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  • Caucase : Les racines de la crise

    La Géorgie a été récemment le théâtre de violences qui ont impliqué les forces armées géorgiennes et les forces séparatistes d’Ossétie du Sud assistées par les forces armées russes. La région du Caucase reste une poudrière, avec l’Abkhazie et la Tchétchénie comme autres points de tensions indépendantistes. Ces conflits ont comme toile de fond l’affrontement pour le contrôle géostratégique de cette région.

    Par Alain, MAS-Namur

    Tandis que les Etats-Unis soutiennent le gouvernement pro-occidental de Sakhachvili, la Russie soutient les forces séparatistes. Les racines du conflit remontent à l’indépendance de la Géorgie. Le premier président, Zviad Gamaskhurdia, a profité du sentiment d’opposition au régime stalinien et centralisateur de Moscou pour accéder au pouvoir et a restauré le capitalisme. Le pays s’est alors économiquement effondré (la production nationale a chuté de 70%).

    Très vite des dissensions sont apparues au sein du gouvernement sur le rythme de restauration du capitalisme. Pour faire face à la crise et détourner les critiques, le gouvernement de Gamaskhurdia a lancé une campagne nationaliste avec comme slogan « la Géorgie au Géorgiens » alors que 30% de la population étaient des allochtones. Les ethnies non-géorgiennes (ossètes, abkhazes,…) se sont donc senties menacées.

    Il a manqué à la classe ouvrière une organisation capable de proposer une orientation révolutionnaire basée sur l’unité de la classe ouvrière qui aurait été une alternative au stalinisme et au capitalisme, un socialisme véritable basé sur la démocratie ouvrière. Au lieu de cela le capitalisme a été complètement restauré et le gouvernement a pu diviser les travailleurs sur base ethnique, ce qui est à la base de nettoyages ethniques barbares et d’attaques sanglantes comme celles de cet été.

    La situation présente met aussi en lumière toutes les contradictions entre les grandes puissances. La Russie, qui a toujours rejeté toute forme d’autonomie dans le cas de la Tchétchénie et du Kosovo, soutient le droit à l’auto-détermination des populations abkhazes et ossètes du Sud et reconnaît les déclarations d’indépendance de leurs dirigeants séparatistes tandis que les Occidentaux qui chantaient ce même droit pour le Kosovo exigent aujourd’hui le respect de l’intégrité territoriale géorgienne.

  • Accuser l’impérialisme. “La Grande Guerre pour la Civilisation : La Conquête du Moyen-Orient”

    Qui donc porte la responsabilité de la catastrophe au Moyen-Orient ? Dans ce livre, le journaliste Robert Fisk tente de retracer tous les événements qui se sont déroulés dans cette région au cours des 30 dernières années.

    Revue par Per-Ake Westerlund.

    Fisk a connu plus d’aventures que la plupart des héros de films. Parmi les gens qu’il a interviewés en tant que reporter figurent l’Ayatollah Khomeini et Oussama ben Laden, l’un pour le Times, l’autre pour The Independant. Il se trouvait en Iran pendant et après la révolution de 1979. Il a visité plusieurs fois la ligne de front des deux côtés pendant la guerre entre l’Iran et l’Iraq, en 1980-88. Il a accompagné les troupes russes dans les années 80’s jusqu’en Afghanistan, et y a été battu par une foule en colère après les bombardements américains de 2001. Il est arrivé à Bagdad par le dernier avion juste avant que Bush ne lance ses premiers missiles en mars 2003.

    Fisk est toujours volontaire pour prendre des risques afin de se faire sa propre opinion sur ce qui se passe réellement. Il a de plus en plus défié la majorité des médias, par sa critique de la guerre d’Iraq et de l’oppression des Palestiniens par l’Etat d’Israël. Par conséquent, ce qu’il écrit vaut toujours la peine d’être lu, et c’est encore plus le cas pour ce livre, qui comprend plus de 1000 pages sur l’histoire récente du Moyen-Orient. Si le point de départ est la propre expérience de l’auteur, le thème n’en est pas moins la responsabilité des puissances occidentales dans la guerre, la souffrance et la dictature dans cette partie du monde. Une de ses conclusions est que « historiquement, il n’y a jamais eu d’implication de l’Occident dans le monde arabe sans que s’ensuive une trahison ».

    Fisk écrit que le 11 septembre n’est pas la raison de ce livre, mais plutôt une tentative d’expliquer l’enchaînement des événements qui a mené aux fameux attentats. Comment Oussama ben Laden a-t-il pu remporter tous les sondages de popularité ? D’où vient-il ? La réponse se trouve dans l’histoire. Tout au long du 20ème siècle, les puissances occidentales ont démarré des guerres, occupé des pays, et renversé des régimes au Moyen-Orient, encore et encore. Selon Fisk, tout Arabe raisonnable serait d’accord de dire que les attentats du 11 septembre sont un crime, mais demanderait aussi pourquoi le même mot n’est pas employé lorsqu’on parle des 17 500 civils tués par l’invasion du Liban par Israël en 1982. Alors que les régimes du Moyen-Orient – l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Palestine actuelle de Mahmoud Abbas – sont en excellents termes avec les Etats-Unis, ben Laden et d’autres islamistes ont rappelé aux masses toutes les guerres contre les musulmans dirigées par les USA et Israël. Avec l’échec sur le plan international des partis communistes staliniens et du mouvement social-démocrate à montrer la voie à suivre pour la lutte, c’est la religion qui est apparue comme un facteur politique. C’est le même facteur qui a également été utilisé par des régimes qui se prétendaient comme étant des musulmans authentiques – parmi lesquels le régime de Saddam Hussein des dernières années n’était pas des moindres.

    A la suite du 11 septembre, George Walker Bush, avec le soutien des « dirigeants mondiaux », a décidé de bombarder ce pays déjà dévasté qu’était l’Afghanistan. Lorsque ce pays a été envahi par l’Union Soviétique en 1980, cela était le début d’une guerre qui allait durer 16 ans, avec plus d’un million de morts et six millions de réfugiés. Le régime stalinien déclinant de Moscou fut forcé à une retraite en 1988, après une longue guerre contre les « saints guerriers » moudjahiddines, que le président Reagan saluait en tant que « combattants de la liberté ». Parmi eux se trouvait un contingent saoudite, mené par le milliardaire ben Laden, financé et encadré par la CIA, la monarchie saoudite, et le Pakistan. A partir de 1988, le pays sombra dans la guerre civile entre différentes troupes de moudjahiddines, avant la prise du pouvoir par les Talibans en 1966. Les Talibans étaient des enfants de réfugiés afghans vivant dans la misère, élevés dans des écoles islamistes de droite au Pakistan, et armés par les services secrets pakistanais. Les Talibans prirent rapidement le contrôle du pays et établirent un régime islamiste fortement réactionnaire, notoire pour sa répression des femmes, son interdiction de la musique, etc. Oussama ben Laden, en conflit avec les Saoudites et les Américains après la première guerre d’Iraq en 1991, fut accueilli par les Talibans avec tous les honneurs.

    Malgré le caractère du régime taliban, Fisk avait prévenu à quoi allaient mener les bombardements de Bush Jr. L’Alliance du Nord, les troupes au sol alliées de Bush, était elle aussi constituée d’assassins islamistes de droite – bien qu’opposés aux Talibans. Le nouveau président, Hamid Karzai, est un ancien employé d’Unocal, une compagnie pétrolière américaine qui essayait d’obtenir un contrat avec les Talibans au sujet d’un pipeline reliant l’Asie Centrale au Pakistan. Les avertissements de Fisk s’avérèrent rapidement fondés, de sorte qu’aujourd’hui la population locale se retrouve de nouveau piégée dans une guerre entre les troupes menées par les Etats-Unis d’une part, et les nouvelles forces des Talibans de l’autre.

    Fisk nous fournit également un important récit des développements en Iran depuis1953, lorsque le Premier Ministre élu, Mohammad Mossadegh, fut renversé après qu’il ait nationalisé les installations de la Compagnie Pétrolière Anglo-iranienne (aujourd’hui devenue British Petroleum – BP). Dans les années 1980’s, Fisk a interviewé un des agents britanniques qui, avec la CIA, avait dirigé le coup d’Etat et installé le régime du Shah et de sa répugnante police secrète, la SAVAK. Le Shah devint un allié de confiance pour l’impérialisme américain en tant que fournisseur de pétrole et soutien militaire. A la base, cependant, le nationalisme iranien et la haine des Etats-Unis n’en furent que renforcés.

    La situation finit par exploser lors de la révolution de 1979. Fisk cite Edward Mortimer, un de ses amis reporters, qui avait décrit ce mouvement en tant que « révolution la plus authentique de l’histoire mondiale depuis 1917 ». La principale faiblesse de Fisk est qu’il ne comprend pas le rôle de la classe salariée, bien qu’il insiste sur le fait que « les pauvres des villes » furent la principale force de la révolution. Les slogans et les espoirs des travailleurs et des organisations de gauche pour une « démocratie populaire » entrèrent bientôt en conflit avec les intentions des islamistes et des mollahs. La classe salariée dans le nord de l’Iran avait confisqué la propriété capitaliste, tandis que le régime de Khomeini, basé sur des couches urbaines plus riches, était contre toute forme d’expropriation. Pendant une longue période, la gauche pouvait se rallier un large soutien. Fisk décrit la manière dont un demi-million d’étudiants manifestèrent avec le Fedayin, alors illégal, en novembre 1979. Khomeini dut agir petit à petit pour écraser la gauche et les organisations de la classe salariée. Il exploita au maximum le conflit avec l’impérialisme américain, conduisant les partis communistes pro-Moscou, comme le Tudeh, à soutenir Khomeini jusqu’à ce qu’ils soient démantelés de force en 1983. Même alors, le régime au pouvoir en Russie ne voyait aucun problème à fournir des armes à Téhéran. Des purges massives furent menées pendant la guerre contre l’Iraq, parfois sur base d’informations « anti-communistes » fournies par l’Occident. Au cours de l’année 1983, 60 personnes par jour ont été exécutées, parmi eux de nombreux jeunes.

    Lorsque la machine militaire de Saddam attaqua l’Iran en 1980, le sentiment dans les médias et chez les « experts » était que l’Iraq remporterait une victoire rapide. Mais les troupes se retrouvèrent rapidement bloquées sitôt passée la frontière, et l’armée iraqienne commença à envoyer des missiles sur les villes iraniennes, y compris des armes chimiques. Fisk donne des rapports détaillés et émouvants en provenance du front, décrivant les horreurs qui s’y passent et interviewant des enfants soldats, enrôlés pour devenir des martyrs.

    Les puissances occidentales ne remirent à aucun moment en cause leur confiance en Saddam – c’est en 1983 que Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la défense aux Etats-Unis, comme en 2003, rendit sa fameuse visite à Saddam – même si certains d’entre eux vendirent des armes à chacun des deux camps tout au long du conflit qui dura huit ans et coûta plus d’un million de vies. Plus de 60 officiers américains opéraient en tant que « conseillers militaires » auprès de Saddam, lequel bénéficiait également des données satellites de Washington. L’Arabie Saoudite paya plus de 25 milliards de dollars pour financer les frais de guerre de Bagdad. Le Koweït et l’Egypte furent eux aussi des mécènes enthousiastes. Même lors de l’Anfal, la terrible guerre que Saddam mena contre les Kurdes en Iraq du Nord, personne en Occident ne protesta. Rien qu’à Halabja, 5000 Kurdes furent tués par des armes chimiques les 17 et 18 mars 1988.

    La marine américaine était mobilisée dans le Golfe Persique, afin de menacer l’Iran. Un missile américain fut tiré sur un avion civil iranien qui transportait des passagers civils. L’hypocrisie américaine, cependant, fut révélée à tous lors de l’affaire Iran-Contra, en 1986. Les USA avaient vendu 200 missiles en secret à l’Iran dans l’espoir de pouvoir récupérer des otages américains qui avaient été capturés au Liban par des groupes liés à l’Iran. L’argent obtenu par la vente des armes fut ensuite envoyé aux troupes réactionnaires des Contra, au Nicaragua.

    Lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït en 1990, il avait rendu visite à l’ambassadeur américain à Bagdad qui lui avait donné l’impression que Washington n’allait pas réagir. Il était toujours l’agent de l’Occident. En juin 1990, le gouvernement britannique avait encore approuvé la vente de nouvel équipement chimique à l’Iraq. Le Koweït avait fait partie de la même province de l’Empire Ottoman que l’Iraq jusqu’en 1889, et avait failli être à nouveau rattaché à l’Iraq en 1958, ce qui avait été empêché par les troupes britanniques.

    Mais l’enjeu ici était le pétrole, et les intérêts des autres alliés des Américains. Le régime saoudite invita les troupes américaines dans le plus important des pays islamiques, ce qui eut plus tard d’importantes répercussions. L’escalade qui mena à la guerre se forma sous l’illusion d’une alliance avec le drapeau des Nations-Unies, mais dans la pratique ce fut la plus grosse intervention américaine depuis la retraite humiliante du Vietnam. Mais cette fois-ci, la guerre démarra par un bombardement massif, qui dura 40 jours et 40 nuits, avec 80 000 tonnes d’explosifs, plus que pendant toute la seconde guerre mondiale. Parmi les cibles se trouvaient des ponts, des centrales électriques, et des hôpitaux. Les troupes de Saddam devaient se contenter de rations de survie, et fuirent de panique au moment où l’offensive au sol fut lancée. Entre 100 000 et 200 000 iraqiens furent massacrés par les attaques des avions, tanks et troupes américains.

    George Bush père appela alors à une grande insurrection contre Saddam, mais laissa les rébellions kurdes et chiites se faire réprimer ddans le sang. Fisk cite un officier américian disant "mieux vaut le Saddam que nous connaissons" que n’importe quel autre régime dont on serait moins certain. Plus de gens moururent lors de l’étouffement des émeutes qu’au cours de la guerre en elle-même, et deux millions de Kurdes devinrent des réfugiés.

    Les mêmes Etats arabes qui, quelques années plus tôt, avaient financé la guerre de Saddam en Iran, payèrent également la nouvelle facture, de 84 milliards de dollars. Et dans les deux années qui suivirent, les Etats-Unis vendirent des armes d’une valeur de 28 milliards de dollars à tous les pays de la région.

    Contre cet Iraq à l’infrastructure détruite et à la population appauvrie, les Nations Unies décidèrent d’appliquer toutes sortes de sanctions, qui conduisirent à ce que « 4500 enfants meurent chaque jour », selon Dannis Halliday, représsentant de l’Unicef en octobre 1996. Robert Fisk raconte la manière dont les enfants, victimes de munitions à l’uranium appauvri, souffrent de cancers – un mal dont souffrent également beaucoup de soldats américains. En plein milieu de la crise humanitaire, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne poursuivirent leurs raids de bombardements aériens, notamment le jour du Nouvel An 1999.

