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  • Russie : “Poutine – Voleur !”

    Un mois plus tôt, si quelqu’un avait émis l’idée que près de 100 000 personnes allaient envahir une place de Moscou en s’exclamant “Poutine – vor!” (“Poutine – voleur!”), cela aurait été accueilli avec un certain scepticisme (c’est le moins que l’on puisse dire) par la plupart des gens. Et cependant, la colère de la part d’une couche de plus en plus grande de la population face à la fraude électorale perpétrée par le régime lors des récentes élections parlementaires commence menace maintenant à menacer l’existence même du régime Poutine.

    Rob Jones, Komitiet za rabochij internatsional (CIO Russie)

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    Pour en savoir plus:

    Pour mieux comprendre le contexte

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    Le régime a fait tout ce qu’il pouvait pour empêcher les gens de venir à la manifestation de samedi. Un peu plus tôt dans la semaine, les manifestations contre la fraude électorale à Moscou et à Saint-Pétersbourg avaient été brutalement réprimées. Plus d’un millier de gens ont été arrêtés et condamnés à jusqu’à 15 jours de prison. Les médias contrôlés par l’État – ce qui inclut presque l’ensemble des stations radios et des chaines de télévision – ont complètement ignoré les actions de protestation. Au fur et à mesure que se rapprochait la manifestation de samedi, le régime a commencé à utiliser des menaces et des tactiques d’intimidation contre les manifestants.

    Le ministre de l’Intérieur à expliqué que, en ce qui le concernait, la seule différence entre une manifestation de 5000 personnes et une manifestation de 50 000 personnes était la quantité de flics et d’équipement à mobiliser. Tout au long de la semaine, on a entendu des rapports de troupes étant acheminées vers Moscou. Ceci était utilisé pour tenter d’effrayer les gens et de les empêcher de venir manifester. Vendredi passé, lorsqu’il était déjà clair que les actions allaient être massives, il a été tout à coup annoncé que les lycéens allaient devoir aller à l’école samedi – et jusqu’à huit heures du soir ! Le même jour, le docteur à la tête du département national de lutte contre les maladies infectieuses a déclaré que les gens ne devraient pas aller manifester parce que cela risquerait de déclencher une épidémie de grippe !

    Mais rien de tout cela n’a fonctionné. Le processus qui s’est enclenché il y a un mois, lorsque le premier ministre Poutine s’est fait huer par la masse des spectateurs dans un stade sportif, a maintenant fait boule de neige et s’est transformé en un mouvement d’opposition de masse. Samedi passé, la place du Marais (Bolotnaïa ploschad) débordait de manifestants. Cette place se trouve juste en bas du Kremlin, entre la rivière Moskova et le canal de dérivation. Les gens se pressaient même dans les rues avoisinantes. Il y avait tellement de gens sur le pont Loujkov (ou “pont des amoureux”, où la tradition veut que les jeunes couples aillent accrocher un cadenas pour célébrer leur mariage) qu’à un moment, la police a averti d’un risque d’effondrement si la foule ne le quittait pas. Il a été annoncé du haut de la tribune que même la police estimait à un moment que se trouvaient plus de 100 000 manifestants sur la place. Ce chiffre est probablement proche de la réalité. Une fois sur la place, les manifestants ont été obligés d’y rester pendant 4 heures, puisqu’il était quasi impossible de bouger.

    Partout à travers la Russie des actions similaires ont vu le jour. Jusqu’à 10 000 personnes ont manifesté à Saint-Pétersbourg, et d’importantes manifestations de centaines et bien souvent de milliers de gens se sont produites dans plus de 100 villes. Malgré la température de -15°C, 4000 personnes étaient présentes à l’action à Novossibirsk, la capitale de la Sibérie. Des centaines de personnes ont également participé à des manifestations devant les ambassades de Russie un peu partout dans le monde.

    “Poutine et Medvedev – dégagez!”

    Les manifestants étaient surtout là pour protester contre la fraude éhontée des élections parlementaires. Lorsque les foules criaient “Poutine – voleur!” c’était en référence aux voix qu’il a volées. Les partisans des petits partis qui se sont vus empêchés de participer aux élections brandissaient les drapeaux de leur parti devant la foule, mais aucune des banderoles ne présentait la moindre revendication. Les revendications sont en général venues de la base. Lorsque le premier orateur sur la tribune a appelé à un recompte des voix, la foule a commencé à crier “Nouvelles élections !” Il faut également souligner que les trois partis d’“opposition” officielle étaient fort peu présents ; ils ont d’ailleurs tous exprimé depuis leur satisfaction quant au nombre de voix qu’ils ont reçues.

    Quelques membres du Parti “communiste” étaient présents avec une bannière qui disait “Comité des secrétaires locaux du Parti communiste”. Les manifestants quant à eux criaient “Poutine doljen ouïti!”, “Medvedev doljen ouïti!”, “Tchourov doljen ouïti!” (Poutine, Medvedev, Tchourov, dégagez ! ; Tchourov étant le chef de la Commission électorale).

    Le Parti communiste est officiellement arrivé second aux élections, doublant son nombre de voix précédentes. Mais le PC n’est pas un parti de gauche qui remet sérieusement en question le règne des oligarques. Il devient de plus en plus un parti nationaliste de droite qui utilise quelques revendications populistes pour gagner un soutien.

    Les participants sont venus à la manifestation de samedi avec leurs pancartes maison, aux slogans souvent cyniques et humoristiques. Une pancarte disait : « Selon un sondage, 146% des Moscovites pensent que l’élection était truquée » (en référence aux résultats officiels obtenus à Rostov-sur-le-Don, qui additionnés tous ensemble donnaient un résultat de 146% !). Une autre pancarte disait : « Je ne crois pas en Russie unie – je crois en Gauss » (du nom du célèbre statisticien dont la méthode, appliquée aux résultats des élections, démontre clairement la fraude massive). Le slogan le plus populaire restait cependant “Doloï joulikov i vorov!” – “À bas les escrocs et les bandits!” comme est désormais surnommé “Russie unie”, le parti de Poutine.

    Les orateurs à la tribune ce samedi étaient censés être des représentants de toute l’opposition politique. Cependant, sur 20 orateurs, 15 provenaient de partis de l’opposition néolibérale, qui, si l’élection avait été organisée correctement, n’auraient tous ensemble probablement pas remporté plus de 10% des voix. Les deux représentants de la “Gauche” qui ont eu droit à la parole (dont est député à la Douma pour le parti pro-Kremlin “Juste Russie”), n’ont fait que répéter des abstractions d’ordre général.

    L’ironie a voulu que ce soit la néolibérale Ella Panfilova, une ancienne ministre et militante des droits de l’Homme, qui a été la seule personne à traiter Poutine de voleur pas seulement pour le vol des voix, mais également pour ses attaques sur les salaires et sur le budget de la santé et de l’éducation. Elle a reçu une réponse très chaleureuse de la part de la foule. À chaque fois qu’un des députés néolibéraux de la Douma venait prendre la parole – y compris un des députés du PC –, la foule s’exclamait : « Remets ton mandat ! », noyant souvent l’orateur sous cet appel. Cela indique la défiance et le cynisme qui existe envers l’ensemble des partis. Cela se reflétait d’ailleurs sur une des banderoles qui disait : « Je n’ai pas voté pour ces fripouilles-ci – j’ai voté pour les autres fripouilles ! J’exige qu’on recompte les voix ! »

    L’humeur générale au cours de la manifestation de Moscou était un scepticisme affiché envers tous les politiciens, bien qu’il n’y avait pas une tendance politique claire exprimée par les manifestants à part le soutien aux droits démocratiques de base. Lorsque Kassianov, un ancien premier ministre de Poutine (2000–2004), est venu parler, cela a provoqué une vague de mécontentement parmi la foule. La tribune a non seulement justifié le fait qu’il fallait bien collaborer avec l’extrême-droite, mais a même invité un des organisateurs de la “Marche des Russes”, la manifestation de l’extrême-droite du 4 novembre, à venir parler à la tribune. Celui-ci a appelé à une “révolution des Russes”, et à des élections “pour les Russes”. Il ne reçut qu’une réponse plutôt froide de la part de la foule, qui a commencé à scander “Pas de révolution ! Pas de révolution!” en réponse à sa démagogie d’extrême-droite. Cela a mené le président de la tribune à, une fois de plus, expliquer “la nécessité de travailler main dans la main avec la Marche des Russes”, dont il a fait remarquer que “de nombreux participants étaient présents avec nous aujourd’hui”.

    L’extrême-droite

    Les membres de l’extrême-droite présents lors de la manifestation ne se sont pas montrés aussi tolérants. Considérant la nature homophobe d’une grande partie de la société russe, un groupe de militants LGBT ont courageusement déployé leurs propres pancartes et drapeaux arc-en-ciel. Ils se tenaient non loin du bloc du KRI (Komitiet za rabotchi internatsional, section russe du CIO), vu que le KRI est la seule organisation en Russie qui défend ouvertement la cause LGBT.

    À plusieurs reprises au cours de la manifestation, des voyous d’extrême-droite ont attaqué le contingent LGBT, tentant d’arracher leurs pancartes et de s’emparer de leur drapeau. Les membres du KRI et les militants LGBT ont dû former un cordon de sécurité autour des militants afin de faire cesser ces attaques. Lorsqu’un autre de ces voyous, tentant une nouvelle provocation, a été repoussé par notre cordon, il a été saisi par la foule qui l’a retenu et emporté plus loin.

    Malheureusement, les manifestants qui ont pris part à la formidable démonstration de colère contre le régime de ce samedi ont fini par être renvoyés chez eux sans qu’aucune proposition ne soit donné quant à la manière de développer le mouvement.

    La tribune a annoncé qu’il y aurait une autre manifestation (encore plus grande) dans deux semaines, le 24 décembre. Bien que le Noël orthodoxe soit décalé de deux semaines par rapport au Noël catholique/protestant, le 24 décembre reste tout de même quelques jours avant le début des congés de Nouvel An. D’ici là, la tribune a annoncé qu’il y aurait d’autres actions – organisées essentiellement par les divers petits partis néolibéraux – et une fois de plus, de la manière la plus scandaleuse qui soit, les orateurs ont mentionné une manifestation d’extrême-droite le lendemain dans le centre de Moscou comme faisant partie du “mouvement global”.

    Il est clair que les orateurs de la tribune espéraient qu’avant d’organiser une nouvelle manifestation générale, ils pourraient capitaliser sur l’humeur qui existe en ce moment dans la société pour faire venir des gens à leurs propres événements de parti. Il semble également qu’ils espèrent pouvoir forcer quelques concessions de la part du régime d’ici les élections présidentielles de mars 2012, que Poutine compte bien gagner. Mais lorsque les orateurs ont tenté de formuler cette position, la foule des manifestants s’est écriée : « Nouvel An sans Poutine ! »

    Plusieurs dizaines de militants du KRI ont participé aux manifestations à Moscou. Nous portions des bannières avec des slogans appelant à de nouvelles élections démocratiques, à la démission de la Commission électorale, et à ce que les prochaines élections se déroulent sous le contrôle de comités élus de travailleurs et de résidents de chaque arrondissement. Nos slogans comprenaient aussi un appel à la mise sur pied d’un parti ouvrier afin de représenter les intérêts de la vaste majorité dans la société, offrant une alternative socialiste.

    Presque aucun parti ni organisation présente à la démonstration ne distribuait de tracts (à l’exception de l’extrême-droite) ni ne vendait de journaux, sauf le KRI, qui a distribué des milliers de tracts et vendu tous ses journaux. Au cours des actions, nous avons aussi organisé une retransmission en direct des événements dans toute la Russie sur notre site internet. Ces rapports ont été lus par des dizaines de milliers de personnes.

    L’élite au pouvoir panse ses blessures

    Après les actions de masse du week-end dernier, l’élite dirigeante en Russie est en train de panser ses blessures. Malgré sa rhétorique enflammée et les menaces proférées à l’encontre des manifestants, la police a été remarquablement paisible ce week-end, surtout étant donné les habitudes de l’État russe. Officiellement, à peine 100 personnes ont été arrêtées samedi passé dans toute la Russie, essentiellement en Extrême-Orient. Aucune arrestation n’a eu lieu à Moscou.

    Le régime a sans doute estimé qu’au cas où il ferait recours à une répression brutale et généralisée, cela ne ferait que faire exploser le mouvement des rues, qui aurait ainsi risqué d’échapper à tout contrôle. Il semble à présent qu’il ait décidé de se baser sur les dirigeants de l’opposition néolibérale pour dégonfler le mouvement et semer la confusion parmi les masses. Tentant lui aussi de calmer la colère populaire croissante par rapport au trucage des élections, le président Medvedev a annoncé le 11 décembre qu’une “enquête” allait être menée autour des accusations de fraude électorale. Seuls les événements des quelques prochains jours et semaines montreront si les manœuvres du régime s’avéreront efficaces ou pas.

