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Tag: Portugal
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Ecole d’été du CIO – Joe Higgins : L’opposition à la dictature des marchés se développe
Lors de l’école d’été du CIO qui s’est déroulé la semaine dernière, une discussion a été consacrée à la situation en Europe. En attendant un rapport de cette session plénière, voici ci-dessous l’intervention de notre camarade Joe Higgins, député du Socialist Party (CIO-Irlande) au Parlement irlandais.
La crise du capitalisme européen est en préparation depuis des décennies et est le résultat de contradictions internes. Les nouvelles législations financières ont été mises en place dans la seconde moitié des années ’70, mais se sont renforcées après la crise de 1986. Dans les deux décennies qui ont suivi, la dérégulation et la mondialisation se sont extrêmement développées.
En fait, il s’agissait d’une tentative de la bourgeoisie d’augmenter leurs profits avec des constructions financières puisque le profit dans la production n’était plus garanti de la même manière. En fait, ce processus avait déjà été expliqué par Marx. Cette orgie de spéculation est due au fait que les banques et les Hedges Funds essayaient de faire du profit sur la finance, le meilleur exemple étant les investissements dans les subprimes. La proportion dont le capital européen était devenu fictif est probablement le mieux illustrée par l’Irlande.
Les banques irlandaises et du Royaume Uni ont investi 70 milliards d’euros vers l’Irlande ce qui, pour un pays de 4,5 millions d’habitants, était une spéculation insensée. Lorsque l’économie tournait encore, c’était surtout aux frais de la classe des travailleurs. Les prix des maisons ont explosé, les prêts hypothécaires sont passés de 20 à 40 ans,… A un certain moment, les prix de l’immobilier ont chuté, c’était le signal d’alarme pour les bourgeoisies européennes.
La crise qui se développe en Espagne, au Portugal et en Grèce et une confirmation des perspectives précédentes du CIO. Nous avons toujours dit que c’était une folie économique d’imaginer que des économies aussi diverses que celle d’Irlande et d’Allemagne, par exemple, pouvaient être comprises dans un même espace monétaire.
Maintenant, la réduction du taux pour les prêts accordés à l’Irlande, la Grèce,… est considérée comme une nouvelle extraordinaire. En Irlande: le taux passe de 5,5% à 3,5%, mais le montant des dettes reste le même. En bref, c’est un emplâtre sur une jambe de bois. Depuis deux semaines, lorsque la nouvelle a été annoncée, le Premier Ministre et le ministre des finances n’ont de cesse de parler de la ”grande nouvelle”. Dans une intervention au parlement irlandais, Joe Higgins les a comparés à des coqs qui crient à chaque bruit pendant la nuit, persuadés que le soleil se lève alors qu’il est encore minuit.
Tout comme en Grèce, l’austérité et les coupes budgétaires ne résolvent rien, les problèmes continuent à croître. Le scandale autour de Murdoch a révélé aux masses les liens entre médias et politiciens. Mais en Europe, actuellement, la crise expose à des dizaines de millions de personnes la nature pourrie du monde de la finance et du capitalisme. En Grande Bretagne, les gens se demandent comment il est possible d’avoir accordé autant de pouvoir à l’empire Murdoch, sans le moindre contrôle. Au niveau économique, de plus en plus de gens vont également se poser cette question: comment est-il possible de vivre dans une telle dictature des marchés ?
Partout, l’état d’esprit des masses est bien loin devant celui des dirigeants du mouvement ouvrier.
Il y a un an, Joe Higgins, encore parlementaire européen à l’époque, avait relaté un meeting de Syriza où il était intervenu. La plupart des idées qu’il avait mise en avant – comme la nécessité d’organiser la résistance à l’échelle européenne avec par exemple une grève générale européenne de 24 heures, ou encore la nationalisation du secteur financier sous le contrôle démocratique de la population – étaient très bien passées. Aujourd’hui, l’approfondissement de la crise a rendu ces solutions encore plus concrètes aux yeux de beaucoup.
L’establishment européen est responsable de la crise, nous ne devons rien attendre de lui. C’est à nous d’organiser la résistance au niveau européen, et cela va être de plus en plus accepté au fur et à mesure ou la classe des travailleurs sera affectée par la crise. Nous pouvons être confiants : nos analyses et nos idées correspondent de plus en plus à la conscience des masses.
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[DOSSIER] Qu’est-ce que la révolution et comment la faire aboutir ?
Trente ans de capitalisme néolibéral ont plongé la société dans le chaos. Dans des pays comme l’Espagne ou la Grèce, plus de 40% de la jeunesse est au chômage, une génération sans avenir. Même dans les pays capitalistes les plus riches, comme aux États-Unis, les jeunes demeurent plus longtemps chez leurs parents à cause des bas salaires et des emplois instables qui ne permettent pas de se construire une vie indépendante. L’exploitation et l’inégalité se sont tellement accrues qu’il est aujourd’hui impossible d’entretenir toute une famille avec un seul salaire, comme cela était possible dans les années ‘60, durant l’extraordinaire période de croissance du capitalisme qui a suivi la seconde guerre mondiale.
Par Peter Delsing
Le capitalisme en crise générale
L’actuelle forme d’organisation de la société, basée sur la propriété privée des moyens de production et orientée vers le profit, se heurte à ses propres limites : baisse du niveau de vie, destruction de l’environnement, flux de réfugiés, guerres et interventions impérialistes et enfin instabilité générale sur les plans financier et économique.
La classe dirigeante capitaliste craint que son système ne soit devenu incontrôlable. Mais ces gens sont incapables de donner une solution pour l’immense crise de la dette qui menace de disloquer le système tout entier, en commençant par les maillons les plus faibles que sont la Grèce, l’Irlande, le Portugal, etc. Dans ces pays, il est possible d’assister à des soulèvements massifs de la population, la politique d’austérité commence sérieusement à ressembler à de la torture sociale. La situation est intenable pour la plus grande partie de la population, tous les acquis du passé étant maintenant en danger. En Espagne, les idées révolutionnaires ont spontanément repris vigueur, même sans l’apport des marxistes, au cours de la récente révolte de la jeunesse qui a déferlé sur les places du pays.
Il ne s’agit pas encore d’un clair soutien à l’idée de socialisme ou à celle d’une économie démocratiquement planifiée, mais cela illustre toutefois que le socialiste révolutionnaire Karl Marx avait bien raison : une fois qu’une société ne peut plus développer les forces productives, une fois que la bourgeoisie ne peut plus représenter le présumé “intérêt général”, alors survient une période révolutionnaire. En Grèce, des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes considèrent les parlementaires comme étant des “traitres”, les politiciens ne peuvent plus se promener en rue. Des “grèves politiques” orientées vers la chute du gouvernement y sont à l’ordre du jour.
La question qui se pose est la suivante: quelle est l’alternative ?
Égypte et Tunisie : l’idée de “révolution” à nouveau à l’avant-plan
A la chute du stalinisme – caricature totalitaire de “socialisme” – les capitalistes et leurs idéologues ont eu le champ libre. Pour eux, il n’était pas encore suffisant de bêtement assimiler le stalinisme avec la première période démocratique de l’État ouvrier russe (pendant et juste après le mouvement de masse révolutionnaire et la prise du pouvoir en 1917). Il était clair pour eux que l’idée même de révolution était en soi à proscrire, qu’une rupture fondamentale avec le capitalisme ne pourrait que conduire à une nouvelle dictature.
Cependant, le système des soviets – des comités démocratiquement élus sur les lieux de travail, dans les casernes, les quartiers, etc. – représente la forme de société la plus démocratique jamais connue. En dehors de cela, au niveau d’une ville, la Commune de Paris en 1871 avait déjà été caractérisée par Marx comme étant la ‘‘révélation finale quant à la forme politique de l’émancipation de la classe ouvrière.’’ Ce n’est que par l’isolement de l’Union soviétique, par l’absence d’une révolution dans un pays occidental plus développé, que la bureaucratie stalinienne a pu de plus en plus écarter du pouvoir les travailleurs et leurs représentants, à partir de 1924.
Récemment, et quasiment en direct à la télé dans le cas de l’Égypte, nous avons pu observer la véritable dynamique d’une révolution. Cela part d’une situation où les conditions de vie de la majorité de la population sont largement considérées comme injustes et intenables. Le cocktail de la dictature asphyxiante, avec le soutien de la part des régimes occidentaux, du chômage de masse, de la dégénérescence néolibérale,… n’était plus passivement accepté.
En outre, avec les canaux d’information croissants, l’internet (les vidéos You Tube, etc.), il était difficile de présenter ces mouvements de masse en Tunisie et en Égypte comme étant l’oeuvre d’un petit groupe de conspirateurs ou de putschistes.
Même la presse bourgeoise ne pouvait que difficilement nier le fait, bien que parfois en grinçant des dents, que ces révolutions devaient être décrites comme “massives” et “justes”. Les médias ont été moins prompts à rapporter que c’est l’intervention des travailleurs égyptiens en tant que classe, via les méthodes de lutte syndicale et de grèves, qui a constitué l’élément décisif pour la fuite du dictateur Moubarak. Si un pion a été sacrifié, le système derrière lui est encore en grande partie sur pied.
Un processus révolutionnaire apparait lorsque les masses entrent sur la scène de l’Histoire et tentent de prendre leur sort en mains. C’est ce que nous avons vu en Tunisie et en Égypte. Ce sont des moments de politisation de masse de la société, avec une immense soif d’idées capables de faire progresser la lutte.
Les conditions pour une révolution
Léon Trotski décrit bien dans son “Histoire de la révolution russe” à la fois la fermentation à l’oeuvre dans la société et comment les conditions en sont arrivées à être mûres pour la révolution. Les forces féodales et bourgeoises étaient trop faibles et trop divisées pour faire avancer la société. Les classes moyennes étaient mécontentes et entraient même en action : les paysans, les petits propriétaires, ont pris les terres des grands propriétaires. Les étudiants étaient alors inspirés par la lutte des travailleurs dans les usines et rejoignaient le mouvement révolutionnaire. Les mêmes phénomènes se voient aujourd’hui au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ainsi qu’en Europe méridionale. Le capitalisme en tant que système n’offre plus aucune issue. Les étudiants et les jeunes sont la flamme de la révolution, mais c’est la classe ouvrière organisée qui constitue la force décisive dans la société. Elle seule possède la puissance économique – avec les mobilisations de masse, les grèves, les occupations d’entreprise,… – pour bloquer la société et poser les bases d’un autre système.
Il est compréhensible que dans le mouvement de la jeunesse, en Espagne par exemple, il y ait une méfiance à l’encontre des dirigeants syndicaux bureaucratiques qui offrent peu de considération à leur base. Mais cette direction doit être distinguée des membres de la base, qui ne font pas partie de ceux qui tirent les ficelles avec la classe dirigeante, et ne sont pas liés à son appareil d’État. Nous avons besoin de syndicats démocratiques, avec une direction liée aux militants et sous le contrôle direct de la base, des syndicats qui luttent contre le capitalisme lui-même et ne se laissent pas absorber dans l’État bourgeois. En Espagne et en Grèce, nous voyons maintenant aussi des éléments d’une union de la jeunesse et de syndicats combatifs, ou avec une partie de la base syndicale, dans le cadre de la résistance contre les coupes budgétaires. Cela est potentiellement une force extrêmement puissante dans la lutte pour un changement de société.
Il faut un parti de masse
Pendant la première phase des révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, de nombreux éléments classiques dans un processus révolutionnaire sont apparus. La classe dirigeante est discréditée et divisée. Les classe moyennes sont en colère contre le régime, ou se tiennent dans la rue aux côtés de la classe ouvrière. La classe ouvrière est prête à se battre pour ses intérêts et entraine les autres couches de la société dans son sillage. Les masses avancent sur la scène de l’Histoire.