    Après le 11 septembre et les attaques sur l’Afghanistan, il était clair que Bush, Rumsfeld et leurs conseillers néoconservateurs visaient l’Iraq. Fisk énumère chacun des arguments qu’ils inventèrent pour se justifier, des « armes de destruction massive » aux « connections » avec al-Qaïda. De plus, George W Bush promettait « la démocratie pour tout le monde musulman », un objectif pour lequel il ne consulta que très peu ses amis d’Arabie Saoudite, d’Egypte et du Pakistan. L’appareil de propagande exigea alors que le soutien de l’Occident à Saddam soit oublié. La « guerre contre la terreur », à ce stade, signifiait aussi le soutien à Israël et à la guerre que la Russie menait en Tchétchénie. Les critiques de Fisk firent en sorte qu’il fut montré du doigt en tant que partisan du régime de Saddam.

    Cette guerre, que Fisk suivit à partir de Bagdad, signifiait encore plus de bombardements que 12 ans plus tôt. Fisk contraste les missiles dirigés par ordinateur aux hôpitaux sans ordinateurs qu’il visita. Les Etats-Unis lâchaient également des bombes à fragmentation contre les civils, ce qu’Israël a aussi fait par deux fois au Liban.

    Fisk demeura à Bagdad après sa « libération », le 9 avril 2003, lorsque le pillage de masse fut entamé. Les troupes américains ne protégeaient que le pétrole et les bâtiments du Ministère de l’Intérieur. A Bagdad, des documents vieux de plusieurs millénaires furent détruits lorsque les généraux américains pénétrèrent dans les palais de Saddam. Les Américains agirent comme le font tous les occupants, écrit Fisk. Les manifestants furent abattus ; Bremer, le consul américain pendant la première année, interdit le journal du dirigeant chiite Moqtada al-Sadr ; des soldats américains paniqués fouillèrent des maisons. Avec les prisons d’Abu Ghraïb et de Guantánamo, les Etats-Unis ont également copié les méthodes de torture chères à Saddam, allant jusqu’à réemployer le même médecin-en-chef. Les USA « quitteront le pays. Mais ils ne peuvent pas quitter le pays… », est le résumé que Fisk nous donne de la crise de l’impérialisme en Iraq, une description qui est toujours exacte aujourd’hui.

    Le livre de Robert Fisk contient beaucoup d’action, mais aussi de nombreux sujets d”analyse intéressants. Il écrit au sujet du génocide arménien de 1915 ; de la guerre de libération et de la guerre civile des années 90’s en Algérie ; de la crise de Suez en 1956. Il suit à la trace les producteurs du missile Hellfire utilisé par un hélicoptère Apache israélien qui tua des civils dans une ambulance au Liban. Il dit que le coût d’une année de recherche sur la maladie de Parkinson (qui emporta sa mère) est équivalent à cinq minutes de la dépense mondiale d’armes dans le monde. Il analyse la Jordanie et la Syrie ; il écrit au sujet de son père, qui était un soldat dans la première Guerre Mondiale. Ses critiques massives et bien fondées, toutefois, ne deviennent jamais des critiques du système, du capitalisme ni de l’impérialisme. A chaque fois qu’il parle des attaques militaires britanniques ou américaines, il dit « nous ».

    Les travailleurs et les socialistes eu Moyen-Orient et partout dans le monde doivent tirer les conclusions nécessaires de l’histoire de la région et des événements qui s’y déroulent actuellement. La classe salariée, alliée aux pauvres des villes et aux paysans, a besoin d’un parti révolutionnaire et socialiste, capable d’unifier la classe dans la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et la dictature, au-delà des différences religieuses et ethniques.

  • Ecole d’été. Meeting : 90 ans après la révolution russe, quelle est son actualité ?

    Si nous avons tenu un tel meeting durant notre école d’été, c’est parce que nous basons nos méthodes sur l’expérience passée du mouvement ouvrier. A travers celle-ci, nous pouvons acquérir une meilleure vision de la manière dont un mouvement se développe. D’une façon générale, cette expérience passée nous a démontré l’importance de la classe ouvrière et de la construction de ses instruments de lutte. Quant à la révolution russe, elle nous a montré qu’il était possible de briser les chaînes du capitalisme.

    Durant ce meeting, quatre orateurs ont pris la parole : Lucy Redler, de notre organisation-sœur en Allemagne, Sandi Martinez, de notre organisation-sœur au Venezuela, Denis Youkovitch, de notre organisation-sœur en Russie et enfin Peter Taaffe, de notre Secrétariat International.

    Lucy Redler : « La révolution russe ne fut pas seulement un événement russe : l’exemple de l’Allemagne »

    « John Reed a eu bien raison d’appeler son livre-reportage sur la révolution russe « Les 10 jours qui ébranlèrent le monde » : l’enthousiasme créé par cet événement unique a été gigantesque. D’emblée, la révolution russe est devenue un point de référence crucial pour tous ceux qui voulaient en finir avec le capitalisme et la guerre.

    L’écho formidable de la Révolution russe en Allemagne

    En Allemagne, comme dans d’autres pays, ce n’est pas seulement le front qui a été touché par l’onde de choc de la révolution, l’arrière également en a subit l’influence. Mais dès avant 1917 existait déjà une couche de militants radicaux qui n’avaient pas accepté la trahison direction du SPD, le parti social-démocrate allemand qui s’était aligné sur sa bourgeoisie dans la guerre. Ces militants radicaux sortirent peu à peu de l’isolement et l’on a vu, par exemple, une grève se développer en avril 1916 contre les souffrances et les privations imposées par la guerre. Les principales figures parmi ces militants radicaux étaient Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg, les fondateurs du groupe Spartakus qui a rassemblé les révolutionnaires.

    La révolution russe eut pour effet de radicaliser la classe ouvrière allemande, ce qui entraîna une vague de grèves et de protestations diverses. L’aile gauche du SPD scissionna et créa un nouveau parti, l’USPD, centriste et pacifiste. Tant parmi les masses que parmi les révolutionnaires, le slogan bolchévique de « paix sans annexions » avait un gigantesque échos. Deux mois à peine après l’Octobre Rouge russe, une grève réclamant la fin de la guerre fut menée par les deux tiers des travailleurs allemands. Des travailleurs allaient jusqu’à saboter dans les usines les tanks qui étaient destinés à être envoyés en Russie pour soutenir les contre-révolutionnaires durant la guerre civile.

    Le développement des idées révolutionnaires en Allemagne revêtait une importance particulière pour les bolcheviks. Quand, en septembre 1917, Lénine déclara que l’on se dirigeait vers une chaîne de révolutions, il ne faisait qu’exprimer une certitude répandue chez tous les révolutionnaires : ils ne croyaient pas au « socialisme dans un seul pays ». Dans la Pravda, le journal des bolcheviks, Lénine salua les révolutionnaires russes qui avaient enclenché la révolution mondiale. A ce moment, l’Allemagne avait la classe ouvrière la plus organisée au monde. Nadeja Kroupskaïa, la femme de Lénine, raconta que les premiers jours de la révolution allemande furent les plus beaux de la vie de Lénine.

    Très rapidement, Karl Liebknecht proclama la naissance de la république socialiste allemande du balcon du palais du Kaiser Guillaume II en tendant la main aux révolutionnaires du monde entier pour qu’ils continuent la révolution.

    Hélas, la vieille machine d’Etat était encore sur pied et grâce à l’aide de l’armée et à la trahison de la direction des sociaux-démocrates, la révolution a été noyée dans le sang. Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg ont été exécutés, ce qui a laissé la classe ouvrière allemande et le tout jeune Parti Communiste allemand sans direction.

    En fin de compte, lors de la révolution allemande, les soviets et conseils ouvriers n’étaient pas assez organisés, il n’y avait pas une direction révolutionnaire reconnue par la classe ouvrière et l’influence du groupe Spartakus le jour où éclata la révolution était hélas trop faible.

    La défaite de la révolution allemande et ses monstrueuses conséquences

    Malgré tout, le processus révolutionnaire dura jusqu’en 1923. Cette défaite de la révolution allemande a eu des répercussions énormes au niveau international et pour l’Allemagne même. Si la révolution avait triomphé, l’histoire aurait été totalement différente. Le nazisme n’aurait jamais vu le jour, la Deuxième Guerre Mondiale non plus. D’autre part, l’isolement des révolutionnaires russes dans un pays arriéré a ouvert la voie à la réaction et à la dictature bureaucratique. En 1924, Staline mit en avant le « socialisme dans un seul pays », à la fois pour se débarrasser de la tâche de la construction de la révolution mondiale ainsi que pour protéger les intérêts de la bureaucratie et ses privilèges, y compris en empêchant le développement d’une autre révolution qui aurait remis tout cela en cause.

    Ainsi, quand le nazisme gagna en importance et en influence, les directions du Parti Communiste stalinisé et du Parti Social-Démocrate ont refusé le front unique ouvrier pour empêcher la prise du pouvoir par le fascisme, comme l’avait préconisé Léon Trotsky.

    Après la Deuxième Guerre Mondiale, une économie planifiée a été instaurée en RDA, mais sans contrôle démocratique de la classe ouvrière.

    Malgré tout ça, les Allemands croient encore dans une certaine mesure au socialisme. Malgré le stalinisme et la propagande actuelle contre le socialisme, 48% des anciens Allemands de l’Est pensent que le socialisme et la démocratie sont possibles. »

    Sandi Martinez : « Au Venezuela : le Socialisme ou la mort ! »

    « Notre révolution doit être internationale. A ce titre, deux points sont particulièrement importants pour la révolution russe.

    • La conscience des travailleurs. En Russie, l’évolution de cette conscience entre 1905 et 1917 a été fort grande.
    • Le rôle de Lénine et Trotsky dans le cadre du développement de cette conscience pour que les travailleurs prennent le pouvoir pour construire une société socialiste.

    Il y a un parallèle à faire avec le Venezuela. Aujourd’hui, la conscience que les travailleurs doivent prendre le pouvoir par eux-même n’existe pas. Une des tâches les plus importantes de notre organisation au Venezuela est de faire prendre conscience de cette nécessité aux travailleurs vénézuéliens. Les conditions existent pour effectuer cette prise de pouvoir, mais il manque encore un instrument – une organisation – et une direction. Construire cet outil de lutte est une tâche cruciale.

    Nous pensons que le parti révolutionnaire de masse dont les masses vénézuéliennes ont besoin n’a rien à voir avec le nouveau parti de Chavez qui ne se construit pas à partir du bas de la société. Ce que nous voulons est un véritable parti révolutionnaire, pas un mélange des anciennes organisations plutôt réformistes qui ont récemment fusionné. Il est absolument nécessaire d’avoir une idéologie claire.

    Quoi qu’il puisse arriver à l’avenir, nous devons nous assurer que le thème du parti des travailleurs ne tombe pas à l’eau.

    Le socialisme ou la mort ! »

    Denis Youkovitch : « Les acquis de la révolution ont été dégénérés par Staline et la bureaucratie »

    La révolution russe a été le tournant le plus fondamental dans l’histoire humaine. Pour la première fois de l’Histoire, ce sont les travailleurs qui ont pris le pouvoir entre leurs mains en montrant qu’un autre monde était possible.

    Malheureusement, cette expérience n’a pas été aussi loin que ce que nous voulions.

    Le premier des acquis obtenus par la révolution russe, l’économie planifiée, a permis à la Russie arriérée de faire des bonds gigantesques en avant. Il faut ajouter à cela bien d’autres acquis dont l’un des plus importants a été le droit laissé aux minorités à disposer d’elles-mêmes.

    Mais tout cela a été dégénéré par Staline et la bureaucratie. Aujourd’hui, la bourgeoisie russe, qui descend de la bureaucratie, tente de récupérer l’Histoire à son avantage. Mais le capitalisme créé lui-même ses fossoyeurs.

    Jeunes et travailleurs remettent actuellement de plus en plus en cause le système d’exploitation capitaliste.

    Pour en finir avec la pauvreté : en avant vers la révolution socialiste mondiale ! »

    Peter Taaffe : « Faisons du 21e siècle celui de la révolution socialiste ! »

    « Durant cette semaine d’école d’été, nous avons déjà beaucoup discuté, mais il est absolument correct de prendre le temps de regarder cet événement qui a été le plus grand de l’histoire.

    Comment les capitalistes voyaient-ils la révolution russe ?

    Un général russe s’étonnait, et s’indignait, de voir par exemple un concierge devenir ministre, de voir des travailleurs prendre en main leur destinée. Mais sur le coup, la classe capitaliste n’a cependant pas accordé beaucoup d’importance à l’événement. L’ambassadeur de France déclara même qu’un régiment de cosaques suffirait à faire revenir l’ordre. Même l’écrivain Maxime Gorki, pourtant compagnon des bolcheviks, estimait que la révolution russe ne durerait pas deux semaines.

    Ce n’est que par après que s’est enclenchée la plus grande campagne réactionnaire de tout les temps.

    Le grand quotidien bourgeois anglais The Times titrait régulièrement « Lénine assassiné par Trotsky », « Trotsky assassiné par Lénine »,… et même une fois en première page « Trotsky a assassiné Lénine au cours d’une bagarre d’ivrognes ». Mais cette campagne est restée sans effet !

    Pour les masses, la révolution russe n’était pas vue comme un désastre, mais comme une porte ouverte vers un avenir meilleur. Suite au manque d’effet de cette propagande, c’est la pression militaire qui s’est exercée sur la Russie, à tel point qu’à un moment, il ne restait presque plus que Moscou et Petrograd sous le contrôle des soviets. Si ces derniers ont réussi à aller jusqu’à la victoire, ce ne fut pas grâce à la puissance militaire, mais bien grâce au fait que les révolutionnaire surent gagner à eux les masses exploitées de Russie. Car la guerre civile fut en premier lieu politique.

    Après la guerre civile, la campagne menée par les capitalistes fut une campagne de distorsion de l’histoire. Jusqu’à la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’Union Soviétique, c’était assez logique. Mais pourquoi continuer après ?

    C’est que les capitalistes du monde entier craignent que cela se reproduise un jour.

    Tirons les leçons de la révolution russe !

    Nous ne vivons pas du passé, nous apprenons de lui. Marx et Engels avaient ainsi analysé la révolution française pour comprendre le flux et le reflux révolutionnaire. Lénine et Trotsky ont quant à eux regardé la Commune de Paris en 1871 ou encore la première révolution russe de 1905. De la même manière que les généraux regardent les batailles passées pour améliorer leur technique, nous devons apprendre de l’expérience de la classe ouvrière.

    Les bourgeois ne comprennent pas que la révolution est un processus qui englobe de larges masses et dans lequel les révolutionnaires agissent par la propagande et l’agitation. La révolution ne se fait pas sous l’action de « grands hommes ».