    Pour que les manifestations puissent se développer, il faut que les manifestants (principalement jeunes, urbains, et de classe moyenne) s’associent à la classe ouvrière large et aux pauvres sur les lieux de travail, dans les quartiers et partout ailleurs. Les travailleurs sont dégoutés de la fraude électorale éhontée, et sont de plus confrontés à la hausse du cout de la vie et à la baisse du cadre de vie global. La classe ouvrière organisée est cruciale pour susciter l’avènement d’une véritable politique et d’une transformation sociale. Elle est la force potentiellement la plus puissante pour le changement, utilisant ses méthodes de lutte de masse telles que l’action industrielle et la grève générale.

    La construction d’un mouvement de masse afin de véritablement remettre en question le régime Poutine requiert une lutte pour une alternative politique aux partis des oligarques, ainsi qu’aux partis nationalistes et populistes, et aux “dirigeants de l’opposition” auto-proclamés des partis pro-marché (néo)libéraux. Le KRI se bat pour la création d’un parti ouvrier de masse capable de lutter pour le renversement des oligarques et du capitalisme, et pour la réorganisation socialiste et démocratique de la société afin de mettre un terme à la crise actuelle et de transformer les conditions de vie de la majorité.

  • Russie : Des milliers de personnes arrêtées après deux jours de manifestations de rue

    La fraude électorale expose la vulnérabilité du règne de Poutine

    Ce mardi 6 décembre, les blogs et sites russes étaient remplis de rapports faisant état de l’arrivée massive des troupes à Moscou. On a vu apparaitre des photos qui montraient des convois entiers de bus blancs escortés le long des autoroutes. Les gens qui ont décidé de se rendre aux actions de protestation spontanées “illégales” (sans autorisation de l’administration) de mardi soir savaient qu’ils prenaient des risques. Mais à nouveau, des milliers de jeunes sont descendus pour protester contre la manière dont le Premier Ministre Poutine a manipulé les élections parlementaires de dimanche dernier. Son parti, Russie unie (Yédinaïa Rossiya, YéR), y aurait reçu une majorité de 13 sièges à la Douma (parlement).

    Rob Jones, CIO Moscou

    Le régime s’était bien préparé. Pendant les élections, près de 50.000 jeunes “pro-Kremlin”, du mouvement “nachiste” (“Nachi” : “les nôtres”) avaient été envoyés à Moscou pour y combattre toute activité ou action menée par l’opposition. Ces jeunes sont principalement des étudiants qui, en échange de leur activité militante, reçoivent une chambre dans un hôtel à Moscou et quelques euros par jour. Nombre d’entre eux s’étaient vu dire qu’à moins de suivre les instructions qui leur avaient été données, ils allaient rater leurs examens à l’université. Mardi soir, 5000 de ces jeunes ont été alignés sur la place où les manifestants comptaient se rassembler, tapant sur des tambours, brandissant des drapeaux russes et criant ‘‘Rossiya, Rossiya !’’ (Russie, Russie). Cependant, les opposants manifestants sont parvenus à détourner leur “slogan” : entre chaque ‘‘Rossiya’’, ils criaient en réponse : ‘‘Biez Poutina, biez Poutina !’’ (sans Poutine, sans Poutine).

    Autour des nachistes se trouvaient plusieurs rangs de police anti-émeute en tenue complète. Toutes les places alentours étaient bloquées par des bus et des camions de la police. Selon le Ministère de l’Intérieur, 51 000 policiers anti-émeute ont été amenés dans la capitale “pour protéger la sécurité du public”. Des détachements entiers de ces troupes ont repoussé les manifestants hors des rues, arrêtant des centaines d’entre eux. Un grand nombre des 300 personnes arrêtées lors des premières manifestations, lundi, ont déjà été trainés en “justice” mardi pour y être condamnés à jusqu’à 15 jours de prison. Il ne fait aucun doute qu’un destin similaire attend de nombreuses autres personnes mercredi et les jours suivants.

    Il est important de constater que presque toutes les personnes présentes à la manifestation légale de lundi, tout comme à la manifestation spontanée de mardi, étaient des jeunes, pour qui bien souvent il s’agissait de la toute première manifestation. Il ne semblait pas y avoir un large sentiment nationaliste lors de ces actions, ce qui semble indiquer que jusqu’ici, l’extrême-droite n’a pas mobilisé.

    Une autre manifestation a eu lieu à Saint-Pétersbourg, avec 200 arrestations, et, cela mérite d’être souligné, on a vu une autre manifestation à Rostov-sur-le-Don, principal port russe dans le sud du pays (1 million d’habitants). Les partisans du CIO en Russie ont participé aux manifestations, armés de leur journal et de tracts. La manière clandestine dont nous avons distribué notre tract, échappant aux yeux de la police, l’a vite rendu très populaire – tout comme d’ailleurs le fait étonnant que nous étions absolument la seule organisation présente avec un tract.

    Étant donné le nombre de personnes arrêtées et le manque de toute stratégie de la part des initiateurs des manifestations, la question de savoir si ces actions vont se poursuivre ou non reste ouverte. Par exemple, des orateurs lors du meeting de mardi ont dit que ces élections parlementaires n’étaient là que pour faire élire les “larbins”, mais qu’il faut maintenant se préparer aux choses sérieuses : les élections présidentielles de mars 2012. Dans les faits, ce qu’ils disent est qu’il faut laisser tomber les actions. Mais les jeunes dans la foule chuchotaient que c’est maintenant qu’il faut agir.

    Un mécontentement général

    Lors des dernières années, de telles actions de la part de la jeunesse n’auraient attiré qu’une poignée de participants et auraient été perçues par la vaste majorité de la population comme étant organisées par une poignée de “marginaux”. La différence aujourd’hui, est que ces manifestations reflètent un mécontentement général qui vit dans la société et qui a atteint un pic lors de la campagne électorale, couplé au fait que Poutine a désormais perdu son aura d’invincibilité. De fait, Poutine a promis aujourd’hui que “lorsque” il sera réélu en mars, il allait changer l’équipe gouvernementale. Le soir des élections, l’émission électorale sur la principale chaine télé pro-Kremlin discutait ouvertement du fait qu’on dirait que “l’Empereur ne porte en fait pas de vêtements”.

    Peu après les élections, Poutine et Medvedev ont tenté d’imposer le résultat en faisant remarquer qu’en Europe, à cause de la crise mondiale, des gouvernements sont tombés pour être remplacés par des gouvernements non-élus. Si les élections parlementaires russes avaient été réellement démocratiques, le résultat final obtenu par Russie unie (officiellement de 49,5%) aurait été véritablement remarquable. Mais nous venons d’assister aux élections les plus frauduleuses jamais organisées en “Nouvelle Russie”.

    Le régime pensait pouvoir s’en tirer à bon compte grâce aux mesures mises en place pour empêcher les observateurs internationaux de faire leur travail. Toutes sortes d’obstacles ont été mis sur la route des observateurs mandés par l’OSCE, et la veille des élections, le président de l’ONG pro-américaine “Goloss” (“Voix”) a été arrêté. Le gouvernement a par contre déployé le tapis rouge pour toute une série d’observateurs en provenance du Kazakhstan, Chine, etc. dont la plupart viennent de pays avec encore moins de démocratie qu’en Russie. On a aussi vu d’autres observateurs internationaux proclamer à quel point ces élections avaient été formidables et merveilleuses, dont par exemple notre “vieil ami” Nick Griffin, leader du très fasciste British National Party.

    Nous n’avons pas la place ici pour décrire l’ampleur de la fraude ; nous allons donc nous contenter de donner quelques exemples. En Tchétchénie, 99,5% de la population aurait été voter, dont 99,5% auraient voté pour YéR. Dans le passé, le régime n’avait jamais osé une telle fraude dans les grandes villes telles que Moscou, mais cette année, il y a une foule de rapports de bourrage d’urnes. Un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote à Moscou indique que seulement 30% des Moscovites ont voté pour YéR – mais le résultat officiel est de 49%. La pratique du “Carrousel” a été fort pratiquée dans toute la ville : celle-ci implique plusieurs groupes de gens voyageant en bus pour faire le tour des bureaux de vote, en allant voter à chaque. Un de nos camarades s’est même vu proposer par téléphone de participer à un de ces carrousels, payé 5€ pour la journée !

    Dans d’autres régions, les observateurs des partis d’opposition, à leur arrivée aux bureaux de vote, ont découvert que des imposteurs (généralement des Nachistes) avaient déjà pris leur place ! Dans la ville d’Astrakhan (à l’embouchure de la Volga, sur la mer Caspienne), les urnes ont été emportées dans un bâtiment gardé par la police anti-émeute et une cohorte de “civils”. Nul ne sait ce qui s’est produit derrière les portes fermées, mais le taux de voix pour YéR était anormalement élevé.

    Malgré tout cela, YéR n’a pas pu trouver assez de voix que pour en reporter les 50%. Le parti a perdu un tiers de ses voix par rapport aux dernières élections. Si l’on considère que seul 60% des Russes ont été voter, cela signifie que Russie unie n’aurait en réalité reçu la “voix” que de 30% de la population – chiffre officiel ! Et cela, sans tenir compte de toutes les menaces, pots-de-vin, chantages, etc. utilisés partout dans le pays pour forcer les gens à voter pour le parti au pouvoir. Par exemple, on a fait état d’entreprises où les patrons ont exigé de leur employés qu’ils reviennent au boulot avec une photo de leur bulletin électoral pour prouver qu’ils avaient “bien” voté, sous peine de perdre leur emploi.

    Les réalités de la Russie exposées à la surface

    À présent, toutes les réalités de la Russie actuelle sont remontées à la surface, visibles par tous et toutes. Poutine, qui avait pris le pouvoir après les années désastreuses de la période Eltsine, était apprécié pour avoir “remis le pays sur ses pieds”. Il avait bénéficié de la forte hausse des prix du pétrole des années 2000 à 2007, avant que la crise mondiale ne porte un coup dévastateur au pays.

    De nombreuses personnes considèrent aujourd’hui les années de croissance comme une opportunité manquée. Tout l’argent gagné grâce au pétrole a fini directement dans les poches des oligarques. Puis, lorsqu’il a été annoncé sans plus d’ambages que Poutine allait rempiler en tant que président pour douze années de plus, cela a été perçu par beaucoup de gens comme l’annonce d’une nouvelle période de stagnation prolongée à la Brejnev. L’arrogance de Poutine l’a conduit lui-même à croire en sa propre invincibilité. Mais Poutine a semble-t-il connu son “moment Ceausescu”, lors d’un tournoi d’art martiaux il y a deux semaines : au moment où il s’est avancé sur le podium pour y serrer la main du vainqueur, il a été immédiatement assailli par un mur de sifflements provenant du public. C’est à partir de là que le nombre d’intentions de votes pour son parti, qui avait déjà commencé à décroitre, a soudainement chuté dans les sondages. Poutine s’est vu contraint de faire de nouvelles concessions, et va sans doute continuer à voir son score dans les sondages se réduire de plus en plus.

    Le Parti communiste (Kommounistitcheskaïa partiya, KP) est arrivé deuxième lors des élections, remportant environ 19,5% des voix. Le KP n’est pas un parti de gauche qui remet sérieusement en question le règne des oligarques, mais est de plus en plus un parti de droite nationaliste qui utilise quelques revendications populistes pour gagner un soutien. Il a doublé son nombre de voix par rapport aux élections précédentes, avec toute une couche de jeunes qui ont voté pour lui pour la première fois de leur vie. Mais ce vote est essentiellement un vote anti-Poutine, même si certains étaient aussi attirés par la rhétorique nationaliste de ce parti.

    Si les manifestations contre la fraude électorale se maintiennent (une nouvelle grande manifestation est prévue ce samedi dans le centre de Moscou sur la plochtchad Révolioutsii – place de la Révolution), la victoire de Poutine aux présidentielles de mars pourrait être mis en question. D’ailleurs, ce n’est certainement pas une coïncidence si les nachistes, lors du meeting pro-Kremlin de mardi, portaient des badges avec écrit “I love Medvedev”. Il est possible qu’une partie de la clique dirigeante soit déjà en train de considérer Medvedev, le président actuel, en tant que “candidat de rechange” au cas où la candidature de Poutine commencerait à s’avérer toxique.

    Le CIO en Russie participe de manière extrêmement énergique aux actions de protestation. Les (principalement) jeunes manifestants doivent à présent s’adresser aux travailleurs et aux pauvres dans les entreprises, dans les quartiers, et ailleurs, pour se lier à eux. La classe ouvrière organisée est potentiellement la force la plus puissante pour effectuer un véritable changement social, de part ses méthodes de lutte de masse, comme l’action industrielle et la grève générale.