Les faiblesses de ces révolutions, que nous avons déjà mentionnées, et qui expliquent aussi pourquoi les vieux régimes existent toujours et tentent de reprendre le contrôle de la situation, sont le manque d’une conscience socialiste et d’un parti de masse capable d’apporter un programme révolutionnaire et socialiste dans le mouvement.
Il est compréhensible que beaucoup de gens se méfient des partis politiques traditionnels ou autres véhicules bureaucratiques. Mais un parti démocratique de masse, avec une direction révocable à tout moment et qui ne gagne pas plus que le salaire moyen d’un travailleur qualifié, est une condition essentielle pour unifier l’ensemble des couches des masses en lutte, et ainsi jeter la base pour un gouvernement des travailleurs, des opprimés et des jeunes, élus directement sur les lieux de travail, dans les écoles, dans les quartiers, etc.
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Grèce : La politique d’austérité sauvage est passée malgré le mouvement de masse
Lâchant les gaz lacrymogènes et toutes sortes de menaces, le gouvernement Pasok (social-démocrate, parti-frère de notre PS) en Grèce a voté en faveur de nouvelles mesures d’austérité pendant une grève générale de protestation de 48 heures et durant l’action du mouvement des “Indignés”. Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues d’Athènes le 28 juin pendant les manifestations syndicales en direction de la place Syntagma (place de la Constitution), non loin des bâtiments du Parlement. Pendant la soirée, près de 50 000 personnes se sont rendues à un concert de “rébellion”. Mercredi 29 juin, des dizaines de milliers de gens ont convergé dans le centre d’Athènes pour y exprimer leur colère. Les confédérations syndicales avaient appelé à une grève de 48 heures. Le soutien était absolument massif. Les transports publics étaient à l’arrêt – sauf le métro, à qui on avait demandé d’amener les gens aux manifestations –, et la participation du secteur public était écrasante.
Stephan Kimmerle, CIO, Athènes
Toutefois, la réaction de la police était brutale. Leur objectif était clair – briser le mouvement. Même les médias capitalistes ont déploré la sauvagerie de l’État grec. Encore et encore, la place Syntagma et les rues avoisinantes ont été englouties dans un nuage de gaz lacrymos. Les “forces spéciales” de la police ont attaqué les manifestants, allant jusqu’à leur lancer des pierres. Le concert du soir du 28 juin a été enseveli sous un bombardement de grenades à gaz. Le 29 juin a commencé par l’attaque de la police sur les manifestants à coups de matraques et de gaz tandis que ceux-ci se rassemblaient en vue d’encercler le Parlement comme il avait été décidé.
La police n’a cette fois pas attendu les provocations de la part de collègues en civil infiltrés ou d’anarchistes. Rien que le 29 juin, 2250 cartouches de gaz lacrymo ont été utilisées contre les manifestations. Et même le soir, tandis que les manifestants tentaient de se remettre des événements en s’asseyant aux terrasses du coin pour se manger un petit souvlaki (kebab grec), ils ont encore dû subir des raids de la “police delta” – escadron spécial de deux flics sur une moto, un qui conduit, l’autre qui donne des coups de matraque et qui balance des lacrymos.
Mais cette tentative de “donner une bonne leçon” à la nouvelle couche de militants s’est retournée contre l’État. Encore et encore, les manifestants ont tenté de reprendre la place centrale d’Athènes. Une nouvelle couche de militants a développé une réelle détermination, et ceci sera important dans les luttes futures.
Le mémorandum est passé
L’objectif du mouvement des Indignés et des syndicats était clair : Non à un “second mémorandum”, c’est à dire à un nouvel énorme plan de coupes budgétaires brutales et d’autres attaques contre la classe ouvrière – un plan dicté par la “troïka” de l’UE, de la BCE et du FMI (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). C’était la nouvelle étape de la résistance. Les opposants ne voulaient pas que la majorité des dirigeants syndicaux (dont la plupart sont toujours liés au parti Pasok au pouvoir) se contente d’appeler à une autre petite grève générale d’une journée dans le seul but de laisser échapper la vapeur, puis de renvoyer tout le monde à la maison en espérant que ça leur ait suffi. Le mouvement des Indignés est donc parvenu à forcer une intensification des actions de résistance afin de tenter d’empêcher les plans des capitalistes européens et grecs et de leurs agents politiques.
Toutefois, malgré les énormes protestations de rue au cours de la grève générale du 15 juin, qui a vu 250 000 personnes défiler dans les rues d’Athènes, de même que des manifestations partout dans le pays et le mouvement d’occupation des Indignés dans diverses villes majeures, auxquelles il faut ajouter la grève générale de 48 heures et la détermination de dizaines de milliers d’opposants face au gaz lacrymo et à la brutalité policière, le parti Pasok au pouvoir a utilisé sa majorité au Parlement pour voter en faveur du plan d’austérité drastique. 154 des 155 députés Pasok “socialistes” et un député du parti libéral Nouvelle Démocratie ont voté pour, donnant ainsi une majorité de 155 voix “pour” sur 300 députés. Le seul député Pasok qui a osé voté “contre” a été immédiatement exclu de son parti.
La Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui est un des principaux journaux allemands, a cité dans son édition du 30 juin le ministre grec des Finances, M. Venizelos : « Nous faisons ce qui nous est ordonné et ce qu’on nous permet ». Un peu plus loin, ce journal rapportait aussi le fait qu’un député Pasok avait demandé à savoir à quoi sert son travail, si toutes les décisions sont de toutes manières prises par le FMI, l’UE et la BCE. Commentaire du journal : « En fait, à l’avenir, la Grèce ne sera plus qu’une démocratie limitée. La population grecque peut voter – mais cela ne changera en réalité pas grand’chose ».
En suivant cette approche, le Parlement a également voté le 30 juin en faveur d’une législation permettant au gouvernement de mettre en pratique le programme de coupes. Cela inclut la création d’une agence de privatisation, dont l’objectif sera de privatiser les compagnies du public et de vendre les actifs détenus par l’État, pour un total de 50 milliards d’euro et ce, d’ici 2015. On a également voté de nouvelles hausses d’impôts, la destruction de 150 000 nouveaux postes dans le public, et une nouvelle coupe dans le budget de la sécurité sociale (qui n’était déjà pas grand chose au départ). Par conséquent, les nouveaux chômeurs grecs devront “vivre” avec un maximum de 450€ par mois (cela étant le plafond maximum d’allocation de chômage), alors que les prix à Athènes sont toujours bel et bien comparables à ceux de Londres. Et cette allocation ne sera versée que pour les premiers douze mois de chômage – après cela, il n’y aura plus aucune allocation sociale, et il faudra aux chômeurs et à de nombreuses autres personnes aller demander l’aumône à l’église, à moins d’avoir une famille et des amis capables de les soutenir.
Avec les mesures d’austérité qui ont déjà été mises en vigueur jusqu’ici, les conditions de vie des travailleurs, des chômeurs et des pensionnés ont été gravement endommagées. Dans le secteur privé, les salaires ont été baissés de 10-20%.
Les nouvelles mesures adoptées la semaine passée au Parlement grec préparent le terrain pour encore plus d’instabilité économique, sociale et politique.
Les effets économiques de la crise et de la politique d’austérité sont dévastateurs. Loin d’initier la reprise tant promise, le chômage continue à augmenter (un nouveau pic est maintenant atteint avec 20% de chômage, dont 39% des moins de 25 ans). La “croissance” économique grecque est d’un misérable +0,2% – bien en-dessous de la moyenne de la zone euro. Les mesures drastiques mises en œuvre sapent en réalité toute possibilité de reprise et poussent la société de plus en plus près de l’effondrement.
Pour reprendre les termes du magazine britannique The Economist (30/06/2011), ce programme « va très certainement condamner la Grèce à la récession, aux troubles et au final, à la faillite »
Même les analystes capitalistes considèrent maintenant la stratégie de la troïka plus comme un “avertissement” aux autres pays de la zone euro qui ont des problèmes similaires, plutôt que comme une tentative de résoudre la crise grecque. Cela fournit également aux multinationales une bonne occasion de s’emparer des entreprises d’État grecques, comme la compagnie des télécoms OTE ou la compagnie électrique DEI, selon des termes plus qu’avantageux pour les “investisseurs” étrangers, à seulement 20-30% de la valeur d’avant-crise de leurs actions.
Wolfgang Münchau dans le Financial Times (27/06/2011, avant le vote du Parlement) faisait ce commentaire : « La stratégie de l’UE réduit le choix des Grecs à ceci : la faillite le mois prochain, ou l’an prochain ».
Ce délai d’un an semble bien optimiste, comme l’explique l’éditorialiste de The Economist (30 juin) : « Chaque trimestre, avant que les pays de la zone euro et le FMI ne donnent leur paquet d’aide suivant, ils doivent décider si oui ou non la Grèce est sur la bonne voie. Et chaque trimestre il sera de plus en plus clair que la réponse est : non ».
Le non-paiement de la dette par la Grèce aurait des répercussions gigantesques, et remettrait en question l’ensemble du projet de l’euro et mènerait à de nouveaux revirements économiques et politiques spectaculaires. Mais le non-paiement, tout en offrant au capitalisme grec un certain espace pour pouvoir respirer, n’est pas une issue pour les travailleurs, pour les jeunes, les pauvres et les classes moyennes, à moins que cela ne soit lié à une rupture avec le capitalisme. De même, quitter l’euro tout en restant dans le cadre du capitalisme signifierait une chute du niveau de vie sur base de la dévaluation de l’extérieur plutôt que de l’intérieur.
Un programme d’austérité forcé à coups de lacrymo
Pour pouvoir mettre en œuvre les dernières mesures d’austérité, une pression énorme de la part de l’UE et des institutions capitalistes, ainsi qu’une vaste campagne de propagande médiatique ont été utilisées. Ollie Rehn, Commissaire européen pour l’Économie, a bien expliqué son point de vue : « La seule manière d’éviter la faillite immédiate consiste en l’acceptation par le Parlement du programme économique révisé ». Les politiciens des principales puissances européennes ont bien souligné le fait qu’il n’y a pas de “plan B” pour éviter la faillite dans les jours qui viennent. Le gouverneur de la Banque centrale grecque, M. Georgios Provopoulos, a lui aussi déclaré : « Refuser de voter en faveur de ce plan serait un crime de la part du Parlement », car cela signifierait que « Le pays serait en train de voter son suicide ».
Le Vice-Premier Ministre grec Theodoros Pangalos, a dépeint ce tableau de cauchemar : « Retourner à la drachme signifierait que le lendemain, les banques seraient prises d’assaut par des hordes de gens terrifiés cherchant à reprendre leur argent ; l’armée se verrait obligée de les protéger avec des tanks, parce qu’il n’y aurait pas assez de policiers … Il y aurait des émeutes partout, les boutiques seraient vides, des gens se jetteraient par les fenêtres ».
Ayant communiqué cet avertissement, le gouvernement Pangalos a donc organisé des émeutes de lui-même par en-haut, avec des ordres clairs demandant à la police de lancer une attaque chimique – les lacrymos – contre les manifestants dans la capitale grecque. Les actions de la police ont été si néfastes que le président de la fédération des pharmaciens d’Athènes – lui-même membre du parti libéral Nouvelle Démocratie – a jugé dangereux l’usage des gaz lacrymos, irresponsable et complètement hors de toute limite. Le syndicat des médecins a confirmé ceci en déclarant qu’une telle intensité dans l’utilisation de ces gaz va même à l’encontre de la Convention de Genève !
Les attaques brutales perpétrées par la police ont été ordonnées afin d’accomplir les souhaits des grandes puissances capitalistes en Europe et ceux des hommes d’affaires grecs, qui veulent s’assurer que les sommes gigantesques en bons d’État et autres produits de spéculation troqués par les banques, les grosses boites et des pays comme la France, l’Allemagne, les USA, et d’autres, seront protégées ne serait-ce que pour la courte période à venir.
