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Tag: Portugal
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Opel-Anvers suit le scénario VW : 1.400 travailleurs victimes du nouveau carnage social
La direction de General Motors a enfin clarifié les choses ! Oui, mais au détriment des salariés d’Opel à Anvers… Ce sont 1.400 emplois qui disparaîtront d’ici la fin de l’année. En outre, la nouvelle Astra ne sera pas construite à Anvers. Un modèle de Chevrolet, au succès incertain, sera construit là-bas. Les salariés ont arrêté le travail mais le mot ‘grève’ n’est pas prononcé.
Geert Cool
A Opel comme à VW
General Motors a finalement décidé que la construction de la nouvelle Astra sera effectuée par quatre des cinq sites – Ellesmere Port en Grande-Bretagne, à Bochum en Allemagne, à Gliwice en Pologne et à Trollhättan en Suède – tandis que le site d’Anvers sera consacré à une partie de la production de la Chevrolet.
Opel suit donc l’exemple de VW. Comme nous l’avons déjà écrit, les parallèles sont trop frappants. Dans les deux cas, la direction a essayé de dresser les différents sites les uns contre les autres afin de décrocher un maximum de concessions sur le plan de la flexibilité. Opel a longtemps laissé planer le scénario le plus sombre en espérant ainsi moins de réactions à l’annonce du plan d’assainissement.
Solidarité européenne?
Il règne dans les sites d’Opel une solidarité européenne entre les syndicats des différentes sites. Il a notamment été convenu de répartir les assainissements sur tous les sites. Un succès partiel. Si cette stratégie est importante pour stopper la politique de la direction de « diviser-pour-mieux-régner », cela n’a pas pu arrêter des coups durs.
Lorsqu’en 2005, General Motors avait laissé courir le bruit que 12 usines et 30.000 salariés devaient disparaître aux USA, il était évident que l’Europe allait suivre. Une épuipe a déjà disparu à Ellesmere Port en Grande-Bretagne (900 salariés), 1000 salariés ont été licenciés en 2006 à Azambuja au Portugal et des milliers d’emplois ont aussi été perdus en Allemagne.
Ces attaques ont mené à des actions de protestation au niveau européen. Dans onze sites européens de GM (60.000 salariés), le travail a été arrêté pour une courte durée. Au vu de la dureté des attaques, cette politique était trop défensive. La solidarité européenne tiendra-t-elle encore longtemps si Opel-Anvers est transformé en Chevrolet-Anvers avec une usine à capacité réduite ? Et si GM ne réusit pas à lancer les modèles Chevrolet « à prix démocratique » sur le marché européen ? L’arrivée de Chevrolet est en soi loin d’être certaine.
Chevrolet
Jusqu’ici, Chevrolet est surtout connue comme une marque de voitures de luxe américaines. Après avoir racheté Daewoo, GM désire avant tout produire d’anciens modèles de la marque coréenne sous le nom de Chevrolet pour le marché européen, Daewoo ayant une réputation trop négative. Ainsi, depuis 2005 déjà, GM commercialise des Daewoo sous l’appelation Chevrolet.
Par rapport au succès quasi-assuré de l’Opel Astra, le nouveau modèle de Chevrolet court un risque élevé et la direction s’attend déjà à un succès mitigé. Mais le nombre de Chevrolet vendues a connu une croissance, surtout en Europe de l’Est où déjà 350.000 voitures ont trouvé acquéreur. Mais que fera-t-on si la direction de GM décide de construire ce modèle en Europe de l’Est ?
Réactions syndicales
Les travailleurs d’Opel ont stoppé le travail quand la suppression des 1.400 emplois a été annoncée. On a en revanche pris soin d’insister sur le fait qu’un arrêt de travail n’équivaut pas à une grève. Les travailleurs ont reçu la permission de rentrer à la maison. Le délégué FGTB Rudi Kennis – sixième candidat sur la liste SP.a pour la Chambre à Anvers… – a déclaré que plutôt que de licencier une des trois équipes, il préfèrait répartir les pertes sur l’ensemble du site. Les syndicats ont donc, semble-t-il, accepté les licenciements d’avance. Les syndicats pourraient tenter de se servir des négociations étalées dans le temps dans le cadre de la loi Renault pour créer un rapport de forces, comme ce fut le cas avec succès à Agfa-Gevaert. Mais il y a de sérieux doutes sur leur volonté de procéder de la sorte.
Qu’une lutte semblable à celle de VW se développe est également loin d’être garanti. Pour le délégué CSC Luc Van Grinsven: « Opel-Anvers n’a pas une tradition de conflits. Faire la grève maintenant ne jouerait qu’à l’avantage de la direction. » En conséquence, il n’a été permis aux travailleurs que de rentrer à la maison avec la garantie que les salaires continueraient à être payés. C’est tout à l’avantage de la direction face à la colère qui vit parmi les travailleurs et qui, si elle s’exprimait à l’usine, ferait perdre la mainmise de la direction de l’entreprise (et d’une partie de la direction syndicale) sur les salariés.
Les réactions d’une série de travailleurs étaient sans équivoque: « Nous ne voulons pas voir nos conditions de travail et de salaires descendre à un niveau plus bas encore, nous n’acceptons pas les pertes d’emploi dans l’usine, nous ne voulons pas de scénario « VW ». Les réactions des salariés d’Opel et de VW sont identiques et il est bien commode de tenter d’étouffer l’expression organisée de ce sentiment.
Réactions politiques
Les politiciens traditionnels se sont empressés de limiter les dégâts avant les élections. Peu importe à leurs yeux le sort des 1.400 salariés foutus à la porte tant que leur image peut être préservée. Le premier ministre Verhofstadt souhaite, en concertation avec le gouvernement flamand, aboutir à « un scénario de transition plus avantageux pour le modèle Chevrolet à Anvers ». On négociera donc sur plus de flexibilité et plus de baisses de charges patronales. Un air déjà entendu notamment… à VW.
Jusqu’où peut-on encore pousser davantage la flexibilité et la productivité ? Avec le réglement « plus/minus », il est maintenant possible d’étaler le temps de travail sur… six ans avec la possibilité d’une semaine de travail de 48 heures et une journée de travail de 10 heures. Les charges patronales ont également été abaissées,… Combien de cadeaux supplémentaires le gouvernement accordera-t-il au patronat alors qu’ils sont loin d’avoir pu empêcher le démantèlement d’Opel-Anvers…
Face à la logique néolibérale de démantèlement social et de pertes d’emploi pour maximaliser les profits, il faut une autre politique. Ces nouvelles pertes d’emplois si près des échéances électorales sont un problème pour des politiciens qui n’ont d’autres réponses à offrir que des recettes périmées comme la réduction des charges patronales et l’augmentation de la flexibilité pour les travailleurs. A cela, nous opposons la lutte internationale pour le maintien de tous les emplois dans le secteur de l’automobile.
Nombre de travailleurs chez Opel-Anvers:
- 1990: 10.000
- 1992: 8.797
- 1996: 6.814
- 2001: 5.400
- 2004: 5.100
- 2008: 3.700?
Nombre de travailleurs dans le secteur automobile : – 10.800 entre 2000 et 2010
- Ford Genk: 11.400 (2000) -> 6.000 (2010)
- VW-Forest: 7.100 (2000) -> 2.300 (2010)
- Opel-Anvers: 5.600 (2000) -> 3.700 (2010)
- Volvo-Gand: 3.700 (2000) -> 5.000 (2010)
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Pourqoui MAS/LSP collabore à l’initiative Een Andere Politiek, mais plus à Une Autre Gauche
A sa réunion du 20 juin, le Bureau exécutif du MAS/LSP a décidé de proposer aux membres et militants de quitter « Une Autre Gauche », et ce au moins jusqu’à la conférence du 21 octobre. Auprès de la majorité de nos membres, cette décision est accueillie avec enthousiasme et provoque un sentiment de libération. Pour d’autres, elle soulève plusieurs questions. Ces questions peuvent porter à la fois sur le pourquoi de la décision comme sur la manière de prendre celle-ci. Nous espérons clarifier ces deux aspects avec ce texte.
Le Bureau Exécutif du MAS/LSP
Pour un Nouveau Parti des Travailleurs à la gauche du PS, du SP.a, d’Ecolo et de Groen ! le 21 octobre en résultat de la conférence d’ « Une Autre Politique »
Le MAS/LSP mobilise pour le 21 octobre avec « Une Autre Politique » en Flandre, à Bruxelles et en Communauté germanophone. Par contre, nous sommes arrivés à la conclusion qu’« Une Autre Gauche » n’est pas une aide, mais bien un obstacle dans la formation d’un nouveau parti des travailleurs. En Wallonie, nous allons donc mobiliser pour le 21 octobre avec nos propres forces ou avec d’autres formations démocratiques.
A sa réunion du 20 juin, le Bureau exécutif du MAS/LSP a décidé de proposer aux membres et militants de quitter « Une Autre Gauche », et ce au moins jusqu’à la conférence du 21 octobre.
Auprès de la majorité de nos membres, cette décision est accueillie avec enthousiasme et provoque un sentiment de libération. Pour d’autres, elle soulève plusieurs questions. Ces questions peuvent porter à la fois sur le pourquoi de la décision comme sur la manière de prendre celle-ci. Nous espérons clarifier ces deux aspects avec ce texte.
Nous n’attendons d’Une Autre Gauche que peu ou pas de réponses sur le contenu; le contraire serait une première. La réponse à cette décision – dans le style caractéristique d’UAG – prendra certainement la forme d’accusations, d’attaques sur les aspects formels. On nous présentera comme une secte fanatique de partisans de l’un ou autre gourou,… On prétendra que le MAS/LSP n’est intéressé que par sa propre construction et est fondamentalement anti-démocratique, on recherchera un agenda secret derrière chaque chose dite et/ou écrite,…
Nos membres qui militent depuis quelque temps connaissent ces accusations loufoques. Ils savent qui les met en avant, quels intérêts elles servent et ils savent aussi à quel point les organisations (ou parfois ex-organisations) de nos accusateurs ont décliné au fil des ans et peuvent être elles-mêmes antidémocratiques. Par contre, des membres et sympathisants qui n’ont que peu ou pas du tout d’expérience dans la prise de décision au sein du MAS/LSP pourraient peut-être être amenés à douter. Bien que ce texte soit principalement destiné à un usage interne, nous pensons qu’il doit aussi être accessible aux observateurs et, pourquoi pas, également aux adversaires. Ceux-là vont probablement penser qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu ». C’est pour cela que nous voulons clarifier la manière dont de telles décisions sont prises au MAS/LSP.