    Le développement de ces actions signifie également la construction d’une alternative politique aux partis des oligarques et aux divers partis nationalistes et populistes. Le CIO se bat pour la création d’un parti ouvrier de masse afin d’engager la lutte pour le renversement des oligarques et du capitalisme et pour la réorganisation socialiste et démocratique de la société afin de mettre un terme à la crise actuelle et de transformer les conditions de la majorité de la population.

    Le CIO appelle à la fin de la violence policière et à un véritable droit d’association, de manifestation, d’organisation de meetings et de grève. Les “commissions électorales” de la Commission centrale devraient être immédiatement démantelées. Nous appelons à la création de comités de travailleurs et de pauvres à l’échelle des régions, des villes et sur le plan fédéral afin d’organiser des élections libres et démocratiques, et d’en surveiller le déroulement.

    Tous les partis devraient être libres de s’organiser et de se présenter aux élections sans aucun obstacle, excepté les fascistes. Le financement extrêmement généreux qu’obtiennent de la part de l’État et des grandes entreprises les partis pro-capitalistes présents à la Douma doit cesser. Toutes les restrictions à l’encontre de la formation d’organisations politiques, sociales et syndicales, et de leur pleine participation aux élections, doivent être supprimées.

    Les Russes ne doivent accorder aucune confiance dans le résultat des élections parlementaires ni dans la Douma. À bas le gouvernement ! Pour de nouvelles élections et pour une assemblée constituante démocratique, dans laquelle toutes les couches de la classe ouvrière et de ses alliés – qui ensemble l’écrasante majorité de la société – seraient représentées afin de décider de quelles formes et structures étatiques sont nécessaires afin de défendre au mieux leurs intérêts.

    Les socialistes appellent à un gouvernement à majorité ouvrières, avec un programme socialiste. Un gouvernement ouvrier pourrait mettre un terme à la misère, au chômage, à l’absence de logements et aux bas salaires, et lancer un plan massif pour des logements décents, l’enseignement, la santé, etc. Cela implique de replacer l’immense richesse du pays, comme les industries du gaz et du pétrole, dans le domaine public, sous contrôle et gestion ouvriers – au contraire de la manière dont ces richesses étaient gérées sous le régime bureaucratique dictatorial du stalinisme – de sorte à opérer une transformation du mode de vie et qu’une Russie véritablement socialiste puisse à nouveau jouer le rôle de point de ralliement pour les travailleurs du monde entier.

  • Kazakhstan : la terreur utilisée contre les grévistes

    La fille d’un des militants syndicaux a été assassinée

    C’est ce 20 août, près de la ville de Jañaözen, dans l’oblast deMangistaw, qu’est décédée la fille (18 ans) de Kudaybergen Karabalayev, délégué principal de l’entreprise de transports UOS-1 de la Filiale Production “OzenMunayGaz”. Celle-ci a été trouvée morte le 24 août, à proximité de la ville. L’enquête a révélé que Jansawle Karabalayeva a reçu deux blessures fatales : la mâchoire détruite et le crâne défoncé.

    Un mois auparavant, Kudaybergen avait été élu président du comité syndical de son entreprise et y avait maintenu la grève (plus d’informations dans les liens ci-contre). Ses collègues ont remarqué qu’il avait beaucoup maigri ces dernier temps, et qu’il commençait à avoir peur de quelque chose. La raison ne peut en être qu’une seule chose : les menaces des tueurs à gages et autres tentatives de “persuasions” de la part des nervis à la solde du patron de l’entreprise.

    La même chose s’est produite dans les jours qui ont précédé le meurtre de Jaksilik Turbayev, candidat au poste de délégué principal sur l’entreprise “MunayFiltrServis”, et décédé le 2 août dernier. Même l’écriture des meurtriers coïncide. Cela fait déjà longtemps que les téléphones des grévistes recevaient des SMS de menaces, parlant d’exécution de proches. Il semble qu’à présent l’enlèvement de dirigeants des travailleurs et le meurtre de proches des militants est pratiqué de manière bien préméditée, et il ne fait aucun doute que l’objectif principal est d’intimider les ouvriers en grève. Cependant, les actions des bandits à gages et de ceux qui les payent ne font que renforcer la combativité et le sentiment de haine des grévistes, en lutte depuis plusieurs mois déjà.

    La police kazakhe chasse les travailleurs et les militants syndicaux et fabrique contre eux de faux dossiers criminels, mais elle ne fait rien quand la terreur s’abat sur les travailleurs. Dans cette situation, il est indispensable pour les travailleurs d’agir par eux-mêmes : créer leur propres milices d’autodéfense et assurer la sécurité des militants et de leurs parents, organiser la garde des lieux de rassemblement et de rencontre ainsi que tenter de trouver les meurtriers par leurs propres forces. C’est là la seule manière de s’opposer à de telles attaques.

    Ce 30 août, une action se déroule à Moscou devant à l’ambassade de la République du Kazakhstan.

    Envoyez vos lettres de condoléance à l’adresse suivante :

    M. Kudaybergen Karabalayev, ul. Oralbaya Ongarbekuli, d.26, p. Tenge, g. Janaozen – Mangistauskaya oblast – Respublika Kazakhstan

    Des lettres peuvent aussi être envoyées à l’adresse : solidar@gmail.com

    Ci-dessous: exemple de sms de menace: "Si tu pars à Moscou, ta famille va s’envoler au ciel ou brûler vivante, compris !!!"

  • La “Gay pride” moscovite et la lutte pour l’égalité

    CIO à Moscou

    Une fois de plus, comme toujours à cette époque de l’année, la une des nouvelles internationales est remplie d’images de militants LGBT en train de se faire arrêter à Moscou et confrontés à la violence de l’extrême-droite et de la police. Mais les journalistes ne montrent que rarement ce qui se passe réellement derrière les caméras. Cette année, la campagne pour les droits des LGBT à Moscou a montré que le mouvement est divisé, non seulement en ce qui concerne les tactiques, mais aussi en ce qui concerne la direction politique qui doit être prise.

    22 mai – la “Marche pour l’égalité”, dirigée entre autres par les membres du CIO

    Depuis son lancement, la “Gay Pride” à Moscou s’est aliénée un nombre croissant de militants LGBT par son approche, qui est basée non pas sur des tentatives de mobiliser la plus large couche de LGBT possible et de les unifier dans la lutte avec d’autres groupes qui subissent des discriminations, en particulier les femmes. À la place, ce mouvement s’est basé sur une approche qui consiste purement à “faire de la com”, marketing, en invitant des personnalités internationales bien connues pour participer à un spectacle élitiste dans le centre-ville qui, de la manière dont il est organisé, ne peut mener qu’à l’arrestation de ses participants. Il ne fait absolument rien pour rallier à soi l’opinion publique ; au lieu de ça, il se présente simplement en tant que petite minorité persécutée qui se bat contre le reste de la société. Comme un de leurs organisateurs l’a écrit sur son blog : « Mieux vaut avoir deux militants et mille journalistes, plutôt que mille militants et deux journalistes ». Leur approche élitiste et arrogante a été démontrée lors d’un talk show télévisé, quelques jours seulement avant la gay pride, lorsque leur principal organisateur Nikolaï Alekseïev a déclaré de but en blanc qu’il « chie sur ce que pense la majorité de la population ». (Toute personne qui se rend sur son blog peut aussi lire de merveilleux commentaires sur ce qu’il pense des juifs ou de Lady Gaga, de même qu’en ce qui concerne la “pute clandestine” qui aurait selon lui été utilisée pour discréditer Dominique Strauss-Kahn).

    Cette année, la “Gay pride” n’a pas échappé à cette règle. Des dizaines de milliers d’euro ont été dépensé pour faire venir des gens tels que Peter Tatchell du Royaume-Uni, les militants LGBT Dan Choi et Andy Thayer, avec aussi Louis-Georges Tin qui est venu de France. Ces derniers ont été détenus par la police aux côtés de trente autres personnes, dont la moitié étaient des partisans d’extrême-droite qui avaient tenté d’attaquer la Gay pride.

    La réalité est que le mouvement pour la “Gay pride” russe est en crise. Il n’a été capable de mobiliser que quelques dizaines de gens – après tout, à quoi bon venir à une manif si c’est juste pour se faire arrêter sans que cela n’émeuve le moins du monde l’opinion publique ? L’ampleur de la crise a été démontrée par le comportement de son dirigeant, Nikolaï Alekseïev, qui n’est même pas venu à la Pride, sous prétexte qu’il se serait fait mal au pied lors du talk show deux jours auparavant.

    Mais ce n’est pas que son pied qui a été blessé lors de l’émission “Duel”. Sa fierté en a elle aussi pris un fameux coup. L’émission consiste à un débat entre deux orateurs debout chacun derrière une barrière, faisant participer également le public. Face à un membre dirigeant du parti de Poutine, Russie unie, et à un public composé de droitiers et de fanatiques religieux, il s’est avéré complètement incapable de mettre en avant le moindre argument. Même lorsqu’on lui a simplement demandé quel était la revendication de la Gay pride, tout ce qu’il a pu sortir a été la décision de la “Cour européenne des droits de l’Homme” qui disait que c’était mal d’interdire la marche. Confronté à des questions de plus en plus provocantes, il a craqué et s’est enfui du plateau.

    26 mai – Jennia Otto lors de l’émission “Duel”

    Heureusement, une membre du CIO, Jennia Otto, est parvenue à bondir sur le podium et à prendre sa place. Elle a été un véritable électrochoc. En à peine trois minutes, elle a été vue par trois millions de gens, a annoncé le fait qu’elle est membre du CIO, a rabattu leur caquet aux bigots, a expliqué que l’enjeu de la campagne n’est pas le droit des LGBT à organiser des carnavals, mais fait au contraire partie prenante de la lutte de tous les opprimés – LGBT, femmes, travailleurs, immigrés – pour leurs droits et pour l’égalité. Ce soir-là, le site web du CIO russe a quasi explosé sous l’afflux de visites, 6000 personnes tentant d’en savoir plus sur la position de Jennia et du CIO. (L’émission peut être regardée ici : http://www.youtube.com/watch?v=PvoPuswCqu0 – l’intervention de Jennia démarre après 50 minutes)

    Un peu plus tard, Alekseïev a fait l’âpre commentaire suivant : « Grâce à Dieu, il n’ont pas laissé l’anticapitaliste parler pour plus de quelques minutes. Je devrais dire ici ce qui est important. Je suis un fidèle partisan du système capitaliste. Je suis contre le communisme, le socialisme, l’égalité, l’unité des travailleurs du monde entier et toutes ces conneries paranoïaques. Le capitalisme triomphera, et avec lui, la Gay pride ».

    Le fait est qu’il y a un mouvement croissant de militants LGBT qui lient leur lutte à la campagne pour l’égalité et qui cherchent la victoire via l’unité avec les autres couches opprimées dans une lutte commune contre le capitalisme. À peine quelques jours avant la Gay pride, une formidable “Marche pour l’égalité” a rassemblé plus de 80 militants LGBT, féministes et socialistes, qui sont parvenus à descendre toute une rue du centre de Moscou. Le CIO a joué un rôle crucial dans l’organisation de cet événement.

    Les autorités avaient refusé d’accorder l’autorisation pour cette marche, sous prétexte qu’elle « provoquerait une réponse hostile dans la société » et qu’elle « pourrait avoir un effet négatif sur la santé psychologique des enfants et des adolescents ». De telles considérations, évidemment, n’empêchent pas les autorités d’autoriser des marches fascistes destinées à renforcer les sentiments homophobes. Mais au contraire de la Gay pride, la Marche pour l’égalité n’avait pas pour objectif l’arrestation de ses participants. Ceux-ci s’étaient donné rendez-vous à un endroit secret ; certains membres avaient été envoyés en reconnaissance afin de détecter toute présence policière le long de l’itinéraire ; puis, lorsque la police est arrivée, un plan de dispersion maintes fois répété a été mis en œuvre.

    Tout en défilant, les manifestants ont entre autres scandé : « Non à la discrimination sur base du sexe ou de l’orientation ! », « Non à la discrimination, oui à l’émancipation ! », « À bas le fascisme, l’homophobie et le sexisme ! », « Mon corps m’appartient ! », « Égalité sans compromis ! », « Les travailleurs sont unis, ne laissons pas les racistes les diviser ! », « Tout comme deux et deux font quatre, seule la lutte nous permet de gagner des droits ! », « À bas le capitalisme ! ».

