de combattants de ce groupe. Pour aider les meilleurs éléments de l’opposition de gauche à avancer, il faut dire ce qui est.
Je me hâte de terminer cette lettre pour que vous l’ayez avant la conférence du 14 janvier [16] ; c’est pourquoi elle est incomplète avec peut-être une insuffisance d’exposé systématique. En conclusion, je me permets d’exprimer ma conviction, du fond du cœur, que votre discussion se terminera par une décision harmonieuse qui assurera la complète unité dans l’action. L’ensemble de la situation prédétermine une croissance sérieuse de votre organisation au cours de la prochaine période. Si les dirigeants de l’opposition social-démocrate devaient capituler complètement, la direction de l’aile révolutionnaire du prolétariat reposerait intégralement sur vous. Si au contraire la gauche du parti réformiste devait avancer aux côtés du marxisme, vous trouveriez en elle un allié militant et un pont vers les masses. Avec une politique claire et unanime, votre succès est tout à fait certain. Vive la section belge des bolcheviks-léninistes !
Notes
[1] Le tournant de la social-démocratie belge que constituait l’adoption du « Plan du Travail » avait fait apparaître des désaccords au sein de la section belge. Le 11 décembre 1933, Vereeken avait rédigé un article sur le « plan » et la « capitulation » de la gauche dirigée par P. H. Spaak qui avait été refusé par le comité fédéral de Charleroi. La direction de la section belge avait fait parvenir à Trotsky tous les documents de la discussion qui s’était engagée à ce moment-là.
[2] L’article de Vereeken refusé par la direction belge se terminait ainsi : « Dans les premières phases d’une bataille de classes telle qu’une grève générale de masse, banquiers, industriels et politiciens bourgeois seront poussés à faire appel à la social-démocratie qui reste malgré tout « la plus grande force organisée de ce pays ». Un gouvernement « socialiste » aurait pour tâche d’arrêter l’élan des forces prolétariennes déchaînées. »
[3] Le parti communiste de Belgique était particulièrement faible.
[4] Paul Henri SPaak (1899-1972), avocat, membre du parti ouvrier belge, dirigeait depuis 1932 l’hebdomadaire Action socialiste, qui rassemblait les partisans d’une gauche encore très confuse, caractérisée par un attachement à l’unité et le refus de la collaboration de classes, et qui rassemblait autant de sympathisants de l’I.C. que de socialistes critiques. Spaak avait apporté son soutien au « plan » présenté par De Man.
[5] Trotsky prend ici en compte le fait que les masses ouvrières influencées par le P.O.B. attendent effectivement des résultats du « plan » De Man. Le texte de Vereeken disait que « les objectifs du plan » étaient de réaliser « l’impuissance des masses à s’opposer réellement au fascisme » et de « saper la base sur laquelle se développe un mouvement de gauche au sein du P.O.B. qui s’orienterait de plus en plus vers des conceptions révolutionnaires ». Son point de départ était : « Tout cela est dicté au réformisme par les besoins de sa propre conservation. »
[6] Vereeken pensait en effet qu’il y avait un lien entre le programme fasciste et le « plan » De Man. Le temps et l’évolution ultérieure du personnage l’ont d’ailleurs confirmé dans cette opinion (Cf. La Guépéou dans le mouvement trotskiste, pp. 116-122).
[7] Le président Hindenburg avait été élu en 1925, puis réélu au second tour contre Hitler en 1932. C’est lui qui, après avoir nommé Hitler chancelier, devait avaliser toutes ses décisions sans résistance.
[8] Il s’agit du roi ALBERT I° (1875-1934), qui avait cherché en 1914 à incarner la « résistance nationale » du peuple belge et avait été surnommé le « roi-chevalier ». Il jouait incontestablement dans la vie politique belge un rôle plus important que celui que prévoyait la Constitution et imposait souvent ses vues aux chefs des partis.
[9] Vereeken écrivait que « toute aide au réformisme dans sa manœuvre criminelle » (le « plan ») aboutirait à « désarmer encore le prolétariat devant le fascisme ».
