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Tag: Paul Murphy
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Turquie : Retour sur le soulèvement massif contre le régime autoritaire
Tout a commencé avec le tantième projet destiné à ruiner l’espace public au profit de projets immobiliers. Le mouvement s’est rapidement développé pour impliquer plusieurs centaines de milliers de personnes scandant : ‘‘Tayyip Istifa !’ ’ (Tayyip, dédage !) Ces dernières années, l’impérialisme occidental a tenté de présenter la Turquie comme l’exemple à suivre pour la Tunisie et l’Egypte. Mais, en dépit des différences qui existent entre les différents mouvements de masse, le transfert s’est effectué en sens inverse ! Un dossier du député européen Paul Murphy (élu de notre parti-frère irlandais) et de Tanja Niemeier publié dans l’édition d’été de Lutte Socialiste.
Istanbul : Témoignage d’une ville en révolte
La Place Taksim est devenu un lieu renommé depuis l’énorme soulèvement contre le gouvernement de Tayyip Erdogan commencé le 31 mai. Nous nous y sommes rendus début juin et avons discuté avec beaucoup de jeunes militants et membres d’organisations et de gauche. Parmi eux, le Secrétaire International du syndicat DISK, Kivanc Eliacik, un membre du Parlement de l’aile gauche kurde, Sebahat Tuncel (BDP), ainsi que le co-président du parti ODP, Bilge Seckin Centinkaya. Nous avons également assisté à l’énorme violence policière exercée contre les manifestations à l’aide d’autopompes, de gaz lacrymogènes et de grenades incapacitantes.
La confiance en soi, l’optimisme, la détermination et le dynamisme de ceux qui occupaient le parc Gezi, principalement des jeunes, ont été contagieux. Malgré la violence policière, ils ont temporairement réussi à faire reculer la police lors de la deuxième journée de manifestation. Quand nous y étions, ils savouraient avec raison cette victoire. De jeunes manifestants nous ont fièrement conduits aux environs du parc Gezi et de la place Taksim, nous montrant les nombreuses barricades faites de voitures de police et de matériaux de construction destinées à protéger la place d’une potentielle nouvelle attaque. En très peu de temps, ils ont appris comment minimiser les effets des gaz lacrymogènes. Des masques à gaz se sont répandus en même temps que des brochures expliquant comment mélanger des liquides de base pour neutraliser les gaz lacrymogènes.
Le degré d’auto-organisation dans le camp était frappant. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées sur les lieux et plus d’un millier de personnes y campaient jour et nuit. Prendre le contrôle d’un large espace public pose inévitablement de nombreux problèmes avant tout organisationnel – distribution de nourriture, d’eau, de matériel de premiers soins, établissement des règles du camp – mais qui ont de profondes implications politiques. La gamme de services offerts aux manifestants était impressionnante. En plus de la distribution gratuite de nourriture et d’eau et de l’organisation du nettoyage régulier, il y avait une section de premiers soins et même une crèche. Un principe établi dans le parc Gezi était que rien ne devait être acheté ou vendu. Les bénévoles acceptent seulement qu’on leur donne ce qu’ils allaient ensuite à leur tour donner aux manifestants.
Des syndicalistes de gauche du KESK (secteur publique) et du DISK (secteur privé) et des militants de partis et d’organisation de gauche ont accompagné les jeunes manifestants souvent inexpérimentés (une enquête a indiqué que 57% des manifestants l’étaient pour la première fois de leur vie). L’expérience de ces militants est vaste compte tenu de l’oppression structurelle et systématique de la démocratie et des droits des travailleurs en Turquie, qui a encore récemment augmenté sous le gouvernement néolibéral et anti-travailleurs d’Erdogan. Avec les attaques du régime d’Erdogan, tout ceci est désormais menacé. Erdogan est confronté à une résistance extrêmement déterminée. Ayant senti leur pouvoir, la classe ouvrière turque et les jeunes n’abandonneront pas leur contrôle des espaces publics sans se battre. Quand nous étions sur place, beaucoup étudiaient activement les leçons des révolutions égyptienne et tunisienne, cherchant à éviter les échecs connus là-bas.
Ce n’est qu’un début
Le régime Erdogan se bat pour sa survie contre un soulèvement de larges sections de la population et a opté pour une répression plutôt que pour des concessions pour tenter de l’écraser. Les espoirs antérieurs d’une victoire facile et l’euphorie au parc Gezi ont été écrasés par les matraques, les autopompes et les gaz lacrymogènes. Le discours d’Erdogan est de son côté de plus en plus agressif.