    Clairement, alors que la Gay pride devient de plus en plus isolée, le soutien croit pour des événements tels que la Marche pour l’égalité, qui en est à sa deuxième édition cette année. Les membres du CIO jouent un rôle crucial dans cette marche, afin de garantir le fait que les idées socialistes y soient clairement mises en avant. Ils ne limitent pas la lutte pour les droits des LGBT à un événement médiatique qui se déroule une fois par an, mais mènent campagne toute l’année contre toutes les formes de discriminations, de répression et d’exploitation en montrant au cours de ce processus que dans le cadre d’une lutte commune, les travailleurs perdent leurs préjugés et leurs stéréotypes. Au contraire d’Alekseïev pour qui “le capitalisme vaincra”, de nombreux jeunes militants LGBT voient bien que la discrimination exercée à leur encontre est liée aux injustices dans l’ensemble de la société, et en tirent des conclusions socialistes. Le CIO en Russie, en liant la lutte pour l’égalité à la lutte contre le capitalisme et pour le socialisme, est convaincu que c’est uniquement par cette stratégie que le mouvement peut être construit et qu’une victoire peut être obtenue.

  • Russie : Violente répression de la Gay Pride

    La commission LGBT

    Samedi 28 mai au soir, tous les européens ont découvert au même moment sur leur écran de télévision les visages ensanglantés des militants LGBT venus pacifiquement manifester à Moscou afin de défendre leurs droits et surtout de lutter contre l’homophobie violente qui règne en Russie.

    • Rubrique LGBT de ce site

    Comme chaque année, la Gay Pride a tout bonnement été interdite par les autorités politiques de Moscou, appuyées par la grande majorité de politiciens, tous unis derrière le parti de Poutine. Ces homophobes se cachent derrière un pseudo-argument selon lequel la Pride s’attaquerait à l’ordre et à la morale publique… comme si les LGBT, au même titre que les autres minorités opprimées étaient l’ennemi public numéro un du peuple russe.

    Bravant l’interdiction, les militants LGBT sont fièrement descendus sur la place rouge. C’était sans compter la présence de néo-nazis bavant de rage et d’intégristes orthodoxes munis de crucifix et prêts à en découdre. ‘‘Dieu a brûlé Sodome et Gomors, il brûlera aussi Moscou si nous laissons faire !’’ hurlait un fondamentaliste, Léonid Simonvicht-Nikchitel. Ces derniers ont pu violemment les attaquer sous l’œil complice de la police qui avait de toute évidence reçu des consignes claires émanant des autorités moscovites et russes. Après avoir été passés à tabac, 34 militants ont été interpelés sans ménagement, plaqués au sol malgré leurs blessures, puis trainés jusqu’à un bus devant les caméras du monde entier, venues témoigner de l’horreur que vivent quotidiennement tous les LGBT sans exception aux quatre coins de la Russie.

    La classe politique russe n’hésite pas une seconde à s’associer à ces groupuscules au crâne rasé et aux intégristes religieux pour en découdre avec les LGBT qui scandaient ‘‘La Russie sans homophobie’’. Cela est d’autant plus choquant que les militants LGBT avaient choisi ce lieu de rassemblement cette année précisément pour déposer une gerbe de fleur en mémoire de toutes les victimes LGBT exterminées en masse par les nazis. Rappelons aussi au passage que Staline et la bureaucratie soviétique en leur temps n’ont pas hésité une seconde à envoyer au goulag de nombreux LGBT…

    La Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné l’interdiction de la Gay Pride en octobre 2010. Au même moment, un tribunal russe a déterminé pour la première fois que l’interdiction de la marche des fiertés dans cette ville était illégale. Malgré ces avancées, l’homophobie n’a fait que progresser en Russie. Depuis 2006, les homosexuels russes n’ont jamais obtenu le droit de manifester à Moscou.

    Les homophobes n’attaquent pas seulement une fois par an, à Moscou et partout ailleurs, ces agressions sont quotidiennes. Selon un récent sondage, 74% des russes sont convaincus que les gays et les lesbiennes sont ‘‘dépravés et qu’ils souffrent de troubles de la personnalité’’. 39% estime qu’ils doivent être soigné de force, 18% veulent les mettre à l‘écart de la société et 4% sont favorables à leur ‘‘élimination’’.

    Cet été déjà, le militant gay le plus célèbre de Russie, Nikolai Alexeyev, avait été drogué et enlevé par la police puis placé en détention dans un lieu tenu secret. Son GSM avait été confisqué et la police avait envoyé des textos à ses amis disant qu’il avait demandé l’asile politique en Biélorussie (sic!) et qu’il arrêtait définitivement son combat en faveur des LGBT en Russie. Cette tentative de briser le mouvement de libération homosexuel en s’en prenant physiquement à son leader est parfaitement scandaleuse. Les autorités russes semblent vouloir rester inflexible sur les questions LGBT.

    Les homosexuels ne sont en rien responsables des problèmes qui touchent les travailleurs russes et leurs familles (chômage, explosion de la précarité, déni de la liberté d’expression, misère…). Les patrons et les politiciens, à la base de ces problèmes, veulent détourner l’attention sur des boucs émissaires, ils veulent diviser pour régner et recourent pour cela au racisme, à l’homophobie,… La lutte doit se poursuivre, contre l’homophobie, mais aussi contre les causes de sa croissance et du développement des idées réactionnaires : contre le capitalisme, pour une société socialiste démocratique.

  • [PHOTOS] Bruxelles: Occupation à l’espagnole pour revendiquer une réelle démocratie

    Depuis samedi matin se tient à la place de Moscou, à Saint-Gilles, un "Camp des indignés". Suite au mouvement des jeunes espagnols, différents comités ont suivi l’idée ailleurs en Europe (Paris, Bruxelles, Athènes, Turin,…). Le concept est simple : occuper une place ou un parc et y organiser un campement démocratique et autogéré. Sous la banière du "! Democratia Real YA ! (une vraie démocratie, maintenant! ), ces campements dénoncent la politique antisociale des partis traditionnels et l’absence d’une vraie représentation des jeunes et des travailleurs.

    Par Pietro et Navid

    Après plusieurs activités, discussions en commissions,… les jeunes (et les moins jeunes), espagnols mais aussi belges, français, italiens,… ont participé au processus décisionnel pour la suite du mouvement à travers l’Assemblée Générale. Chacun peut y prendre la parole pour y exprimer son dégout de la politique actuelle et pour y proposer des alternatives. La soirée s’est terminée dans une ambiance festive et solidaire, autour de la place, avec un concert.

    Cet après midi a eu lieue une manifestation qui a fait le tour du quartier pour inviter la population à venir à l’AG du soir et à élargir la lutte contre le chômage et l’austérité.

    Le problème du chômage massif que connaissent les jeunes espagnols et qui les a poussé à se mobiliser est présent partout en Europe, comme à Bruxelles où le taux de chômage chez les jeunes de moins de 26 ans atteint les 35% !!! Nous avons besoin d’un plan d’action européen contre le chômage!

  • [DOSSIER] Côte d’Ivoire: Des tensions croissantes

    Les élections présidentielles conduisent le pays au bord d’une guerre civile totale et aggravent la crise du capitalisme

    Le fait que les élections du 28 novembre en Côte d’Ivoire ait produit deux Présidents – Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo – n’est pas une surprise, bien que les travailleurs s’étaient attendu à ce que ces élections leur apportent le retour à la paix. Le pays a été divisé en deux depuis la tentative de coup d’État de 2002 et la rébellion qui s’en est suivi, chaque moitié ayant son propre gouvernement de facto.

    Peluola Adewale, Democratic Socialist Movement (CIO – Nigeria)

    Le Nord est contrôlé par les rebelles des Forces nouvelles (FN), tandis que le Sud est sous contrôle de Gbagbo, avec le soutien de l’armée régulière et de la milice des jeunes. Par conséquent, sur cette base et avec le sentiment d’ethnocentrisme qui a caractérisé la politique ivoirienne au cours des deux dernières décennies, il est naturel que quel que soit le vainqueur officiel, le résultat des élections serait âprement contesté par le perdant.

    La commission électorale a déclaré gagnant Ouattara, un nordiste et ancien Premier Ministre sous feu Félix Houphouët-Boigny, tandis qu’à peine quelques heures plus tard, la Cour constitutionnelle – dont on dit qu’elle est dirigée par un important allié de Gbagbo – a annulé certains votes dans le Nord en parlant de fraude électorale et a décerné la victoire à Gbagbo. Selon les observateurs internationaux, bien qu’il y ait eu quelques cas d’irrégularités à travers le pays, les élections ont été globalement libres et transparentes, et la victoire revient à Ouattara. De son côté, la mission des Nations-Unies qui, selon les termes de l’accord de paix qui a enclenché le processus électoral, est mandatée pour certifier la bonne conduite et le résultat des élections, a donné son aval à Ouattara. Les deux candidats ont tous deux affirmé être Président et ont nommé leur propre cabinet, tandis que la crise post-électorale a déjà pris la vie de 173 personnes et poussé 20 000 personnes, essentiellement des femmes et des enfants, à se réfugier dans des camps au Libéria. Il y a aussi l’allégation selon les Nations-Unies de l’existence de deux fosses communes remplies des corps des victimes des partisans de Gbagbo. Ceci a été nié par le camp Gbagbo.

    La “communauté internationale”

    La “communauté internationale”, qui est l’euphémisme pour désigner l’impérialisme occidental (la France, ancienne puissance coloniale et qui a de très importants intérêts économiques en Côte d’Ivoire, assistée par l’Union africaine et par la CEDEAO, communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), exerce une pression continue sur Gbagbo pour qu’il accepte le verdict de la commission électorale et qu’il quitte le fauteuil du Président. Les États-Unis et l’Union européenne ont interdit de séjour Gbagbo et ses proches et ont gelé leurs avoirs sur leur territoire. La Banque mondiale et la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest ont gelé son financement pour tenter d’affaiblir son emprise sur le pouvoir. De fait, les dirigeants des pays de la CEDEAO, dont la plupart sont voisins immédiats de la Côte d’Ivoire, ont menacé de recourir à la “force légitime” au cas où Gbagbo refuserait de quitter le pouvoir. Une telle intervention n’a pas non plus été exclue du côté des gouvernements américain et britannique. Quelques jours avant que la CEDEAO n’annonce la possibilité d’employer la force, William Fitzgerald (adjoint-assistant au Secrétaire d’État américain aux Affaires étrangères) y avait fait allusion. « Y a-t-il une option de déstabilisation et d’envoi d’une force de stabilisation ? Bien entendu, toutes les options sont ouvertes, mais probablement pas une force américaine. Ce pourrait être une force africaine » (Bloomberg, 21 décembre 2010).

    Toutefois, la soi-disant préoccupation de la “communauté internationale” pour des élections démocratiques est une hypocrisie. Qui a haussé le ton face à la fraude flagrante lors des élections parlementaires en Égypte ? Ou même par rapport aux élections truquées au Nigéria en 2007. L’impérialisme ne crie à la fraude électorale que lorsque c’est le “mauvais” candidat qui l’emporte, ou lorsqu’il craint que la fraude ne provoque une révolte populaire.

    L’“ivoirité”

    Jusqu’ici, Gbagbo a refusé de bouger et reste imperturbable face à toutes les pressions et menaces. Il a continué à stimuler le sentiment nationaliste contre le “complot international” qui vise à le chasser. Il a trouvé un public auprès de toute une section de la population ivoirienne qui a depuis longtemps adhéré au principe de l’“ivoirité” – le fait d’être un “vrai” ivoirien –, un concept qui a été introduit et grossi par les différentes sections de l’élite qui se sont succédé au pouvoir depuis 1993 en tant qu’outil pour se maintenir en place et continuer le pillage du pays en dépit des rigueurs socio-économiques. Cette frénésie xénophobe n’a pas été inventée par Gbagbo, mais il l’a trouvée utile pour préserver son pouvoir. Ce concept avait tout d’abord été créé de toute pièces par Henri Konan Bédié dans une précédente lutte pour le pouvoir avec Ouattara afin de savoir lequel des deux allait succéder à leur maitre à tous les deux, Houphouët-Boigny, après sa mort fin 1993 après plus de trois décennies au pouvoir. Avant la mort de Houphouët-Boigny, Bédié avait été Président de l’Assemblée nationale et Ouattara, Premier Ministre.

    Selon la politique de l’“ivoirité” prônée par Bédié, toute personne dont les deux parents n’étaient pas ivoiriens, n’était pas éligible pour un quelconque poste politique et ne pouvait bénéficier de certains droits sociaux, tels qu’accéder à la propriété terrienne. Ce concept diviseur a marginalisé la plupart de la population d’origine nordiste, qui sont des mêmes ethnies que les immigrants économiques en provenance de pays voisins, comme le Burkina Faso, le Mali ou le Niger. Il a touché un nerf sensible chez la plupart des Ivoiriens, dans une période où le déclin de ce qui était l’économie la plus prospère de toute l’Afrique de l’Ouest avait atteint un point critique. Par conséquent, il était facile pour les élites dirigeantes de faire des immigrés – qui constituent environ 30% de la population – les boucs-émissaires des souffrances économiques infligées par la crise capitaliste.

