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Tag: Portugal
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Cure du FMI pour la Belgique : Tuer la poule aux œufs d’or
A nouveau, aucune surprise à la lecture du rapport annuel du Fonds Monétaire International sur la Belgique. En bref : l’économie ne fait pas trop mal, mais des nuages orageux pointent à l’horizon. Pour les éviter, il faut une réforme des pensions, assainir sur les soins de santé et revoir notre système d’indexation automatique des salaires. Le rapport du FMI sonne comme un écho à ce que l’esta-blishment tente de nous faire croire depuis déjà longtemps. Un tel rapport est en effet rédigé sur base de données mises à disposition par le gouvernement belge.
Par Eric Byl
Pour le gouvernement et le patronat, cela tombe bien qu’on l’entende aussi d’une autre bouche. Le rapport nous frotte la manche pour le bilan actuel, après quoi il suggère un bon rasage, de 0,75% du PIB par an, soit 2,7 milliards d’euros, sans quoi le budget de 2015 ne serait pas en équilibre. A nous de voir. Mais, au cas où l’on penserait faire le mauvais choix, le FMI nous indique que la confiance des marchés sur le fait ‘‘que notre pays est résolu à repousser la dette de l’Etat’’ est affaiblie.
L’économie belge a cependant ses points forts. La consommation se rétablit plus vite ici que la moyenne de la zone euro. Les raisons qui expliquent cela sont les mêmes que celles qui permettent de comprendre ce qui nous a préservé du pire pendant la crise bancaire, notamment les ‘‘stabilisateurs automatiques’’. Avec ce terme, on parle de la sécurité sociale – qui nous protège mieux contre une trop forte perte de revenu – et de l’indexation automatique des salaires – qui doit protéger notre revenu quand les prix gonflent. Malgré les plaintes du patronat, notre position concurrentielle est d’ailleurs excellente.
Ici, un travailleur produit par heure plus de valeur que ses collègues à l’étranger, seuls les travailleurs du Luxembourg et de Norvège font mieux. Par conséquent, les exportations belges augmentent plus rapidement que la moyenne de la zone euro et, selon le FMI, la force de concurrence va encore augmenter dans les deux années à venir avec l’augmentation limitée (une baisse en réalité – EB) des salaires réels. En bref : ce ne sont pas les travailleurs qui sont fautifs.
Quels sont alors les points faibles? Malgré l’augmentation de la consommation, tant à l’intérieur que chez nos partenaires commerciaux, notre pays reste à l’arrière de la zone euro sur le plan des investissements. De plus, nos patrons sont plus rapides que la moyenne pour augmenter les prix pour faire grossir leurs revenus. Le FMI pointe aussi que le gouvernement belge et notre secteur bancaire sont susceptibles d’infection ‘‘si les troubles sur les marchés financiers se ravivent’’. Et ça, c’est une chose certaine : la Grèce et l’Irlande ne vont pas échapper à un ajustement de leur dette et le Portugal aussi doit frapper à la porte du fonds de stabilité européen. Le risque est réel que l’Espagne ou même le Royaume-Uni suive cet exemple, et la Belgique n’est alors plus en dehors de la zone de danger.
Les familles belges disposent cependant d’une fortune financière de 900 milliards d’euros, proportionnellement quasiment le double des Pays-Bas, de la France et de l’Allemagne. Si on compte également l’immobilier, on parle alors de 1760 milliards d’euros.
Conclure sur cette base que la Belgique est un pays avec un gouvernement pauvre et une population riche n’est toutefois pas correct, cette fortune n’étant dans les mains que d’une petite minorité. 70.000 de nos compatriotes sont millionnaires en dollars. Jusqu’à l’introduction de l’euro, 80% des 331 milliards d’euros de la dette de l’Etat étaient aux mains de ces belges ultra-riches. Pour leurs propres intérêts, ils seraient sans doute intervenus quand le gouvernement a connu des difficultés. Mais nos politiciens sont entrés dans le projet néolibéral de la zone euro. A cause de cela, 65% de la dette d’Etat belge sont dans des mains étrangères. Pour la dette à courte terme, il s’agit même déjà de 93%.
Ces investisseurs étrangers ne vont certainement pas hésiter à retirer leur argent quand la solvabilité du gouvernement belge sera en danger. Afin d’éviter ce scénario, le FMI propose de tuer la poule aux œufs d’or, c’est-à-dire de s’attaquer justement à la sécurité sociale ainsi qu’à l’indexation automatique des salaires.
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Nous avons besoin d’une réponse socialiste face à la crise de l’euro
La crise de la dette de la zone euro, conséquence de la crise financière mondiale, fait rage de toutes ses forces. Malgré les tentatives des pays impliqués et de l’Union européenne de satisfaire les “marchés” via des plans d’austérité et des garanties, le Portugal, l’Irlande et la Grèce restent attaqués par les spéculateurs. Pour ces trois pays, la dette est devenue impayable. En avril, le Portugal a été le troisième pays-membre de la zone euro à devoir se tourner vers le FMI et le “fonds de sauvetage” européen pour un financement d’urgence, avec toutes les conséquences que cela entraîne.
Par Jonas Van Vossole
À qui la faute ? Et À qui de payer ?
Souvent, c’est la population des pays en détresse financière qui est accusée d’être responsable des problèmes. Les politiciens allemands se sont ainsi précipités pour dénoncer la paresse et le confort de ces sales méridionaux de Grecs et de Portugais. Cela a conduit à la situation absurde où les riches politiciens allemands décident que les Grecs, qui gagnent en moyenne moins de 1000 euros par mois, vivent au-dessus de leurs moyens…
Le racisme que tout cela a engendré autour de la question de la dette a été utilisé par divers partis populistes de droite en Europe du Nord pour s’opposer aux transferts du Nord vers le Sud de l’Europe. Le parti des “Vrais Finlandais” a ainsi quintuplé son score électoral, passant de 4 à maintenant 19%, entre autres sur base d’un programme de refus du soutien européen au Portugal.
Ce n’est pourtant pas la population irlandaise, portugaise ou grecque qui est responsable de cette dette énorme. La problématique de la dette est un problème global pour tout le capitalisme. La dette mondiale des ménages, des entreprises et des États s’élève à plus de 250% de la richesse créée chaque année sur le plan mondial. Depuis les années ‘70, les crises chroniques de surproduction du capitalisme ont été “résolues” par un endettement de masse. Cet endettement était couplé à la libéralisation totale des marchés financiers. En guise d’illustration : le total des investissements des banques en Angleterre entre 1870 et 1970 valait en moyenne 50% du PIB. Aujourd’hui, ces investissements valent 600% du PIB. En Grèce et au Portugal aussi, mais surtout dans le cas de l’Irlande et de l’Islande, on a eu depuis les récentes crises, le sauvetage des banques. Tout comme en Belgique, les autorités ont donné des milliards pour maintenir le système bancaire à flot.
Des pays tels que le Portugal et la Grèce ont été les premiers touchés par la crise parce qu’ils avaient auparavant été les plus durement touchés par la politique néolibérale de l’UE. C’est surtout l’industrie des pays d’Europe méridionale – comme le textile et les chaussures, qui étaient installés là en raison des bas salaires – qui, avec le libre commerce et la mondialisation néolibérale, est partie vers des pays aux salaires encore plus bas. En conséquence : hausse des prix et chômage pour la classe ouvrière, en contrepartie d’un accroissement des marchés de débouchés et des investissements étrangers pour les entreprises.
Plan de sauvetage ou plan d’austérité ?
Les banques et les spéculateurs ont poussé la Grèce, l’Irlande et le Portugal à aller frapper à la porte du FMI et des fonds de secours européens. Lorsque le gouvernement social-démocrate du Portugal n’est pas parvenu à faire passer le cinquième plan de coupes budgétaires du pays, il a chuté et cela a également ouvert la voie au FMI. Les énormes plans d’austérité du gouvernement national semblent insuffisants pour rassasier les “requins”. Avant même les nouvelles élections, le FMI, sur demande du gouvernement en affaires courantes, est déjà au Portugal pour en dresser la politique.
‘‘L’aide” du FMI et de l’UE consiste en ce que les pays touchés reçoivent des lignes de crédit pour refinancer leur dette, et de cette manière les pays doivent pouvoir rembourser leurs dettes aux banques. Cette aide est toutefois liée à des “conditions” brutales. Dans la pratique, cela signifie que la “troïka” de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du FMI exerce un contrôle direct sur les pays. Concrètement, c’est le FMI qui met sur pied les plans d’austérité au Portugal; le parlement est mis hors-jeu. Tout semblant de démocratie est jeté par-dessus bord.
Le FMI veut économiser encore plus et mettre en œuvre de sa propre main le dernier plan d’austérité du Portugal – PEC IV. En plus de toutes les mesures qui avaient déjà été mises en application, telles que l’abaissement des pensions et les privatisations de masse, la TVA sur l’alimentation va être plus que doublée, les règles de licenciements seront facilitées, et les allocations de chômage vont être encore raccourcies. La classe ouvrière portugaise n’en sera qu’encore plus appauvrie.
Cela signifie non seulement un drame social, mais en plus, au sein du système capitaliste, cela est bien loin d’être une solution sur le long terme. L’immense dette ne sera pas réduite et les mesures du FMI vont enfoncer l’économie encore plus loin dans la récession. Et tout cela, alors que l’économie a déjà connu de la croissance négative au cours de ces douze derniers mois. Toute perspective d’amélioration est enlevée à la population. Il ne faut dès lors pas s’étonner que de plus en plus de jeunes portugais, tout comme leur compagnons d’infortune irlandais, quittent leurs familles pour aller chercher un avenir meilleur à l’étranger.
Il faut une réponse socialiste
Les plans d’austérité ont reçu plus d’une fois au cours de l’an dernier une réponse de la part de la classe ouvrière et de ses syndicats. Aux privatisations, on a répondu par des grèves sectorielles. Il y a eu plusieurs manifestations nationales, et une grève générale. L’intrusion du FMI a eu pour effet une éphémère mise de côté du sectarisme entre les partis de la gauche portugaise, le Bloc de gauche et le Parti communiste portugais, pour une concertation vers une position commune. Malgré tout, il n’y a aujourd’hui aucun plan d’action clair de la gauche afin de mettre un terme à l’austérité et de dégager le FMI.
Nos camarades portugais de Socialismo Revolucionario mènent campagne pour parvenir à un véritable plan d’action qui puisse unir les différents mouvements de résistance. Le Bloc de gauche, le PCP et la CGTP (le plus grand syndicat), doivent se mettre d’accord pour proposer à la classe ouvrière une alternative politique sur base d’un programme socialiste. Celui-ci devra s’imposer sur base de la lutte, à commencer par la mobilisation pour une grève générale, avec la perspective de pousser la lutte plus loin par après.
Un tel programme socialiste pourrait ainsi mettre un terme à tous les plans d’austérité, avec le refus de payer la dette de l’État aux banques, et la nationalisation des secteurs-clés de l’économie. Ce n’est que sur cette base que l’on pourra donner une réponse au bain de sang social causé par la crise du système capitaliste.
