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  • Perspectives mondiales : ‘‘L’ère de l’austérité’’ prépare des convulsions sociales sismiques

    Nous vivons une des périodes les plus dramatiques de l’Histoire

    Les travailleurs grecs, suivis par les portugais et les espagnols, sont à l’avant-garde du mouvement contre cette interminable austérité. Plus personne ne peut aujourd’hui affirmer que la classe ouvrière reste passive face aux attaques du système capitaliste malade et pourrissant. Sa résistance s’est exprimée par une série de grèves générales épiques, mais elle a encore à créer un parti de masse ainsi qu’une direction dignes d’elle pour cette bataille entre travail et capital qui va dominer le début du 21ème siècle. La tâche du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), grâce à la clarté théorique de ses idées liée à un programme orienté vers l’action, est d’aider à créer cette nouvelle direction, une direction capable d’assurer la victoire de la classe ouvrière.

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    Ce texte est un résumé du projet de document sur les perspectives mondiales discuté lors de la dernière réunion du Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a eu lieu en décembre. Le document final est disponible, en anglais, sur le lien suivant.
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    Le caractère instable des relations mondiales (qui peuvent entraîner l’éclatement d’un conflit dans de nombreux endroits du monde et à n’importe quel moment) s’est illustré lors des récents affrontements entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Ils se sont limités à un échange de roquettes et de missiles et un accord de cessez-le-feu a été atteint, mais la guerre pourrait reprendre et un assaut d’Israël sur la Bande de Gaza n’est pas à exclure. En retour, des troubles auraient lieu dans le Moyen-Orient.

    D’autre part, une ou plusieurs guerres régionales sont toujours de l’ordre du possible. La Syrie représente un véritable baril de poudre avec le régime de Bachar el-Assad assiégé et menacé d’être renversé, mais avec une opposition divisée sur des lignes sectaires. Les véritables socialistes ne peuvent soutenir ni Assad ni l’opposition, mais doivent s’orienter vers les masses que nous pouvons atteindre avec une voie clairement indépendante basée sur un programme et des perspectives de classe.

    Certaines minorités du pays recherchent encore la protection d’Assad par craintes des conséquences d’une victoire de l’opposition, laquelle bénéficie clairement d’un soutien prédominant de la part de la majorité sunnite de la population, avec une influence grandissante significative d’organisations du type d’Al-Qaïda. De plus, l’intervention de la Turquie contre le régime a augmenté la tension entre les deux pays. Des affrontements armés pourraient avoir lieu entre eux, ce qui pourrait devenir hors de contrôle. Une intervention de l’Iran dominé par les chiites pour soutenir les chiites en Syrie n’est pas non plus à exclure. Pareillement, le conflit pourrait déborder au Liban avec l’éclatement de conflits sectaires. Cela en retour pourrait conduire Israël à saisir l’opportunité de lancer des attaques aériennes contre les supposées infrastructures nucléaires iraniennes, avec sans doute en riposte des salves de missiles et de roquettes de la part de l’Iran et du Hezbollah contre les villes et infrastructures israéliennes.

    Au cours du récent conflit, le régime israélien et la population, plus largement, ont été pris de court par la capacité des roquettes du Hamas de frapper au cœur même de Tel Aviv. Le CIO s’oppose aux prétendues ‘‘frappes chirurgicales’’ d’Israël (qui ne sont en rien chirurgicales) qui ont tué au moins 160 Palestiniens. Mais nous ne soutenons pas pour autant les méthodes du Hamas, qui a lancé des roquettes à l’aveugle contre les villes les plus peuplées d’Israël. Cela a uniquement servi à jeter la population d’Israël dans les bras de Netanyahou, dont les actions punitives seraient soutenues par 85% de la population tandis que 35% soutiendraient maintenant une invasion de Gaza, opération qui verrait des centaines et des milliers de Palestiniens tués ou mutilés, de même que des Israéliens. Le peuple palestinien a le droit de résister aux méthodes terroristes de l’Etat Israélien, mais cette tâche peut être mieux accomplie par des mouvements de masse dans but de faire séparer la classe ouvrière d’Israël du régime vicieux de Netanyahou. En cas d’invasion de Gaza ou d’un autre territoire occupé, le peuple palestinien a tous les droits de résister, avec des armes si nécessaire, contre les envahisseurs.