    Les “Jeunes Patriotes”

    En plus de l’armée, Gbagbo a à sa disposition une milice de jeunes connue sous le nom de “Jeunes Patriotes”, qui sont principalement des jeunes chômeurs mobilisés par l’“ivoirité” et un nationalisme malsain, et qu’il déploie sans hésiter contre toute menace à son pouvoir. Selon la Banque mondiale, plus de 4 millions de jeunes hommes sur un total de 20 millions sont sans emploi. Ceci constitue un véritable réservoir d’outils politiques pour l’élite égocentrique au pouvoir. Les “Jeunes Patriotes” dont le dirigeant, Charles Blé Goudé, est un Ministre du cabinet de Gbagbo, ont joué un rôle central dans les attaques sur la population française et blanche en 2004, après que l’armée française ait détruit l’ensemble de la Force aérienne de Côte d’Ivoire en réplique au bombardement d’une base française dans le Nord, qui avait couté la vie à neuf soldats français et à un Américain. Ils sont aussi contre l’afflux de Nordistes et d’immigrés qui fournissent une main d’œuvre à bon marché et prennent les quelques emplois disponibles à la place des autochtones dans le Sud, surtout à Abidjan. Tout comme en 2002, les Jeunes Patriotes ont été impliqués dans les attaques sur des Nordistes depuis l’éclatement de la crise post-électorale.

    Les “Jeunes Patriotes” se présentent comme anti-néocolonialistes, surtout contre les Français, qui contrôlent fermement l’économie ivoirienne (la plupart des entreprises du pays et des ports appartiennent à des Français), et qui chercheraient à renverser Gbagbo afin de maintenir le pays dans son état d’État vassal. Toutefois, les pogroms sur les Nordistes et les immigrés les révèlent comme de pantins utilisés pour perpétrer des attaques xénophobes et ethniques.

    Gbagbo et l’impérialisme français

    Gbagbo n’a jamais été le premier choix de l’impérialisme français pour la direction de son principal avant-poste en Afrique. Avec son passé radical, Gbagbo était au centre des actions de protestation contre la “démocratie” du parti unique de Houphouët-Boigny. Celui-ci dirigeait le pays en tant que son fief personnel et en a fait une mine d’or pour les exploiteurs les chercheurs de fortune français. Le régime de Houphouët-Boigny bénéficiait d’un soutien sans faille de la part de l’impérialisme occidental, puisqu’il était bon pour leurs intérêts économiques, et aussi en tant qu’instrument contre les dirigeants radicaux et pro-Moscou en Afrique en cette période de Guerre froide. On a par exemple rapporté que Houphouët-Boigny a joué un rôle central dans le renversement de Kwamé Nkrumah au Ghana et de Thomas Sankara au Burkina Faso. Après la légalisation des partis d’opposition, Gbagbo était le seul leader de l’opposition qui était assez courageux que pour se dresser et contester les toutes premières élections présidentielles de Côte d’Ivoire en 1990 contre le monstre politique qu’était Houphouët-Boigny. Dix ans plus tard, Gbagbo a été porté au pouvoir par une insurrection de masse qui a renversé le dictateur militaire de l’époque, Robert Guei, qui avait refusé de reconnaitre sa défaite aux élections présidentielles de 2000, que tout le monde estimait avoir été remportées par Gbagbo.

    À ce moment-là, devant le soutien populaire, l’impérialisme français n’avait pas d’autre choix que de s’accommoder de Gbagbo, laissant de côté leur appel à de nouvelles élections à cause de la décision de la Cour suprême d’exclure la candidature de Ouattara parce qu’il n’était pas ivoirien. Mais Gbagbo n’était pas une menace pour les immenses intérêts économiques de l’élite dirigeante française. Toutefois, malgré toutes les déclarations anti-françaises énoncées aujourd’hui par Gbagbo, Pierre Haski révèle dans le Guardian de Londres que « Tout au long des dix ans qu’a passé Gbagbo au pouvoir, les entreprises françaises ont eu tous les plus gros contrats : Total pour l’exploration pétrolière, Bolloré pour la gestion du port d’Abidjan, Bouygues pour les télécoms » (The Guardian de Londres, 5 janvier 2011). Par ailleurs, il a de fait dirigé le pays sur base d’un agenda capitaliste néolibéral, et il a signé en 2001 un programme d’encadrement qui soumet l’économie aux dictats du FMI. Néanmoins, la relation entre les capitalistes français et Gbagbo est devenue plus tendue à la suite de l’incident du bombardement de 2004, qui a également renforcé les soupçons du camp Gbagbo comme quoi la France était impliquée dans la rébellion nordiste qui a éclaté en 2002. Toutefois, ce sont les forces françaises qui ont aidé à repousser l’avancée des rebelles vers le Sud lorsqu’elles ont semblé assez fortes que pour envahir tout le pays, et qui ont facilité le cessez-le-feu de 2002. La France s’est apparemment vue forcée de faire cela afin de garantir la sécurité de ses entreprises, principalement situées dans le Sud.

    C’est une base militaire française qui avait été conservée en tant que composante de la zone tampon dans le Nord après l’accord de cessez-le-feu qui a été bombardée par les forces ivoiriennes en 2004, et qui ont plus tard avoué que c’était une erreur. Auparavant, Houphouët-Boigny avait signé un pacte de défense en 1961 qui avait réduit la Côte d’Ivoire au statut d’avant-poste militaire de la France et qui avait permis le maintien de la présence française, avec le 43ème bataillon d’infanterie marine stationné à Port-Bouet dans les quartiers sud d’Abidjan.

    Crise politique – Prétexte pour de nouvelles attaques sur les travailleurs

    Il ne fait aucun doute que la crise politique causée par la guerre civile a eu des conséquences désastreuses sur l’économie et sur la vie de la population, en particulier dans le Nord, où l’accès aux services sociaux tels que l’éducation, les soins de santé et l’électricité a disparu. La crise a par contre fourni un prétexte à Gbagbo pour lancer des attaques sur la population des travailleurs et des paysans, tout en assurant à l’élite dirigeant autour de Gbagbo qu’elle puisse manger tant qu’elle le désirait. La seule exception à ce pillage du pays par Gbagbo a été les ressources du nord du pays, comme l’or et les diamants, qui servent de vache à lait pour les rebelles. Même si il y a eu un embargo international sur les ventes de diamants, il y a des débouchés par la contrebande. Les exportations de cacao et d’autres produits agricoles comme le café, qui proviennent surtout du Sud, n’ont pas été fondamentalement touchées. De plus, les revenus de l’exportation du pétrole ont fortement augmenté lors de la période du boum mondial du pétrole, et n’ont diminué que l’année passée à cause de la récession économique mondiale. De fait, au cours de cette période, le revenu du pétrole, dont l’extraction offshore n’est pas menacée par la rébellion ni par la crise, a surpassé celui du cacao. Il y a eu des cas et des rapports largement publiés de scandales financiers impliquant des hauts cadres du gouvernement, surtout concernant le revenu du cacao. Comme c’est le cas dans la plupart des pays africains, il n’y a pas eu d’audit indépendant des secteurs du cacao et du pétrole.

    La politique économique du gouvernement est conçue pour huiler la machine du gouvernement et les privilèges pour ses fonctionnaires, tandis que le peuple fait la file pour recevoir les miettes. Comme de grosses quantités sont destinées aux poches des membres du gouvernement, les services sociaux et les conditions de vie des travailleurs se sont détériorées non seulement dans le Nord mais aussi dans le Sud à cause du manque de financement et des attaques néolibérales. Les dépenses publiques dans les soins de santé en terme de pourcentage du PIB sont les troisièmes plus basses de toute l’Afrique sub-saharienne. Le gouvernement a aussi pressé le revenu des cultivateurs de cacao pour accroitre son revenu. Selon les chiffres de la Banque mondiale de 2008, les cultivateurs ivoiriens ne reçoivent que 40% du prix du cacao sur le marché mondial, alors qu’au Ghana ils en reçoivent 65%, et au Nigéria 85%. Une énorme proportion de paysans ivoiriens vivent dans la misère, malgré le fait que ce sont eux qui sont la colonne vertébrale de l’économie du pays. Ils sont contraints de faire travailler des enfants afin de réduire les frais de production du cacao et de pouvoir tirer un quelconque bénéfice de leurs ventes.

    Riposte de la classe ouvrière

    Bien entendu, il y a eu des ripostes contre les attaques, avec des grèves des travailleurs de différents secteurs comme la santé, l’éducation et les gouvernements locaux, surtout entre novembre et décembre 2009. Toutes ces grèves ont rencontré la répression du gouvernement, avec l’arrestation et la détention des militants ouvriers, dont certains ont été trainés en justice et ont été condamnés. Dans le secteur privé aussi les travailleurs ne sont pas restés sans rien faire. Les dockers et les routiers sont partis en grève en 2009. Des milliers de dockers ont bravé les mesures de répression de leurs employeurs privés qui avaient appelé la police armée, et ont tenu leur action pendant deux semaines, du 2 au 17 juin. Il y a eu aussi toutes sortes de manifestations de masse contre les hausses du prix officiel du carburant et la hausse des prix de l’alimentation en 2008. Les paysans sont partis en grève en 2004 et 2006 pour demander leur part du revenu du cacao.

    Il est clair que les différentes sections de la population laborieuse sont prêtes à la lutte pour un meilleur sort que celui que leur réservent les élites répressives et kleptomanes. Yacouba Fandio, chauffeur de taxi à Abidjan, a par exemple dit à l’IRIN (l’agence de presse des Nations-Unies) qu’il était intéressé à participer à des actions de protestation, mais ne l’avait pas fait jusque là. « À chaque fois, on entend qu’une manifestation va être organisée contre le cout de la vie, mais elle est annulée au dernier moment. La prochaine fois qu’on dit qu’il va y avoir manif, il y aura tellement de gens qu’ils vont bien finir par devoir écouter » (IRIN, 31 mars 2008). Malheureusement, il n’existe pas de fédération syndicale viable qui puisse rassembler la colère de tous les travailleurs et des pauvres pour organiser une grève générale et des manifestations de masse.

    Le chouchou de l’impérialisme

    Toutefois, il n’y a aucun espoir d’un meilleur futur pour les Ivoiriens ordinaires sur base de l’alternative que représente Ouattara, le champion de l’impérialisme. Pas besoin d’une boule de cristal pour tirer la conclusion que l’ancien Premier Ministre de Houphouët-Boigny, qui est ensuite passé vice-directeur à la gestion du FMI, va diriger le pays en obéissant à l’impérialisme au doigt et à l’œil.

    La Côte d’Ivoire a déjà été listée parmi l’initiative de la Banque mondiale et du FMI des pays pauvres très endettés (PPTE), en tant qu’étape préliminaire pour bénéficier d’une remise d’un allègement du fardeau de la dette dans laquelle elle a été plongée par l’archétype de dictateur africain pro-impérialiste qu’était Houphouët-Boigny. Ceci signifie que pour recevoir cette remise de dette, le pays doit mettre en œuvre des politiques économique d’austérité dure et d’ajustements structurels, soit un programme capitaliste néolibéral, selon les termes qui lui sont dictés par le FMI et la Banque mondiale. Il ne fait aucun doute que Ouattara accomplira ces attaques néolibérales sans ciller, quel qu’en soit le cout pour la population laborieuse. Ouattara est un vieux cheval de l’impérialisme. Il faut se rappeler que c’était lui qui avait été mandaté par Houphouët-Boigny pour imposer et appliquer les mesures d’austérité et le programme d’ajustement structurel au début des années ’90. Pour lui, le néolibéralisme qui a prouvé être le fléau du développement est en réalité un remède économique. Toutefois, la Côte d’Ivoire avait atteint le point de décision du PPTE en mars 2009, ce qui signifie que Gbagbo ne s’en est pas trop mal tiré non plus en terme d’application des attaques néolibérales dictées par la Banque mondiale et le FMI. Le FMI a félicité Gbagbo pour son travail et lui a demandé d’accélérer les “réformes” en direction du point d’achèvement de PPTE. Il ne fait qu’aucun doute que Ouattara, en véritable agent bleu du FMI, fera mieux que Gbagbo à cet égard.