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Nouvelle campagne de la FGTB wallonne: “Où est passé l´argent?”
A la veille du Premier Mai, fête des travailleurs, la FGTB wallonne a présenté sa nouvelle campagne "Où est passé l’argent?". La réponse est claire et a donné le nom du site internet de la campagne (www.danslapochedesactionnaires.be), cette succédant à la campagne ‘‘le capitalisme nuit gravement à la santé’’ lancée en 2008.
Par Nicolas Croes
Le tract de la campagne commence par le titre ‘‘C’est pas la crise pour tout le monde!’’ et explique très justement : ‘‘Contrairement aux idées reçues, nous vivons dans un pays de plus en plus riche. Chaque année, les richesses produites (par les travailleurs !) ne font qu’augmenter. Pourtant, les travailleurs ne reçoivent pas leur juste part du gâteau. Depuis 30 ans, les actionnaires captent une proportion de plus en plus importante de ces richesses. Rien que pour 2010, ce sont 20 milliards € supplémentaires qui se sont retrouvés… dans la poche des actionnaires !’’ Par la suite, il dénonce le résultat en termes de ‘‘Chômage, austérité, pouvoir d’achat en berne, attaques contre la Sécurité sociale et les services publics, fiscalité injuste, hausse des prix des matières premières et de l’énergie…’’
Au-delà de la dénonciation, la FGTB wallonne plaide pour un meilleur pouvoir d’achat par le maintien de l’indexation automatique des salaires, l’augmentation des salaires bruts et du salaire minimum et la suppression des discriminations touchant les jeunes. Il est aussi question de renforcer la sécurité sociale (‘‘sans elle, un Belge sur trois serait pauvre’’) afin de notamment augmenter les allocations sociales (pension, invalidité, chômage…) et d’instaurer leur réelle liaison au bien-être. Troisièmement, afin de lutter contre le chômage qui frappe 750.000 personnes dans notre pays, la campagne défend les 32 heures de travail par semaine avec réduction collective du temps de travail, maintien du salaire et embauche compensatoire. Enfin, la FGTB wallonne veut renforcer les services publics en stoppant le processus de privatisation et en renationalisant des secteurs clés comme l’énergie, la Poste,…
La FGTB wallonne explique également comment financer ces mesures et met en avant la limitation des revenus des actionnaires, des grands patrons et des traders (‘‘taxation des plus-values boursières, plafonnement des revenus des actionnaires, instauration d’un salaire maximum,…’’), en luttant contre la fraude fiscale, en supprimant la déduction des intérêts notionnels, en instaurant une ‘‘juste perception de l’impôt des sociétés’’ (la FGTB wallonne rappelle que n’importe quel pensionné paye plus d’impôts qu’Electrabel ou Inbev aujourd’hui…) et en contrôlant le système financier et bancaire par la création d’une banque publique régionale, par l’instauration d’une taxe sur la spéculation, par la suppression des ‘‘paradis’’ fiscaux, etc.
Que faire du secteur financier ?
Le PSL se retrouve pleinement dans différentes revendications portées par la FGTB wallonne dans cette campagne, tout comme dans la précédente, notamment concernant la question de la réduction collective du temps de travail avec embauches compensatoires et sans perte de salaire, une revendication que nous avons eu l’occasion de défendre en plusieurs occasion ensemble avec les Jeunes-FGTB, comme dans les comités de ‘‘Jeunes en lutte pour l’emploi’’. Mais, tout comme à l’époque du lancement de la campagne ‘‘le capitalisme nuit gravement à la santé’’, nous regrettons que ne figure pas la revendication de la nationalisation d’un secteur aussi crucial que le secteur financier.
L’actualité récente (la catastrophe de BP dans le Golfe du Mexique l’an dernier ou encore celle de Fukushima en mars) a démontré de façon on ne peut plus limpide que laisser un secteur aussi important que celui de l’énergie dans les mains du privé est une aberration totale. Nous soutenons ainsi l’exigence portée par la FGTB de "la renationalisation de la production nucléaire" et plus encore celle de la FGTB wallonne d’aller carrément vers la nationalisation de tout le secteur de l’énergie.
Mais – lorsque nous regardons la dégradation sociale dans les quartiers pauvres de nos villes ou la pauvreté cachée à la campagne, lorsque nous constatons l’état dans lequel doivent vivre de très nombreux pensionnés, personnes handicapées, malades chroniques, jeunes et moins jeunes sans emplois,… – il nous semble que la crise économique, la pire crise du capitalisme depuis les années ’30, est elle aussi une catastrophe. Elle démontre, tout aussi clairement que celles de BP ou de Fukushima concernant le secteur de l’énergie, que le secteur financier doit être placé hors des mains du privé, dans celles de la collectivité.
La création d’une banque publique régionale ne résoudrait rien à la crise, et n’empêchera pas de nouveaux problèmes au secteur financier. Une petite île, régionale qui plus est, dans un océan où le marché dicte ses lois se ferait engloutir au bout d’un moment, comme ce fut le cas dans le passé avec la CGER. Les débuts de la nouvelle Caisse d’Investissements de Wallonnie (CIW) illustrent aussi cela. La CIW a accusé une perte de 1,26 million d’euros pour l’année 2010 et de 1,3 million en 2009. Il est vrai que l’Union Européenne a longtemps bloqué le projet, mais les souscriptions, qui avaient pour objectif d’atteindre les 300 millions d’euros, n’ont récolté que 81 millions. Entre autres problèmes, pour les entreprises, la CIW n’est pas concurrentielle avec d’autres aides, un problème qui reviendra systématiquement dès lors que l’on se base sur la logique du marché et sa soif de profits à court terme.
‘‘Le capitalisme n’est pas l’ordre naturel des choses’’
C’est ce qu’on pouvait à l’époque lire dans le tract de la campagne ‘‘Le capitalisme nuit gravement à la santé’’. Mais nous avions déjà à ce moment l’impression que la FGTB n’y croyait pas vraiment. Dans la tête des dirigeants, il s’agissait plutôt d’un système capitaliste fortement régulé que d’une rupture avec le capitalisme, ce que Thierry Bodson, secrétaire général de l’interrégionale wallonne de la FGTB, disait en ces termes : "Je ne plaide pas pour l’instauration d’une économie planifiée. Mais il faut que la machine économique soit nettement plus régulée." (La Libre, 26 février 2009).
A l’époque, nous avions déjà écrit ”Nous ne sommes pas contre d’autres revendications portées par cette campagne comme la "traçabilité" des flux financiers internationaux, la mise sur pied d’autres indicateurs que le PIB pour mesurer la création de richesses ou encore le contrôle des publicités mensongères à propos des produits financiers. Mais ces mesures, en acceptant de laisser une part non négligeable du contrôle de la société dans les mains des capitalistes, cherchent à concilier des intérêts aussi diamétralement opposés que ceux des travailleurs et ceux de la bourgeoisie.” (Une campagne bienvenue de la FGTB wallonne, mais comment la faire aboutir ?)
Aujourd’hui, cette lacune, selon nous, reste présente, mais avec un ton que nous trouvons peut-être trop timide. Alors que l’on pouvait lire en 2008 ‘‘Aujourd’hui, libéralisme et capitalisme ont un genou à terre. C’est le moment ou jamais de contre-attaquer pour les empêcher de nuire à nouveau’’, on trouve maintenant dans ‘‘Où est passé l’argent’’ des attaques moins ambitieuses, contre le ‘‘dérapage actionnarial qui handicape la relance économique, freine les augmentations de salaire et la création d’emplois’’ (à lire dans la brochure de présentation de la campagne).
Instaurer un rapport de force
On peut aussi lire dans la brochure de la campagne que ‘‘Les luttes sociales ont permis une réduction progressive de la durée de travail : de 12h/jour, 7 jours sur 7 au début du XXe siècle, pour finalement arriver à 40h/semaine en 1974.’’ Il est fort utile de rappeler que nos acquis sociaux sont le fruit de luttes et de mobilisations, d’un rapport de force établit par l’organisation et l’action collectives des travailleurs. Aujourd’hui aussi, c’est en construisant ce rapport de force dans la rue et au travail que l’on pourra non seulement préserver nos acquis, mais aussi récupérer ce qui nous a été volé et même changer de société.
En 2008, le tract de la campagne de la FGTB wallonne disait ‘‘Partout en Europe et dans le monde, la crise ravive des mouvements de contestation de ce modèle qu’on pensait incontournable. Le vent tourne…’’ Il est regrettable de ne plus retrouver de références de ce type maintenant, surtout après le processus révolutionnaire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et les mobilisations gigantesques que nous avons connu depuis 2008, souvent les plus importantes depuis des décennies (au Royaume-Uni, au Portugal, en Espagne, aux Etats-Unis,…).
Pour illustrer ses propos, la FGTB wallonne se réfère à la lutte récente contre l’Accord interprofessionnel : ‘‘Les travailleurs payent la crise de toutes parts ! Et aujourd’hui, on ose encore nous parler de « dérapage salarial » ? Dans le dernier projet d’accord interprofessionnel, rejeté par la FGTB, le patronat n’a pas voulu lâcher plus de 0,3% d’augmentation en 2012… soit 6€ pour un salaire de 2.000€ bruts ! Quel élan de générosité !’’ Mais il y a beaucoup à dire sur la manière dont la lutte syndicale a été organisée à l’occasion de cet AIP, rejeté par la majorité des syndicalistes des syndicats socialiste, chrétien et libéral, même si seuls la FGTB et la CGSLB ont respecté cette majorité.
Le rôle de la direction de la CSC a été scandaleux, il est vrai. Mais, à la FGTB aussi, certains de nos dirigeants ont été loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Ainsi, face à la norme salariale scandaleuse de 0,3% pour 2012, les manifestations et actions régionales ont été désorganisées, sans mot d’ordre clair donné suffisamment longtemps à l’avance par les directions syndicales et sans véritable plan d’action, malgré la volonté de lutte très clairement présente à la base. Maintenant, le débat sur l’AIP a été renvoyé aux négociations sectorielles, où il faut dorénavant combattre pour dépasser la norme dans le plus de secteurs possibles.
Dans le cadre des protestations contre l’AIP, le SETCa et la Centrale Générale ont fait la tournée des partis traditionnels les 6 et 17 mars derniers : aucun parti n’a pris position pour les revendications syndicales, tous ont soutenu la proposition d’AIP. Pense-t-on que les revendications portées par la campagne ‘‘Où est passé l’argent ?’’ vont se réaliser en allant trouver ces partis ?
