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[TEXTE de CONGRES] Pas de Thatcher en Belgique!
Un gouvernement résolument de droite est arrivé au pouvoir en Belgique après les élections de 2014. Ce gouvernement à la Thatcher vise à considérablement sabrer dans nos conditions de vie. La résistance contre cette offensive antisociale de grande ampleur a été rapide et massive. Bien plus forte en tout cas que ce qu’avaient prévus tant les autorités que les dirigeants syndicaux. Mais le mouvement a atteint une impasse.Le texte qui suit est la cinquième partie du texte de perspectives internationales et belges discuté, amendé et voté lors du Congrès national du PSL de novembre 2015. Ce texte est également disponible sous forme de livre. Commandez dès maintenant votre exemplaire en versant 10 euros sur le compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’ avec pour mention « texte de Congrès ».
Les élections du 25 juin
Les élections fédérales de 2014 sont devenues une énorme victoire pour la N-VA, mais principalement aux dépens de la droite extrême et populiste. La tripartite a même obtenu une majorité en Flandre alors qu’il lui manquait un siège auparavant. Une tripartite fédérale était donc mathématiquement possible et cela livrait une énorme opportunité à la bourgeoisie. Elle avait déjà compris depuis longtemps que, tôt ou tard, il faudrait solder les comptes avec la N-VA. Une scission de la Belgique au cœur de l’Europe apporterait un coup impardonnable au prestige de la bourgeoisie belge et en Europe. Mais la question était de savoir comment. Un cordon sanitaire autour de la N-VA qui venait juste de remporter brillamment les élections aurait permis à ce parti, à partir de l’opposition, de se rendre incontournable d’ici 5 années. La prendre au gouvernement semblait une meilleure option, à condition qu’elle mette au placard pour au moins 5 ans son programme communautaire. Les esprits murissaient. Cela offrirait la possibilité de brûler la N-VA au pouvoir tout en testant jusqu’où on pouvait aller dans l’attaque contre la classe des travailleurs.La bourgeoisie a longtemps douté. Lorsque le CDH a résolument rejeté la note de formateur de De Wever, il semblait que nous allions en direction d’une tripartite. La petite bourgeoisie flamande était déjà en panique. Allait-elle encore vivre l’échec de sa coalition de droite rêvée ? Unizo a alors fait quelque chose d’exceptionnel. Elle a organisé une enquête chez 1709 indépendants et PME, dans les faits il s’agissait plutôt d’une menace de boycotter une tripartite et de jeter le pays dans la crise. Finalement, la bourgeoisie a cédé. Pieter Timmermans, de la FEB, a même cité Deng Xiaoping en disant « qu’importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape des souris. » [123]
Faut-il en conclure qu’avec la participation gouvernementale de la N-VA, sous la menace de l’Unizo et avec le soutien du VOKA, la petite-bourgeoisie ou les classes moyennes sont maintenant vraiment au pouvoir ? Allez raconter ça aux innombrables boulangers, bouchers, boutiquiers,… qui sont écrasés sous la concurrence de grands projets de magasins comme U-place à Machelen, Alcopa à Vilvorde et d’innombrables autres. Ce n’est pas parce que le gouvernement, avec son plan PME fédéral, exonère les 3 premières embauches des cotisations sociales et promet d’augmenter la pension minimum des indépendants que ces derniers sont au pouvoir. Ce que ce gouvernement fait surtout, c’est utiliser la pauvreté réelle parmi une couche, une partie des indépendants, pour encore offrir plus de cadeaux aux grandes entreprises. Les couches moyennes sont aussi peu au pouvoir avec ce gouvernement que les travailleurs l’étaient avec le gouvernement Di Rupo.
Avec sa surenchère de propositions néolibérales, le VLD voulait forcer la N-VA à montrer son côté le plus asocial. Le CD&V a abandonné le poste de premier ministre pour ne pas brûler un autre de ses ténors mais au contraire le sauvegarder pour la suite, après la coalition « kamikaze ». Pour Michel et le MR, c’était une occasion unique de pouvoir occuper le siège de premier ministre fédéral et de pouvoir distribuer des portefeuilles ministériels lucratifs. Que De Wever ait préféré rester à Anvers en tant que bourgmestre et belle-mère du Premier Ministre en dit beaucoup sur la confiance qu’il avait lui-même du gouvernement. Mais pour la bourgeoisie, la situation était win-win. Si le gouvernement parvenait à appliquer une partie de son programme de droite, elle l’accueillerait avec plaisir. Que le gouvernement tombe sous les coups de la résistance sociale et il lui était alors possible de changer son fusil d’épaule vers une tripartite classique sans passer par l’obstacle des élections. Mais n’importe quelle constellation politique au pouvoir aurait dû passer à la vitesse supérieure dans l’application de l’austérité. La crise mondiale ne laissait d’ailleurs pas d’autre choix au capitalisme belge que d’essayer de rétablir sa compétitivité aux frais de la classe des travailleurs. Cela ne signifie pas que cela ne fait aucune différence.
Un gouvernement thatchérien – la cavalerie légère
A l’été 2014, il était clair que le prochain gouvernement serait de droite dure. Fin juillet, une version flamande avait déjà été installée, le gouvernement de Geert Bourgeois. Comme pour illustrer que le grand changement commençait immédiatement, il a annoncé un programme d’austérité gigantesque de 8 milliards d’euros. Les fonctionnaires, les communes, les crèches, les allocations familiales,… mais aussi une mesure plutôt symbolique qui devait rapporter 160 millions d’euros : l’augmentation du minerval pour l’enseignement supérieur. Dans le passé, cela s’est toujours heurté à des protestations conséquentes. Il s’agissait d’un test pour estimer la résistance des étudiants et d’une mesure pour voir ce qui pouvait se passer si toute la classe des travailleurs était attaquée. Si l’expérience réussissait, la voie était ouverte pour l’introduction graduelle d’un enseignement élitiste avec des minervals qui, dans le monde anglo-saxon atteignent jusque 8000 euros, écrivions-nous.
En général, les marxistes décrivent la jeunesse comme la cavalerie légère de la classe des travailleurs. Les jeunes portent moins de responsabilités, sont moins marqués par les défaites du passé, entrent plus facilement en action et sont plus flexibles dans le combat. Nous qualifions les ouvriers de l’industrie de bataillons lourds, plus difficiles à mettre en marche, mais une fois qu’ils sont en mouvement, impossible de les arrêter. Mais cela faisait déjà depuis 2003, depuis la guerre en Irak, que la jeunesse s’était massivement mise en mouvement. Cela n’avait pas seulement érodé la force du PSL parmi la jeunesse, mais aussi affaiblit la conscience et l’expérience de lutte de cette dernière. Ici, une opportunité se présentait de commencer à restaurer la situation. En août déjà, nous avons réuni notre comité jeune à ce sujet pour ne pas manquer l’occasion. Nous avions compris que si cela ne dépendait que de la VVS (Vlaamse Vereniging van Studenten, équivalent flamand de la FEF) ou de Comac, le mouvement allait être dépolitisé, les étudiants n’auraient pas leur mot à dire et les actions resteraient symboliques. Nous n’allions pas arriver à tourner cette situation mais être capables de mettre en pratique quelque part l’orientation des Etudiants de Gauche Actifs sur le mouvement des travailleurs, notre méthode et notre programme, pouvait nous permettre de devenir une position minoritaire importante dans le mouvement.
Nous avons concentré toute notre énergie sur les étudiants du secondaire à Gand, en construisant des comités d’actions dans les écoles ainsi qu’une coupole gantoise pour organiser des manifs et des grèves et orienter ces étudiants du secondaire vers le plan d’action syndical. Cela faisait longtemps qu’on avait encore d’une façon aussi concentrée mis toute la force sur la pointe de l’attaque. A chaque action, une mobilisation minutieusement préparée précédait avec des tracts discutés en détails qui tenaient compte de l’actualité ; des sensibilités des parents, des profs et des directions ; avec des slogans réfléchis ; des propositions pour après l’action et un court communiqué de presse avec les points cruciaux à défendre. A chaque action, chacun avait sa tâche, de l’animation à la vente du journal jusqu’à la prise de parole. Là où c’était possible, le lien avec le personnel était accentué. Chaque action – comme nous l’avions appris du mouvement antimondialisation – se terminait par une assemblée générale où le prochain pas à suivre était discuté. A un certain moment, parmi les étudiants du secondaire, EGA était devenue l’organisation à la mode. Nous avons été capables de politiser les meilleurs écoliers et de les gagner, de même qu’un certain nombre d’étudiants du supérieur attirés par les actions. C’était extrêmement important, le seul acquis de cette lutte qui pèse peut-être plus lourdement dans la balance, c’est l’expérience faite par le parti et qui ne peut pas se perdre.
Un gouvernement thatchérien – les bataillons lourds
C’était Leemans, de la CSC, qui, à l’été 2014, lorsque les discussions sur la formation du gouvernement de droite étaient pleinement en cours, a fait en premier la comparaison avec Thatcher en Grande-Bretagne dans les années ’80. La différence principale entre ce gouvernement et tous les précédents depuis les années ’80 était qu’il voulait une cassure radicale avec le modèle de concertation belge qu’il considérait comme un obstacle à l’instauration d’une politique d’austérité plus drastique. Ce gouvernement voulait finir ce que les coalitions de droite des années ’80 n’avaient pas réussi à obtenir. La condition étant la cassure des syndicats et le renversement des relations de force entre travail et capital. Une partie de la droite, surtout à la N-VA, est convaincue que les syndicats ne sont que des reliquats du siècle précédent qui s’écrouleront lorsqu’on leur reprend le paiement des allocations de chômage et des primes syndicales. Ils ne connaissent pas les syndicats de l’intérieur. Pour eux, ce sont des « appareils » et rien d’autre. Leur base de petits patrons n’a pas ou peu d’expérience avec des délégations syndicales des grandes entreprises des secteurs forts ou des services publics.
Pour eux, les partis traditionnels ne sont que des faibles et les syndicats doivent apprendre une leçon. Ils pensent pouvoir gagner. C’est aussi la raison pour laquelle la véritable bourgeoisie n’est pas vraiment enthousiaste à propos de cette petite bourgeoisie « je sais tout ». Si le colosse du mouvement des travailleurs se met en branle, la vraie bourgeoisie s’assurera à temps de se placer hors de vue. Le gouvernement de droite veut économiser pas moins de 17 milliards d’euros, plus encore si les chiffres de croissance se révèlent moins favorables, comme c’est déjà le cas. Déjà le 23 septembre 2014, deux semaines avant la constitution du gouvernement Michel, 7000 syndicalistes se chauffaient pour la lutte place de la Monnaie à Bruxelles. Le PSL avertissait déjà que compter sur le CD&V pour arrêter ce gouvernement était une illusion et puis qu’on allait essayer de stimuler des conflits entre syndicalistes de la CSC et FGTB tout comme entre Flamands, Wallons et Bruxellois.
« Pas de Thatcher en Belgique ». Nous avons résumé le sentiment général sur nos tracts et nos affiches tout en appelant à un plan d’action qui, à notre grande surprise, a été quasi littéralement repris par les directions syndicales. Soudainement, ceux-là semblaient donc bien savoir comment mettre en place une mobilisation, avec de l’information convenable et à temps, des réunions interprofessionnelles dans les provinces et des assemblées générales sur les lieux de travail. Avec une manifestation nationale, des réunions d’évaluation, des grèves tournantes aboutissant à une grève générale nationale de 24 heures. Le résultat était étourdissant. Nous l’avions vu venir, notre tract pour la manifestation du 6 novembre commençait ainsi : « Nous répondons aujourd’hui au gouvernement et au patronat. Oui, les syndicats peuvent encore mobiliser des tonnes d’affiliés. Non, le mouvement des travailleurs n’est pas un concept du siècle dernier. Au contraire ! Il est bien en vie et prêt à se battre. Et oui, le mouvement des travailleurs est toujours le moteur du changement social, capable d’entrainer derrière lui toutes les couches de la société. » Nous n’avions pas tort. Pas moins de 150.000 personnes ont marché ce jour-là dans les rues de Bruxelles. Même l’attention démesurée des médias pour les troubles à la fin de la manifestation n’ont pas pu en annuler l’effet. Les dirigeants syndicaux eux-mêmes parlaient de 120.000 manifestants, probablement pour tempérer les attentes quant à la suite des évènements.
En général, les directions syndicales partent de l’idée que le soutien dans la société pour des grèves est limité. Mais l’attaque des gouvernements de droite était tellement générale que des couches entières de la population ont spontanément rejoint le mouvement. C’était ainsi pour les jeunes qui ont pris la tête de la manifestation du 6 novembre avec une délégation remarquable d’étudiants du secondaire de Gand, mais aussi pour des couches moins évidentes qui s’organisaient dans Hart Boven Hard / Tout Autre Chose. « Même les journalistes de l’establishment grassement payés depuis la fin du 19e siècle pour nous qualifier d’énergumènes amateurs de bières doivent bien provisoirement reconnaître que le soutien est vraiment très large pour cette manifestation », écrivions-nous. [124] Ce soutien n’a pas disparu durant les grèves provinciales du 24 novembre, du 1er décembre et du 6 décembre. Nous ne savons pas si la grève générale du 15 décembre est devenue la plus grande grève générale de 24 heures du pays mais, dans un sondage fin décembre, plus de 70% de la population disaient que le saut d’index et l’augmentation de l’âge de la pension à 67 ans étaient de mauvaises mesures. 85% des Flamands se déclaraient favorables à un impôt sur les fortunes de plus de un million d’euros, dont 91% des électeurs CD&V et même 78% de ceux de l’Open VLD et de la N-VA. Toute la société était entrainée par l’enthousiasme du plan d’action syndical, y compris beaucoup d’électeurs des partis de droite gouvernementaux.
Les membres du PSL ont utilisé cette période, soit pour restaurer la tradition perdue des assemblées du personnel et de renforcer le fonctionnement syndical sur les lieux de travail ; soit pour construire un comité de grève sur leur zone industrielle et pour créer des contacts durables entre délégués ; soit pour renforcer une position déjà acquise ou en restaurer une menacée, soit pour s’imposer comme facteur dans la région ou la centrale ; soit pour faire les premiers pas vers un fonctionnement syndical, mettre en action un collègue pour la première fois, gagner au parti un premier collègue au boulot ou simplement l’abonner à notre journal. Tous pris ensemble, ces nombreux pas en avant signifient un énorme renforcement de notre travail syndical. Qui aurait pu s’imaginer que les directions syndicales nous laisseraient une telle occasion avec ce plan d’action ? Dorénavant, la revendication d’un plan d’action n’est plus une idée abstraite que seule la gauche radicale peut imaginer, c’est une revendication qui correspond à une expérience concrète et enthousiasmante.
Le mouvement qui a connu un démarrage extrêmement fort avec la plus grande mobilisation syndicale depuis 1986 le 6 novembre avait le potentiel de faire tomber Michel I. Tant la grève générale contre le plan global en 1993 que celles contre le Pacte des Génération en 2005 et de nouveau celle du 30 janvier 2012 avaient été arrêtées par les directions syndicales avec l’argument que tout gouvernement alternatif serait plus à droite que celui en place. Cet argument n’était plus valable cette fois-ci. On pouvait donc renouer avec les traditions de la grève générale politique. Cela signifierait que le monopole politique des institutions bourgeoises, des chambres de représentants et des élections téléguidées par les médias de masses et les agences de communication étaient de nouveau défiées par un autre organisme beaucoup plus démocratique et en plein développement. N’importe quel gouvernement suivant devrait tenir compte avec un mouvement des travailleurs qui avait gagné une première épreuve de force et fortement regagné en confiance.
Nous pensons que les directions syndicales considéraient initialement de faire tomber le gouvernement de droite pour remettre en selle la tripartite. Nous doutons que cela aurait suffi pour revenir sur le saut d’index, sur les économies opérées dans les services publics et sur l’augmentation de l’âge de la pension. Durant tout le plan d’action, nous avons averti pour cela. A la manifestation du 6 novembre, le titre de nos journaux, de nos tracts et de nos pancartes était : « grève pour faire tomber Michel 1er et toute l’austérité. » Notre programme de revendications tenait compte des besoins immédiats, mais nous n’avons pas laissé passer cette conjoncture exceptionnelle de la lutte des classes sans fournir une série de mesures absolument nécessaires qui clarifient la nécessité d’une transformation socialiste de la société. Nous avons mis en avant l’idée d’un gouvernement des travailleurs, liée à la nécessité d’un large parti de lutte de gauche, en disant que le PTB-GO aurait pu être un premier pas en cette direction, mais avons aussi avancés l’idée d’assemblées du personnel en tant qu’embryon pour l’élaboration d’une alternative du mouvement des travailleurs. Nous avons donc fait ce que des marxistes sont attendus de faire dans de telles situations.
Le test ultime
C’est dans des périodes comme l’automne 2014, lorsque les contradictions à une explosion qualitative et que la lutte des classes s’accélère de manière indiscutable que l’Histoire s’écrit. [125] Alors, ce qui est souvent considéré comme du « coupage de cheveux » en quatre sur la stratégie, la tactique et le programme devient soudainement pertinent aux yeux des sceptiques. Cela ne signifie pas que des partis révolutionnaires, en attendant une telle période, peuvent tout simplement se reposer. Leur puissance de réaction est également déterminée par leur capacité à continuer à se construire et sauvegarder leurs acquis dans des périodes plus calmes. Ceci exige un énorme investissement avec un rendement à peine visible. L’automne 2014 a clarifié qu’à cette époque il y avait trois organisations de la gauche radicale en Belgique qui avaient construit une capacité de réagir de manière collective : le PTB, le PSL et la LCR. D’autres groupes se trouvent ou bien encore en phase « d’accumulation primitive » ou se contentent déjà de faire des commentaires révolutionnaires en spectateur des évènements. Cela ne signifie pas que certains de leurs membres ne jouent pas un rôle, mais ils le font principalement sur base de leurs mérites propres et non pas en résultat d’une intervention collective.