    Ce n’est un secret pour personne que l’impérialisme occidental, et en particulier la France, a d’important intérêts économiques en Côte d’Ivoire. La France y a par exemple environ 500 entreprises qui dominent d’importants secteurs de l’économie. Le pays est le plus grand producteur de cacao au monde, pour 40% de la production mondiale. Il est aussi un producteur majeur de café et de bois, en plus de l’augmentation de sa production de pétrole. Il y a des dépôts d’or et de diamants dans le Nord. Il y a aussi un rapport de la Commission d’enquête internationale qui parle de la découverte de gisements pétroliers dont les réserves pourraient faire de la Côte d’Ivoire le deuxième ou troisième plus grand producteur de pétrole africain, en plus d’immenses gisements de gaz, assez pour une centaine d’années d’exploitation.

    Afin de pouvoir reprendre la pleine exploitation de l’économie et des ressources du pays, cela va dans les intérêts de l’impérialisme de mettre une terme à la guerre civile actuelle. Selon ses calculs, cela pourrait être effectué par Ouattara qui bénéficie d’un soutien de masse dans le Nord dont il est originaire, et soutenu par les rebelles dont il a nommé Premier Ministre le dirigeant Guillaume Soro. Il est également apprécié par certaines sections dans le Sud. Il n’est pas impossible que Ouattara ait reçu d’importants votes de la part des Baoulés, le plus grand groupe ethnique du pays (et duquel était originaire Houphouët-Boigny), puisque l’ex-Président Bédié leur a demandé de voter pour lui. Bédié, qui est arrivé troisième au premier tour, a tiré la plupart de ses voix des Baoulés, qui sont pour la plupart cultivateurs de cacao, et qui avaient des comptes à régler avec Gbagbo sur base de la baisse constante de leur part du revenu du cacao, et de son opposition historique à Houphouët-Boigny. Ouattara leur a promis que s’il était élu Président, Bédié serait son “patron”, et qu’il installerait tout de suite son gouvernement à Yamoussoukro, qui jusqu’ici n’est que la capitale nominale (Abidjan restant la capitale de facto), et qui était la ville natale de Houphouët-Boigny.

    Le spectre de la guerre

    Jusqu’ici, la pression de l’impérialisme occidental et de son pion – la CEDEAO – n’a fourni aucune solution. Il n’est pas impossible que la CEDEAO, sous l’injonction de l’impérialisme occidental, mette à exécution sa menace d’utiliser la force pour chasser Gbagbo du pouvoir au cas où les moyens diplomatiques venaient à échouer. Ceci ramènera certainement le spectre du conflit ethnique entre Ivoiriens, et mettrait en danger les vies et les biens de millions d’Africains provenant d’autres pays qui seraient brutalement assaillis par les partisans de Gbagbo. L’explosion d’une guerre civile pourrait déclencher des troubles sociaux et des tensions dans des pays comme le Burkina Faso, dont environ 3 millions de nationaux travaillent en Côte d’Ivoire. Déjà, les Nigérians vivant en Côte d’Ivoire ont prévenu le gouvernement de Goodluck Jonathan des conséquences de l’intervention militaire qui se prépare. De plus, la Côte d’Ivoire n’est pas le Sirra Leone, où l’ECOMOG a pu facilement intervenir pour chasser du pouvoir un putschiste. L’armée ivoirienne, jusqu’ici loyale à Gbagbo, est une véritable force, tandis que les fervents sentiments nationalistes qui vivent parmi toute une couche de la population faciliteraient à Gbagbo la mobilisation d’un grand nombre de jeunes, dont certains sont déjà organisés au sein des “Jeunes Patriotes”, afin de prendre les armes contre l’occupation et les forces étrangères. La popularité de Gbagbo parmi certaines sections de la population dans le Sud, par exemple, s’est accrue après les attaques françaises de 2004.

    Les organisations ouvrières, socialistes et pro-peuple au Nigéria et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest doivent commencer à se lever et à organiser des actions de masse contre le projet d’interférence militaire dans la crise ivoirienne, tout en appelant de la manière la plus claire qu’il soit à l’unité de classe des travailleurs et des pauvres de Côte d’Ivoire quels que soient leur appartenance ethnique, leur religion ou leur nationalité.

    Même un départ “volontaire” de Gbagbo n’est pas une garantie pour la restauration d’une paix durable. En effet, c’est une impasse sans issue visible. L’option du partage du pouvoir avec un “gouvernement d’unité nationale” comme on l’a vu dans des circonstances similaires au Kénya ou au Zimbabwé a jusqu’ici été exclue par la “communauté internationale”. La dégénération en une guerre civile ouverte, avec une implication active de forces étrangères, régulières comme mercenaires, semble être la prochaine phase de la crise. Ceci reviendra à un plongeon en enfer du type de celui qu’on a vu en Afrique centrale pour la population, qui a déjà été la plus touchée par des années d’attaques néolibérales et de crise politique.

    Mouvement uni des travailleurs et assemblée du peuple démocratiquement élue

    Seule l’unité et l’organisation des travailleurs peut mettre un terme à cette horreur. Les grèves et les actions de masse que les travailleurs ont menées contre les attaques néolibérales au cours des dernières années ont prouvé qu’ils peuvent se dresser au-delà des divisions religieuses et ethniques qui sont exploitées par l’élite capitaliste égoïste au pouvoir, et qu’ils peuvent s’unir pour lutter pour leurs intérêts à tous, pour une vie meilleure. Le problème est qu’il semble qu’il n’y a pas de mouvement central des travailleurs qui puissent mobiliser la masse des Ivoiriens, des ouvriers, des paysans et des artisans contre la xénophobie, l’ethnicisme et la guerre, et qui puisse les organiser en un grand mouvement politique capable d’arracher le pouvoir à toutes les factions d’élites capitalistes qui ont plongé le pays dans cette abysse de crises économiques et sociales. Par conséquent, il est grand temps de construire un authentique mouvement de masse des travailleurs, qui puisse également contester l’emprise du capitalisme sur l’économie.

    Les dirigeants syndicaux radicaux, les militants de gauche et les socialistes doivent immédiatement appeler à une conférence pour la construction d’un mouvement unifié des travailleurs qui unisse les ouvriers, les paysans et les pauvres de toutes ethnies et de toutes les religions contre la xénophobie, l’ivoirité et la guerre ethnique, et qui mobilise une résistance de masse contre tous les conflits ethniques et sectaires, et aussi contre la possible intervention militaire qui est en train d’être considérée par la CEDEAO. Un tel mouvement pourrait être la base pour la formation d’un parti des travailleurs, armé d’un programme socialiste. En opposition aux manœuvres et aux luttes des cliques rivales, les travailleurs ont besoin de leur propre alternative : la création d’une assemblée véritablement populaire – formée de représentants élus des ouvriers, des paysans, des petits commerçants, des artisans et des nationalités ethniques – qui pourrait former un gouvernement intérimaire qui agirait dans les intérêts des travailleurs et des pauvres. Un tel gouvernement serait capable d’organiser de nouvelles élections libres, sans interférence de l’agence pro-capitaliste que sont les Nations-Unies, dans lesquelles un parti des travailleurs pourrait mener campagne sur base de la résistance contre les programmes capitalistes néolibéraux et pour une alternative socialiste.

    Les ouvriers, les paysans et les pauvres doivent réaliser que l’“ivoirité” et la xénophobie sont des produits de la crise du capitalisme qui a ravagé le pays depuis les années ’90, et qui a continué à s’accroitre avec l’aggravation des problèmes socio-économiques causée par la politique néolibérale antipauvres qui est soutenue par toutes les factions de l’élite dirigeante qui entrent à présent en guerre. Quel que soit le vainqueur de cette guerre, Gbagbo ou Ouattara, les travailleurs et les pauvres de Côte d’Ivoire vont rapidement réaliser que leur niveau de vie ne va pas s’améliorer, s’il n’empire pas. Ceci va définitivement approfondir le mécontentement social et pourrait ouvrir la porte à une lutte de masse et à la recherche d’une alternative qui puisse relever la conscience en faveur d’une alternative socialiste pour le pays.

  • [DOSSIER] Venezuela – Parler du socialisme ne suffit pas, il faut passer à l’action

    Le 26 septembre se dérouleront des élections générales au Venezuela. Pour la première fois depuis un moment déjà, certains sondages suggèrent qu’il est possible que le président Hugo Chavez perde sa majorité. La récession, la crise énergétique, la haute inflation, la criminalité et l’insatisfaction envers la bureaucratie et la corruption ont sapé le soutien pour Chavez.

    Par Marcus Kollbrunner, Liberdade, Socialismo e Revolução (CIO-brésil)

    La réponse de Chavez à ces problèmes a été d’intensifier sa rhétorique gauchiste tout en réprimant quelques-uns des plus puissants et riches capitalistes du pays. Voici un exemple de sa rhétorique gauchiste, issue d’une interview accordée à BBC Hard Talk le 14 juillet dernier;

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    "Je vais vous dire quelque chose ; cela fait 11 ans que je suis arrivé au pouvoir et j’étais très naïf, je croyais à la ‘Troisième Voie’. Mais c’était une farce. Je croyais possible d’introduire le ‘Capitalisme rhénan’, le ‘Capitalisme à visage humain’, mais je me suis rendu compte que c’était impossible, que je m’étais trompé. Le capitalisme, c’est le règne de l’injustice, la tyrannie des plus riches sur les plus pauvres,… c’est pourquoi la seule manière de sauver le monde est le socialisme. Le socialisme avec la démocratie."

    Cependant, même des anciens partisans de Chavez en sont venus à critiquer sa politique. Heinz Dieterich, lequel avait été conseiller du gouvernement et était l’idéologue derrière le slogan du ‘Socialisme du 21e siècle’, a déclaré lors d’une interview avec El Nacional en mars dernier que : "La politique du président n’a construit aucune institution que l’on pourrait appeler ‘Socialisme du 21e siècle’ (…) Rien n’a été fait au Venezuela qui ne diffère des marchés en Europe. Les programmes sociaux sont très positifs, mais rien de cela n’est le socialisme." La rhétorique de Chavez ne répond pas aux attaques de plus en plus nombreuses qui visent les travailleurs luttant pour de meilleures conditions.

    Chavez est arrivé au pouvoir après les élections en 1998, une victoire qui était l’expression d’un profond mécontentement populaire envers la vielle élite et contre la politique néolibérale qui avait grandement augmenté l’écart de richesse et la pauvreté, malgré les ressources pétrolière conséquentes du pays. Chavez disait alors qu’il voulait mettre en œuvre la "Révolution Bolivarienne", se référant ainsi à Simon Bolívar qui avait lutté pour l’indépendance contre la domination coloniale espagnole au 19e siècle.

    L’idée derrière cette "Révolution Bolivarienne" était d’introduire des améliorations pour la majorité de la population et de rompre avec la dépendance de l’impérialisme (les États-Unis sont toujours le premier partenaire commercial du pays). En augmentant les impôts et en prenant le contrôle du pétrole, il parvint à mettre en œuvre d’importantes réformes, lesquelles ont permis d’accroître l’accès aux soins de santé et à l’éducation pour les couches les plus pauvres de la population.

    Mais la tentative d’introduire un capitalisme d’Etat-providence à l’européenne, le ‘Capitalisme rhénan’, a rencontré la résistance de l’élite. Avec le soutien de l’administration Bush, la riche élite tenta d’ailleurs de renverser Chavez lors d’un coup d’Etat en avril 2002 mais fut contrecarré par une révolte populaire spontanée. Fin 2002 – début 2003, une autre tentative de renverser Chavez a aussi eu lieu, cette fois-ci sous la forme d’une "grève générale" du patronat, un lockout destiné à saboter l’économie. Déjà à ce moment-là, Chavez aurait dû conclure qu’il était impossible de faire disparaitre les injustices à travers des réformes et qu’il était donc nécessaire de tout simplement rompre avec le capitalisme. Mais il a continué de tenter de former des alliances avec des sections de la bourgeoisie nationale.

    La pression pour le changement issue d’en bas ainsi que les continuelles confrontations avec la vielle élite eurent toutefois pour résultat de pousser Chavez à déclarer début 2005 qu’il allait désormais s’efforcer de construire le "Socialisme du 21e siècle". Mais sa vision du "socialisme" était surtout celle du modèle cubain, où la bureaucratie est au pouvoir. Ce concept convenait bien à Chavez lequel, ayant fait carrière comme officier, était habitué à donner des ordres. Il ne s’est pas rendu compte de la nécessité d’organisations indépendantes de la classe ouvrière. Ceci renforça l’idée que tout devait être contrôlé d’en haut et la "Boli-bureaucratie" qui se développa avec tous les opportunistes qui affluèrent vers le pouvoir n’a fait qu’accroitre cette tendance. En conséquence, le régime de Chavez est marqué par la prédisposition de la bureaucratique à zigzaguer et à agir de manière arbitraire ainsi que par une mauvaise gestion.