Dans le cadre de la campagne ‘‘Le capitalisme nuit gravement à la santé’’, Thierry Bodson avait expliqué lors d’une émission de Matin Première que : "(…) Je pense que ce qu’il faut pour une organisation syndicale comme la FGTB, c’est réussir à peser de tout son poids sur les partis politiques qui existent aujourd’hui à gauche et, à ce niveau-là, on constate que, la crise aidant, on a parfois une oreille un peu plus attentive, en effet, de la part du Parti socialiste et même d’Ecolo, que ce qu’on a eu par le passé et notamment par rapport aux propositions qui sont faites ici…" Cette idée est largement répandue, mais nous pensons toutefois que ce qui s’est produit depuis – notamment dans le cadre de l’AIP – a largement démontré que cette ‘‘oreille attentive’’ est bouchée. Nous ne pouvons plus accorder la moindre confiance envers les partis établis pour satisfaire les revendications syndicales.
Les discours, c’est bon, passons au plan d’action !
Joignons les actes à la parole et organisons notre colère ! Tous les secteurs connaissent les dégâts de la ‘‘logique’’ de marché. Le patronat et leurs partis veulent nous faire payer la crise une troisième fois après les pertes d’emplois et le sauvetage des banques. Il est nécessaire de s’opposer à leurs plans de façon organisée, et les syndicats sont les meilleurs instruments pour ce faire.
Une large campagne d’information et de sensibilisation est un bon atout, un atout de poids, mais seule, elle n’est rien. Pour véritablement être une arme aux mains des travailleurs, elle doit être couplée à un plan d’action, à un agenda réfléchi d’actions allant crescendo.
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La réponse politique de Gustave Dache au texte des quatre mandelistes de la LCR
Suite à la publication du livre de Gustave Dache sur la grève générale de 60-61, la LCR avait fait une critique de l’ouvrage sur son site ("Comment Gustave Dache réécrit l’histoire de la grève de 60-61" *). Voici la réponse de Gustave.
Je n’avais jusqu’ici pas eu la possibilité de trouver le temps nécessaire à la rédaction de cette réponse politique, étant donné les nombreuses conférences sur la grève générale de 60-61 que j’ai été amené à faire dans plusieurs endroits du pays et le suivi attentif que j’ai porté à la situation politique en Belgique, et notamment aux récentes luttes contre l’Accord interprofessionnel. Mais mieux vaut un peu tard que jamais. En politique, il n’y a jamais prescription.
Par Gustave Dache, auteur du livre ""La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960/61"
Pour en savoir plus
- Rubrique de ce site consacrée à la grève générale de l’hiver 60-61
- Présentation du livre de Gustave Dache
- Retour sur la "Grève du siècle" Dossier de Lutte Socialiste basé sur le livre de Gustave
- Les grèves générales à nouveau à l’ordre du jour
Quelques unes des activités autour de ce livre
- Conférence-débat : "Le mouvement ouvrier : hier, aujourd’hui et… demain" (21 janvier)
- Soirée 60-61 à Namur (8 janvier)
- Colloque "Grande Grève" à l’Université de Liège (12 décembre)
- Conférence à l’ULB: Hier et aujourd’hui, luttons pour nos droits ! (6 décembre)
- Charleroi: Rencontre intergénérationnelle sur la grève générale de l’hiver 60-61 (26 novembre)
- Charleroi: Inauguration d’une exposition de photographies sur la grève générale de 1960-61 (13 novembre)
Je ne suis pas partisan d’entretenir, avec qui que ce soit, des querelles d’anciens combattants nostalgiques. Mais je ne pouvais rester politiquement indifférent au texte publié sur internet par quatre de mes détracteurs mandelistes de la LCR. J’ai donc voulu répondre, sans pour autant être exhaustif car cela m’aurait entraîné beaucoup trop loin.
J’invite par contre ceux qui trouveraient mes réponses trop laconiques ou pas suffisamment complètes à prendre la peine de lire mon livre qui, lui, est beaucoup plus complet concernant mes analyses et critiques sur le sujet en question. Au-delà des querelles, ce qui me paraît politiquement le plus important, c’est de faire une analyse politique objective de la grève du siècle et d’en tirer les leçons afin de saisir toutes les possibilités et la portée révolutionnaire que cette grève générale historique a engendré. Mais il ne faut pas non plus négliger d’également rappeler les responsabilités écrasantes des partis politiques et des syndicats.
Une analyse politique de la lutte de classe révolutionnaire, comme celle de l’hiver 60-61, suscite souvent la controverse, car la perception politique des un et des autres n’est pas nécessairement la même. Mais dans la pratique, cette perception doit déterminer une orientation qui a toujours une signification politique précise.
”Prendre la juste mesure de l’évènement”
Les quatre auteurs de la réponse de la LCR ont une perception de la grève générale de 60-61 particulièrement restrictive. Sous le prétexte de ‘‘prendre la juste mesure de l’évènement’’, ils ont une fâcheuse tendance à systématiquement minimiser le sens réel et profond de la lutte de classe engagée ainsi que sa portée objectivement révolutionnaire, pour des raisons qui restent aussi évidentes aujourd’hui qu’hier. Ils n’ont pas senti le souffle brûlant de la révolte de la classe ouvrière, descendue dans la rue pour changer la société. C’est pourquoi l’on trouve chez Ernest Mandel et sa tendance autant d’acharnement à essayer de démontrer que la grève du siècle – qui restera dans la mémoire des grévistes comme la grève du million – n’était pas pour eux une grève générale aux implications révolutionnaires.
En février 1961 déjà, dans la brochure ‘‘La grève belge de 1960-61’’, dont Ernest Mandel est l’un des principaux auteurs, on peut constater que la page 15 est entièrement consacrée à démontrer que la grève n’était pas générale, à cause du soi-disant fait que les travailleurs flamands n’avaient pas suivi le mouvement de grève. D’après Mandel et sa tendance, les travailleurs qui avaient fait grève n’auraient été ‘‘au total (…) quelque 400.000 travailleurs’’. Voilà ce qui explique que le journal La Gauche et Mandel sont restés muets sur la lutte pour le pouvoir engagée par les travailleurs dans cette grève générale sans précédent dans toute l’histoire du mouvement ouvrier belge, lutte pour le pouvoir découlant de toute grève générale qui paralyse toute l’économie d’un pays.
Dans cette Belgique de décembre 60 – janvier 61, la lutte des grévistes pour le renversement de la bourgeoisie et pour le pouvoir ouvrier était implicitement présente. La situation ouverte par la grève générale elle-même était un fait concret de la lutte de classe révolutionnaire. Elle était d’ailleurs perçue comme telle par les commentateurs de la presse belge et par les commentateurs étrangers les plus avertis. Mais Ernest Mandel lui aussi était parfaitement conscient du contenu révolutionnaire de la grève générale et du problème du pouvoir qu’elle posait. Seulement, il n’était pas moins conscient de l’impossibilité de concilier la politique marxiste révolutionnaire à la base de la fondation de la Quatrième Internationale et celle du centrisme d’André Renard, avec lequel il ne voulait rompre à aucun prix. Le prix payé en restant à la botte de ce dernier a été l’abandon de la politique du trotskisme et du marxisme révolutionnaire de la IVe Internationale.
Voilà pourquoi on trouve autant d’acharnement à nier l’évidence de la réalité de la grève générale, acharnement qui n’était en fin de compte que l’expression d’une capitulation face aux actes que la situation révolutionnaire exigeait de prendre et qui furent escamotés.
Si aujourd’hui certains mandelistes reconnaissent timidement, du bout des lèvres et 50 ans après (mieux vaut tard que jamais) que la grève était une grève générale, si aujourd’hui ils l’admettent enfin, c’est parce que cela n’implique plus de devoir prendre directement les responsabilités révolutionnaires qui s’imposaient à l’époque.
Prudence et soumission face à l’appareil renardiste
Mon livre sur ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61” démontre avec pertinence que cette grève générale était entrée dans une situation nettement révolutionnaire, insurrectionnelle dans ses actes et révolutionnaire dans ses objectifs. Cette publication a provoqué chez certains mandelistes de la LCR des réactions pour le moins controversées. Le contraire aurait été étonnant puisque, il y a presque 50 ans, en juillet 1962, prenait place une rupture politique, rupture entre la tendance Mandel et la plupart des vétérans trotskistes de Charleroi, accompagnés de plusieurs jeunes militants trotskistes.
Les divergences politiques qui avaient provoqué la rupture étaient irrémédiables et partaient de plusieurs points essentiels. Il était entre autres question de la tactique de prudence excessive et de soumission de La Gauche et de la tendance Mandel face à l’appareil renardiste. D’ailleurs, pour André Renard, le programme des réformes de structures préconisées par la FGTB adopté en 1954 et 1956, signifiait de passer du stade du capitalisme libéral à celui du capitalisme dirigiste, consistant à rendre l’économie capitaliste plus performante. Les dirigeants réformistes de la FGTB n’avaient pour seul but avec ce programme que de moderniser l’économie capitaliste. Ils ne voulaient en aucun cas remettre en cause les fondements même du régime capitaliste.
Ce n’est pas que les militants révolutionnaires qui prirent, avant la grève générale, l’initiative de propager et de soutenir les réformes de structures, croyaient réellement en leur efficacité. Mais celles-ci pouvaient être un stimulant, un moyen transitoire pour provoquer la mobilisation des grandes masses ouvrières dans la lutte révolutionnaire pour le pouvoir. C’est ce qui s’est d’ailleurs en partie produit.
Il était encore question du fait que certains dans le courant trotskiste étaient trop intégrés dans le PSB, par l’intermédiaire d’un entrisme sans perspectives révolutionnaires conséquentes. En effet, la tactique entriste pratiquée dans les organisations réformistes par Ernest Mandel et sa tendance a consisté en une prudence politique excessive, sous prétexte de ne pas affronter ouvertement les dirigeants des appareils bureaucratiques au risque, d’après eux, de se couper des masses. Mais à ce moment, parmi les masses, il y avait une tendance importante, surtout parmi l’avant-garde, à vouloir rompre avec la social-démocratie. Si cette volonté n’a pas été concrétisée, c’est par manque d’un relai et d’une direction politiques bien déterminés à rompre avec la social-démocratie capitularde.
Cette pratique de prudence politique démesurée appliquée par Mandel et sa tendance comportait des risques d’abandon idéologique et d’intégration dans les structures des appareils réformistes. C’est ce qui c’est avéré fatal pour cette tendance. Pourtant, la tactique entriste – comme toute forme de lutte – devait se dérouler sous le drapeau déployé du marxisme révolutionnaire. Cette tactique ne pouvait se concevoir que pour accélérer le processus de maturité en vue de la rupture avec le réformisme afin de regrouper dans les plus brefs délais les forces révolutionnaires. C’est pourtant aussi ce que la Quatrième Internationale, à sa fondation (en 1938), avait clairement indiqué. Pour appartenir à cette organisation révolutionnaire, il fallait mener concrètement une lutte politique ouverte et systématique, dénonçant sans complaisance et sans délai la capitulation des directions staliniennes et réformistes de gauche comme de droite.