Déjà durant l’été 2014, nous avions compris que ce qui s’annonçait serait probablement d’une qualité différente que la période précédente et que la possibilité existait que les dirigeants syndicaux allaient mettre quelque chose en route. Evidemment, nous devions mettre en garde de nombre de dangers. Nous les avons déjà énumérés : le sectarisme syndical, la division communautaire, les illusions dans le CD&V et une réédition de la tripartite. A partir du 6 novembre se sont ajoutées des illusions envers une fiscalité plus équitable au travers du fameux virage fiscal (Tax Shift). Nous avons tout de suite compris que son objectif était de dévier le mouvement de l’objectif de la chute du gouvernement. Mais il fallait surtout prendre les dirigeants syndicaux au mot, les pousser dans le dos en lançant systématiquement des propositions positives pour faire avancer la lutte tout en saisissant ces ouvertures pour restaurer le mieux possible la démocratie syndicale et renforcer les militants combattifs. Et puis utiliser la conscience élargie durant ces actions afin de coupler aux revendications directes du mouvement la nécessité d’une transformation socialiste de la société. Sous le titre « Pas un programme de passivité, mais un programme de révolution », Trotsky formulait ainsi les choses en 1934 : « Les sceptiques qui pensent que tout est perdu doivent être impitoyablement chassés des rangs ouvriers. » [126]
La LCR, par contre, constatait en septembre 2014 que les dirigeants syndicaux appelaient bien à l’action, « nous disent qu’il faut préparer les munitions », mais que parallèlement « les fusils continuent de rouiller dans les tranchées ». La LCR n’a pas stimulé le mouvement, elle l’a démoralisé. Dans les meetings syndicaux régionaux, ses militants ne sont pas intervenus pour motiver d’autres militants avec des propositions positives mais simplement pour vider leur sac de frustrations quant au manque de combativité de la part de la direction. Au lieu de mettre la direction syndicale en difficulté en l’obligeant à balayer une proposition comprise comme positive, elle lui a offert l’occasion d’isoler des militants combatifs et de les démoraliser. Ce sectarisme rhétorique, la LCR l’a combiné à un opportunisme dans les slogans et le programme. A la manif du 6 novembre, elle lançait « Basta ! Michel dégage ! » En soit, cela aura eu un certain eu un certain écho, mais cela ne donnait pas d’avertissement quant à la stratégie de la direction syndicale pourtant clairement orientée vers une remise en selle de la tripartite. Sur le socialisme, pas un mot, mais à sa place « une Europe vraiment démocratique, sociale et accueillante ». Si le socialisme ne valait même pas d’être mentionné le 6 novembre, quand donc le faire ? Nombre de revendications de tracts de la LCR avaient un contenu ressemblant à celui du PSL, mais leur effet était miné par la manière exagérément conflictuelle dont elles étaient amenées.
On aurait difficilement pu s’imaginer un meilleur positionnement pour entrer dans le plan d’action que celui du PTB. Il venait juste gagner deux sièges à la Chambre, deux au Parlement wallon et quatre au Parlement bruxellois sous le nom PTB – Gauche d’Ouverture. En Flandre, où il n’y avait pas de place pour l’ouverture dans le nom de la liste, aucun élu n’a été obtenu. Mais il s’en est fallu d’un cheveu que Peter Mertens atteigne le seuil électoral à Anvers. Cela démontre qu’un espace existe bel et bien à gauche de la social-démocratie et des verts. C’est pourquoi le PSL, après toutes les tentatives d’y répondre avec le Comité pour une Autre Politique (CAP) et Rood, a proposé un an avant les élections, le 25 mai 2013, à toute la gauche radicale de déposer en commun des listes unitaires (sous le sigle de PTB-Unité ou quelque chose de semblable). [127] Pour cette même raison, nous étions, après que cela ait été rejeté et échangé pour Gauche d’Ouverture, toujours prêts à présenter des candidats sur des listes PVDA+ / PTB-GO. Cela aussi a été rejeté. A Bruxelles, même la proposition de liaison des listes a été rejetée. Nous avons finalement décidé de ne pas déposer de listes à Anvers et Liège et de lancer un appel à voter pour les listes PTB + / PTB-GO afin de renforcer la possibilité d’obtenir un élu de gauche, de même qu’à Charleroi pour ne pas y saper l’appel de la régionale FGTB.
Le PTB aurait pu utiliser sa nouvelle position acquise pendant le plan d’action. En première page de l’édition de juin 2014 de Lutte Socialiste nous écrivions : « Quelles que soient les compositions exactes des futurs gouvernements régionaux et fédéral, il est d’ores et déjà certain que nous allons subir une avalanche de mesures antisociales de la part de tous les niveaux de pouvoir ; fédéral, régional et communal. L’heure est à la résistance et pour cela, ainsi que pour être aptes à inverser la tendance, nous avons besoin d’un large front de résistance qui regroupe les mouvements sociaux, les syndicalistes de gauche, la gauche radicale, les militants associatifs ou de quartier, etc. Un tel appel lancé uniquement de la part du PSL ne peut compter que sur un écho limité, mais si le PTB posait cette question sur la table avec ses huit parlementaires ainsi que ses 50 élus communaux et si, surtout, certaines fédérations ou régionales syndicales suivaient, le potentiel serait gigantesque pour construire un véritable mouvement de résistance de la base. » [128]
Mais un large front de résistance n’était pas l’orientation prise par le PTB, au contraire, Gauche d’Ouverture a été mis en veille pour la durée du plan d’action. « PTB-GO, stop ou encore ? », titrait déjà le numéro de septembre octobre de La Gauche. Dans celui de novembre-décembre, Daniel Piron, à l’époque encore secrétaire régional de la régionale FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut, pouvait venir expliquer « le PTB-GO qui devient PTB, ça ne va pas ». Comme s’il fallait s’attendre à autre chose. Gauche d’Ouverture était finalement le résultat d’une manœuvre de la LCR. Avec un plaisir non dissimulé, celle-ci, en concluant un accord séparé avec le PTB, avait fait couler le front des formations de gauche radicale autour de l’initiative de Charleroi pour arriver à une liste commune avec tous les groupes autour de la table. Du moment que cela a été clair, le Parti Communiste a également choisi d’entrer dans des pourparlers séparés. Grâce à cela, le PTB a pu choisir ses partenaires à la carte sans devoir abandonner le semblant d’élargissement. Le pronostic que le PTB plaquerait le GO une fois effectuée la percée électorale a été formalisée en janvier 2015, officiellement parce que la Gauche d’Ouverture n’était pas encore assez ouverte.
Même sans front de résistance, le PTB aurait pu peser sur le plan d’action. Ses nombreux militants dans les entreprises auraient pu prendre l’appel des syndicats à cœur et stimuler partout la tenue d’assemblées du personnel sur les lieux de travail. A l’instar des membres du PSL qui travaillent dans la zone industrielle de Gand-Sud, ils auraient pu aider à construire des comités de grève à une échelle beaucoup plus large que ce qui était possible pour nous. Ils auraient pu renforcer les revendications syndicales avec un argumentaire non seulement élaboré par leur service d’étude, mais également sur base des discussions sur les lieux de travail. Ils auraient pu populariser un certain nombre de revendications objectivement nécessaires qui, généralement, se heurtent à plus de résistance, comme les 32 heures. En réponse aux illusions des sommets syndicaux envers la réédition de la tripartite, ils auraient pu amener l’idée d’un gouvernement des travailleurs. Après le 15 décembre, ils auraient pu propager la nécessité d’un nouveau plan d’action plus grand et plus dur en préparation d’une grève générale de 48 heures et rendre la trahison des dirigeants syndicaux plus difficile.
Mais cela, ce n’était clairement pas l’intention du PTB. Même lorsque le syndicat laissait encore sous-entendre que le gouvernement de droite devait tomber, le PTB se limitait déjà à revendiquer que le gouvernement retire ses mesures asociales. Lorsque, en avril 2015, De Standaard a cherché à savoir quelles étaient les critiques possibles du PTB contre les directions syndicales, Peter Mertens a répondu : « nous vivons dans une société totalement faite de communication et, donc, les syndicats doivent beaucoup plus s’occuper de la façon dont ils traduisent leur message vers un grand public. Ce n’est pas vrai qu’ils ne s’occupent que des droits acquis. On y trouve beaucoup de gens progressistes, avec des idées progressistes. Ils ont énormément d’antennes à l’écoute de la société mais malgré cela, ils ne parviennent pas à peser sur le débat (…) Je suis un grand fan de tous ces nouveaux mouvements citoyens comme Straten-Generaal ou Ademloos mais ils ne pourront jamais remplacer les syndicats. Ils n’ont par exemple pas une arme puissante comme le droit de grève. C’est pourquoi les syndicats, tout comme le PTB, doivent entrer dans une nouvelle époque. En 2008, nous aussi, nous avons décidé de commencer à collaborer avec un bureau de communication. » [129]
Difficile de nier que la communication externe des syndicats n’est pas idéale. Mais nous doutons qu’un bureau de communication puisse y remédier. Le problème de cette communication n’est pas sa forme, mais surtout son fond. C’est parce que les syndicats ne veulent pas gêner les partis amis de la social-démocratie et de la démocratie-chrétienne. Mertens ne dit rien non plus sur le manque criant de communication interne, de démocratie, par exemple au moment où le premier plan d’action s’est terminé sans plus de suite. Nous comprenons que Mertens préfère tenir nombre de ses critiques en interne, surtout dans une interview avec De Standaard. Mais dans cette même interview, Mertens déclare aussi ne pas avoir envie de faire la concurrence au SP.a ou à Groen et qu’il espère pouvoir entrer d’ici dix à quinze ans dans un gouvernement qui pourra appliquer la taxe des millionnaires. Bref, l’absence de critiques en contenu sur les dirigeants syndicaux peut aussi être liée au fait que Mertens est lui-même favorable à un gouvernement avec les « partis amis », à condition toutefois de pouvoir y participer.
Lors du plan d’action, le PTB s’est concentré sur une autre niche. Il avait bien senti le soutien large du mouvement et pensait pouvoir en faire quelque chose. C’est sans doute le PTB qui était le moteur derrière Hart boven Hard, initiative que nous saluons nous aussi. Mais pour le PTB, cela devait surtout rester large, pas trop politique, accessible à toutes sortes de progressistes, y compris des figures de la social-démocratie et des verts. Faudrait-il y voir une sorte de coalition de la rue dans la perspective d’une future coalition gouvernementale ? Qu’importe, le PTB voulait à tout prix éviter que cette base bigarrée soit attirée par un rabat-joie plus radical, d’où des parades à la place de manifestations, d’où une mise en scène stricte, d’où une phobie pour tout ce qui est considéré comme trop à gauche, jusqu’à l’interdiction de tracts, de drapeaux et de pancartes si ce n’est derrière un peloton de membres du service d’ordre.
Pour le moment, le PTB occupe l’espace qui se trouve à la gauche de la social-démocratie et des verts. C’est aussi ainsi que le considèrent de nombreux syndicalistes combatifs et jeunes radicalisés. Cela n’a pas facilité notre construction ces dernières années. Cet espace pourrait encore être décuplé s’il existait un parti de combat large et inclusif de travailleurs. Mais les expériences précédentes ont clairement montré que le PTB ne veut être large qu’à condition d’avoir le contrôle total, mais aussi qu’il veut changer la société très graduellement, en commençant par une coalition gouvernementale d’ici dix à quinze ans et pas à travers la lutte sociale qui ne sert, au mieux, qu’à son positionnement électoral. Cela signifie que cet espace existera encore quelques temps. Le PTB y sera un obstacle difficile à contourner, ce qui fait que la question d’un vrai parti de combat est postposée. Mais si la société continue à s’agiter, ces processus pourront se développer beaucoup plus vite que ce que nous sommes aujourd’hui capables d’estimer. Nous remarquons déjà que les différences en méthodes et en programmes se clarifient et que, parallèlement, les opportunités de construire le PSL se font plus nombreuses. Il est frappant de voir avec quelle aisance un nombre de travailleurs et de jeunes ont déjà laissé derrière eux leur courte expérience avec le PTB et cherchent à adhérer au PSL.
Comment la situation a-t-elle pu tourner avec le changement d’année ?
Ce n’est sûrement pas dû au plan d’action de cet automne mais, depuis 2015, dans les pays voisins aussi, la température sociale a augmenté. En Allemagne, le nombre de jours de travail perdus pour cause de grève est passé de 156.000 en 2014 à plus d’un million pour cette année-ci. A Dundee, en Écosse, des brancardiers ont fait grève durant 13 semaines et ont arraché une augmentation salariale de 20%. A Glasgow, les travailleurs sociaux ont fait grève durant 14 semaines. En mai, à Bursa, au Nord-Est de la Turquie, les travailleurs d’Automotive, autour de l’usine Renault, ont fait grève pour une augmentation salariale de 60%. Le personnel des aéroports en Espagne et les dockers en France ont fait grève. Aux Pays-Bas, le syndicat FNV a lancé un ultimatum au gouvernement pour une augmentation des salaires dans les services publics. Pour certains syndicats, ce sont les premières grèves depuis des années. The Economist se demande si les syndicats veulent saisir la reprise économique pour essayer de justifier leur existence « après des années d’inactivité et de pertes de membres ». [130] Nous suivons attentivement ces développements puisque cela pourrait être un facteur apte à stimuler la reprise de la lutte.
Les dirigeants syndicaux belges avaient annoncé une évaluation le lendemain de la grève générale du 15 décembre où une suite allait être proposée si nécessaire. Pendant les semaines qui ont suivi, les négociations ont dû être nombreuses. C’est à ce moment-là que le Groupe des Dix est soudainement sorti avec des accords partiels. Des promesses ont-elles été faites quant à ARCO, le patronat a-t-il décidé de ne pas mettre de l’huile sur le feu ? Est-ce ce pour quoi la tonalité des discussions sur la limitation du droit de grève a baissé d’un cran ? Probablement les directions syndicales se sont-elles réalisées à ce moment-là que faire tomber ce gouvernement exigerait un effort qu’ils n’étaient pas préparés à livrer. « They looked over the cliff » dirait-on en anglais : ils ont eu le vertige. L’évaluation a été reportée, reportée et encore reportée. Il y a eu une époque où des délégations d’entreprises étaient capables de pousser le mouvement de l’avant contre la volonté des dirigeants syndicaux. Mais au grand soulagement des directions syndicales nationales, ce ne fut pas le cas cette fois-ci.
La FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut n’avait-elle pas rédigé un programme anticapitaliste en 10 points ? [131] C’était pourtant un excellent document. [132] C’était indicatif de la frustration d’une partie de l’appareil syndical qui en avait marre de courir après les partis traditionnels. Le Comité Permanent de la régionale de Charleroi – CP, Comité regroupant les secrétaires généraux des différentes centrales de la régionale, ainsi que le secrétaire régional – s’était sérieusement avancé, il remettait en question depuis 2010 les relations privilégiées avec la social-démocratie et, au printemps 2013, avait rassemblé 6 formations de la gauche radicale dans l’espoir de faciliter la création d’un parti considérablement plus à gauche. Mais le CP a aussi commis des erreurs qui deviendront fatales par la suite. Son intention de discuter ses brochures « 8 Questions » et « 10 objectifs » et de les diffuser ne s’est jamais réellement réalisée. L’initiative est donc restée trop dépendante du sommet, correspondant bien à état d’esprit parmi les militants mais trop peu vue comme un projet qui leur soit propre et à activement promouvoir.
Le CP s’est aussi heurté à une forte résistance. Des tentatives de désolidariser certaines centrales régionales de l’initiative sont venues du sommet et du PS. Cela a réussi avec la centrale des employés (Setca) et plus tard aussi avec celle des services publics (CGSP). Le CP ne savait pas comment traiter cela. Autour de la fin 2013 début 2014, la régionale a été confrontée à la fermeture de deux entreprises verrières, AGC et Saint Gobain et deux restructurations, Caterpillar et Ikea. Les dossiers coïncidaient quasiment avec la sortie du programme anticapitaliste des « 10 objectifs ». Le PSL proposait de saisir cela pour organiser une manifestation régionale tirée par les travailleurs touchés, mais avec l’objectif de monter que tous les travailleurs de Charleroi les soutenaient et dans le but de mettre la région wallonne face à ses responsabilités. La mobilisation de la classe aurait certainement augmenté la pression sur la centrale des employés et celle des services publics pour souder les rangs avec la centrale du métal, la centrale générale et d’autres. Le CP ne l’avait-il pas compris ? Ils ne l’ont en tout cas jamais fait. Publier un programme anticapitaliste et devoir subir des restructurations et des fermetures d’entreprise avec impuissance dans son propre bastion, cela ne colle pas.
A l’approche des élections, le PS est passé à la vitesse supérieure au niveau de la pression exercée sur la direction de la régionale, la centrale des employés et celle des services publics ont donc également augmenté la pression. Un évènement dramatique survenu dans la vie privée de Daniel Piron a certainement joué dans le fait qu’il fasse un pas de côté et abandonne son poste en claquant la porte pendant la période entourant le 1 mai 2014 et les élections. Le 1er mai 2014, Carlo Briscolini a dénoncé les manœuvres du PS (sans le nommer) à la tribune, et sans faire d’appel de vote, a rappelé ce que la régionale avait dit quelques mois plus tôt, que le PTB-GO était un premier pas intéressant. Mais c’est le discours du représentant des jeunes FGTB et les critiques qu’il a émise vis-à-vis des politiques mises en place par le PS qui vont mettre en colère les pontes du PS. Ceux-ci ont ostensiblement quitté les lieux, suivis par les représentants du Setca et de la CGSP en entrainant seulement une petite minorité des participants. Cela ne faisait qu’illustrer de quel côté se trouvait la majorité des militants. Après un bref retour après les élections, Daniel Piron abandonnera complètement son poste de secrétaire régional et sera remplacé par un proche du PTB. Tout en restant secrétaire général de la Centrale générale et présent au CP, Carlo Briscolini remettra quant à lui son mandat de président de la régionale au profit du responsable de la centrale des métallos, proche également du PTB. Nous ne savons pas ce qu’il serait advenu sans l’abandon de Piron ou le recul de Briscolini. Le résultat des élections a confirmé leur position. A l’automne, le plan d’action syndical leur aurait offert la possibilité de discuter de leur programme à une échelle plus large que jamais auparavant. Mais le fait est qu’après le 15 décembre 2014, à Charleroi également, les actions ont été stoppées.