Comment se prennent les décisions nationales au MAS/LSP ?
Selon nos statuts, une telle décision peut être prise par le Bureau Exécutif (BE – élu par le Comité National). Cette décision ne peut être renversée que par le BE lui-même ou par un organe supérieur : soit par le Comité National (CN – élu par le congrès), ou bien par le Congrès National organisé tous les deux ans. Le prochain CN est prévu pour la fin août et le congrès pour décembre. Le BE propose de ne pas attendre ces dates, mais de décider le plus vite possible (nous expliquerons plus loin dans le texte – dans le passage sur le contenu – la raison de cette position). Formellement, un tiers du CN (33%) peut revendiquer une réunion d’urgence du CN pour changer ou confirmer la décision du BE. Un tiers du CN ou un quart (25%) des sections peut en plus revendiquer un congrès exceptionnel. En bref : le BE élu peut prendre cette décision, mais les membres possèdent divers instruments pour renverser cette décision. Le MAS/LSP est en plus la seule formation de gauche en Belgique qui reconnaît le droit de former des tendances et des fractions permanentes.
Tout cela est cependant essentiellement formel. Car, pour le MAS/LSP, la démocratie ne se limite pas à un certain nombre de petits règles mises sur papier dans des statuts. Les statuts ne sont qu’un dernier recours. Le plus souvent, si on doit les utiliser, c’est parce que la discussion démocratique a déjà fait faillite. Une direction marxiste démocratiquement élue ne peut pas laisser les choses en venir à ce point sur une question tactique comme celle-ci. Dès le moment où elle constate qu’une partie raisonnable du CN n’est pas d’accord avec la proposition ou exprime de graves doutes, elle va suspendre la décision et réunir un CN exceptionnel. De la même manière, elle va tenir compte de l’existence d’un courant représentatif à la base. Elle va laisser se dérouler pleinement la discussion pour que chaque argument, chaque tendance de pensée soit profondément comprise. S’il faut finalement quand même décider majorité contre minorité, la direction va s’assurer que la minorité soit représentée par une délégation sélectionnée par elle-même (la minorité, donc) à chaque niveau de l’organisation dans l’attente du moment où la pratique va clarifier les diverses hypothèses théoriques. C’est selon nous la seule façon de travailler qui est à la fois démocratique et tout de même efficace.
Pourquoi un nouveau parti des travailleurs ?
La discussion formelle sera peut-être la chose sur laquelle se jettent nos adversaires dans UAG mais le plus important reste la raison du contenu de notre décision. Le MAS/LSP abandonne-t-il l’idée d’un nouveau parti des travailleurs ? Rejetons-nous l’unité à gauche ? Le MAS/LSP ne s’intéresse-t-il à l’unité que dans la mesure où il peut la contrôler? Etc, etc.
Le MAS/LSP a lancé l’appel pour un nouveau parti des travailleurs – « qui puisse réunir tous les courants qui s’opposent aux attaques néolibérales du patronat et des politiciens » – depuis 1995 déjà. Bien longtemps avant que quiconque mette en avant cette orientation. Pourquoi ? Parce que nous voudrions un nouveau PS vu que l’ancien n’est plus satisfaisant? Parce que nous pensions que la révolution n’était plus à l’ordre du jour et qu’il suffirait de s’opposer au néolibéralisme ?
Bien sûr que non. Le MAS/LSP est une organisation socialiste avec un programme révolutionnaire. Et cela parce que nous sommes convaincus que le capitalisme aujourd’hui, contrairement au 19e siècle, ne peut plus jouer aucun rôle progressiste et ne vit plus que par une exploitation à outrance de l’homme et de l’environnement et parce que nous sommes convaincus aussi que seule une société dans laquelle la production est orientée en fonction des besoins de tous et non pas des profits de quelques-uns, une société socialiste donc, peut offrir une issue à l’humanité.
Pourquoi donc réunir « tous les courants qui s’opposent au néolibéralisme » ? Parce que le MAS/LSP est convaincu que la dégénérescence de la social-démocratie en un pur instrument du patronat fait que les travailleurs et leurs familles n’ont plus d’instrument politique, même déformé. La mainmise de la social-démocratie sur la direction de la FGTB et celle de la démocratie-chrétienne sur la direction de la CSC font que l’action – quand elle est encore possible – est extrêmement inefficace, mène à la passivité et à la démoralisation et donc à un recul de la conscience collective des travailleurs. Il suffit de regarder la façon dont la lutte contre le Pacte des générations a été freinée et comment, parallèlement, l’extrême-droite monte dans les sondages.
Tout ce qui peut faire remonter cette conscience constitue un pas en avant important. L’existence d’un instrument politique dans lequel les travailleurs puissent se reconnaître, avec lequel ils puissent tester et clarifier des idées dans la pratique et qui puisse leur donner en même temps un prolongement politique pour leurs luttes sur leur lieu de travail serait un pas en avant de géant. C’est cet instrument que le MAS/LSP, avec beaucoup de travailleurs, veut construire.
Quelle unité ?
C’est aussi ce qu’«Une Autre Politique » (UAP) autour de Jef Sleeckx, Lode Van Outrive et Georges Debunne essaie de réaliser : la création d’un nouveau parti politique qui rassemble tous les courants qui sont prêts à s’engager dans la lutte contre la politique néolibérale. Leur position est la suivante : chaque courant qui y est prêt est le bienvenu et peut garder sa propre identité ! Ils approchent la diversité non comme une menace mais comme un enrichissement. Ils veulent marcher ensemble et en même temps ouvrir le débat. Plus que ça : ils ne veulent pas bétonner le programme de ce futur parti mais laisser l’élaboration de ce programme aux travailleurs qui rejoignent le parti. En bref : ils ne veulent pas d’ultimatums, pas de programme mâché et imposé par le haut, pas de limitations à la liberté de discussion, mais un parti qui dès le début est structuré démocratiquement et dans lequel les travailleurs eux-mêmes élaborent un programme.
Le MAS/LSP approuve à 100% cette orientation et respecte le fait que ces trois personnes sont toujours prêtes, à leur âge, à mettre en jeu leur autorité et leur réputation au service du mouvement ouvrier. Bien sûr, le MAS/LSP ne cachera pas son programme au sein de ce parti et nous ferons nos propres propositions socialistes révolutionnaires. Sans doute aurons-nous des divergences d’opinion avec Jef, Lode et Georges sur beaucoup de questions mais, tout comme eux, nous voulons entrer dans le débat au lieu de le paralyser. Pour le MAS/LSP, le défi n’est pas le MAS/LSP ou un nouveau parti des travailleurs (NPT), mais le MAS/LSP et un nouveau parti des travailleurs. Donc, non, le MAS/LSP n’abandonne pas le moins du monde l’idée d’un NPT, ni de l’unité de la gauche, ne se replie pas sur lui-même et est certainement prêt à coopérer même si nous ne contrôlons pas cette coopération, comme tous les participants sérieux à Une Autre Politique sont prêts à en témoigner.
Une Autre Gauche est malheureusement presque le contraire d’UAP. Un programme élaboré par les travailleurs et leurs familles y est qualifié de « populiste ». l’idée mise en avant est celle d’un programme pré-mâché et « anti-capitaliste » qui est imposé à toute personne qui veut être impliquée dans UAG : « rejoins, et tais-toi ! ».
Le MAS/LSP n’a pas de problèmes avec les intellectuels, tant qu’ils sont prêts à mettre leur intelligence au service du mouvement ouvrier et tant qu’ils sont prêts à parler dans une langue compréhensible de tous. Mais, dans UAG, on appelle une langue compréhensible une « discussion de café». On préfère parler par énigmes à consonances intellectuelles sans cohérence. Et ceux qui plaident le plus pour des « ultimatums anticapitalistes » sont justement ceux qui vont prochainement se présenter à nouveau aux élections communales sur des listes de Groen ou d’Ecolo ou qui travaillent pour un parti européen dont plusieurs membres participent à l ‘application de mesures néolibérales.
Le MAS/LSP a déjà mis plusieurs fois cette contradiction en lumière. Beaucoup de travailleurs qui ne croient pas qu’on puisse sortir du cadre du capitalisme ne vont pas se reconnaître dans le terme « anticapitaliste » tout en refusant résolument de soutenir des partis comme Ecolo ou Groen !, qui jusqu’ici ont appliqué des politiques néolibérales et qui vont sans aucun doute vouloir répéter cela à l’avenir. De l’autre côté, des « anticapitalistes » d’UAG se mettront sans aucun scrupule sur des listes d’Ecolo ou de Groen ! Que feront-ils alors, au cas où ils auraient des élus si demain Tobback offre à Groen ! ou Van Cauwenberghe à Ecolo quelques postes d’échevins tout en annonçant en même temps ne plus pouvoir respecter les conventions collectives du personnel communal ? Vont-ils dire qu’ils n’étaient pas avertis ?
La division et le nationalisme
UAP veut lutter contre la division parmi les travailleurs, créée et stimulée par le patronat et les politiciens. De là, la volonté de rassembler tous ceux qui veulent lutter contre la politique néolibérale, indépendamment du fait d’être athée, chrétien ou musulman, belge ou immigré, avec ou sans papiers, flamand, wallon ou bruxellois. Cela ne signifie pas du tout que UAP est insensible aux diverses spécificités et frustrations, pertinentes ou injustifiées. UAP veut mener des actions anticapitalistes, mais sans faire de l’anticapitalisme une condition. UAP veut attirer des gens de la CSC en leur garantissant le droit de maintenir leur propre identité, UAP veut lutter contre les contradictions communautaires en mettant sur pied une formation nationale, même si cela signifie perdre du temps en traductions, etc.
UAG, par contre, a cependant déjà décidé que seuls les « anticapitalistes » sont les bienvenus et on peut y entendre que des Flamands à Bruxelles qui ne parlent pas le français sont des « imbéciles », qu’une langue compréhensible est équivalente à « des discussions de café », que la « gauche flamande » est « populiste sous la pression de l’extrême-droite », et même qu’il est normal que le LSP, comme organisation flamande et donc « catholique », soit « antisémite »,… On pourrait répondre qu’il s’agit de déclarations d’individus et pas d’UAG en elle-même. Mais ce sont toutefois des déclarations provenant de dirigeants auto-proclamés ou de personnes qui pouvaient compter sur leur approbation tacite. Se taire quand il faut parler est parfois plus audible que des cris.