État du mouvement de résistance
Après l’échec des espoirs d’empêcher le vote du Parlement en faveur du mémorandum, 10 000 manifestants ont rempli la place Syntagma le soir du 30 juin, ce qui est jusqu’ici une des plus grandes assemblées. Ceci a en soi grandement redonné de la confiance aux participants. Le sentiment de solidarité mêlé aux rapports des batailles des deux derniers jours, tandis que des nuages de gaz flottaient toujours dans l’air, a grandement accru la détermination de nombreux participants.
Toutefois, le mouvement des Indignés doit faire face à des difficultés et à un revers. Si nous ressassons le fil des événements des dernières semaines, il est clair que la grève générale du 15 juin était le pic mouvement, où toutes les questions cruciales se sont posées.
Le gouvernement Pasok était comme suspendu. Le mouvement des Indignés et les actions de grève montraient leur force. Mais quelle était l’alternative aux plans du gouvernement ? Tout le monde voulait se débarrasser du gouvernement, et très peu de gens voulaient aussi un retour de Nouvelle Démocratie au pouvoir – mais quelle est l’alternative ? Tandis que la journée du 15 juin se terminait dans les émeutes et les nuages de gaz, forçant la masse des gens à quitter la place Syntagma (bien que des dizaines de milliers soient revenus quelques heures plus tard !), une autre question cruciale se posait : comment le mouvement de masse peut-il se développer de sorte à permettre à la classe ouvrière d’y participer ?
Étant donné la tactique de frein employée par les dirigeants syndicaux, le rôle des partis de gauche de masse et la faiblesse du mouvement d’opposition de masse, aucune réponse n’a été donnée à ces questions. Un programme pour mettre fin à la dictature des marchés, de la troïka et du capitalisme grec était nécessaire, mais n’a pas été mis en avant par ces forces.
Une stratégie d’intensification de la lutte après la grève générale de 48 heures était nécessaire afin de montrer la route à suivre, même au cas où le Pasok ferait quand même passer le mémorandum en faveur de la nouvelle politique d’austérité. Les idées et les tactiques sur la manière de construire un véritable mouvement de masse avec la participation active de la classe ouvrière sur les lieux de travail et avec une structuration des assemblées par l’élection de représentants à des organes de masse et par une démocratie complète – tous ces points urgents étaient absents.
Pour cette raison, et aussi du fait du soutien sans faille à la grève de 48 heures, le taux de participation aux manifestations a été bien plus bas que celui de la semaine passée, au moment de la grève générale du 15 juin. L’humeur a changé au cours des deux semaines qui ont mené à la grève générale de deux jours. Les immenses frustration, amertume et colère quasi-universelles sont toujours bien présentes – contre la vente des services publics à des compagnies internationales et grecques, contre la hausse des taxes et les coupes salariales, et contre une autre chute catastrophique du niveau de vie. Toutefois, le sentiment de victoire qui avait suivi l’annonce de sa démission par Giorgios Papandreou (le Premier Ministre et dirigeant du parti Pasok) pendant la grève générale du 15 juin a été remplacé par une certaine déception lorsque Papandreou est revenu sur cette proposition. Le gouvernement Pasok a été réarrangé, certains ministres ont changé de place. La direction du Pasok tente de restabiliser ses députés, de les forcer à se regrouper afin d’éviter des élections anticipées et de pouvoir s’accrocher au pouvoir.
Cela a suscité une remise en question dans l’esprit des gens, quant à la possibilité qu’ont le mouvement d’opposition, les assemblées de masse sur les places partout dans le pays, les grèves générales et les manifestations de masse de bloquer les attaques et de changer quoi que ce soit.
Bien sûr, comme l’Histoire l’a démontré à maintes reprises, la résistance déterminée de la classe ouvrière et la lutte des masses pour leurs propres buts peut forcer les gouvernements et les capitalistes à faire toutes sortes de concessions, voire briser leur pouvoir. Cependant, des méthodes victorieuses doivent être redéveloppées et redécouvertes au cours des nouvelles batailles qui émergent de la crise capitaliste mondiale. Les marxistes peuvent jouer un rôle dans ce processus, et même aider à l’accélérer, afin d’assurer le fait que les leçons cruciales des luttes du passé soient toujours présentes pour la nouvelle génération de combattants de classe.
Défendre les manifestations
Un important enjeu auquel a été confronté le mouvement, a été l’utilisation inconsidérée de gaz lacrymos et autres armes chimiques par la police le 15 juin, et la certitude que cela se reproduirait. Cela a été confirmé par la détermination de la police à briser le mouvement et à empêcher les masses de rester sur la place.
Cela a compliqué la mobilisation pour les manifestations pendant la grève générale de deux jours. Les masses avaient besoin d’une stratégie claire permettant de répondre aux émeutes et à la brutalité policière, de même que d’une alternative politique pour faire chuter le gouvernement, liée à la lutte contre le capitalisme. Au final, le mouvement n’est pas parvenu avant la grève générale de 48 heures à répondre à la question des provocateurs policiers et du petit nombre d’anarchistes qui continuaient à trouver des arguments en faveur de leurs émeutes.
Après que les 250 000 manifestants du centre d’Athènes aient été expulsés de la place Syntagma le 15 juin par la police, seulement quelques dizaines de milliers ont réoccupé la place plus tard dans la journée. Il était évident que les émeutes avaient joué un rôle en faveur du gouvernement. Clairement, l’État a de bonnes raisons d’envoyer des flics en civil parmi les manifestants pour y démarrer des émeutes, et cela est largement compris en Grèce.
Une majorité des participants aux assemblées qui ont suivi ont défendu le droit à l’auto-défense par les manifestants, mais ont insisté sur l’appel à des manifestations pacifiques, pour les rendre attractives et pour donner la possibilité à la masse des travailleurs de s’y rendre. Ce n’est que lors des plus petites assemblées sur la place Syntagma qu’une majorité s’est prononcée en faveur des émeutes – les assemblées plus larges ont rejeté cet argument.
Cependant, toutes les propositions aux assemblées et aux syndicats en faveur de l’organisation d’un véritable service d’ordre pour défendre les manifestations contre la police et contre les provocateurs n’y ont dans la pratique pas trouvé de réponse. Au final, la décision des principales assemblées de la place Syntagma était assez floue pour la plupart des travailleurs et des jeunes.
Le manque d’une alternative politique
De nombreux travailleurs et jeunes ont ressenti de la sympathie envers le mouvement, mais ont également vu les risques que comporte la participation aux manifestations, face à une police déterminée et violente. Les travailleurs n’ont pas reçu un programme et des revendications de classe clairs qui puissent les amener à participer au mouvement de manière active. La tactique d’intimidation et le chantage du gouvernement Pasok, son affirmation que l’alternative à son programme serait les tanks dans les rues pour protéger les banques, l’arrêt immédiat des salaires et des allocations des travailleurs du public et des retraités, etc. semblent avoir partiellement fonctionné, parce qu’aucune force alternative de masse – ni les syndicats, ni les grands partis de gauche – n’a proposé la moindre alternative de classe viable.
Les principaux dirigeants syndicaux sont membres du Pasok, et ce n’est que sur base de l’immense pression de la base qu’ils se sont sentis obligés d’appeler à une grève générale de 48 heures. GENOP, le syndicat des travailleurs de l’électricité de la compagnie DEI (qui appartient toujours jusqu’à présent à 51% à l’État) est parti en grève contre la privatisation. Toutefois, cette action était une grève “silencieuse”. Les grévistes n’ont pas été mobilisés par le syndicat pour participer aux mouvements et aux manifestations, et sont à la place restés chez eux. Leur dirigeants ont également annoncé à l’avance, avant la grève générale de 48 heures, que leur grève ne durerait que jusqu’au 30 juin. L’effet de ce genre de grève a par conséquent été extrêmement limité.
Le KKE (Parti communiste grec) a décrété que le mouvement d’occupation est “petit-bourgeois” et ne met en avant “aucune proposition” – ni politiquement, ni en tant que stratégie sur la façon de mener la lutte. Il y a un élément de vérité dans cela, mais en l’absence d’une véritable alternative militante, le mouvement des Indignés a fourni un point de référence pour ceux qui voulaient riposter. Les dirigeants du KKE ont été incapables d’appeler au-delà de leurs propres sympathisants, et tout en parlant de manière abstraite de la fin du capitalisme, n’ont fait absolument aucune proposition sur la manière de développer la lutte, ont refusé d’appeler au renversement du gouvernement, et ont insisté sur le fait qu’un éventuel retrait de la zone euro serait “mauvais” pour la Grèce.
Le dirigeant de Syriza, Tsipras, et sa plus grande composante, Synaspismos (“euro-communiste”), n’ont pas appelé au non-paiement de la dette souveraine due aux banquiers ni à la nationalisation des banques. Synaspismos a tenté de défendre l’institution européenne de manière abstraite, et a aussi défendu le fait qu’il faut selon lui rester dans la zone euro. Le parti reste cloitré dans une logique qui ne sort pas du cadre du capitalisme, un système qui impose la misère et le chômage à la population laborieuse grecque.
Xekinima, la section grecque du CIO, n’a défendu ni le fait de rester membre de l’UE ou de la zone euro, qui représentent toutes deux l’Europe des patrons, ni le fait de retourner au drachme, l’ancienne monnaie grecque. Seule une lutte unie des travailleurs et des jeunes à travers toute l’Europe et dans le monde entier, contre la politique d’austérité et contre le capitalisme, et une lutte pour une Europe unifiée en tant que membre d’une confédération d’États socialistes, peut apporter une solution définitive à la crise. Cela verrait une véritable coopération internationale entre les travailleurs, sur base d’une économie démocratiquement planifiée.
Si les travailleurs et la jeunesse grecs parviennent à mettre un terme aux mesure d’austérité draconiennens qui leur sont imposées par les capitalistes européens et grecs, cela pourrait mener à la tentative d’expulser la Grèce hors de la zone euro. Toutefois, cela ouvrirait la porte à une nouvelle étape de résistance de masse à l’échelle européenne afin de forcer les grandes puissances et les classes capitalistes à faire de nouvelles concessions et de remettre en question leur règne en général. Plutôt qu’une “solution nationale” avec le retour à la drachme – ce qui engendrerait une hausse subite des prix et de l’endettement des travailleurs, et des réductions de salaire dues à la dévaluation de la monnaie nationale – il nous faut une stratégie socialiste internationale. Et comme l’a montré la récente résistance de masse à l’échelle internationale – en Égypte, en Tunisie, en Espagne, au Portugal et en Grèce – le potentiel pour une riposte unie existe, tout comme la création instinctive de liens entre ces luttes.
Les Indignés
Le mouvement des Indignés a connu un développement rapide depuis l’occupation de la place Syntagma le 25 mai. Les résolutions adoptées par les assemblées ont souvent été contradictoires. Souvent, un pas en avant était suivi par un demi-pas en arrière le lendemain. Cependant, en général, ces résolutions ont reflété un développement de la compréhension des militants : nombre d’entre eux ont vu la nécessité de relier leur mouvement à celui des travailleurs et des grévistes, et cela a été de plus en plus mis en avant. Les revendications politiques se sont développées jusqu’au point où il est maintenant accepté non seulement le refus du paiement de la dette, mais aussi d’appeler à la nationalisation des banques. Des propositions pour aller plus loin, y compris la nationalisation des principales entreprises sous contrôle et gestion des travailleurs, ont été discutées.
Les premières tentatives d’étendre les assemblées sur le plan local ont été couronnées de succès – organisées par des militants de gauche, des assemblées allant jusqu’à 200 personnes se sont rassemblées dans différents quartiers d’Athènes. Un appel à former des assemblées sur les lieux de travail a lui aussi été lancé, mais a rencontré des difficultés et n’a pas jusqu’ici reçu de véritable réponse, bien que le concept général ait été mis en avant.