Avec le changement de direction dans la régionale de la FGTB Charleroi, sous couvert de continuité, le contenu a changé. Au lieu de vouloir faciliter la création d’une nouvelle formation à la gauche de la social-démocratie et des verts, on vise maintenant clairement une ouverture vis-à-vis du PS et d’Ecolo. Cela répond à la volonté du PS de remettre la main sur la régionale, mais également à la stratégie du PTB d’un “front des progressistes” avec le PS et Ecolo. De tout cela, nous ne pouvons tirer qu’une conclusion : des pans de l’appareil peuvent être poussés vers une politique syndicale plus combative. Ils peuvent même, comme le CP de Charleroi & Sud-Hainaut, aller très loin. Mais sans mouvement fort à la base, sans capacité de mobilisation pour soutenir ses positions y compris en pratique, ils se heurteront à chaque fois à leurs limites. Il nous faut un réseau de syndicalistes de combat qui partage son expérience de construction de délégation, qui fait de la démocratie syndicale un élément clé sur le lieu de travail et dans leur centrale, qui défend une rupture avec les partis traditionnels et qui œuvre en faveur d’un parti de combat large et inclusif, capable de politiquement traduire nos revendications.
L’attentat de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, le dénouement de la prise d’otage à Paris le 9 janvier et, finalement, les tirs à Verviers le 15 janvier où deux terroristes ont été tués ont éclipsé la lutte sociale. Avec les concessions minimales sur les salaires et l’enveloppe « bien-être » utilisée comme monnaie d’échange pour faire revenir les syndicats sur leurs déclarations concernant la poursuite des actions, cela a permis au gouvernement de restaurer sa position en appelant à la réconciliation et à l’unité nationale face à un ennemi commun. Attention, ces djihadistes défendent un régime ultraréactionnaire basé sur l’exploitation capitaliste et féodale, sur l’oppression, la censure et des interdictions. Mais les guerres impérialistes, la stigmatisation des musulmans, la politique d’austérité et les discriminations intolérables ne peuvent pas simplement être balayées d’un revers de la main. Il y a eu une tentative de passer tout cela sous le silence au nom de la « solidarité » avec les victimes des attentats.
A la manifestation du 12 janvier à Bruxelles, le PSL était le seul parti à avoir résisté à cette pression, non pas en laissant le terrain à la droite en étant absent, mais en allant au contraire à la confrontation avec ses idées. Ici et là, il y a eu des remarques, mais la grande majorité des manifestants pouvait comprendre nos critiques quant au fait que jamais aussi peu d’opinions n’ont été exprimées à une manifestation appelant pourtant explicitement à la défense de la libre expression. Pour le gouvernement, c’était l’opportunité de montrer qu’il était une force agissante. Il a annoncé 12 mesures antiterroristes, dont le déploiement de l’armée dans la rue. Même l’ordre flamand des avocats – qui n’est pourtant pas à l’avant-garde de la résistance contre l’establishment – a averti que ces mesures représentaient une menace pour la vie privée. Le PSL a accentué que ce n’est pas Big Brother qui allait arrêter le terrorisme mais que, pour cela : « Pour mettre un terme à la menace terroriste et à la violence croissante, nous avons besoin d’un changement fondamental. Ce système dans lequel les très riches continuent à s’enrichir inexorablement aux dépens du reste la population conduit forcément à plus de violence. Il ne s’agit pas d’un problème individuel. Cela fait partie d’un tout, de la manière dont fonctionne ce système. » [133]
Les dirigeants syndicaux jouent avec le feu
Le 10 février, le moment était venu. C’est alors que le conseil général de la CSC a voté le « projet d’accord social » du groupe des dix à la plus courte majorité de son histoire : 49% pour, 45% contre, 6% d’abstention (147 votes pour, 135 votes contre, 17 abstentions). La direction de la CSC a, de plus, dû promettre de continuer à mener action en front commun syndical. La FGTB avait déjà auparavant rejeté le projet d’accord. Le 5 février, le journal patronal FDMagazine écrivait : « La FEB est exaltée par ce projet d’accord (…) avec dedans le saut d’index, des enveloppes réelles extrêmement limitées pour les négociations salariales pour 2016 et une réduction des charges. (…) En plus, pour 2015, le blocage salarial (la norme 0%) continue. Ce n’est qu’à partir de 2016 que des enveloppes très limitées sont prévues pour les négociations salariales (0,8% tous ensemble). Il s’agit en plus de maximas, ce qui signifie que le secteur et les entreprises peuvent donner moins ou rien du tout. » Le saut d’index au sens strict ne fait pas partie du projet d’accord. Le texte le stipule d’ailleurs explicitement. Mais le patronat, ses politiciens et ses médias savaient déjà à ce moment qu’en signant l’accord social, la CSC allait automatiquement avaler le saut d’index.
Ainsi, la CSC a également ouvert la porte à toutes sortes de mini-accords. A la FGTB, Jorissen (ABVV-Metaal) et Dedeyn (Setca) ont commencé à dire qu’ils trouvaient que le saut d’index ne méritait pas de faire grève. Il y a encore bien eu des concentrations syndicales le 13 mars et celle des services publics le 19 mars, suivis par la Grande Parade de Tout Autre Chose / Hart Boven Hard avec 20.000 participants dans la pluie battante et, finalement, la grève générale des services publics du 22 avril. Mais la volonté d’y aller vraiment de la part de la direction s’était totalement évaporée. Les manifestations thématiques contre l’effet de la politique gouvernementale sur les jeunes (12 mai), les femmes (4 juin) et les pensionnés (15 juin) ainsi que contre le dumping social (24 juin) n’ont pas pu le cacher. A la FGTB aussi, c’était dorénavant chacun pour soi, sans effort sérieux de rassembler la volonté de lutter clairement présente à la base dans un plan d’action en commun pour essayer d’entraîner à sa suite la CSC en travaillant sa base.
Dans un article titré « La volonté de faire grève est-elle éteinte ou les directions syndicales jouent-elles avec le feu ? » nous sommes revenus sur le Congrès de la CSC de la fin avril 2015. Ce congrès était apparemment un congrès de frustration accumulée et de colère. Leemans y avait entre autres plaidé pour échanger l’arme de la grève pour des formes d’action plus modernes, mais il a finalement dû reconfirmer que la CSC utilisera toujours l’arme de la grève si nécessaire. Il a de plus été obligé de concéder que la CSC « n’était pas encore mûre » pour la cogestion. Nous avons écrit que Leemans ferait mieux de faire attention. En janvier, il avait encore réussi à obtenir de justesse une majorité sur l’accord salarial parce que les représentants des centrales professionnelles ne voulaient pas publiquement le désavouer. Mais s’il continue à les dénigrer ainsi, à l’avenir, cela pourrait changer et, cette fois-ci, pas uniquement dans les centrales des employés.
Nous sommes aussi revenus sur le Comité fédéral de la FGTB de la fin avril. La presse s’est vantée du fait que « seulement » 35% de ses membres s’étaient prononcés pour une grève générale le 12 mai. Nous avons interprété les choses différemment : après la semaine d’actions mal organisée d’avril et la grève des services publics le même mois, nous, comme beaucoup d’autres, craignions qu’une grève générale aussi proche de l’été ne signifie qu’un doigt d’honneur illustrant plus la faiblesse que la force du mouvement. Le fait qu’il y ait eu encore autant de représentants pour voter en faveur de la grève était une expression de la protestation face au manque de stratégie claire du sommet de la FGTB, une protestation qui est aussi partagée par beaucoup des 65% qui avaient voté contre la grève mais dont le vote n’était pas un soutien au sommet mais plutôt l’expression de la crainte de la défaite et de l’échec d’une grève générale le 12 mai.
Celui qui pense que la résistance sociale est morte et enterrée se trompe, disions-nous. Cela nous avait frappé que, lors de la manifestation jeunes du 12 mai 2015, Marc Goblet avait annoncé un plan d’action « de l’ampleur et de la taille de l’automne 2014. » A l’action contre le dumping social du 24 juin, en tant que dernier orateur, il a appelé au moins 5 fois à mobiliser massivement vers une manifestation nationale du front commun syndical ce 7 octobre. C’était surtout remarquable que tous les autres orateurs y compris Leemans, Ska, mais surtout De Leeuw n’avaient pas même mentionné cette manif. Ce ne sera pas facile, après la trahison de ce printemps, de rallumer les braises de la protestation sociale.
Les dirigeants syndicaux abuseront de la présence moindre pour surtout ne pas laisser passer un plan d’action digne de ce nom. Apparemment, au sein de la FGTB, en tant que compromis, un faible semblant de plan a été élaboré avec des actions provinciales tournantes. Il n’est pas encore clair si la CS va participer, probablement non. Si les actions à tour de rôle sont faibles, c’est le risque de renforcer la démoralisation et d’augmenter les tensions entre syndicats y compris à la base. Mais dans le contexte politique actuel, beaucoup peut se produire, tout est possible. Si les mobilisations prennent un caractère massif à cause de l’un ou l’autre événement, il est possible qu’une ou plusieurs centrales de la CSC soient forcées par leur base de rompre les rangs bureaucratiques et de rejoindre la FGTB.
Il est entretemps clair que la majorité des dirigeants syndicaux tendent à vouloir attendre jusqu’à la fin de cette législature dans le vain espoir que la N-VA soit punie aux prochaines élections. C’est un pari dangereux qui, même si cela demande un peu de temps, ne sera pas apprécié à la base. La direction syndicale n’a-t-elle donc rien appris de l’expérience du TUC (Trade Union Congress) britannique ? Celui-ci partait de l’idée que les travaillistes ne pouvaient pas perdre et ont choisi d’attendre les élections générales du 8 mai 2015. Le parti travailliste s’y est positionné tellement à droite que beaucoup d’électeurs ont tout simplement décroché ou voté SNP. En aspirant les votes de son partenaire de coalition, les Libéraux-Démocrates, les Conservateurs (Tories) sont parvenus à arracher une courte majorité des sièges. En plus d’une austérité à hauteur de 80 milliards de livres sterling du gouvernement sortant, le nouveau gouvernement veut encore économiser 12 milliards de livres sterling et encore plus éroder le droit de grève. Heureusement, ceci est éclipsé par une révolte à la base, tant dans la rue que dans les élections pour la présidence du parti travailliste. Et la direction du TUC ? Elle regarde faire.
Michel I ne compte encore qu’une année derrière lui. Ce gouvernement ne va pas se mettre au repos. Le patronat en voudra encore plus après les premiers succès. Le Tax Shift que l’on nous a vendu pendant le plan d’action comme un pas vers un équilibrage des efforts est arrivé comme un cadeau unilatéralement pro-patronal. Le seul « trophée » que le CD&V a arraché, c’est la « concession » de ne pas neutraliser l’effet de l’augmentation de la TVA sur l’électricité par rapport à l’index. En échange, le VLD a reçu l’abolition de la tranche d’imposition de 30% et la N-VA l’augmentation du nombre de militaires en rue jusque 200. Nous sommes curieux de voir quelle sera la carotte que le sommet de la CSC nous mettra devant les yeux à partir de maintenant et la crédibilité que ça aura encore.
Finalement, toute une série de dossiers sont encore en attente, entre autres celui sur la limitation du droit de grève par l’instauration d’un service minimum à la SNCB. Cela devrait être fait avant la fin de l’année. Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à s’accorder, le gouvernement menace de l’imposer unilatéralement. En novembre, à la SNCB, il y aurait déjà une semaine de grèves tournantes suivie d’une grève nationale de 48 heures planifiée sur ce dossier, la dissolution de HRrail et le rétrécissement systématique du cadre du personnel. Cela se décrète hélas d’en haut, sans consultation de qui que ce soit à la base. Il semble qu’au lieu de préparer la lutte de façon sérieuse la direction de la CGSP cheminot veut tout simplement ouvrir encore une fois tous les dossiers pour que par après personne ne puisse lui reprocher de manque de combativité. Il nous semble aussi s’agir d’une politique de kamikazes qui sera saisie par la CSC transcom pour ne pas participer et qui pourrait aboutir à une lourde défaite.
Il est inévitable qu’il y aura au moins des confrontations sectorielles. A part à la SNCB, dans l’enseignement francophone où un gel salarial a été annoncé et dans le social-profit, il faut s’attendre à des mouvements. De plus, certains patrons se sentiront renforcés après le printemps pour adopter une attitude plus agressive et provoquer des confrontations qui pourront être dures au niveau des entreprises. Seulement cela, déjà, signifie que l’automne ne sera pas dénué de luttes sociales. Les directions syndicales pourront-elles arrêter une confrontation généralisée ? Probablement, oui. Mais à un peu plus long terme, cela ne va qu’accroître les tensions internes aux syndicats. Et cette fois-ci pas seulement entre des parties de l’appareil mais aussi à la base.
Nous devons assurer que ceci ne mène pas à une sortie massive hors des syndicats mais qu’ensemble nous puissions lutter pour retransformer le syndicat en instrument avec lesquels pouvoir défendre nos intérêts. L’automne posera des défis importants pour notre travail syndical, de même que les élections sociales de 2016. La procédure pour les prochaines élections sociales débutera normalement en décembre 2015 avec comme point final les élections en mai 2016. Nous devrons alors essayer de faire élire le plus de syndicalistes combatifs possibles. Nous savons maintenant comment un plan d’action peut créer une relation de force et quelles sont les faiblesses de la direction. Après un tournant prometteur, les travailleurs ont finalement encore perdu la première bataille. Mais le patronat et ce gouvernement de droite ne veulent pas d’une bataille, ils veulent une véritable guerre de classe où tout doit être mis en question. Le plan d’action nous a montré qui sont les militants combatifs dans les entreprises, les convaincre de se présenter sur les listes et en faire élire le plus grand nombre possible est une des nombreuses batailles dans cette guerre de classe.
Au sein du gouvernement, on est apparemment plus conscients du défi que les dirigeants syndicaux. Pendant que Kris Peeters joue le bon flic et essaye de convaincre les dirigeants syndicaux des bonnes intentions du gouvernement, son collègue fédéral Reynders, ce 15 janvier 2015, avait été l’hôte du Ministre-président flamand Bourgeois pour le Cercle de Lorraine, club de discussion patronal. Bourgeois y expliquait : « je me rends compte que je parle ici à une élite. Mais je crois dans la force positive d’une élite. Vous avez tous de grandes responsabilités. Je voudrais vous demander de continuer à prendre ces responsabilités. » Il est aussi revenu sur les grèves de l’automne qu’il a qualifiées de « catastrophes » avec « des conséquences importantes ». Sous les applaudissements, il a plaidé pour casser les grèves par la voie juridique. Selon De Tijd, Bourgeois, en tant que nationaliste flamand, se sentait remarquablement à l’aise. Cela aurait moins été le cas à une réunion de militants syndicaux flamands. Petit détail : l’entrée pour assister au discours de Bourgeois était de 50 euros pour les membres et de 145 euros pour les non-membres.
123 Ondernemers zullen tripartite boycotten, De Standaard 30 juni 2015
124 Tract du 6 novembre ‘Grève pour faire tomber Michel 1er mais aussi toute l’austérité!’
125 ‘L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes’, Marx dans le Manifeste Communiste
126 Wither France – Où va la France https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf.htm
127 http://www.socialisme.be/fr/7024/lettreouverte-2 Lettre ouverte du PSL/LSP pour une union électorale de nos forces en 2014, la lettre a été adressée à la FGTB Charleroi, CNE, PVDA/PTB, ROOD!, LCR/SAP, Mouvement de Gauche, Parti Communiste, Parti Humaniste, Gauches Communes Bruxelles, Front de Gauche Charleroi, Véga, Socialisme 21, LEEF!, LCT, LO, GCT, Vonk et tous ceux qui veulent lutter contre la politique d’austérité. Seul le Parti Humaniste nous a répondu.
128 Percée de la gauche radicale : une excellente occasion d’organiser la lutte contre l’austérité http://www.socialisme.be/fr/9867/percee-de-la-gauche-radicale-une-excellente-occasion-dorganiser-la-lutte-contre-lausterite – juin 2014
129 ‘Over 10 jaar kunnen wij in de regering zitten’, De Standaard 4 april 2015.
130 Trade unions are trying to find their post-austerity voice,Economist, September 5th 2015
131 http://www.socialisme.be/fr/7897/brochure-10-objectifs-dun-programme-anticapitaliste-durgence
132 http://www.socialisme.be/fr/8393/10-objectifs-dun-programme-anticapitaliste-durgence
133 http://www.socialisme.be/fr/12415/big-brother-ne-va-pas-empecher-le-terrorisme -
[TEXTE de CONGRES] Le véritable enjeu de l’impasse communautaire
La situation politique actuelle en Belgique ne peut vraiment pas être comprise sans jeter un oeil sur l’impasse communautaire qui a gardé notre pays sous son emprise depuis de nombreuses années. Dans cette partie du texte de perspectives, nous examinons ce qui se cache véritablement derrière elle. Le texte qui suit est la quatrième partie du texte de perspectives internationales et belges discuté, amendé et voté lors du Congrès national du PSL de novembre 2015. Ce texte est également disponible sous forme de livre et arrivera de chez l’imprimeur début de semaine prochaine. Commandez dès maintenant votre exemplaire en versant 10 euros sur le compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’ avec pour mention « texte de Congrès ». les commandes seront envoyées à partir du lundi 1er février.
Le grand capital est allé beaucoup plus loin que la majorité de ses collègues dans d’autres pays. L’économie ouverte, le marché intérieur limité, mais surtout son conservatisme aide à l’expliquer. Il est allé tellement loin là-dedans qu’il a commencé à négliger à partir des années ‘90 les institutions où il exerce traditionnellement sa domination : ses instruments politiques, l’église, l’enseignement, la justice, les médias, etc. Tout ce que Marx décrit comme superstructure. Tant que l’économie connaissait la croissance, personne ne s’en inquiétait. Nous nous attaquerons au problème quand il se posera, disait le défunt premier ministre Jean Luc Dehaene. Mais du moment que l’économie commençait à avoir des ratés, les faiblesses sous-jacentes et les frustrations ont remonté à la surface avec vigueur. Alors, le système a commencé à se heurter à ses contradictions. En Belgique, il y en a traditionnellement surtout trois : les contradictions de classe, nationales et confessionnelles. La contradiction de classe est la plus importante et a, comme d’habitude, fait surface en premier.De fait, le mouvement des travailleurs aurait pu imposer son alternative tout ce temps s’il avait disposé d’une direction qui en était réellement convaincue. La grève générale de 1993 contre le plan global était numériquement la plus grande depuis 1936 ! L’innovation de l’époque était le blocage des zones industrielles, des zonnings. Mais la chute du stalinisme dans les pays du Bloc de l’Est avait considérablement miné la confiance envers la possibilité d’une alternative au capitalisme. La social-démocratie a instrumentalisé la frustration et la désorientation à ce sujet pour se débarrasser de chaque référence au socialisme et embrasser l’économie de marché. Les directions syndicales étaient fondamentalement d’accord, même si elles ne pouvaient pas toujours l’admettre ouvertement. « Si nous balayons ce gouvernement par la grève, toute alternative serait encore plus à droite » était leur excuse pour étouffer le mouvement.