    C’est la guerre impérialiste de 14-18 qui a accéléré le rythme de la révolution. Mais il n’y eut que deux hommes qui ont compris ce qui se passait en Russie dès le mois de février 1917, l’un à Zurich, l’autre à New-York : Lénine et Trotsky. A l’opposé des autres Bolcheviks, y compris Staline, ils ne voulaient accorder aucun soutien au Gouvernement Provisoire qui succéda au Tsarisme et qui défendait en dernière instance les intérêts de la bourgeoisie. Il y a là un parallèle à faire avec Bertinotti et Refondacione Comunista actuellement en Italie, qui sont entrés dans le gouvernement de Prodi. Quand Lénine est arrivé à la gare de Saint Petersbourg et qu’un jeune lui déclara son désir de le voir intégrer le Gouvernement Provisoire, il l’écarta et s’adressa à la foule en saluant les travailleurs russes pour avoir commencé la révolution mondiale.

    Les Bolcheviks n’avaient au début que peu d’influence mais, malgré cela, les pressions qu’ils eurent à subir de toutes parts furent gigantesques. Mais ils sont allés vers les masses en ignorant les querelles parlementaires. Aujourd’hui, agissons de même : ignorons les bureaucrates syndicaux et allons nous adresser à la base !

    Mais Lénine ne disait pourtant pas directement qu’il fallait renverser le Gouvernement Provisoire : il fallait que la classe ouvrière apprenne peu à peu sous la propagande bolchévique dont les slogans étaient : « Tout le pouvoir aux soviets » et « A bas les 10 ministres capitalistes ».

    Nous ne pourrons pas ici entrer dans tous les détails et tous les niveaux de la révolution russe mais cet événement doit être étudié avec la plus grande attention.

    En juillet 1917, à Petrograd, la classe ouvrière est descendue dans la rue : après avoir fait la révolution, les travailleurs se sont aperçu qu’on leur volait les fruits de leurs luttes. Et cette question reste d’actualité : comment faire pour aller jusqu’à la victoire ? Il ne faut pas s’arrêter, on ne peut pas faire la révolution aux trois-quarts.

    Faire la révolution jusqu’au bout

    Quand en 1936, suite à la tentative de coup d’Etat fasciste, les travailleurs espagnols sont passés à l’offensive dans les rues, les capitalistes sont partis, il ne restait plus que leurs ombres. Les 4/5 de l’Espagne étaient aux mains des travailleurs. Hélas, cela se termina pourtant par un échec car le processus révolutionnaire n’est pas allé jusqu’au bout et avait été freiné sous le mot d’ordre de « lutter d’abord contre le fascisme ». En définitive, ce sont les fascistes qui remportèrent donc la victoire.

    Le 20e siècle a été un siècle de révolutions : en Russie en 1905 et 1917, en Chine en 1926-27, en Allemagne en 1918-23, en Espagne en 1936, mai ’68 en France,…

    En 1968, De Gaule avait même quitté le pays et imaginait marcher sur la France avec le général Massu. Pourquoi cet événement fut-il un échec pour les travailleurs ? Il n’y avait pas de parti révolutionnaire de masse, le Parti Communiste stalinisé jouant le jeu de la réaction.

    Les historiens bourgeois disent que le stalinisme découle du léninisme. L’objectif est de détruire le bolchévisme. Mais Staline représentait la réaction totalitaire de la bureaucratie contre l’émancipation libératrice du socialisme. Trotsky a passé le reste de sa vie à lutter contre Staline et l’a payé de sa vie.

    Rendons hommage à la révolution russe : Organisons-nous pour la prochaine révolution !

    Dans la période où nous entrons, l’expérience de la révolution russe ressurgira. Il s’agissait d’une révolution dans un pays arriéré et, dans un certain sens, il était peut-être plus facile de prendre le pouvoir dans un tel pays où la bourgeoisie était très faible que dans un pays capitaliste développé. Mais ce pouvoir était par contre plus difficile à garder. Aujourd’hui, les conséquences d’une révolution dans un pays comme l’Inde ou le Brésil seraient beaucoup plus grandes qu’à l’époque.

    Quand la Deuxième Internationale s’est effondrée suite au vote des crédits de guerre, Lénine et Trotsky ont dit qu’il fallait une autre Internationale. C’est pour réaliser cet objectif que se déroula en 1915 la conférence de Zimmerwald. Trotsky a dit à cette occasion que les internationalistes tenaient en deux voitures. Nous avons aujourd’hui un peu plus de voitures. Mais, deux années plus tard, il y avait la révolution russe. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il y aura une révolution dans deux ans !

    Notre objectif est de créer une Internationale révolutionnaire de masse. Le Comité pour une Internationale Ouvrière pourrait en être l’embryon. Nous ne proclamons pas ce que nous ne sommes pas mais, en comparant nos idées à celles des autres, nous pouvons être marqués par le potentiel et l’accumulation de cadres que nous avons déjà réalisés.

    Cela ne fait aucun doute que le capitalisme ne peut pas dépasser ses limites. Ce n’est pas du dogmatisme, c’est de l’analyse. La question est de savoir si nous allons être capables de ne pas reproduire les erreurs du passé.

    A l’occasion de l’anniversaire de la révolution russe, pensons aussi à ces milliers et milliers d’anonymes qui ont fait cette révolution. Mais saluons aussi, entre autres, Karl Marx, Friedrich Engels et Rosa Luxembourg, la plus grande femme révolutionnaire de tous les temps. Faisons du 21e siècle celui de la révolution socialiste ! »

  • La Russie de Poutine fait couler du sang homosexuel

    "Pédés, pervers!" "Renvoyez les tapettes dans les camps de concentration"… Voilà les cris qui ont déchaîné Moscou lors du 14ème anniversaire de la dépénalisation de l’homosexualité en Russie. Rien (ou presque) ne laissait présager que ce dimanche d’apparence ordinaire serait marqué par des violences homophobes dans la capitale ni que les visages en sang des rescapés homosexuels allaient horrifier l’Europe toute entière à la veille du sommet du G8 en Allemagne.

    Tout remonte à l’année dernière, au moment où des centaines de militants LGBT (lesbiennes, gays, bi’s, trans-genres ou hétéros) se sont rassemblés à Moscou pour la première Gay Pride russe. Cette manifestation avait été interdite. Devant la ténacité des homos à faire valoir leurs droits, celle-ci a quand même eu lieu, mais fût violement réprimée (un article de notre Internationale publié sur ce site relate ces évènements).

    Aujourd’hui, les plaies ayant cicatrisé, les homos ont décidé de revenir à la charge. Au programme cette année, manifester devant le bureau du maire de la ville et lui remettre une pétition pour protester contre l’interdiction de la Moscow Pride 2007.

    Evidemment, les déclarations des politiciens et des religieux ne se sont pas faites attendre. Le mufti suprême de la région de Talgat Tajuddin a également déclaré: "S’ils vont dans la rue, il faudra les frapper. Tous les gens normaux le feront, qu’ils soient musulmans ou orthodoxes." Il a ajouté que le Prophète Mahomet a ordonné de tuer les homosexuels, car "leur comportement conduirait à la fin de l’espèce humaine". Selon l’évêque orthodoxe Daniel Yuzhno-Sakhalinsk, cette marche n’est qu’une "plaisanterie cynique", il a comparé l’homosexualité à la lèpre et a mis en garde la population contre "la propagande du vice".

    Lors de la première Gay Pride, un député nationaliste criait fièrement: "J’ai une solution pour les homos: la Sibérie!". Depuis l’an dernier déjà, le maire de Moscou, Iouri Loujkov, affirme que toute tentative pour organiser une Gay Pride (qu’il qualifie d’"acte satanique" sic!) serait "résolument écrasée". Issu de la droite dure, Igor Artioumov a tenté de légitimer sa récente attaque contre une boîte homo de Moscou en déclarant: "Je proteste contre ces sodomites qui rampent comme des cafards!". Le président russe a lui même sous-entendu lors de sa conférence de presse annuelle que "les homosexuels nuisent à la cause nationale en ne participant pas au renouvellement des générations" etc.

    Les organisateurs de la Gay Pride avaient quant à eux invité les journalistes internationaux, des VIP’s et plusieurs députés d’Angleterre, de Belgique, de France, des Pays-Bas, d’Italie, du Brésil et du Parlement européen, croyant naïvement que leur présence empêcherait que le mouvement soit à nouveau réprimé.

    Mais rien à faire, la Russie de Poutine se la joue dure. Comme en 2006, la disproportion entre le dispositif policier et le petit nombre de manifestants était évidente.

    La presse de droite colporta si bien les menaces homophobes que le rassemblement dégénéra en une véritable chasse aux homosexuels. Des néo-fascistes ont rué de coups les manifestants aux cris de "morts aux homosexuels". A chaque fois, les policiers ont tardé à intervenir. Le député européen Marco Cappato a été agressé par un groupe de néo-nazis alors qu’il parlait à des journalistes. "Que fait la police? Pourquoi ne nous protégez-vous pas?", a-t-il lancé aux policiers qui l’ont ensuite arreté malgrè son immunité parlementaire puis placé dans le même camion que plusieurs militants d’extrême droite.

    En Russie, le climat anti-gay a en effet donné confiance aux fascistes pour entrer en jeu et laisser sortir toute leur haine, sans scrupule. Un groupe de jeunes hommes solidement bâtis se sont présentés équipés de masques chirurgicaux, destinés selon leurs termes à les protéger de la "maladie homosexuelle". D’autres, brandissant fièrement des photos d’Hitler, faisaient le salut nazi en beuglant "nous sommes pour un véritable amour (sic!)". Un homme muni d’un crucifix "venu aider les policiers" a menacé de s’en servir pour frapper tout homosexuel qui croiserait son chemin.

    En plus de recevoir des coups, les homosexuels qui défendaient leurs droits ont été arreté manu militari, jetés dans un camion de la police et emmené sous les yeux de dizaines de journalistes. Plusieurs fachos ont également été interpellés (puis immédiatement relachés) pour avoir frappés des homos ou des députés. La lenteur de l’intervention des policiers leur laissait cependant tout l’espace pour asséner plusieurs coups rapportent les témoins. Selon Scott Long, un militant de Human Rights Watch, ONG de défense des droits de l’homme: "La police n’a pas vraiment essayé de séparer les deux camps et, par conséquent, des gens ont été passés à tabac. Je conseillerais aux autorités russes de protéger la liberté de rassemblement et la liberté d’expression, et de protéger les manifestants."

    "Nous défendons simplement nos droits" a déclaré un jeune homosexuel qui saignait du nez après avoir reçu un puissant coup de poing au visage par un homme hurlant "les homos sont des pervers". "C’est atroce, mais cela ne me fait pas peur. C’est un endroit assez effrayant, un pays assez effrayant pour les homosexuels. Mais nous persisterons jusqu’à ce qu’ils nous permettent d’exercer nos droits", a-t-il ajouté.

    "Il faut que nous nous battions pour faire valoir nos droits!" insistait Lena, toute jeune lesbienne qui avec un groupe de copines aura tenu plusieurs minutes face à des néo-nazis qui les couvraient d’insultes. "Vous êtes des animaux!", "Sales putes!" leur lançaient les crânes rasés, bavant de rage. "C’est plutôt vous les animaux!" répondaient bravement les filles. Cette scène-là s’est achevée par des crachats et quelques coups de pieds dans le dos quand elles ont finalement battu en retraite. "Mais nous reviendrons l’année prochaine, et jusqu’à ce qu’on puisse enfin s’affirmer homo en Russie !" assuraient-elles au journal français LIBERATION.

    Les deux chanteuses russes du groupe TATU qui ont bâti leur célébrité en s’affichant lesbiennes étaient également présentes à la manifestation, assaillies tant par les néofascistes que par les journalistes, celles-ci ont rapidement dû fuir la mêlée. Quelque secondes après son arrivée, le leader du mouvement gay, Nikolaï Alexeïev, a été "emmené sans explication" dans un poste de police du centre de Moscou.

    Un député Vert allemand, Volker Beck, déjà roué de coups lors de la première Gay Pride l’an dernier, a de nouveau été battu par des néo-nazis puis interpellé par la police. Une fois libéré, il a déclaré à la presse avoir été ensuite roué de coups par les policiers. Le député allemand a ajouté que lui et ses compagnons d’infortune s’étaient fait confisquer leur passeport au cours de leur détention. La présidente de son parti a exigé que la chancelière Angela Merkel évoque la question des droits de l’homme avec le président russe lors du sommet du G8 prévu le mois prochain en Allemagne.

    Un célèbre défenseur britanique des homosexuels, Peter Tatchell, à été jeté au sol et frappé à deux reprises. Quand il s’est relevé, couvert de sang, il a été frappé une nouvelle fois à l’oeil et embarqué par deux policiers anti-émeutes qui n’étaient visiblement pas génés par les caméras filmant la scène.

    Des nationalistes ont lancé des oeufs sur une député transexuelle de Rifondazione Comunista, Vladimir Luxuria, qui, tremblante, déclarait après coup: "Dès mon retour, je vais faire pression sur notre parlement pour que le président italien évoque ce grave incident avec Vladimir Poutine lors de sa prochaine visite. Malheureusement Nikolaï Alexeïev (le leader du mouvement) restera cette nuit au poste de police et il y aura un procès lundi car il est accusé d’avoir résisté à la police".

    Cependant, ces réactions homophobes ne reflètent pas forcément l’opinion publique car, selon un sondage récent, 51% des russes pensent que les gays et les lesbiennes devraient avoir les même droits que les autres. Mais il est clair que les déclarations politiques ou autres propagent la haine et la violence dans le pays tout entier. Poutine est d’ailleurs arrivé au pouvoir en attisant la haine et les divisions dans son pays (Tchétchénie, terreur, assassinats politiques, magouilles financières…). Le sommet du G8 nous a montré que sa doctrine était: "diviser pour mieux régner". Tenter de faire pression sur la Russie à cette occasion n’est pas sérieux.

    Que faire, alors?

    Nous devons bien sûr nous organiser pour combattre le racisme sous toutes ses formes. Pour changer la donne, nous devons dépasser le chacun pour soi et rester unis: homos et hétéros, hommes et femmes, travailleurs et chômeurs, flamands et francophones, belges et immigrés… mais ce n’est qu’un début.

    Aucun changement radical n’est possible tant que nos vies seront dirigées par des puissances économiques, comme le G8. Notre rôle en tant que socialistes est de prouver que c’est seulement en combattant le système capitaliste, ainsi que toutes les pourritures toxiques qui émannent de lui et en mettant sur pied une nouvelle société basée cette fois sur la solidarité et l’égalité -une société socialiste-, que ces problèmes seront réglés une fois pour toutes.

  • Russie: L’héritage de Eltsine – capitalisme « sauvage » à travers l’ancienne URSS

    Les masses travailleuses appauvries de l’ex-Union Soviétique assistent, écoeurées, à la floraison d’éloges pour Boris Eltsine, l’ancien président de la Russie, après son arrêt cardiaque le lundi 23 avril.

    Clare Doyle, Comité pour une Internationale Ouvrière, internationale à laquelle est affilié le MAS/LSP

    « Je me suis plus senti d’humeur à la célébration qu’à la tristesse à l’annonce de sa mort » a commenté un travailleur russe, victime d’une des premières privatisations de Eltsine. « Son règne s’est avéré être un cauchemar pour nous. Mais alors, je me suis rappelé que Poutine est toujours là à tenir le fouet. J’ai décidé que rendre aux travailleurs leur confiance dans la lutte pour les idées socialistes était bien plus important! ».