Le mouvement doit avoir une grande discussion sur les revendications et la stratégie à mettre en place pour tenter de renverser Erdogan. Une défaite serait synonyme de représailles et d’une répression massive contre les manifestants.
Il est désormais évident que les cinq revendications de Taksim Solidarité – (1) non au projet de construction dans le parc Gezi ; (2) le retrait des chefs de police et du Ministre de l’Intérieur impliqués dans la brutale répression policière; (3) l’interdiction de l’utilisation des gaz lacrymogènes; (4) aucune restriction sur la possibilité de manifester dans les espaces publics; (5) la libération de tous ceux qui ont été arrêtés durant les manifestations – ne sont plus suffisantes pour faire face à la situation. Même si ces revendications se sont révélées être une base sur laquelle un mouvement très large a pu se développer, elles ne répondent pas aux questions posées par les développements actuels : comment défendre les manifestants contre les violentes attaques ? Comment renverser le gouvernement Erdogan ? Par quoi le remplacer ?
Le mouvement doit tenter de saper le soutien qu’Erdogan a encore parmi des secteurs importants de la population, en expliquant le principe du ‘‘diviser pour régner’’ caché derrière ses appels aux valeurs islamiques conservatrices. Il faut expliquer que ses politiques économiques ne conduisent qu’à l’augmentation de la pauvreté (déjà massive), à la répression des droits syndicaux et au développement des inégalités.
Il est vital de développer davantage l’organisation du mouvement. Une lacune criante, contrairement aux occupations de places en Grèce et en Espagne en 2011, est l’absence d’assemblées décisionnelles populaires de masses. Des rassemblements prennent régulièrement place, mais ceux-ci sont principalement organisés par des groupes limités et n’ont pas de pouvoir décisionnel. Les personnes qui n’appartiennent à aucune des organisations politiques – la majorité des manifestants – sont donc un peu exclus du processus de prise de décision. La création d’assemblées populaires dans les différentes villes et leur coordination démocratique au niveau du pays grâce à une conférence nationale du mouvement est désormais une question cruciale. L’auto-organisation n’est pas seulement un moyen d’organiser la résistance, cela pose également les premiers jalons vers la façon dont un gouvernement alternatif des travailleurs et des pauvres pourrait être organisé.
Les partis et les syndicats de gauche ont un rôle primordial à jouer dans ce mouvement. Ils ont déjà subi cette répression massive et les leçons qu’ils en ont tirées doivent servir à développer des propositions concrètes et une orientation claire. Les syndicats de gauche devraient discuter de la façon de mobiliser les travailleurs et les jeunes. Les dirigeants des fédérations syndicales ont montré une grande réticence dans le soutien aux manifestations. Leurs membres sont toutefois eux aussi affectés par les politiques néolibérales et antisociales du gouvernement. Ce ne sera pas une tâche facile au vu de la nature des directions syndicales, mais c’est une question vitale pour développer la lutte et ne pas céder face à Erdogan et à l’AKP.
Les expériences du mouvement ouvrier doivent être rassemblées au travers de la création d’un nouveau parti des travailleurs qui regroupe les différentes tendances existantes, y compris les forces impliquées dans le HDK (‘‘Congrès démocratique du peuple’’, coalition électorale de gauche). Dans un tel parti, les différents groupes pourraient défendre leurs propres points de vue, mais nous pensons que seul un programme de rupture avec la dictature des marchés – un programme socialiste – peut conduire à une réelle alternative au gouvernement actuel. Le régime a tenté de stopper le mouvement avec une proposition de référendum sur l’avenir du parc Gezi. Le mouvement a cependant depuis longtemps cessé d’être limité à cette seule question pour aborder le fait que la croissance économique ne profite qu’à une minorité, pour s’opposer au programme de privatisation, à la répression contre les travailleurs et la population kurde,…
La police a pu reprendre la place Taksim le 11 juin. Selon Amnesty International, il y a eu un millier de blessé uniquement autour de cette date. Il y a également eu 5 morts et il est impossible de contacter 70 des centaines de manifestants arrêtés. Des avocats désireux d’offrir une assistance juridique aux manifestants ont été eux aussi arrêtés, des médecins ont été empêchés de soigner des blessés et Hayat TV, l’une des rares chaînes à avoir parlé des mobilisations anti-gouvernementales, a quasiment été fermée.