    Après une profonde crise économique en 2002-2003, la production s’est de nouveau remise à croitre rapidement avec l’aide de la hausse du prix du pétrole. En cinq ans, l’économie connut une croissance de 95%, la pauvreté diminua de moitié et la pauvreté extrême de 70 %. Les dépenses sociales furent triplées et la population connut un accès accru aux soins de santé et à l’éducation.

    Pourtant, malgré les déclarations de Chavez selon lesquelles sa « politique socialiste » immunisait le pays contre les crises capitalistes, le Venezuela a été très durement touché par la dernière crise mondiale, avec une chute du PIB de 3,3 % en 2009, et il est fort probable que PIB chute encore cette année-ci. D’après l’économiste américain Mark Weisbrot, le gouvernement n’a pas instauré de politique visant à stimuler l’économie, ce qui contraste avec la situation de la Bolivie par exemple, où de telles mesures ont aidé l’économie à connaitre une croissance de 3 %. Au contraire, la croissance annuelle des dépenses d’Etat tomba de 16,3 % en 2008 à un misérable 0,9 % en 2009. Le gouvernement a également augmenté la TVA au début de l’année, ce qui a surtout frappé les pauvres.

    Au début de l’année, l’économie du pays fut affectée par d’importants problèmes d’approvisionnement énergétique, ce qui contribua à faire chuter le PIB de 5,8 % lors du premier trimestre. De plus, le phénomène climatique « El Niño » a été exceptionnellement sévère cette année. Si le sud du Brésil a connu de grandes précipitations, le Venezuela a connu l’effet contraire : la pire sécheresse depuis un siècle. Ainsi, le niveau du barrage Guri, qui produit 70% de l’énergie électrique du pays, a dramatiquement chuté. En conséquence, l’eau et l’électricité ont été rationnées, ce qui a affecté l’activité économique. Cette crise n’a cependant pas uniquement été causée par El Niño, mais aussi par le manque d’investissements et de planification concernant la production énergétique.

    Le Venezuela doit chroniquement faire face à des taux d’inflation élevés. Le gouvernement a accru de 25 % le salaire minimum cette année, mais cela n’a pas été suffisant pour couvrir la hausse des prix. L’année dernière, l’inflation était de 25 % et de 30% cette année, mais l’inflation sur les produits alimentaires est de 40 %. Comme le cours de change officiel du dollar n’a que peu de fois été ajusté ces dernières années depuis l’introduction du contrôle d’Etat sur le commerce des devises en 2003, le taux élevé d’inflation a conduit à une surévaluation de la monnaie au cours des dernières années. Néanmoins, cette tendance de surévaluation de la monnaie puise ses origines plus loin dans le passé. L’afflux de dollars dû à l’exportation du pétrole a maintenu la monnaie forte et moins cher l’importation de nourriture tout en entraînant une plus grande dépendance envers ces importations, au détriment de la production domestique.

    Cette tendance a encore été amplifiée en 2003, lorsque Chavez a pris contrôle de la compagnie pétrolière PVDSA. Il a utilisé l’argent issu du pétrole non seulement pour mettre en œuvre d’importantes réformes, mais aussi pour importer de la nourriture afin de fournir des vivres bon-marché à 19 mille magasins alimentaires publics. En 2008, une compagnie alimentaire d’Etat fut fondée, la PDVAL, subsidiée par la PVDSA, pour s’occuper de l’importation et de la distribution de nourriture. Ainsi, la moitié des revenus issus du pétrole sont utilisés pour importer des denrées alimentaires.

    Actuellement, le Venezuela importe deux tiers de sa nourriture. La tentative du gouvernement d’introduire une réforme agraire – 2,7 millions d’hectares (presque 1/10 des terres arables) ayant été redistribués – n’a pas eu d’effet considérable sur la production alimentaire en raison du manque de machines et de capitaux ainsi que de l’omniprésence de la bureaucratie. Le contrôle des prix par l’Etat est insuffisant pour mettre fin à l’inflation sur la nourriture, puisque les fournisseurs alimentaires privés refusent souvent de vendre aux prix établis par l’Etat. C’est dans ce contexte que Chavez a menacé de prendre des mesures contre les grandes entreprises alimentaires.

    D’après l’économiste vénézuélien Angel Alayon, de l’organisation des producteurs alimentaires, l’Etat contrôle 75 % de la production de café, 42 % de la farine de maïs, 40 % du riz, 52 % du sucre et 25 % du lait. Mais cela n’a en rien aboli les pénuries rencontrées dans l’approvisionnement en nourriture.

    Récemment, il a été révélé que des milliers de tonnes de nourriture, sous la responsabilité de la PDVAL, étaient en train de pourrir dans des containers. Cela représente un autre exemple de mauvaise gestion bureaucratique, peut-être mêlé à de la corruption, au profit des spéculateurs.

    Au début de l’année, la monnaie vénézuélienne, le Bolivar, a été dévaluée et deux taux de changes ont été fixés pour le dollar, le plus bas pour rendre moins cher l’importation de nourriture, de médecines et d’autres produits de base et un autre pour les produits de luxe. Ceci n’a, toutefois, pas empêché un marcher parallèle avec les dollars, avec une valeur même plus élevée pour celui-ci. Dernièrement, l’Etat a réprimé les marchands en dollars et a établi son propre "dollar parallèle", avec une valeur flottante. Il est cependant peu probable que cette mesure mette fin au marché noir comme la moitié des importations sont payées avec le dollar parallèle.

    La dévaluation est une conséquence de l’inflation, mais elle peut conduire à d’autres augmentations de prix. En même temps, les entreprises privées savent tirer profit de cette situation. Pour les multinationales, par exemple, les salaires des travailleurs vénézuéliens deviennent moins chers alors que les travailleurs doivent faire face à des hausses de prix.

    Entre-temps, les reformes sociales stagnent ; de nombreux projets se sont détériorés et d’autres n’ont pas été pleinement mis en œuvre à cause de la corruption, les fonds étant épuisés avant que le projet ne soit complété, ou alors c’est la lenteur bureaucratique qui fait obstacle.

    Chavez a souvent répondu à ces différentes crises par des discours radicaux et des menaces de nationalisations. La mise en œuvre de ces dernières a, toutefois, souvent été pleine de contradictions. La nationalisation a souvent voulu dire que l’Etat achète la majorité des actions laissant l’ancien propriétaire comme actionnaire minoritaire. Cela a été le cas, par exemple, pour la chaîne de supermarchés franco-colombienne Exito, laquelle a reçu beaucoup d’attention dans les médias.

    Les contradictions entre les discours et les actions sont dû à certains facteurs qui sont en interaction :

    • Premièrement, Chavez n’a pas de stratégie cohérente, mais réagi aux différentes crises au fur à mesure qu’elles apparaissent.
    • Deuxièmement, il a établi des alliances avec des éléments de la bourgeoisie nationale, la « Boli-bourgeoisie » et ne s’attaque à ces bourgeois que quand ceux-ci rompent les relations ou si les contradictions deviennent trop fortes.
    • Troisièmement, Chavez est influencé par ses « amis » étrangers, de Cuba jusqu’au Brésil et la Chine, de l’Iran à la Russie. Ceci autant idéologiquement, comme c’est le cas avec Cuba, mais aussi à travers différentes transactions commerciales avec la Chine, la Russie, etc. Par exemple, quand les travailleurs de l’ancienne aciérie d’Etat SIDOR demandèrent la renationalisation, Chavez refusa d’abord comme il ne voulait pas offenser le gouvernement argentin, principal propriétaire.
    • Dernièrement, et ceci n’est pas le moindre des facteurs, Chavez règne à travers une couche de bureaucrates, laquelle a ses propres intérêts et sabote souvent les programmes publics.

    Chavez est forcé de s’attaquer à la bureaucratie et de nationaliser certaines entreprises, mais il n’est pas capable d’éliminer la bureaucratie tout entière, comme son pouvoir repose sur celle-ci. Il ne fait pas confiance à la puissance de la classe ouvrière et à ses organisations indépendantes, qui sont pourtant les seules forces capables de s’en prendre à la bureaucratie.

    Ceci conduit à une politique marquée par des tournants soudains et des changements abrupts, alors que le système capitaliste persistant et la mauvaise gestion de la bureaucratie étouffent l’économie. Dans ce contexte, les interventions de Chavez contre les capitalistes et les bureaucrates se font erratiques et arbitraires, puisqu’il s’attaque à d’anciens alliés.

    La seule force capable de changer cette situation pour le mieux est la classe ouvrière organisée. Mais la bureaucratie rejette l’organisation et la lutte indépendante des travailleurs comme celles-ci représentent une menace pour leur pouvoir.

    La lutte croissante de travailleurs de ces derniers temps a été l’objet de répression de la part de l’Etat et de la bureaucratie, une répression aggravée par les déclarations de Chavez que tous ceux qui font preuve d’opposition sont des "laquais de l’impérialisme". Des travailleurs en lutte font souvent face à une répression policière féroce. Plusieurs syndicalistes ont été tués, comme dans le cas de deux travailleurs qui ont trouvé la mort l’an dernier quand la police a tenté de briser l’occupation de l’usine de pièces de voitures Mitsubishi. A de nombreuses occasions, les travailleurs ont lutté pour la nationalisation des entreprises qui refusaient de leur donner des conditions décentes et, souvent, ils ont posé la question de la nécessité du contrôle ouvrier.

    D’après Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Venezuela), durant les dernières années, les travailleurs ont pris le contrôle de plus de 300 lieux de travail. Les travailleurs ont parfois reçu un certain soutien de l’Etat mais, bien plus souvent, ils ont été abandonnés et leurs efforts ont fini en défaite. Cela a notamment été le cas avec la tentative d’instaurer le contrôle ouvrier à Sanitarios Maracay. Certaines tentatives couronnées par le succès, comme à ALCASA, INVEPAL et INVEVAL, démontrent le potentiel d’un autre système qui ne repose pas sur le profit privé. Dans certaines entreprises, les travailleurs ont élus les plus hauts agents exécutifs.

    Chavez a exprimé son soutien pour le contrôle ouvrier, mais la bureaucratie ne lâchera pas son pouvoir et ceci pose des limites à ces expériences. Malgré tous les discours sur la nationalisation et le "socialisme", l’Etat, d’après Chavez lui-même, ne contrôle que 30 % de l’économie, et seulement 26 % du secteur bancaire est aux mains de l’Etat.

    Durant ces derniers mois, en réponse aux problèmes et en guise de se préparer pour sa campagne électorale, Chavez a accentué sa rhétorique radicale et a commencé de parler de mener une "guerre" contre "la bourgeoisie". Mais si la rhétorique n’est pas suivie d’actions réelles, l’effet peut être un scepticisme croissant, contre le "Socialisme du 21e siècle". Heinz Dietrich remarque dans son interview que "la conséquence logique de ceci est que le concept devient une banalité, ce qui pousse les gens à le rejeter." Il n’est pas à exclure que Chavez – si la crise s’approfondit, avec plus de sabotages de la part des capitalistes et plus de pression d’en bas – sera forcé d’aller plus loin avec les nationalisations. Il est difficile de dire jusqu’où il pourra aller dans cette direction.

    Nous ne vivons plus dans un monde avec un bloc Stalinien, lequel pourrait permettre à Chavez de rompre avec le capitalisme et d’instaurer un système bureaucratique d’après le modèle de Moscou. Aujourd’hui, même Cuba se dirige en direction de la voie chinoise et s’ouvre à l’économie de marché, même si le processus est encore lent et ne suit pas une ligne droite. Il est possible pour le Venezuela de nationaliser une grande partie de son économie sans pour autant abolir le capitalisme. Durant la Révolution Portugaise de 1974-1975, l’Etat contrôlait presque 80 % de l’économie avant que le processus ne se dirige dans la direction inverse.

    À l’intérieur du parti de Chavez, le PSUV (le Parti Socialiste Unifié du Venezuela), l’aile droite et la bureaucratie sont au pouvoir. Au début du mois de mai, le nombre impressionnant de 2,5 millions de membres du parti prirent part aux élections primaires, mais de nombreux militants de base se sont plaints que les candidats à la direction du parti disposaient de beaucoup plus de moyens pour mener leur campagne et qu’en fin de compte, ils ont presque tous été élus.

    Il est encore trop tôt pour dire quel sera le résultat des élections. Néanmoins, malgré les plus faibles résultats dans les sondages de Chavez, ses opposants de droite ne bénéficient que de peu de soutien. Par ailleurs l’appareil d’Etat tout entier sera utilisé pour favoriser la candidature de Chavez. Le plus grand danger pour Chavez est une hausse de l’abstentionnisme, comme lors du référendum de 2007 concernant la modification de la Constitution.

    Socialismo Revolucionario lutte pour des organisations des travailleurs indépendantes et en faveur d’une alternative socialiste, contre la vielle élite mais aussi contre la nouvelle élite bureaucratique qui étouffe le processus révolutionnaire.