    Nombreux sont ceux qui, à travers le monde, se rappelleront les moments plus légers de la présidence de Eltsine, quand il chancellerait ou parlait de manière incompréhensible devant les médias du monde, clairement sous l’influence de l’alcool. Mais cet homme, maintenant crédité d’avoir apporté la « démocratie et la liberté » en Russie et dans l’ex-Union Soviétique, était à peine moins qu’un dictateur.

    Le démocrate envoie les tanks

    Eltsine a connu la popularité durant les années Gorbatchev en semblant être le fer de lance du combat contre la règle du parti unique et ensuite contre la tentative de coup d’Etat des généraux de 1991. Cependant, près de deux ans plus tard, il envoyait les tanks contre le même bâtiment du parlement qu’il avait précédemment défendu des généraux et, une année après, il a envoyé l’armée dans la république de Tchétchénie pour écraser le mouvement contre l’oppression nationale de Moscou.

    La clique de Eltsine, une fois la politique de privatisation rapides à outrance adoptée, a lutté impitoyablement contre n’importe quelle contestation de leur contrôle basé sur la corruption, qu’elle émane de bandes de voleurs rivales ou de la classe ouvrière qui essayait de contre-attaquer face à l’offensive contre leur niveau de vie. C’est pourquoi Eltsine reçoit une floppée d’éloges de la part des dirigeants capitalistes occidentaux ou des olligarques milliardaires, qui tous n’accordent que peu d’importance à ses méthodes brutales.

    Sa présidence a été un cambriolage visible de tous contre la masse de la population dans la prétendue « transition vers le marché ». L’économie s’est effondrée de 50% en deux ans tandis que quelques uns des ex-membres bien-placés du « Parti Communiste », comme lui-même d’ailleurs, ont effectué le plus grand détournement d’argent de l’histoire.

    La politique des bons

    Des bons ont été distribués à chacun, leur donnant une « part » de l’entreprise dans laquelle ils travaillaient. Puis, en raison de la pauvreté désespérante provoquée par la montée en flèche des prix des nécessaités de base et également par manque de conviction sur ce que représentaient ces bons, la plupart des travailleurs ont vendu leurs bons à des « agents » qui, aux stations de métro ou aux coins des rues, leur offraient de l’argent comptant. Ces « agents » – parmi lesquels bon nombre de pensionnés et de jeunes sans emploi frappés par la pauvreté – travaillaient pour les futurs oligarques qui ont de cette façon assuré qu’ils obtenaient ainsi la part du lion des actifs publics les plus lucratifs.

    A l ‘époque, « Démocratie Ouvrière », le journal du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) en Russie, déclarait en première page: « La politique des bons est vol! ». Nous avions expliqué le processus qui avait commencé en Union Soviétique au temps où l’économie a commencé à stagner sous la gestion pitoyable – aveugle et faite de gaspillages – d’une bureaucratie forte de 20 millions de membres. Alors que Gorbatchev pataugeait à la fin des années ‘80 dans sa recherche d’une façon de maintenir les privilèges de cette caste parasitaire face à la stagnation, ses « reformes » avaient commencé à réveiller les mouvements de masse des mineurs et d’autres travailleurs.

    Cependant, les crimes de Staline, particulièrement la répression sanglante des véritables traditions d’Octobre 1917 vers la fin des années ‘20 et durant les années 30, ainsi que le train de vie luxueux des suzerains « communistes », ont mené les travailleurs des années ‘80 à regarder à l’ouest en quête d’alternative. Eltsine a exploité ce sentiment pour pousser en avant ses pions et réaliser ses objectifs.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière a plaidé énergiquement pour une « révolution politique » capable de restaurer, après des décennies de totalitarisme, la démocratie ouvrière – pour fournir en fait l’oxygène nécessaire dans une économie d’Etat planifiée. Nous avons averti maintes et maintes fois que la restauration du capitalisme dans « l’Union Soviétique » ne mènerait pas les travailleurs à connaître les conditions de vie moyennes des Etats-Unis ou de la Suède, mais plutôt aux conditions de vie latino-américaines : chômage, hyper-inflation et dictature.

    Tragiquement, avec avec l’arrivée au pouvoir du « démocrate » Eltsine et l’effondrement de l’URSS à la fin de l’année 1991, les travailleurs de cette vaste région, qui souffraient depuis longtemps déjà, ont connu les trois ! La voix de ceux qui plaidaient pour une action indépendante de la classe ouvrière – contre Eltsine aussi bien que contre les généraux – était petite. Nous avons pris position contre l’ancien régime du parti unique et contre l’introduction du capitalisme par Eltsine. Nous nous sommes également opposés à l’interdiction de n’importe quel parti, excepté à caractère fasciste. Eltsine a proscrit le Parti « Communiste » – le parti des vieux dirigeants de l’URSS – mais était tout à fait disposé à permettre l’émergence d’une nouvelle version bien plus nationaliste et réellement pro-capitaliste.

    Hommages

    Parmi les hommages à Eltsine dans les premières heures qui ont suivi sa mort, celui du dirigeant du parti qu’il a interdit en 1991 était particulièrement aigre. Gennady Zyuganov du PCFR (Parti Communiste de la Fédération de Russie) a dit que par respect à son enseignement russe orthodoxe (!), il s’abstiendrait de beaucoup de commentaires si ce n’était un rappel de la tentative de destituer Eltsine à cause de l’amertume et des difficultés qu’il a causé à des millions de personnes. L’homme contre qui Eltsine avait envoyé ses tanks en 1993, Alexandre Rutskoi, parle de façon plus sucrée, en maintenant qu’on se rappellera de Eltsine pour avoir « donné la liberté aux gens » et avoir « établit la justice historique » !

    L’oligarque en exil en Grande-Bretagne Boris Berezovsky y est aussi allé de ses commentaires. Pour lui, la mort de Eltsine à 76 ans est une « tragédie épouvantable » ! Berezovsky était un membre dirigeant de la « famille » Eltsine et a notamment aidé à transférer le pouvoir à son successeur désigné, Vladimir Poutine (avec qui, ironiquement, il est entre-temps à couteaux tirés). Eltsine avait l’espoir que sa démission et sa succession fin du millénaire passé soit honorable. Mais la succession s’est immédiatement fait remarquée par le lancement par Poutine de la deuxième guerre de Tchétchènie afin de gagner les élections présidentielles et de réduire à zéro les quelques droits démocratiques qui avaient été octroyés sous la pression des mouvements de masse du début des années ’90.

    Des paroles sucrées des dirigeants occidentaux sur la mort de Boris Yeltsin sont aussi à prévoir. Les difficultés causées aux dizaines de millions de travailleurs et de pauvres de l’anciennne « Union Soviétique » par la « thérapie de choc » de l’ère Eltsine ne compte pour rien aux yeux de ceux qui voient surtout la victoire du capitalisme sur la planification d’Etat et la propriété publique.

    Nonante années sont passées depuis les héroïques batailles des ouvriers et des paysans pauvres en Russie contre la tyrannie des tsars et contre le capitalisme lui-même. Mais Boris Eltsine n’a pas réussi à enterrer les véritables idées du socialisme et du communisme. Au contraire, l’expérience amère des masses de la population sous ses lois et celles du « capitalisme sauvage » (cruel et chaotique) qui a continué après lui, apporte auprès de plus en plus de personnes dans l’ancienne « Union Soviétique » et ailleurs la compréhension de nécessité urgente de rétablir ces idées et de les mettre en application entièrement !

  • Hongrie 1956 : quand les conseils ouvriers ont fait trembler la bureaucratie soviétique et la bourgeoisie du monde entier

    Cédric Gérôme

    Ce 23 octobre 2006, cela faisait exactement 50 ans que s’est déclenchée la révolution hongroise de 1956. Cet anniversaire, ainsi que les violentes émeutes qui l’ont accompagné, ont remis la Hongrie et le souvenir de la révolution au centre de l’actualité. L’ensemble de la presse et des politiciens se rejoignent tous pour saluer au passage « la première révolution dirigée contre la tyrannie communiste ». Contre la tyrannie ? Très certainement. Mais de là à faire l’amalgame stalinisme = communisme, il n’y a qu’un pas que la majorité des commentateurs bourgeois franchissent allègrement. Lors de la commémoration du soulèvement de 1956, organisé ce mardi en grande pompe par le gouvernement hongrois, José Manuel Barroso, président de la Commission Européenne, n’hésitait pas à dire que « les Hongrois, par leur sacrifice, ont préparé la réunification de l’Europe ». Les groupes d’extrême-droite hongrois, quant à eux, revendiquent la paternité de la « révolution contre les communistes, qui sont d’ailleurs toujours au pouvoir. » Face à cet amas d’hypocrisie et de confusion idéologique, il ne nous semble pas superflu de revenir sur les événements de ‘56, ses acteurs, son caractère et ses implications…

    Hongrie 1956 : quand les conseils ouvriers ont fait trembler la bureaucratie soviétique et la bourgeoisie du monde entier

    « Comment les dirigeants pourraient-ils savoir ce qui se passe ? Ils ne se mêlent jamais aux travailleurs et aux gens ordinaires, ils ne les rencontrent pas dans les bus, parce qu’ils ont tous leurs autos, ils ne les rencontrent pas dans les boutiques ou au marché, car ils ont leurs magasins spéciaux, ils ne les rencontrent pas dans les hôpitaux, car ils ont leurs sanas à eux. »

    « La honte n’est pas dans le fait de parler de ces magasins de luxe et de ces maisons entourées de barbelés. Elle est dans l’existence même de ces magasins et de ces villas. Supprimons les privilèges et on n’en parlera plus. » (Gyula Hajdu et Judith Mariássy, respectivement militant communiste et journaliste hongrois en 1956)

    1) La Hongrie au sortir de la guerre

    Après la deuxième guerre mondiale, les Partis Communistes et l’URSS avaient acquis une grande autorité suite à la résistance héroïque de la population russe contre l’invasion du pays par l’armée nazie. L’URSS sortit renforcée de la guerre : ayant repoussé l’armée allemande jusqu’aux frontières de l’Elbe, elle avait conquis la moitié d’un continent. La conférence de Yalta en février 1945 consacra cette nouvelle situation : les parties de l’Europe qui avaient été « libérées » par l’Armée Rouge resteraient sous la sphère d’influence russe.

    La fin de la seconde guerre mondiale était allée de pair avec une radicalisation des masses et des événements révolutionnaires dans toute une série de pays. En effet, les masses ne voulaient pas seulement en finir avec le fascisme ; elles voulaient aussi extirper la racine sociale et économique qui l’avait fait naître : le capitalisme. Dans la plupart des pays européens, la bourgeoisie devait faire face à des insurrections de masse. Mais s’il y avait bien un point sur lequel les Partis Communistes stalinisés et les capitalistes s’entendaient parfaitement, c’était sur le fait qu’une révolution ouvrière devait être évitée à tout prix. Dans les pays capitalistes, les PC –tout comme les partis sociaux-démocrates- usèrent de leur autorité pour venir en aide aux classes dominantes, en ordonnant aux partisans de rendre les armes et en participant à des gouvernements d’ « union nationale » avec les partis bourgeois (en France, en Italie, et en Belgique notamment). En vérité, il s’agissait bien là d’une contre-révolution, mais sous un visage « démocratique ». En France, pour ne citer qu’un seul exemple, les groupes de résistance, sous l’instruction des dirigeants staliniens, durent rendre leurs armes au prétendu « gouvernement de Libération Nationale ». Maurice Thorez, secrétaire général du PCF de l’époque, déclarait : « Les Milices Patriotiques ont très bien servi dans la lutte contre les nazis. Mais maintenant, la situation a changé. La sécurité publique doit être assurée par la police régulière. Les comités locaux de libération ne peuvent pas se substituer au pouvoir du gouvernement. »

    Dans les pays de l’Est (Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Pologne, etc), si l’entrée de l’Armée Rouge avait souvent été perçue comme une libération, la bureaucratie du Kremlin était pourtant déterminée à maintenir la situation sous son contrôle et à empêcher que la classe ouvrière entre en mouvement de manière autonome. Petite anecdote illustrative : en Bulgarie, lorsque la machine militaire nazie s’effondra durant les mois d’automne 1944, les milices ouvrières, à Sofia puis dans d’autres villes, désarmèrent et arrêtèrent les fascistes, élirent des tribunaux populaires, organisèrent des manifestations de masse. Sentant le danger, le Haut Commandement russe ordonna tout de suite à ses troupes stationnées dans le pays : « Faites tout pour revenir à la discipline antérieure. Abolissez les comités et les conseils. Nous ne voulons plus voir un seul drapeau rouge dans la ville. »

    Après la guerre, dans des pays comme l’Italie ou l’Allemagne, la bourgeoisie avait sciemment maintenu dans l’appareil d’Etat du personnel politique ou militaire ayant occupé des fonctions importantes sous le fascisme ; les staliniens, quant à eux, firent exactement la même chose à l’Est. A cette époque, gagner les masses à un programme révolutionnaire n’aurait été que trop facile ; mais c’était là précisément ce que la bureaucratie stalinienne voulait éviter à tout prix. Dans les pays occupés par l’Armée Rouge, nombre de communistes et de travailleurs actifs dans la résistance seront liquidés, car jugés peu fiables. Qualifiés pendant la guerre de « braves combattants », ils devenaient à présent des « bandits », des « forces ennemies », voire même des « éléments pro-hitlériens », et étaient soumis en conséquence à la plus sévère répression. Plusieurs milliers d’entre eux seront torturés ou exécutés, pour la simple raison d’avoir voulu contester la toute-puissance de la bureaucratie. Pour mener à bien ce travail peu reluisant, les meilleurs alliés que les staliniens pouvaient trouver étaient…les vermines de l’ancien régime, convertis en « communistes » pour l’occasion. En Roumanie, le vice-Premier ministre du gouvernement nouvellement formé, un certain Tatarescu, avait par exemple dirigé en 1911 la répression contre un soulèvement dans les campagnes qui avait causé la mort de 11.000 paysans. En Bulgarie, le premier ministre, le Colonel Georgiev, et le ministre de la guerre, le Colonel Velchev, avaient tous deux été membres de la Ligue Militaire, une organisation fasciste sponsorisée par Mussolini. En Hongrie enfin, en décembre 1944, un gouvernement de « libération » fut formé ; son premier ministre était Bela Miklos, à savoir le tout premier Hongrois à avoir reçu personnellement des mains d’Hitler la plus grande décoration de l’ordre nazi !