La violence a conduit à une grève générale. Le mouvement a ensuite semblé être quelque peu en recul. Mais la Turquie n’est plus la même après ces intenses semaines de lutte. La lutte pour un meilleur avenir se poursuivra. Les syndicalistes et militants de gauche doivent continuer à suivre l’évolution de la situation en Turquie, même lorsque les médias dominants en parleront moins. Le danger de représailles de la part des autorités est énorme, en particulier contre les syndicalistes et les militants de gauche.
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Afrique du Sud : La répression mise en échec, Liv Shange est de retour !
Ce cas individuel représente dans les faits une victoire pour toute la classe des travailleurs. Depuis ce dimanche 14 juillet, notre camarade Liv Shange est à nouveau en Afrique du Sud. Jusque là, elle était menacée de ne plus pouvoir y revenir à cause du rôle politique qui fut le sien dans le cadre de la lutte des mineurs sud-africains. Le nouvellement créé Workers and Socialist Party avait lancé une campagne en sa défense afin d’instaurer une pression suffisante sur les autorités.
Par Meshack Komane, Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud)
Le contexte
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Pour en savoir plus
- Marikana : le massacre qui changea la face de l’Afrique du Sud
- Afrique du Sud : Workers and Socialist Party (WASP) – premiers pas pour unifier les luttes
- Afrique du Sud : Fondation du Workers and Socialist Party
- Un siècle d’ANC : de l’espoir à la désillusion
- Afrique du Sud : De l’apartheid à Marikana, la lutte pour plus de justice sociale continue
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Le mardi 11 juin dernier, peu de temps avant que Liv ne quitte l’Afrique du Sud pour une visite de famille en Suède, le secrétaire général de l’African National Congress (ANC) Gwede Mantashe avait déclaré à Sandton, à l’occasion d’un forum d’hommes d’affaires, que des étrangers issus de Suède et d’Irlande se trouvaient derrière ce qu’il qualifiait comme étant “l’anarchie de Marikana”. A la suite de cela, il y a eu la tentative d’expulser la militante de premier plan du Democratic Socialist Movement (DSM, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud) et du Workers and Socialist Party (WASP, un parti large nouvellement lancé et dans lequel est actif le DSM) Liv Shange (une citoyenne suédoise mariée à un Sud-Africain).
Dans sa déclaration, Gwede Mantashe faisait référence au rôle joué par le DSM et par Liv, entre autres militants, dans la lutte des mineurs de Marikana qui s’est déroulée l’an dernier et qui a laissé de profondes marques sur le paysage politique et syndical d’Afrique du Sud. Ils avaient aidé les mineurs à initier et organiser leurs propres comités de grève et à les coordonner dans un Comité de Grève National. Le nouveau parti qui se présentera aux prochaines élections, le Workers and Socialist Party (WASP), est né de la lutte de Marikana et de ces comités de grève. Le WASP tente notamment d’unir les différentes luttes et communautés ouvrières du pays. Tant les mineurs que le WASP semblent constituer de gigantesques épines dans le pied de Mantashes et de l’ANC, qu’ils essayent de s’arracher par une répression féroce.
Les attaques dont a été victime Liv Shange ne constituent en rien un acte isolé. Une guerre civile larvée est en train de prendre place dans les mines avec la suspension de délégués syndicaux, le harcèlement de syndicalistes et la tenue de procès contre eux, etc. Histoire d’encore plus clarifier la manière dont le gouvernement ANC traite ses opposants politiques – tant au sein de ce parti qu’à l’extérieur – un conseiller local du parti, Tlokwe, vient récemment d’être expulsé… pour avoir dénoncé un fait de corruption majeur ! Dans ce cadre, la victoire remportée contre la répression dans le cas de Liv Shange représente une victoire pour toutes les victimes de la répression dans le pays.
La campagne de défense de Liv Shange
Cette campagne a collecté des centaines de signatures de soutien de différents syndicats, organisations et militants. De nombreuses signatures ont été collectées dans les mines de Rustenburg et de Carletonville. Des personnalités sud-africaines bien connues comme l’écrivain Don Materra ont ouvertement déclaré soutenir Liv Shange. Des lettres de soutien et de protestation sont arrivées de tout le pays et du reste du monde au Département des Affaires Intérieures. Parmi elles se trouvait notamment une lettre écrite par Paul Murphy, le député européen irlandais du Socialist Party qui répondait aux accusations portées par Mantashes.