  • Russie : Le Président Medvedev suspend la construction de l’autoroute de Khimki

    La lutte doit continuer afin de sauver l’environnement et de défendre nos droits démocratiques !

    Comme nous l’avons rapporté sur ce site, un de nos camarades dirigeants en Russie, Igor Yassine, ainsi que deux autres membres du CIO, ont brutalement été attaqués par des malfrats le samedi 7 août, après une action de protestation pacifique dans le centre de Moscou contre le projet de construction d’une nouvelle grand’route à travers la forêt de Khimki, qui fait partie de la ceinture verte autour de Moscou. C’est Vinci, une multinationale française, qui a obtenu le contrat pour ces travaux.

    Ces trois membres du CIO ont subi des blessures, Igor s’en sortant avec une fracture du crâne. Il n’est sorti de l’hôpital qu’il y a quelques jours.

    Jeudi passé, le Président russe Dmitry Medvedev a annoncé la ‘‘suspension’’ des travaux de cette route. Comme l’écrit Igor Yassine ci-dessous, cette décision a été prise pour toute une série de raisons dont la large opposition à cette route du fait des habitants et de militants. Les actions de protestation organisées internationalement par les membres et sympathisants du CIO à la suite des attaques brutales contre Igor, d’autres membres du CIO et d’autres militants environnementaux (piquets devant les ambassades russes, actions devant les bureaux de Vinci,…) ont sans nul doute également eu un effet sur les autorités russes, ce qui illustre l’importance de telles actions de solidarité.

    Igor Yassine, CIO Moscou

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    Pour en savoir plus:

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    Jeudi soir passé, le Président russe Dmitry Medvedev a publié une annonce vidéo sur son blog dans laquelle il a annoncé la suspension de la construction de l’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg, qui devrait traverser la forêt de Khimki, jusqu’à ce qu’il y ait un ‘‘débat public et d’experts plus approfondi sur la question.’’ Cette annonce a suivi de peu la nouvelle sensationnelle que Russie Unie (Yedinaya Rossiya), le parti dirigeant en Russie, s’était adressé au Président pour lui demander de mettre un terme à la construction de la route.

    Qu’est-ce que cela signifie pour la forêt, pour ceux qui se sont battus pour la protéger, pour le mouvement large de protestation et pour les autorités russes ?

    Il ne fait aucun doute que la décision de Medvedev marque une retraite qui lui a été forcée par ceux qui ont activement mené campagne contre la destruction de cette partie de la ceinture verte de Moscou, si nécessaire. Bien entendu, ce succès a été facilité par la participation de musiciens et militants russes connus, mais le spectacle de Yourii Shevtchouk (un des rockers les plus célèbres de Russie) sur la place Pouchkine, ou son duo avec Bono n’aurait pas remporté un tel écho s’il n’y avait pas déjà eu un tel mécontentement dans la société auparavant. La retraite du gouvernement est notre victoire ; c’est une claire victoire par les résidents et pour les militants. (1)

    A l’annonce d’une nouvelle si inattendue de la part des dirigeants du pays, la dirigeante des défenseurs de la forêt, Yevgueniya Tchirikova a déclaré à la presse qu’elle était si heureuse qu’elle allait maintenant voter pour le parti au pouvoir ou pour Medvedev lui-même. Il est toutefois bien trop tôt pour célébrer la victoire finale dans le combat pour sauver la forêt.

    Au moment même où la suspension des travaux a été annoncée, il est devenu très clair que la pression sur les antifascistes et sur les adversaires du régime allait s’intensifier. Des dizaines de militants antifascistes ont été arrêtés pour être interrogés. Près de 260 jeunes ont été détenus par la police dans la ville de Zhoukov, non loin de Moscou, pour avoir tenté de participer à un concert antifasciste. A Moscou, Lev Ponomorev, un des plus célèbres défenseurs des droits de l’homme en Russie, a été arrêté lors du concert place Pouchkine et condamné à trois jours de prison. Son crime est d’avoir porté un drapeau russe le long d’une des principales artères de Moscou, alors que c’était justement le Jour du Drapeau (2) !

    Deux jeunes antifascistes, Alekseï Gaskarov et Maksim Solovov, sont toujours détenus et font face à des accusations qui pourraient les voir emprisonnés pour plusieurs années. Ceci contraste fortement avec l’absence d’une réponse policière contre les malfrats qui ont attaqué le camp des opposants dans la forêt, ou après la violente attaque contre trois militants du CIO à Moscou quelques jours plus tard, malgré le fait que le directeur de la compagnie sous-traitante impliquée dans le chantier de la route a semblé admettre dans la presse russe qu’il avait bel et bien payé ces brutes.

    Les dirigeants s’entrechoquent

    Les zigzags du parti Russie Unie et la retraite du Président Medvedev sont un signe clair que les autorités au pouvoir ont du mal à faire tenir les choses ensemble, et s’inquiètent de leur baisse dans les sondages d’opinion. Quelques semaines plus tôt, la ‘‘Jeune Garde’’, un des groupes de jeunes sponsorisés par le Kremlin, a organisé un groupe en soutien à la nouvelle autoroute, et publié toute sortes de poisons au sujet des défenseurs de la forêt. Les ‘‘Nashi’’, un autre de ces groupes de jeunes, ont tenté d’organiser une action de provocation lors du concert à Moscou. Toutefois, la pression croissante de la base, la détermination des résidents et des militants, la récente vague de chaleur et de pollution et le caractère instable de l’économie russe ont tous contribué à convaincre des parties de l’élite russe qu’il lui fallait changer de ton.

    Le maire de Moscou, Yourii Louzhkov, tente maintenant d’affirmer qu’il a toujours été opposé à la construction de cette route à travers la forêt, bien qu’il ait ordonné à la police d’agir contre les opposants. En outre, les experts en construction impliqués dans le choix de l’itinéraire pour cette route avaient reçu en 2006 une autre option qui passait à travers le district de Molzhaninov, au nord de Moscou. Mais cette dernière proposition a été rejetée parce que, selon la presse, ce projet mettait à mal les intérêts de l’entreprise Inteko, qui appartient à la femme de Louzhkov, Yelena Batourina. Il a été récemment rapporté que Batourina est maintenant la troisième femme la plus riche au monde, ayant utilisé sa position pour remporter d’énormes contacts de construction de la part de la ville de Moscou.

    La chose la plus remarquable dans ce nouveau revirement est peut-être le fait qu’il semble que le grand ‘dirigeant national’ Vladimir Poutine n’était même pas au courant de ce qui était en train de se passer. Selon Dmitry Peskov, son attaché de presse, Poutine n’a pas été impliqué dans la prise de décision de suspendre le chantier. Qui plus est, Poutine a déclaré que s’il n’y avait pas de ‘base économique’ pour cette décision, elle tiendrait. La position de Poutine a été clarifiée plus tard : ‘‘Il est clair que la route doit être construite (…) Il est évident qu’il y a des problèmes majeurs de transport à Moscou et dans d’autres villes. La route entre Moscou et Saint-Pétersbourg est clairement nécessaire pour l’économie’’, a-t-il déclaré.

    Le désaccord entre les deux chefs d’Etat autour d’une question aussi brûlante révèle qu’il y a des problèmes dans le camp dirigeant. Poutine a vu son propre parti, Russie Unie, faire appel par-dessus sa tête directement au Président, comme si Medvedev était une sorte de juge indépendant.

    Une projet risqué

    Il y a un autre aspect important dans tout ceci. Dans le climat actuel d’instabilité économique et avec la hausse des actions de protestations, il a été clair que les institutions financières internationales, y compris la Banque Européenne, n’ont pas été très enclines à investir dans ce qui est perçu comme un projet risqué. La campagne internationale de protestation qui a eu lieu lors des dernières semaines a aussi sapé le soutien qui existait pour la poursuite du chantier autoroutier. Dans une telle situation, les autorités n’avaient pas d’autre alternative que de demander une ‘pause’, de sorte que les passions puissent se calmer, jusqu’à ce que la position financière s’améliore.

    Mais le fait que la décision de suspendre la construction ait été prise sans qu’un plein accord n’ait été obtenu à ce sujet parmi toutes les figures dirigeantes indique que les autorités ne sont plus capables d’empêcher que les discussions normalement limitées à leurs salons privés ne deviennent publiques. Ceci démontre, une fois encore, qu’au-delà des apparences, la machine d’Etat en Russie est en réalité plutôt faible, souffrant des coups non seulement des sources extérieures, mais aussi des disputes internes. Le colosse a des pieds pourris.

    Les défenseurs de la forêt ont remporté une victoire le 26 août, mais nous ne devrions pas abandonner la lutte. Il y a déjà eu des décisions de suspendre ce chantier auparavant, mais lorsque la situation a changé, la construction a repris.

    La forêt de Khimki a déjà beaucoup souffert, mais si le chantier se poursuit, l’existence de cette zone naturelle va complètement cesser. Si finalement il est décidé de faire passer la route par un itinéraire alternatif, les dégâts déjà perpétrés à la forêt de Khimki resteront pour tous un témoin de la corruption et de l’autoritarisme qui existe en Russie, et des liens entre les autorités et l’oligarchie capitaliste.

    Ces six dernières semaines, les militants ont été traités avec de tels degrés de répression, de pression et de corruption par les bureaucrates et par les requins de la construction qu’il est difficile de croire que la décision de suspendre la construction changera quoi que ce soit pour eux.

    Les feux de forêt de cet été en Russie ont démontré à quel point l’appareil d’Etat commence à s’effondrer ; le système forestier est en ruines, et même le Ministre des Situations d’Urgence tant applaudi a été incapable d’arrêter ces incendies, de sauver les gens et de minimiser les pertes. Par conséquent, le geste d’en haut concernant la forêt de Khimki ne va pas préserver la santé de l’environnement, ni assurer nos droits et nos libertés démocratiques. Afin de remporter ces deux objectifs, nous avons besoin de poursuivre la lutte.

    La campagne de la forêt de Khimki est une partie importante de la lutte qui se développe. Mais la seule garantie d’une victoire dans cette lutte est de développer une opposition sur un front plus large, pour combattre la corruption, pour une véritable démocratie et de justes salaires et conditions de travail. Au lieu de simplement faire pression sur les autorités, il nous faut prendre les choses en nos propres mains, par l’auto-organisation et l’autogestion, le contrôle et la responsabilité à un niveau local, de sorte qu’une véritable économie planifiée puisse être développée, basée sur la propriété publique démocratique.

    Ce n’est que par un changement de système complet que nous pouvons nous assurer que l’état de l’environnement sera décidé en fonction des intérêts de la majorité, et que nous pouvons sauvegarder pour les générations futures le droit à des forêts et à un air pur.


    Notes :

    1. Deux week-ends plus tôt, l’opposition a organisé un concert sur la place Pouchkine, dans le centre de Moscou, auquel 2.000 personnes avaient participé, en guise de protestation contre le début des travaux de l’autoroute. Nonobstant les tentatives de la police d’empêcher le concert (des gens sur le chemin du concert ont été fouillés à la recherche d’instruments de musique !), il y avait trop de participants pour que cet événement puisse être interrompu. Le musicien Bono était en Russie à ce moment pour un concert de U2. Il a pris un avion spécial pour la station balnéaire de Sotchi sur la Mer Noire afin d’y rencontrer Medvedev. Les médias occidentaux ont rapporté que Bono a discuté de l’affaire de la forêt de Khimki avec Medvedev, mais il semble que Bono ait été si amical qu’il a plus tard avoué avoir oublié de soulever ce problème !
    2. Le Jour du Drapeau, célébré le 22 août, est une fête commémorant la défaite de la tentative de coup d’Etat par de vieux généraux staliniens en août 1992. A cette occasion, les dirigeants de l’opposition avaient décidé cette année d’organiser un meeting de rue autour d’un drapeau russe géant, censé représenter la ‘‘nouvelle démocratie russe’’ bafouée par Poutine et Medvedev. La police les a, comme à son habitude, arrêtés pour divers motifs administratifs quelconques.
  • Russie : NON à la répression ! Action de protestation à Bruxelles – Reportage photos (2)

    Hier à l’appel des Etudiants de Gauche Actifs (EGA) et de la campagne antifasciste néerlandophone Blokbuster, une action a eu lieu devant le centre financier de la multinationale française Vinci, à Bruxelles. Une cinquantaine de militants ont scandé des slogans et remis une lettre de protestation à un responsable de Vinci. A la base de cette action se trouve la répression dont sont victimes les militants pour l’environnement et les antifascistes à Moscou.

    Nico

    • Rapport par Geert Cool, porte-parole de Blokbuster
    • Reportage photos (1)

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