Cela a pris du temps avant que le mouvement des travailleurs ne se remette de cette trahison. Mais en 1997, la délégation syndicale des Forges de Clabeq, malgré le sabotage ouvert des structures officielles des syndicats, a pu rassembler 70.000 syndicalistes dans sa marche multicolore. Elle en paya le prix fort : exclusion du syndicat et un procès qui a duré des années qui a absorbé énormément d’énergies et de moyens. Que les dirigeants syndicaux feraient tout pour faire couler une alternative des travailleurs était maintenant clair. Cela a une fois encore été illustré lors des grèves générales des 7 et 28 octobre 2005 contre le Pacte dit « des Générations ». Lors de ces grèves ont été expérimentés des piquets de grève communs aux grands axes routiers donnant accès aux villes. Mais de nouveau, les dirigeants syndicaux ont réussi à étouffer le mouvement. La division au sommet entre CSC et FGTB contrastait avec l’unité à la base, de plus les dirigeants syndicaux ont pleinement joué sur les contradictions communautaires. C’est alors que la scission de la centrale des métallos de la FGTB a été mise à l’ordre du jour et que les militants de l’ABVV ont symboliquement tourné leur dos au Congrès du SP.a.
Avec cette direction, une voie de sortie hors de la crise ne pouvait pas venir du mouvement des travailleurs, mais elle ne pouvait pas non plus venir de la bourgeoisie. Son instrument politique principal, le CVP s’est retrouvé dans l’opposition en 1999, pour la première fois en 41 ans, suite à la crise de la dioxine. Il s’agissait de la première fois depuis les gouvernements du socialiste Leburton I et II en 1973 et 1974 que quelqu’un qui n’était pas chrétien-démocrate, Guy Verhoefstadt devenait premier ministre en 1999. Une opération de renouvellement s’imposait. En septembre 2001, le CVP est transformé en CD&V, mais le résultat électoral de 2003 fut décevant. Yves Leterme a repris la présidence de De Clerck. Il pensait que le CD&V ferait mieux de jouer ses atouts principaux : sa capacité de jongler avec les contradictions traditionnelles. Jouer sur les contradictions de classe au travers du MOC (Mouvement ouvrier chrétien) n’allait pas être apprécié par la bourgeoisie. La contradiction confessionnelle, le CD&V pouvait avoir à le regretter. Le plus sûr semblait encore de jouer la carte du communautaire. Depuis quelques temps, il y avait en Flandre la demande d’une formation bien située à droite et flamingante pour prendre le vent des voiles du Vlaams Belang. Pourquoi le CD&V ne pouvait-il pas incorporer cela ?
Leterme a donc immédiatement joué cette carte. A cette époque, cela semblait être une opération inoffensive. En 2001, la N-VA a été créée des cendres de la Volksunie, dirigée par Geert Bourgeois l’empoté. En 2003, la N-VA n’avait atteint le seuil électoral qu’en Flandre occidentale, mais dans aucune autre province flamande, ni même pour le sénat. Que pouvait donc bien freiner le CD&V pour se renforcer ainsi sur son flanc flamand à partir de la Saint Valentin 2004, qui a donné naissance au cartel avec son partenaire N-VA afin de secouer fortement le gouvernement Verhofstadt ? A l’origine, le CD&V doit avoir pensé « bingo ». Lors des élections flamandes de 2004, le cartel a obtenu 26% et Leterme I était formé, avec deux autres cartels, SP.a-Spirit et VLD-Vivant. Lors des élections fédérales du 10 juin 2007, le CD&V/N-VA a obtenu une plus grande victoire (30%) avec presque 800.000 voix de préférence pour Yves Leterme. Kris Peeters est alors devenu ministre-président flamand. Mais après 194 jours, le Premier ministre sortant, Guy Verhofstadt, a dû former un gouvernement de transition puisque Leterme ne pouvait pas démarrer son gouvernement suite à l’absence d’accord sur la réforme d’Etat. Le 23 septembre 2008, le cartel prit fin.
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il est devenu clair à quel monstre de Frankenstein Leterme venait de donner vie et qu’il avait estimé la situation de façon totalement erronée. Il y a toujours eu une couche de petits patrons flamingants pour laquelle l’émancipation sociale flamande devait ouvrir la voie à un rouleau compresseur patronal. A côté de cela, il y a une couche beaucoup plus large de petits patrons qui en fait n’ont que peu d’intérêts pour l’émancipation flamande mais qui réalisent bien qu’appliquer leur programme sur le plan fédéral est quasiment exclu. Si la Flandre peut servir de levier pour la casse sociale, alors il ne faut pas hésiter. Tant le Vlaams Belang que la Liste Dedecker se sont offerts à cette couche pour devenir leur porte-parole politique. Mais pour cela, le nationalisme flamand était trop compromis. En raison du cartel avec le CD&V, la N-VA a soudainement été libérée des soupçons d’autoritarisme qui pesaient sur elle, ces patrons flamands ont saisi leur occasion. Au lieu de renforcer le CD&V, Leterme a offert à la N-VA le chainon manquant pour rendre le nationalisme flamand à nouveau fréquentable.
Les partis classiques ne peuvent pas arrêter la montée de la N-VA
A partir de ce moment-là, il n’y avait plus rien à faire. En 2009, la N-VA a décroché une victoire sur base de ses propres forces aux élections européennes et surtout aux régionales. Elle a obtenu 13% et rejoint Peeters II au gouvernement flamand, une coalition qui réunissait la N-VA, le Spa et le CD&V. En 2010, Alexander De Croo (VLD) a provoqué des élections fédérales anticipées. Il a fait tomber Leterme II faute de solution concernant l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV). C’est le seul arrondissement où des partis d’une autre communauté linguistique pouvaient déposer des listes dans une région unilingue – Hal-Vilvorde – une infraction de la législation linguistique selon les partis flamands. Une scission de l’arrondissement devait en finir avec cette « discrimination ». Les partis francophones n’étaient pas enthousiastes parce que beaucoup d’électeurs francophones y habitent. Dans ces élections anticipées, la N-VA est devenue le plus grand parti du pays en termes de nombre de voix. Une solution pour BHV, des compétences supplémentaires pour les régions et une révision de la loi de financement étaient devenues inévitables.
Il fallu un record mondial de 541 jours de formation gouvernementale afin de mettre en selle le 6 décembre 2011 Di Rupo I, une coalition tripartite classique. Au jour 459 et survenue la 6e Réforme d’État dite « l’accord papillon » en référence au nœud de Di Rupo. Pour cela, il fallait d’abord que le MR éjecte le FDF avec lequel il était en fédération depuis 1993. Comme nous l’avions prévu, cet accord papillon n’a pas conduit à la scission de la Belgique ni à la révolution copernicienne du fédéralisme vers le confédéralisme. Mais les partis flamands pouvaient réclamer l’arrivée de la scission de BHV avec un minimum de compensations tandis que pour les francophones des 6 communes à facilités, il était possible de voter sur des listes de Bruxelles. Un nombre non-négligeable de compétences, y compris de la sécurité sociale, ont été transférées vers les régions ou les communautés.
Mais il y avait nombre d’anguilles sous roche. Ainsi, les communautés ont reçu des dotations pour leurs nouvelles compétences, mais pas sans économies automatiques puisque la croissance économique n’est que partiellement prise en compte, dans les soins de santé et les soins au troisième âge par exemple. Les communautés sont responsabilisées et doivent dorénavant contribuer aux pensions de leurs fonctionnaires statutaires. Une compensation est prévue pour les communautés qui perdent des moyens avec la nouvelle loi de financement, mais elle est destinée à disparaitre après dix ans. Les régions reçoivent un système de dotation orienté vers les prestations, avec des boni (ou des mali) pour atteindre des objectifs concernant l’emploi ou encore déterminés par la commission nationale du climat. De plus, ils peuvent utiliser les centimes additionnels sur l’impôt sur les personnes physiques. Ils ont aussi la possibilité des diminutions d’impôts aux sociétés. Elles aussi sont responsabilisées pour le paiement des pensions de leurs fonctionnaires statutaires.
La 6e Réforme d’Etat contient toute une série d’ingrédients qui garantissent toute une série d’explosions communautaires et ne mèneront certainement pas une pacification durable sur le plan communautaire. Pour cela, la tentation de saboter le niveau d’autorité avec une autre composition politique en utilisant ses propres compétences est trop grande. Le ministre président flamand Bourgeois a fait toute une histoire pour que l’autorité fédérale se retire de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Le gouvernement wallon s’est opposé à la répartition des efforts budgétaires du fédéral. [110] Magnette a reproché au gouvernement fédéral de traiter les régions comme des colonies. [111] Cela n’a vraiment pas aidé que le ministre fédéral des finances le N-VA Van Overtveldt ait sous-estimé la dotation aux Etats régionaux de 600 millions d’euros. [112] Les 310.000 francophones en Flandre se plaignent de harcèlement continu. [113] La ministre flamande N-VA Homans a refusé de nommer le candidat bourgmestre de son partenaire fédéral MR à Linkebeek et a voulu y envoyer un commissaire du gouvernement. [114] Elle a vexé Michel en prétendant, au parlement flamand, que la mission commerciale au Japon du gouvernement fédéral était une infraction de compétences. [115]
Entretemps, le pyromane Geert Bourgeois a commandé une nouvelle étude sur les transferts à destination de la Wallonie. [116] L’université de Namur estime cela à 8 milliards d’euros par an. [117] Déjà auparavant, la N-VA avait revendiqué l’ouverture de l’Article 195 de la Constitution, ce qui est considéré comme un pas supplémentaire vers le confédéralisme. [118] Dans ce cadre, De Wever a fait noter dans la presse qu’il continue à œuvrer pour l’autonomie fiscale complète. [119] La région bruxelloise est bien refinancée, mais les moyens exigés par l’explosion de la population sont plus importants que ça. Demander de nouveaux moyens à un moment où la nouvelle loi de financement est en discussion puisque le trou dans le budget flamand est plus important qu’attendu ne sera pas une promenade de santé. [120] En ce qui concerne le manque de mobilité sur le marché de l’emploi, c’est à relativiser. Entre 2005 et 2014, le nombre d’habitants de Wallonie travaillant en Flandre a augmenté de 42% vers presque 50.000. Il y a 47.000 habitants de Bruxelles qui travaillent en Flandre, une augmentation de 28%. Le nombre de Flamands qui travaillent en Wallonie a augmenté dans la même période de 29% vers 25.000, alors que les Flamands qui travaillent à Bruxelles a diminué de 0,7% vers 234.000.
Le gouvernement Di Rupo ne voulait pas simplement enlever du vent des voiles de la N-VA sur le plan communautaire mais aussi démontrer que les économies pouvaient aussi être réalisées avec le PS et sur le plan fédéral. Au début, le formateur Di Rupo trainait encore les pieds. Mais lorsque, fin 2011, Standard & Poor a dégradé sa note pour la Belgique, les taux d’intérêt ont sauté vers 6%. Le premier ministre démissionnaire Yves Leterme a alors fait appel à l’épargnant belge avec un bon d’Etat à 4% d’intérêt (pour ceux de 5 ans) et un précompte mobilier réduit (15% au lieu de 25%). En un minimum de temps, 6 milliards d’euros ont ainsi été collectés. Cela rendait clair pour les « marchés » que spéculer sur un scénario catastrophe vis-à-vis de la Belgique n’avait pas de sens puisque les épargnants belges pouvaient massivement financer la dette publique. Pour Di Rupo, c’était la sonnette d’alarme nécessaire. Les jours qui ont suivi, un accord a été conclu visant à complètement éliminer les déficits budgétaires d’ici 2015. Le 22 décembre 2011 déjà, une grève de 24 heures contre la réforme des pensions a touché les services publics et, le 30 janvier 2012, une grève générale a suivi, caractérisée par un énorme nombre de piquets de grève aux portes des entreprises.
Mais il était illusoire de pouvoir enlever le vent des voiles de la N-VA en appliquant soi-même l’austérité. Aux élections provinciales et communales de 2012, la N-VA a obtenu une nouvelle victoire éclatante, de même que dans les élections fédérales de 2014. La N-VA obtenait alors 32,5% pendant que le PS perdait quasiment 5%. Mais celui qui en conclurait que les Flamands sont anti-belges se trompe. Même lors du sommet des discussions communautaires, seuls 22% des Flamands se sont résolument prononcés en faveur de l’indépendance alors que 75% préféreraient ne pas voir disparaitre la Belgique et que 42% s’opposaient résolument à l’indépendance. Comparez cela à l’Écosse ! Même après une véritable campagne d’intimidation, encore 45% de la population s’est prononcée pour l’indépendance lors du référendum du 18 septembre 2014. Le 7 mai 2015, cette victoire à la Pyrrhus des politiciens de Westminster a d’ailleurs été punie. Le Scottish Nationalist Party (SNP) arrachait alors 56 des 59 sièges écossais pour le parlement britannique aux conservateurs (Tories), aux travaillistes et aux libéraux-démocrates qui n’ont plus gardé qu’un seul siège chacun. La participation au référendum symbolique en Catalogne en novembre 2014 était faible, avec 2,2 millions de participants sur les 5,5 millions d’électeurs mais, de ceux-là, 80% se sont prononcés en faveur de l’indépendance.
Une étude de l’UCL sur le niveau de pouvoir auquel les Belges s’identifient le plus confirme cela. En 2014, 23% des Flamands s’identifiaient explicitement avec la Belgique, le double de 2010. Seuls 17% se sentent plutôt Flamands que Belges. En 2010, c’était encore 27%. S’identifient exclusivement avec la Flandre : 8,7% en 2014 contre 8% en 2010 et 7% en 1999. En Wallonie, 37% se sentent exclusivement belges et seulement 12% plutôt wallons que Belges. Des électeurs de la N-VA, 42% s’identifient soit en premier soit en deuxième lieu avec la Belgique, contre 3,3% du cade du parti. Parmi les cadres du PS vit un certain régionalisme alors que, chez sa base électorale, on constate plutôt un belgicisme. [121] Une analyse de la KUL sur le rôle du communautaire dans les élections du 25 mai 2014 illustre que, pour les électeurs flamands, le défi principal des élections était la thématique sociale (presque 40%), puis économique (presque 30%) et seulement pour 6% le communautaire (contre 20% en 2010 et 13% en 2007). Le nombre d’électeurs flamands qui se disent unitaristes ou en faveur d’un retour à une Belgique plus fédérale reste stable depuis 2003 à 24%. Le nombre de partisans d’une scission du pays a diminué de 12% en 2010 vers seulement 6%. Même au Vlaams Belang, en 2014, seuls 31% veulent la scission du pays. A la N-VA, ce n’est que 11%. A la question « à quel niveau l’électeur flamand se sent-il le plus lié », 56% répond « la Belgique » en premier choix et 22% en deuxième choix. La Flandre est le premier choix pour 27,7% et pour 37,9% est le deuxième choix. Sa propre commune est pour 12,8% le premier choix et pour 23% le deuxième. [122]
Pourquoi la social-démocratie et les verts n’ont-ils pas remporté les élections de 2014 avec leurs thèmes comme défis majeurs ? Parce qu’ils ont perdu toute crédibilité. Le programme de la N-VA est de droite néolibérale et flamand, mais ce n’est pas ça qui explique son succès. Mais, bien qu’il réussit à exploiter les frustrations des classes moyennes et de transformer le manque d’alternatives de la part du mouvement ouvrier électoralement en sa faveur. Elle le fait par la politique traditionnelle de « diviser pour mieux régner ». Elle raconte à l’indépendant que les salaires des salariés sont trop élevés. Aux Flamands qui « travaillent durs », que les autorités lui extorquent son salaire pour le donner aux chômeurs-profiteurs qui s’installent dans le hamac de la sécurité sociale. Aux habitants des logements sociaux et aux allocataires sociaux, que les migrants et les demandeurs d’asile qui n’ont jamais contribué à la sécurité sociale viennent s’installer ici. Aux bons migrants chinois, que les berbères marocains empoisonnent la situation. La N-VA sait parfaitement jouer sur les frustrations et à chaque fois montrer un bouc émissaire pour dévier l’attention du problème réel : la course aux profits propre au capitalisme. Le communautaire ne joue-t-il pas du tout ? Mais si. Lorsque le mouvement des travailleurs n’offre pas d’issue, beaucoup, surtout dans les couches moyennes iront à la recherche ailleurs et alors les tambours communautaires peuvent à nouveau trouver un écho.
110 Trois forces centrifuges qui écartèlent l’Etat, Le Soir 4 avril 2015
111 Régions et fédéral campent sur leur positions, Le Soir 2 avril 2015
112 Zesde staatshervorming veroorzaakt budgettair kunst- en vliegwerk, De Tijd 8 juli 2015
113 Tracasseries, protection des minorités: les francophones de Flandre oubliés, Le Soir 10 juin 2015
114 Un commissaire pour dégomer Thiéry, Le Soir 8 juillet 2015
115 Michel woest na uithaal Homans, De Standaard 21 mei 2015
116 Daar zijn de transfers opnieuw, De Standaard 11 april 2015
117 ‘Jaarlijks vloeit 8 miljard euro naar Brussel en Wallonië’, De Standaard 6 mei 2015
118 L’institutionnel s’invite dans les négociations, Le Soir 7 octobre 2014
119 Autonomie fiscale: le Nord rêve de l’obtenir, Le Soir 20 août 2015
120 Geen lusten zonder lasten, De standaard 3 april 2015
121 L’attachement à la Belgique augmente, Le Soir 12 mai 2015
122 Het communautaire in de verkiezingen van 25 mei 2014, analyse obv de postelectorale verkiezingsonderzoeken1991-2014 -
[TEXTE de CONGRES] Tensions croissantes sur la scène mondiale
Ces derniers mois ont été marqués par de croissantes tensions internationales, entre autres reflétées dans des guerres par procuration, comme en Ukraine, ou dans l’escalade de conflits comme au Moyen-Orient. La crise des réfugiés et les problèmes environnementaux sont intrinsèquement liés à cette situation.