[10] Le parti social-démocrate allemand avait participé sous la république de Weimar à bien des coalitions gouvernementales, y compris les « grandes » avec les partis de la droite bourgeoise. Dans les derniers temps il avait pratiqué la politique dite de « tolérance » des gouvernements de centre-droit.
[11] C’est au congrès de la S.F.I.O. de 1933 que Léon Blum avait fait prévaloir contre la droite « néo-socialiste » la position de la « non-participation » aux gouvernements à direction radicale, laquelle n’impliquait pas pour autant une lutte réelle des socialistes contre les conséquences sociales de la crise.
[12] C’est là sans aucun doute l’idée centrale de ce texte, et du projet de Trotsky d’utiliser le plan De Man contre ses auteurs : sur ce point, la divergence avec Vereeken est totale.
[13] L’aile gauche de la social-démocratie était avant tout représentée par Spaak et l’Action socialiste, mais aussi par les Jeunes Gardes socialistes. Vereeken considérait le ralliement de Spaak au « plan » De Man comme une trahison.
[14] Il semble que, sur ce point au moins, Trotsky était plus proche de Vereeken que de ceux qui s’opposaient à lui dans la section belge. On lit en effet dans le procès-verbal de sa direction en date du 20 décembre 1933 : « Les camarades constatent que, d’après les documents, rien ne justifie l’accusation de G. Vereeken qui affirmait… que Spaak ne préconisait plus la lutte révolutionnaire pour s’emparer du pouvoir et qu’il trompait les travailleurs en leur faisant croire, comme les chefs traîtres du P.O.B., que le “Plan De Man” pourrait être réalisé par les moyens constitutionnels » (archives Vereeken).
[15] Les Jeunes Gardes socialistes étaient l’organisation de jeunesse du P.O.B., en principe « autonome » depuis 1926. Elle avait triplé ses effectifs en deux ans, atteignant 25 000 membres en 1933, sous la direction d’un militant de la « gauche », son secrétaire général Fernand Godefroid.
[16] A l’assemblée générale du 14 janvier, les critiques de Vereeken ne furent pas retenues. On peut trouver dans cette discussion les origines de la crise qui mènera quelques mois plus tard à une scission en Belgique.
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VIDEO Peter Taaffe à propos du nouveau livre de Robert Service sur Trotsky
Robert Service, l’auteur d’une nouvelle biographie de Trotsky, a refusé d’entrer en débat avec notre parti-frère anglais, le Socialist Party. Ce n’est pas un hasard si un livre arrive ainsi pour attaquer Trotsky. Cela fait partie d’une tentative consciente pour dénigrer les idées et la méthode de Trotsky à un moment de crise du capitalisme. Dans la vidéo ci-dessous, Peter Taaffe critique ce livre (il y a cinq les parties, en anglais).
Documentaire sur la vie de Trotsky
Ce film documentaire français est constitué de deux parties: “Révolutions”, qui raconte différents épisodes de la vie de Trotsky de la révolution de 1905 à la victoire de Joseph Staline sur l’Opposition de Gauche en 1927, et “Exils”, qui aborde la vie de Trotsky d’Alma-Ata à la ville de Mexico où il sera assassiné par un agent de Staline, en passant par Prinkipo, la France et la Norvège où Trotsky a continué sa lutte contre le stalinisme. Réalisé par Patrick Le Gall et Alain Dugrand, ce film a reçu le prix du documentaire au FIPA de 1988. Il est constitué d’archives filmées d’époque et de nombreux témoignages : Marcel Body, Pierre Naville, Vlady (le fils de Victor Serge), Gérard Rosenthal, Maurice Nadeau, David Rousset, et d’analyses d’historiens tels que le regretté Pierre Broué et Jean-Jacques Marie.