    Les mineurs sud-africains montrent la voie

    Nonobstant l’influence des facteurs géopolitiques comme les guerres sur le cours des évènements (ce qui peut, sous certaines circonstances, sérieusement altérer nos perspectives), les principales caractéristiques de la situation présente sont l’approfondissement de la crise du capitalisme mondiale et la réponse combattive des la classe ouvrière et des pauvres.

    Cela est symbolisé par le magnifique réveil de la classe ouvrière sud-africaine à la suite des mineurs. Ces grèves héroïques, à l’instar des révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ont inspiré la classe ouvrière des pays industriels avancés. Un élément ‘‘d’Afrique du Sud’’ pourrait lui aussi être exporté en Europe avec un mouvement similaire au sein des syndicats afin de renverser les dirigeants qui refusent d’organiser la classe ouvrière pour sérieusement résister aux attaques du capitalisme.

    A la suite des mineurs, d’autres pans de la classe ouvrière d’Afrique du Sud sont eux aussi entrés en action dans cette grève qui est en ce moment la plus grande et la plus sanglante au monde.

    Cette lutte a également été caractérisé par un haut degré de conscience de la classe ouvrière (un héritage qui a su être préservé après les révolutions avortées des années 1980, avant la fin du régime de l’apartheid). Cela s’exprime par l’aspiration à la construction de nouveaux syndicats combattifs pour les mineurs afin de remplacer le syndicat officiel des mineurs, complètement corrompu, le NUM. Confrontés à l’ANC tout aussi corrompue, les mineurs (avec l’aide du Democratic Socialist Movement, le DSM, section du CIO en Afrique du Sud) ont lancé un appel pour un nouveau parti de masse des travailleurs. Cela ne peut que renforcer les revendications du même type portant sur la question de la représentation indépendante de la classe ouvrière dans tous les pays (c’est-à-dire la majorité) où la masse des travailleurs n’a pas de parti, pas même un capable de les représenter ne fut-ce que partiellement.

    Même le magazine The Economist, la voix du grand capital, a déclaré : ‘‘le meilleur espoir pour le pays dans les années à venir est une scission réelle dans l’ANC entre la gauche populiste et la droite afin d’offrir un vrai choix aux électeurs.’’ C’est surprenant, sinon incroyable, au premier abord. Aucun journal capitaliste ne propose cela pour la Grande Bretagne ! Mais ce qui alarme The Economist, c’est que face au discrédit de l’ANC (un fossé de la taille du Grand Canyon existe à présent entre les seigneurs, chefs et rois de l’ANC et la classe ouvrière), les masses appauvries ont commencé à se tourner brusquement vers la gauche, vers les véritables militants pour le socialisme, les membres du DSM. Ils vont donc remuer ciel et terre pour essayer d’empêcher les masses d’aller dans notre direction, même si cela signifie de mettre en place une alternative ‘‘populiste’’ pour bloquer le développement d’un vrai parti de masse des travailleurs.

    Les élections américaines

    Le plus important évènement de cette période, au moins dans l’Ouest capitaliste, a été la réélection d’Obama aux USA. Il a été le premier président à être réélu depuis 1945 avec un taux de chômage supérieur à 7,5% dans le pays. Certains stratèges du capital (ou certains imaginant l’être) ont tiré des conclusions complètement fausses hors du résultat de cette élection. Ils affirment que la principale raison pour laquelle Obama a été élu, c’est que le peuple américain blâmait Bush, l’ancien président, pour les catastrophes économiques actuelles. Cela a sans doute été un facteur, certes, mais ce n’était ni le seul, ni le plus décisif. Une grande polarisation a pris place dans la société américaine avec les électeurs d’Obama (malgré leur déception face à son bilan) se rendant massivement au bureau de vote pour empêcher le candidat des 0,01% des riches et des plutocrates, Romney, de remporter les élections.