    La population hongroise avait connu la défaite d’une première révolution en 1919. Ensuite elle dût subir les conséquences de cette défaite par l’instauration du régime fasciste de l’Amiral Horthy. Celui-ci liquida avec zèle les syndicats, tortura et massacra les communistes et les socialistes par milliers. Pendant la guerre, le pays fut occupé par les troupes nazies, accompagnées d’une nouvelle vague de terreur. Compte tenu de ces antécédents, il est clair que pour la population hongroise, le fait de constater qu’un régime qui portait sur son drapeau les acquis de la révolution russe d’octobre 1917 reconstruise l’appareil d’Etat avec les pires crapules de l’ancien régime n’en était que plus insupportable.

    Après la guerre, la Hongrie, comme tous les pays tombés sous l’égide de l’Armée Rouge, s’intégra au modèle économique russe et nationalisa son économie. A la fin de 1949, le processus de nationalisation de tous les principaux secteurs de l’économie hongroise était achevé. Bien évidemment, cela ne se faisait pas à l’initiative ni sous le contrôle des masses ouvrières : dès le début, celles-ci furent placés sous le joug d’une bureaucratie parasitaire calquée sur le modèle de l’URSS, qui disposait en outre d’une des polices secrètes les plus brutales de tout le bloc de l’Est, et s’accaparait, de par ses positions politiques, des privilèges exorbitants : en 1956, le salaire moyen d’un travailleur hongrois était de 1.000 forints par mois. Celui d’un membre de base de l’A.V.O. (=la police politique) était de 3.000 forints, tandis que le salaire d’un officier ou d’un bureaucrate de haut rang pouvait varier entre 9.000 et 16.000 forints par mois.

    Sur papier, beaucoup de travailleurs hongrois restaient encore membres du Parti Communiste. Cependant, cela était davantage lié au climat de terreur régnant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti, plutôt qu’à des considérations politiques. Pour preuve, en octobre 1948, l’éditeur principal du « Szabad Nep » -le journal officiel du parti- se plaignait lui-même du fait que seuls 12% des membres du parti lisait le journal. Autre chiffre particulièrement révélateur de la répression politique qui sévissait en Hongrie à cette époque : entre 1948 et 1950, le PC hongrois expulsa de ses rangs pas moins de 483.000 membres !

    2) La rupture

    Le bureaucratisme stalinien constituait un système de gouvernement et de direction économique de moins en moins adapté aux nécessités de son temps, et de plus en plus en contradiction avec la situation réelle, tant en URSS que dans les pays dits « satellitaires » d’Europe de l’Est. L’annonce de la mort de Staline par le Kremlin en mars 1953 fut perçue comme un signal par les populations ouvrières du bloc de l’Est et ouvrit une période de résistance dans ces pays contre les méthodes de terreur et de despotisme qui devenaient chaque jour plus intolérables. En juin de la même année, les travailleurs de Plzen, un des principaux centres industriels de Tchécoslovaquie, démarrèrent spontanément une manifestation de masse demandant une plus grande participation de leur part aux décisions dans les usines et sur les lieux de travail, la démission du gouvernement ainsi que la tenue d’élections libres. Deux semaines plus tard, le 17 juin 1953, les travailleurs de Berlin-Est se rebellaient à leur tour par des manifestations et des grèves, mouvement qui culminera dans une grève générale se répandant comme une traînée de poudre dans toute l’Allemagne de l’Est. Il sera réprimé sans ménagement par les troupes russes, au prix de 270 morts.

    Les dirigeants de l’URSS comme des pays « satellitaires » commençaient à s’inquiéter. Il fallait trouver les moyens de calmer les esprits, les voix de plus en plus nombreuses qui s’élevaient contre le régime d’oppression politique imposé à la population. Effrayée par la possibilité d’explosions plus importantes encore, la bureaucratie décida d’adopter un « cours nouveau » : une certaine relaxation politique consistant en réformes et concessions venues d’en-haut (=initiées par la bureaucratie elle-même) afin d’éviter une révolution d’en-bas (=une révolution politique initiée par la classe ouvrière). Ainsi, en Hongrie, les tribunaux de police spéciaux furent abolis, beaucoup de prisonniers politiques furent libérés, il fut permis de critiquer plus ouvertement la politique du gouvernement. Sur le plan économique, on accorda plus d’importance à la production de biens de consommation et moins à l’industrie lourde. Dans les campagnes, on mit un frein aux méthodes de collectivisation forcée. Cependant, cela ne fit qu’ouvrir l’appétit aux travailleurs et aux paysans ; car ce que ceux-ci désiraient en définitive, c’était chasser pour de bon la clique dirigeante du pouvoir.

    Historiquement, l’année 1956 fut incontestablement une année cruciale dans la crise du stalinisme. Car si 1956 fut l’année de la révolution hongroise, cette dernière n’était elle-même qu’une composante d’une crise générale traversée par les régimes staliniens. La révolution de 1956 marquait un point tournant : elle indiquait la fin d’une époque et le début d’une ère nouvelle. Précurseur d’autres mouvements contre la bureaucratie stalinienne, tels que le Printemps de Prague de 1968, elle était la première véritable révolution dirigée contre ceux-là même qui continuaient à se proclamer les héritiers de la révolution russe de 1917. Or, comme Trotsky l’avait expliqué déjà 20ans auparavant, ceux qui se trouvaient au Kremlin n’étaient plus les héritiers de la révolution, mais bien ses fossoyeurs.

    Déjà, en février 1956, au 20ème congrès du PC russe, et trois ans après la mort de Staline, Nikita Kroutchev, premier secrétaire du parti, avait lancé une véritable bombe politique dans le mouvement communiste mondial en exposant son fameux « rapport secret », qui détruisait le mythe du « Petit Père des Peuples » et dévoilait publiquement la terreur de masse, les crimes abominables et la répression politique menée méthodiquement par le régime de Staline pendant des années. Auparavant, ne pas avoir la photo de Staline chez soi était considéré comme un acte de défiance au régime. A présent, on transformait en diable celui qui avait été mystifié des années durant comme un dieu vivant ! Les raisons de ce revirement peuvent en être trouvées dans cet extrait d’un article de la « Pravda » -organe de presse du PC russe- : « Le culte de la personnalité est un abcès superficiel sur l’organe parfaitement sain du parti. » Il s’agissait de donner l’illusion que maintenant que le « Petit Père des Peuples » avait trépassé, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

    Mais les travailleurs n’étaient pas dupes. En outre, il est difficile de continuer à pratiquer une religion à partir du moment où l’on a détruit son dieu. Car si Kroutchev et ses supporters tendaient à rompre avec les aspects les plus tyranniques du stalinisme, ils étaient bien incapables, de par leur propre position, à s’attaquer à la racine même de cette tyrannie : c’est pourquoi Kroutchev se verra obligé d’écraser dans le sang la révolution hongroise en utilisant les mêmes méthodes que celles qu’il avait dénoncées quelques mois plus tôt.

    3) L’explosion

    De juin à octobre 1956, un mouvement important des travailleurs polonais oblige la bureaucratie polonaise à faire d’importantes concessions. Des postes dans le parti sont attribués à des anti-staliniens et fin octobre, le poste de 1er secrétaire du parti est attribué à Gomulka, un vieux communiste relativement populaire qui avait été jeté en prison par Staline. Si Gomulka restait un homme de l’appareil, sa nomination à la tête du parti était malgré tout perçue comme une victoire importante. Un responsable haut-placé du régime commente ces événements en affirmant qu’ « il faut voir ces incidents comme un signal alarmant marquant un point de rupture sérieux entre le parti et de larges couches de la classe ouvrière. » Toutefois, en Pologne, la bureaucratie sera capable de maintenir le mouvement sous contrôle. Mais en Hongrie …

    En Hongrie, depuis quelques mois, l’agitation s’était accentuée, essentiellement parmi les intellectuels et dans la jeunesse, autour du cercle « Petöfi », formé fin ‘55 par l’organisation officielle des jeunesses communistes (DISZ). Celle-ci prend des positions de plus en plus virulentes par rapport au régime : « Il est temps d’en finir avec cet Etat de gendarmes et de bureaucrates » est le type de déclarations que l’on peut lire dans leurs publications. La « déstalinisation » leur permet à présent d’exprimer au grand jour ce qu’ils pensaient depuis longtemps tout bas.

    A partir de septembre et de début octobre, les travailleurs commencent à leur tour à s’activer. En octobre, lorsque les travailleurs et les jeunes apprennent la nouvelle de ce qui s’est passé en Pologne, il se sentent pousser des ailes. Le 21 octobre, les étudiants de l’Université Polytechnique de Budapest tiennent une assemblée, où ils réclament la liberté de la presse, de parole, d’opinion, la suppression du régime du parti unique, l’abolition de la peine de mort, l’abolition des cours obligatoires de « marxisme ». Ils menacent d’appuyer leur programme par des manifestations de rue s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Le 22 octobre, le cercle Petöfi lance pour le lendemain le mot d’ordre d’une grande manifestation publique en solidarité avec leurs frères polonais.

    L’interdiction initiale de la manifestation, plusieurs fois répétée à la radio, puis la décision soudaine de l’autoriser, produisent un effet de choc. La population tout entière a pu constater les hésitations des dirigeants, et elle voit la décision finale des autorités comme une capitulation devant la force potentielle du mouvement. La manifestation est un succès, rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes. En tête, des jeunes portent d’immenses portraits de Lénine. On peut lire des slogans tels que « nous ne nous arrêterons pas en chemin : liquidons le stalinisme », « indépendance et liberté » etc. Vers 18h, les bureaux et les usines se vident, et les ouvriers et employés qui sortent du boulot rejoignent les étudiants. Le mouvement gagne en ampleur, les transports publics s’arrêtent de fonctionner ; on dénombre bientôt plus de 300.000 manifestants dans les rues de Budapest.

    Un groupe de plusieurs centaines de personnes issues de la foule décident de se rendre à la Place où se dresse une statue géante en bronze de Staline et la déboulonnent. Une délégation de 16 personnes se rend à l’immeuble où est localisé le centre de radio de Budapest, afin de tenter de diffuser leur appel sur les ondes. Comme la délégation tarde à sortir de l’immeuble, la foule s’impatiente. C’est dans la confusion générale qu’éclatent les premiers coups de feu dans la foule, tirés par des membres de l’A.V.O. Il y a trois morts. Ensuite, les premiers tanks et camions arrivent en renfort. Cette échauffourée met le feu aux poudres : la révolution hongroise a commencé.

    4) La force des travailleurs en action

    Les travailleurs commencent à s’armer pour riposter : certains s’emparent d’armes dans les armureries, d’autres se rendent vers les casernes. Comme à Barcelone en 1936, certains soldats leur ouvrent les portes, leur lancent des fusils et des mitraillettes par les fenêtres, ou amènent carrément dans la rue des camions chargés d’armes et de munitions et les distribuent à la population. Beaucoup rejoignent les rangs des manifestants. Dès le 24 au soir, il n’y aura pratiquement plus aucune unité de l’armée hongroise qui obéisse au gouvernement. Seule la police politique combat les insurgés. Des barricades commencent à se dresser ; dans certains quartiers de Budapest, même des enfants apportent leurs jouets pour aider à la construction des barricades.

    Les batailles de rue durent toute la nuit. A une heure du matin déjà, la plupart des grosses artères de la ville sont occupés par des travailleurs armés. Vers 8h du matin, le gouvernement hongrois annonce qu’il a fait appel à l’aide militaire russe pour écraser ce qu’il appelle « des petites bandes de contre-révolutionnaires armés qui pillent la ville. » Les bureaucrates du Kremlin et leurs agents de l’appareil hongrois sont décidés à conserver à tout prix le contrôle de la situation, quitte à noyer dans le sang la révolution naissante. Cette décision ne fait que renforcer la détermination des révolutionnaires et radicalise encore davantage le mouvement. Le premier conseil de travailleurs et d’étudiants est formé à Budapest.

    Les chars russes commencent à entrer dans la ville dans la matinée du 24 octobre. Au début, certains soldats russes envoyés pour écraser l’insurrection ne savent même pas qu’ils sont en Hongrie : on leur a raconté qu’ils ont été envoyés à Berlin pour « combattre des fascistes allemands appuyés par des troupes occidentales. »

    Les combats de rue se prolongent pendant plusieurs jours. Rapidement, les quartiers prolétariens deviennent les bastions de l’insurrection. Un correspondant de « The Observer » explique: « Ce sont les étudiants qui ont commencé l’insurrection, mais, quand elle s’est développée, ils n’avaient ni le nombre ni la capacité de se battre aussi durement que les jeunes ouvriers. ».

    Dès l’annonce de l’envoi de troupes russes, la grève générale insurrectionnelle est déclarée ; elle se répand rapidement dans tout le pays. Elle se traduit immédiatement par la constitution de centaines de comités et conseils ouvriers qui s’arrogent le pouvoir. Avant le 1er novembre, dans tout le pays, dans toutes les localités, se sont constitués, par les travailleurs et dans le feu de la grève générale, ces conseils qui assurent le maintien de l’ordre, la lutte contre les troupes russes et contre celles de l’A.V.O. par des milices d’ouvriers et d’étudiants armés ; ils dissolvent les organismes du PC, épurent les administrations qu’ils ont soumises à leur autorité, assurent le ravitaillement de la capitale en lutte.

    Un journal aussi réactionnaire que « La Libre Belgique » publiait le lundi 23 octobre l’interview d’un certain Nicolas Bardos, docteur en sciences-économiques, qui a fui la Hongrie en 1956. Celui-ci relate : « A la sortie d’une pause de nuit, je suis tombé dans la rue sur une manifestation où ouvriers et employés étaient accompagnés d’étudiants derrière un drapeau troué. Deux jours plus tard, je me suis rendu compte de la décomposition de l’Etat. Tout s’est arrêté et réorganisé très vite. Des conseils ouvriers se sont mis en place… ». Ces conseils renouent spontanément avec les formes d’organisation caractéristiques de la démocratie ouvrière : ils sont élus par la base, avec des délégués révocables à tout moment et responsables devant leurs mandats. Leurs revendications politiques diffèrent, mais tous comprennent : l’abolition de l’A.V.O., le retrait des troupes russes, la liberté d’expression pour tous les partis politiques, l’indépendance des syndicats, l’amnistie générale pour les insurgés emprisonnés, mais aussi et surtout la gestion par les travailleurs eux-mêmes des entreprises et des usines.

    Ce dernier point apporte un démenti flagrant à la version prétendant que cette révolution était dirigée contre le « communisme » en général. Le 2 novembre 1956, un article paraît dans « Le Figaro » affirmant ceci : « Les militants hongrois sont soucieux de restaurer une démocratie à l’occidentale, respectueuse des lois du capitalisme. » Cette affirmation est pourtant contredite par les militants révolutionnaires eux-mêmes. La fédération de la jeunesse proclame fièrement : « Nous ne rendrons pas la terre aux gros propriétaires fonciers ni les usines aux capitalistes » ! Dans le même registre, le Conseil Ouvrier Central de Budapest déclare : « Nous défendrons nos usines et nos terres contre la restauration capitaliste et féodale, et ce jusqu’à la mort s’il le faut. » Certes, dans l’atmosphère générale, des réactionnaires ont pu s’infiltrer et pointer le bout de leur nez. Pas plus. Un seul journal réactionnaire a paru. Il n’a publié qu’un seul numéro, car les ouvriers ont refusé de l’imprimer dès le lendemain. Cela n’a pas empêché les journaux bourgeois en Occident de parler de « floraison de journaux anti-communistes ».