Autre critique, le refus de dénoncer l’introduction intempestive du fédéralisme par André Renard en plein conflit de classe. Le fédéralisme n’était en aucun cas l’objectif de la grève. L’introduction du fédéralisme n’était pour ses partisans qu’une échappatoire, une sorte de sortie de secours, face aux objectifs radicalement anticapitalistes et révolutionnaires engagés par la classe ouvrière du pays et auxquels voulait échapper l’appareil renardiste.
Enfin, il était aussi question du refus systématique de Mandel et de sa tendance de rompre avec le PSB en plein conflit, et même juste au lendemain, au moment où les grandes masses de grévistes avaient fait leur propre expérience dans la lutte de la capitulation et de la trahison de la direction social-démocrate réformiste du PSB et de la FGTB.
La rupture politique de la plupart des vétérans trotskistes de Charleroi avec Mandel et sa tendance ne s’était pas produite à la légère. La plupart de ces vétérans étaient membres de la IVe Internationale depuis de nombreuses années. Il n’a d’ailleurs jamais été question pour ces vétérans de renoncer à la lutte révolutionnaire et encore moins de rompre avec le Programme de Transition adopté par la Quatrième Internationale à sa fondation, ni avec son fondateur Léon Trotsky.
Compagnons de lutte de Léon Lesoil, lui-même ami de Trotsky qu’il rencontra en 1935 à Anvers pour regrouper les forces révolutionnaires, ces vétérans avaient une longue expérience des luttes révolutionnaires sur le terrain, puisque certains parmi eux avaient été très actifs durant les grèves générales de 1932, de 1936, de 1950 et de 1960-61. Quelques uns avaient aussi été animateurs de la grève des mineurs qui eut lieu sous l’occupation allemande en juin 1942 et la plupart avaient participé à la résistance.
La dualité de pouvoir
Aux yeux de certains sceptiques, cela peut paraître téméraire mais, effectivement, je reste intimement convaincu que la Belgique de 60-61 a connu une situation politique objectivement révolutionnaire au cours de laquelle toutes les conditions étaient réunies pour le renversement de la bourgeoisie et pour s’emparer du pouvoir.
D’ailleurs, dans plusieurs endroits du pays, une dualité de pouvoir existait déjà. Mais à ce sujet, relisons ce que disait alors correctement, et sans équivoque possible, La Gauche, le 11 mars 1961 : ‘‘Bien plus que toutes ‘‘violence’’, que tout bris de vitre, que toute émeute, c’est ce pouvoir nouveau embryonnaire qui a fait trembler de rage la bourgeoisie, qui la frappée de frayeur.’’ Le nouveau pouvoir embryonnaire des comités de grève – avec les piquets de grève mobiles, le moteur essentiel de la grève générale – veillait au maintien de la paralysie totale de toute l’économie du pays et également de toute la circulation. C’est ce nouveau pouvoir embryonnaire qui a vraiment frappé de frayeur la bourgeoisie et qui a, en fait, ouvert une situation objectivement révolutionnaire.
Mais certains militants trotskistes de la tendance d’Ernest Mandel qui étaient actifs dans ces comités de grève ont constaté eux-mêmes que les orientations et décisions politiques de la grève générale échappaient au contrôle et à la volonté des grévistes dans ces comités de grève, pourtant le moteur essentiel de la grève générale. Les décisions politiques étaient l’exclusivité du Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB. C’était pourtant ce pouvoir embryonnaire des comités de grève qui avait effrayé aussi bien la bourgeoisie que les appareils bureaucratiques des partis et syndicats ouvriers.
Pour contrer l’exclusivité politique des réformistes du C.C.R.W., la tendance trotskiste de Charleroi proposait la tenue d’un Congrès national des comités de grève comme organe souverain des grévistes dans la grève générale et de l’action révolutionnaire des masses. Pour proposer ce mot d’ordre et faire de l’agitation systématique en ce sens, il suffisait de penser et d’agir en marxiste-révolutionnaire et pas en liquidateurs du trotskisme.
Là aussi, Mandel et ceux de sa tendance dans les comités de grève ont choisi de sauvegarder leurs liens avec les appareils réformistes. Comme seule réponse à cette domination du CCRW, ils ont simplement choisi de proposer la tenue d’un ”Congrès extraordinaire de la FGTB.” Faire cette proposition dans La Gauche (le 24 décembre 1960), c’était en fait proposer que les décisions politiques sur la grève générale restent sous le contrôle de la clique bureaucratique su CCRW de la FGTB.
Cette proposition politique de Mandel et de sa tendance n’était autre que l’expression clairement établie de la liquidation du Programme de Transition défini lors de la fondation de la Quatrième Internationale. En politique marxiste-révolutionnaire, il ne suffit pas de constater que les décisions politiques échappaient au contrôle des grévistes, il fallait réagir en conséquence pour que les décisions politiques sur l’orientation de la grève générale reviennent de droit aux grévistes. C’est ce qui n’a pas été fait par ceux-là mêmes qui se profilent comme révolutionnaires.
Dans ces circonstances, si la classe ouvrière n’est pas parvenue à atteindre son objectif révolutionnaire, l’échec est incontestablement dû au fait qu’elle a été une nouvelle fois abandonnée. Elle s’est retrouvée sans direction capable de mener le combat de classe en cours jusqu’à son terme.
En effet, la classe ouvrière radicalisée, engagée dans ce combat à mort, a été une nouvelle fois trahie par les directions traditionnelles du mouvement ouvrier, y compris par la gauche syndicale renardiste de la FGTB si appréciée par Ernest Mandel et sa tendance. Encore aujourd’hui, certains mandelistes restent convaincus qu’André Renard a, lors de la grève générale de 60-61, bien servi les intérêts de la classe ouvrière du pays. Cela confirme la plate soumission de Mandel et sa tendance au renardisme. Il faut pourtant se rendre compte que, durant cinq semaines de grève générale totale, des milliers et des milliers de grévistes sont descendus dans la rue pour exprimer avec ténacité leur volonté de monter à l’assaut du régime capitaliste dans la capitale. C’était d’ailleurs la signification profonde de la revendication d’une Marche sur Bruxelles, réclamée par les grévistes du pays.
Une situation révolutionnaire
Léon Trotsky disait notamment : ‘‘La grève générale a une tendance interne à se transformer en conflit révolutionnaire déclaré, en lutte directe pour le pouvoir’’ (Où va la France). Il est pourtant à constater que tous ceux qui se disent trotskistes ne sont visiblement pas d’accord avec cette position politique définie par Trotsky. Pourtant, qu’on le veuille ou non, qu’on soit d’accord ou non, que l’on en ait conscience ou non, qu’on veuille le nier ou non, la réalité est que la Belgique a connu en hier 60-61 une situation objectivement révolutionnaire qui posait directement, comme toute grève générale qui paralysie l’économie d’un pays, la question du pouvoir. Par contre, les quatre mandelistes de la LCR disent : ‘‘Nous ne partageons pas cette appréciation’’. Voici ce qu’ils disent précisément ‘‘La grève du siècle a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière, mais la situation n’a jamais été révolutionnaire’’.
Aujourd’hui, après l’avoir nié pendant longtemps, les mandelistes ont découvert qu’effectivement il y avait bien eu une grève générale en Belgique et qu’elle était même, pour certains d’entre eux, pré-révolutionnaire. Les années passant, comparativement à la brochure ‘‘Forces et faiblesse d’un grand combat’’, il y a là un progrès théorique. Avec encore quelques dizaines d’années de patience, ils découvriront peut-être que cette grève générale de l’hiver 60-61 appartient comme toute grande grève générale à la catégorie des ‘‘luttes révolutionnaires’’.
D’un autre côté, ils reconnaissent aussi que ‘‘La grève du siècle a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière.’’ Jusqu’ici, rien à redire, cette appréciation politique est correcte. Mais ensuite, là où ça se gâte, c’est quand ils affirment dans la même phrase que ‘‘la situation n’a jamais été révolutionnaire’’. Examinons en profondeur cette position politique.
Si c’était réellement le cas, comme le prétendent obstinément les quatre de la LCR, alors une importante question doit impérativement se poser à tous les véritables marxistes-révolutionnaires de bonne foi : dans ces circonstances politiques, quel genre d’action radicale devrait être entreprise par les révolutionnaires pour transformer effectivement ce ‘‘potentiel révolutionnaire’’ en ‘‘situation révolutionnaire’’ ? Rester obstinément soumis, comme l’ont fait Mandel et sa tendance, à la discipline des appareils réformistes du PSB et de la FGTB ? Ces mêmes appareils qui pratique depuis toujours et en toutes circonstances la collaboration de classe et l’intégration continue au régime capitaliste ? Certainement pas. En restant docilement à la remorque de la tendance de gauche néo-réformiste, au centrisme du renardisme ? Certainement pas.
Les marxistes-révolutionnaires se réclamant de la IVe Internationale dignes de ce nom devaient-ils mener oui ou non une agitation politique conséquente en s’appuyant sur la volonté de lutte des masses en mouvement dans le but d’amener de larges couches à prendre conscience de la nécessité de remettre en question le fondement même de l’État bourgeois ? Cela n’est possible qu’en étant libéré de toute entrave tactique de la discipline bureaucratique des appareils réformistes de gauche et de droite, dans le but d’accentuer et d’approfondir la lutte potentiellement révolutionnaire en cours, pour la faire évoluer, en acceptant toutefois qu’elle ne l’était pas, en situation révolutionnaire. Même au risque d’exclusion du PSB en plein conflit, cette mission était impérativement à accomplir courageusement. Certainement que oui.
L’agitation des marxistes-révolutionnaires devait se développer autour de voies et de moyens propres à organiser la lutte des grévistes contre l’État bourgeois. Les grévistes des secteurs décisifs de l’économie du pays étaient engagés dans une action qui mettait en question l’existence même du régime capitaliste. Dans ces circonstances, la priorité est toujours de donner aux grévistes l’armement politique dont ils avaient besoin dans cette lutte pour le pouvoir. Cette tactique d’agitation révolutionnaire, dans un conflit classe contre classe et généralisé comme celui de 60-61, aucun marxiste digne de ce nom ne peut s’y soustraire. Malheureusement, cela n’a pas été fait par ceux qui pourtant se prétendaient le symbole de la gauche révolutionnaire.
Lors d’une grève générale, dire prétentieusement que la ‘‘situation n’a jamais été révolutionnaire’’ comme le font encore aujourd’hui certains mandelistes de la LCR, c’est en soi révélateur d’un manque de confiance dans la capacité révolutionnaire des masses. Ce qui en découle inévitablement, c’est une incompréhension de la théorie et de la pratique du marxisme. C’est ce qui engendre toute une série de contradictions politiques et d’appréciations politiques incorrectes.
Il faudrait tout d’abord savoir quel sens et quelle nature politique profonde les mandelistes accordent-ils réellement à une grève générale telle que celle de l’hiver 60-61, reconnue par tous comme étant historique. Ensuite, avant de contester à tord, il faudrait tout d’abord qu’ils se mettent d’accord entre eux. Parce que, dans la réalité, ce n’est certainement pas le cas.