    Il y avait une réelle peur de ce que signifierait une victoire de Romney, qui aurait fait tourner à l’envers la roue de l’histoire, briser les aides sociales et les réformes limitées dans la santé, etc. Cela a fait accroître la participation électorale qui, même si elle n’était pas aussi élevée qu’en 2008, était néanmoins d’un niveau historique. Le vote populaire a été serré, Obama l’emportant par 50,8% contre 47,5%. Mais il est crucial que la majorité des femmes l’aient soutenu, avec une majorité encore plus forte concernant les jeunes femmes. Il a aussi gagné 80% du vote des minorités (Latinos et Afro-Américains), bien sûr, et des sections significatives de travailleurs syndiqués (dans l’automobile par exemple) ont milité pour lui et l’ont soutenu. Dans cette élection, ce n’était pas seulement une question de victoire du ‘‘moindre mal’’ pour Obama pour ‘‘arranger l’économie’’. Bien sûr, il ne sera pas capable de le faire, à cause du caractère de la crise économique.

    Le magnifique résultat de la candidate de Socialist Alternative aux élections de la chambre des représentants de l’Etat de Washington (un splendide 28% des suffrages) a été un triomphe non seulement pour nos camarades Américains mais pour l’ensemble du CIO.

    C’était la confirmation du fait que présenter des candidats des travailleurs indépendants peut conduire au succès, et à un nouveau parti de masse des travailleurs. De plus, cela s’est produit au cœur même de la plus grande puissance capitaliste au monde. Cette élection est un avant-goût de ce à quoi nous pouvons nous attendre ailleurs dans la prochaine période, en particulier en Afrique du Sud et en Europe, et cela montre le potentiel qui existe dialectiquement aux USA pour les idées et le programme du socialisme.

    L’héritage des trahisons social-démocrates et staliniennes n’existe pas aux USA, ce qui en fait un terrain encore plus favorable pour les vraies idées du socialisme en comparaison de nombreux endroits d’Europe et d’ailleurs à ce stade. De notre point de vue, il en va de même pour la victoire d’Obama. Son deuxième mandat pourrait préparer la voie à la création d’un troisième parti, mais d’un parti de la classe ouvrière cette fois, socialiste, radical et populaire. Bien sûr, toutes les perspectives sont conditionnées par la façon dont l’économie se développera aux USA et dans le monde entier.

    L’économie mondiale fait face à une série de crises

    L’économie américaine (l’une des seules à ré-atteindre le niveau de production d’avant 2008) a ralenti pour atteindre son rythme le plus faible depuis 2009, avec une croissance de moins de 2% alors que, simultanément, toutes les plus grandes économies mondiales ont perdu de la vitesse. Si les Républicains refusent un accord avec Obama, si les USA échouent face à la falaise fiscale, cela pourrait presque automatiquement plonger l’économie mondiale (fondamentalement stagnante) dans une nouvelle dépression encore plus profonde. Les intérêts des capitalistes devraient logiquement forcer les Républicains à chercher un accord avec Obama. Mais le système politique des USA, conçu à l’origine pour une population prédominée par les petits fermiers au XVIIIème siècle, est maintenant complètement dysfonctionnel, de même que le Parti Républicain.

    En 2009, lors de l’un de ses discours parmi les plus révélateurs devant les banquiers américains, Obama a déclaré : ‘‘Mon administration est tout ce qu’il y a entre vous et les fourches.’’ Mais lors des élections, cela ne lui a pas pour autant apporté le soutien de la bourgeoisie américaine dans son ensemble, qui a en général préféré Romney. Cela tend à montrer qu’une classe ne reconnait pas toujours ce qui est dans son meilleur intérêt ! Ce sont les stratèges et les penseurs de la classe dominante, parfois en opposition avec ceux qu’ils sont sensés représenter, qui sont préparés à défendre les meilleurs intérêts des capitalistes et à planifier le chemin à suivre. Aujourd’hui, le problème pour eux est que les différentes routes qui mènent toutes le capitalisme à la ruine.