    5) Les chars russes

    Au fur et à mesure que les soldats russes restent sur place, ils comprennent de mieux en mieux pourquoi on les a envoyés : ils n’ont pas vu de troupes occidentales, ils n’ont pas vu de fascistes ni de contre-révolutionnaires ; ils ont surtout vu tout un peuple dressé, ouvriers, étudiants, soldats. Certains soldats russes doivent être désarmés et renvoyés vers la Russie, du fait qu’ils refusent d’appliquer les ordres. D’autres fraternisent avec les révolutionnaires et rejoignent carrément le camp des insurgés. Dès le second jour de l’insurrection, un correspondant anglais signale que certains équipages de tanks ont arraché de leur drapeau l’emblème soviétique et qu’ils se battent aux côtés des révolutionnaires hongrois « sous le drapeau rouge du communisme ».

    L’utilisation de l’armée russe à des fins répressives devient de plus en plus difficile. Après un premier repli stratégique pour s’assurer des troupes plus fraîches et plus sûres, le 4 novembre, le Kremlin lance une seconde intervention, armée de 150.000 hommes et de 6.000 tanks pour en finir avec la révolution. Une bonne partie des nouvelles troupes viennent d’Asie soviétique, dans l’espoir que la barrière linguistique puisse empêcher la fraternisation des soldats avec les révolutionnaires hongrois.

    Pendant quatre jours, Budapest est sous le feu des bombardements. Le bilan de la deuxième intervention soviétique à Budapest est lourd : entre 25.000 et 50.000 morts hongrois, et 720 morts du côté des soldats russes. La répression par les troupes de l’A.V.O., qui « nettoient » les rues après le passage des tanks, est extrêmement féroce : des révolutionnaires attrapés dans les combats de rue sont parfois pendus par groupes sur les ponts du Danube ; des pancartes sont accrochées sur leurs cadavres expliquant : « Voilà comment nous traitons les contre-révolutionnaires ». Tout cela se fait bien entendu dans l’indifférence totale des soi-disant « démocraties » occidentales. Le secrétaire d’Etat des USA affirme dans un speech à Washington : « D’un point de vue de la loi internationale sur la violation des traités, je ne pense pas que nous puissions dire que cette intervention est illégale ». Ce positionnement de l’impérialisme américain permet d’apprécier à sa juste valeur l’ «hommage » rendu aux insurgés de ’56 par George W.Bush lors de sa visite en Hongrie en juillet dernier !

    Les combats durent pendant huit jours dans tout le pays. Si l’intervention des chars russes leur a assénés un sérieux coup, les travailleurs ne sont pourtant pas encore complètement battus. Une semaine après le déclenchement de la seconde intervention russe, la majorité des conseils ouvriers sont encore debout. Une nouvelle grève générale, assez bien suivie, aura même encore lieu les 11 et 12 décembre ! Pourtant, le répit obtenue par la réaction à travers cette deuxième intervention militaire–nettement plus efficace que la première-, combinée au manque d’un parti ouvrier révolutionnaire avec une stratégie claire visant à destituer la bureaucratie de ses fonctions, permet à la terreur contre-révolutionnaire de déclencher une offensive sans précédent. Le 20 novembre, les derniers foyers de résistance commencent à s’éteindre. Début décembre, le gouvernement lance la police contre les dirigeants des conseils ouvriers ; plus d’une centaine d’entre eux sont arrêtés dans la nuit du 6 décembre. Sous les coups de la répression, les conseils ouvriers nés de la révolution disparaissent les uns après les autres. La révolution hongroise recule.

    Le 26 décembre 1956, la force des conseils ouvriers hante encore la bureaucratie. Un ministre hongrois, un certain Gyorgy Marosan, déclare que « si nécessaire, le gouvernement exécutera 10.000 personnes pour prouver que c’est lui le vrai gouvernement, et non plus les conseils ouvriers. »

    Le 5 janvier 1957, en visite à Budapest, Kroutchev, rassuré, affirme qu’ « en Hongrie, tout est maintenant rentré dans l’ordre. »

    Le 13 janvier de la même année, la radio diffuse une annonce officielle déclarant qu’ « en raison de la persistance d’activités contre –révolutionnaires dans l’industrie, les Tribunaux ont désormais le pouvoir d’imposer la peine de mort à quiconque perpétuera la moindre action contre le gouvernement. » Cela implique le simple fait de prononcer le mot « grève » ou de distribuer un tract.

    6) Conclusion

    La version que la bourgeoisie présente de ces événements est sans ambiguïté : le peuple hongrois a démontré sa haine du communisme et sa volonté de revenir au bon vieux paradis capitaliste. Pour des raisons quelque peu différentes, la version des staliniens s’en rapproche étrangement : les révolutionnaires sont sans vergogne qualifiés par la bureaucratie de « contre-révolutionnaires », de « fascistes », d’ « agents de la Gestapo ». Dans un cas comme dans l’autre, les insurgés sont présentés comme des éléments pro-capitalistes. Or il n’en est rien : tout le développement de la révolution hongroise dément une telle analyse.

    En 1956, le programme qu’exprimaient des millions de travailleurs de Hongrie à travers les résolutions de leurs conseils et comités, reprenait dans les grandes lignes le programme tracé vingt ans plus tôt dans « La révolution trahie » par Trotsky, où celui-ci prônait pour la Russie une révolution politique contre la caste bureaucratique au pouvoir, comme seule issue afin d’empêcher un retour au capitalisme qui renverrait l’Etat ouvrier des décennies en arrière.

    Trotsky disait : « L’économie planifiée a besoin de démocratie comme l’homme a besoin d’oxygène pour respirer ». Les travailleurs ne refusaient pas la production socialisée ; ce qu’ils refusaient, c’était que cette dernière se fasse au-dessus de leurs têtes. Ils se battaient pour le véritable socialisme, c’est-à-dire un socialisme démocratique. C’est pour cette raison que la victoire des conseils ouvriers était apparue comme un péril mortel à la bureaucratie de l’URSS. De plus, son exemple était un danger direct pour toute la hiérarchie de bureaucrates de que l’on appelait hypocritement les « démocraties populaires ». Mao, Tito, et tous les autres, sans exception, supportèrent sans hésiter la ligne suivie par Moscou. Le Parti Communiste Chinois alla même jusqu’à reprocher aux Russes de ne pas avoir réagi assez vigoureusement pour écraser la révolution hongroise. Dans les pays occidentaux, les PC estimaient que l’intervention soviétique était inévitable et nécessaire si l’on voulait « sauver le socialisme » : il leur en coûtera des dizaines de milliers de membres, le PC anglais perdant plus du quart de ses effectifs.

    Malheureusement, les travailleurs hongrois se sont lancés dans la révolution sans disposer d’une direction révolutionnaire permettant de faire aboutir le mouvement jusqu’à sa conclusion : là était le gage d’une possible victoire. Il est regrettable que certains commentateurs de gauche tirent des conclusions complètement opposées. C’est le cas de Thomas Feixa, journaliste au « Monde Diplomatique », qui écrit : « La grève générale et la création de conseils autonomes opérant sur la base d’une démocratie directe bat en brèche la formule du parti révolutionnaire défendue par Lénine et Trotsky, celle d’une organisation autoritaire et centralisatrice qui réserve les décisions à une élite savante et restreinte. » La contradiction qui est ici posée entre les conseils ouvriers d’un côté, et le parti révolutionnaire de l’autre, n’a pas de sens. Les conseils ouvriers existaient également en Russie : les soviets, qui permettaient précisément que les décisions ne soient pas « réservées à une élite savante et restreinte », mais impliquaient au contraire la masse de la population dans les prises de décision. Que les soviets aient finalement perdu leur substance et furent sapés par la montée d’une bureaucratie totalitaire qui a fini par gangréner tous les rouages de l’appareil d’Etat, c’est une autre histoire que nous n’avons pas l’espace d’aborder ici. Mais une chose est certaine : la victoire des soviets russes a été permise parce qu’ils disposaient d’une direction révolutionnaire à leur tête, représentée par le Parti Bolchévik. Si l’héroïsme des travailleurs hongrois avait pu être complété par l’existence d’un parti tel celui des Bolchéviks en 1917, le dénouement de la révolution hongroise aurait été tout autre, et la face du monde en aurait peut-être été changée.

    Andy Anderson, auteur anglais d’un livre appelé « Hungary ‘56 », explique quant à lui : « Les travailleurs hongrois ont instinctivement, spontanément, créé leurs propres organes, embryon de la société qu’ils voulaient, et n’ont pas eu besoin d’une quelconque forme organisationnelle distincte pour les diriger ; c’était ça leur force. » Encore une fois, ce qui constituait la faiblesse principale du mouvement –sa spontanéité- est ici transformée en son contraire, et présentée comme sa force principale. Il est d’ailleurs assez révélateur de constater qu’aucun de ces deux auteurs n’aborde la question de savoir pourquoi la révolution hongroise a échoué. Elle a échoué car il manquait aux travailleurs hongrois la direction capable de coordonner leur action, de construire un soutien solide dans les populations ouvrières des autres pays de l’Est par une stratégie consciente visant à étendre la révolution à l’extérieur et ainsi desserrer l’étau qui pesait sur les révolutionnaires hongrois, de déjouer les pièges de la bureaucratie et, surtout, de balayer définitivement celle-ci du pouvoir. C’est bien à cause de cela que les conseils ouvriers sont restés en Hongrie à l’état d’ « embryons de la nouvelle société » et ne sont jamais devenus des organes de pouvoir effectifs.

    Sources :

    • « La révolution hongroise des conseils ouvriers », Pierre Broué.
    • « Hungary ‘56 », Andy Anderson
    • « Le Monde Diplomatique » (octobre 2006)
    • « La Libre Belgique » (23 et 24 octobre 2006)
  • Quand la police et les fascistes attaquent la Gay Pride à Moscou

    Ci-dessous, un article publié sur le site de notre organisation soeur en Angleterre (Socialist Party) le 29 juin, juste avant la Gay Pride de Londre. Cet article reprend un rapport fait par un camarade de notre organisation soeur en Russie à propos de la Marche qui s’est tenue à Moscou le 27 mai. Cet article a été récemment traduit en français et néerlandais par nos camarades belges .

    La communauté Lesbienne, Gay, Bisexuelle et Transgenre (LGBT) va défiler ce 1er juillet à Londre pour l’Europride. Beaucoup de réformes légales importantes ont été obtenues, comme les Partenariats civils qui ont amélioré la vie des personnes LGBT. Elles ont été gagnées suite à de longues années de lutte pour les droits LGBT.

    Autant ces réformes sont les bienvenues, autant la lutte n’est pas finie. Si des lois contre les discriminations raciales et sexistes existent bien depuis des années; elles n’ont fait disparaître ni le racisme, ni le sexisme de la société. La récente condamnation de deux hommes pour le meurtre homophobe de Jody Dobrowski à Clapham montre que la communauté LGBT ne devrait jamais se dire que la lutte est terminée.

    “ Les droits acquis ont besoin d’être défendus et élargis”. Cela aurait du être le thème de la Marche, et le lien avec les luttes internationales aurait du être mis en avant. En Europe de l’Est, les Gay Prides ont été attaquées par les forces réactionnaires et par l’État. En privatisant, les politiciens du grand patronat ont employé l’homophobie pour soutenir leurs positions.

    IGOR YASIN, un socialiste gay et membre de Résistance Socialiste, la section du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) en Russie, a été impliqué dans les événement du 27 mai à Moscou, et rapporte : “Les autorités de la ville de Moscou ont formellement interdit la Gay Pride prévue pour le 27 mai et la Cour a confirmé cette interdiction. Une conférence des militants LGTB russes et étrangers à Moscou a discuté longuement de la tactique à appliquer en vue de préparer la Marche. Le conflit principal était : la Gay Pride devait-elle avoir lieu ?

    Le nombre assez restreint de militants LGTB russes était indécis et beaucoup d’entre eux étaient visiblement effrayés. Plusieurs proposaient l’idée qu’au lieu de marcher sous le slogan « L’homophobie n’est rien d’autre qu’une partie de la xénophobie », qu’ils devraient donner une pétition aux autorités de Moscou.

    Un membre du CIO, Alexei Kozlov, a essayé de convaincre la conférence de participer à un piquet devant le bureau du maire avec des slogans contre la discrimination et pour la défense du droit de s’organiser et de manifester, comme meilleure manière de dénoncer la discrimination à l’encontre des minorités sexuelles.

    Mais plusieurs militants étaient plutôt réservés, disant qu’on avait ni besoin « d’actions radicales », ni de « conflits avec les autorités ». Certain d’entre eux disait que nous devons « respecter les décisions des autorités ».

    J’ai avancé que, même selon des lois en vigueur, il n’y avait aucune base juridique pour interdire la Gay Pride, ainsi les activistes gays ne devraient pas abandonner avant que le combat n‘ait eu lieu – nous devons exprimer notre position et nous lever contre toute discrimination et pour la défense de nos droits.

    Arrive alors le jour du piquet. Il était prévu à 15h00 devant le bureau du bourgmestre. Bien qu’il s’agissait formellement d’un piquet pour la défense des droits démocratiques, ce dernier s’est transformé en action pour la défense des droits des minorités, en solidarité avec les LBGT discriminés.

    Les murs du Kremlin

    Le 27 mai, vers midi, une conférence de presse a annoncé que certains militants gay déposeraient des fleurs sur la tombe du soldat inconnu devant les murs du Kremlin et participeraient ensuite au piquet devant le bureau du maire. Notre première réaction a été de dire que c’était une erreur. Les gens seraient disséminés sur différents lieux et cela féliciterait le travail des flics pour nous enlever un par un. Et c’est ce qu’il se produit.

    Certains furent arrêté pour « avoir essayé de déposer des fleurs » dans le jardin Alexandorskii (devant le Kremlin) là où se plantaient les foules hurlantes de “patriotes” et de fascistes. D’autres ont été arrêtés lorsqu’ils se dirigeaient vers le bureau du maire.

    Avant l’heure prévue pour le piquet, la rue a commencé à se remplir de jeunes à l’aspect plutôt sombre se cachant de la pluie dans les ruelles. À côté de eux, les flics bloquaient le chemin du square devant le bureau du maire. Lentement les activistes ont commencé à s’échauffer, avec eux les journalistes et les inévitables représentants de l’organe répressif de l’État.

    Notre groupe, qui comprenait les principaux organisateurs et certains militants étrangers est arrivé sur place 5 minutes avant le lancement du piquet.