Je vais partir ici de citations et d’affirmations politiques correctes, qui seront peut-être plus facilement acceptées par mes quatre détracteurs de la LCR puisqu’elles sont issues de leur maître à penser politique, qui n’est autre qu’Ernest Mandel, auquel ils se réfèrent si souvent. Ne disait-il pas, dans ses moments de lucidité politique, à propos de la grève générale de 60-61 qu’elle était : ‘‘profondément anticapitaliste et objectivement révolutionnaire’’ (Force et faiblesse d’un grand combat, p.23) ?
Hélas, Mandel le disait en 1962, après le conflit. Mieux vaut tard que jamais. Mais de toute façon, le marxisme ne saurait se contenter d’affirmation politique correcte après coup. Cette affirmation, à laquelle on peut souscrire sans réserve, avait des implications politiques concrètes à prendre dans la lutte de classe au moment où celle-ci se déroulait. C’est suivant leur attitude face à ces implications, prises ou pas, que l’on doit objectivement juger ces auteurs. Mais, hélas, dans le cas de Mandel et de sa tendance, de fut pour le moins décevant.
Inutile de dire que la plupart des militants trotskistes de Charleroi partageaient entièrement et sans réserve l’analyse portant sur le caractère ‘‘objectivement révolutionnaire’’ de la grève générale de 60-61. Dans ces circonstances politiques objectivement révolutionnaires, il ne doit plus faire aucun doute pour un révolutionnaire que la grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire était indiscutablement susceptible de remettre en cause le régime capitaliste. Dans ces conditions, il était objectivement nécessaire d’agir politiquement dans le sens de la lutte pour le pouvoir.
François Vercamen, du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale et mandeliste lui-aussi, va également beaucoup plus loin dans son analyse sur les grèves générales que mes quatre détracteurs lorsqu’il classe la grève générale de 60-61 dans la catégorie des grèves générales semi-révolutionnaires : ‘‘(…) les grèves générales belges (1950-1960/61), la grève générale en Grèce (1965), Mai ’68 en France et Italie (1969-73-75), la révolution au Portugal (1974-75). Ces luttes semi-révolutionnaires sont d’une ampleur et d’une force inégalée.’’ (François Vercamen, Ernest Mandel et la Capacité Révolutionnaire de la Classe Ouvrière, http://www.ernestmandel.org/fr/surlavie/txt/ernest_mandel_et_la_capacite_revolutionnaire.htm) Ce n’est pas encore là une analyse politique qui reflète la situation objectivement révolutionnaire de la grève générale belge de 60-61, mais c’est déjà un énorme pas en avant vis-à-vis de mes quatre détracteurs. Mais tous en restent à une analyse politique qui se situe en dessous de la réalité objectivement révolutionnaire.
Cette analyse est donc un énorme pas en avant vis-à-vis de la position politique de mes quatre détracteurs mandelistes de la LCR qui n’ont toujours pas compris qu’une grève générale porte en elle l’essence d’une situation révolutionnaire. Pour ces détracteurs de la LCR, il est toujours nécessaire de rappeler constamment, comme le disait couramment Trotsky, que : ‘‘la grève générale, comme le sait tout marxiste, est un des moyens de lutte les plus révolutionnaires.’’ (Où va la France) D’ailleurs, pour les véritables marxistes révolutionnaires, il y a très longtemps qu’il n’est plus question de savoir que la grève générale ‘‘est un des moyens de lutte des plus révolutionnaires’’ puisque cette question a déjà depuis longtemps été tranchée par Rosa Luxembourg, que Lénine surnomma la ‘‘représentante du marxisme la plus authentique’’ lorsqu’elle disait en parlant de la grève générale que : ‘‘En réalité, ce n’est pas la grève en masse qui produit la révolution, c’est la révolution qui produit la grève en masse’’ (Grève de masse, parti et syndicat) Raison de plus pour considérer que, comme c’est la révolution qui produit la grève générale, dans ces circonstances politiques tout à fait particulières, il est d’une évidence tout à fait incontestable que lorsqu’il y a effectivement une grève générale comme en 60-61 en Belgique, la situation est objectivement révolutionnaire.
D’ailleurs, tout au long de sa vie, Lénine montra avec une détermination inébranlable ‘‘qu’il fallait préparer activement une situation révolutionnaire’’ même en période de mouvement de grève moins généralisé, avec toujours comme objectif essentiel de contraindre l’adversaire à céder. Mais aujourd’hui comme hier, si les pseudos-marxistes belges continuent à réfuter ces vérités définies par des figures incontestablement reconnues historiquement, c’est certainement parce qu’ils n’ont lu ni Lénine, ni Trotsky, ni Rosa Luxembourg à la bonne page.
Par contre, ce que notre tendance trotskiste de Charleroi a constaté, c’est qu’Ernest Mandel est incontestablement resté pendant ‘‘ces heures décisives’’ de 60-61 un militant discipliné du Parti Socialiste Belge. D’ailleurs, les dirigeants réformistes du PSB ont pu tolérer pendant la grève générale son gauchisme verbal qui resta malgré une ‘‘situation objectivement révolutionnaire’’ dans les limites du cadre de simple pression sur le parlementarisme, sans déborder sur des objectifs révolutionnaires.
L’exemple de la ‘‘Marche sur Bruxelles’’ est édifiant à cet égard. Selon La Gauche et Mandel, ce n’était pas une mobilisation générale de la classe ouvrière en vue d’un affrontement révolutionnaire dans la capitale, mais plutôt une manière de faire pression sur le parlement : la classe ouvrière ‘‘y pèserait de tout son poids sur le Parlement’’ ou encore ‘‘Notre proposition n’a rien d’insurrectionnel. Elle est parfaitement légale.’’ Et en effet ô combien légale et peu insurrectionnelle. Dans ces circonstances d’une légalité on ne peut plus parfaite, il n’était pas du tout possible d’œuvrer pour la révolution socialiste.
L’histoire de la lutte de classe internationale nous enseigne que lorsqu’une situation est objectivement révolutionnaire, elle exige de l’audace politique de la part de ceux qui jusque là se définissaient comme révolutionnaires. Laisser échapper une crise révolutionnaire sans tout tenter pour la faire aboutir est déjà une capitulation des intérêts de la révolution. Le combat spontané des masses, si puissant soit-il, ne peut à lui seul arracher la victoire du socialisme.
Comme le disait également Trotsky : ‘‘La grève générale n’est possible que dans les conditions d’une extrême tension politique et c’est pourquoi elle est toujours l’expression indiscutable du caractère révolutionnaire de la situation’’ (Où va la France) Cette citation exprimée en mars 1935 reflète très exactement la situation révolutionnaire qui existait en Belgique en hiver 60-61.
Pourtant, pour les quatre mandelistes de la LCR, la grève générale de 60-61 n’appartient pas à la catégorie des ‘‘luttes révolutionnaires’’. Et, par conséquent, elle n’était pas davantage une ‘‘situation révolutionnaire’’. Si, par lutte révolutionnaire, on entend un soulèvement armé, c’est absurde. Au début d’une grève générale révolutionnaire, les travailleurs en grève ne sont généralement pas armés. Mais quand certains en viennent précisément à s’armer au cours des épisodes successifs de la lutte de classe pour le pouvoir, c’est alors un indice sérieux de la volonté révolutionnaire des grévistes, qui ne peut tromper que ceux qui ne veulent rien voir, rien entendre, rien comprendre et surtout ne rien entreprendre de sérieux qui puisse aboutir à la victoire de la lutte révolutionnaire engagée. Voici quelques exemples. Plusieurs acteurs de la grève générale ont pu voir des grévistes armés dans l’émission de la RTBF du 14 décembre 2010 ‘‘Ce jour-là’’. Jean Louvet, militant de la CGSP à l’époque, se souvient qu’il a vu des gens armés : ‘‘J’ai vu des armes sorties de la résistance’’. Il n’y a d’ailleurs pas que les grévistes à les avoir vues. D’après le rapport d’état-major de la gendarmerie, fourni au Ministre de l’Intérieur, au sujet des faits survenus lors de la période de grève du 20 décembre 1960 au 20 janvier 1961 : ‘‘les piquets de grève ont été particulièrement actifs et parfois même brutaux (…) Certains des membres qui les composaient étaient armés’’. (Annales Parlementaires, 4 XI, 1960-1961 n°2)
En pleine grève générale, avec des arrestations arbitraires presque tous les jours dans le pays (environ 3.000 arrestations de grévistes ont eu lieu durant la grève), être appréhendé porteur d’armes à feu, c’était prendre des risques aux conséquences très graves. Bien des grévistes étaient partagés entre leur volonté révolutionnaire et les risques qu’ils encouraient. Plusieurs n’hésitèrent pourtant pas à prendre ces risques énormes, pour la victoire de la grève. Voici quelques exemples relevés par la gendarmerie, parmi de nombreux autres.
- ”A Ath – Coup de feu. Le sous-chef de gare de Ath a essuyé un coup de feu tiré du viaduc de Ath. Il venait de son domicile et était accompagné de gendarmes.”
- ”A Liège, 2 arrestations par la BSR pour bris de vitres, jet de billes sur toit vitré et port de pistolet.”
- ”A Polleur, un coup de feu a été tiré contre un autobus de la ligne Verviers-Malmédy.”
- ”A Sombreffe une arrestation, transport de fusil de chasse par gréviste dans V.W.”
- ”A Trembleur, des coups de feu contre un car transportant quelques ouvriers de charbonnage.”
- ”La brigade d’Herstal a saisi deux pistolets.”
- ”Une arrestation à Piéton, pour port d’arme prohibé.”
- ”A Fléron, coup de feu dans les vitraux d’un café.”
- ”A Marienbourg, menaces à l’aide d’armes.”
- ”A Chatelet, un des deux individus transportant des bouteilles d’essence était porteur d’un pistolet 22 long avec balles, dont la tête avait été limée et fendue.”
- ”Au puit 6, à Anderlues, huit individus ont tenté sous la menace de leurs armes de s’approprier des explosifs.”
Tous ces exemples sont issus des Annales parlementaires, 4 XI, 1960-1961 n°2.
Si, après cette brève énumération de grévistes porteurs d’armes à feu – et qui ont parfois fait feu – certains mandelistes considèrent toujours que la ”situation n’a jamais été révolutionnaire”, alors c’est peine perdue de pouvoir les convaincre de quoi que ce soit.
Tous ces coups de feu tirés, ces arrestations de grévistes en possession d’armes à feu en plus des quelque 100 actes de sabotage par jour, les grévistes n’hésitant pas à risquer leur vie pour les commettre, tout cela ne peut que démontrer l’extraordinaire volonté et la détermination des grévistes d’aller jusqu’au bout de la situation effectivement révolutionnaire qui existait. Tous ces actes ont été l’expression de tout le potentiel d’une situation insurrectionnelle et révolutionnaire de la grève générale.