UAG veut que les francophones forment un « front » pour « ne pas être pris au dépourvu par les Flamands ». Les francophones qui ne sont pas d’accord ne peuvent simplement pas parler car « ils ne font que répéter ce que d’autres ont dit avant eux ». Le nationalisme bourgeois imprègne les murs d’UAG. Que penser de la position suivante entendue à la dernière AG : « un parti national n’a plus de sens en Belgique, on pourrait tout aussi bien proposer un parti européen » ? Des « dirigeants » d’UAG plaident pour « une structure confédérale », c’est-à-dire deux formations différentes avec une sorte de déclaration de solidarité (SP.a et PS peuvent encore apprendre quelque chose). A Bruxelles, « UAG-national » veut une initiative francophone aux côtés d’une initiative néerlandophone. Qu’une large majorité à Bruxelles ne soit pas d’accord, on s’en fiche.
Des « recommandations » antidémocratiques
Le MAS/LSP aurait pu mettre tout ça de côté si UAG, à quelques exceptions près, représentait plus qu’une petite poignée de membres de la gauche radicale, des ex-membres de ces organisations qui se déclarent aujourd’hui « indépendants » et des individualistes éperdus qui veulent en réalité une nouvelle organisation de la petite gauche, dans laquelle ils seraient à la direction avec une base qui se tait et écoute.
A la dernière Assemblée Générale d’UAG, quelques « recommandations » ont été votées: les organisations politiques soutenant UAG doivent parler dès maintenant par l’intermédiaire d’un porte-parole, ne peuvent pas avoir ensemble une majorité dans n’importe quel organe et doivent remettre leurs propositions au secrétariat avant les assemblées. Ce ne serait pas difficile à accepter si le nombre de membres des organisations concernées se laissait compter sur les doigts des deux mains. Mais, pour le MAS/LSP qui a une implantation réelle et qui est capable d’organiser des luttes et pas seulement de se limiter à des commentaires, c’est inacceptable et franchement honteux. N’importe quel « indépendant » – vrai ou supposé – aurait ainsi autant de poids que tous les membres de nos districts de Bruxelles, Hainaut et Liège réunis. Pour justifier cette mesure antidémocratique, il est fait référence dans UAG au Bloc de Gauche au Portugal. Là, quelques dirigeants de trois organisations de la petite gauche, désespérés parce que leurs organisations rétrécissaient depuis des années déjà, ont préparé (sans que leur base en soit informée pendant un premier temps, selon Miguel Portas) un projet de fusion avec des recommandations comparables, mais bien plus démocratiques.
A une réunion publique à Liège, quelques participants d’UAG ont voulu qu’un parlementaire européen du Bloc de Gauche mette cela en avant comme méthode à suivre. Le parlementaire en question ne s’est pas laisser abuser et a montré les caractéristiques spécifiques et la réalité particulière du Portugal. « Le Bloc de Gauche est une expérience intéressante pour apprendre, pas pour la copier », a-t-il dit, une remarque qui n’a été retrouvée dans aucun rapport des discussions qui ont suivi cette soirée…
On peut dire que les mesures votées à la dernière AG ne sont que des « recommandations ». Mais combien de temps faudra-t-il avant que ces recommandations deviennent loi ? Dans UAG, c’est en fait une méthode familière. Un tract à l’occasion du 1er mai, élaboré en commun par 30 personnes d’UAG et d’UAP, est sèchement réécrit par quelques « initiateurs » d’UAG » (qui revendiquent apparemment des droits de propriété intellectuelle sur l’initiative). Une réunion d’UAG-Bruxelles, où une majorité plaide pour rassembler UAP et UAG à Bruxelles, est quittée par une minorité qui déclare la réunion illégitime. Ce qui est décidé un jour prend une toute autre signification le lendemain. Des rapports de réunion se lisent comme des énigmes, notamment parce que les positions défendues par les intervenants n’y sont pas reprises. Quand la Sainte-Alliance qui « dirige » UAG a une majorité, on passe au vote ; quand elle est en minorité, elle quitte la salle. Sur le site web www.uneautregauche.be on a pu lire des bordées d’injures et on peut y dire n’importe quoi. UAG a fonctionné avec une succession de manoeuvres bureaucratiques où même les sommets syndicaux pourraient prendre de la graine.
Quelques uns, au sein du secrétariat et du Parti Humaniste entre autres, nous disent : « Mobilisons systématiquement pour les mettre en minorité ». Numériquement, pour le MAS/LSP, cela n’est aucunement un problème, mais nous faut-il descendre à ce niveau pour pouvoir faire de la politique au sein d’UAG ? Cela, nous le refusons. Les jeux de pouvoir bureaucratiques ne sont pas le terrain favori du MAS/LSP. Notre force est dans le mouvement réel et c’est sur cela que nous voulons nous concentrer. Certes, il faut parfois accepter des manoeuvres bureaucratiques parce que c’est la seule façon d’entrer en contact avec la base. C’est par exemple le cas dans pas mal de centrales syndicales, c’était aussi le cas dans les années ’80 quand nous travaillions encore dans le SP. C’est avec cette idée en tête que nous n’avons pas déjà quitté UAG le 1er mai. Maintenant, après les faits, nous pensons que c’était une erreur : dès la première manœuvre, nous aurions pu déceler qu’UAG allait rester une initiative morte-née.
Nous sommes partis de l’idée que nous pouvions accepter les manoeuvres bureaucratiques parce qu’un parti national plus large allait être créé le 21 octobre. Cela aussi était une erreur. UAG essaie de se présenter comme le seul partenaire francophone d’UAP et, de cette façon, former une minorité de blocage pour imposer à UAP sa propre approche politique et probablement boycotter une formation nationale. Le MAS/LSP est numériquement plus fort que le reste d’UAG mis ensemble. A notre propre initiative, nous pouvons mobiliser un bon nombre de francophones pour la conférence du 21 octobre et nous pouvons y assurer que UAP ne se fasse pas prendre en otage par UAG. Si, au contraire, nous restons dans UAG, nous risquons d’être englués dans d’incessants combats qui n’ont ni intérêt ni lien réel avec les questions qui se posent vraiment aux travailleurs et qui ne sont utiles ni pour nous, ni pour UAP. La seule réponse correcte à des jeux de pouvoir au sein d’UAG est une mobilisation francophone forte pour la conférence du 21octobre.
Le MAS/LSP veut s’engager dans la construction d’une formation plus large et anti-néolibérale, une formation des travailleurs, pour les travailleurs. Pour ce but, nous sommes en faveur de l’unité. UAP est un moyen approprié pour atteindre des couches larges de jeunes et de travailleurs. UAG ne l’est malheureusement pas à cause de sa composition et surtout de son programme erroné et de ses méthodes antidémocratiques.
Mais nous restons plus que jamais prêts à travailler en commun avec ceux qui – dans et en dehors d’UAG – veulent construire une nouvelle formation de gauche d’une façon ouverte et honnête, ceux qui, en d’autres mots, se sentent plus proches du modèle d’UAP que du monstre d’UAG, et qui veulent éventuellement tester cette coopération dans les élections communales.
Autres documents:
> Remarques du Mouvement pour une Alternative Socialiste (MAS) sur le PV de l’Assemblée générale du 6 mai
> Réponse du MAS au Secrétariat fédéral sur sa participation au sein d’UAG. 8 juin 2006
> En réaction aux réactions après l’AG de Een Andere Politiek. Jean Peltier, 20 mai 2006
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Venezuela, un an après le référendum. Quels dangers menacent la révolution maintenant?
Il y a un peu plus d’un an, le 15 août, le référendum visant l’éjection du président vénézuélien Chavez fut un échec retentissent grâce à la mobilisation des masses vénézuéliennes, particulièrement dans les villes-ghetto, à travers les « unités de combat » électorales et d’autres organisations de la révolution « Bolivarienne ». Cette défaite a ouvert une nouvelle phase dans le processus révolutionnaire. Mais comme Christine Thomas l’explique : même si les forces de l’opposition ont été sévèrement affaiblies, la menace de la contre-révolution subsiste.
Christine Thomas
L’élection de Chavez en temps que président en 1998 a représenté un rejet massif de la part des pauvres, des travailleurs et de certaines parties de la classe moyenne de la politique néo-libérale vicieuse orchestrée par l’establishment corrompu de la « quatrième république ». Son populisme anti-impérialiste/anti-néolibéral a radicalisé les couches les plus pauvres de la société vénézuélienne. Ils ont vu en Chavez un leader politique qui les représentait et qui parlait pour eux, plutôt que ces riches oligarques qui dilapidaient les richesses pétrolières : les laissant sombrer plus profondément dans la pauvreté. Sa victoire a créé l’espoir que leurs besoins désespérés d’emplois décents, de soins de santé, d’enseignement et de logements trouveraient enfin une solution. La classe dirigeante vénézuélienne et l’impérialisme américain, de l’autre côté, craignent que les masses déchaînées et radicalisées puissent exiger des mesures plus radicales, se mettent en mouvement dans une direction qui menacerait leurs intérêts. L’impérialisme américain, en particulier, craint l’instabilité dans un pays qui lui fournit 15% de ses besoins en pétrole. Le référendum de l’an dernier était la troisième tentative majeure par la classe dirigeante vénézuélienne, soutenue par l’impérialisme américain, pour éjecter Chavez et écraser toute menace potentielle que le mouvement pourrait poser au Venezuela et partout ailleurs en Amérique latine. Mais toutes les tentatives contre-révolutionnaires (le putsch du 11 avril 2002, le lock-out patronal de deux mois, la tentative de sabotage économique à la fin de la même année et enfin le référendum) ont été bloquées par l’action de masse des pauvres et des travailleurs qui se sont d’avantage radicalisés et dont les espoirs se sont largement développés.
Dans la période post-référendum, le rapport de force a temporairement glissé en faveur des masses. Les forces de l’opposition (l’élite financière, les partis politiques et leader syndicaux corrompus, l’église catholique, etc.) sont sorties de ces défaites divisées et démoralisées. Chavez, lui-même, a cherché initialement un arrangement avec l’opposition en leur demandant de travailler avec lui à la reconstruction du pays. Mais sous la pression des travailleurs et des pauvres, il s’est d’avantage radicalisé décrivant la révolution bolivarienne pour la première fois comme « socialiste », amorçant une réforme agraire et parachevant les premières nationalisations du régime. Au même moment, il a durci sa rhétorique anti-impérialiste, anti-US et ses actions dans la région.