    Leur perte de confiance est visible dans leur refus d’investir ainsi que dans les avertissements des institutions sacrées du capitalisme : le FMI, la Banque Mondiale, etc. Leurs perspectives de sortie rapide hors de la crise actuelle ont toutes été balayées. Dorénavant, ils sont plongés dans un pessimisme total. Le premier ministre britannique David Cameron et le Gouverneur de la Bank of England ont averti que la crise peut durer encore une décennie, et c’est le même son de cloche au FMI. Le thème des ‘‘banques zombies’’, d’abord employé au Japon, est à présent utilisé pour décrire non seulement les banques mais aussi les économies de l’Amérique, de l’Europe et du Japon. Comme dans le cas du Japon, les économistes bourgeois prédisent une ‘‘décennie perdue’’ pour certains pays et pour l’ensemble de l’Europe. Ils comparent cela à la dépression de 1873 à 1896, au moins en ce qui concerne l’Europe. Martin Wolf, du Financial Times, réfléchit ainsi : ‘‘l’âge de la croissance illimitée est-il terminé ?’’ en citant beaucoup une nouvelle étude ‘‘La Croissance Economique des USA Est-Elle Terminée ? L’Innovation Hésitante Confronte Les Six Vents Contraires’’. (NBER Working Paper no 18315)

    Cela a posé la question essentielle du rôle de l’innovation dans le développement du capitalisme, et en particulier dans l’amélioration de la productivité au travail. Les auteurs de l’étude mentionnée ci-dessus ont conclu qu’il y avait eu ‘‘trois révolutions industrielles’’ depuis 1750 qui ont été cruciales pour le développement du capitalisme.

    La première s’est située entre 1750 et 1830, a vu la création des machines à vapeur, du filage du coton, des chemins de fer, etc. La deuxième était la plus importante des trois avec ses trois inventions principales : l’électricité, le moteur à combustion interne et l’eau courante avec la plomberie, dans une période relativement courte, de 1870 à 1900. Ces deux révolutions ont pris à peu près 100 ans pour que leurs effets se répandent complètement dans l’économie. Après 1970, l’augmentation de la productivité a nettement ralenti, pour un certain nombre de raisons. La révolution informatique et internet (décrits par les auteurs comme la révolution industrielle n°3) ont atteint leur apogée à l’ère d’internet, fin des années 1990. Selon cette étude, son principal impact sur l’économie s’est altéré au cours des 8 dernières années. Les chercheurs en concluent que, depuis les années 2000, l’invention a largement été concentrées dans les appareils de loisir et de communication qui sont plus petits, plus smart et ont plus de capacités, mais ne changent pas fondamentalement la productivité du travail ou le niveau de vie de la même manière que la lumière électrique, les voitures à moteur et la plomberie. Cela ne veut pas dire que la science et la technique n’ont pas le potentiel de considérablement rehausser la productivité, mais le problème est posé par l’état actuel du capitalisme en déclin, incapable de développer pleinement le potentiel de ses forces productives. La baisse tendancielle du taux de profit (et les baisses réelles de rentabilité) décourage les capitalistes d’adopter des innovations qui pourraient développer les forces productives.

    Il y a ensuite le problème de la ‘‘demande’’ qui en retour a conduit à ‘‘une grève de l’investissement’’, avec un minimum de 2000 milliards de dollars de ‘‘capital au chômage’’ dans la trésorerie des entreprises américaines. Et le problème du surendettement par-dessus tout. Styajit Das, du Financial Times, admoneste la bourgeoisie américaine qui ‘‘parait incapable d’accepter la vérité : la perspective d’une croissance économique faible ou nulle pour une longue période. (…) Le maintien de la croissance nécessite toujours plus d’emprunts. En 2008, aux USA, 4 ou 5 dollars de dettes étaient nécessaires pour créer 1 dollar de croissance, contre 1 ou 2 dollars dans les années 1950. A présent, la Chine a besoin de 6 ou 8 dollars de crédit pour générer 1 dollar de croissance, une augmentation de 1 à 2 dollars par rapport à il y a 15 ou 20 ans.’’