Durant cette mobilisation spontanée et gigantesque, sans précédent dans l’histoire ouvrière belge, toutes les digues des directions traditionnelles furent complètement débordées. Toute l’économie du pays était complètement paralysée par la grève générale. C’est dans ce contexte que le secrétaire général de la FGTB nationale et député socialiste d’Anvers, Louis Major, a déclaré sous forme d’excuses à la Chambre le 21 décembre 1960 que: ”Nous avons essayé, Monsieur le Premier Ministre, par tous les moyens, même avec l’aide des patrons, de limiter la grève à un secteur professionnel.” (Annales parlementaires, 1960, p. 20) Cool, le président de la CSC, dira quant à lui : ”Je ne tiens plus mes troupes en main. En dépit de mes consignes (…) je ne réponds pas de ce qui pourrait arriver.”
Ces déclaration expriment l’impuissance des dirigeants syndicaux nationaux de pouvoir arrêter le débordement des appareils, débordement ouvrier qui inonda la société toute entière. Mais malgré tout ce qui précède, les quatre mandelistes de la LCR ne sont toujours pas de cet avis. Voici ce qu’ils en disent:
”Le marxisme révolutionnaire parle de grève générale quand le fleuve ouvrier déborde les digues et inonde la société au point que plus personne ne sait quand et comment le faire rentrer dans son lit. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, que toute grève générale ouvre une situation potentiellement révolutionnaire, donc potentiellement insurrectionnelle.”
Mais, justement, c’est ce qui s’est réellement passé dans les faits. Même un réformiste de droite comme Louis Major a publiquement avoué au Parlement, deux jours seulement après le déclenchement de la grève générale, que: ”Personne ne peut plus aujourd’hui arrêter le mouvement” (Annales parlementaires 22/12/60, p.7) Le journal Le Peuple s’indigne que ”le PSC ait osé qualifier les grèves d’insurrectionnelles.” La presse socialiste de Charleroi du 23 décembre 60 parle de M. Eyskens en disant: ”Il est le chef d’un parti qui n’a pas hésité à provoquer une atmosphère de guerre civile.”
Le Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB, présidé par André Renard et composé des dirigeants réformistes de la FGTB, qui était l’expression réformiste de l’appareil syndical de la FGTB dans sa fonction de collaboration de classe avec le patronat et qu’on ne peut en aucun cas cataloguer comme révolutionnaire, avait pourtant souligné avec satisfaction que le mouvement a ”renoué magnifiquement avec les plus nobles traditions révolutionnaires du mouvement socialiste des années glorieuses de la fin du siècle dernier.” Ce comité composé de réformistes avait-il une perception plus exacte de la situation de la grève générale que les pseudo-révolutionnaires mandelistes qui n’ont toujours pas senti le souffle brûlant de la lutte révolutionnaire qui se déroulait sous leurs yeux en 60-61?
* L’intégralité du texte de la LCR, se trouve à la fin de la seconde partie de cette réponse (voir ci-dessus)
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Ils organisent notre misère, organisons notre lutte!
Selon la Banque Nationale, fin 2010, le Belge avait en moyenne 66.700 euros d’économies et de placements. Mais où sont mes 66.000 euros ? Et les vôtres ? En fait, ce chiffre reflète surtout le fossé gigantesque entre riches et pauvres dans un pays où, selon l’Union Européenne, il y a 2,2 millions de personnes sous le seuil de pauvreté et où le patron de Delhaize gagne en 3 jours plus que ce que gagne en un an une caissière avec une ancienneté de cinq ans…
Nous avons derrière nous les mobilisations syndicales contre la proposition de norme salariale scandaleuse de 0,3% et, maintenant, l’indexation automatique des salaires, déjà vidée d’une bonne partie de sa substance, est dans le collimateur de l’Union Européenne. Mais pour nos patrons, il en va autrement. Ainsi, le patron le mieux payé du Bel20, Carlos Brito d’AB Inbev, a reçu l’an dernier pas moins de 4,4 millions d’euros. Le second est le patron de GDF Suez, propriétaire d’Electrabel : 3,1 millions d’euros en 2010. Ensuite arrive le patron de Belgacom (2,5 millions d’euros), celui de Dexia (1,8 millions d’euros) ou encore celui de Bpost (1,07 million d’euros). A tout cela, il faut encore rajouter les bonus, les stocks options, les primes de bienvenue et autres parachutes dorés.
S’il existe une reprise économique très incertaine et fragile, elle profite aux spéculateurs et grands actionnaires, car le cauchemar continue pour la toute grande majorité de la population mondiale. Et même si nous ne subissons pas encore en Belgique des plans d’austérité de l’ampleur de ceux qui frappent le Royaume-Uni (plus de 100 milliards d’euros en moins dans les dépenses d’Etat en quatre ans…), la Grèce (qui en est à son quatrième plan d’austérité!), l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne, les effets de la hausse des prix, de la pénurie d’emplois, de la multiplication de l’emploi précaire et mal payé,… sur le niveau de vie des travailleurs sont tout de même dévastateurs.
La colère qui découle de cette situation est immense, et on a pu la voir s’exprimer aux quatre coins du globe ces derniers temps : au Wisconsin (Etat-Unis) ou encore à Londres, avec une manifestation de 700.000 personnes, la plus grande manifestation depuis les années ’80. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, le processus révolutionnaire a illustré de manière éclatante l’actualité et la puissance des mobilisations de masse ainsi que la force de la classe ouvrière quand elle entre en mouvement. De l’Amérique à l’Asie, de nombreux travailleurs entrent en lutte les yeux tournés vers ces régions.
Mais en Belgique aussi, les actions syndicales de ces derniers mois ont pu démontrer que quelque chose se produisait sous la surface des choses. La colère est présente, l’envie d’en découdre également. Mais les militants syndicaux savent que pour transformer la colère et la rage en action efficace, il faut bien plus qu’une promenade à Bruxelles. Une large campagne de sensibilisation dans les entreprises ainsi qu’un plan d’action soigneusement planifiés et préparés avec la base sont nécessaires pour construire le puissant rapport de force dont nous avons besoin.
En ce mois de mai qui débute par la Fête internationale des travailleurs, quelques semaines à peine après les commémorations de la grève générale de l’hiver 60-61 en Belgique, le passé nous rappelle que ce sont les mobilisations de masses et la pression des grèves et de la rue qui nous ont permis d’obtenir des acquis sociaux. Regardons ce passé et tirons-en les leçons nécessaires pour mieux lutter au présent et nous forger le meilleur avenir qui soit : un avenir dénué de l’exploitation capitaliste, un avenir socialiste.
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1er mai : fête des travailleurs ou lutte pour le socialisme ?
Le premier mai, c’est la fête des travailleurs. Mais que peuvent donc bien aujourd’hui fêter les travailleurs ? La norme salariale de 0,3%? La cherté de la vie ? L’augmentation de la pauvreté et du nombre de travailleurs pauvres ? La destruction des services publics? Aujourd’hui plus que jamais, surtout à la lumière des brutales attaques antisociales qui tombent sur l’Europe et ailleurs, il faut renouer avec les traditions de lutte, et pas seulement de commémoration, de la fête du 1er mai.
Par Nicolas Croes
Aux sources du Premier mai Si l’origine du Premier Mai remonte aux Etats-Unis, la première journée d’arrêt total du travail pour revendiquer l’instauration des 8 heures de travail par jour est issue d’Australie. En 1856, une première journée y avait été organisée le 21 avril, et le succès de la mobilisation ouvrière fut tel que décision fut prise de l’organiser tous les ans. La révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg commenta ainsi ces faits: ‘‘De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ?’’ L’idée d’une fête des travailleurs, à la fois moment de lutte et rassemblement servant à illustrer la force potentielle du mouvement ouvrier, commença alors à faire son chemin. La date du Premier Mai fut choisie par les syndicats rassemblés dans l’American Federation of Labour (AFL) en 1886, là encore pour revendiquer la journée des huit heures, exigence qui allait devenir le socle sur lequel s’est construite la tradition du Premier Mai. D’ailleurs, avant le muguet, l’usage était de porter sur soi un triangle rouge symbolisant les trois ‘‘huit’’ – huit heures de travail, huit heures de loisir, huit heures de sommeil. Ce jour de mai 1886, quelque 340.000 ouvriers américains ont paralysé des milliers d’usines par leur action de grève. A certains endroits, la répression fut des plus féroces, et six grévistes laissèrent leur vie sous les coups de la police à Chicago, à la fabrique de faucheuses Mc Cormick.
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Préserver et défendre le Premier Mai
L’évolution qu’a connu le 1er Mai à travers les années permet de retracer l’évolution du mouvement ouvrier luimême, y compris des coups qui lui ont été portés. Certains 1er Mai sont ainsi marqués d’une pierre noire. En Italie et en Allemagne, les fascistes, arrivés au pouvoir avec la bénédiction et le soutien de la grande bourgeoisie mais soucieux de garder la classe ouvrière sous leur contrôle, joueront habilement d’un anticapitalisme démagogique en organisant des manifestations grandioses et des parades obligatoires pour ce qu’ils rebaptisent ‘‘la journée nationale du travail’’.
Aujourd’hui encore, le Front National français tente d’instrumentaliser la date du Premier Mai, et l’extrême-droite en Belgique tente aussi de le faire. Nous avons ainsi participé à une mobilisation en 2008 destinée à bloquer les néo-fascistes du groupuscule Nation qui voulaient faire un défilé de Premier mai à Charleroi.
[/box]A l’exemple des travailleurs américains, les 400 délégués du congrès de fondation de la Deuxième Internationale (l’Internationale Socialiste, qui était encore fort loin de la caricature pro-capitaliste qu’elle est aujourd’hui devenue) décida en 1889 de mener campagne partout pour l’instauration des huit heures le 1er Mai, pas seulement en mots, mais avec grèves et manifestations. Cet appel a suscité un enthousiasme gigantesque qui a littéralement frappé d’effroi les différentes bourgeoisies nationales. A Vienne, à Paris et ailleurs, la bourgeoisie prépara ses régiments à intervenir, craignant un soulèvement imminent des travailleurs. En Belgique, des exercices de tirs spéciaux pour la garde civile ont été organisés ‘‘afin d’être prêts pour le 1er Mai’’ ! Face au succès incroyable de cette journée, la date est restée et, même lorsque la journée des huit heures a été obtenue de haute lutte dans toute une série de pays, la tradition est restée de manifester le Premier Mai en souvenir des luttes passées et le regard dirigé sur les luttes du moment ou à venir.
Et aujourd’hui ?
Le Premier Mai a toujours été très intimement lié à la classe ouvrière, et a reflété ses forces et ses faiblesses, ses périodes d’avancées comme celles de recul. Au fur-et-à-mesure, et particulièrement à la fin du vingtième siècle, les manifestations syndicales et les grèves du Premier Mai sont devenues des rassemblements souvent peu combatifs.