Ce dimanche, après une longue et nerveuse attente, un groupe de camarades du WASP, de syndicalistes et de militants a pu chaudement accueillir Liv, qui a notamment été portée en l’air par des membres du Comité des travailleurs d’Amplats. La concession qui a été obtenue est qu’elle dispose dorénavant d’un permis de séjour de trois mois, temps qu’elle pourra mettre à profit pour régulariser sa situation d’immigrée en Afrique du Sud. Le combat contre la menace de l’expulsion de Liv se poursuit donc.
‘‘Les autorité ont effectué un virage à 180° ces derniers jours, et c’est très clairement la conséquence de la pression instaurée par la campagne’’, a-t-elle déclaré. Tout cela fait partie des efforts du gouvernement visant à désarmer les travailleurs dans le cadre des attaques que les patrons des mines sont en train de lancer. ‘‘Je ne suis pas intimidée et je continuerai à soutenir avec mes camarades les luttes des mineurs et de la classe ouvrière’’ a-t-elle encore affirmé.
L’inscription ‘‘An injury to Liv is an injury to all’’ (‘‘Une attaque contre Liv est une attaque contre tous’’) figurait sur les affichettes tenues à l’aéroport. Une victoire pour Liv est aussi une victoire pour tous. La gauche, les syndicats et les collectivités de travailleurs se doivent maintenant d’unifier toutes les luttes qui se mènent contre la répression et de discuter de la meilleure stratégie à adopter pour combattre les patrons des mines et le gouvernement, acquis à ces derniers.
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Solidarité avec les mobilisations en Turquie ! Non à la répression policière, défendons la liberté d'expression !
Nous, députés du groupe de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique (GUE-NGL) au Parlement européen, tenons à affirmer notre solidarité à tous ceux qui se sont impliqués dans les manifestations pacifiques à travers la Turquie les derniers jours et les dernières semaines. Les travailleurs et les militants partout à travers l’Europe suivent avec attention les évènements en Turquie et sont choqués par la brutalité utilisée par les autorités turques.
Déclaration de députés européens de la GUE/NGL
Nous soutenons l’appel du syndicat du secteur public KESK qui a appelé à la grève suite à l’utilisation brutale de la violence d’État contre les manifestants. Le gouvernement de droite turc, allié de l’OTAN, ayant pour ambition de devenir une puissance régionale, est aujourd’hui remis en cause par l’opposition et la colère qui s’exprime dans cette révolte.
En tant que députés européens de gauche, nous défendons les droits démocratiques de tous les peuples, en Turquie et à travers le monde, de manifester et de s’exprimer librement. Nous sommes atterrés par les déclarations de Mr Erdogan à la presse affirmant que "les manifestations ne sont pas démocratiques" et que "les médias sociaux sont des menaces sévères contre la société".
Nous nous insurgeons contre les arrestations massives de plus de 1700 personnes, et nous insurgeons contre le fait que plus de 1500 personnes aient été blessées suite aux violences policières, certaines personnes apparemment très grièvement.
Nous demandons au gouvernement turc d’arrêter ces violences policières et de soutenir l’appel pour une enquête indépendante sur l’utilisation de la violence d’États, et demandons que les résultats d’une telle enquête puisse être publics et que les coupables soient traduits en justice.
Nombre d’entre nous sont impliqués dans des mouvements de résistance contre les politiques d’austérité brutales imposées dans nos pays respectifs par la Troïka c’est-à-dire le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne et la Commission européenne, avec l’accord et le soutien des gouvernements nationaux, qui n’ont apporté que la misère et la pauvreté pour les classes populaires et en particulier les jeunes.
Nous constatons que le droit démocratique de manifester est de plus en plus menacé à mesure que la colère des peuples contre les politiques néolibérales et antisociales augmente.
C’est pour cela que nous devons nous unir pour défendre notre droit à manifester et à se mobiliser pour une autre politique qui défende les intérêts et les conditions de vie de la majorité des peuples et non pas les intérêts d’une petite minorité.
Nous disons "ça suffit!". Le gouvernement turc bafoue depuis trop longtemps les droits démocratiques des travailleurs, des syndicats et des minorités.
Votre courage et vos luttes sont une inspiration pour nous et nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour porter votre lutte au Parlement européen et avec les syndicats et des mouvements sociaux au sein desquels nous sommes impliqués.