Le texte qui suit est la deuxième partie du texte de perspectives internationales et belges discuté, amendé et voté lors du Congrès national du PSL de novembre 2015. Ce texte est également disponible sous forme de livre et arrivera de chez l’imprimeur début de semaine prochaine. Commandez dès maintenant votre exemplaire en versant 10 euros sur le compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’ avec pour mention « texte de Congrès ». Les commandes seront envoyées à partir du lundi 1er février.
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[TEXTE de CONGRES] Un capitalisme qui a vécu
Le texte de perspectives qui a été discuté et voté lors du Congrès national du PSL de novembre 2015 a, comme c’est traditionnellement le cas, commencé par un aperçu de la situation économique. L’instabilité croissante de la Chine a ses implications, notamment pour les pays émergeant émergents. Cette situation économique a des conséquences politique, dont un accroissement de l’instabilité et des tensions inter-impérialistes. Ces questions sont abordées dans la deuxième partie qui paraîtra demain sur ce site.Ce texte est également disponible sous forme de livre et arrivera de chez l’imprimeur début de semaine prochaine. Commandez dès maintenant votre exemplaire en versant 10 euros sur le compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’ avec pour mention “texte de Congrès”. Les commandes seront envoyées à partir du lundi 1er février.
Perspectives internationales et belges pour un capitalisme qui a vécu
On rigole de temps à autre avec la longueur des titres des documents de perspectives du PSL. Celui de 2012 en avait un particulièrement long : « A la veille de nouveaux conflits encore plus durs, les contradictions de classe commencent à s’exprimer également sur le terrain politique. La crise structurelle du capitalisme exige un programme socialiste. » Après coup, cela parait être une description assez précise des développements et défis qui nous attendaient alors. Le dernier Congrès national du PSL date de décembre 2012. L’an dernier, le Comité national avait décidé de différer la tenue du Congrès d’une année, une décision nécessaire afin de concentrer le parti dans sa totalité ainsi que toute sa périphérie sur le plan d’action syndical contre le gouvernement Michel.Ces trois dernières années n’ont pas été des moindres. Le capitalisme mondial n’a toujours pas surmonté sa crise de 2008-2009. Les chiffres de croissance économique restent historiquement bas et les autorités, banques centrales et institutions internationales doivent toujours maintenir l’économie à flot avec de l’argent bon marché et régulièrement aller éteindre les incendies qui se déclarent. [1]
« Si le moteur du bien-être n’est pas relancé maintenant, alors ce sera quand ? » s’est demandé Sturtewagen dans le quotidien flamand De Standaard. [2] Depuis la moitié de 2014, le marché du pétrole s’est écroulé. En une année de temps, le pétrole est devenu moitié meilleur marché. Tous les prix de l’énergie et des matières premières suivent cette tendance baissière. L’index des prix pour les matières premières du Comodities Research Bureau a atteint son niveau le plus bas en 16 ans, et c’était encore avant le ralentissement inquiétant de l’économie chinoise. [3] Parallèlement, emprunter de l’argent est très bon marché. Les taux d’intérêt, le «prix» de l’argent, sont proches de 0. De plus, depuis le début de la crise, l’augmentation des coûts salariaux nominaux diminue d’année en année. [4] Ce sont des conditions idéales pour investir, mais ce n’est pas ce qui se passe. Selon les termes de Sturtewagen « l’argent et le pétrole coulent à flot, mais l’économie continue de hoqueter ».
Sturtewagen se demande si nous avons perdu de vue quelque chose qui, dans quelques années, semblera évident. Des analystes plus sérieux ne peuvent pas se permettre d’attendre Godot. [5] Dans son rapport de la fin de l’année passée – «Démarrer le moteur et passer à une vitesse supérieure» [6] – l’OCDE vante les mérites de la politique monétaire souple des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Ce rapport conseille parallèlement à la Banque centrale européenne (BCE) et à la Commission européenne de quitter la voie de la politique d’austérité dure. Sinon, affirme l’OCDE, une dangereuse combinaison de chute de la demande, de croissance nulle et de déflation pourrait être créée, sans que la politique ne puisse la contrôler puisque ce processus acquerrerait un caractère auto-nourrissant, développant sa propre dynamique.
Cela semble écarté pour l’instant. Mais que ce serait-il passé si la BCE n’avait pas réduit son taux d’intérêt à 0,05% en décembre 2014 et, surtout, si elle n’avait pas parallèlement annoncé un programme d’achats d’obligations à la hauteur de 1000 milliards d’euros pour stimuler le crédit ? Le spectre du Japon n’était plus très loin. Sept ans après la crise bancaire de 1987, le Japon s’est retrouvé embourbé dans la déflation. A l’instar de l’Europe, le pays est toujours aujourd’hui confronté à une dette publique immense, à des taux d’intérêts extrêmement bas et à un vieillissement de sa population. Depuis 25 ans, tous les quelques mois, le Japon glisse en récession. [7] « A problème japonais, solutions japonaises », doit s’être dit Mario Draghi, le président de la BCE. Sa politique visant à inonder d’argent l’économie est déjà qualifiée de Draghenomics, en référence aux Abenomics du premier ministre japonais.
Une « expérience proche de la mort » pour la zone euro
Entretemps, la BCE et la Commission européenne ont réussi à éviter un autre cauchemar, un « Griexit » qui aurait probablement signifié le début du processus de décomposition de la zone euro. Le gouvernement grec de Tsipras a cédé face aux menaces et au sabotage. N’avait-il pas d’autre choix ? Au cours du référendum du 5 juillet, la très grande majorité de la population (61%) avait pourtant clairement laissé savoir qu’elle rejetait les conditions usurières et asphyxiantes des « Institutions » pour de nouveaux prêts. Le mouvement des travailleurs et surtout la jeunesse s’étaient massivement mobilisés dans la campagne en faveur du non. Ils ne s’étaient pas laissés tromper par les médias et étaient prêts à aller en confrontation avec Juncker et compagnie. Ils étaient conscients des centaines de manifestations de solidarité qui se déroulaient ailleurs en Europe et aussi que probablement jamais auparavant autant de gens à l’étranger n’avaient su comment dire « non » en grec (Oxi). Beaucoup regardaient déjà aussi avec espoir vers les élections espagnoles de l’automne.
Dans « Où va la France », Trotsky décrit comment, dans les années ‘30, des réformes ou des concessions d’un gouvernement ne se produisaient depuis quelques temps qu’en produit collatéral de la lutte révolutionnaire. [8] Des éléments de cela sont aujourd’hui présents. Tsipras et Varoufakis ne l’avaient pas compris. Ils pensaient, de façon erronée, qu’ils pouvaient convaincre la troïka de mettre fin à l’austérité insupportable. Le gouvernement de Tsipras n’avait ni l’analyse ni le programme ni le calibre pour appliquer le mandat du référendum et a donné aux innombrables activistes enthousiastes une douche froide comme la glace. Cela fait partie du difficile processus de maturation à travers lequel doit passer le mouvement ouvrier. Cela mènera probablement à une démoralisation temporaire, peut-être à un renforcement d’Aube Dorée, mais cela créé aussi les bases pour une nouvelle formation de gauche appelée Unité Populaire, en référence à l’Unidad Popular de Salvador Allende.
L’establishment européen n’a pas eu beaucoup de temps pour se remettre de cette « expérience proche de la mort ». A peine Tsipras est-il rentré dans les rangs qu’un nouvel enfant terrible s’avançait déjà. Jeremy Corbyn a remporté les élections pour la présidence du Parti Travailliste en Grande Bretagne. Comme si l’establishment européen n’avait pas déjà suffisamment d’inquiétudes avec la montée du nationalisme écossais et la promesse de Cameron d’un référendum « Brexit ». L’establishment du parti travailliste va saboter Corbyn, voire même organiser une scission. Récupérer le parti travailliste pour le mouvement ouvrier se révèlera extrêmement difficile et signifiera en tout cas un changement fondamental de ce parti. Mais malgré cela, l’élection de Corbyn représente en soi un tournant dans le processus du rassemblement des forces pour un nouveau parti des travailleurs. Par son rôle dans le rassemblement d’activistes et de syndicalistes dans le TUSC (Trade Unions and Socialists Coalition), le Socialist Party (Le PSL en Angleterre et au Pays de Galles) sera un facteur difficile à contourner dans ce processus.
Malgré les obstacles subjectifs, les déceptions, la trahison et les défaites, la crise du capitalisme fait rebondir de plus en plus fort le processus objectif de formation de nouveaux partis des travailleurs. Dans presque tous les pays d’Europe occidentale, de nouvelles formations «de gauche radicale» se sont constituées à la gauche de la social-démocratie et des verts. L’époque où on se plaçait en marge de la société en votant pour la gauche « radicale » commence à tourner. Jusque récemment, cela n’était qu’un vote de protestation sans l’ambition de changer de politique, ce qui restait le terrain exclusif des partis gouvernementaux et d’opposition de l’establishment.
C’est toujours la caractéristique dominante. La participation au pouvoir par certains partis de gauche « radicale » en tant que « partenaire » junior sur le plan national, régional ou local n’a pas changé cela. Mais malgré la trahison, la formation du gouvernement Syriza, la prise par des « listes unitaires de gauche » du conseil municipal d’une dizaine de villes espagnoles dont Barcelone et Madrid et maintenant aussi la présidence de Corbyn ont – un peu – changé les choses. Il n’est plus complètement inimaginable qu’une véritable force de gauche véritablement désireuse de changer de société puisse peut-être suffisamment obtenir de soutien pour cela.
Ce n’est pas « secondaire ». Celui qui ne voit dans ces premières petites victoires que des illusions et de la trahison et n’y voit pas la recherche d’un programme alternatif et d’une organisation ad hoc ne saura jamais construire un parti révolutionnaire de masse. Cela ne se fait pas dans un environnement idéal imaginaire, mais dans le monde réel où il est impossible de faire abstraction des inévitables illusions à travers lesquelles doivent passer les masses.
C’est pourquoi Marx s’attaquait tellement durement au puriste Weitling lors de sa visite en 1846 à Bruxelles. [9] C’est pourquoi l’Internationale Communiste contenait, dans ces 21 conditions d’admission, à côté des conditions contre le réformisme et le centrisme, une condition importante insistant sur la nécessité de travailler au sein des organisations de masse. [10] C’est pourquoi Trotsky, dans les années ’30, exhortait les trotskistes américains à défendre la nécessité d’un parti des travailleurs plus larges à côté de la construction d’un parti révolutionnaire et insistait en Europe pour que les trotskistes adhèrent à la social-démocratie alors que celle-ci était le théâtre de luttes entre des courants de gauche et de droite. C’est aussi pourquoi, contrairement à des sectaires incurables, le Comité pour une Internationale Ouvrière estime que la construction d’un parti révolutionnaire n’est possible qu’en aidant le mouvement des travailleurs à régler ses comptes avec ses propres illusions au lieu de débiter des vérités universelles du haut de sa tour d’ivoire.
6 à 7 années de crise et de stagnation économiques ont fortement secoué l’establishment politique en Europe. A tel point que la Deutsche Bank a consacré une étude aux partis « populistes » en Europe. [11] Par ce terme, elle désigne les partis de la gauche « radicale » et l’extrême droite. Parmi les raisons pour lesquelles on vote pour ces partis, elle cite la situation économique, le chômage, l’immigration et la pression sur le système social. Tous des phénomènes pour lesquels l’establishment ne parvient plus à trouver de solutions. La banque aurait pu ajouter à cette liste les nombreux scandales de corruption ainsi que la question nationale. Il est d’ailleurs frappant que parmi les partis « populistes » n’est cité aucun parti régionaliste ou nationaliste. Probablement cela est-il trop sensible.
L’étude confirme que si la gauche n’offre pas de réponse, la droite populiste ou des partis néofascistes rempliront le vide. En Autriche, le FPÖ se trouve en tête des sondages avec 27%, en France, le FN, en mars, avec 25%, n’a dû s’incliner que devant l’UMP au premier tour. Évidemment, cela crée des complications. La création de formations de gauche se base néanmoins sur des fondements plus solides. Cela répond à un processus objectif : la force du mouvement des travailleurs. Bien que les résultats électoraux de formations de droite populistes ou néofascistes puissent sembler plus impressionnant, elles sont basées sur des fondements plus superficiels, principalement des frustrations subjectives sur base du manque d’une alternative à gauche. Cela peut changer si le mouvement des travailleurs subit toute une série de défaites fondamentales, mais cela n’est pas la perspective la plus probable.
Bien que le CIO avait venu venir depuis le début des années ’90 la formation de nouveau partis travailleurs, le seul courant politique à l’avoir fait, pendant longtemps, nous avons été réduits au rang de spectateurs qui n’avaient que peu voire pas de forces sur le lieu des évènements. Il suffit de penser à Refondation Communiste en Italie ou au Bloc de Gauche au Portugal. Ce n’est qu’avec le nouveau millénaire que nous sommes devenus acteurs à part entière de ces processus. Il semble maintenant que, petit à petit, nous commençons à percer dans le noyau du processus. Le troisième mémorandum signifie le suicide économique pour la Grèce. Pour les travailleurs et leurs familles, cela revient à un drame social encore plus profond. Tsipras voulait des élections au plus vite avant que ce qu’il avait signé ne soit devenu clair. Depuis lors, il les a gagnées avec un pourcentage semblable à celui de janvier 2015. Mais l’énorme démoralisation s’exprime dans une participation historiquement basse : moins de 50% malgré le vote obligatoire. Syriza a perdu 300.000 électeurs.
Contrairement à l’Italie, où la trahison de Refondation Communiste avec sa participation au gouvernement Prodi II (mai 2006-janvier 2008) a politiquement décapité le mouvement des travailleurs et l’a laissé sans aucune représentation politique, de la trahison de Tsipras a émergé une nouvelle formation de gauche, Unité Populaire (LAE). Celle-ci a raté de justesse de franchir le seuil électoral (2,87% au lieu de 3%), principalement suite à la démoralisation générale, mais aussi en raison du temps limité pour s’organiser et, hélas, de par l’attitude pédante et non-démocratique initialement adoptée par sa direction. Tout cela fait que l’avenir de LAE est une question ouverte. Mais si LAE prend vie, alors Xekinima, le PSL en Grèce, y jouera un rôle important. Xekinima a gagné le respect de nombreux activistes par sa réputation d’avocat le plus conséquent de l’unité de la gauche non-sectaire autour d’un programme anticapitaliste, entre autres avec l’Initiative des 1000, puis avec des alliances de gauche locales, puis le mouvement du 17 juillet et finalement en souscrivant à l’appel contre le nouveau mémorandum.
Mais c’est surtout dans la république irlandaise avec l’Anti Austerity Alliance que nous pouvons pour la première fois jouer le rôle clé dans ce processus. Surtout maintenant que plus d’une vingtaine d’activistes, dont le parlementaire Paul Murphy (membre du Socialist Party, le PSL en Irlande), sont trainés en justice pour la «prise d’otage» de la ministre travailliste Joan Burton. Nous sommes curieux de voir l’effet que cela aura lorsque Burton, à quelques mois des élections, sera appelée comme témoin central dans un procès contre les victimes de sa propre politique d’austérité. Ceux-là ont osé protester dans un contexte où 57% des ménages refusent de payer la nouvelle taxe détestée sur l’eau. Que ce soit à la Cour ou au Parlement, notamment avec les trois députés du Socialist Party, ce fait ne manquera pas d’être mentionné.
Partout, les difficultés économiques interminables minent la stabilité sociétale. Les contradictions deviennent plus aigües, les solutions plus radicales et les évènements se suivent à un rythme plus élevé. L’autorité des instruments traditionnels de domination et l’efficacité des mécanismes classiques de concertation et de gestion de conflits font défaut. Cela n’assure pas seulement que l’espace pour le changement diminue petit à petit et que des réformes n’arrivent plus que comme produit collatéral de la lutte révolutionnaire, mais aussi que la situation peut vite changer. Des changements brusques et des tournants abrupts sont caractéristiques de cette époque.
Etats-Unis : le bipartisme menacé
Aux Etats-Unis également, pour les présidentielles, les deux partis du grand capital doivent faire face à des candidats qu’ils détestent. Chez les Républicains, Trump est toujours en tête des primaires, mais ce sont surtout les mauvais sondages concernant Jeb Bush qui inquiètent l’establishment du parti. Chez les Démocrates, Bernie Sanders semble devenir le principal adversaire de Clinton. La résistance annoncée par «The Battle of Seattle» (1999) et qui a de nouveau rejailli avec les mouvements Occupy, 15NOW et Black Lives Matter commence également à se refléter sur le plan politique fédéral. Seul Socialist Alternative (le PSL aux Etats-Unis) avait su reconnaître cette tendance et la saisir de manière réfléchie mais audacieuse au travers de ses participations électorales. L’élection de Kshama Sawant que Socialist Alternative a réussi à faire reconnaitre ce fait, mais aussi à renforcer le processus en transformant la revendication du salaire minimum de 15 dollars de l’heure de propagande en agitation et en le mettant sur le haut de l’agenda politique. Et puis aussi à accélérer le processus en augmentant la pression sur Sanders pour se présenter en candidat aux présidentielles.
La perspective de l’OCDE que l’économie américaine allait « croître fortement » était trop optimiste, mais il y a bien une reprise économique, la plus lente depuis 1945. [12] Pourtant, cela suffit à renforcer la confiance du mouvement des travailleurs et à expliquer la popularité de la revendication pour les 15 dollars de l’heure. Les Etats-Unis profitent des bas prix de l’énergie, de l’arrivée de capitaux à la recherche de sécurité et de la politique d’intérêt nul. Mais cela crée également des nouvelles bulles de dettes. Selon Stephen Roach (une voix déterminante à Wall Street à l’époque), la FED sème ainsi les graines d’une nouvelle crise. [13] Selon l’ancien économiste en chef de la banque pour les payements internationaux, les dettes des entreprises, des ménages et des autorités dans les 20 plus grandes économies sont aujourd’hui à un niveau 30% plus élevé qu’en 2007. [14] Il faut donc d’urgence augmenter les taux d’intérêt mais ceci n’est pas sans danger. Lorsqu’en mai 2013, la FED a annoncé commencer à faire du « Tapering », commencer à réduire l’injection mensuelle de liquidités fraiches dans l’économie, cela a provoqué la panique sur les marchés financiers mondiaux. C’est ce qui explique l’extrême prudence avec laquelle Janeth Yellen, actuelle gouverneure de la FED, a annoncé que la FED considère augmenter son taux d’intérêt le 17 septembre à condition d’un troisième rapport favorable concernant l’emploi.