Une première tentative de former un comité de représentants des assemblées locales, des dirigeants syndicaux les plus combatifs représentant les travailleurs communaux, et de l’assemblée de la place Syntagma a échoué. Toutefois, cela a montré la direction à suivre pour aller de l’avant. Un tel comité aurait pu exercer une pression sur les principaux dirigeants syndicaux pour aller plus loin, et aurait pu les mettre en question quant à leur approche.
En ce qui concerne d’autres enjeux, l’assemblée a été à chaque étape naïve et n’a jamais pris en compte le rapport de forces. Malgré ses annonces, l’assemblée n’a jamais été capable de mobiliser pour des grèves ou des occupations d’entreprise. Il aurait fallu une approche plus habile afin d’attirer les militants syndicaux combatifs et d’exercer une pression plus intense encore sur les appareils.
À côté de ça, la plus grande faiblesse du mouvement des Enragés a été son incapacité à gérer les émeutes et l’approche soi-disant “apolitique” de certains opposants.
Comme nous l’avons dit plus haut, une position claire d’auto-défense des manifestations contre la police et les agents provocateurs était nécessaire afin de permettre une participation plus large de nouvelles couches de travailleurs et de jeunes, et d’accroitre la force du mouvement de masse. Au cours des discussions des assemblées, la discussion sur la dynamique politique de centaines de milliers de participants au actions, par exemple, du 29 juin, a reçu très peu d’attention par rapport à l’espace qui a été donné à l’élaboration de plans pour bloquer telle ou telle route, dont aucun ne s’est de toute manière concrétisé faute de participants.
Bien que les arguments “apolitiques” et l’opposition à “tous les partis” ont en partie perdu du terrain au cours des débats, cette attitude était toujours présente et a agi comme un obstacle par rapport aux besoins et aux développement du mouvement de masse.
Des mesures telles que le refus de payer les dettes ou la nationalisation des banques, par exemple, sont dirigées contre les intérêts des capitalistes et sont politiques. La nécessité de formuler une alternative au chantage et à la tactique d’épouvantail du gouvernement Pasok et des médias capitalistes exige ne serait-ce que l’ébauche d’une perspective politique claire.
Le sentiment “contre tous les partis” est compréhensible, étant donné le niveau de corruption, l’hypocrisie et la politique de tous les partis de l’establishment. Les grands partis de gauche ont eux aussi tout fait pour renforcer la méfiance dans les organisations de parti ou dans les “concepts politiques”.
Toutefois, la revendication de rester “apolitique” a entravé le mouvement et sa progression – au moment où la situation était la plus urgente. La possibilité d’une chute du gouvernement a immédiatement soulevé la question d’une alternative, basée sur l’implication active des travailleurs via leurs assemblées, avec l’extension de ces organes sur le plan local et sur les lieux de travail, avec l’élection de délégués qui représentent l’ensemble du mouvement, à condition de rendre des comptes en permanence aux assemblées qui les ont élus, et être révocables à tout moment.
L’argument du gouvernement Pasok comme quoi “il n’y a aucune alternative” a mis en évidence la nécessité d’un programme viable, qui place les immenses ressources de la société entre les mains des travailleurs, afin de développer un plan démocratique pour surmonter la crise économique.
Le fait est qu’il n’y a réellement absolument aucune solution au problème de la Grèce, et à la crise mondiale du capitalisme. Les attaques internationales sur les travailleurs mettent exactement le doigt sur la nécessité d’une réponse de la part de la classe ouvrière, sur la nécessité d’une coopération internationale pour combattre le capitalisme.
Ces développements mettent en relief la nécessité pour les Indignés et pour les militants syndicaux combatifs, dans les appareils comme sur les lieux de travail, de transformer leur mouvement en une nouvelle force de masse des travailleurs, qui offre une alternative. Ceci pourrait contribuer à éjecter les dirigeants syndicaux qui sont toujours liés au parti pourri qu’est le Pasok, et à revigorer le débat sur le programme et la stratégie à adopter pour mettre un terme à la misère capitaliste, une bonne fois pour toutes.
Cependant, avec les assemblées, les contours d’un nouveau centre du mouvement a été vu, qui pourrait aider la lutte à franchir les barrières des structures syndicales conservatrices et bureaucratiques, et de la faillite des partis de gauche. Le mouvement et les assemblées ont été qualifiées de “petit-bourgeois” par certaines personnes à gauche – surtout par le KKE. Il est vrai que la classe ouvrière n’a pas encore imprimé sa marque de manière décisive sur l’orientation principale du mouvement d’opposition. Mais les assemblées sont bel et bien parvenues à défier les dirigeants syndicaux et à remettre en question leur monopole sur les décisions quant au cours que devrait suivre le mouvement ouvrier. Cette tendance pourrait s’avérer extrêmement puissante à l’avenir, si des assemblées de travailleurs de la base devaient se créer dans les usines et les bureaux, en organisant un débat franc et ouvert, en prenant des décisions collectives et en élisant des représentants pour faire appliquer les décisions des travailleurs et pour former la base d’une nouvelle démocratie ouvrière !
Préparons-nous pour septembre !
Puisque les méthodes traditionnelles de lutte de masse – via les syndicats et les partis de gauche de masse – sont soit semées d’embuches, soit pas viables du tout, les travailleurs, les jeunes et les chômeurs en Grèce ont été forcés d’inventer, encore et encore, de nouvelles manières d’exprimer leur colère et de chercher une manière de riposter. On a vu cela avec le mouvement du “non-paiement” des péages routiers, qui a duré les trois premiers mois de cette année. Les péages routiers ont été démantelés par des manifestants, et des campagnes de non-paiement ont été organisées dans les bus et dans les trains. Le développement des assemblées et du mouvement des Enragés a vu de nouvelles tentatives d’auto-organisation être mises à l’épreuve. Quelle nouvelle expression de la colère des travailleurs sera créée dans les mois qui viennent ?
Pour Xekinima, la section grecque du CIO, il faut utiliser la détermination des militants qui refusent d’abandonner la lutte, pour discuter des leçons du mouvement et de la manière de le développer. Après la défaite qu’a été le vote du mémorandum au Parlement, nous allons sans doute assister à une pause dans le mouvement, jusqu’à la fin de la vague de chaleur estivale et des vacances en aout. Mais les membres de Xekinima sont convaincus du fait qu’il est nécessaire d’organiser cette pause de manière ordonnée, de discuter dans les assemblées de l’opportunité d’une éventuelle pause, de sorte à éviter une nouvelle vague de démoralisation qu’engendrerait un déclin désordonné du taux de participation. Pour Xekinima, cette période devrait être utilisée pour préparer de nouvelles assemblées des militants enragés dans les quartiers et sur les lieux de travail, pour prendre un nouveau départ sur base de plans concernant les prochaines étapes du mouvement de la base.
Xekinima met en avant la revendication selon laquelle le mouvement des Indignés et d’opposition de masse à l’austérité devrait jeter les bases d’un nouveau mouvement ou formation politique, basé sur des revendications anticapitalistes radicales. Selon de récents sondages, seules 47% des masses grecques se disent prêtes à aller voter pour l’un ou l’autre des partis existants, de droite comme de gauche, ce qui illustre le potentiel pour une alternative socialiste déterminée.
Ce n’est pas que le gouvernement Pasok qui a été pris de court par le mouvement de masse, mais les gouvernements de toute l’Europe. Le mouvement a inspiré les travailleurs et les jeunes à travers toute l’Europe, et dans le monde entier – de la même manière que la rébellion espagnole et la vague révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont inspiré le mouvement grec. Si les Indignés parviennent à organiser une nouvelle série d’assemblées afin de débattre et de clarifier les idées, et à revenir dans les rues après l’été pour reprendre la lutte contre de nouvelles attaques et contre chacune des tentatives de mettre ce mémorandum en application, alors les possibilités sont là pour que ce mouvement de masse aille beaucoup plus loin.
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[PHOTOS] Nous aussi, nous sommes indignés !
Ce mardi après-midi, à l’initiative de ”Solidarité avec la Grèce qui Résiste – Bruxelles”, un peu plus d’une trentaine de personnes se sont rassemblées devant l’ambassade grecque dans la capitale, en solidarité avec les mouvements de masses et contre les méthodes policières brutales et illégales (gaz lacrymogènes interdits, attaque d’un centre médical de la Croix-Rouge,… ).
Par navid (Bruxelles)
Les mesures d’austérités drastiques et le plan de destruction social qui a été mis en place contre les travailleurs et les jeunes grecs sont un avant-gout de ce qui attend tous les pays d’Europe ! La crise du capitalisme est internationale, et telle doit être notre résistance !
Grèce, Belgique et Portugal ; même combat contre l’Europe du capital !
Une soirée d’information sur le mouvement et une projection des vidéos et photos qui prouvent les méthodes illégales de la police et des agents provocateurs est prévue ce vendredi 8 juillet, 18h00 à l’Espace Marx, rue Rouppe 4, 1000 Bruxelles.
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La Commission Européenne veut appliquer une doctrine de choc économique
Selon le président de la commission européenne Barroso, une ‘‘révolution silencieuse’’ prend place dans l’Union Européenne. Cette politique économique en réalité contre-révolutionnaire est basée sur la fin de toute entrave démocratique afin de pouvoir imposer une doctrine de choc pour institutionnaliser l’austérité, les privatisations et la baisse des salaires.
Article de Paul Murphy, tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste
En imposant des mesures de ‘‘surveillance économique’’ avec amendes pour les pays qui n’atteignent pas les objectifs économiques, la commission européenne veut éviter que les gouvernements ne s’inclinent face aux protestations massives contre la politique d’économie budgétaire.
Trois éléments sont importants dans les propositions européennes actuelles. Le premier est que les budgets nationaux doivent être désormais soumis à la commission et au conseil pour approbation avant qu’un débat parlementaire ne soit mené dans le pays lui-même. Le but est clair : la commission veut s’assurer que la politique menée soit néolibérale.
Ensuite, il s’agit de renforcer les mesures du Pacte de stabilité. Selon celui- ci, la dette publique peut s’élever au maximum à 60% du PIB et le déficit annuel à 3%. A l’avenir, les pays qui ne réaliseraient pas ces objectifs auraient une sanction et 0,2% du PIB doit être versé sur un compte séparé. Ce dépôt est transformé en amende si les directives de la commission ne sont pas suivies, amende pouvant atteindre 0,5% du PIB.
Le dernier élément est une procédure visant à combattre ‘‘les déséquilibres macro-économiques’’. La Commission veut définir en détail certains paramètres afin de mesurer la viabilité de chaque pays. Si un Etat membre ne réalise pas ces objectifs, des amendes peuvent lui être infligées.
Ce genre de propositions fait partie des tentatives de la classe capitaliste européenne destinées à éviter l’émiettement de la zone euro en menant une attaque coordonnée contre les conditions de vie de la population. Une telle approche est exigée depuis longtemps par les divers lobbys et grandes entreprises, en particulier la Table ronde européenne des industriels. Ces derniers exigent une spirale négative pour les salaires et les conditions de travail à travers toute l’Europe pour maximaliser leurs propres bénéfices.
Ces tentatives sont toutefois vouées à l’échec, elles ne parviendront pas à éviter les divergences d’intérêt entre les différentes classes capitalistes nationales européennes. La résistance des travailleurs et de leurs familles contre la politique d’austérité jouera un rôle décisif pour stopper celle-ci.
Les patrons et leurs gouvernements coordonnent leurs attaques à travers l’Europe, nous devons agir comme eux. L’UE et le FMI veulent imposer au Portugal des conditions similaires à celles de l’Irlande et de la Grèce. Nous devons résister ensemble à travers toute l’Europe, par exemple avec une grève générale européenne, pour stopper l’offensive contre nos conditions de vie et l’institutionnalisation des attaques antisociales.
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Les crimes de guerre du gouvernement srilankais et le tardif rapport des Nations-Unies
Le rapport du groupe d’experts des Nations-Unies publié ce 25 avril après un délai considérable confirme l’analyse de Tamil Solidarity et d’autres organisations au sujet du massacre des Tamouls au Sri Lanka ces deux dernières années. Ce groupe d’experts avait été établi par le secrétaire général des Natons-Unies Ban Ki-Moon en juin 2010 afin de connaitre la situation au Sri Lanka.