Bien cordialement,
- Paul Murphy MEP
- Nikolaos Chountis MEP
- Takis Hadjigeorgiou MEP
- Jacky Hénin MEP
- Sabine Lösing MEP
- Marisa Matias MEP
- Willy Meyer MEP
- Soren Sondergaard MEP
- Alda Sousa MEP
- Sabine Wils MEP
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Turquie : Erdogan a choisi l’épreuve de force, mais les ‘‘pillards’’ continuent de riposter
Ce lundi 10 juin, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait accepté de parler aux manifestants et de les écouter. Mais le lendemain, tôt le matin, il a envoyé la police anti-émeute évacuer brutalement les manifestants de la place Taksim à Istanbul, en utilisant des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des bulldozers.
Par Kai Stein, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Durant deux semaines de protestation, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues. Le slogan ‘‘Tayyip istifar’’ (Erdogan démissionne) a rassemblé les manifestants des travailleurs du secteur public à ceux qui refusaient la répression du gouvernement contre la consommation d’alcool et les baisers en public. Les masses kurdes, qui continuent à subir l’oppression de l’Etat, se sont jointes aux mobilisations. Parmi les rangs des protestataires, on trouve des militants syndicaux, des écologistes – qui ont initié les manifestations place Taksim – des jeunes de banlieue et la classe ouvrière.
Erdogan tente de se mobiliser un certain soutien parmi les couches les plus conservatrices et religieuses du pays. Il a décrit les centaines de milliers de manifestants comme ‘‘une poignée de pillards’’ ou de ‘‘vandales’’. Erdogan a annoncé la tenue de manifestations de masse en faveur du gouvernement le samedi 15 juin à Ankara et le dimanche 16 juin à Istanbul. Ce calendrier n’est pas un hasard.
Des confrontations épuisantes avec la police
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Pour en savoir plus
- Turquie : Rapport de Paul Murphy
- Turquie : Un mouvement de masse défie le gouvernement Erdogan
- NON au gouvernement Erdogan et NON à l’AKP, le parti du capital !
Meeting sur les mobilisations de masse en Turquie
Ce vendredi 14 juin 2013, à 19h, notre camarade Tanja Niemeier (collaboratrice de l’eurodéputé Paul Murphy) livrera un rapport de son voyage en Turquie, au cœur des mobilisations qui ébranlent le régime de l’AKP. RDV ce vendredi à l’ULg, place du XX août, salle Wittert (trajet fléché).
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Près de deux semaines durant, les travailleurs et les jeunes ont dû quotidiennement se défendre contre la police. En plus des principales places des villes, des centaines de quartiers ont également connu des occupations sans recevoir beaucoup d’attention médiatique. Mais à chaque rassemblement, les contestataires ont été attaqués avec des gaz lacrymogènes.
Hélas, la grève du secteur public des 4 et 5 juin n’a pas été suivie par d’autres actions de la classe ouvrière organisée. Des militants de groupes de gauche organisent les camps sur les places et, à plus d’un titre, organisent le mouvement au jour-le-jour. Mais aucune des grandes organisations, parti ou syndicat, ne met en avant une stratégie pour faire avancer la lutte.
Des comités d’action ou des comités de défense des protestations ont été constitués, mais essentiellement pour faire face aux questions urgentes et ils sont principalement composés de membres de groupes de gauche. Cela laisse la majorité des manifestants sans voix.
Comment faire chuter Erdogan ?
Une stratégie audacieuse est nécessaire pour construire le mouvement avec des assemblées générales et des comités à tous les niveaux : pour défendre les protestations mais aussi pour coordonner la lutte et construire un rapport de force capable de renverser le gouvernement et d’offrir une alternative dans l’intérêt des travailleurs, des jeunes et pauvres. Au lieu de laisser l’espace à Erdogan pour mobiliser le soutien des conservateurs sur des thèmes religuieux, un tel mouvement pourrait porter atteinte à ce soutien et gagner la faveur de tous ceux qui souffrent de la politique antisociale d’Erdogan en développant des revendication portant sur l’emploi, l’arrêt des privatisations, les conditions de travail, le logement,…
Malheureusement, même à gauche, les revendications défendues sont assez limitées et portent sur la défense du Parc Gezi, sur le respect des droits démocratiques et sur la condamnation des responsables des brutalités policières. Tout cela doit être défendu, mais limiter le mouvement à ces questions – sans développer les questions sociales – sacrifie la stratégie nécessaire pour se battre efficacement pour les aspirations qui ont conduit les masses à descendre dans les rues.