A cela s’ajoute encore une complication supplémentaire, dans « Faire démarrer le moteur et passer à une vitesse supérieure », l’OCDE était encore convaincue que les pays en développement, surtout, allaient encore croître fortement. Quelques mois plus tard, le Brésil est touché par la récession, l’inflation, une crise fiscale et des protestations massives. Le marché immobilier chinois s’est écroulé, sur les bourses de Shangaï et Shenzen, 4000 milliards d’euros sont partis en fumée, et la production industrielle et l’exportation ont fortement diminué. L’économie russe a connu un rétrécissement de 4,6% de son économie au 2e trimestre de 2015 comparé au même trimestre en 2014 et ceci après un rétrécissement de 2,2% au premier trimestre face au même trimestre de l’année précédente. Les 15 plus grands pays en développement connaissent la plus grande fuite de capitaux depuis le début de la grande récession en 2009 et ce flux part principalement en direction des Etats-Unis. Si Yellen augmente les taux d’intérêt, ce flux s’accélérera encore. Mais entretemps, nous savons que Yellen a postposé cette mesure pourtant jugée urgente. Et les bulles continuent de gonfler.
Leur morale, notre indignation
Les économistes bourgeois ne s’en sortent plus. Ils se contredisent l’un l’autre et eux-mêmes. Cela gêne Peter Vanden Houte, économiste en chef chez ING, que le professeur d’économie Larry Summers aux Etats-Unis, ancien secrétaire d’Etat aux finances sous Clinton, parle de « stagnation séculière ». [15] C’était la terminologie exprimant après la grande dépression des années ’30 que l’on s’attendait encore à des années de faible croissance. Selon Vanden Houte, c’est trop pessimiste : « Il n’est pas impossible que de nouvelles innovations révolutionnaires puissent causer un choc positif de productivité. La prédiction d’une stagnation éternelle après la grande dépression ne s’est pas réalisée non plus. » Mais, ajoute-t-il, « les pessimistes ont raison de dire qu’il a fallu une guerre mondiale avant que l’économie soit relancée. » Quelques mois plus tard, ce Vanden Houte conclut un article où il compare la situation en Chine avec celle du Japon dans les années ’90 : « il n’est pas tout à fait clair ce que nous pouvons encore attendre de l’économie chinoise pour les prochaines années, mais il semble certain que la croissance sera plus volatile et en moyenne plus basse. » [16] Dans cet article, il fait également référence au fameux « piège au revenu moyen », nous l’avons déjà abordé de manière extensive en 2011. [17]
L’époque de la soi-disant rationalité, l’idée des économistes classiques selon laquelle l’intérêt général est le mieux servi lorsque chacun rechercher la satisfaction de son propre intérêt, est remise en question depuis quelques temps. Le converti le plus frappant est l’ancien thatchérien et ancien parlementaire des libéraux flamands (VLD) Paul Degrauwe. Mais aussi Mia Doornaert, du quotidien flamand De Standaard, pointe dans son article « La revanche du capital » [18] que le bien-être en Europe occidentale avant la chute du Mur de Berlin (novembre 1989) « n’était pas le résultat d’un libre-marché rampant, mais de la politique, d’une politique consciente de répartition des richesses. (…) Au cœur de l’Europe, une compétition était à l’œuvre entre le communisme et la liberté [le capitalisme, NDA]. De cette lutte est né l’Etat-Providence. (…) Si quelqu’un a profité de l’existence de l’Union soviétique et de son empire, ce sont les travailleurs en Europe occidentale. » Elle conclut : « Il n’existe pas de système qui génère automatiquement la richesse et le bien-être. Pour cela, il faudra toujours une politique qui sauvegarde l’équilibre délicat entre liberté et solidarité. Et qui fait donc respecter les règles morales du jeu, y compris par les marchés. »
Même Yvan Van de Cloot, du Think Thank de droite Itinera, trouve que cela commence à suffire. [19] Il se plaint que 43% des actifs financiers des environ 8000 banques européennes se trouvent dans les comptes de 15 grandes banques uniquement. Que seulement 10% des produits financiers vendus et achetés concernent l’économie réelle. Que moins de 10% de toutes les dettes concernent des sociétés non-financières. Que seulement 5% des activités d’échange ont à voir avec de l’importation et de l’exportation réelles de biens et de services. « Le secteur financier européen commerce donc essentiellement avec lui-même. Il existe un énorme degré de consanguinité. Le meilleur qui peut nous arriver », conclut Van de Cloot, « c’est la destruction d’un genre spécifique de capitalisme, c’est-à-dire la destruction du capitalisme financier basé sur les transactions. Nous devons revenir au capitalisme basé sur des relations. » Van de Cloot arrive finalement, donc, au même point que Mia Doornaert : « l’économie n’a de sens que si elle est moralement correcte. » [20]
Cette question de la moralité se base évidemment sur quelque chose. Selon Oxfam, mais les chiffres sont contestés, la fortune combinée des 80 personnes les plus riches au monde en 2014 serait équivalente à celle des 3.500.000 les plus pauvres. En 2010, il fallait encore les 388 personnes les plus riches pour parvenir au même résultat. [21] Un rapport d’Oxfam de 2012 affirmait que les 240 milliards de dollars gagnés par les 100 personnes les plus riches de cette année-là suffisaient à éradiquer 4 fois l’extrême pauvreté dans le monde. [22] Dans le Global Risk Report, le rapport annuel du Forum économique mondial rédigé par 700 experts concernant les plus grands dangers pour les 10 années à venir, l’inégalité croissante est considérée comme la plus grande menace. [23] Le salaire des patrons de la Bourse londonienne – salaire de base, boni, stock-options et autres avantages compris, mais évidemment pas les dividendes ou d’autres revenus du capital – était en moyenne, en 2010, l’équivalent de 160 fois le revenu moyen d’un employé à temps plein. En 2014, c’était déjà 183 fois. [24] Il faut donc aux employés à temps plein de ces groupes en moyenne 15 années et 3 mois pour gagner ce que leur patron encaisse en un mois, contre 13 années et 4 mois il y a 4 ans !
La seule excuse que l’on peut encore inventer, c’est que ces super-riches d’aujourd’hui seraient dépassés par quelques figures historiques. Pour cela un modèle de calcul spécial a été élaboré. MeasuringWorth.com ne tient pas seulement compte de la propriété, mais aussi de son impact dans le PIB, des moyens technologiques, etc. Bill Gates ne serait ainsi que le 9e plus riche de l’Histoire, avant Gengis Khan (10e), mais après Rockfeller (7e), Staline (5e) et l’empereur Romain Auguste. [25] Le roi des rois africains de l’empire du Mali, Manse Moussa (fin du 13e, début du 14e siècle) serait le plus riche de tous les temps. Nous doutons que cela rend moins grave qu’il y ait 4700 milliards d’euros en fortunes financières cachés dans les paradis fiscaux et que le fisc perd ainsi chaque année 130 milliards d’euros en manque de revenus. [26] Tout comme l’exonération légale de paiement d’impôts sur son salaire annuel de 380.939 euros innocente moralement Christine Lagarde, directrice générale du FMI, lorsqu’elle pense pouvoir exhorter les Grecs pour qu’ils paient leurs impôts correctement. [27] Mais il ne faut pas que ce soit illégal ou d’un standard moral douteux pour susciter l’indignation. Selon une étude de la société de gestion internationale Henderson Global Investors, en 2014, les 1200 entreprises les plus grandes au monde ont payé en dividendes 1023 milliards d’euros à leurs actionnaires, une augmentation de 10,5% comparé à 2013. [28]
L’absence d’issue fait surgir des questions existentielles
Il y a eu des années où tout ce que les capitalistes touchaient semblait se transformer en or. Cette période est passée. Aujourd’hui, tout semble avoir une face sombre. Les prix bas des matières premières font que les consommateurs dépensent moins pour l’essence, le diésel ou le gasoil, mais cela réduit aussi l’inflation, déjà basse, qui menace de devenir déflation. [29] Cela peut à son tour pousser les consommateurs à repousser leurs dépenses et créé ce que l’on appelle une chute de liquidités qui fait en sorte que la baisse des dépenses d’énergie ne se traduit pas, ou seulement partiellement, dans d’autres consommations. La déflation, ou la baisse des prix de vente, réduit également la marge de profit des entreprises.
Par contre, la baisse des prix de l’énergie et des matières premières représente également une économie pour plein d’entreprises, surtout dans le transport et l’aéronautique. Mais pour le secteur pétrolier et ses sous-traitants, cela n’est pas le cas. Et pas non plus pour les pays producteurs de pétrole tels que le Venezuela, la Russie ou la Norvège. [30] La Norvège dépend du pétrole à hauteur de 50% de ses exportations, depuis la baisse des prix, 20.000 emplois ont été perdus dans le secteur. Au premier trimestre de 2015, l’économie norvégienne a connu une contraction de -0,1%. [31] Des Etats pétroliers tels que le Dakota du Nord et la Louisiane doivent compenser la perte de revenu par des économies sur leurs dépenses publiques. Les entreprises de forage pétrolier postposent leurs investissements. [32] Depuis juillet 2014, déjà 200 milliards de dollars seraient ainsi gelés. C’est d’ailleurs l’objectif, du moins de la part de l’OPEP et surtout de l’Arabie Saoudite, qui tiennent leur production à un niveau élevé dans l’espoir de contrarier le développement de l’extraction de pétrole de sables bitumineux aux Etats-Unis. Cette pratique n’est rentable qu’à partir de 60 à 70 dollars le baril, là où l’exportation de pétrole saoudien l’est déjà à partir de 10 à 30 dollars. [33] Le prix actuel tourne autour de 40 dollars, le niveau le plus bas depuis 2009. [34] Le bas prix du pétrole assure également que l’on investit moins dans des sources d’énergie alternatives. [35]
La politique monétaire souple des Etats-Unis et de la Grande Bretagne vantée par l’OCDE a aussi son côté sombre. Selon l’agence de consultance MCKinsey, la dette totale – particuliers, entreprises et autorités combinés – des économies les plus importantes sur le plan mondial, ont crû de 40% depuis 2007 à 200.000 milliards de dollars, soit 286% du PIB mondial. Les banquiers de l’ombre, des banques non-reconnues, qui échappent à la régulation classique, ont déjà atteint les 75.000 milliards de dollars, autant que le PIB mondial. [36] La Banque des règlements internationaux (BRI) pointe qu’à mesure que les règles pour les banques sont devenues plus contraignantes, le rôle des fonds de capitaux à risque et des agences de gestion de patrimoine sur les marchés financiers a pris en importance. Eux aussi valent maintenant un capital d’investissement de 75000 milliards de dollars. Ce qui est plus grave, une vingtaine de fonds de gestion en détiennent 40%. [37] William White avertit de l’arrivée d’une nouvelle crise financière. [38]
Autant de contradictions doivent inévitablement faire poser des questions existentielles. Que penser d’autre des titres tels que « La force destructive de l’inégalité » [39] ou encore « les robots pourraient occuper la moitié de nos emplois » [40] et « comment la technologie menace de faire dégringoler notre pouvoir d’achat ». [41] La crise est toujours la conséquence d’une confluence particulière de divers facteurs. Expliquer des crises exclusivement sur base de l’un ou quelques facteurs est spécifique des écoles d’économistes bourgeois, qu’ils soient mercantilistes, libéraux classiques, de l’école autrichienne, de l’école historique, du marginalisme, de l’utilitarisme, du monétarisme, du libertarisme, du keynésianisme, du néo-keynésianisme ou encore d’autres.
Progrès et capitalisme
L’économie critique (ou marxiste) étudie les processus vivants qui s’articulent et s’influencent les uns les autres. Cela ne signifie pas encore qu’il n’y aurait pas à l’œuvre de lois tendancielles – en contradiction avec des « lois d’airain » ou lois absolues – propres au mode de production capitaliste. [42] Par exemple la tendance systématique à la surproduction, puisque le profit provient du travail non-rémunéré des travailleurs. Des néo-keynésiens tels que Paul De Grauwe, Paul Krugman, Joseph Stigliz et pourquoi pas Yanis Varoufakis n’ont pas complètement torts lorsqu’ils accentuent que la demande est à la traine. Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), les salaires dans les pays développés n’avaient toujours pas atteint l’année passée, après une croissance décevante de 0,1% en 2012 et 0,2% en 2013, le niveau d’avant 2007. L’OIT estime que cela explique la faible reprise et le risque croissant de déflation dans l’eurozone. La demande en berne, due à la répartition inégale des richesses, est certainement un facteur très important dans la crise actuelle.
L’OIT confirme encore une autre « loi tendancielle » du capitalisme. C’est-à-dire qu’elle créée ses propres fossoyeurs. Si les salaires sur le plan mondial ont encore connu une certaine croissance, c’est principalement dû à une augmentation dans les pays en développement, avec 6,7% en 2012 et 5,9% en 2013. Surtout en Chine, le mouvement des travailleurs a saisi la croissance de ces 15 dernières années pour arracher de meilleurs salaires. Sans la Chine, en 2013, la croissance des salaires sur le plan mondial n’était pas de 2%, mais de 1,1% seulement. [43]
Aucune « loi tendancielle » démontrée par Marx n’a été plus critiquée que celle sur l’appauvrissement (relatif) de la classe des travailleurs. Mais maintenant, même l’OCDE avertit qu’une diminution des inégalités est nécessaire. « Ces dernières décennies, 40% de la population de l’OCDE n’ont pas profité de la croissance », ce qui fait qu’une partie des classes moyennes recule. Ces gens reçoivent un enseignement plus mauvais, moins de travail et moins d’opportunités. Cela stoppe la mobilité sociale dans nos Etats-membres. » Selon l’OCDE, la croissance des écarts entre revenus entre 1985 et 2005 aurait freiné la croissance entre 1990 et 2010 à hauteur de 4,7%. « A l’époque, nous pensions que l’égalité était quelque chose de communiste », affirme le dirigeant de l’OCDE Angel Gurria, « mais il n’y a rien d’idéologique à cela. Plus d’égalité de revenus assure plus de croissance économique, plus de cohésion sociale et plus de confiance dans la politique. » [44]
Mais la distribution inégale n’a pas toujours été un frein sur la croissance économique du capitalisme. Jusque tard dans le 19e siècle, avec le développement de la compétition, c’était justement une condition nécessaire pour accumuler suffisamment de capitaux afin de pouvoir démarrer une révolution dans le développement des moyens de production. La peur des artisans, des paysans, des domestiques et des ouvriers manufacturiers de l’époque quant à l’effet de destruction d’emploi de l’introduction des machines n’était pas totalement dénué de fondement. Mais finalement, la révolution industrielle a tout de même créé plus d’emplois que ce qui avait été détruit par les machines. Aujourd’hui, des patrons aiment se référer à cette période historique lors des restructurations et des fermetures. Les travailleurs et les syndicats qui s’y opposent sont accusés de conservatisme. La comparaison avec les luddites anglais qui brisaient les machines au début du 19e siècle n’est jamais très loin. Mais tout comme l’inégalité a changé cet élément d’un facteur progressiste sur le progrès au facteur de frein sur le progrès (est devenu son opposé dialectique, en termes marxiste) l’effet sur l’emploi de nouvelles applications techniques et scientifiques est différent aujourd’hui par rapport à la phase de naissance du capitalisme.
Chômage technologique
Keynes l’avait déjà reconnu en 1930, lorsqu’il mettait en garde concernant le « chômage technologique », le chômage consécutif au progrès technologique et scientifique. Dans un texte où il tentait d’imaginer les choses un siècle plus tard « vers les possibilités qui pourraient jaillir pour nos arrières enfants à condition qu’il n’y ait ni guerre importante ni croissance de la population », Keynes soulevait que le capitalisme pourrait absorber le chômage technologique en diminuant la durée de travail hebdomadaire moyenne à 15 heures par semaine, ou 3 heures par jour. [45] Mais cette redistribution du travail ne se fait pas automatiquement, elle est déterminée par les relations de force entre travail et capital. Après une période de réduction du temps de travail à l’époque de l’Etat-Providence, nous constatons aujourd’hui non seulement un allongement du temps de travail et un accroissement de la pression au travail, mais aussi un chômage massif structurel. Cela créé une armée de chômeurs, que Marx appelle une « armée de réserve » de travailleurs, qui fait diminuer le prix de la force de travail et renforce la position du capital dans la lutte des classes.