    Aleksei et Dima, les organisateurs officiels, ont été appelé par la police pour « discuter de détails », et nous avons du remballer notre bannière. Je pensait naïvement qu’il me serait possible de distribuer les 500 tracts anti-fascistes que j’avais dans mon sac…

    Mais rien à faire! Quand les organisateurs se sont rendus là où la police leur avait demandée d’aller, ils ont été arrêtés. Ceux d’entre nous qui restaient ont été entourés par une foule. Alors un député du parti du “beau parleur” Vladimir Zhirinovsky (Zhirinovsky à récemment réclamé la peine de mort pour les homosexuels!) est monté sur une statue au-dessus de quelques militants pour les droits LGBT et a commencé un discours homophobe et nationaliste.

    Les Fachos

    La foule de jeunes fascistes a commencé à scander « Mort aux pédés! » et « Renvoyez les tapettes dans les camps de concentration ». Les nôtres se sont alors écriés : « Le fascisme ne passera pas! ». Un de ces idiots a crié vers moi « Ne soit pas stupide, le fascisme a été vaincu en 1945 ! »

    Ensuite, les flics ont foncé dans le tas, en arrêtant à nouveau des organisateurs et des participants au piquet tandis que les fascistes les encourageaient avec des cris comme «Longue vie à le Russie !» Les actions de l’extrème-droite et celles de la police semblent avoir été coordonnés. Autrement il est difficile d’expliquer comment les fascistes se sont sentis aussi à l’aise au centre de Moscou ce jour-là.

    L’attitude de la Police

    Nous avons passé des heures en allez-venues entre le commissariat de police -où les militants ont été enfermés- et l‘Internet Café. Nous avons pourtant repéré des groupes de jeunes fascistes dans le haut des ruelles, dans les passages arqués, dans l’entrée de métro… Comme nous n’avions pas l’air trop gay, ils nous ont ignorés.

    Mais un autre camarade qui était dans le commissariat nous a dit qu’il était rempli de skinheads qui semblaient aider la police. Dans un autre poste, 17 personnes étaient retenues dont Alexei, Dima et la fameuse activiste lesbienne Evgenii Debryanskaya. Les gens étaient en état de choc mais tous ont fait ce qu’ils pouvaient. Ils ont été libérés après quatre heures, environ.

    Ainsi, malgré qu’une Marche ait bien eu lieu, ce n’était plus une Gay Pride mais une marche de fascistes et de skinheads. Malgré que la communauté gay ait fait un effort pour l’organiser ouvertement, les mass-médias les ont pratiquement ignorés.

    Seuls des journaux de l’opposition à petits tirages et la presse réactionnaire a commenté les évènements. Pas un seul parti politique traditionnel n’a dénoncé les discriminations. Même les soi-disant partis « Démocratiques » (nl: néo-libéraux) -que soutiennent beaucoup de LGBT- ont choisi de ne pas commenter les événements ; tout comme ils avaient ignoré les attaques dans des clubs gay par des groupes de fascistes la semaine précédente.

    Quelque-uns dits « de gauche » pensent que le fascisme a été vaincu une fois pour toutes par « le peuple soviétique » en 1945. D’autres trouvent la question non pertinente. Mais après ces événements certains d’entre eux ont dû commencer à revoir leur position.

    Il n’y a plus de position neutre sur cette question! Quelques jeunes “communistes” se sont vantés sur leur site Web de la façon dont ils ont formé un front commun avec les fascistes contre des homosexuels. Mais d’autres ont été forcés par ces événements à dénoncer ouvertement le nationalisme et à défendre les droits des homos.

    Le 27 mai était le premier « coming out » de la communauté LBGT de la Russie en faveur de ses droits. Mais ce n’est qu’un début. De nombreux homosexuels et lesbiennes ont toujours beaucoup d’illusions, peu ont une idée claire de la façon dont ils peuvent s’émancipés.

    Notre rôle en tant que socialistes est de prouver que c’est seulement en combattant le capitalisme et sa machine d’État, ainsi que tous les préjudices toxiques qui émergent de ce système et en établissant une nouvelle société basée sur la liberté et l’égalité -une société socialiste-, que ces problèmes seront réglés une fois pour toutes. “

  • 60 ans après la Seconde Guerre mondiale

    On commémore ces temps-ci le 60ème anniversaire de la fin la Seconde Guerre mondiale. Les médias nous ont abreuvés d’articles et de témoignages historiques sur ce qui fut la plus grande boucherie à ce jour de l’histoire humaine (60 millions de morts). Un dossier de plus? Non, car les commémorations occultent trop souvent les tenants et aboutissants de cette guerre qui a changé pour près d’un demi-siècle les rapports de force au niveau mondial.

    Thierry Pierret

    La Première Guerre mondiale avait été une guerre de repartage du monde entre puissances impérialistes. Pendant des décennies, il y avait une course de vitesse entre les différentes puissances européennes pour s’emparer des différents pays d’Afrique et d’Asie. La Grande-Bretagne et la France étaient sorties gagnantes de cette course de vitesse, l’Allemagne devant se contenter des “miettes” du monde colonial.

    C’est la volonté de l’Allemagne d’imposer un repartage du monde à son avantage qui a plongé le monde dans la “Grande Guerre” en 1914. Les principaux partis sociaux-démocrates s’étaient rangés derrière le drapeau de leur propre impérialisme. C’est la Révolution russe qui a mis fin à la Grande Guerre sur le front de l’est avec l’armistice de Brest-Litovsk. Quelques mois plus tard, la révolution en Allemagne mettait fin aux hostilités sur le front occidental. Malheureusement, la révolution en Allemagne n’a pas abouti à la prise du pouvoir par les travailleurs comme en Russie. Le Parti social-démocrate (SPD) y était autrement plus puissant que les mencheviques en Russie et le jeune Parti communiste allemand (KPD) a commis des erreurs tactiques. La défaite de la révolution en Allemagne, mais aussi en Italie, en Hongrie, en Slovaquie,… ouvre désormais la voie à une période de contre-révolution en Europe qui sera le prélude à une nouvelle conflagration mondiale.

    La montée du fascisme

    La petite-bourgeoisie était prise en tenaille entre le mouvement ouvrier d’une part, la grande industrie et les banques d’autre part. La faillite les guette et, avec elle, la nécessité de vendre leur force de travail pour vivre. Ils aspirent au retour à l’ordre, c’est-à-dire à la situation qui prévalait avant l’industrialisation, à savoir une société de petits producteurs. Les fascistes les séduisent avec leurs diatribes contre “le capital financier” et contre le communisme. La crise économique des années trente verra les secteurs décisifs de la bourgeoisie soutenir le fascisme pour rétablir ses profits en écrasant le mouvement ouvrier et en forçant l’ouverture des marchés extérieurs aux produits allemands.

    Il est donc faux de prétendre que la mégalomanie de Hitler et de Mussolini serait la cause de la Seconde Guerre mondiale. En fait, le programme des partis fascistes correspondait aux nécessités du capitalisme en période de crise aigüe. La seule façon pour la bourgeoisie des pays vaincus (Allemagne) ou mal desservis par la victoire (Italie) de restaurer sa position, c’était d’imposer un nouveau partage du monde par la guerre. Or seuls les partis fascistes étaient déterminés à le faire là où les partis bourgeois classiques étaient soucieux de préserver les équilibres internationaux. Il y a donc un lien entre le fascisme et la guerre dans la mesure où ce sont deux conséquences parallèles de la crise du capitalisme en décomposition.

    Capitulation du mouvement ouvrier

    La victoire du fascisme n’était pas inéluctable. En Allemagne, les partis ouvriers et leurs milices – SPD et KPD – étaient plus puissants que le Parti nazi. Mais le SPD refusait l’affrontement sous prétexte de respecter la légalité là où les nazis n’en avaient cure. Plutôt que d’organiser les travailleurs, il préférait s’en remettre au Président Hindenburg comme “garant de la démocratie”.

    Quant au KPD, il suivait la ligne de Moscou qui professait la théorie absurde selon laquelle la social-démocratie et le nazisme étaient des frères jumeaux (théorie du social-fascisme). Le KPD a même organisé des activités en commun avec les nazis! Cette attitude des dirigeants des deux grands partis ouvriers allemands a complètement désorienté les travailleurs allemands face aux nazis. En 1933, Hitler prenait le pouvoir sans coup férir avec la bénédiction de Hindenburg…

    Le Pacte germano-soviétique

    L’arrivée au pouvoir de Hitler – dont Staline était pourtant largement responsable – a semé la panique à Moscou. Pour assurer sa défense, l’URSS va désormais privilégier une stratégie d’entente avec la France et la Grande-Bretagne. Pour ce faire, il ne fallait rien faire qui puisse effrayer les bourgeoisies française et britannique. Par conséquent, les partis communistes occidentaux devaient adopter un profil bas et privilégier des alliances non seulement avec la social-démocratie, mais aussi avec la “bourgeoisie progressiste”.

    Cette stratégie débouchera sur la formation de gouvernements de front populaire en France et en Espagne en 1936. Pour maintenir coûte que coûte ce front de collaboration de classe, le PC n’hésitera pas à casser la grève générale en France et à liquider la révolution en Espagne. Mais en 1938, Paris et Londres repoussent l’offre de Staline d’agir de concert pour contrer les visées de Hitler sur la Tchécoslovaquie.

    Staline change alors son fusil d’épaule et signe le Pacte germano-soviétique en 1939. Il croit ainsi assurer ses arrières. Bien plus qu’un pacte de non-agression, le Pacte germano-soviétique comportait un protocole secret qui organisait le dépeçage de l’Europe de l’est entre l’Allemagne et l’URSS. Alors que les bolcheviques avaient rendu publics tous les traités secrets en 1917, Staline renouait avec les pires méthodes des puissances impérialistes.

    Une nouvelle guerre de repartage

    La Seconde Guerre mondiale fut, en Europe de l’Ouest, en Afrique et en Asie, une nouvelle guerre de repartage du monde. L’Allemagne, qui avait été privée de toutes ses colonies en 1918, voulait prendre sa revanche. L’Italie, mal desservie par sa victoire en 1918, avait annexé l’Albanie et envahi l’Ethiopie en 1935. Mais l’Ethiopie était le seul pays africain qui restait à coloniser. L’Italie ne pouvait plus étendre son empire colonial qu’en empiétant sur les colonies françaises et britanniques. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de son entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne en 1940. En Asie, le Japon, après avoir annexé la Corée et la Mandchourie, s’était lancé à la conquête de la Chine toute entière. Il lorgnait sur les colonies françaises, britanniques et hollandaises en Asie. Mais les Etats-Unis s’opposaient aux prétentions impériales de Tokyo en Asie et lui ont coupé son approvisionnement en pétrole.

    D’où l’attaque sur Pearl-Harbour en décembre 1941 pour avoir les mains libres dans le Pacifique. Pearl-Harbour a fourni le prétexte rêvé au Président Roosevelt pour engager les Etats-Unis dans la guerre, puisque le Japon était un allié de l’Allemagne et de l’Italie. La guerre est désormais mondiale. Elle oppose les puissances impérialistes établies (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne) aux forces de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon), c’est-à-dire l’axe des mal servis du partage colonial. Mais entre-temps, il y a eu l’offensive allemande contre l’URSS en juin 1941. Cette nouvelle donne va non seulement changer le cours de la guerre, mais aussi en changer partiellement la nature.

    La victoire soviétique

    Staline avait cru gagner un répit de 10 ans en signant le Pacte germano-soviétique. Il en avait également profité pour ramener la frontière occidentale de l’URSS à celle d’avant 1914 (annexion de l’est de la Pologne, des pays baltes, de la Bessarabie). En revanche, l’invasion de la Finlande se solda par un fiasco. Staline, dans sa lutte acharnée contre l’opposition de gauche, avait liquidé tous les officiers qui avaient été formés par Trotsky. Privée de ses meilleurs officiers, l’Armée rouge s’est révélée incapable de venir à bout de l’armée finlandaise. Hitler en a conclu que l’Armée rouge n’était qu’un tigre de papier et qu’elle s’effondrerait sous les coups de la Werhmacht. Or les nazis, dans leur entreprise de destruction systématique du mouvement ouvrier organisé, ne pouvaient pas tolérer l’existence de l’état ouvrier – tout bureaucratisé qu’il fût – soviétique. Le 22 juin 1941, la Werhmacht envahissait l’URSS à la stupéfaction de Staline qui croyait dur comme fer au Pacte. Les premières semaines de l’offensive ont semblé donner raison à Hitler.

    L’Armée rouge, mal préparée, privée d’officiers compétents, s’effondrait sous les coups de butoir de la Wehrmacht, perdant des centaines de milliers de prisonniers et de tués en quelques jours. Mais Hitler avait sousestimé la capacité de résistance et d’auto-organisation de la population russe.

    Surtout, Hitler avait sousestimé le potentiel d’une économie planifiée même bureaucratiquement. Jamais un pays relativement arriéré comme l’URSS n’aurait pu fournir un tel effort de guerre dans les conditions d’une économie de marché. L’Armée rouge a pu stopper l’offensive hitlérienne avant de partir à la contre-offensive.

    L’URSS payera sa victoire de quelque 27 millions de morts. Les pertes sont d’autant plus lourdes que le régime nazi se déchaîne contre les “sous-hommes” (Juifs, Slaves, Tsiganes). Si l’antisémitisme du régime avait d’abord eu pour but de désigner un bouc-émissaire pratique aux souffrances de la population, il acquiert dès lors une dynamique propre qui conduira à la Solution finale.

    Mais cette pulsion mortifère exprime surtout l’impuissance des nazis à retourner la situation en leur faveur. A partir de ce moment, la guerre change de nature. On assiste à une course de vitesse entre l’Armée rouge et les anglo-américains. Ceux-ci ne se décident à ouvrir un nouveau front (débarquement de juin 1944) que pour endiguer l’avance soviétique. Après la capitulation allemande, cette course se poursuivra en extrême-orient où les Etats-Unis n’hésiteront pas à utiliser l’arme atomique pour contraindre le Japon à capituler sans délai et éviter une partition du Japon comme en Allemagne et en Corée.

    La révolution met fin à la guerre

    Les dirigeants américains et britanniques envisagent même de faire une paix séparée avec l’Allemagne pour repousser l’Armée rouge. Mais les nazis s’obstinent à vouloir mener la guerre sur les deux fronts et le putsch contre Hitler échoue. Surtout, les travailleurs n’auraient pas toléré la prolongation de la guerre et sa transformation en guerre est-ouest. En Italie, en France, en Yougoslavie, en Grèce, les partisans communistes libèrent la majorité du territoire. Ils sont une force avec laquelle les alliés doivent compter. La prise du pouvoir par les communistes était possible dans plusieurs pays, y compris à l’ouest. Mais Staline le leur a interdit et a ordonné aux partisans de rendre leurs armes en échange d’assurances de la part des Alliés. On peut dire que le stalinisme a joué le même rôle contre-révolutionnaire en 1945 que la social-démocratie en 1918. Dans les pays occupés par l’Armée rouge, nombre de communistes actifs dans la résistance sont liquidés car jugés peu fiables. Alors que c’est la révolution (ou la menace de révolution) qui a empêché les Alliés de continuer la guerre contre l’URSS, Staline a cru pouvoir opter pour la coexistence pacifique avec l’impérialisme (accords de Yalta). Mais Staline ne recueillera pas davantage les fruits de sa “modération” que dans les années trente. En 1949, les puissances impérialistes créent l’OTAN pour endiguer l’URSS et le monde bascule dans la guerre froide. Pendant près d’un demi-siècle, la violence de l’impérialisme sera contenue par l’existence du bloc de l’est. Mais les tares du stalinisme ont fini par avoir raison des états ouvriers bureaucratisés. La chute de l’URSS ouvre la porte à une nouvelle ère de tensions interimpérialistes.