Écrit par TU Senan, pour Tamil Solidarity
Le rapport confirme nos estimations selon lesquelles plus de 40 000 personnes ont été massacrées par l’armée srilankaise lors de la phase finale de la guerre qui s’est terminée en mai 2009. L’armée a constamment bombardé les hôpitaux, les écoles, les abris temporaires et les soi-disant “zones de cessez-le-feu”. L’ensemble des 400 000 réfugiés ont été ensuite déportés en masse vers des “camps de détention” sans aucune infrastructure. Toutes sortes de décès et abus scandaleux ont eu lieu au cours du transport et dans les camps. De nombreuses campagnes, y compris Tamil Solidarity et les médias tamouls, diffusent constamment de nouveaux rapports de ces horreurs.
Toutefois, il ne faut pas avoir la moindre illusion dans le fait que ce rapport de l’ONU n’apporte le moindre changement dans les conditions des victimes au Sri Lanka. Le lendemain de sa publication, le journal britannique The Guardian rapportait que le secrétaire général de l’ONU «ne désire lancer une enquête internationale que si le gouvernement srilankais est d’accord, ou si un “forum international” tel que le Conseil de sécurité des Nations-Unies appelle à une telle enquête». Il est évident pour de nombreuses personnes que le gouvernement srilankais ne permettra pas la moindre enquête internationale. En fait, la publication de ce rapport tardif a elle-même été retardée par les protestations du gouvernement srilankais. Le ministre srilankais des Affaires extérieures, GL Peiris, a qualifié ce rapport d’“absurde” et “sans fondement”.
Le président du Sri Lanka, Mahinda Rajapaksa, a appelé à une “démonstration de force” pour le Premier Mai, la journée internationale des travailleurs, pour «manifester contre l’injustice faite à notre pays» par ce rapport de l’ONU ! «Le Premier Mai ne devrait pas être confiné à exprimer la solidarité des travailleurs», disait Rajapaksa. Alors que le régime tente de récupérer à son compte la Fête du Travail pour ses propres intérêts chauvinistes, il accuse l’ONU d’être «récupérée par certains pays» ! Le gouvernement a aussi appelé tous les partis politiques du pays à exprimer leur opposition à ce rapport. Il cherche à détourner les critiques contre le gouvernement vers les “ennemis à l’étranger”.
En réponse à l’appel de Rajapaksa, le parti pseudo-marxiste qu’est le JVP (Janatha vimukthi peramuna – Front de libération populaire, un parti communautaire chauviniste pro-cingalais qui se prétend à tort “marxiste”) a attaqué les Nations-Unies pour leur ingérence dans les affaires internes du pays ! La véritable raison de l’opposition de ce parti au rapport de l’ONU provient du fait qu’il a soutenu le gouvernement pendant la guerre. Il a suivi le gouvernement dans chacun de ses pas tout au long de la guerre. Et il a été très rapide à appeler à ce que l’ex-général Sareth Fonseka, qui a dirigé la guerre, soit promu au rang de héros national.
Le JVP tente parfois de donner une image “mixte”. Il donne l’impression de se battre contre les attaques sur les droits démocratiques, de se battre pour les droits des réfugiés tamouls et pour la liberté des médias. Il fait cela uniquement pour conserver un certain soutien parmi les étudiants et certains travailleurs, qu’il mobilise sur base de revendications économiques et sociales “radicales”. Mais en mélangeant ces revendications avec le nationalisme cingalais bouddhiste, il pousse ces couches encore un peu plus vers le régime Rajapaksa. Cette méthode erronnée a été démontrée de manière très claire par l’ampleur de leurs pertes électorales. Un appel doit être fait envers tous ces étudiants et travailleurs qui cherchent une direction, afin qu’ils rompent avec le JVP et qu’ils rejoignent une véritable riposte.
Mais le JVP n’est pas le seul parti politique qui nie les affirmations des Nations-Unies. Certains membres du parti d’opposition capitaliste, l’UNP (Parti national uni), tels que P.E. Jayasuriya, déclarent encore que «Pas un civil tamoul innocent n’a été tué par l’armée durant la guerre, grâce à la bonne gestion du président Rajapaksa».
L’ironie étant (si on peut parler d’ironie dans le contexte du Sri Lanka) que Jayasuriya est également un membre de l’association internationale des droits de l’Homme ! Le vice-président de l’UNP, Karu Jayasuriya, a aussi proclamé que le parti se rangera du côté des forces de sécurité, apportant encore plus de soutien au gouvernement quant à cette question.
Le parti des moines bouddhistes fondamentalistes et racistes du JHU (Jathika hela urumaya – Parti du patrimoine national) fait “tout ce qu’il peut” pour soutenir le gouvernement. « Si Ban Ki-Moon et les Nations-Unies veulent mettre le président Rajapaksa sur la chaise électrique, il faudra alors qu’ils y mettent chacun de nous, les religieux en premier», disait le Vénérable Galagama Dhammaransi Thero, ajoutant que «Nous protégerons et bénirons toujours ce dirigeant courageux».
Pendant ce temps, la Commission de réconciliation et des leçons apprises (LLRC) mise en place par le gouvernement a déclaré qu’elle ne commentera pas ce rapport ni ne prendra la moindre action le concernant. La LLRC est une fausse commission mise en place par le président, et elle agit conformément à ses attentes.
Malgré la rhétorique anti-impérialiste utilisée par le gouvernement pour mobiliser le nationalisme cingalais, l’impérialisme occidental tout comme le régime srilankais sont bien conscients du caractère très limité des actions qui pourraient être entreprises à l’encontre du Sri Lanka.
L’hypocrisie des Nations-Unies
Malgré l’aveu du rapport lui-même selon lequel «au cours des dernières étapes de la guerre, les organes politiques des Nations-Unies ne sont pas parvenus à entreprendre la moindre action afin de prévenir la mort de civils», aucune “excuse” n’a été jusqu’ici faite par cette institution. À la place, l’ONU n’offre que l’inaction, encore et encore.
De nombreux appels à l’action ont été émis durant la guerre début 2009, afin d’arrêter la guerre et d’empêcher le massacre en masse de la population tamoulophone. Samedi 31 janvier 2009, 100 000 personnes ont défilé à Londres en opposition à cette boucherie. Des centaines de milliers de Tamouls et d’autres sont descendus dans les rues partout dans le monde. Après la guerre, ces mouvements ont continué à émettre des revendications en faveur de véritables mesures humanitaires. Dans le silence et l’inaction de l’ONU et des autres gouvernements, une horreur et un massacre sans nom ont eu lieu. Et les abus et tueries se poursuivent aujourd’hui même. Ceci ne sera pas oublié.
Avec ce rapport, les Nations-Unies tentent maintenant de se racheter quelque peu. Mais le fait reste que l’ONU n’a fait absolument aucune tentative pour empêcher la tuerie. Qui plus est, elle ne s’est même pas excusée pour avoir passé une résolution, à dix jours du début du massacre, qui consacrait l’innocence du gouvernement sri lankais. Cette résolution promulguée par le conseil des droits de l’Homme de l’ONU le 27 mai 2009 applaudissait la «conclusion des hostilités et la libération par leur gouvernement de dizaines de milliers de citoyens srilankais qui étaient tenus en ôtages contre leur volonté par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), de même que les efforts effectués par le gouvernement afin d’assurer la sécurité de tous les Sri Lankais et d’apporter une paix permanente aux pays».
Cette résolution du 27 mai 2009 ne contient pas la moindre critique du gouvernement srilankais. Celle-ci va même encore plus loin politiquement : «Nous réaffirmons le respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance du Sri Lanka et pour son droit souverain à protéger ses citoyens et combattre le terrorisme».
En fait, la seule condamnation du rapport a été faite à l’encontre des LTTE pour avoir lancé «des attaques contre la population civile» et «utilisé des civils en tant que boucliers humains». Le récent rapport d’experts n’a pas dénoncé ni d’ailleurs fait la moindre référence à cette résolution. Il ne fait que demander au conseil des droits de l’Homme de “reconsidérer leur position” ! L’hypocrisie des Nations-Unies, comme l’a fait remarquer le professeur Noam Chomsky, «a été si profonde qu’elle en était étouffante».
On serait en droit d’espérer que ce rapport pourrait être considéré par tous les gouvernements et organes gouvernementaux comme une base minimale avant d’entamer toute relation avec le gouvernement srilankais, ou qu’il puisse servir de base à une enquête internationale quant aux crimes de guerre. Toutefois, nous ne constaterons sans doute aucune action de ce type.
Bien que l’ONU donne l’illusion d’agir en tant qu’organisation indépendante, il serait naïf d’imaginer que l’ONU entreprenne la moindre action qui aille à l’encontre des intérêts de ses constituants majeurs : les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Inde, la Chine et la Russie. Cet organe n’est pas indépendant d’aucune manière que ce soit. Il n’a pas non plus la moindre crédibilité dans le fait d’empêcher des massacres de se dérouler dans d’autres régions du monde. Les Nations-Unies n’ont pas empêché le massacre au Congo par exemple. Au Rwanda, les puissances mondiales ont observé sans broncher le génocide d’un million de gens en quelques mois.
Les Nations-Unis se placent systématiquement du côté des impérialistes. Lorsqu’elles ne le font pas, leurs actions sont bloquées par les grandes puissances qui peuvent exercer un pouvoir de véto sur leurs activités. Les masses opprimées n’ont aucune voix qui représentent leurs intérêts lors des prises de décision par l’ONU.
Le Conseil de sécurité de l’ONU est composé de pays tels que la Russie, la Chine et l’Inde, qui ont non seulement financé l’armée gouvernementale sri lankaise, mais continuent à la protéger. Après que le rapport ait été publié, le secrétaire d’État à la défense Gotabayah Rajapaksa a annoncé que le Sri Lanka «devra chercher la protection de la Russie et la Chine».
Les actions de ces gouvernements sont une extension de la manière dont ils traitent leur propre population. Ils n’accordent absolument aucun intérêt aux droits de l’Homme. Le rôle brutal de l’Inde au Cachemire et dans d’autre partis du pays est bien connu. Aucun gouvernement indien n’a jamais prêté la moindre attention à la décision des Nations-Unies d’organiser un référendum au Cachemire quant à son indépendance. Il existe beaucoup de documentation quant au massacre d’ethnies entières et de militants en leur faveur par le gouvernement indien au nom de la fameuse “opération green hunt” (récente campagne anti-terroriste lancée par l’État indien contre les milices naxalites organisées notamment par le Parti communiste d’Inde (maoïste) dans le “couloir rouge” formé par dix provinces – constituant ensemble 40% de la superficie de l’Inde – de l’est du pays –– NDT).
D’une même manière, le rôle du gouvernement russe en Tchétchénie et les maltraitances infligées par le gouvernement chinois à la population tibétaine et dans le reste de leurs pays sont tristement célèbres dans le monde entier. Ces États, qui méprisent les droits des masses de leur propre pays, n’ont pas le moindre scrupule à collaborer avec d’autres gouvernements qui commettent des crimes de guerre, tel que le régime Rajapaksa.
Les Nations-Unies et les intérêts impérialistes
Le gouvernement srilankais dépend de plus en plus du soutien de la Chine, de l’Inde, et des “États voyoux” tels que l’Arabie saoudite. Cet état de fait entre en conflit avec les intérêts de l’impérialisme occidental en Asie du sud. L’impérialisme occidental pourrait utiliser le rapport des Nations-Unies en tant que levier pour réétablir son influence dans la région.
Cependant, il y a une limite que l’Occident n’est pas prête à dépasser. Nous ne devrions pas sur-estimer le fait que ceci le mènera à défendre les intérêts des masses opprimées, ni à exiger le droit à l’auto-détermination ou toute autre solution politique.