Mais l’existence d’une armée de réserve de travailleurs conduit aussi, à un certain point, à plus de désavantages que d’avantages pour les capitalistes. Des prédictions selon lesquelles d’ici une ou deux décennies l’usage de robots de plus en plus intelligents rendra superficiels 47% des emplois américains sont de plus en plus prix au sérieux. [46] Il existe entre temps des entreprises totalement automatisées où des machines tournent 24 heures sur 24 sans intervention humaine, des entreprises appelées light-out. Cela ne menace pas seulement des emplois industriels, mais aussi par exemple des emplois médicaux avec des robots qui assistent des docteurs et des infirmières ou dans l’enseignement avec des cours en ligne. [47] Selon une étude d’ING; 2,2 millions des 4,5 millions d’emplois actuels en Belgique pourraient être automatisés dans les décennies à venir, dont 96% des comptables, 95% des vendeurs, 93% des fonctionnaires fiscaux, 90% des serveurs, 86% des facteurs, 66% des agents d’assurance, 49% des plombiers,… [48] Le correspondant de « Robotica et Intelligences Artificielles » Nico Tangha, rapportait à ce titre dans De Standaard sa visite d’une usine robotisée futuriste au Japon. [49] A plus long terme, cela menace le pouvoir d’achat de la couche basse et moyenne, avertit City-group, et cela peut paralyser l’économie. [50]
La science et la technique se sont développées à un niveau où le capitalisme n’est plus capable de gérer le processus. Des nouveaux produits exigent souvent des années d’investissement dans une recherche très coûteuse. Freiner le progrès est une caractéristique typique des sociétés en déclin. Cela vaut dans une certaine mesure pour les opprimés, dans ce cas-ci des travailleurs qui s’opposent à l’innovation car ils comprennent que sous le capitalisme cela conduit au chômage et à la pauvreté. Mais cela vaut encore beaucoup plus pour la classe dominante capitaliste qui, à l’instar de ses prédécesseurs féodaux, essaye de limiter le développement libre et l’échange nécessaire des sciences et techniques, dans leur cas pour essayer de sauvegarder leur avantage compétitif. Cela signifie un énorme gaspillage. Du moment qu’un produit est à point, il faut en plus le rendre rentable dans le moins de temps possible d’où l’usage abondant d’entreprise qui ne s’arrêtent jamais, au travail mauvais pour la santé et au rythme de travail inhumain. D’où aussi la demande de travail dominical, de crèches fonctionnant 24 heures sur 24, d’une économie 24/24. Chaque année, Apple sort un nouvel IPhone pour ne pas être en retard, des modèles de voitures ne doivent dorénavant plus être renouvelés tous les 6 à 7 ans mais tous les 5 ans avec un lifting intermédiaire après 2 et 3 ans. Cela nécessite de grands investissements mais, pourtant, la durée de vie moyenne des voitures ne cesse de monter. En Belgique, par exemple, de 6 ans et 3 mois en 1993 à 8 ans et un mois en 2013. [51]
Marc Goblet raconte que dans les secteurs pour lesquels il était responsable en tant que président de la Centrale Générale avant d’être devenu Secrétaire Général de la FGTB, les coûts salariaux ne représentaient que de 7 à 20% des coûts totaux. [52] A cause du développement de la science et de la technologie, la part de capital dépensée en énergie et en machines ensemble avec les bâtiments et les matières premières, appelée capital fixe, a crû proportionnellement aux dépens de la partie variable qui est dépensée pour les coûts salariaux. Marx appelle cette proportion la constitution organique du capital. Mais puisque le capital fixe transfère sa valeur dans le produit fini sans y ajouter de la nouvelle valeur et que seul le capital variable ajoute de la valeur ou de la plus-value, le taux de profit (le profit par quantité de capital investit) a tendance à baisser. C’est ce que Marx appelle la baisse tendancielle du taux de profits. C’est ce phénomène qui explique pourquoi, depuis les années ’70, les marchés financiers ont connu une croissance exponentielle. Beaucoup de capitalistes préfèrent la spéculation boursière à l’investissement dans la production réelle parce que les profits qu’ils espèrent y réaliser leur semble insuffisants ou incertains.
Nombre de facteurs contribuent à expliquer la « stagnation séculière » ou plus précisément la longue phase descendante, avec des périodes de faible reprise mais aussi de nouvelles chutes profondes. La baisse tendancielle du taux de profit est sans doute l’explication sous-jacente la plus importante. L’absence de croissance de productivité malgré la révolution digitale en est l’expression. Tout comme le manque d’investissements productifs dans l’économie réelle. [53] Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de forces contradictoires à l’œuvre. Ces dernières années, le taux de profit a même été partiellement restauré par l’augmentation du rythme de travail, en utilisant des contrats de travail ultra-flexibles, en enlevant des moments non-productifs dans le processus de travail, en se concentrant sur le core-business plus productif, etc. Bref, en augmentant le taux d’exploitation. Une des conséquences de cela est l’augmentation du fossé entre le pouvoir d’achat commun de tous les travailleurs et la valeur totale des biens et des services produits par eux. Le crédit et l’usage de l’épargne peut temporairement contrarier ce phénomène. Sans nier l’importance de la baisse tendancielle du taux de profit dans la conjoncture actuelle, c’est surtout la peur de ne pas trouver de marché qui freine les investissements productifs. En terminologie marxiste, c’est ce que l’on appelle la peur du capitaliste de ne pas pouvoir réaliser la plus-value produite par manque d’acheteurs.
Les pays en développement la guerre monétaire mondiale
Entre janvier 2013 et janvier 2014, le réal brésilien a perdu -16,46% de sa valeur face au dollar. Le Peso argentin -37,93%. La lire turque -21,80%. La Roupie -13,80%. La raison principale était le tapering, la réduction de l’injection d’argent par la FED à laquelle nous avons déjà fait référence. Cela a provoqué un renversement du carry-trade. C’est le phénomène ou des spéculateurs empruntent de l’argent aux Etats-Unis à un taux d’intérêt bas pour acheter des obligations dans des pays en développement à un taux plus élevé avec l’objectif d’encaisser la différence. Un des effets secondaires avait été que cela augmentait la valeur des monnaies et des cours boursiers dans ces pays en développement et assurait une injection de crédits bons marchés. Le rapatriement de ces fonds vers les Etats-Unis a provoqué l’effet inverse. Les monnaies de ces pays en développement perdent de leur valeur, les produits importés deviennent donc plus chers, ce qui provoque une inflation et les investissements s’arrêtent. En Inde et en Argentine, les prix ont augmenté de presque 10%. En juillet 2014, deux fonds vautours qui n’avaient pas accepté en 2005 la restructuration des dettes négociée avec 93% des créanciers, ont ramené l’Argentine au seuil de la banqueroute. La même année, un front de trois organisations trotskistes (FIS) a obtenu 1,2 million de votes, trois députés nationaux et plusieurs députés régionaux.
Seule la Chine semblait facilement digérer le revers économique, mais sur base d’une injection d’investissements basée sur le crédit. La dette totale en Chine – autorités, particuliers et entreprises ensemble – était de 160% du PIB en 2008 et déjà de 230% en 2014. Les investissements représentent en 2014 plus de 50% du PIB. [54] Depuis, la dette totale a déjà atteint 300% du PIB. [55] L’économie chinoise est confrontée à la surcapacité, à la déflation, à une crise dans l’immobilier et à une crise de dette des autorités locales. En tout cas, la croissance est beaucoup plus basse que les chiffres officiels, certain économistes avertissent de la perspective d’un atterrissage dur. L’année passée, les dirigeants chinois disaient encore que le ralentissement économique était une intervention contrôlée pour rééquilibrer la croissance économique trop basée sur l’investissement vers une croissance durable basée sur la consommation. Mais maintenant que tant la consommation que les investissements stagnent, comme à peu près tout le reste, le « ralentissement contrôlé » et le « rééquilibrage » semble être un déraillement. [56]
Fin juin début juillet, les bourses de Shangaï et de Shenzen ont connu un crash. Cela a provoqué une réaction de panique de la part du régime chinois. Beaucoup des investisseurs chinois sont des particuliers, la classe moyenne urbaine, une couche sociale importante pour le régime, avait déjà été touchée par le crash de l’immobilier. Le régime avait pensé pouvoir compenser par une croissance forte des bourses pour que cette couche sociale ne soit pas perdante et pour elle-même sortir enrichie. Il a poussé la population à investir dans la bourse pour compenser le ralentissement de la croissance aussi sur base d’emprunts. [57] Ce rêve chinois vient d’éclater en plein vol. La situation réelle de l’économie chinoise fait surface : des prix à la production qui continuent de baisser depuis 40 mois minent les profits des entreprises et rend plus difficile l’amortissement des dettes ; une inflation de seulement 1,6%, en fait une déflation sans tenir compte des prix de la nourriture ; en juillet une baisse des exportations de 8,3% sur base annuelle et une forte augmentation du Yuan face à l’euro et au yen, ce qui explique pourquoi l’exportation vers l’Europe durant les sept premiers mois de 2015 a diminué de 2,5% et celle vers le japon de 10,5%. [58]
Résultat : mobilisation générale. Depuis le 27 juin, les taux d’intérêts ont été abaissés. Plus de capital a été injecté dans les banques, de nouvelles actions ont été bloquées à la Bourse, des fonds de pension et des entreprises publiques ont été obligés d’acheter des actions et un fonds de stabilisation du marché a été créé. Tout le système financier des autorités a été mobilisé dans une opération de sauvetage massive qui a connu son sommet avec l’annonce, le 5 juillet, que la banque centrale allait acheter des actions afin d’arrêter la chute. Cela a été décrit par certains commentateurs comme du « Quantitative Easing » à la chinoise. Ces mesures désespérées indiquent que la situation est probablement encore pire que ce qui est connu en ce moment-ci. Une réaction en chaîne entraînant beaucoup d’entreprises, d’autorités locales et de banques est possible. Le prestige du régime est en jeu. Fin 2012, Xi Jinping avait d’ailleurs lancé sa stratégie de réformes où les marchés ont reçu un rôle déterminant. Le régime peut encore regretter cela.
Cela explique aussi le changement drastique dans la stratégie du régime chinois. Autant pendant la crise monétaire asiatique de la fin des années ’90 que lors de la crise de 2008, le régime chinois s’était tenu à sa politique d’une monnaie forte. Il espère d’ailleurs faire du Yuan une monnaie de réserve et en plus, une perte de valeurs du Yuan provoquerait une fuite des capitaux hors de Chine. Selon Tom Orlik, l’économiste responsable pour le continent asiatique chez Bloomberg, chaque pourcent de perte de valeur du yuan contre le dollar provoquerait le départ d’environ 40 milliards de dollars de Chine. Mais cette politique est maintenant devenue intenable et donc la banque populaire chinoise a décidé le 11 août une dévaluation unique de -1,9%, suivie le 12 août d’une nouvelle de -1,6% et d’une 3e le 13, de -1%. La banque populaire prétend qu’elle rend ainsi le taux d’échange plus orienté sur le marché. Probablement spécule-t-elle sur le fait que par manque de confiance envers l’économie chinoise, les marchés continueront à mettre pression sur le Yan. La Chine a ainsi enclenché la tendance vers la dévaluation et rejoint donc la guerre des monnaies mondiale dans une tentative d’exporter la déflation et de se procurer un avantage commercial face aux autres marchés économiques.
La décision chinoise porte la guerre des monnaies qui était enclenchée depuis quelques temps à un niveau qualitativement plus élevé. Immédiatement après la dévaluation chinoise, le Baht thaï a perdu -0,7% face au Dollar et le Dollar de Singapour a chuté de -1,2%, son plus bas niveau en cinq années. Le Peso philippin se trouve aussi à son niveau le plus bas depuis 5 ans et les monnaies indonésiennes et malaisiennes se trouvent à leur plus bas niveau depuis la crise asiatique de 1998. Depuis, le Vietnam et le Kazakhstan ont également dévalué leurs monnaies. [59] Ces pays ne font qu’appliquer ce qui leur avait déjà été montré par l’Europe. La planche à billets avait largement été utilisée depuis 2014 pour stimuler l’économie, rendre les emprunts meilleurs marchés, stimuler les investissements, contrarier la déflation mais aussi pour affaiblir l’euro pour relancer l’exportation. Dans son rapport annuel de manipulation des échanges, le secrétariat d’Etat américain aux finances pointe du doigt l’eurozone à ce sujet. [60] Mais en fait, l’eurozone ne fait que ce que les Etats-Unis ont eux-mêmes appliqués lorsque leur économie était plus faible. Ce n’est que ces dernières années que les Etats-Unis essayent prudemment de revenir sur cette politique, il n’est pas inimaginable que lorsque la croissance économique aux USA retombera à cause du prix bas du pétrole et du dollar fort que les USA postposent l’augmentation du taux d’intérêt (ce qui s’est fait entretemps) et en reviennent aux mêmes au Quatitative Easing. Dans ce cas, la guerre des monnaies serait complète. [61]
1 https://www.conference-board.org/retrievefile.cfm?filename=The-Conference-Board-2015-Productivity-Brief-Summary-Tables-1999-2015.pdf&type=subsite
2 Pompen of verzuipen, De Standaard 19 juni 2015
3 Le prix des matières premières devrait être durablement bas, Le Soir 28 août 2015
4 Les chiffres d’Eurostat: http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=lc_lci_r2_a&lang=en
5 En attendant Godot est une pièce de théâtre de Samuel Beckett où deux personnages attendent un certain Godot, ici dans le sens d’un sauveur qui ne viendra jamais.
6 ‘Economische motor dringend starten’, De Standaard 26 november 2014 – OCDE – l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques. Commencé comme le club des pays riches, consiste maintenant de 34 pays toujours principalement les plus riches
7 Japan, van spookbeeld tot voorbeeld, De Standaard 6 september 2014
8 Où va la France, Léon Trotsky, le 9 novembre 1934
9 Voir pour cela Hal Draper, Karl Marx’ Theory of Revolution, Volume III
10 Voir le deuxième congrès de la troisième internationale, 1920
11 A profile of Europe’s populist parties, Deutsche Bank 28 April 2015
12 La Chine fait trembler l’économie mondiale, Le Soir 25 août 2015
13 ‘Onze welvaart stoelt op fundament van bubbels’, De Tijd 5 juli 2014
14 Ik maak me nu meer zorgen dan in 2007, De Tijd 17 juni 2014
15 Eeuwige stagnatie, De Standaard 18 april 2015
16 Yang met de pet, De Standaard 5 september 2015
17 Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective, résolution du BE pour les congrès de districts de 2011, BI 39
18 De wraak van het kapitaal, De Standaard 29 juli 2015
19 De degeneratie van de banken – Ivan Van de Cloot De redactie 31 juli 2014
20 ‘Economie is enkel zinvol als ze moreel is’, De Morgen 4 oktober 2014
21 Tachtig rijksten bezitten evenveel als helft wereldbevolking, De Standaard 19 januari 2015
22 World’s 100 richest earned enough in 2012 to end global poverty 4 times over, RT news, 20 January 2013
23 Kloof tussen arm en rijk grootste kopzorg voor wereldeconomie, De Tijd, 17 januari 2014
24 Les patrons gagnent 183 fois le salaire moyen d’un employé, Le soir 18 août 2015
25 De 10 rijksten doorheen de eeuwen, De Morgen 1 augustus 2015
26 Gabriel Zucman: “4.700 milliards d’euros cachés dans les paradis fiscaux”, Le Soir 4 janvier 2014
27 Christine Lagarde non plus ne paie pas d’impôt sur les revenus, Le Monde 28 mai 2012
28 Bedrijven keerden in 2014 dik 1.000 miljard euro uit, De Tijd 16 februari 2015
29 Twijfel over groeibonus van goedkope olie, De Standaard 7 januari 2015
30 Selon la financieel dagblad des Pays-Bas en Russie il faudrait un prix du pétrole de 105 $ pour équilibrer le budget, de 122 $ au Nigéria, de 117 $ au Venezuela et de 130 $ en Iran. Petrostaten schudden van angst, fd 9 januari 2015
31 Noorse economie kampt met lage olieprijs, De Financiële Telegraaf 20 augustus 2015
32 Coup de frein pour l’industrie du brut, Le Soir 28 juillet 2015
33 L’OPEP devrait garder ses robinets grands ouverts, Le Soir 2 juin 2015
34 Olieprijs flirt met laagste peil sinds 2009, De Tijd 21 augustus 2015
35 Lage olieprijs is goed en slecht nieuws, De Morgen 2 december 2014
36 “Subprimes, saison 2”, Le Soir 14 mars 2015
37 BIS ziet grote risico’s bijb fondsen en vermogensbeheerders, De standaard 29 juni 2015
38 ‘De speculatieve excessen van 2007 zijn terug’, De standaard 6 december 2013
39 De kostprijs van de kloof, De Standaard 4 oktober 2014
40 Les robots pourraient occuper la moitié de nos emplois, Le Soir, 20 juillet 2014
41 Hoe technologie onze koopkracht dreigt weg te vreten, De Standaard 15 april 2015
42 Dans ‘Critique du programme de Gotha’ Marx critique justement les adhérents de Lasalle pour leur conception de ‘lois d’airain’ des salaires, basé sur leur point de vue erronée que le salaire ne peut jamais être plus élevé que le strict minimum de survie.
43 Les salaires ont pratiquement stagné dans le monde en 2013, RTBF-info 5 décembre 2014
44 ‘Toenemende ongelijkheid is slecht voor groei’, De Standaard 22 mei 2015
45 Economic Possibilities for our Grandchildren, John Maynard Keynes (1930)
46 Les robots pourraient occuper la moitié de nos emplois, Le Soir 19 juillet 2014
47 Will robots en capitalism, socialistworld.net 14 augustus 2015
48 Alleen topjobs en rotklussen zijn straks nog veilig, De Standaard 9 februari 2015
49 Revolutie op de werkvloer, De Standaard 27 juni 2015
50 Hoe technologie onze koopkracht dreigt weg te vreten, De Standaard 15 april 2015
51 Le cycle de vie des voitures raccourcit, Le Soir 19 novembre 2014
52 Chercher
53 The great productivity slowdown, Michael Roberts, August 8, 2015
54 La crise des pays émergents inquiète la planète, La Soir 29 janvier 2015
55 Crash boursier en Chine: le gouvernement s’en mêle
56 China ervaart nu een harde landing, socialisme.be 7 juni 2015, vertaald vanop chinaworker.info
57 Chinese beurscrash kan tot politieke crisis leiden, socialisme.be 9 juli 2015, interview met Vincent Kolo van chinaworker.info
58 Devaluatie Chinese munt leidt tot onrust op wereldmarkten, socialisme.be 13 augustus 2015, standpunt van Chinaworker.info
59 Les pays émergents inquiètent, Le Soir 20 août 2015
60 Don’t mention de muntoorlog, De Standaard 11 april 2015
61 Breekt wereldoorlog tussen de munten los?, de Morgen 7 februari 2015 -
[TEXTE de CONGRES] Présentation
Nous commencerons demain la publication online du texte amendé et voté au Congrès national du PSL qui s’est tenu en novembre dernier. Ce texte est également disponible sous forme de livre et arrivera de chez l’imprimeur début de semaine prochaine. Commandez dès maintenant votre exemplaire en versant 10 euros sur le compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’ avec pour mention “texte de Congrès”. les commandes seront envoyées à partir du lundi 1er février. Voici ci-dessous l’introduction du texte.
Nous publions ici la résolution politique telle qu’amendée et votée à l’occasion du Congrès National du PSL de novembre 2015. Ce Congrès a pris place 3 ans après le précédant, c’est-à-dire un an de plus que ce que prévoient nos statuts. Cela s’explique par la décision du Comité National prise l’an dernier de retarder d’un an la tenue du Congrès afin que le parti puisse concentrer toute sa force sur le plan d’action syndical d’automne 2014. Le Congrès a confirmé cette décision.