Ce tournant à gauche a alarmé la classe capitaliste vénézuélienne et l’impérialisme américain. Ils craignent que les masses, voyant leurs espoirs croître, puissent pousser Chavez dans une direction encore plus radicale, minant leur contrôle économique. Puisque jusqu’à présent, les timides tentatives du régime Chavez avaient laissé ce contrôle largement intact. L’administration américaine a récemment attaqué Chavez au vitriol en l’accusant de soutenir le terrorisme en Colombie et de fomenter des révoltes en Bolivie, en Equateur et partout en Amérique Latine. La secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice a décrit Chavez comme « une menace majeure pour la région entière ». Les relations économiques croissantes avec Cuba de Chavez, dans lesquelles le Venezuela fournit de l’essence à bas prix en retour de médecins cubains etc, ont effectivement brisé l’embargo américain de l’île, lançant une bouée de sauvetage économique tellement nécessaire depuis la chute de l’Union Soviétique qui était son principal appui économique. Chavez est également vu comme un obstacle dans la stratégie américaine qui vise à faire de la Colombie une base de défense des intérêts US en Amérique Latine. Plus important : Chavez a cherché des marchés internationaux alternatifs pour l’essence vénézuélienne, signant des contrats avec la Russie, la Chine, l’Iran autant que d’autres pays latino-américain. Il a menacé d’exercer des représailles contre n’importe quelle agression US en coupant l’approvisionnement en pétrole et au cours de la conférence internationale de la jeunesse à Caracas au mois d’août, il a déclaré que le marché nord américain n’était pas vital pour le Venezuela. Bien qu’une bonne partie de cette rhétorique soit anti-impérialiste, confrontée à une situation déjà instable en Irak et au Moyen-Orient, l’impérialisme américain veut s’assurer que son approvisionnement en pétrole du Venezuela n’est pas menacé. Mais la marge de manœuvre de l’impérialisme US est actuellement limitée. Une combinaison de la faiblesse de l’opposition et des revenus énormes du pétrole à la disposition de Chavez pour financer les réformes sociales profitables aux pauvres (sa principale base sociale) signifie que la situation entre les forces en présence est dans une impasse et que cette situation pourrait être maintenue pour un moment.
Une invasion directe du Venezuela, comme en Irak, est hors de propos pour le moment. L’Irak a montré les limites de l’hégémonie américaine. Même si la capacité militaire américaine n’était pas déjà dépassée, une invasion du Venezuela serait extrêmement risquée, déclenchant une vague de résistance qui pourrait embraser l’ensemble des Amériques. L’impérialisme américain a donc été forcé à poursuivre dans une approche moins directe, reposant sur un travail dans l’opposition vénézuélienne et dans les forces réactionnaires en Colombie. En décembre de l’an dernier, les forces colombiennes en conjonction avec des sections des forces de sécurité vénézuéliennes sont intervenues directement au Venezuela pour kidnapper un leader de la guérilla FARC, donnant une indication claire de la manière dont ils pouvaient être utilisés pour créer la peur et l’instabilité à l’intérieur du pays. Il n’y a aucun doute sur le fait que certaines parties de l’administration américaine soutiennent l’appel du chrétien fondamentaliste de droite Pat Robertson à l’assassinat ou au kidnapping de Chavez pour amener un « changement de régime » au Venezuela (de telles actions ne peuvent être totalement écartées). Mais chaque mouvement réactionnaire a jusqu’ici donné une impulsion de gauche au processus révolutionnaire et chaque action prématurée pourrait pousser les masses dans une direction encore plus radicale.
Les parties les plus sérieuses et réfléchies de l’opposition ont donc tiré la conclusion que, après avoir été vaincus à chaque étape par le soutien à Chavez dans la masse de pauvres radicalisés, pour le moment ils n’ont d’autre choix que d’apprendre à « coexister » avec lui. Avec l’équilibre actuel des forces, chaque étape ouvertement contre-révolutionnaire dans le court terme, après celles qui ont été déjà tentées, risque d’accroître la radicalisation du mouvement et de provoquer des mesures qui pourraient menacer d’avantage leur contrôle de l’économie et l’appareil d’état. « Nous devons mordre la poussière de la défaite », a dit le gouverneur de l’état de Zulia quelques jours après le référendum. « Les deux Venezuela doivent se réconcilier, le Venezuela ne peut continuer dans le conflit », a déclaré le patron de Fedecamaras (principale organisation patronale).
En dépit de l’adoption d’un ton anti-Chavez moins strident, l’administration US semble poursuivre une stratégie à long terme d’épuisement du processus révolutionnaire et préparer un rapport de force qui leur serait plus favorable, avant de lancer des actions de plus grande ampleur contre Chavez.
Mais malgré cela, sans un mouvement décisif de la classe ouvrière et des pauvres vers une cassure avec le capitalisme et d’établissement d’un état ouvrier démocratique, la contre-révolution réussira par un moyen ou un autre à se ré-affermir. Cela pourrait venir sous une forme extra-parlementaire, un futur putsch victorieux, comme c’est arrivé au Chili en 1973, ou une contre-révolution électorale « démocratique » comme au Nicaragua en 1990. Cette victoire sous n’importe quelle forme signifierait un désastre pour les masses vénézuéliennes. La classe ouvrière vénézuélienne et les pauvres sont confrontés à une tâche urgente, utiliser ce « temps de respiration » pour construire un parti révolutionnaire qui peut fournir un programme qui pousserait le gouvernement en avant et complèterait la révolution socialiste.
Electoralement, les forces de l’opposition au Venezuela ont été complètement divisées entre une partie qui défendait l’abstention et l’autre qui contestait les élections. Où ils sont restés, ils ont subit défaites sur défaites. Après les élections d’octobre de l’an dernier, ils ne contrôlent plus que deux des 23 états que compte le pays et ont de plus perdu le contrôle de Caracas, la capitale. Aux élections locales et municipales, qui se sont tenues le 7 août de cette année, ils ont obtenu moins de 20% des sièges.
Le principal quotidien vénézuélien, détenu par des opposants de droite qui ont soutenu unanimement les forces de la réaction à chaque étape, a publié des articles commémorant l’anniversaire du référendum. Ils se sont concentrés sur ce qu’ils considèrent comme le besoin désespéré pour l’opposition « démoralisée, désorientée, manquant de direction » (El Nacional) de s’unir pour fournir une alternative électorale crédible aux « chavistas ». Avec les élections parlementaires attendues pour la fin de l’année et les élections présidentielles en décembre 2006, l’opposition se prépare à de futures défaites électorales.
Chavez lui-même caracole à 70% d’approbation dans les sondages (l’un des taux les plus hauts de sa présidence). Durant le festival international de la jeunesse, il a parlé confidentiellement de rester en politique jusqu’en 2030 ! Sa confiance a été boostée par les victoires électorales et par le prix élevé du pétrole sur le marché mondial. Le pétrole représente 85% des exportations vénézuéliennes, un quart du PIB et plus de la moitié des revenus du gouvernement. En 2004, les exportations de pétrole ont généré un revenu de 29$ milliards, pour 22$ milliards en 2001 et la somme semble fortement augmenter cette année. Cette énorme aubaine réalisée par le pétrole a permis à Chavez de maintenir et d’accroître les dépenses des « misiones », les programmes de réformes sociales de bien-être qui ont été démarrées en 2003 et largement orientées vers les plus pauvres. Les avantages de ces réformes sont clairement visibles dans les rues des zones les plus pauvres de Caracas. Une superbe nouvelle clinique ou un supermarché d’état Mercal (Mercado de Alimentacion) qui vend de la nourriture de base subsidiée qui se distinguent facilement des immeubles et des infrastructures en ruine des « barrios », les bidonvilles vérolés de pauvreté situés à deux pas de zones d’opulence comme Altamira où vit l’élite.
Selon les chiffres du gouvernement, 300.000 Vénézuéliens ont surmonté l’analphabétisme (9% des plus de dix ans), deux millions vont à l’école primaire, secondaire et supérieure, et 17 millions ont maintenant accès aux soins de santé de première nécessité grâce aux « misiones ».
Malgré ces améliorations sociales visibles, une pauvreté noire pourrit encore la vie de millions de Vénézuéliens. 60% des ménages étaient pauvres en 2004, pour 54% en 1999. Même si l’état contrôle les prix de la nourriture de base, l’inflation grimpe à 15-20% et qu’un Vénézuélien sur deux ne dispose pas d’un logement adéquat. Selon un sondage d’opinion récent, le chômage est le problème principal dans la société. Il y a eu des améliorations dans les boulots, à travers des initiatives comme « Vuelvan Caras » , le plan d’état de création d’emplois, principalement dans les coopératives et dans les petites entreprises. Mais 14% de la population reste toujours sans emploi et des millions de personnes sont toujours confrontées à l’insécurité et à l’exploitation dans le secteur informel (comme les vendeurs de rue, les chauffeurs de taxi, etc.).
Si cela est la situation de la majorité des travailleurs et des pauvres au Venezuela alors que le prix du pétrole est à un niveau si élevé, il est clair que les espoirs des masses ne pourront se concrétiser dans le cadre du capitalisme. Le magazine britannique de droite The Economist résume clairement la situation lorsqu’il écrit : « quand les revenus du pétrole chuteront, tombera dans un enfer de récession et d’inflation »(25 août 2005).
C’est ce qui est arrivé au Nicaragua. Après la révolution de 1979 qui avait éjecté le dictateur détesté Somoza, les Sandinistes avaient le contrôle de l’appareil d’état. Ils ont nationalisé jusqu’à 40% de l’économie, mais le reste est resté dans les mains de la classe capitaliste qui a utilisé son contrôle économique pour saboter l’économie. Combiné avec la guerre des contras, subventionnée par l’impérialisme US, l’économie plongea dans une crise avec une inflation qui explosa jusqu’à 3600% et un niveau de vie qui périclita de 90% !
A cause de la démoralisation des masses due à la crise économique, la droite vainquit les Sandinistes aux élections présidentielles de 1990 et poursuivit depuis lors une politique néo-libérale vicieuse à l’encontre des travailleurs et des pauvres nicaraguayens. Si la classe ouvrière au Venezuela n’exproprie pas les monopoles restés dans les mains des capitaliste vénézuéliens et étrangers, si elle n’applique pas une planification de la production sous contrôle démocratique, la crise économique et l’incapacité à satisfaire les besoins des masses mèneront à la démoralisation et à la démobilisation du mouvement, balisant la route pour une victoire de la réaction. Cela serait alors utilisé pour ouvrir une nouvelle ère de répression brutale, en vue de recouvrir un contrôle total de l’économie et de l’état, avec bien sûr une atomisation des organisations et des droits de la classe ouvrière.