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Programme de transition et nationalisations (3) – L’industrie nationalisée et la gestion ouvrière, par Léon Trotsky
Cet article ne figure dans aucune archive de Trotsky. Il a été découvert et identifié en avril 1946, lors d’une visite de Joe Hansen chez le vieux militant mexicain Rodrigo Garcia Treviño (né en 1902). Ce dernier, qui était l’un des dirigeants de la C.T.M., proche de Francisco Zamora, et avait des contacts avec Trotsky avait tenté de persuader ce dernier de l’importance de la gestion ouvrière décidée par le gouvernement Cárdenas pour les chemins de fer et les entreprises pétrolières nationalisées. Trotsky fut apparemment ébranlé puisqu’il annonça qu’il allait réfléchir. Ce texte est le résultat de ses réflexions qu’il envoya quelques jours après à Garcia Treviño. L’exemplaire trouvé chez Garcia Treviño portait des corrections manuscrites de Trotsky et il n’y a pas de doute quant à son authenticité.
Source : Œuvres – T. XVIII (EDI)
Dans les pays industriellement arriérés, le capital étranger joue un rôle décisif. D’où la faiblesse relative de la bourgeoisie nationale par rapport au prolétariat national. Ceci crée des conditions particulières du pouvoir d’État. Le gouvernement louvoie entre le capital étranger et le capital indigène, entre la faible bourgeoisie nationale et le prolétariat relativement puissant. Cela confère au gouvernement un caractère bonapartiste sui generis particulier. Il s’élève pour ainsi dire au dessus des classes. En réalité, il peut gouverner, soit en se faisant l’instrument du capital étranger et en maintenant le prolétariat dans les chaînes d’une dictature policière, soit en manœuvrant avec le prolétariat et en allant même jusqu’à lui faire des concessions et conquérir ainsi la possibilité de jouir d’une certaine liberté à l’égard des capitalistes étrangers. La politique actuelle du gouvernement en est au second stade : ses plus grandes conquêtes sont les expropriations des chemins de fer et de l’industrie pétrolière.
Ces mesures sont intégralement du domaine du capitalisme d’État. Toutefois, dans un pays semi colonial, le capitalisme d’État se trouve sous la lourde pression du capital privé étranger et de ses gouvernements, et il ne peut se maintenir sans le soutien actif des travailleurs. C’est pourquoi il s’efforce, sans laisser glisser de ses mains le pouvoir réel, de placer sur les organisations ouvrières une partie importante de la responsabilité pour la marche de la production dans les branches nationalisées de l’industrie.
Oue devrait être dans ce cas la politique du parti ouvrier ? Ce serait évidemment une erreur désastreuse, une parfaite escroquerie que d’affirmer que la route vers le socialisme ne passe pas par la révolution prolétarienne mais par la nationalisation par l’Etat bourgeois de diverses branches de l’industrie et de leur transfert aux mains des organisations ouvrières. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Le gouvernement bourgeois a effectué lui même la nationalisation et a été obligé de demander la participation ouvrière à la gestion de l’industrie nationalisée. On peut, bien entendu, esquiver le problème en citant le fait que, sauf si le prolétariat s’empare du pouvoir, la participation des syndicats à la gestion des entreprises de capitalisme d’Etat ne peut donner de résultats socialistes. Cependant, une politique aussi négative de la part de l’aile révolutionnaire ne serait pas comprise par les masses et ne contribuerait qu’à renforcer les positions opportunistes. Pour les marxistes, il ne s’agit pas de construire le socialisme des mains de la bourgeoisie, mais d’utiliser les situations qui se présentent dans le cadre du capitalisme d’Etat et de faire progresser le mouvement révolutionnaire des ouvriers. La participation aux parlements bourgeois ne peut plus désormais donner de résultats positifs importants ; dans certaines conditions, elle conduit même à la démoralisation des députés des ouvriers. Mais aux yeux des révolutionnaires, cela ne constitue nullement un argument en faveur de l’antiparlementarisme.
Il serait inexact d’identifier la politique de participation des ouvriers à la gestion de l’industrie nationalisée et la participation des socialistes à un gouvernement bourgeois (ce que nous appelions ministérialisme). Tous les membres du gouvernement sont liés les uns aux autres par les liens de solidarité. Un parti qui est représenté au gouvernement est responsable de toute la politique gouvernementale, dans son ensemble. La participation à la gestion d’une branche donnée de l’industrie laisse l’entière possibilité d’une opposition politique. Dans le cas où les représentants des ouvriers sont en minorité dans la gestion, ils ont l’entière possibilité de le dire et de publier leurs propositions qui ont été repoussées par la majorité, de les porter à la connaissance des travailleurs, etc.