Ces trois dernières années n’ont pas été des moindres. Le processus où des éléments de révolution et de contre-révolution gagnaient le dessus en alternance s’est poursuivi. Au Moyen Orient, les masses payent l’échec des révolutions en désespoir, contre-révolution, guerre civile et barbarie. Mais nous voyons également un certain nombre d’éléments attestant d’une régénération de la classe des travailleurs. En Europe est arrivé au pouvoir pour la première fois depuis des décennies un gouvernement que beaucoup de travailleurs estimaient le leur jusqu’au moment où celui-ci a accepté le 3e Mémorandum. En Grande-Bretagne, un rebelle de gauche a été élu président du parti travailliste. Aux Etats-Unis, un frondeur semblable est devenu le plus important challenger d’Hillary Clinton. Tout cela offre d’énormes possibilités à notre courant. Nous avons pu en saisir dans la dernière période, surtout aux Etats-Unis, en Afrique du Sud et au Brésil, mais nous pensons que le nombre d’opportunités qu’offrira la période qui nous fait face sera encore plus imposant.
En Belgique aussi, avec la venue au pouvoir du gouvernement de droite, nous avons atteint un point tournant. Le plan d’action syndical d’automne 2014 était unique en son genre. Nous avons saisi le maximum de cette occasion afin donner une nouvelle impulsion à notre travail jeunes, de commencer à restaurer certaines traditions de la classe précédemment perdues ainsi que pour renforcer nos propres positions. Nombreux étaient ceux qui, comme les marxistes l’expriment, étaient ivres de la révolution et ont perdu de vue les nombreuses complications présentes. Ils ont brutalement été rappelés à la réalité au printemps. Mais la volonté de partir en action a été sauvegardée, comme nous avons pu le constater le 7 octobre. Beaucoup d’illusions ont toutefois cédé place à la déception et à la colère. Ces prochains mois, nous aurons à plusieurs reprises l’opportunité de les convertir en détermination. Nous espérons que cela se traduira au printemps 2016 par l’élection d’un nombre important de syndicalistes combatifs.
Les textes de Congrès ont été écrits bien avant les horribles attaques de l’Etat Islamique autour du 13 novembre à Paris, Beyrouth, Bagdad ou Tunis et la panique qui a suivi. Évidemment, cela a longuement été débattu lors du Congrès. La base de cette discussion a ensuite été publiée dans une série d’articles sur socialisme.be et surtout dans l’édition de Lutte Socialiste de décembre 2015. Pour le PSL, la sécurité n’est pas séparée de la question sociale mais en constitue justement une partie. Nous avons de la compréhension pour ceux qui sont en état de choc. Nous comprenons que de nombreuses mesures destinée à renforcer la présence en rue de policiers et de militaires disposent d’un soutien. Mais nous estimons toutefois que ni la politique étrangère, ni la politique intérieure du gouvernement Michel ne vont réduire la menace terroriste, bien au contraire. Nous doutons même du fait que ces mesures aient été réellement prises pour assurer notre sécurité. Les hôtels de luxe ont eu des soldats et des policiers disposés à leurs portes, mais les écoles des zones défavorisées n’ont eu que des patrouilles. Les stations de métro ont été fermées, mais pas la gare centrale ou l’axe nord-sud de la SNCB. Cette incohérence provient des réelles motivations de ce gouvernement: polir son image à l’étranger et peut-être profiter de l’occasion pour tester jusqu’où il peut aller.
Un Congrès du PSL ne se limite pas à un rassemblement de deux jours. Pas même aux six semaines non moins importantes de discussion sur les textes de Congrès. Nos analyses et les tâches qui en découlent sont quotidiennement élaborées sur base de nos expériences concrètes. La période de Congrès est plutôt un moment où nous rappelons nos analyses, regardons à quelle étape nous nous trouvons, quelles sont les perspectives les plus probables, comment nous allons y répondre concernant notre programme, notre stratégique, nos tactiques et notre orientation ainsi qu’en définissant les tâches prioritaires que cela implique.
Chaque membre n’est pas à chaque instant à la hauteur concernant tous les aspects de l’analyse du parti. Pour remédier à cela, pour leur offrir la possibilité de s’accrocher et pour sauvegarder notre analyse pour les prochaines générations, nous fixons les évènements majeurs et l’interprétation que nous en faisons dans un texte de perspectives. L’objectif est que les membres, à chaque fois qu’ils en ont besoin, puissent le consulter. Pour certains, même des membres expérimentés, la période du Congrès peut être trop courte que pour être en mesure de tout digérer. D’autres n’auront intégré en première instance que quelques notions, alors qu’une bonne partie des perspectives leur échappe encore. Ils ne doivent pas se faire de soucis à ce sujet. Nous prenons le temps nécessaire avec tous les membres pour les aider à absorber l’information. Pour certains, cela a encore été possible avant la tenue du Congrès. Pour d’autres, cela a pris plus de temps. Mais l’objectif global est toujours de former des membres conscients et politiquement formés capable d’aider le parti à développer ses analyses, son programme, sa stratégie et ses tactiques en connaissance de cause. C’est cela que nous entendons par une démocratie véritable.
Le Congrès est composé de délégués, mais ceux qui ne le sont pas sont également les bienvenus et peuvent prendre la parole. Seuls les délégués ont toutefois un droit de vote effectif, les autres étant invités à exprimer un vote consultatif. Si le temps disponible est trop limité pour permettre à chacun de parler, les délégués ont priorité.
Dans un texte précédent, nous avions écrit : « Pour rendre possible une réelle discussion au Congrès même, les sections élisent au prorata des membres en ordre de cotisation un certain nombre de mandatés/délégués, des gens dont ils connaissent les points forts et les faiblesses et que la section considère comme étant les meilleurs porte-paroles des tendances présentes dans chaque section. Ils participent au Congrès sans préjugé. Avec le but de s’enrichir par la combinaison des différentes compréhensions de toutes les sections et sans mandat impératif, car le Congrès est souverain. Sur base de toutes ces discussions, compréhensions et décisions finales, ils élisent une direction nationale, de préférence une équipe, qui, à côté de sa participation comme chaque membre à l’application quotidienne dans le cadre de sa section, prend également sur elle aussi la tâche de continuer à représenter le Congrès après sa dissolution jusqu’à ce que le prochain Congrès la libère de cette tâche. »
Pour le Bureau Exécutif,
Eric Byl. -
Bruxelles. Traditionnel Réveillon militant
Comme les années précédentes, les sections de Bruxelles et de Brabant du Parti Socialiste de Lutte (PSL) organisent le 31 décembre un réveillon de nouvel an combatif, festif, agréable et bon marché. L’entièreté de l’argent récolté lors de notre réveillon servira à financer notre parti et nos campagnes.Les inscriptions et le paiement peuvent s’effectuer par téléphone 0478/40.16.09.Vous pouvez verser la somme sur le compte BE18 0014 9478 6265 avec pour communication “31/12” suivi de votre nom. La fête prendra place dans la salle Randstad, Rue du Jardinier 47 à 1080 Molenbeek.
Si vous ne pouvez malheureusement pas venir mais que vous souhaitez nous soutenir, nous vous invitons à faire un don sur notre compte bancaire afin de nous permettre de financer nos diverses campagnes.
MENU pour commémorer les luttes de l’année 2015
- Mezze Oxi-grec
- Tajine d’agneau réfugié, raisins et amandes
- American Sawant Pie
- Plateau de fromage
- Café & Truffes/
PRIX:
25€ salariés – 17€ non salariés (+5€ sur place)
5€ – de 12 ans(Babysitting possible)
De 19h à… Au centre Randstad, 45, Rue Jardinier, Molenbeek (Bruxelles).
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Congrès National du PSL: Il nous faut une alternative socialiste contre ce capitalisme à l’agonie!
Le 14e Congrès National du PSL a eu lieu le week-end dernier et a réuni des camarades de tout le pays. Cet évènement prend habituellement place tous les deux ans mais le magnifique plan d’action contre le gouvernement de droite de l’an dernier nous avait conduits à en reporter la tenue d’un an. Ce mouvement fut bien entendu l’objet d’une attention particulière lors de ce Congrès. Ses plus forts éléments ont été analysés, ceux qui ont clairement remis le mouvement des travailleurs sur le devant de la scène politique, de même que les limites et complications survenues, comme l’absence de mots d’ordres clairs pour un deuxième plan d’action jusqu’à la chute du gouvernement et l’absence d’une alternative politique face aux partis austéritaires.Une large attention a évidemment également été consacrée aux attentats de Paris, à l’instabilité mondiale et à la menace terroriste en Belgique. Ce système est véritablement malade, il n’apporte que misère, guerre et terreur croissantes pour la majorité de la population. C’est pourquoi nous nous organisons pour lutter pour une société différente, une société socialiste démocratique. Le potentiel pour ce changement fondamental de société est bel et bien présent. Pour peu que l’on fasse appel aux ressources et à la technologie existantes en fonction de leur utilité sociale, il nous serait possible à tous de connaître une vie des plus agréables. C’est le constat auquel aboutit le cosmologiste Stephen Hawking. Cela exige de poser autrement les questions relatives à la production, notamment pour faire face aux urgences écologiques et énergétiques, ce qui ne deviendra de l’ordre du possible que si la majorité sociale possède le contrôle et la gestion démocratiques des secteurs-clés de l’économie.
Mais alors qu’il serait possible pour chacun de mener une vie décente et épanouissante, nous subissons pauvreté, chômage, terrorisme, racisme, répression et exploitation. La politique d’austérité nous enfonce la tête sous l’eau. La politique étrangère impérialiste a échoué à en finir avec les guerres et les dictatures, elle n’a au contraire fait que les renforcer. Pourtant, les politiciens de l’establishment capitaliste réponde quasiment d’une même voix que la seule riposte contre la menace terroriste est un cocktail de répression et d’aventures guerrières. La dernière ‘‘guerre contre le terrorisme’’ a-t-elle été de nature à assurer une plus grande sécurité? La politique menée ces dernières années a-t-elle permis de prendre à bras-le-corps la pauvreté et l’exclusion sociale dans des quartiers comme Molenbeek? Effectuer la même chose encore et encore tout en espérant un résultat différent, c’est ainsi qu’Einstein définissait la folie.
La situation désastreuse du Moyen-Orient et ses conséquences qui parviennent jusqu’ici, avec la crise des réfugiés et la menace terroriste, ne démontrent qu’une chose : l’agonie de ce système. Le PSL considère son Congrès comme un moment de discussion collectif pour être plus forts ensemble dans la lutte contre ce système et pour défendre l’arrivée d’un système alternatif. Cela est possible, nous l’avons constaté fin 2014 avec le plan d’action syndical en Belgique et ailleurs dans le monde avec la croissance de la recherche d’une alternative. Nous voulons jouer un rôle dans ce processus, tant au niveau international qu’en Belgique. Les rapports des membres du PSL qui ont participé au développement de nos organisations-sœurs à Seattle et en Irlande étaient à ce titre une bonne source d’inspiration. Nos multiples interventions et les diverses avancées de notre travail politique au cours des trois années écoulées, en particulier au niveau syndical, ont également été matières à un bel enthousiasme.
Un contexte de peur et d’incertitude peut temporairement jouer un rôle paralysant sur le mouvement des travailleurs. Un débat politique entièrement dominé par la droite a inévitablement son impact sur de larges couches de la population. Mais rien ne peut venir de ce côté si ce n’est plus de misère, de guerre et de terreur, comme nous le constatons déjà aujourd’hui. La lutte pour le socialisme démocratique est plus que jamais d’actualité et ce combat dispose d’un potentiel bien présent. Renforcez le PSL et, ensemble, faisons face à l’énorme défi de changer de société!
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Congrès National du PSL : Appel financier
Le 14e Congrès National du PSL-LSP (depuis 1992) se réunit du 20 au 22 novembre. Pour nous, un Congrès est l’occasion de collectivement discuter en profondeur afin de parvenir à une clarification politique des processus à l’œuvre dans la société, ceci afin de déterminer quelles grandes orientations adopter pour notre travail politique. Si vous désirez disposer de nos textes de Congrès actuellement en discussion dans nos sections ou participer à ces débats, n’hésitez pas à prendre contact avec nous via redaction@socialisme.be.
Cher camarade,
Qui aurait imaginé il y a 2 ans encore voir se succéder deux des plus grandes mobilisations syndicales de ces 30 dernières années en Belgique ? Qui aurait imaginé l’arrivée d’un plan d’action historique et inédit à l’échelle internationale, une grève générale nationale consciemment préparée par une manifestation nationale et une tournée de grèves provinciales ? De nombreux militants du PSL se rappellent encore les rires de certains lorsque nous en évoquions la possibilité. D’autres riaient aussi des perspectives tracées par le CIO lors de son 10e Congrès mondial fin 2010, qui abordaient la résurgence à venir des luttes de masses révolutionnaires au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Ils n’ont pas ri longtemps. Quelques semaines plus tard s’effondraient les régimes de Ben Ali et Moubarak. Tout ce qui a suivi ces grandioses évènements n’a fait que souligner l’absolue nécessité d’un parti socialiste révolutionnaire capable de tenir compte des flux et reflux de la conscience des masses et d’être flexible dans la tactique sans pour autant sombrer dans l’opportunisme en noyant les principes fondamentaux de son programme.
Etats-Unis, Brésil, Afrique du Sud, Irlande,… notre Internationale a su saisir les occasions qui se présentaient à elle pour peser sur le débat, en dépit de ses modestes moyens. Grâce à son Congrès mondial de janvier prochain, le CIO pourra approfondir l’analyse et le partage d’expérience de ses sections à travers le monde. De là se dégageront les leçons et les perspectives qui nous permettront de renforcer notre intervention et d’aider le processus de révolution et de contre-révolution à décisivement pencher en faveur de la classe des travailleurs et des pauvres. La colère n’a pas fini de gronder et, plus encore, elle mûrit.
En Belgique, même notre parti a été agréablement surpris par les 100.000 manifestants du 7 octobre. Ni les tentatives de diviser la population, ni l’incertitude distillée par les sommets syndicaux après la magistrale grève générale du 15 décembre ne sont pour l’instant parvenus à étouffer la volonté de lutte active. Le génie du mouvement de masse de la classe des travailleurs est sorti de sa lampe et a refait la démonstration de sa force potentielle de changement de la société. Le gouvernement n’a su jusqu’ici se préserver de la chute que grâce au manque d’alternative de la part des directions syndicales.
A l’école, en entreprise, ou même sur un zoning commercial ou industriel, nos militants se sont non seulement constitué une précieuse expérience, mais ils ont également démontré dans la pratique la plus-value que représente l’activité d’un marxiste pour les luttes et qu’un parti n’est pas nécessairement synonyme de machine électorale. Notre travail syndical est clairement entré dans un nouveau cycle. Disposer, à terme, d’un permanent entièrement consacré à ce domaine est un projet que nous voulons concrétiser.
Les luttes récentes ont à nouveau souligné le rôle que peut jouer la jeunesse dans la résistance sociale. Nous avons considérablement investi dans ce travail, en renforçant dès cet été notre équipe de permanents, tant du côté francophone que du côté néerlandophone. Cela nous a permis de continuer à capitaliser sur les efforts passés, notamment suite au rôle dirigeant joué dans le mouvement écolier anti-austérité à Gand. La dynamique des Etudiants de Gauche Actifs est aujourd’hui en plein développement, avec l’implication de dizaines de jeunes, certains ayant déjà rejoint le PSL pendant que d’autres nous observent avec attention.
A l’occasion du 14e Congrès du PSL-LSP, et du 11e Congrès du CIO-CWI, nous lançons un appel exceptionnel aux dons avec l’objectif de récolter 20.000€. 8 camarades y ont déjà contribué pour plus de 2.700€. Même si près de la moitié de cet appel servira à l’organisation du Congrès mondial, la majorité de cette somme servira toutefois à financer de gros investissements pour le PSL, notamment dans notre travail jeunes, ainsi qu’à préparer le parti à la future croissance de son activité et de son nombre de membres.
Nous demandons à chaque membre, quels que soient ses moyens, de participer à cet appel en faisant une promesse de don. En fonction de ses propres possibilités bien sûr, et personne ne sera jugé sur le montant qu’il décide de donner au parti. Mais, s’agissant d’un appel et d’un objectif exceptionnels, nous demandons à chaque camarade de réellement considérer de faire une donation exceptionnelle. Ce sera quelques dizaines d’euros pour certains; quelques centaines, voire milliers, pour d’autres. Chaque don sera utilisé de la meilleure des manières pour assurer la réalisation de notre projet politique.A côté de cela, nous demandons à chacun de réévaluer le montant de sa cotisation en fonction de la moindre possibilité de l’augmenter. Nous demandons également aux camarades moins réguliers dans le paiement de leur cotisation mensuelle de recommencer à la payer, notamment à l’aide d’un ordre permanent bancaire. Il s’agit d’un précieux gain de temps pour les responsables du financement du parti. Nous visons à disposer de 500€ de plus par mois grâce à ces augmentations et remises en ordre de cotisations dans l’élan du Congrès National.
Si 2014 et 2015 ont représenté d’importants pas en avant pour la construction du parti révolutionnaire en Belgique et dans le monde, nous ne doutons pas que ce sera également le cas en 2016. Une assise financière solide est la meilleure garantie que nos idées politiques deviennent une force parmi les masses.
Pour le bureau exécutif du PSL,
Stéphane Delcros.Modalités de paiement:
– en cash, au responsable du PSL de ta section ou de ta région.
– par virement, sur le numéro de compte du PSL: BE69 0012 2603 9378 (BIC: GEBA BE BB), avec en communication : ‘COTISATION’ ou ‘DON’. -
Bruxelles : Festival Anticapitaliste des Étudiants de Gauche Actifs
Les Étudiants de Gauche Actifs (EGA) vous invitent à leur FESTIVAL ANTICAPITALISTE, une après-midi de débats et de concerts qui se tiendra à Bruxelles le mercredi 21 octobre à partir de 13h30 à l’ULB, campus Solbosch, Batiment F1, Au Foyer.Accueil dès 13H30
14H :: PLÉNIÈRE : En route vers les manifestations lors du sommet climatique à Paris (COP21).
15H30 :: 3 COMMISSIONS ::
- La crise des réfugiés et la lutte des sans papiers
- Marxisme et environnement
- TTIP: contre la dictature des multinationales
18H :: MEETING : Face au chaos capitaliste, le socialisme comme alternative
19H :: SOIRÉE & CONCERT
(Sandwichs & boissons à prix démocratique)
=> Page de l’évènement Facebook
CONTACT: info@gauche.be – 0473.25.33.25