  • Russie: ‘La révolution de Coton’ secoue le regime de Poutine

    Les manifestations de pensionnés balayent le pays.

    Après la ‘révolution orange’ en Ukraine, la Russie a été frappée par ce que l’on a appellé la ‘révolution de coton’. Une énorme vague de manifestations, essentiellement de pensionnés, a ballayé le pays contre la réforme sur les subventions traditionellement payees aux pensionnés pour le logement, la santé et les transports.

    Rob Jones, Moscou

    La vitesse à laquelle le régime de Poutine a du faire des concessions a fait de ces manifestations quelque chose d’important. Les tactiques ‘militantes’ des manifestations ont été encouragées par les pensionnés de la ville de Khimki – une banlieu de Moscou située juste à l’ extérieur de la ville. Ils bloquaient la principale autouroute Moscou – St Pétersbourg. Cela est aussi d’ une importance particulière parce que c’ est aussi la route qui conduit au principal aéroport international. Des centaines, et parfois des milliers, de personnes agées dans d’autres villes ont suivi les actions, bloquant des routes, assiégeant les bâtiments gouvernementaux, et dans le cas des pensionnés Sibériens, menacant de bloquer la voie ferrée trans-Sibérienne.

    La colère des pensionnés était dirigée contre ce qu’on appelle la ‘monetarisation’ des allocations. Transports gratuits et 50% de réduction dans les coûts du logement pour les pensionnés et d’autres categories de la population, incluant les soldats et la police, ont été aboli ce 1er janvier 2005, pour être remplacé par une ‘compensation monétaire’. Traditionellement, les pensionnés recevaient 200 roubles supplémentaires par mois (+- 5euros) mais leurs coûts de transport absorbent à eux seuls rapidement ce payement ‘extra’ (un ticket dans un bus coûte aujourd’hui 20 eurocents et fréquemment les pensionnés doivent changer de bus ou tram). Les nouvelles factures pour le logement sont attendues cette semaine, ce qui pourrait conduire à une nouvelle vague de manifestations.

    Peut-être que le pire element de cette réforme n’ a pas encore frappé – le changement dans les subventions pour les soins de santé. Celles-ci vont être supprimées et chaque pensionné sera payé une somme standard. L’argument du gouvernement est que cela donne au pensionné le ‘droit de choisir’. Mais on ne peut alors pas parler de soins de santé standards : par exemple, une personne peut n’ avoir besoin que de simples cachets pour les maux de tête, pendant qu’un autre peut avoir besoin de médicaments chers.

    Poutine, et en particulier les ministres neolibéraux qui ont poussé à mener cette réforme ont été ‘confinés dans un coin’. Ils ont essayé d’ attributer la responsabilité aux autorités régionales pour leur incompetence dans la distribution des nouveaux payements. Mais beaucoup de personnes sont conscientes que le gouvernement est en train de recolter d’ énormes surplus dans les budgets, pendant qu’il continue de couper dans les allocations des travailleurs.

    Pour éviter les protestations se développant dans certaines regions, beaucoup d’autorités régionales annoncèrent que plusieurs allocations, tels que les coûts de transport gratuits, seraient financés par les budgets locaux. Mais cela na pas été assez pour enlever la pression sur le gouvernement fédéral. L’augmentation de la pension convenue pour avril a été avancée et le gouvernement a annoncé qu’il va dégager jusqu’à plus de 3 milliards de dollars de son ‘fond de stabilité’ – argent gagné par les prix élevés du pétrole qu’il avait mis de côté pour les mauvais jours. Il reste à voir si ne serait ce un de ces ministres directement impliqué dans l’application de cette réforme sera forcé de quitter son poste. Il y a pour le moment une discussion ‘radicale’ sur le sort du Premier Fradkov qui n’aurait plus que quelques mois devant lui.

    Ces évènements confirment que les tentatvies de Poutine d’ amener tout sous son contrôle personnel sont en train d’ échouer. La réaction de son régime au moment des permières manifestations – une chasse aux sorcières pour trouver le ‘coupable’ – était caractéristique pour ce qui en réalité est un peu plus qu’ un Etat policier. En particulier, il s’est avéré qu’un ordre avait été donné à la police d’ arrêter n’importe qui en dessous de 45 ans dans les manifestations parce qu’ils sont ‘probablement des faiseurs de troubles’. Des activistes du Socialisticheskoye Soprotivleniye (CIO en Russie) ont été victimes de cette mesure.

    En meme temps, une remarquable caractéristique de ces manifestations est qu’elles ont été généralement spontanées, avec très peu de participation de tous les partis politiques. Seulement au moment ou les manifestations s’ étendaient, le Parti Communiste, qui est bien sur principalement aujourd’hui un parti de pensionnés a essayé de mobiliser ses partisans.

    Néanmoins, cela ne veut pas dire que les manifestants sont apolitiques. De plus en plus de revendications anti-Poutine sont mises en avant et il y a une soif de recherche d’idées politiques, et cela malgrès l’ âge élevé des manifestants. Pour donner un indice de cette radicalisation, plus de 250 copies du journal du CIO ont été vendues dans les manifestations à Khimki.

    La revolution de 1905 invoquée par les manifestants

    Un autre élément important est la grande conscience parmi les manifestants que ce mois c’est le centième anniversaire de la première Révolution Russe, et, le 22 janvier il y avait une initiative d’envoyer une petition à Poutine de la même facon qu’il y a cent ans quand des manifestants avaient essayé d’envoyer une pétition au Tsar pour la justice, avant que celui-ci n’envoya les troupes sur les manifestants. Comme la ‘monetarisation’ a conduit a un minement du soutien à Poutine, avec une chute de 20% dans les sondages de popularité ces dernières années, ses politiques de casse des acquis sociaux ont mené à des mobilisations massives qui ont force le gouvernement à faire des concessions. Le Ministre de la Défense a été forcé d’annoncer que la réforme de la conscription (annoncée en décembre dernier), et qui aurait entrainé que les étudiants auraient perdu le ‘postposement’ de leur conscription pendant leurs etudes, ne sera pas appliqué dans le futur proche. Le gouvernement est conscient qu’une fusion du mouvement des pensionnés avec celui des étudiants serait trop difficile à controler.

    Sans aucun doute, les évènements de l’année dernière en Ukraine, qui ont montré qu’en descendant dans la rue, les masses pouvaient changer les rapports de force, ont encourage ce mouvement en Russie. En même temps, les manifestations en Russie sont un avant gout de ce qu’il pourrait se passer dans le future en Ukraine. Le nouveau Premier Ministre de l’ Ukraine, Viktor Yuschenko, est entouré de conseillers économiques, incluant ceux de l’ ONU, qui essayent de le pousser aussi à opérer la ‘monétarisation’ des allocations.

    Après plusieurs années de ‘calme’ dans les mouvements de protestation en Russie, et à travers la plupart des pays du CIS, il apparait maintenant que de nouveau les masses dans ces pays recommencent à se lever et à lutter pour leurs droits.

    Clairement, toutes les allocations qui ont été ‘monétarisées’ doivent être rétablies immédiatement. Mais les problèmes dont les pensionnés doivent faire face ne se limitent pas et sont plus profonds que seulement l’ etat de leurs allocations. La privatisation du système de transport a mené à une situation ou les compagnies privées refusent de transporter les passagers qui ne savent pas payer, argumentant qu’ils prennent les places des passagers qui payent. Les loyers et les charges de logement ont aussi augmentées. Les soins de santé deviennent de plus en plus chers, et ce en grande partie dû aux coupes dans les listes de médicaments disponibles sur prescription (remboursables), laissant ceux qui ont besoin des médicaments les plus chers les payer eux-mêmes. Stop aux privatisations, stop aux attaques sur les droits démocratiques !

    Les socialistes disent que les privatisations doivent être stoppées et que les soins de santé, le logement et le transport doivent retourner sous possession et contrôle du public, avec de propres resources et subventions payees par les énormes augmentation de profit que l’ Etat fait avec la vente de pétrole et de gaz. Les plans de réformes du système des pensions par le gouvernement devraient être retirés et les pensionnés devraient recevoir une pension décente.

    La persecution d’ activistes par l’ Etat doit cesser et tous les prisonniers politiques doivent être libérés immédiatement. Récemment un groupe d’ activiste du Parti National Bolchévik (un parti d’extrême droite qui utilise des symboles de gauche pour attirer les jeunes) ont été condamnés à 5 ans de prison pour avoir occupé les bureaux du Ministère de l’ Education. Bien que n’ayant aucune sympathie pour les vues et positions de ce parti, ces condamnations extremes doivent être vues comme un avertissement à tous les opposants du régime de Poutine. Une fois de plus des activistes du Sotsialisticheskoe Soprotivleniye (CIO en Russie) sont sous attaque.

    Nous supportons aussi complètement les revendications de beaucoup de manifestations qui appellaient le gouvernement de Poutine à quitter le pouvoir. Mais cela pose alors aussi la question de qui va les remplacer. Clairement, meme le Parti communiste, qui a une certaine base electorale chez les pensionnés, est néanmoins incapable de résoudre aucun des problèmes que les pensionnés et les travailleurs sont en train de subir. La période à venir va certainement amener son lot de manifestations, vu que la population a vu qu’il était possible de vaincre le gouvernement, et ce vu que les attaques sur nos niveaux de vies et sur nos droits démocratiques vont continuer. Les activistes dans ce mouvement doivent se lier aux étudiants engagés, aux soldats conscrits, travailleurs et aux minorités oppressées. Un tel mouvement pourrait créer les bases de la formation d’une réelle alternative à l’ actuel gouvernement et pourrait commencer à construire un parti des travailleurs massif, capable de combattre jusqu’à la fin cet immonde système capitaliste qui permet aux Abramovichs et Khordokovskiis (oligarches) d’ amasser des milliards, pendant que des millions de pensionnés sont laissés sans les moyens basiques nécessaire pour avoir une vie tolérable.

  • L’insoluble conflit tchétchène dégénère en massacre dans une école

    Personne n’a oublié les images choquantes du dénouement sanglant de la prise d’otage de Beslan, début septembre dernier. 1.200 enfants, parents et enseignants étaient enfermés dans une école de la république russe d’Ossétie du Nord par un commando pro tchétchène. Les otages ont été privés d’eau et de nourriture par les ravisseurs qui portaient des ceintures d’explosifs. La prise d’otage a pris fin après quelques jours lorsque les troupes russes ont attaqué le bâtiment. 335 personnes sont mortes dans cet assaut dramatique, dont beaucoup restent encore à identifier. L’opinion publique mondiale et plus particulièrement russe en restera très longtemps choquée.

    Laurent Grandgaignage

    La manière brutale et chaotique employée par l’armée russe nous rappelle évidemment le tragique événement du théâtre de Moscou en 2002. A l’époque, il y eut 700 ou 800 otages d’une cinquantaine de Tchétchène lourdement armés. Les terroristes revendiquaient le retrait des troupes russes de Tchétchènie. L’armée réagit par des gaz toxiques, faisant plus de 120 victimes. Couplée aux récentes attaques contre deux avions et contre une station de métro à Moscou, le drame de Beslan ne peut que réaffirmer l’impasse du conflit tchétchène.

    La Tchétchènie opprimée depuis des siècles

    Le peuple tchétchène est depuis longtemps opprimé par des forces d’occupations étrangères. En 1830 le tsar Nicolas I envahit le pays. Ce n’est qu’après la Révolution russe de 1917 que le pays reçu le droit à l’autodétermination et, comme beaucoup d’autres républiques de la région, rejoignit librement l’Union soviétique.

    Après la contre-révolution stalinienne les nationalités furent à nouveau opprimées et en 1944 la plus grande partie du peuple tchétchène subit la déportation. En 1991 le pays devint indépendant, mais trois ans plus tard Boris Eltsine l’envahit. Face à la résistance, le pays finit par sombrer dans le chaos. La lutte entre différents seigneurs de guerre fit rage, parallèlement à l’extension de l’influence islamiste. En 2000 Poutine ordonna le rétablissement de l’ordre prorusse à Grozny et l’escalade de violence consécutive à la répression militaire a provoqué des centaines de milliers de victimes des deux côtés. En fait, la politique intérieure du président russe est essentiellement préventive: si une région revendiquant l’indépendance parvenait enfin à l’obtenir, d’autres régions risqueraient de s’engager dans la même voie.

    L’Occident se tait face à l’occupation russe

    Les décennies passées furent donc très dures pour le peuple tchétchène. La répression russe – villes détruites, massacres d’hommes, femmes et enfants – a créé le terreau sur lequel les mouvements réactionnaires et terroristes ont grandi. L’hypocrisie règne quand Poutine présente l’occupation comme une pièce de la stratégie de la "guerre contre le terrorisme international". Les puissances occidentales ne critiquent pas cette guerre car beaucoup d’entre-elles sont impliquées dans cette alliance antiterroriste. De plus, il est important pour l’Europe et l’Amérique du Nord de garder de bonnes relations avec la CEI qui possède un potentiel économique important. La région caucasienne est aujourd’hui très importante au point de vue de la production du pétrole et du gaz. La Russie est le premier exportateur de gaz naturel au monde et le deuxième exportateur de pétrole après l’Arabie Saoudite.

    Le capitalisme russe en déclin

    La colère du peuple russe face aux attaques terroristes n’est pas seulement dirigée contre les organisations pro Tchétchènes armées mais également contre le président Poutine. Beaucoup l’estiment responsable de la persistance du conflit tchétchène. Le peuple subit les conséquences de ces tensions ethniques et doit en plus endurer les effets de la politique néo libérale du président Poutine.

    Les récentes coupes dans la sécurité sociale ont plongé des dizaines de millions de travailleurs russes dans la misère. Depuis la réintégration du capitalisme, la pauvreté et l’inégalité n’a cessé de croître dans le pays. La "guerre contre le terrorisme" est habilement utilisée par Poutine pour détourner l’attention du mécontentement grandissant. En tant que marxistes, nous condamnons non seulement le terrorisme mais également la répression militaire de la Russie. Les marxistes ont pour tâche de construire un mouvement de masse qui uni travailleurs tchétchènes et russes en surmontant les différences nationales, ethniques et religieuses. Ce n’est qu’en luttant ensemble que l’on pourra enfin sortir de cette spirale de violence découlant de la crise capitaliste.

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