Parmi la gauche traditionnelle en Inde, certains affirment que les rivalités inter-impérialistes peuvent être utilisées pour faire progresser les intérêts des opprimés. Cependant, sans une forte organisation indépendante des masses laborieuses et pauvres, une telle stratégie risque de faire tomber ceux qui désirent riposter dans le piège des impérialistes.
Nous avons vu comment les impérialistes se “liguent” bien souvent contre les intérêts des masses opprimées, malgré leurs différences. Les États indien et pakistanais, par exemple, ont mené ensemble campagne contre toute critique pouvant menacer le gouvernement srilankais. Bien que le Sri Lanka ne possède pas l’énorme manne pétrolière de la Libye – une des principales raisons derrière l’intervention de l’impérialisme occidental dans ce pays – sa position stratégique, y compris sa valeur aux yeux des ambitions régionales chinoises, le rend important pour les puissances occidentales. Les mesures mises en œuvre par les impérialistes au Moyen-Orient après que la vague révolutionnaire ait commencé à s’y répandre constituent à cet égard une bonne leçon.
La soi-disant “intervention humanitaire” en Libye n’est qu’une tentative de briser la vague révolutionnaire au Moyen-Orient, avec l’intention de regagner le contrôle sur les ressources naturelles. Kadhafi est pour eux un partenaire peu fiable, au contraire des régimes du Bahreïn et d’Arabie saoudite. Aucune action n’a été entreprise à l’encontre de ces régimes, malgré le fait que ces États ont utilisé la même violence meurtrière contre les manifestants pro-démocratie.
Le secrétaire aux affaires étrangères britannique, William Hague, en défendant sa visite en Syrie malgré les tueries qui y sont organisées contre les masses révoltées, a insisté sur le fait que son gouvernement est sur le point de conclure un “deal” avec le gouvernement syrien et le président Bashar al-Assad. Assad est considéré comme un “réformateur” potentiel. Ceci est en complète contradiction avec les intérêts des masses syriennes, qui exigent le renversement du régime Assad.
En outre, le rôle des puissances occidentales en Libye a été encore plus discrédité par leur rôle dans le massacre de millions de simples citoyens en Irak. Le rôle contradictoire des soi-disant “préoccupations humanitaires” dans la région démasque clairement les intérêts impérialistes des gouvernements occidentaux.
L’idée selon laquelle les masses opprimées devraient d’une manière ou d’une autre accorder leur soutien à l’intervention de l’impérialisme occidental en Libye – censé empêcher le “massacre potentiel” – est absolument erronnée. Le régime égyptien, qui a lui aussi voté le soutien à la résolution de mai 2009 sur le Sri Lanka, a été balayé par le mouvement de masse historique du peuple égyptien. C’est un mouvement comme cela, avec une telle confiance en soi, qui pourrait mettre un terme définitif à des régimes tels que celui de Kadhafi.
L’intervention impérialiste est une autre raison pour laquelle la révolution, qui est partie de Tunisie pour se propager à l’Égypte puis à Benghazi, n’a jusqu’ici pas eu le même impact à Tripoli. Kadhafi a été capable de mobiliser un certain soutien, non pas basé sur la loyauté tribale, mais aussi sur l’antagonisme anti-impérialiste des masses. La seule chose qui peut prévenir le massacre et sauver la révolution est l’action des masses unies à Tripoli, une fois qu’elles auront assez de confiance pour se dresser contre Kadhafi. La soi-disant intervention humanitaire de l’impérialisme est tout sauf ça. Qui plus est, elle a déjà causé énormément de morts.
Le régime du Sri Lanka tente de même de se baser sur l’antagonisme anti-impérialiste qui vit parmi les masses. L’ex ambassadeur sri lankais aux Nations-Unies, Dayan Jayatilleka, a attaqué les puissances impérialistes occidentales lors de la onzième session spéciale à l’UNHCR en mai 2009, afin de s’attirer un soi-disant soutien “anti-impérialiste” : «Ces gens sont les mêmes qui ont certifié que l’Irak détenait des armes de destruction massive. Je ne leur ferais pas confiance pour acheter une voiture d’occasion, encore moins en ce qui concernerait de prétendus “crimes de guerre” !» Même ce fidèle laquais a été viré par le président un peu plus tard sous le prétexte d’avoir défendu la “régionalisation” dans un journal local. Le secrétaire à la défense Gotabhaya Rajapaksa a été encore plus loin dans son “analyse”, annonçant : «Ils sont jaloux, parce qu’eux n’ont pas été capables de vaincre le terrorisme comme nous l’avons fait». Un autre loyal serviteur du régime sri lankais, et prétendu expert mondial en terrorisme, le Professeur Rohan Gunaratna, fait remarquer que : «En Irak et en Afghanistan, où plus d’un million de civils ont été tués, il n’y a pas de comité d’experts qui conseillet au secrétaire général de l’ONU de mener une enquête sur les crimes de guerre».
Le régime utilise l’hypocrisie des Nations-Unies et de l’impérialisme à son avantage, tout comme le régime Kadhafi en Libye. Nous aussi, nous nous opposons fermement aux non-respect des droits de l’Homme et à leur exploitation par les puissances occidentales, mais nous devons aussi étaler au grand jour l’hypocrisie qui se trouve derrière la pseudo-rhétorique “anti-impérialiste” du régime srilankais.
Malgré sa rhétorique, le régime sri lankais est toujours aussi coopératif vis à vis des puissances impérialistes tant régionales qu’occidentales. Le débat autour des “droits de l’Homme” est en partie dû à la concurrence entre les puissances régionales, comme la Chine et l’Inde, et les puissances occidentales qui cherchent à établir des conditions favorables afin d’obtenir un avantage sur le plan économique. Le FMI et la Banque mondiale ont donné leur plein accord concernant les prêts au gouvernement srilankais, et ont érigé le Sri Lanka au rang de “paradis pour les investisseurs”. Le gouvernement srilankais mène en ce moment une politique brutale de privatisations, attaques sur les pensions et soi-disant réformes fiscales, telle que dictée par le FMI. La pseudo rhétorique anti-impérialiste du régime Rajapaksa et son exaltation du nationalisme cingalais ont également pour but de détourner l’attention des masses laborieuses et pauvres des attaques brutales menées par Rajapaksa sur leurs conditions de vie et sur les services.
En outre, nous ne verrons pas l’annualtion des prêts du FMI ou de la Banque mondiale sur base d’un scandale de “crimes de guerre”. Même après la fuite du rapport du comité d’experts de l’ONU dans les médias, les congressistes américains ont continués à voter en faveur d’un “renforcement des liens entre le Sri Lanka et les États-Unis”. Le nouveau vice-président de la commission Sri Lanka du Congrès américain, Chris Van Hollen, qui est aussi un Démocrate, et qui défend les coupes budgétaires d’Obama, appelle l’ensemble de ses collègues à soutenir cet appel. En d’autres termes, l’impact de ce rapport pour le sauvetage des masses opprimées sera en réalité extrêmement minimal.
Le secrétaire assistant américain Robert Blake, qui a visité le Sri Lanka après que le rapport de l’ONU ait été publié, a donné son soutien indéfectible au gouvernement. Il a félicité le “progrès positif” et a affirmé que la LLRC (Commission pour la réconciliation et les leçons apprises, qui est fort critiquée dans le rapport de l’ONU) joue un “rôle important”. Dans une déclaration publiée le 4 mai, M. Blake dit que «Lors de mes rencontres officielles aujourd’hui, j’ai assuré au gouvernement sri lankais du fait que les États-Unis s’engagent à un partenariat fort et à long terme avec le Sri Lanka, et que des rumeurs concernant notre soutien à un “changement de régime” n’ont pas le moindre fondement. J’ai exprimé notre soutien pour les efforts du gouvernement visant à relever le pays après cette guerre civile dévastatrice, et ai encouragé de nouveaux pas en direction de la réconciliation et d’un Sri Lanka paisible, démocratique et uni». Il y a une très brève mention du rapport des Nations-Unies, dans laquelle il affirme que ce rapport souligne l’importance d’une “solution politique capable de forger un Sri Lanka uni”, et l’importance du “dialogue avec les Nations-Unies” de la part du Sri Lanka ! Voilà bien le genre de comportement hypocrite auquel nous devons nous attendre de la part des puissances impérialistes !
L’attaque sur la diaspora, et l’absence de solution politique
Parmi les cinq raisons citées par le rapport de l’ONU en tant qu’“obstacles à la reconnaissance”, on retrouve le “rôle de la diaspora tamoule” : «Certains ont refusé d’admettre le rôle des LTTE dans le désastre humanitaire dans le Vanni (la région du Nord du Sri Lanka), ce qui crée un obstacle supplémentaire sur le chemin de la reconnaissance et de la paix durable».
Il ne fait aucun doute que les Tamouls de la diaspora ont été les plus virulents à crier contre le massacre qui a lieu au Sri Lanka, tandis que les gouvernements de tous les autres pays ont préféré gardé le silence.
Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues pour y clamer leur dégout. L’inaction de la part des organes gouvernementaux occidentaux et internationaux a radicalisé un grand nombre de gens, surtout parmi les jeunes.
Il n’est pas exagéré de dire que les jeunes Tamouls de la diaspora sont plus politisés aujourd’hui que pendant les trente années qu’a duré la guerre civile. De nouvelles vagues de jeunes se sont impliquées dans des activités politiques. Cette politicisation a eu pour conséquence la création de toute une série d’organisations de jeunes.
Tamil Solidarity désire rassembler le plus grand nombre possible de ces jeunes afin de mener une riposte de principe contre le régime chauviniste sri lankais, et appelle à une lutte unie avec l’ensemble des masses opprimées.
Cette politicisation n’est certainement pas un résultat favorable ni pour l’impérialisme occidental, ni pour le régime srilankais. Ces gens préfèrent les “diplomates” qui restent contrôlables, ceux qui vont faire en sorte que la société reste passive dans leurs intérêts, non pas la jeunesse qui se rebelle de colère contre l’injustice. Pendant la guerre, les ministres et députés du gouvernement Labour au Royaume-Uni ont fait toutes sortes de promesses dans une tentative de racheter la jeunesse révoltée pour pouvoir la contrôler. Ils n’ont tenu aucune de leurs promesses.
Les establishments sentent un “danger” dans la direction que pourrait prendre ce mouvement des jeunes de la diaspora. Les jeunes tirent la conclusion assez correcte du fait que l’attaque sur les Tamouls opprimés fait partie d’une lutte contre l’ensemle des masses opprimées. De plus en plus de jeunes participent de manière active à la politique locale de leurs pays respectifs contre les injustices, contre le racisme, contre les attaques sur les minorités, contre le chômage des jeunes, et contre les attaques sur les services publics.
En outre, il y a aussi une insistance naissante pour plus de démocratie, la nécessité de travailler avec les syndicats, les organisations de gauche et d’autres mouvements qui mènent campagne pour les droits et contre l’oppression.
L’establishment veut saper ce processus. Il souhaite pacifier et faire dérailler cette colère, car il comprend que cette rage est de plus en plus dirigée contre lui. Et il veut pousser ces jeunes vers la droite du spectre politique.
Le fait d’accuser la diaspora de garder le silence sur les crimes supposés des LTTE est, à ce stade, une des manières par lesquelles ils veulent atteindre leurs buts. Ils cherchent à propager un total rejet des idées des LTTE par la diaspora, et s’attendent à sa coopération dans le cadre du “développement et de la réconciliation” pour un Sri Lanka uni.
De solides groupes militants tels que Tamil Solidarity, tout en s’opposant fermement au régime srilankais, ont toujours remis en cause les méthodes utilisées par les LTTE. Nous avons attentivement expliqué les raisons pour lesquelles les LTTE ont été vaincus. Un des principaux échecs des Tigres a été leur absence d’un appel à l’ensemble des masses en lutte dans le sud du Sri Lanka, dans le Tamil Nadu (la province tamoule du sud de l’Inde, qui compte 70 millions d’habitants, y compris plusieurs grandes villes telles que Chennai (anc. Madras) – à titre de comparaison, le Sri Lanka compte 20 millions d’habitants, dont 2 millions de Tamouls –– NDT) et dans le monde.