Le Premier Mai est souvent l’occasion pour les sociaux-démocrates du PS, du SP.a et de leurs amis d’autres pays de se référer au socialisme, une fois par an, pour ensuite activement trahir cet idéal le reste de l’année. Pour nombre de bureaucrates syndicaux, c’est la journée où l’on glorifie de petites victoires, où mettre en évidence une attaque bloquée tout en évitant soigneusement d’expliquer pourquoi les autres sont passées. Mais, à travers le globe, la combativité et la volonté de lutte reviennent aujourd’hui, à des degrés divers il est vrai. Mais partout la colère cherche à s’organiser, partout de plus en plus de questions sont soulevées par les dégâts sociaux et environnementaux du capitalisme, partout se développe la recherche d’une alternative. Toutes les digues qui ont été érigées pour canaliser la colère des travailleurs, et notamment les directions syndicales, ne retiendront pas éternellement les flots du mécontentement ouvrier.
Défendre le socialisme, 365 jours par an
L’an dernier, dans les discours du premier mai, l’absence de toute réponse claire face à la crise était frappante. Comment défendre l’emploi, quelles revendications sont nécessaires et comment construire un rapport de force, toutes ces interrogations sont restées sans réponse. Les attaques contre les libéraux n’ont pas manqué, mais c’était surtout une manière pour les appareils syndicaux d’apporter un soutien au PS et au SP.a avant les élections anticipées. Pourtant, ces partis collaborent à la politique des différents gouvernements depuis des décennies ! En Irlande, au Portugal, en Espagne ou en Grèce, ce sont les partis sociaux-démocrates qui appliquent loyalement les diktats du Fonds Monétaire International (actuellement dirigé par un membre du PS français…) et frappent les populations de leurs plans d’austérité.
Le meilleur programme anticrise à défendre aujourd’hui est un programme clairement socialiste, avec pour base les besoins et les nécessités de la majorité de la population. Créer de l’emploi, c’est possible, en répartissant le travail disponible par une réduction de la semaine de travail et la protection des prépensions. La nationalisation des secteurs- clé de l’économie – notamment du secteur financier ou celui de l’énergie – peut assurer que ce soient les spéculateurs qui se retrouvent au chômage et que ces secteurs-clé soient mis au service de la majorité de la population. Voilà des revendications capables de répondre aux crises du capitalisme et de construire une société enfin au service de la majorité de l’humanité. Emprunter cette voie, c’est emprunter le chemin de la lutte.
Les patrons sont organisés au niveau international tandis que les travailleurs limitent pour l’instant leurs luttes aux frontières nationales, et sont mis en concurrence les uns avec les autres par les différentes bourgeoisies. Imaginons un instant l’impact qu’aurait une initiative européenne visant à réunir les résistances ! Un bon prochain pas à poser dans cette direction serait de propager l’idée d’une grève générale de 24h à l’échelle européenne, une bonne manière de renouer avec les principes de solidarité internationale du premier mai et de montrer de manière éclatante qui est le véritable créateur de richesses dans la société.
Lors du 1er Mai 2010, les militants du PSL étaient présents dans 17 villes, dans tout le pays, d’Anvers à Charleroi et de Liège à Ostende. Plus de 700 exemplaires de notre mensuel avaient été vendus aux différents rassemblements, manifestations syndicales, etc. Cette année encore, vous pourrez trouver des rapports et photos des différentes activités organisées le Premier Mai et auxquelles participe le PSL sur notre site internet www.socialisme.be.
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[DOSSIER] Hausse des prix: Une réponse socialiste
En février, nous avons payé nos achats en moyenne quasiment 3,4% plus cher que l’an dernier, la plus forte augmentation de l’inflation depuis octobre 2008. Grâce à l’indexation automatique des salaires, cela sera heureusement compensé – avec retard et de façon partielle seulement. Mais juste au moment où cette indexation doit nous protéger de la perte de pouvoir d’achat, le patronat lance son offensive. Il peut compter sur l’appui des institutions internationales. Quelle est la réponse socialiste face aux hausses des prix ?
Par Eric Byl
Comment expliquer les hausses des prix?
Souvent, on associe la crise aux hausses des prix ou à l’inflation. C’est pourtant l’inverse en général. Les crises vont de pair avec des baisses de prix, la déflation, alors que les reprises s’accompagnent d’une hausse de l’inflation. En temps de crises, lorsque les produits se vendent plus difficilement, les patrons ont tendance à baisser les prix. Ils diminuent les coûts de production, surtout les salaires, ou se contentent d’une marge de profit plus restreinte. Lors de la reprise, ils essayent alors de vendre à des prix plus élevés afin de rehausser la marge de profit. Dans un monde où l’offre et la demande s’adapteraient de façon équitable, les prix évolueraient de façon assez stable autour de la valeur réelle du produit, c.à.d. la quantité moyenne de temps de travail nécessaire pour produire la marchandise, de la matière première au produit fini.
Mais le monde réel s’accompagne de changements brusques, avec des accélérations soudaines et des ralentissements abrupts. La nature ellemême connait de nombreux caprices. De mauvaises récoltes en Russie et en Ukraine, pour cause de sécheresse, ont contribué à faire augmenter les prix de la nourriture. Un système de société peut tempérer ces caprices, les corriger, mais aussi les renforcer. Les incendies de forêts, les tempêtes de neige, les inondations, les tremblements de terres et les tsunamis s’enchaînent, avec en ce moment au Japon la menace d’une catastrophe nucléaire. Nous ne connaîtrons avec certitude la mesure exacte de l’impact humain sur le réchauffement de la planète qu’au moment où la recherche scientifique sera libérée de l’emprise étouffante des grands groupes capitalistes. Mais que la soif de profit pèse sur l’être humain et son environnement, conduit à la négligence des normes de sécurité et à des risques inacceptables, le PSL partage avec beaucoup cette conviction.
La Banque Mondiale estime que la hausse des prix de l’alimentation a, depuis juin 2010, poussé 44 millions de personnes en plus dans l’extrême pauvreté. Son index des prix de l’alimentation a gagné 15% entre octobre 2010 et janvier 2011. Diverses raisons sont citées: la croissance démographique dans les régions pauvres, la demande de biocarburants, la sécheresse, les inondations et d’autres catastrophes naturelles, la faillite de paysans africains face à la concurrence des excédents agricoles de l’occident, la spéculation qui accélère les hausses des prix. La hausse des prix de l’alimentation et la montée du coût de la vie ont constitué des éléments primordiaux dans les révolutions au Moyen- Orient et en Afrique du Nord.
Le seul système qui fonctionne?
L’establishment prétend que le capitalisme est le seul système de société qui fonctionne. La noblesse féodale et les esclavagistes avant elle prétendaient de même à leur époque concernant leurs systèmes. Chaque système fonctionne, il n’existerait pas sinon. Il répond toujours à un certain degré de développement de nos capacités productives. Dès qu’un système de société devient un frein à l’application de savoirs scientifiques et techniques, il provoque le chaos plutôt que le progrès. C’est alors que le moteur de l’histoire se déclenche; la lutte des classes.
Brûler des combustibles fossiles est un gaspillage de richesses livrées par des processus naturels qui ont pris des millions d’années, et c’est catastrophique pour notre environnement.
Nous le savons depuis plusieurs dizaines d’années. Mais depuis ce temps, la recherche scientifique concernant les sources d’énergies alternatives est sabotée par les fameuses ‘’sept soeurs’’, les sept sociétés pétrolières les plus grandes au monde. Des moteurs actionnés par hydrogène, énergie solaire et éolienne, masse bio, etc. sont trop menaçants pour leurs profits. Au lieu d’orienter la recherche vers les énergies renouvelables, elle a pratiquement été exclusivement consacrée au développement du nucléaire ‘’bon marché’’. Avec la ponctualité d’une horloge, nous sommes rappelés à la réalité des dangers de cette technologie.
Ce n’est pas une surprise si la demande d’énergie augmente. On aurait pu investir depuis longtemps pour des économies d’énergie et dans le développement de sources d’énergie renouvelables. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne le capitalisme.
Les investisseurs privés ne sont intéressés que s’ils peuvent récupérer à cout terme leur investissement, avec une bonne marge de profit. C’est valable pour les mesures d’économies d’énergie et pour l’énergie renouvelable tout autant que pour les combustibles fossiles plus difficiles à extraire, par exemple. Avec la spéculation, le manque d’investissements pour garantir une offre suffisante a été à la base de la forte envolée des prix du pétrole, jusqu’à atteindre 147$ le baril, il y a deux ans. La récession a fait retomber la demande et le prix, mais le problème a continué à proliférer. La perversité du capitalisme s’exprime dans la réaction des ‘‘marchés’’ face aux insurrections démocratiques contre les dictateurs corrompus au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les ‘‘marchés’’ craignent que la démocratie menace l’approvisionnement en pétrole. Au cas où la dictature en Arabie-Saoudite succomberait elle aussi, un prix de 200$ ou plus est à l’horizon pour le pétrole. Pour l’économie capitaliste mondiale, cela équivaudrait à une crise cardiaque.
Les prix de l’énergie et de l’alimentation en hausse en Belgique
Cette perversité du capitalisme échappe à ceux qui plaident pour la mise sous curatelle de l’indexation salariale en Belgique. Ils savent que les prix du pétrole et de l’alimentation sont en hausse partout dans le monde, ce qu’ils n’expliquent pas par le capitalisme, mais comme quelque chose qui nous tombe dessus tel un phénomène naturel. Ce ‘‘phénomène naturel’’ s’infiltre en Belgique. Les prix de l’énergie et de l’alimentation, surtout, ont augmenté en flèche ces derniers temps. Sans produits liés à l’énergie – le fuel, le diesel, le gaz et l’électricité – l’inflation serait plus basse de moitié.
La bourgeoisie belge préfère couper dans l’investissement pour le renouvellement de la production. Aujourd’hui, elle se trouve à la queue du peloton en termes d’investissements dans la recherche et le développement. Nos politiciens en sont le parfait miroir. Depuis des années, ils économisent sur les investissements nécessaires dans l’entretien des routes, des bâtiments scolaires, de l’infrastructure ferroviaire, etc.
Nous en subirons les conséquences des années encore. ‘’Si la politique énergétique de nos autorités ne change pas immédiatement, des coupures d’électricité se produiront, littéralement’’. C’était la conclusion d’une récente émission de Panorama. ‘’La Belgique manque d’électricité parce que nos gouvernements ont fait construire trop peu de centrales et parce que le réseau à haute tension qui devrait importer du courant supplémentaire n’a pas la capacité de répondre à la demande.’’ Mais GDF Suez, la maison mère d’Electrabel, a réalisé l’an dernier un profit record de 4,62 milliards d’euros.
Le secteur de l’énergie n’est pas le seul à manier des marges de profits indécentes. Selon le rapport annuel de l’observatoire des prix, les hausses des prix des matières premières mènent à des adaptations de prix exagérées en Belgique. En plus, cela n’est qu’à peine corrigé lorsque les prix des matières premières reculent. Toutes les chaines de supermarchés le font. Ce sont les prix des produits de base tels que les pommes de terre, les oignons, le fuel et le gaz qui haussent fortement. Des marchandises moins couramment achetées, comme les télévisions à écran 16/9e ou les PC, ont vu leur prix baisser.