On peut comparer la participation des syndicats à la gestion de l’industrie nationalisée à la participation des socialistes aux municipalités, où les socialistes remportent parfois la majorité et sont ainsi amenés à gérer une importante économie municipale, alors que la bourgeoisie domine toujours l’Etat et que les lois de la propriété bourgeoise demeurent en vigueur. Dans la municipalité, les réformistes s’adaptent passivement au régime bourgeois. Sur ce terrain, les révolutionnaires font tout leur possible dans l’intérêt des travailleurs et, en même temps, enseignent à chaque étape aux travailleurs qu’une politique municipale est impuissante sans la conquête de l’appareil d’Etat.
La différence, bien entendu, réside en ce que, dans le domaine des municipalités, les ouvriers s’emparent de certaines positions par des élections démocratiques, tandis que, dans celui de l’industrie nationalisée, c’est le gouvernement lui même qui les invite à prendre certains postes. Mais cette différence est purement formelle. Dans l’un et l’autre cas, la bourgeoisie est obligée de concéder aux ouvriers certaines sphères d’activité. Et les travailleurs les utilisent dans leur propre intérêt. Il serait léger de fermer les yeux sur les dangers qui découlent d’une situation dans laquelle les syndicats jouent un rôle dirigeant dans l’industrie nationalisée. La base en est le lien entre les sommets des dirigeants syndicaux et l’appareil du capitalisme d’Etat, la transformation des représentants mandatés du prolétariat en otages de l’Etat bourgeois. Mais si grand que puisse être ce danger, il ne constitue qu’une partie d’un danger, ou plus exactement, d’une maladie générale, à savoir la dégénérescence bourgeoise des appareils syndicaux à l’époque impérialiste, pas seulement dans les vieux centres des métropoles mais également dans les pays coloniaux [1] . Les dirigeants syndicaux, dans l’écrasante majorité des cas, sont des agents politiques de la bourgeoisie et de son Etat. Dans l’industrie nationalisée, ils peuvent devenir et ils sont déjà en train de devenir ses agents administratifs directs. Contre cela, il n’y a que la lutte pour l’indépendance du mouvement ouvrier en général, et en particulier pour la formation dans les syndicats de solides noyaux révolutionnaires capables, tout en préservant l’unité du mouvement syndical, de lutter pour une politique de classe et pour que les organismes dirigeants soient composés de révolutionnaires.
Un danger d’une autre sorte réside dans le fait que les banques et autres entreprises capitalistes dont une branche, d’industrie nationalisée, dépend au sens économique du terme, peuvent utiliser et utiliseront des méthodes particulières de sabotage pour faire obstacle à la gestion ouvrière, pour la discréditer et la pousser au désastre. Les dirigeants réformistes essaieront d’écarter ce danger en s’adaptant servilement aux exigences de leurs fournisseurs capitalistes et en particulier des banques. Les dirigeants révolutionnaires, au contraire, tireront du sabotage des banques la nécessité de les exproprier et d’établir une banque nationale unique qui serait le centre comptable de l’économie tout entière. Bien entendu, cette question doit être indissolublement liée à la question de la conquête du pouvoir par la classe ouvrière .
Les différentes entreprises capitalistes, nationales et étrangères, vont inévitablement commencer à comploter avec les institutions de l’Etat pour faire obstacle à la gestion ouvrière de l’industrie nationalisée. Par ailleurs les organisations ouvrières, qui participent à la gestion des différentes branches de l’industrie nationalisée doivent s’unir pour échanger leurs expériences, se soutenir économiquement les unes les autres, agir en unissant leurs forces sur le gouvernement, les conditions du crédit, etc. Un tel bureau central de la gestion ouvrière des branches nationalisées de l’industrie doit être évidemment en contact étroit avec les syndicats.