    Le capitalisme ne fait pas face à une crise, mais à une série de crises. Ses partisans essaient de faire accepter à la classe ouvrière la perspective d’une croissance faible, voire de pas de croissance du tout, et ainsi qu’elle soit plus encline à accepter de voir ses conditions de vie se réduire drastiquement, comme en Grèce. Nous devons contrer cela par notre programme et en mettant en avant les possibilités illimitées (évidentes même aujourd’hui) qui sont présentes pour autant que la société soit organisée de façon rationnelle et planifiée, c’est-à-dire grâce à l’instauration du socialisme.

    L’insoluble crise de l’Europe

    La crise économique en Europe est la crise la plus sérieuse à laquelle fait face le système capitaliste. Cette crise parait insoluble avec la politique d’austérité qui ne fonctionne clairement pas, l’éclatement de conflits et la mise en garde du FMI contre ‘‘l’austérité excessive’’ appliquée par les gouvernements nationaux en Europe avec la bénédiction des autorités de l’UE et de la Banque Centrale Européenne (BCE). La BCE a d’un côté cherché à implanter, comme l’US Federal Reserve et la Bank of England, une forme de keynesianisme par l’achat d’obligations d’Etat ainsi qu’en accordant des prêts meilleurs marché à certaines banques et pays. Mais de l’autre, ces mêmes autorités (la ‘‘Troïka’’) ont été l’instrument des politiques d’austérité. Pourtant le FMI critique ‘‘l’effet multiplicateur’’ négatif qui s’opère quand une austérité drastique est appliquée (coupes dans les dépenses d’Etat, pertes d’emplois, etc.) car cela réduit les revenus de l’Etat. La BCE et les gouvernements nationaux rétorquent avec l’argument de ‘‘l’absolue nécessité’’ de faire des coupes dans les dépenses d’Etat, accompagnées de toutes les autres mesures d’austérité, de privatisation, etc. Mais en dépit de toutes les attentes, l’austérité a eu pour effet d’éteindre les braises économiques qui subsistaient encore durant la crise.

    Il est vrai que les politiques keynésiennes ont échoué à générer la croissance. Dans la situation actuelle, cela revient à ‘‘pousser un objet avec une corde’’. Cela a conduit les nouveaux keynésiens, comme l’ancien monétariste thatchérien Samuel Brittan, à faire pression pour des mesures plus audacieuses ; il défend ce qui revient à une ‘‘chasse au trésor’’ géante, dans une tentative désespérée de faire bouger l’économie. Il suggère, en plaisantant seulement à moitié, d’enterrer des montagnes de cash, et que les aventuriers qui les découvriraient aillent les dépenser ! Il n’y a pas d’indication que cela se produise, cependant. Les largesses qui ont été distribuées jusqu’ici ont été utilisées pour payer les dettes, pas pour augmenter les dépenses. C’est une indication du désespoir de la classe dominante pour une amélioration, à ce stade. Le keynésianisme a été partiellement essayé et a échoué, mais cela ne signifie pas que, face à une explosion révolutionnaire, les capitalistes ne vont pas recourir à des mesures keynésiennes de grande ampleur. Des concessions peuvent être accordées, et par la suite les capitalistes vont tenter de les reprendre par le biais de l’inflation.

    Même à présent, les autorités européennes tentent d’éviter que la Grèce soit en défaut de paiement en suggérant que plus de temps lui soit donné pour payer. Cela ne va pas empêcher les attaques sauvages contre la classe ouvrière grecque, qui sont appliquées sans état d’âme par l’UE. Cela ne va pas non plus résoudre les problèmes de base de la Grèce, qui vont encore s’accumuler avec la dette colossale. Un défaut de la Grèce est donc toujours probable, ce qui aura d’énormes répercussions dans toute l’Europe, dont en Allemagne, lourdement endettée envers les banques d’autres pays. Il est même possible que l’Allemagne elle-même prenne l’initiative de quitter la zone euro, telle est l’opposition politique intérieure contre la politique de renflouement. Même la proposition de donner à la Grèce plus de temps pour payer ses dettes rencontre une opposition de la part des capitalistes allemands parce que cela signifierait d’effacer une petite partie de leur dette. Il est possible que, en ce qui concerne l’Espagne et certains autres pays, ‘‘la canette soit envoyée plus loin’’. Mais, en fait, la canette va devenir trop grosse pour pouvoir être envoyée au loin ! Par conséquent, une rupture de la zone euro reste en jeu.