Le haut taux d’abstention (70%) dans les élections locales et régionales du mois d’août représente un avertissement pour le futur. Il est vrai qu’historiquement le taux de participation aux élections locales vues comme en dehors des préoccupations de la plupart des Vénézuéliens a toujours été bas. Une partie de l’opposition appelait également les gens à ne pas voter. Malgré cela, le niveau d’abstention dans les zones pro-Chavez était très élevé alors qu’il avait lui-même souligné l’importance, pour ses partisans, de se mobiliser en masse. Bien que le taux de participation soit susceptible d’être beaucoup plus haut dans des élections parlementaires et présidentielles, des signes de mécontentement commencent à arriver à l’encontre des troupes du mouvement bolivarien. Des activistes étaient mécontents du remplacement bureaucratique de candidats de base par des candidats inconnus des gens des communautés locales. Lors des élections d’octobre de l’an dernier pour le mayorat et le gouvernement d’état, des candidats dissidents se sont présentés contre les candidats officiellement chavistes. Dans les élections locales, des partis pro-Chavez perçus comme plus « radicaux » comme le Parti Communiste Vénézuélien et le mouvement Tupamaros ont augmenté leur nombre de votes dans certaines régions. Le mécontentement, où il existe, ne vise pas principalement Chavez, qui bénéficie encore d’une autorité et d’un soutient immense dans les masses, mais plutôt la bureaucratie qui l’entoure, perçue comme une cassure avec les réformes radicales que ce soit à travers l’inefficacité, la corruption ou le sabotage conscient. Une femme qui protestait contre les actions d’un leader dans l’état de Anzoategui a résumé le sentiment d’une couche d’activistes lorsqu’elle a dit : « Président, ouvrez les yeux… beaucoup de ceux à vos côtés sont en train de vous décevoir. Ecoutez la voix du peuple »(El Nacional).
La direction du mouvement bolivarien est extrêmement hétérogène. Pour parler franchement, une aile est plus en contact avec les masses et reflète l’atmosphère qui y règne, il y a donc une pression pour qu’elle continue les réformes radicales. L’autre aile, réformiste et pro-capitaliste, dont certains membres ont des contacts avec les forces de l’opposition, essaye à chaque étape de retenir le mouvement et de l’empêcher d’aller dans une direction plus radicale. Ces divisions se sont aiguisées depuis la défaite du référendum. Chavez lui-même a balancé entre ces différentes forces de la société. Sa prise de position la plus récente à « gauche » a été une réponse à la demande d’actions plus radicales de la part des masses. Il a signé un décret nationalisant VENEPAL (l’entreprise de papier en faillite), par exemple, après que les travailleurs aient lancé une lutte déterminée en conjonction avec la communauté locale en occupant l’usine et en demandant sa nationalisation. Depuis janvier, Chavez a qualifié la révolution bolivarienne de socialiste, ceci représentant un développement significatif. La question du socialisme commence à s’ancrer dans la conscience d’une partie des étudiants, des travailleurs et des pauvres. Dans un récent sondage organisé par l’ « Instituto Venezolano de Analisis de Datos », 47,8 % des personnes interrogées déclaraient qu’elles préfèreraient un gouvernement socialiste alors que seulement 22,7% opteraient pour un gouvernement capitaliste.
Mais Chavez n’a pas une idée claire sur ce qu’ il veut dire par socialisme ni sur la manière d’y arriver. Il parle vaguement de « socialisme au 21ème siècle » qui serait un ‘nouveau type’ de socialisme et il a aussi appelé à son peuple à se débarrasser des vieux préjugés concernant la signification du socialisme. On pourrait interpréter cela comme un rejet du stalinisme. Mais en même temps, Chavez est en train de renforcer ses liens économiques et diplomatiques avec Fidel Castro à Cuba. Il complimente le merveilleux service de santé cubain, dont beaucoup de vénézuéliens sont en train de profiter grâce aux docteurs cubains travaillant au Venezuela, grâce à la formation de docteurs vénézuéliens et aux patients qui sont envoyés à Cuba pour des opérations. Mais en fait Chavez n’est pas critique du tout sur la nature bureaucratique du régime cubain et sur l’absence de véritable démocratie ouvrière.
Chavez pourrait-il devenir un « second Castro » comme le craingnent une partie de la classe dirigeante vénézuélienne et l’impérialisme américain ? Théoriquement une telle perspective ne pourrait pas être complètement exclue. Arrivé au pouvoir en 1959, Castro n’a pas décidé consciemment de nationaliser l’économie cubaine mais il a pris cette direction en réaction au blocus US et à la pression des masses cubaines. Mais vu que la classe ouvrière n’était pas consciemment à la tête de la révolution, le résultat fut la création d’un état ouvrier déformé, où le capitalisme et le féodalisme ont été éliminés mais où la société était toujours contrôlée du sommet vers le bas par une caste bureaucratique. Le contexte international actuel, après la chute de l’ Union Soviétique, est très différent du temps de la révolution cubaine quand Cuba était soutenu matériellement par la bureaucratie soviétique et ce pour des raisons stratégiques. Quoiqu’il en soit, il n’est pas inconcevable que les masses du Venezuela puissent spontanément prendre possession des usines et de la terre, forçant ainsi Chavez à nationaliser de larges pans de l’économie. Mais un tel régime serait extrêmement instable.
La révolution serait très certainement vaincue à un certain moment par les forces de la réaction sauf si la classe ouvrière est consciente du rôle qu’elle a à jouer, non seulement en expropriant la classe capitaliste, mais aussi en formant des comités élus démocratiquement qui pourraient faire tourner l’industrie, mettre en place un plan démocratique de production et créer les bases pour un Etat ouvrier dont le programme serait capable d’élargir la révolution à l’Amérique latine et internationalement. C’est pourquoi la lutte pour une véritable ‘politique étrangère’ internationale de la classe ouvrière est si importante aujourd’hui ; soutenant, par exemple, des liens économiques avec Cuba mais utilisant cela pour encourager une réelle démocratie ouvrière au sein du pays et pour étendre la révolution internationalement comme le seul réel moyen de défendre ces acquis qui ont déjà été obtenus.
La réaction de Chavez à de futurs évènements aura bien sûr un gros impact sur la façon dont les développements se déroulent, particulièrement dans une situation de ralentissement économique. Pour le moment il est en train de répondre d’une façon limitée à la radicalisation des masses et il pourrait aller plus loin dans cette direction. Malheureusement, il y a de nombreux exemples de dirigeants honnêtes qui malgré leur bonnes intentions, une fois confrontés avec la ‘logique’ du marché capitaliste qui se sont mis à réprimer les ‘demandes excessives’ des travailleurs.
Dans une situation où d’autres options sont trop risquées, une partie de la classe capitaliste du Venezuela s’appuie sur le mouvement de l’aile pro-capitaliste pour freiner les réformes radicales et pour être potentiellement capable de reprendre les acquis de la classe ouvrière et des masses pauvres. Ils préparent ainsi la voie pour une défaite du processus révolutionnaire et pour la victoire de la contre-révolution.
Il est vrai qu’ils n’ont pas la même autorité au sein de la classe ouvrière et des masses pauvres qu’avaient les sandinistes au Nicaragua après la révolution de 1979 ou qu’avaient les partis socialistes et communistes au Portugal en ’75. Quoiqu’il en soit, si la classe ouvrière n’achève pas complètement la révolution au Venezuela et que la démoralisation s’installe, cette aile pourrait jouer un rôle important en freinant le mouvement et posant les bases pour le triomphe de la réaction capitaliste. Leur façon de définir le socialisme est relativement claire – une économie « mixte » où quelques compagnies d’états et coopératives existent mais dans laquelle les leviers économiques principaux restent dans les mains de la classe capitaliste du Venezuela et étrangère. Chavez parlait récemment d’enquêter sur l’éventuelle expropriation de 136 à1149 entreprises. Mais en réalité toutes ses compagnies étaient en faillite, fermées ou en passe de le devenir. Le ministre de l’industrie a éclairci cette position en déclarant que la nationalisation ne prendrait place que dans des « cas extrêmes », qu’il n’y aurait pas de « vagues d’expropriations » et que les firmes capitalistes ainsi que la « production sociale » pouvaient coexister. De même, la redistribution de 13 000 hectares de terres appartenant au Lord Vesty marquait un pas en avant dans la réforme agraire alors qu’auparavant, seule la terre appartenant à l’Etat avait été redistribuée aux pauvres des campagnes. Mais à ce stade, le gouvernement n’envisage de distribuer que de la « terre non fertile ».
Quoiqu’il en soit, 158 paysans ont été tués depuis 2000 quand la loi sur la terre a été votée, démontrant que même face à des réformes limitées, les grands propriétaires terriens résisteront brutalement, aidés dans certains cas par les paramilitaires de droite Colombiens.
Utilisant un langage révolutionnaire, les coopératives sont présentées comme l’embryon de la société socialiste. 79000 coopératives ont été créées les 6 dernières années, majoritairement dans le secteur des services et de l’agriculture. Elles ont eu un certain effet dans la réduction du chômage, qui ne pourra être que temporaire. Ces coopératives sont toujours complètement dans le marché capitaliste avec des compagnies privées et seront dévastées par la crise économique. Beaucoup de ces coopératives en réalité fonctionnent comme des compagnies privées, exploitant la force de travail et dénigrant les droits des travailleurs. Il y a de nombreux exemples d’employeurs privés qui « déguisent » leur entreprise en coopérative afin de recevoir des subsides de l’Etat. En même temps, Chavez encourage « le co-management » des industries d’Etat ainsi que des industries privées. « Ceci est la révolution. Ceci est le socialisme », voilà ce qu’il déclara récemment quand il fit crédit à des taux d’intérêt bas à des patrons de petites entreprises privées qui acceptaient d’introduire des représentant des travailleurs dans les conseils d’administration de leur compagnie.
Une fois de plus, le ministre de l’industrie utilise clairement cette cogestion, ou participation ouvrière, comme une collaboration de classes pour tromper les travailleurs, augmenter l’exploitation et booster les profits de la classe capitaliste, comme cela a été fait dans des pays comme l’Allemagne. Il déclara : « Il y a une interprétation faussée de ce que signifie la cogestion ». « L’idée est de faire participer les travailleurs à la gestion de l’entreprise, non pas de leur en laisser le contrôle, mais plutôt d’aider à éviter des tensions et des contradictions inutiles. » (El Nacional).