La majorité des manifestants sont des jeunes, éloignés de tous partis. Ce vide doit être rempli par la création d’un nouveau parti de masse démocratique, armé d’un programme socialiste et où les forces de gauche existantes (HDK, Halk Evleri, etc.) pourraient collaborer.
Le nombre de manifestants était légèrement à la baisse ce lundi 10 juin. Erdogan cherche à exploiter cette faiblesse pour reprendre le contrôle de la situation, mais cela peut à son tour provoquer une nouvelle vague de luttes.
Sosyalist Alternatif (CIO-Turquie) plaide pour protester aujourd’hui contre les attaques de la police et pour l’organisation de manifestations de masse dans toutes les villes samedi prochain, avant une manifestation nationale le dimanche à Istanbul afin de riposter contre la tentative de démonstration de force d’Erdogan. Cela pourrait préparer le terrain pour une grève générale – des secteurs privé et public – d’une journée en tant qu’étape ultérieure du mouvement.
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Turquie : Rapport de Paul Murphy
La solidarité est vitale
Paul Murphy, le député européen du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Irlande), s’est récemment rendu à Istanbul afin de voir de ses propres yeux les manifestations qui s’y déroulent. Dans son journal de bord, il aborde la réponse brutale du Premier Ministre turc.
Paul Murphy, député européen, Socialist Party (CIO-Irlande)
‘‘La confiance en soi est comme un virus’’ expliquait Eser Sandiki, une jeune professeure d’école et militante socialiste qui occupait la place Taksim vendredi soir. Ses mots ne sont pas seulement vrais sur la place Taksim, mais également à travers toute la Turquie dans laquelle le gouvernement autoritaire d’Erdogan est confronté à un soulèvement. Dans plus de 70 villes, des manifestations et des occupations de masses ont eu lieu, réunissant plus d’un million de personnes.
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Pour en savoir plus
- Turquie : Un mouvement de masse défie le gouvernement Erdogan
- NON au gouvernement Erdogan et NON à l’AKP, le parti du capital !
Meeting sur les mobilisations de masse en Turquie
Ce vendredi 14 juin 2013, à 19h, notre camarade Tanja Niemeier (collaboratrice de l’eurodéputé Paul Murphy) livrera un rapport de son voyage en Turquie, au cœur des mobilisations qui ébranlent le régime de l’AKP. RDV ce vendredi à l’ULg, place du XX août, salle Wittert (trajet fléché).
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En de nombreux endroits, comme place Taksim, les places sont entourées de barricades érigées par les manifestants avec des matériaux de construction et des voitures de police brulées pour se protéger de la police. A l’intérieur de ces barricades, des conseils de volontaires organisent des distributions de nourriture et d’eau, des garderies d’enfants, la sécurité et les premiers soins.
Aujourd’hui [le 9 juin, ndlt], alors que la place Taksim était déjà bondée de monde une heure après l’heure prévue pour une grande manifestation, des gens ont continué d’affluer de toutes les rues, certains estimant une foule de 300.000 personnes.
La réponse du Premier Ministre Erdogan a été brutale, faite d’attaques policières féroces contre les manifestants. La police a recouru aux gaz lacrymogènes et a brûlé des tentes de participants à l’occupation. Des policiers en civil s’en sont d’autre part pris à des manifestants à coups de couteaux et de gourdins. Selon l’estimation la plus récente de l’Association médicale turque, plus de 4000 personnes ont été blessées, un nombre à certainement revoir à la hausse. Trois personnes sont décédées jusqu’ici.
La violence physique a été justifiée par toute cette rhétorique qui a qualifié les manifestants de ‘‘capulcu’’ (pillard, ou vandale, en turc). En réponse à cela, sur les pancartes autour de la place, on pouvait lire ‘‘Nous sommes tous capulcu’’. Une chaine de télévision, ‘‘Capulcu TV’’ a été lancée sur le net. Erdogan a également attaqué les réseaux sociaux, décrivant Twitter comme une ‘‘menace pour la société’’.
La raison est claire – alors que six journaux turcs avaient exactement le même titre jeudi matin et que la NTV diffusait un documentaire sur les manchots lors de l’assaut policier sur la place Taksim – plusieurs vidéos de brutalité policières se sont propagées à travers la toile.