    Même les Chinois sont alarmés par la tournure des événements en Europe. Un haut fonctionnaire Chinois, Ji Liqun, assis au sommet d’un fond souverain d’Etat de plus de 350 milliards d’euros, a averti que le public européen est à un ‘‘point de rupture’’. Auparavant, il avait argumenté que les Européens devraient travailler plus, mais il reconnait maintenant que la profondeur de la colère publique pourrait conduire à un ‘‘rejet complet’’ des programmes d’austérité. ‘‘Le fait que le public descende dans les rues et recoure à la violence montre que la tolérance du public en général a atteint ses limites’’, a-t-il commenté. ‘‘Les syndicats sont maintenant impliqués dans des protestations organisées, des manifestations et des grèves. Ca sent les années ‘30.’’ Ses préoccupations inexprimées sont que l’exemple de la classe ouvrière européenne puisse faire des vagues en Chine. Il craint d’autre part pour la sûreté des investissements chinois en Europe.

    La Grèce est la clé de la situation

    En ce moment, l’Europe est la clé de la situation mondiale : c’est là que la lutte des classes est la plus aigüe, c’est là que se trouvent les plus grandes opportunités pour une percée de la gauche et des forces révolutionnaires. Mais s’il en est ainsi, la Grèce est en conséquence la clé de la situation en Europe, suivie de près par l’Espagne et le Portugal dans la chaine des maillons faibles de l’Europe capitaliste. Comme Trotsky le disait de l’Espagne dans les années ‘30, non pas une mais 3 ou 4 révolutions auraient été possibles si les travailleurs grecs avaient une direction prévoyante et un parti de masse à sa tête. Le jour de la dernière grève générale, un programmeur informatique grec a commenté dans le journal britannique The Guardian : ‘‘Personnellement, je suis épaté qu’il n’y ait pas encore eu de révolution.’’ La télévision britannique a aussi commenté que seulement 3% de la population soutient effectivement les mesures d’austérité du gouvernement et de la Troïka. Avec tous les tourments que les Grecs sont forcés d’endurer, à la fin du programme d’austérité actuel, la dette de la Grèce sera encore de 192% du PIB ! En d’autres termes, il n’y a absolument aucune chance que cette dette soit payée. L’austérité sans fin est cependant l’avenir que le capitalisme a décrété pour le peuple grec.

    Toutes les conditions pour la révolution ne sont pas seulement mures, mais pourries. 19 jours de grève générale (parmi lesquelles quatre de 48h et le reste, de 24h) témoignent des réserves colossales d’énergie dont disposent les travailleurs grecs et de leur capacité à résister. Cependant, ils en ont conclu que, malgré une lutte magnifique, la Troïka et les capitalistes grecs n’ont pas encore capitulé. Il est donc nécessaire de se tourner vers le front politique, vers l’idée d’un gouvernement de gauche capable de montrer la voie pour sortir de la crise. Ce processus a trouvé place malgré le fait que les masses soient sceptiques vis-à-vis de Syriza et de sa direction. Des sections significatives des masses sont prêtes à soutenir Syriza, qui reçoit actuellement 30% de soutien dans certains sondages, mais ils ne sont pas prêts à rejoindre ses rangs et à s’engager activement. Il y a une part de cet élément dans beaucoup de pays. La forte déception consécutive à l’échec des partis ouvriers a entraîné un scepticisme extrême envers ceux-ci, même ceux qui sont formellement de gauche. La volonté est bien présente de soutenir les formations et partis de gauche aux élections, mais pas de leur donner du temps et de l’énergie en s’engageant dans leurs rangs et en les construisant. Les travailleurs ont été déçus dans le passé et craignent d’être à nouveau laissés tomber. Bien sûr, cet état d’esprit peut et va être modifié une fois qu’ils auront vu ces partis véritablement accomplir ce qu’ils ont promis. Cependant, au lieu d’aller vers la gauche, les partis de gauche en général – et Syriza en particulier – ont eu tendance à aller vers la droite, en baissant leur programme et en ouvrant même leurs portes à d’ex-dirigeants de la social-démocratie (comme le Pasok en Grèce) qui ont ouvertement joué un rôle de briseurs de grève dans la dernière période.