Chavez, ne voulant pas se confronter à l’économie capitaliste et au pouvoir d’Etat, met en application des contrôles partiels et essaie d’éviter les structures économiques existantes et l’appareil d’Etat. Donc par exemple, en plus des coopératives, il a créé une compagnie aérienne d’Etat, une compagnie de téléphone d’Etat, une station télé d’Etat, et des supermarchés d’Etat vendant des produits basiques jusqu’à 30 % moins chers que dans le secteur privé. Tout ça avec l’intention de rivaliser avec les monopoles privés.
Ces mesures partielles comme les contrôles des prix sur les aliments de base et les contrôles sur les échanges, servent à rendre la bourgeoisie furieuse, et à augmenter leur détermination à éviter les futurs empiètements sur leur pouvoir économique et sur l’état.
En même temps, en laissant les grandes entreprises monopolistiques, les banques et les institutions financières, les journaux, etc… dans les mains du privé, il est impossible de planifier démocratiquement l’économie afin d’assouvir les besoins des masses. De plus, la classe dirigeante reste capable de saboter l’économie et de miner le mouvement. Il y a eu une certaine réorganisation du personnel au sommet de l’armée, de la justice, du collège électoral et d’autres institutions d’Etat, mais , sans des élections et le droit de révocation de tous ceux qui ont une position dans l’appareil d’Etat, ainsi que l’existence d’un parti socialiste de masse contrôlant constamment l’Etat, de nouveaux points de soutien à la réaction capitaliste peuvent être générés, même au sein de ceux qui soutiennent Chavez aujourd’hui.
La classe capitaliste fera clairement tout ce qu’elle peut pour abattre toutes les mesures qui ont été introduites à la demande des masses. Ils utilisent les médias et font pression sur l’aile pro-capitaliste du gouvernement de Chavez pour poursuivre des politiques sociales et économiques plus « réalistes », afin de conquérir les 4 millions de personnes qui ont voté contre Chavez lors du référendum pour sa révocation et afin de ne pas effrayer les investisseurs étrangers. Chavez a lui même encouragé des joint ventures entre du capital étranger et la compagnie pétrolière d’Etat PDVSA. En fait, les multinationales comptent déjà pour plus ou moins 50 % de la production pétrolière au Venezuela, pendant que la production de la PDVSA a, elle, diminué de moitié depuis l’ élection de Chavez, en ’98. Il est vrai que même un Etat ouvrier sain pourrait être forcé de signer des accords économiques et de commerce avec des pays capitalistes ou des compagnies étrangères si la propagation de la révolution internationale était temporairement retardée. Mais cela serait fait sur base d’un plan démocratique de production, d’un monopole d’Etat des exportations et d’une politique consciente d’élargissement de la révolution en appelant la classe ouvrière internationalement.
Maintenant, en partant d’une politique de préservation du capitalisme, des accords sur des investissements étrangers et sur les commerces seront utilisés pour miner et faire dérailler la révolution. Il y eut un nouvel avertissement quand Chavez a récemment accepté un accord commercial de vente d’armes avec le gouvernement espagnol, le ministre des affaires étrangères de celui-ci, défendant l’accord en réponse aux critiques US en expliquant « le rôle que l’Espagne pourrait jouer au Venezuela pour la satisfaction de Washington, en mettant un frein aux rêves de Chavez d’étendre sa révolution bolivarienne à d’autres pays dans la région » (El Pais, 9 Mai).
La classe ouvrière, du fait de son rôle dans le processus de production et de son pouvoir collectif potentiel, est la clef capable de mener à bien la révolution socialiste au Venezuela et de vaincre les forces de la réaction. Mais, bien que la classe ouvrière ait été impliquée dans le mouvement de masse dans les moments les plus cruciaux, elle n’a été qu’un élément parmi d’autres. La classe ouvrière n’a pas été consciente de son propre pouvoir ou de la responsabilité qu’elle a de diriger les masses pour transformer la société. A différents moments, Chavez a encouragé la participation des masses mais cela avec des limites strictes. Et sans un programme clair pour faire avancer le processus révolutionnaire, le mouvement risque de stagner et de se démobiliser. Chavez n’a pas encouragé, en particulier, l’indépendance d’action des travailleurs. Pendant, par exemple, une récente grève des travailleurs du métro de Caracas, un conseiller de Chavez a demandé que les grèves soient interdites dans le secteur public et Chavez lui même a menacé d’envoyer la garde nationale contre les grévistes. La tâche principale d’un parti révolutionnaire au Venezuela n’est pas de conseiller Chavez sur la façon de diriger la révolution mais de renforcer et d’étendre les organisations de la classe ouvrière ainsi que de mettre en avant des revendications qui augmenteront la confiance des travailleurs dans leur capacité à changer la société ainsi qu’en augmentant leur compréhension de ce qui est nécessaire à chaque étape d’un processus révolutionnaire. Cela devrait inclure une explication sur la façon dont la classe dirigeante utilisera la cogestion pour défendre ses propres intérêts et sur la nécessité de construire et de renforcer les comités de travailleurs qui seuls pourraient être capables de mettre en application un contrôle réel et une gestion ouvrière des lieux de travail comme un pas en avant vers une planification démocratique de toute l’économie. Des éléments de contrôle ouvrier existent déjà sur certains lieux de travail. Dans la compagnie d’Etat de production d’aluminium ALCASA, par exemple, les travailleurs élisent ceux qui gèrent l’entreprise, ceux-ci ne reçoivent que l’équivalent de leur salaire précédent (comme ouvrier) et peuvent être révoqués. Un récent meeting national des travailleurs, convoqué pour discuter de la cogestion et du contrôle ouvrier a accepté : « d’inclure dans les propositions pour une cogestion révolutionnaire que la compagnie doit être la propriété de l’Etat, sans distribution des actions aux travailleurs, et que chaque profit doit être réparti selon les besoins de la société à travers des conseils de planification socialiste. Ces conseils de planification socialiste doivent être compris comme les organes qui mettent en application les décisions des citoyens réunis en assemblée ». Un véritable programme socialiste révolutionnaire devrait appeler à une démocratisation des organisations de la révolution bolivarienne, à la formation et à l’extension de comités d’entreprises démocratiques et de lier ceux-ci aux comités élus dans les quartiers, dans les forces armées, et ce au niveau local et national.
En plus de tout ça, des forces de défense ouvrière doivent être formées pour défendre le mouvement contre la réaction. Chavez a reconnu la nécessité de défendre la révolution contre l’agression impérialiste et il a doublé les réserves de l’armée, mis sur pied « des unités de défense populaire » sur les lieux de travail et dans les campagnes. Mais tout cela sera sous son propre commandement et non sous le contrôle démocratique des organisations de la classe ouvrière et des masses pauvres. La solidarité des travailleurs dans le reste de l’Amérique latine et internationalement est aussi un moyen vital de défense. De son point de vue, Chavez est un internationaliste. En imitant son héros, Simon Bolivar, il se voit lui même comme le dirigeant de l’alliance anti-impérialiste en Amérique latine et il utilise le pétrole et les revenus du pétrole pour promouvoir ses objectifs. On voit de récentes initiatives comme par exemple le lancement de Télésur, une compagnie de télé continentale, ainsi que Pétrosur et Pétrocaribe, qui sont des accords avec différents pays d’Amérique Latine et des Caraïbes autour de l’exportation, de l’exploitation et du raffinage du pétrole. Il a aussi utilisé l’argent du pétrole pour racheter la dette de l’Argentine et de l’Equateur en « solidarité » contre les marchés financiers internationaux. Mais Chavez s’est orienté principalement en direction de dirigeants qui appliquent une politique néo-libérale, plutôt que d’en appeler à la classe ouvrières et aux masses pauvres. Le président brésilien Lula, par exemple, a appliqué des politiques d’attaques contre la classe ouvrière et son parti est mêlé à un sérieux scandale de corruption.
De plus, durant une récente visite, Chavez a félicité Lula et a interprété ce scandale de corruption comme une « conspiration de droite ».
Chavez est accusé par l’impérialisme d’exporter la révolution à d’autres pays d’Amérique Latine. Mais quand des travailleurs du secteur pétrolier sont partis en grève dans deux Etats d’Amazonie en Equateur en août dernier, demandant que plus de ressources soient investies dans les communautés locales et qu’une compagnie pétrolière US soit virée du pays, Chavez a effectivement joué le rôle de casser la grève, prêtant du pétrole au gouvernement équatorien pour compenser la « perturbation » que les grévistes ont entraînés sur les réserves. En opposition à tout cela, après le passage de l’ouragan Katrina, on a perçu comment une véritable politique internationale de solidarité parmi la classe ouvrière pourrait être menée. Comme Chavez, un gouvernement ouvrier démocratique aurait immédiatement offert de l’aide tout en exposant comment le capitalisme place les profits avant les vies des plus pauvres dans la société, et comment l’impérialisme US est totalement incapable de répondre aux besoins des travailleurs américains en temps de crise ainsi que dans des temps « d’accalmie ». En même temps, il aurait créé des liens avec la classe ouvrière et les organisations des communautés aux Etats Unis pour promouvoir le contrôle démocratique de la distribution de l’aide dans les régions affectées, renforçant ainsi la confiance et la conscience de la classe ouvrière américaine.
L’Amérique Latine est un continent en révolte. La victoire d’une révolution socialiste démocratique au Venezuela aurait un impact électrique sur la classe ouvrière et sur les masses pauvres de la région et cela aux Etats-Unis même. La classe ouvrière vénézuélienne est maintenant face au défi de construire et de renforcer leurs organisations, ceci incluant la création d’un parti révolutionnaire de masse avec un programme qui sera capable d’assurer la victoire de la révolution dans sa lutte contre la contre-révolution.
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120e anniversaire de la fondation du POB. Leur socialisme et le nôtre
120e anniversaire de la fondation du POB
Pour le centenaire de sa création, le slogan mis en avant par le PS était "100 ans de socialisme". 20 ans plus tard, les dirigeants du PS ne jugent plus utile de faire référence au socialisme, et parlent de "120 ans de progrès social"… Cela pourrait être vu comme la parfaite confirmation de la thèse selon laquelle il fut un temps où les intérêts de la classe ouvrière étaient réellement défendus par la social-démocratie. Rien n’est pourtant moins certain.