Pour résumer, on peut dire que ce nouveau domaine de travail comporte à la fois les possibilités et les dangers les plus grands Les dangers consistent en ce que, par l’intermédiaire de syndicats contrôlés, le capitalisme d’État peut tenir les ouvriers en échec, les exploiter cruellement et paralyser leur résistance. Les possibilités révolutionnaires consistent en ce que, s’appuyant sur leurs positions dans des branches exceptionnellement importantes de l’industrie, les ouvriers peuvent de toutes leurs forces lancer leur attaque contre les forces du capital et contre l’Etat bourgeois. Laquelle de ces possibilités va t elle prévaloir ? Dans combien de temps ? Il est naturellement impossible de le prédire. Cela dépend entièrement de la lutte entre les diverses tendances au sein de la classe ouvrière, de l’expérience des ouvriers eux mêrnes, de la situation mondiale. En tout cas, pour utiliser cette forme nouvelle d’activité dans l’intérêt de la classe ouvrière et pas de l’aristocratie et de la bourgeoisie ouvrière, il n’y a qu’une condition qui soit nécessaire : l’existence d’un parti marxiste révolutionnaire qui étudie avec soin chaque forme d’activité ouvrière, critique toute déviation, éduque et organise les travailleurs, gagne de l’influence dans les syndicats et assure une représentation ouvrière révolutionnaire dans l’industrie nationalisée.
Les principes de base de l’activité des marxistes dans les syndicats à l’époque de la “réaction sur toute la ligne”.
Le dernier article de Trotsky avant son assasinat par un agent de Staline.
Oeuvres : août 1940
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DOCUMENTAIRE: Trotsky – Exils
Ce film documentaire français est constitué de deux parties: “Révolutions”, qui raconte différents épisodes de la vie de Trotsky de la révolution de 1905 à la victoire de Joseph Staline sur l’Opposition de Gauche en 1927, et “Exils”, qui aborde la vie de Trotsky d’Alma-Ata à la ville de Mexico où il sera assassiné par un agent de Staline, en passant par Prinkipo, la France et la Norvège où Trotsky a continué sa lutte contre le stalinisme. Réalisé par Patrick Le Gall et Alain Dugrand, ce film a reçu le prix du documentaire au FIPA de 1988. Il est constitué d’archives filmées d’époque et de nombreux témoignages : Marcel Body, Pierre Naville, Vlady (le fils de Victor Serge), Gérard Rosenthal, Maurice Nadeau, David Rousset, et d’analyses d’historiens tels que le regretté Pierre Broué et Jean-Jacques Marie.
Voici la seconde partie de ce documentaire, la première est disponible sur notre site en cliquant ici.
2. Exils
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DOCUMENTAIRE: Trotsky – Révolutions
Ce film documentaire français est constitué de deux parties: “Révolutions”, qui raconte différents épisodes de la vie de Trotsky de la révolution de 1905 à la victoire de Joseph Staline sur l’Opposition de Gauche en 1927, et “Exils”, qui aborde la vie de Trotsky d’Alma-Ata à la ville de Mexico où il sera assassiné par un agent de Staline, en passant par Prinkipo, la France et la Norvège où Trotsky a continué sa lutte contre le stalinisme. Réalisé par Patrick Le Gall et Alain Dugrand, ce film a reçu le prix du documentaire au FIPA de 1988. Il est constitué d’archives filmées d’époque et de nombreux témoignages : Marcel Body, Pierre Naville, Vlady (le fils de Victor Serge), Gérard Rosenthal, Maurice Nadeau, David Rousset, et d’analyses d’historiens tels que le regretté Pierre Broué et Jean-Jacques Marie. Nous sommes en désaccord avec certains propos, mais de nombreuseux mensonges ou idées reçues sont remis à leur place.
Voici la première partie de ce documentaire, la seconde sera mise sur notre site dimanche prochain.
1. Révolutions
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Trotsky et la lutte syndicale
Plusieurs documents de Léon Trotsky sur le mouvement syndical sont d’une importance fondamentale. Ces textes, quand ils sont replacés dans leur contexte, sont essentiels comme outil pour les militants afin d’arracher des acquis au patronat et afin de lier la lutte syndicale à la transformation socialiste de la société.