Nous avons aussi critiqué les LTTE en ce qui concerne les tueries internes, les attaques contre la population musulmane (il y a 1 million de musulmans au Sri Lanka –– NDT) , et l’exécution de civils au cours de la dernière phase de la guerre. La majorité de la couche active de la diaspora ne nie pas ces faits non plus.
Cette analyse est importante, pas seulement pour critiquer les LTTE, mais pour pouvoir avancer dans la lutte. Cela représente une étape cruciale dans la définition d’une stratégie pour la prochaine étape de la lutte. C’est là une chose complètement différente de l’agenda des Nations-Unies qui se cache derrière son attaque sur les LTTE.
L’idée que la diaspora désire d’une certaine manière promouvoir le terrorisme est entièrement fausse. Toutefois, confrontés à l’immense violence contre la population tamoulophone du Sri Lanka, la première réponse de la jeunesse tamoule ne sera pas dirigée contre la direction des LTTE, dont tous les membres ont été assassinés par le gouvernement du pays. Au lieu de ça, ils vont certainement concentrer leur colère sur le gouvernement criminel du Sri Lanka et sur l’establishment occidental qui garde toujours le silence.
Dire à la diaspora que son premier rôle est de dénoncer les LTTE, revient à paver la voie pour la coopération des Tamouls avec l’État srilankais. Une telle collaboration pourrait ne pas se faire avec le gouvernement actuel qui est directement responsable du génocide, mais pourrait être organisée avec de futurs gouvernements srilankais avec lesquels l’Occident espérera pouvoir faire de bonnes affaires. En même temps, il est important pour les Tamouls de la diaspora de se distancier des erreurs faites par les LTTE, afin de ne laisser aucun espace à des organes droitiers tels que les Nations-Unies pour attaquer les campagnes de la diaspora.
Il suffit d’une simple compréhension du rôle de l’impérialisme et de la manière de lui résister. Construire une organisation sérieuse et indépendante, qui se batte sans aucun compromis pour les droits de masses opprimées, est la clé pour mener la lutte plus en avant. Ceci devrait se faire sur base non seulement d’une opposition au gouvernement Rajapaksa et à ses laquais, mais aussi sur base d’une opposition à toute forme d’oppression. Une fine compréhension des diverses forces de classe en action dans la société est requise afin de bâtir un mouvement capable d’amener un changement fondamental.
Ce mouvement peut être construit en regroupant les militants progressistes, les syndicalistes et les socialistes. Mais ce ne sera pas une tâche facile, car de sérieux obstacles doivent être surmontés avant que la confiance des masses puisse être gagnée. La trahison de l’ancienne organisations des masses opprimées autrefois si puissante, le Lanka Sama Samaja Party (LSSP – Parti srilankais pour l’égalité sociale, ex-membre de la Quatrième internationale, et ancien parti ouvrier de masse, qui dispose aujourd’hui d’un siège au parlement srilankais dans le cadre d’une coalition avec le parti de Rajapaksa –– NDT), est toujours fraiche dans la conscience des masses ouvrières du Sri Lanka.
C’est la décision du LSSP de rejoindre le gouvernement de droite en 1964, puis de refuser le droit des minorités dans la constitution de 1972, qui a créé les conditions pour l’afaiblissement de la classe ouvrière et une hausse des tensions ethniques. La force de la classe ouvrière avait été constamment attaquée par les gouvernemens de droite qui se sont succédé. Aujourd’hui, l’épave de ce qui reste du LSSP se trouve maintenant au gouvernement, et joue le rôle de couvrir ses crimes de guerre.
De même, la trahison des partis tamouls ne sera pas oubliée non plus. En l’absence d’une véritable organisation de masse indépendante des travailleurs et des pauvers, des partis tels que le JVP se sont embourbés de plus en plus, en mêlant marxisme et rhétorique anti-establishment, avec chauvinisme et nationalisme cingalais et bouddhiste.
Sur une telle toile de fond, il pourrait sembler impossible de regagner la confiance des masses afin de construire un mouvement combatif. Cependant, la reconstruction d’un tel mouvement est la seule manière de mettre un terme à l’oppression, à l’exploitation et à la guerre. En outre, il existe de véritables forces dans le sud du pays qui se positionnent toujours fermement du côté des masses opprimées. Le Parti socialiste uni, par exemple, n’a jamais reculé dans sa lutte cohérente contre les divers et brutaux gouvernements srilankais. Il n’a jamais non plus hésité dans son soutien pour le droit à l’auto-détermination des masses tamoulophones. Pendant la guerre, les membres de l’USP ont risqué leurs vies et ont mené une campagne virulente afin de mettre un terme à la guerre, dont a notamment beaucoup parlé dans les médias du Tamil Nadu en Inde.
Nous devons rassembler nos forces dans une telle organisation, et renforcer notre riposte. Nous devons aussi lancer un appel à l’ensemble des masses opprimées de l’Inde, et en particulier au Tamil Nadu, afin qu’elles nous rejoignent.
Il serait stupide de placer le moindre espoir dans le gouvernement srilankais, ni dans toute autre puissance extérieure, pour nous fournir une solution. Les attaques contre les minorités au Sri Lanka n’ont jamais été aussi intenses, et le gouvernement actuel a complètement mis de côté tout effort envers une solution politique.
Le président a notamment déclaré que : «Il n’y a pas de minorités dans ce pays». Ni les Nations-Unies, ni aucune puissance étatique ne propose non plus la moindre solution politique. Pour de telles puissances, le droit à l’auto-détermination est hors de question.
Certains ont même émis l’idée comme quoi le fait de nous opposer à l’impérialisme pourrait nous faire perdre le soutien de la soi-disant “communauté internationale”, des gouvernements occidentaux. Mais, sur le long terme, les masses opprimées ne vont rien gagner du tout en s’alliant avec ces oppresseurs. Au contraire, elles ont beaucoup à perdre – le soutien de tous ceux qui se battent contre eux –, et ils ne faut pas leur faire confiance pour faire quoi que ce soit qui ne rentre pas dans le cadre des intérêts de leurs propres classes capitalistes.
Par exemple, le peuple tamoul ne peut pas appeler le parti conservateur britannique (Tory) un allié, sur base d’un quelconque discours sur les droits de l’Homme fait par un de ses députés. Ceci représenterait une trahison aux yeux des millions de travailleurs au Royaume-Uni, de toutes origines, qui sont confrontés à un véritable bombardement d’attaques constantes sur les emplois, sur les services publics (comme la santé ou l’éducation) et sur les allocations de la part du gouvernement de coalition Tory/libéral-démocrate.
En s’associant avec un tel parti anti-travailleurs, les Tamouls non seulement perdraient le soutien potentiel de ceux qui se battent contre ces coupes budgétaires, mais trahiraient également les masses tamoules en leur donnant un faux espoir dans ces politiciens.
En fait, l’approche pro-monde des affaires des Tories est totalement opposée au moindre soutien à toute forme de riposte par les pauvres et par les travailleurs. Leur intérêt est purement avec les patrons et les hommes d’affaires qui cherchent à cacher le massacre qui s’est produit au Sri Lanka, et au lieu de cela, à promouvoir la création de zones de libre échange dans le Nord. Ces zones seront des sites d’exploitation intensive de la jeunesse tamoulophone. Rajapaksa a déjà promis une “main d’œuvre bon marché” en tant que moyen de “réhabilitation” des ex-Tigres ! La question des alliances est donc cruciale. Nous devons nous allier avec ceux qui se battent réellement contre l’inégalité et contre l’exploitation.
Au milieu de la crise économique monidale et des pénuries alimentaires, la lutte contre les autres gouvernements qui appliquent des coupes similaires dans les emplois et dans les services publics s’est accrue en Europe et au-delà.
À Londres, plus d’un demi-million de travailleurs ont défilé le 26 mars contre le gouvernement Con-Dem. Au Portugal et en Espagne, des centaines de milliers de gens ont manifesté pour les mêmes raisons. Des batailles de classe massives se déroulent en Grèce. Ces gouvernements, tout en attaquant les services publics, tentent aussi de fomenter le racisme et d’autres divisions dans ces pays. On voit la tentative de montrer du doigt les immigrants, sur base de la pression sur les services et les emplois limités, dans l’espoir d’en faire des boucs émissaires. Si le blâme pour les coupes budgétaires est dirigé à d’autres sections de la classe ouvrière et des pauvres, cela permet aux gouvernements de continuer leur politique au service des intérêts des riches et des grands patrons.
Il y a un processus similaire au Sri Lanka, où le gouvernement a tenté de détourner l’attention et de diviser l’opposition par le biais du nationalisme cingalais, afin de pouvoir mettre en place sa politique brutale.
Nous, les travailleurs, les minorités ethniques, les jeunes et les pauvres, portons le fardeau de ces attaques. En tant que minorités dans ces pays, les Tamouls sont aussi la cible du racisme et d’autres formes d’abus qui sont exacerbés par les partis de droite et les médias. Il nous faut répondre à ces attaques.
Que chacun sache que où que nous soyons, nous nous dresserons contre l’oppression sous toutes ses formes, et riposterons. Cette riposte sera encore plus renforcée si nous nous faisons cause commune avec les luttes qui se déroulent en ce moment à travers toute l’Europe.
Aucun droit ne peut être obtenu sans une lutte. Ainsi, le fait que les jeunes rejoignent les marches antiracistes et les manifestations de travailleurs au Royaume-Uni et en Belgique, est un développement significatif. Le fait que les Tamoulophones aient rejoint les action du Premier Mai à travers toute l’Europe est également un important pas en avant. Et c’est une telle solidarité et unité qui sème la panique dans le cœur des oppresseurs, au Sri Lanka comme ailleurs.
S’unir pour riposter
On peut comprendre que les Tamouls au Sri Lanka attendent contre tout espoir que le rapport de l’ONU puisse constituer un pas en avant dans le soutien à la lutte pour leurs droits.
On peut comprendre que certains pauvres tamouls au Sri Lanka espèrent qu’une “force extérieure” leur vienne en aide. Mais il est inutile de créer des illusions dans le seul but de fournir un réconfort temporaire. Cependant, Tamil Solidarity exigera des Nations-Unies qu’elles prennent au moins quelques mesures afin que soient mises en vigueur les recommendations détaillées dans ce rapport. Si l’ONU s’avère incapable d’entreprendre la moindre action sérieuse contre le gouvernement srilankais, son hypocrisie n’en sera que plus dévoilée.
Mais l’Alliance nationale tamoule (TNA) tente d’utiliser les attentes de la population tamoulophone pour se créer une base électorale. Elle fait cela en créant l’espoir que les Nations-Unies, voire l’Inde, peuvent apporter leur aide. Elle tente aussi de cacher le rôle crucial qu’a joué l’Inde dans la guerre. Il est important de rappeler que le gouvernement srilankais n’aurait pas pu gagner la guerre sans le soutien de l’Inde et de la Chine.
Le fait que le gouvernement indien refuse de faire la moindre critique à l’encontre du régime srilankais actuel, même après avoir accepté le fait qu’un massacre de masse se soit déroulé pendant la guerre, ne devrait pas nous surprendre. Il serait criminel de la part de la TNA de créer des illusions en faveur des mêmes forces qui ont joué un rôle dans le massacre de masse des Tamouls, et qui persévèrent en ce moment dans leur politique d’exploitation des victimes.
La TNA, tout en devenant de plus en plus “amicale” envers le régime meurtrier actuel, sous l’argument risible qu’elle n’a pas d’autre choix, refuse de chercher un allié parmi les forces qui continuent à se battre pour les droits de la population tamoulophone.