Nicolas Croes
La création d’un parti ouvrier était un pas en avant, mais la direction sociale-démocrate fut d’emblée gênée par la référence au socialisme. On préféra dès lors parler de Parti Ouvrier Belge, "ouvrier" étant moins contraignant que le terme de "socialiste", qui, beaucoup plus qu’aujourd’hui, faisait directement référence à un changement radical de la société: d’un système de production géré pour et par une infime minorité d’exploiteurs vers une gestion collective des moyens de production dans l’intérêt de tous.
Fossé entre le programme minimum et l’objectif du socialisme
Le choix du nom reflète d’ailleurs bien l’orientation suivie par la social-démocratie. Le congrès de fondation du POB fut un rassemblement de groupes hétéroclites, et il n’y eut aucune confrontation programmatique, les différentes revendications avancées furent donc extrêmement basiques. Le futur Parti Socialiste se développa uniquement autour de projets compatibles avec la "démocratie" bour-geoise, tels que le suffrage universel et la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Et de fait, il n’y eut jamais vraiment de réflexions sur la future société socialiste, même si tout un tas de problème se voyaient relégués à cet avenir dont les dirigeants ne voulaient pas parler. Les travailleuses, par exemple, n’eurent pendant longtemps comme unique réponse à leurs problèmes que l’assurance que l’émancipation des femmes se ferait naturellement sous le socialisme. Quant à savoir comment et que faire en attendant…
De plus, le mouvement ouvrier ne fut jamais vu par la direction du POB comme autre chose qu’un outil qu’il fallait contrôler. Jamais il ne fut question de donner un appui à la légitime révolte des travailleurs, et lorsqu’un an à peine après sa fondation éclatèrent les grèves spontanées de 1886, le POB déclara qu’elles étaient "prématurées" et qu’il ne fallait pas les supporter.
Mais le parti se renforça, étant à l’époque la seule organisation politique ouvrière en Belgique, et son discours prôna de plus en plus clairement l’entrée au gouverne-ment, l’entente avec les libéraux, et en définitive l’hostilité envers la lutte des classes.
Soutien du POB à la guerre impérialiste
Arriva alors la première guerre mondiale. Tout naturellement, à l’instar de la quasi-totalité de ses organisations sœurs à l’étranger, la social-démocratie belge se rangea derrière sa bourgeoisie nationale. Au nom du patriotisme, le POB entra dans un gouvernement bourgeois (avec catholiques et libéraux) et appela les ouvriers belges à tirer sur leurs frères allemands. Pourtant, quelques mois plus tôt, promesse avait été faite d’éviter à tout prix une guerre qui ne servait que les intérêts des capitalistes. Mais que valent l’internationalisme et la solidarité face à cette entrée au gouvernement tant désirée et au nom de laquelle toute la politique sociale-démocrate avait été subordonnée…
A tel point d’ailleurs qu’Emile Vandervelde, futur président du POB, se rendit en Russie en 1917 afin d’exhorter les soldats russes à bout de souffle à continuer le combat plutôt que de penser à la révolution socialiste. Il dut pourtant les remercier d’avoir accordé à ses paroles leur juste valeur, car c’est avant tout grâce à la révolution russe et à la vague révolutionnaire qui déferla ensuite en Europe que le suffrage universel fut appliqué en Belgique. Suffrage universel qui profita au POB, mais fut utilisé par la bourgeoisie pour évacuer la pression née de l’émancipation des travailleurs russes. Les capitalistes avaient grand peur d’une classe ouvrière en mouvement. Même si le Parti Ouvrier Belge pouvait être dépassé par sa base, ses dirigeants étaient fort utiles pour canaliser et annihiler la colère ouvrière. Il faut dire que les ouvriers commençaient à sympathiser avec les soldats allemands, et défilaient ensemble, le drapeau rouge remplaçant ceux du capitalisme allemand ou belge.
Participation à des gouvernements bourgeois
Les succès électoraux qui suivirent le suffrage universel amenèrent la social-démocratie à participer frénétiquement aux différents cabinets ministériels, même si presque aucun espace n’existait pour des réformes. Réfractaire à toute offensive de la classe ouvrière, le POB fut totalement désarmé quand survint la crise des années trente, quand la bourgeoisie jugea qu’elle ne pouvait plus se permettre de "faire joujoux". Revenu dans l’opposition, le parti se redynamisa quelque peu, et Henri de Man présenta en 1933 son célèbre Plan du Travail. Celui-ci visait à renforcer le rôle de l’Etat bourgeois dans l’économie la nationalisation de banques et d’industries, et prévoyait également une réduction du temps de travail et une augmentation des salaires. Ce plan n’était qu’un aménagement du capitalisme, mais il souleva un véritable enthousiasme et des mobilisations massives. Elles permirent au POB de revenir aux affaires en 1935, à l’intérieur d’un cabinet de coalition avec les catholiques. Prisonnier de ses habitudes et de ses dirigeants, le POB "oublia" le Plan, et mena au gouvernement une politique au strict service de la bourgeoisie. Elle ne l’oublia pas, et récompensa le parti en l’acceptant dans tous ses gouvernements jusqu’en 1940.
Le POB, dissout au début de la Deuxième Guerre mondiale, res-surgit en 1945 sous la forme du Parti Socialiste Belge, qui devait, en 1978, se scinder sur base linguistique. Commença alors une période d’avancées sociales: devant le prestige et l’influence de l’Union Soviétique, face à une reprise économique visible par tous, il était plus sage de lâcher quelques concessions aux ouvriers.
Le PSB ne lutta pour des réformes que dans le seul but de ne pas être dépassé par sa base, et n’hésita jamais à appliquer lui-même des mesures qu’il avait dit vouloir combattre. A titre d’exemple, la loi unique qui mena aux grèves de 60-61 fut morcelée et appliquée sous la législature suivante par le PSB que ces grèves avaient porté au pouvoir. Et quand la crise revint, le rôle du PSB, puis du PS et du SP, fut de plus en plus clairement de faire avaler aux travailleurs les plans d’austérité de la bourgeoisie.
Mais l’activité du PS ne s’est pas limitée à cela. Hésitant à défendre les intérêts des travailleurs, la social-démocratie fut fort prompte à renforcer l’appareil répressif de l’Etat bourgeois, et ne souffrit d’aucun état d’âme en envoyant gendarmerie et matraques contre les ouvriers et les étudiants. Il est vrai que ce ne fut jamais le PS, mais bien ses ministres de l’Intérieur, bourgmestres, … En définitive, ces élus pour lesquels la social-démocratie s’est exclusivement battue, de tous temps, arguant que l’on ne pouvait changer la situation que par ce biais, ne furent et ne sont que des freins aux luttes des travailleurs.
Construire un nouveau parti des travailleurs
Nos acquis ne furent aucunement l’œuvre des mandataires du PS ou de ses ancêtres, mais bien des luttes des travailleurs, des mobilisations. Contrairement aux sociaux-démocrates, nous pensons que la politique se mène prioritairement dans la rue, dans les usines, bureaux, écoles… Nous sommes pour une démocratie ouvrière où l’ensemble de la population est associée aux décisions économiques et politiques et où les délégués sont élus et révocables à tout moment. Si pour Di Rupo la lutte s’effectue en siégeant au conseil d’administration de Dexia, pour nous, elle s’effectue à l’exemple de la Commune de Paris, de la Révolution russe, espagnole, de celle dite "des œillets" au Portugal, de Mai 68, …
Un parti ayant la volonté de défendre les travailleurs doit être sous leur contrôle, et ne peut qu’être le relais politique de leurs luttes. Jusqu’à la fin des années 80′, la base ouvrière du PS pouvait encore remplir ce rôle, mais le PS possède dorénavant plus de liens avec l’Etat bourgeois ou les entreprises qu’avec la classe ouvrière, ce qui laisse l’opportunité à la direction de suivre de plus en plus facilement les caprices de la bourgeoisie. Le PS ne peut pas être un relais politique des luttes des travailleurs, il ne peut que les étouffer par peur de perdre son pouvoir. C’est pourquoi nous appelons depuis mi-90′ à la création d’un nouveau parti des travailleurs.
L’ouverture officielle du 120e anniversaire de la social-démocratie belge se tiendra les 18 et 19 mars prochain. Mais à cette date, ceux qui veulent réellement parler du socialisme seront dans la rue, à l’occasion de la Marche des Jeunes pour l’Emploi.
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Crise et révolte en Amérique latine
FIN JUILLET, près de 350 camarades provenant de 14 pays se sont retrouvés lors de l’école d’été du CIO, parmi lesquels des camarades du Brésil et du Venezuela. La discussion sur l’Amérique latine, qui a pris toute une journée, était une des discussions les plus importantes.
Tina De Greef
Regimes en crise
Tout le continent est en mouvement et en crise. La profondeur de celle-ci diffère selon les pays. L’industrie textile est presque intégralement délocalisée vers l’Inde et la Chine. Les Etats doivent rembourser des dettes colossales. Actuellement au Pérou, 35% du budget sert au remboursement de la dette. Les richesses naturelles de l’Amérique latine sont en grandes parties tombées entre les mains des capitalistes.
Presque partout nous voyons les symptômes d’un régime en crise, parfois même avec des composantes pré révolutionnaires. Le Chili et le Pérou sont en ce moment les régimes les plus stables d’Amérique latine. Il y a cependant eu récemment deux grèves générales au Chili. Le gouvernement Fox au Mexique est sur une pente glissante. En Bolivie le président Sanchez de Losada a été chassé car il voulait vendre le gaz aux Etats-Unis. Carlos Mesa, son successeur, essaie quand même d’organiser cette vente, malgré la résistance des masses.
A Haïti, le revenu moyen par personne de l’ensemble de la population est inférieur à un dollar par jour. Aristide – qui a une approche anti-impérialiste seulement en paroles – a dû s’exiler. Au Pérou, Toledo est pour le moment le dirigeant le moins populaire de toute l’Amérique latine. Il a dû faire face il y a quelques semaines à une manifestation de masse, malheureusement dirigée par Garcia le leader de l’opposition bourgeoise.
La révolte au Venezuela reflète le refus de la politique néo-libérale menée au cours de la dernière décennie dans toute l’Amérique latine. Le chômage officiel est passé de 12% à 17%. La population pauvre se radicalise et place le populiste de gauche Hugo Chavez au pouvoir en 1998. Celui-ci va décider – sous la pression des masses – d’envoyer 3.500 médecins vers les gens qui n’en avaient encore jamais vus. La Constitution changea de sorte que les propriétaires terriens perdirent leurs terres et que le pétrole soit placé sous le contrôle des autorités publiques.