Vincent Devaux
“Les syndicats à l’époque de la décadence impérialiste” est un texte qui date de 1940 mais qui est plus que jamais d’actualité et qui permet de comprendre le développement et la nature des syndicats. Ce texte explique les conséquences sur les syndicats du développement du capitalisme à l’époque ou celui-ci ne permet plus une amélioration du bien-être des gens. Il explique le phénomène d’intégration de l’appareil syndical dans l’appareil d’état, la nature essentiellement réformis-te de cet outil des travailleurs et sa transformation en un outil au service de l’état (dépendant des périodes et des conditions dans la société). Il explique la nécessité pour les révolutionnaires de militer afin de pousser les syndicats à être indépendants vis-à-vis de l’Etat mais également de veiller à la démocratisation des syndicats.
Un deuxième texte essentiel est le “Programme de transition”, écrit en 1938. Trotsky montre juste avant-guerre que les conditions objectives sont présentes pour le passage à la société socialiste, de par les conditions sociales qui se reflètent par ailleurs sur la classe ouvrière, la rendant mûre pour cette transformation ; mais que sa direction ouvrière, par réformisme, opportunisme,… trahit les aspirations de la population. Il met donc en avant la nécessité de “revendications transitoires partant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et conduisant invariablement à une seule et même conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat.”
Ces revendications transitoires servent de pont entre les revendications possibles sous le système capitaliste (“programme minimum”) et la nécessité, afin de répondre aux aspirations au bien-être de l’ensemble de la population, de passer à une société socialiste (“programme maximum”). Ces revendications transitoires font partie des traditions du syndicalisme de combat: la nationalisation sans rachat ni indemnité des entreprises qui s’apprêtent à licencier en est un exemple. Le MAS-LSP a mis en avant cette revendication lors de la lutte pour le maintien de l’emploi à Cockerill, par exemple.
Ce qui est très important dans ce texte, c’est la description du rôle que les travailleurs ont à jouer lorsque des ferments de double pouvoir apparaissent dans la société, comme ce fut le cas en Mai 68. A chaque fois, les militants syndicaux, les travailleurs, ont un rôle et une responsabilité énormes. Trotsky explique le rôle et l’importance des comités de grève et des comités d’usines au cours de cette période ainsi que l’impact d’une occupation d’usine : “Les grèves avec occupation des usines, une des plus récentes manifestations de cette initiative, sortent des limites du régime capitaliste “normal”. Indépendamment des revendications des grévistes, l’occupation temporaire des entreprises porte un coup à l’idole de la propriété capitaliste. Toute grève avec occupation pose dans la pratique la question de savoir qui est le maître dans l’usine : le capitaliste ou les ouvriers” . Il explique l’importance de la revendication de l’expropriation de branches industrielles et des banques. Dans le programme de transition, Trotsky explique le rôle des piquets d’usines, afin de s’opposer aux jaunes (dans un conflit social, éléments de la classe ouvrière qui prennent le parti du patronat) et aux forces de l’Etat. Il explique quel est le rôle des piquets dans une période pré-révolutionnaire.
Fondamentalement, le programme de transition fait le lien entre la lutte syndicale pour des acquis immédiats et la transformation de cette lutte syndicale en une lutte politique où les travailleurs prennent conscience que la réalisation de ces acquis ne peut se concrétiser que par le passage au socialisme. Cette transformation de la lutte syndicale en lutte politique se reflète dans la transformation des outils de lutte syndicale (piquets, comités,…) en outils de lutte politique. Le programme de transition amène à la conclusion que la seule méthode syndicale qui, en dernière instance, ne trahit pas les travailleurs est un syndicalisme de combat, révolutionnaire, qui a conscience de la nécessité de dépasser les limites du capitalisme. C’est donc au travers de la discussion et de la compréhension de ces textes que le militant syndical combatif peut se forger une méthode de lutte afin de lier la lutte syndicale à la lutte pour la transformation socialiste de la société.