Indexation des salaires, un acquis du mouvement ouvrier
Il existe des moyens de tempérer les caprices de la nature et du système capitaliste. La classe ouvrière en a arraché plusieurs durant le siècle précédent. Ainsi, après la révolution Russe de 1917 et la vague révolutionnaire qu’elle a engendrée, un index des prix à la consommation a été obtenu dès 1920 en Belgique. A l’origine, seul un nombre limité de conventions collectives avaient introduit l’indexation automatique des salaires. Mais après chaque grande grève, ce nombre s’est élargi.
Dans son Programme de Transition de 1938, Trotsky plaidait en faveur de l’échelle mobile des salaires, l’appellation contemporaine de l’adaptation automatique des salaires au coût de la vie, afin de protéger les foyers des travailleurs de la pauvreté. Parallèlement, il plaidait aussi pour l’introduction d’une échelle mobile des heures de travail, où l’emploi disponible est partagé entre tous les travailleurs disponibles, cette répartition déterminant la longueur de la semaine de travail. ‘’Le salaire moyen de chaque ouvrier reste le même qu’avec l’ancienne semaine de travail. La “possibilité” ou l’ “impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux toute la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste.’’
Après la deuxième guerre mondiale, le rapport de forces était favorable au mouvement ouvrier. Le système a graduellement été introduit dans tous les secteurs. Mais comme toute victoire du mouvement ouvrier, cet acquis aussi a été attaqué dès que le rapport de forces a commencé à se modifier. En 1962, le ministre des affaires économiques, Antoon Spinoy (PSB !) a essayé de retirer de l’index la hausse des prix des abonnements sociaux pour le transport public. En 1965, ce même gouvernement a à nouveau essayé, cette fois-ci avec le prix du pain. En 1978, de nouveau avec le PSB, le gouvernement a réussi à remplacer les produits de marques compris dans l’index par des produits blancs. En mars 1976, la loi de redressement de Tindemans – Declercq a aboli l’indexation pour la partie du salaire supérieure à 40.250 francs belges (1.006,25 euros). Cette mesure sera retirée en décembre, suite à la résistance de la FGTB.
La victoire du néolibéralisme à la fin des années ’70 et au début des années ’80 a conduit à des attaques systématiques contre le mécanisme de l’indexation. Le gouvernement de droite des libéraux et des chrétiens-démocrates a appliqué trois sauts d’index entre 1984 et 1986. A trois reprises, donc, l’indexation des salaires n’a pas été appliquée. Ceci continue encore aujourd’hui à agir sur les salaires. En 1994, le gouvernement de chrétiens-démocrates et de sociaux-démocrates a retiré le tabac, l’alcool et l’essence de l’index ‘’santé’’. Depuis, dans divers secteurs, des accords collectifs all-in et saldo ont été introduits. Ces accords neutralisent en partie l’effet de l’indexation des salaires.
La Belgique est-il le seul pays où s’app lique l’indexation automatique des salaires ?
Dans certains secteurs de l’industrie aux États-Unis et en Grande-Bretagne, de tels accords étaient largement répandus jusqu’en 1930. En Italie, cela a été introduit dans les années ’70, mais a, depuis, été partiellement aboli. Au Brésil, au Chili, en Israël et au Mexique, l’indexation salariale a été abolie cette dernière décennie.
Aujourd’hui, l’indexation automatique des salaires ne s’applique plus qu’en Belgique et au Luxembourg. A Chypre, elle existe aussi, mais ne s’applique pas à tous les travailleurs. En Espagne, au Portugal, en Finlande, en Italie, en Pologne et en Hongrie, des mécanismes d’indexation salariale sont repris dans des accords de secteurs où dans des contrats individuels. En France, en Slovénie et à Malte, les salaires minimaux sont indexés.
D’abord produire, ensuite partager
Dans leurs attaques contre l’indexation automatique, les politiciens et les économistes bourgeois accentuent toujours qu’il faut ‘’d’abord produire les richesses avant de pouvoir les partager’’. Il faut raconter cela au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ! Tant Moubarak que ses fils Gamal et Alaa sont milliardaires. De l’ancien dictateur Tunisien Ben Ali et sa famille, il est connu qu’il dispose d’une fortune immobilière correspondant à une valeur de 3,7 milliards d’euros en France uniquement. Les barons du textile belge qui ont massivement délocalisé vers la Tunisie dans les années ’70 y sont devenus indécemment riches. Combien de richesses faut-il avant que le partage ne commence ?
Ce n’est pas de cela qu’ils parlent, mais bien des effets soi-disant pervers de l’indexation de salaires. Ainsi, l’indexation créerait selon Thomas Leysen dans Le Soir du 19 mars, une perception erronée de la marge salariale. L’économiste Geert Noels appelle cela ‘’le handicap concurrentiel automatique’’. Pour le professeur en économie Joep Konings (KULeuven) l’indexation automatique protège les habituels bien payés, mais complique l’accès aux emplois pour ceux qui n’en ont pas, puisque les entreprises seraient plus prudentes avant de recruter: ‘’Abolir l’indexation salariale automatique serait donc une mesure sociale.’’ Il rajoute qu’il faut l’accompagner de l’abolition de l’indexation des allocations sociales, au risque de voir la différence entre travailler ou ne pas travailler se réduire.
Unizo, l’organisation des petits patrons en Flandre, plaide en faveur de ‘’quelques sauts d’index’’. Le professeur Peersman (UGand) veut annuellement adapter le salaire aux objectifs de la Banque Centrale Européenne. Son collègue De Grauwe (KULeuven) veut retirer le coût de l’énergie importée de l’index. Wivina Demeester, ancienne ministre CD&V, plaide pour une indexation en chiffres absolus au lieu de pourcentages. Mais selon De Grauwe, cela rendrait le travail non qualifié relativement plus cher et aurait par conséquent un effet non souhaitable. La Banque Nationale s’en tient à mettre en garde contre une spirale salaire-prix où des hausses de prix entraineraient des augmentations salariales qui seraient compensées par de nouvelles hausses de prix et ainsi de suite. Ce n’est pas un nouvel argument. Elle veut nous faire croire que lutter pour des augmentations salariales n’a pas de sens.
Marx a déjà répondu à ces argument il y a 150 ans dans sa brochure ‘’Salaire, prix, profit’’ En réalité, le patron essaye d’empocher lui-même une partie aussi grande que possible de la valeur que nous avons produite. La peur de l’inflation n’a jamais freiné les patrons à empocher le plus de profits possibles. Avec un profit à hauteur de 16 milliards d’euros, une hausse d’un tiers comparée à 2009, les plus grandes entreprises belges disposent à notre avis de beaucoup de marge. En plus, des dividendes sont royalement versés aux actionnaires. Le producteur de lingerie Van de Velde, pour donner un exemple, a versé en 2010 quelque 70% du profit réalisé à ses actionnaires. Même en pleine crise, en 2009, les patrons des entreprises du Bel 20 s’étaient accordés en moyenne une augmentation salariale de 23%.
Contrôles des prix
Il n’y a rien à reprocher aux travailleurs en Belgique. Nous sommes toujours parmi les plus productifs du monde, loin devant nos collègues des pays voisins. Grâce à notre mécanisme d’indexation, la demande intérieure a mieux résisté à la crise de 2009 que dans d’autres pays, y compris en Allemagne. La contraction économique et le recul des investissements ont été moindres, tout comme la hausse du chômage. A l’époque, tout le monde a reconnu que c’était dû aux prétendus stabilisateurs automatiques, ce qui fait référence à la sécurité sociale et au mécanisme d’indexation.
Nos prix de l’énergie sont largement plus élevés que ceux pratiqués à l’étranger. Des profits énormes sont drainés vers les poches des actionnaires, qui ne se trouvent d’ailleurs pas tous en France. De plus, en Belgique, l’industrie est très dépendante de l’énergie, mais là aussi on investit à peine dans une utilisation rationnelle de l’énergie. Nulle part ailleurs en Europe autant de voitures d’entreprises ne sont utilisées à titre de compensation salariale afin d’éviter des charges sociales. En comparaison des pays voisins, il y a en Belgique très peu de logements sociaux. Nos bâtiments résidentiels, tout comme nos bâtiments scolaires vieillis, sont extrêmement mal isolés et souvent encore chauffés au fuel, d’où les plaidoyers pour des contrôles transparents sur les prix.
Le SP.a vise en premier lieu les prix de l’énergie. Le PS veut s’attaquer à l’inflation par des contrôles des prix d’au moins 200 produits. Nous sommes un peu étonnés que personne n’ait encore proposé d’introduire, à côté de la norme salariale, une norme des prix, où les prix ne pourraient monter plus que la moyenne pondérée des prix pratiqués dans nos pays voisins. Pour beaucoup de gens, le contrôle des prix de l’alimentation, de l’énergie et du loyer serait le bienvenu. Au Venezuela, Chavez a également introduit des contrôles des prix sur les denrées alimentaires, mais les rayons sont presque vides. Morales en Bolivie s’est heurté à une grève des employeurs lorsqu’il a voulu bloquer les prix des tickets de bus. Les propriétaires ont organisé un lock-out.
Nous ne croyons pas que cela se produirait facilement en Belgique, ni pour l’alimentation, ni pour les loyers, ni pour l’énergie. Mais la leçon à tirer est qu’il est impossible de contrôler la distribution sans que l’autorité reprenne également la production en main, en assurant que le revenu du petit producteur soit garanti. Les contrôles des prix sont en fait une forme de contrôle des profits. Les entreprises privées essayeront de restaurer leur marge de profit aux dépens des travailleurs et si cela échoue, ils menaceront de délocaliser ou de stopper les investissements prévus.
LE PSL TROUVE QUE LES TRAVAILLEURS N’ONT PLUS À PAYER LA CRISE PROVOQUÉE PAR DES SPÉCULATEURS
- Pas touche à l’indexation automatique, pour le rétablissement complet de l’index. Liaison au bien-être de toutes les allocations.
- Pas d’allongement du temps de travail, mais une semaine de travail de 32 heures, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, pour que le travail disponible soit réparti entre tous. Cela peut s’accompagner de crédit bon marché aux indépendants et de subsides salariaux sur base de coûts prouvés.
- Ouverture des livres de comptes de toutes les grandes entreprises afin de contrôler leurs véritables coûts, les profits, les salaires des directions et les bonus.
- Nationalisation du secteur énergétique sous contrôle des travailleurs et sous gestion des travailleurs eux-mêmes, pour être capables de libérer les moyens afin d’investir massivement dans l’énergie renouvelable et l’économie de l’énergie.
- Pour le monopole d’État sur les banques et le crédit sous contrôle démocratique de la communauté. Au lieu de devoir supplier les directions des banques afin d’obtenir du crédit, le public pourrait alors planifier les investissements publiques nécessaires aux besoins réels de la population.
- Pour une société socialiste démocratiquement planifiée et pour rompre avec le chaos capitaliste