La TNA est clairement en train de suivre la voie déjà empruntée par son prédécesseur, le Front uni de libération des Tamouls (TULF), qui avait pour habitude de baratiner les Tamouls dans ses zones d’implantation afin de gagner des votes, en même temps qu’il était main dans la main avec les oppresseurs au parlement. C’est là une des raisons qui ont fini par pousser la jeunesse tamoule à prendre les armes.
Les jeunes et les militants du Sri Lanka doivent rompre avec ce genre de politique trompeuse. Ils doivent rejoindre les véritables combattants et militants dans leur pays. Il y a beaucoup à gagner pour les masses opprimées qui s’opposeront au gouvernement sur diverses plateformes, bien plus qu’en jouant le jeu des “négociations” qui ne mèneront à rien.
Il y a des journalistes, des militants et de véritables gens de gauche dans le pays qui continuent à se battre pour le droit à l’auto-détermination des masses tamoulophones. Depuis la fin de la guerre, ils se sont vus contraints de dénoncer la loi d’urgence et l’Acte de prévention du terrorisme.
Le gouvernement prétend avoir gagné la guerre contre le “terrorisme”, mais n’a pas abrogé ces lois draconiennes. Ces campagnes doivent être renforcées. Il faut aussi soutenir l’ensemble des forces qui se battent avec courage pour la liberté des médias et pour les droits démocratiques, et cela même au péril de leurs vies.
Plus important encore, nous devons nous opposer à la création des zones de libre échange promises par le régime aux gouvernements indien, chinois et occidentaux. Ces zones ne seront pas les centres de soi-disant “réhabilitation” tels que le régime cherche à les faire passer. Elles seront au contraire des centres d’exploitation intensive, où les victimes de la guerre et les ex-membres des LTTE seront forcés de travailler pour le plus bas salaire possible.
La reconstruction de syndicats puissants est urgemment requise en tant que meilleure opposition capable de s’opposer à ces conditions cruelles. De telles organisations ouvrières pourraient aussi remettre en question dans les faits les conditions inhumains et les bas salaires qui existent déjà à l’heure actuelle. La hausse rapide des prix de la nourriture, par exemple, constituera un autre “détonateur” pour un mouvement de masse contre le gouvernement, tout comme en Tunisie.
Les “négociations” et la “coopération” avec les oppresseurs ne rapporteront jamais le moindre résultat aux pauvres et aux opprimés. Pour défendre nos droits et en gagner de nouveaux, la tâche urgente est de construire des partis indépendants des travailleurs et des pauvres, et des syndicats puissants et démocratiques.
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La politique d’austérité, ça ne marche pas
L’illusion selon laquelle la Grèce, le Portugal, l’Irlande et d’autres pays embarqués dans les griffes des marchés financiers pourraient trouver une issue en assainissant commence à partir en fumée. De plus en plus de représentants de l’establishment plaident prudemment pour un rééchelonnement des dettes afin d’éviter le pire. Car les résultats des plans d’austérité sont décevants : au lieu d’approcher d’une solution, les problèmes se sont aggravés.
Par Eric Byl
Les politiciens et patrons belges ainsi que leurs “cellules de réflexion” sont d’accord : il faut de toute urgence un vrai gouvernement afin de prendre des mesures structurelles. Ce n’est pas que Leterme présente un mauvais rapport ; les assainissements réalisés par l’AIP sur le dos des travailleurs ou ceux consécutifs au fonctionnement avec des douzièmes provisoires ne sont pas négligeables.
Mais, en comparaison de l’Irlande, du Portugal, de la Grèce ou du Royaume Uni – où c’est à la hache qu’on coupe dans les services publics, les salaires et les allocations sociales – jusqu’à maintenant, nous nous en sortons à bon compte. Trop d’ailleurs, aux dires du patronat et de ses laquais. Notre pays échappe pour l’instant à la pression des agences de notation de crédit, au contraire de l’Etat grec qui est maintenant forcé de payer des intérêts de 15,1% pour ses emprunts sur dix ans. En mai 2010, quand le FMI et les Etats-membres de l’Union Européenne avaient permis un emprunt de 110 milliards d’euros, il ne s’agissait encore ‘‘que’’ de 8%. En Grèce, le déficit budgétaire est de 10,5% et la dette de l’Etat a grimpé jusqu’à 142,8% du PIB. Ce n’est pas étonnant. Le plan d’austérité draconien que l’UE et le FMI ont imposé à la population grecque a, l’an dernier, fait chuter l’économie de 4,5% après une contraction antérieure de 2,3%. Cette année encore, on s’attend à un rétrécissement de 3,5%.
En Irlande aussi, les mesures d’austérité draconiennes conduisent à une croissance économique négative. Le déficit budgétaire est maintenant de 32,4%, après une croissance négative trois ans de suite. Le plan d’austérité que le FMI et l’UE imposent au Portugal en échange d’un emprunt de 78 milliards d’euros va dès cette année jeter l’économie portugaise dans une récession de deux ans. L’an dernier, le Royaume Uni pouvait encore, comme il ne fait pas partie de la zone euro, présenter des chiffres de croissance économique soutenus par une politique de taux d’intérêts extrêmement bas sur leur monnaie, mais le déficit budgétaire a augmenté jusqu’à 10,4%.
Nous insistons : ce ne sont pas les travailleurs et leurs familles qui ont massivement investi dans les crédits toxiques, mais bien les banques et beaucoup d’entreprises privées. Cela vaut pour la Belgique, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande,… Quand les banques ont dû être sauvées, elles n’ont jamais été forcées d’accepter le type de mesures aujourd’hui dictées aux pays plongés dans une spirale de dette à cause du sauvetage de leur secteur bancaire. Les paquets d’aide à ces pays n’ont rien à voir avec la solidarité. Ils ne servent qu’à mettre à couvert les banques allemandes, françaises et autres qui ont fortement investi dans les crédits des pays PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne). En même temps, les marchés ‘‘plus sains’’ au nord pompent le capital des marchés contractés des pays sous curatelle. C’est la raison principale qui explique l’actuelle croissance allemande.
Les assainissements arrivent néanmoins à leurs limites. Qu’importe ce que peuvent dire les grands patrons européens : la publication dans Der Spiegel de la menace de la Grèce (évidemment niée par le gouvernement grec) de se retirer de la zone euro et de réintroduire le Drachme a suffi pour extorquer le rééchelonnement de la dette tant vilipendée. Ils n’aiment pas l’avouer, mais la volonté du FMI et de l’UE de considérer un ajournement du paiement de la dette grecque, ça revient à quoi d’autre qu’à un rééchelonnement? La rapacité ne connaissant toutefois pas de limites, la Grèce est en échange sensée mettre ses entreprises publiques en vente.
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Des trous dans la couche de l’eurozone
Le 16 novembre passé, au terme d’une réunion d’urgence de la Commission Européenne, de la Banque Centrale et du FMI (Fonds Monétaire International), le président du Conseil Européen, Hermann Van Rompuy, déclarait que ‘‘l’union monétaire est confrontée à une crise pour sa survie’’. Pour renflouer les caisses de l’Irlande et de la Grèce menacées de faillite, il était jugé indispensable que les Etats européens qui résistaient mieux à la crise accordent des prêts à leurs partenaires plus faibles… et ils ne s’y prêtaient que de mauvaise grâce. Quelques mois plus tard, et malgré les milliards mobilisés au sein d’un fond européen de stabilisation financière bidouillé dans l’urgence, la crise ne s’éteint pas: la Grèce s’enfonce dans la crise.
Par Simon (Liège), article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste
L’agence de notation tristement célèbre Standard & Poor’s a abaissé la note de la Grèce de deux crans, la faisant passer dans la catégorie des ‘‘emprunteurs peu fiables’’. Le pays menace même de quitter la zone euro pour revenir à la drachme. Cette menace a peu de chance d’être mise à exécution, mais il est effectivement tentant pour un gouvernement grec aux abois d’y recourir. Une telle mesure aurait pour conséquence de dévaluer la monnaie grecque et, du même coup, de diminuer sa dette. Mais cela mettrait aussi en péril la zone euro elle-même. Il n’est pas garanti que la ‘‘crise pour la survie’’ de l’union monétaire trouve une issue favorable. Pour les travailleurs grecs et leurs familles, dans tous les cas, le choix se posera entre l’austérité au sein de la zone euro ou une inflation galopante provoquée par la sortie de l’eurozone. Une alternative comme on en fait peu!
Notre courant politique a toujours maintenu la position que construire une Union Européenne dans le cadre du marché était une entreprise vouée tôt ou tard à l’échec. Les élites des différents Etats membres jouant en définitive le jeu européen pour leur propre compte, il était clair pour nous qu’au premier séisme économique de forte magnitude, chacun se retrancherait derrière ses propres frontières nationales. Cela nous avaient valu, à l’époque, les ricanements des économistes officiels et académiciens adeptes de l’Europe des régions aussi bien que le dédain des néo-marxistes pour lesquels nous étions incapables de comprendre l’émergence de la nouvelle bourgeoisie supranationale.
On entend moins, ces temps-ci, ces brillants analystes. Mais il ne s’agit pas ici de polémiquer de façon abstraite, il s’agit de se rendre compte que les bourgeoisies des différents pays de la zone euro n’aideront la bourgeoisie grecque que tant que cela sert leurs propres intérêts. Cette aide, la plupart des économistes la jugent indispensable à la survie de l’économie grecque. ‘‘Une seule solution: la solidarité’’ déclarait l’économiste français Hakim El Karoui dans Le Monde du 10 mai. Mais avec l’approfondissement de la crise et les difficultés croissantes auxquelles les différents Etats seront confrontés, cette solidarité risque d’être difficile à trouver. Le même économiste rappelle aussi cette évidence: l’austérité appliquée à grande échelle en Europe ne peut qu’étouffer tout début de reprise puisqu’elle empêche une augmentation de la consommation des ménages. En Grèce certainement plus encore qu’ailleurs, toutes les mesures d’assainissement exigées par ses bailleurs de fonds n’ont fait que prolonger et accentuer la crise. L’économie grecque s’est contractée de 4,4% l’année passée et l’on s’attend à une nouvelle baisse de 3,5% cette année.
La Grèce est sans doute l’exemple le plus frappant de l’ampleur de la crise, elle n’est pas pour autant un cas isolé: L’Irlande, le Portugal, l’Espagne sont confrontés aux mêmes problèmes, obligés de contracter auprès des Etats membre de la zone euro des prêts aux conditions léonines les contraignant à appliquer une austérité sauvage.
Mais ces mesures ont évidemment un corollaire: les travailleurs des pays concernés ne sont pas prêts à subir sans réagir les conséquences d’une crise qu’ils n’ont pas provoquée. En Grèce se sont déroulées pas moins de neuf grèves générales. Au Portugal, on a assisté à plusieurs grèves sectorielles, manifestations nationales et à une grève générale. Toutes ces actions ont résonné du slogan ‘‘Nous ne payerons pas pour leur crise’’. En Espagne, la jeunesse précarisée depuis de longues années déjà refuse d’être la laissée-pour-compte d’une économie en faillite. Inspirée par l’exemple égyptien, elle occupe les places de 57 villes et villages et réclame un changement du système.
Ces revendications sont centrales pour le mouvement ouvrier international: les protestations doivent être organisées sur base du refus absolu de payer les dettes de gouvernements aux ordres des grands actionnaires. Mais refuser de payer ne suffit pas: sur base du capitalisme, la banqueroute des Etats provoquerait une période de misère prolongée pour les travailleurs. La jeunesse espagnole a raison d’en appeler au changement de système: pour les socialistes, cela signifie enlever aux élites financières le contrôle des banques et des secteurs principaux des économies nationales et européennes. L’économie pourrait ainsi être orientée en fonction des besoins sociaux sous le contrôle de représentant élus des syndicats, des consommateurs et des localités. C’est la base du projet socialiste d’économie démocratiquement planifiée.