Le coup de grâce
L’étincelle qui a provoqué cette révolte de masse fut l’arrivée de bulldozers dans le parc Gezi d’Istanbul, conformément à un plan qui prévoyait de remplacer l’un des rares espaces verts et publics du centre-ville par un centre commercial. Ce fut simplement ‘‘la goutte qui a fait déborder le vase’’, comme l’a expliqué Mucella Yapici, la Secrétaire de ‘‘Solidarité Taksim’’, l’une des dirigeantes de la Chambre des Architectes à Istanbul. Mucella a dénoncé ‘‘le pillage de la ville’’ de ces dernières années – la destruction d’espaces publics, l’expulsion de la population ouvrière de leurs quartiers et l’embourgeoisement de ces zones, ainsi que des projets de prestige comme la planification d’un troisième aéroport et d’un troisième pont massif.
Ce processus conduit à l’enrichissement d’un secteur de la construction très proche du parti au pouvoir, l’AKP. Cette réorganisation de la ville a également été considérée comme une attaque contre les bâtiments historiques représentant les traditions laïques de Turquie.
Un autre facteur est l’importance historique de la place Taksim pour le mouvement des travailleurs. Lors du 1er mai 1977, 34 travailleurs qui célébraient le 1er Mai furent tués par des tirs de polices sur la foule. Cette année, la permission pour les manifestations du 1er mai sur la place Taksim a été refusée. Ces éléments, combinés à la nature autoritaire du gouvernement d’Erdogan, notamment ses tentatives d’imposer des restrictions conservatrices sur la vente d’alcool et ses limitations de disponibilité de pilules contraceptives, ont installé le terreau pour une explosion sociale.
Manifestations anti-gouvernement
Les manifestants se sont réunis autours de 5 revendications :
- Non à la destruction du parc Gezi
- Le retrait des chefs de police et du Ministre de l’Intérieur impliqués dans la brutale répression policières
- Une interdiction de l’utilisation de gaz lacrymogènes
- Aucune restriction dans l’utilisation des espaces publiques pour les manifestants
- La libération de tous ceux qui ont été arrêtés durant ces manifestations.
Malgré ces revendications officielles, le slogan le plus populaire, qui résonne 24h sur 24 et qui surgit spontanément même au-delà de la place Taksim, est ‘‘Tayyip Istifa’’ (Tayyip [Erdogan] démissionne). Il est suivi par le chant qui entraine des milliers de personnes à sauter : ‘‘si tu ne sautes pas, tu supportes Erdogan’’. C’est maintenant un mouvement anti-gouvernement qui lutte pour des droits démocratiques et la liberté.
Le mouvement de protestation a entrainé des centaines de milliers de personnes qui n’avaient encore jamais été politiquement actives avant ces actions. Un sondage des manifestants de Taksim montre que 57% n’avaient jamais participé à une manifestation avant et que 70% ne soutenaient pas de parti politique en particulier. Avec ces gens précédemment inactifs, le mouvement a également réuni des alliés hors du commun. Des groupes de supporters de football de trois équipes d’Istanbul – Besiktas, Fenerbahce et Galatasaray – réputés pour leurs affrontements entre eux, ont rejoint les forces de l’opposition pour les aider à repousser la police.
Ils sont rejoints par des militants des partis et des syndicats de gauche qui ont une grande expérience de la nature répressive de l’État turc. Les militants féministes et LGBT sont des forces visibles et s’opposent notamment aux chants sexistes de certaines parties des manifestants.
Place Taksim, des drapeaux du dirigeant kurde Abdullah Öcalan flottent aux côtés des drapeaux nationalistes turcs. L’expérience de la répression policière et de la censure médiatique a ouvert les yeux à certains militants turcs à propos de l’oppression des kurdes.
Pour le moment, la police a renoncé à ses tentatives de reprendre la place Taksim [cet article date du 9 juin, ndt], mais les violences massives continuent à Ankara, partout en Turquie et dans les banlieues d’Istanbul. Samedi soir, en compagnie des journalistes du Rabble, Reuben et Gielty et des militants turcs, je me suis rendu dans un quartier ouvrier appelé Gazi dans lequel vit majoritairement des Kurdes et des Alévis. Là-bas, j’ai été témoin d’une énorme bataille de rue impliquant près de 10.000 personnes issues de la classe ouvrière contre la police. Les gaz lacrymogènes se mélangeaient avec la fumée des feux de joie pendant que les autopompes de la police nous tiraient dessus. Quelques jours avant, Turan Akbas, âgé de 19 ans, a reçu une bombe de gaz lacrymogène dans la tête.