Les supermarchés itinérants avec de la nourriture bon marché et une nouvelle entreprise nationale de télé-communications sont les récentes initiatives de Chavez. Pour faire ces concessions, Chavez dépend des prix élevés du pétrole. Pour le moment le Venezuela est le cinquième producteur de pétrole du monde avec 3,1 millions de barils par jour. Cette réforme politique n’est cependant pas tenable à long terme dans un cadre capitaliste. La bourgeoisie, qui a perdu partiellement le contrôle de l’appareil d’état, déteste Chavez car il est a prêt à céder sur de nombreux terrains sous la pression des masses. C’est une situation dangereuse pour l’impérialisme.
Pour rencontrer fondamentalement les revendications des masses et pour élever leur niveau de vie il faut rompre avec le capitalisme. Contrairement au Chili et à d’autre pays du continent, le Venezuela n’a jamais connu de tradition socialiste ou communiste. Même Chavez ne saisit pas la chance pour mobiliser une véritable révolution socialiste: il veut installer un «capitalisme plus humain».
Pas de réconciliation avec l’opposition de droite
Chavez voudrait réconcilier la révolution et la contre-révolution. Il louvoie entre les deux: d’une part entre la pression des masses vénézuéliennes et d’autre part la bourgeoisie et l’impérialisme. Les tentatives pour une réconciliation avec l’opposition de droite vont démoraliser les masses. Seul un parti révolutionnaire – condition décisive pour une victoire révolutionnaire: le facteur subjectif – sera capable de mener les masses vers la révolution. Seul un changement total de la société, rompant avec le capitalisme, pourra mettre un terme à la crise et en finir avec le chômage et la pauvreté.
Les masses expérimentent aujourd’hui un processus important d’auto-organisation: les comités populaires, et les Cercles bolivariens initiés par Chavez. Ces organes doivent s’élargir vers toutes les couches des opprimés, et se transformer en organes réels de la lutte des travailleurs.
Des comités populaires dans les entreprises et les quartiers doivent se baser sur les principes de la démocratie ouvrière: éligibilité, révocabilité des élus, un salaire pour les élus qui ne dépasse pas le salaire moyen d’un ouvrier qualifié,…
La population doit s’armer au travers de cette forme d’auto-organisation, pour se protéger contre de nouvelles tentatives de coup d’état ou de contre-révolution violente. L’armement en soi n’est cependant pas une garantie pour une victoire: il faut aussi un véritable programme socialiste. L’appel de Chavez pour «armer la population» sont des paroles en l’air. De ce fait et si aucun véritable parti révolutionnaire ne se développe, une contre-révolution ne peut être battue.
L’armée au Venezuela est essentiellement composée de travailleurs qui reflètent clairement la pression de la société. Cette situation est quelque peu comparable avec celle de l’armée durant la révolution des oeillets au Portugal. Au Portugal, le Mouvement des Forces Armées trouvait dans son programme des éléments socialistes qui allaient beaucoup plus loin que le mouvement d’aujourd’hui au Venezuela.
Un tel parti révolutionnaire pour amener les masses à la victoire, fait défaut aujourd’hui au Venezuela.Toutes les mesures positives entreprises par Chavez jusque maintenant ont été essentiellement mises en avant par le sommet du régime. Les Cercles bolivariens forment le point d’appui dans la société pour Chavez et son gouvernement, mais il y a souvent des tentatives pour les contrôler par le haut.
Récemment il fallait élire un responsable dans un Cercle bolivarien. Le gouvernement a essayé de mettre en avant son candidat, ce qui a provoqué la protestations des travailleurs qui avaient leur propre candidat. Il y a une grande pression du bas pour une démocratisation de ces organes, où maintenant déjà une couche de la population est représentée.
L’opposition perd le référendum
La réaction de Chavez après le référendum de la mi-août – qui portait sur sa révocation – montre qu’il ne cesse de vouloir concilier le processus de révolution et la contre-révolution. Le résultat, après une participation massive, est maintenant connu: Chavez l’a emporté avec 58.25 % des voix (contre 41.74% des voix en faveur de sa révocation). L’opposition ne reconnaît pas sa défaite. Elle a lancé une enquête sur d’éventuelles fraudes électorales.
Dès l’annonce du résultat, le prix du baril de pétrole à la bourse de New-York a baissé. En fait Bush ne peut intervenir dans l’immédiat. Le prix élevé du cours du pétrole et l’importance du Venezuela comme pays producteur de pétrole, couplé à la guerre en Irak oblige l’administration américaine à remettre à plus tard une intervention dans les affaires intérieures au Venezuela.
Nouveau parti au Brésil
Au Brésil le PT social-démocrate, dirigé par Lula, est au pouvoir. Lula, un ancien métallo devenu dirigeant syndical, est arrivé au pouvoir en promettant de donner de la terre aux paysans sans-terres. Juste après avoir été élu, il a fait vote-face. Il a notamment annoncé que les fonctionnaires devaient travailler 12 ans de plus pour toucher leur maigre pension. Le chômage a pris des proportions énormes et plus de gens ont faim qu’autrefois. Quatre parlementaires restés fidèles au programme originel de Lula ont été exclu du PT. Le gouvernement Lula marche sur les traces du précédent gouvernement, qui suivait la politique du FMI.
Les 200.000 emplois pour les jeunes que Lula avait promis n’ont pas vu le jour. En outre Lula joue localement un rôle impérialiste. Il aide à mener la guerre en Irak pour se procurer une petite place au conseil des Nations-Unies.
Récemment, en réaction à la politique droitière du PT, un nouveau parti a vu le jour: le PSoL (Parti pour le Socialisme et la Liberté). Notre section au Brésil participe à la construction du PSoL dont les perspectives de croissance sont indubitables. Seul le programme est sur pied. Il comprend de fort accents révolutionnaires mais aussi des éléments de politique de réformisme keynésien. Mais ce n’est pas suffisant: l’action est nécessaire. Le débat interne porte aussi sur les statuts: il y a des propositions pour qu’ils soient très démocratiques. L’impact potentiel d’un parti de masse des travailleurs comme le Psol est important pour toute l’Amérique Latine. A ce jour, 20.000 militants ont pris part aux assemblées locales pour la fondation de ce nouveau parti.
Le combat entre révolution et contre-révolution aujourd’hui à l’oeuvre en Amérique latine est d’une importance capitale à l’échelle du monde.
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Amendes de roulage. C’est la politique qu’il faut changer, pas les mentalités
Amendes de roulage
LA BELGIQUE fait piètre figure en matière d’accidents de la route mortels. Il paraît qu’il faut changer les mentalités. D’après les hommes politiques, «Celui qui ne veut rien entendre va le sentir passer». Depuis le 1er mars, les infractions sont réparties en 4 catégories: les infractions simples et 3 degrés d’infractions graves. En cas de perception immédiate, les amendes vont de 50 euros pour une infraction simple à maximum 300 euros pour une infraction grave du 3e degré. En cas de paiement différé, c’est 10 euros de plus. Celui qui ne paie pas est passible de poursuites judiciaires. Dans ce cas, l’addition pourra atteindre 1.375 euros pour une infraction simple et 2.750 euros pour une infraction grave des deuxième et troisième degré. A partir du 1er septembre, rouler à vélo sans feux ou ignorer la priorité de droite par inadvertance coûtera la peau des fesses.
Eric Byl
Les lourdes amendes vont-elles réduire le nombre d’infractions?
Le gouvernement espère réduire radicalement le nombre d’accidents à coups de lourdes amendes. Il faut dire qu’on déplore en Belgique 13,7 tués sur les routes pour 100.000 habitants. Notre pays arrive en cinquième position après le Portugal, la Grèce, l’Espagne et la France. Les Pays-Bas (6,9), le Royaume-Uni (6) et la Suède (6,6) affichent de bien meilleurs résultats. La Belgique est même nettement au-dessus de la moyenne européenne (11,1).
Comment cela s’explique-t-il? En tout cas, pas par le montant des amendes. Les tarifs néerlandais sont nettement inférieurs aux tarifs qui seront appliqués dans notre pays. Quelques exemples: aux Pays-Bas, rouler à vélo sans feux coûte 17 euros, brûler un feu rouge 86 euros. En Belgique, on paiera 137 euros dans les deux cas et même 175 euros à partir du 1er septembre.
Il va de soi que ces supers amendes ne dissuaderont pas les fils à papa de foncer à toute allure avec leurs bolides. Ils payeront sans sourciller. En revanche, de telles amendes provoqueront des difficultés financières dans les familles modestes qui perdront de fait leur droit à la mobilité. Il fut un temps où le SP, avant qu’il ne devienne le SP.A, plaidait pour des amendes proportionnelles au revenu. On n’entend plus guère parler aujourd’hui de tentatives de tempérer quelque peu la justice de classe.
La répression ne fait que sanctionner la faillite d’une politique
Pour le CD&V dans l’opposition, ce ne sont pas les amendes mais les contrôles qui doivent augmenter. En 2001, les Pays-Bas ont distribué 7,2 millions de contraventions dont 6 millions pour excès de vitesse. En Belgique, c’est 1 million et demi dont seulement 500.000 pour excès de vitesse. Un plus grand risque de se faire pincer poussera sans doute bon nombre de conducteurs à la prudence, mais il y a plus. Les Pays-Bas oeuvrent depuis 50 ans à l’aménagement du territoire tandis qu’en Belgique, surtout à l’époque où le CVP faisait encore la pluie et le beau temps, on a laissé s’installer un joyeux chaos. Les magasins de quartiers ont été éliminés par la concurrence des grandes surfaces, les entreprises ont été installées dans des zones dépourvues de transport public, des méga-dancings ont été implantés en plein champs sans accès aux transports en commun,… En d’autres mots, ceux qui ont appliqué la politique des dernières décénnies sont au minimum co-responsables de chaque accident et de chaque amende. Une vie humaine n’est certes pas quantifiable en argent, mais des statistiques ont évalué le coût total des accidents de la route avec dommages corporels à 1 milliard d’euros par an. Il faut encore y ajouter le coût des embouteillages. Le MAS/LSP préférerait dépenser une telle somme pour créer des emplois de proximité et développer des transports en commun gratuits et de qualité. C’est la seule manière de garantir la sécurité sur les routes. Les amendes ne sont jamais qu’un moyen d’occulter la faillite d’une politique.