Lui, ainsi que 9 autres personnes victimes de blessures similaires, est actuellement dans une situation critique à l’hôpital. Pour les résidents de Gazi et beaucoup d’autres, ce soulèvement est une réaction aux décennies de répression et de brutalité par la police et l’absence de droits démocratiques.
Et ensuite ?
Ce qu’il se passera par la suite est incertain. Erdogan a choisit une ligne agressive, malgré que d’autres voies de l’establishment adoptent des discours plus conciliateurs. Le meeting de samedi des dirigeants du parti au pouvoir, l’AKP, a exclu des élections anticipées et a décidé d’organiser des grands rassemblements de ses partisans samedi et dimanche prochain. La place Taksim est en pleine effervescence suite à des rumeurs selon lesquelles la police va tenter de reprendre la place lundi.
S’ils le font, ils devront faire face à une résistance extrêmement déterminée. Ayant senti leur puissance, la classe ouvrière turque et les jeunes ne sont pas près de renoncer à leur contrôle des espaces publiques sans se battre. Beaucoup étudient les leçons des révolutions égyptienne et tunisienne, cherchant à éviter les déboires rencontrés là-bas.
Le génie est sorti de la bouteille pour le gouvernement Erdogan – ce soulèvement a le potentiel de devenir un mouvement révolutionnaire capable de le renverser et de poser les possibilités d’un changement radical démocratique et socialiste. Les actions de solidarité sont aujourd’hui indispensables pour montrer que les manifestants ne sont pas les seuls et que le monde a les yeux tournés vers eux.
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Protestations de la communauté cachemiri de gauche au Parlement Européen
Alors que la droite a tenu au Parlement européen sa ”Semaine du Cachemire”, des militants cachemiris de gauche ont protesté de l’extérieur contre l’occupation de cette région tant par l’Inde que par le Pakistan. Au cours de cette dernière période, la population des deux parties du Cachemire a à nouveau été victime d’une répression sanglante. A Bruxelles, les manifestants ont été rejoints par le député européen du Socialist Party irlandais Paul Murphy.
Photos par Liesbeth et Geert
A l’initiative d’un député de droite de Grande-Bretagne, Nikki Sinclaire (initialement élu sur la liste de l’UKIP mais devenu indépendant depuis lors), toute une série de représentants politiques de la partie du Cachemire occupée par l’Inde se sont rendus au Parlement européen cette semaine. Cette initiative a pu compter sur le soutien de plusieurs députés européens de droite. Des éditions précédentes de cette semaine avaient été organisées par les Tories, les conservateurs britanniques. L’événement vise à soutenir les forces conservatrices dans la partie du Cachemire occupée par l’Inde en leur offrant une visite prestigieuse du Parlement européen. Ce n’est visiblement pas non plus une mauvaise chose pour le gouvernement pakistanais, les rumeurs selon lesquelles le Pakistan soutiendrait même l’initiative sont nombreuses.
Le Cachemire est une région contestée depuis des décennies. Dans la partition du sous-continent indien qui a eu lieu après la Seconde Guerre mondiale, le dirigeant local du Cachemire avait refusé d’adhérer au Pakistan à majorité musulmane et préféré l’Inde à prédominance hindoue. Depuis lors, cette zone est divisée et contestée. L’Inde et le Pakistan utilisent la région et la question nationale afin de détourner l’attention de la population des problèmes sociaux internes en stimulant le nationalisme. La première victime de cette politique est le peuple du Cachemire qui vit sous un régime militaire et subit une répression féroce dans les régions occupées, tant de la part de l’Inde que du Pakistan.
L’action de protestation tenue face au Parlement européen hier visait à faire entendre une autre voix. Pas celle des dirigeants conservateurs européens qui recourent eux aussi à la politique du diviser pour régner, mais une voix qui part au contraire de la base de la société. L’initiative de cette action avait été prise par diverses organisations progressistes luttant pour le droit à l’autodétermination de la population du Cachemire. "Le peuple du Cachemire doit être capable de décider de son sort", a notamment déclaré l’eurodéputé Paul Murphy en rejoignant les manifestants. Selon nous, la question nationale ne peut pas être résolue sans regarder comment résoudre à la fois les problèmes sociaux. Tout comme les manifestants réunis devant le Parlement européen, nous nous battons pour une alternative socialiste à la société capitaliste, et le droit à l’autodétermination du peuple du Cachemire fait partie intégrante de ce combat.