    Dans les circonstances de la Grèce, les tactiques souples employées par nos camarades grecs – tout en restant fermes sur le programme – répondent aux besoins de cette situation très complexe. Nous devons avoir l’œil non seulement sur les forces de gauche à l’intérieur de Syriza, mais aussi sur les forces importantes qui se situent à l’extérieur et qui, dans certains cas, ont revu leurs positions politiques. Nous ne pouvons pas dire à quel moment le gouvernement actuel va s’effondrer (car il va surement s’effondrer), avec la probable arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche emmené par Syriza. Mais nous devons être préparés à une telle éventualité, dans le but de pousser ce gouvernement vers la gauche, tout en aidant à créer des comités démocratiques populaires qui peuvent en même temps soutenir le gouvernement contre la droite mais aussi faire pression pour la prise de mesures en défense de la classe ouvrière. Il n’est pas impossible qu’une nouvelle force semi-massive significative émerge des tactiques dans lesquelles nous nous sommes à présent engagés.

    Cela implique non seulement une concentration sur les développements dans la gauche et dans les partis des travailleurs mais aussi contre les dangers de l’extrême-droite, et en particulier celui de la montée du parti fasciste Aube Dorée, dont le soutien est récemment monté jusqu’à 14% dans les sondages, mais qui est maintenant descendu autour des 10%. Une des raisons de cette diminution est la formation de comités de masse antifascistes, que nous avons aidé à initier et dans lesquels nous avons attiré des travailleurs, des jeunes et des réfugiés. Ce travail est d’une importance exceptionnelle et pourrait être le modèle pour le genre de situation à laquelle la classe ouvrière peut être confrontée dans beaucoup d’autres pays à l’avenir.

    Si la classe ouvrière et la gauche échouent à mener à bien une révolution socialiste, l’Histoire témoigne qu’ils devront en payer de lourdes conséquences. Les tensions sociales qui existent en Grèce ne peuvent être contenues pour toujours dans le cadre de la ‘‘démocratie’’. Il y a déjà une guerre civile voilée, avec plus de 90% de la population opposée aux ‘‘un pour cent’’ et cela peut exploser en un conflit dans le futur. Quelques éléments d’extrême-droite en Grèce ont discuté de l’idée d’une dictature, mais ce n’est pas immédiatement à l’agenda. Tout mouvement prématuré qui paraitrait imiter le coup d’état militaire de 1967 pourrait provoquer une grève générale totale, comme en Allemagne en 1920 avec le Putsch de Kapp, et entraîner une situation révolutionnaire. De plus, un coup d’Etat ne serait pas acceptable en ce moment pour l’impérialisme, la ‘‘communauté internationale’’, dans cette ère de ‘‘démocratie et de résolution des conflits’’.

    Dans un premier temps, les capitalistes vont plus probablement recourir à une forme de bonapartisme parlementaire, comme le gouvernement Monti en Italie, mais en plus autoritaire. La position économique et sociale risquée de la Grèce va demander un gouvernement plus ferme et plus à droite qu’en Italie, avec le pouvoir de renverser le parlement ‘‘en cas d’urgence’’. Si cela ne fonctionne pas, et qu’une série de gouvernements de caractère similaire est incapable de forcer l’impasse sociale, et si la classe ouvrière, faute d’un parti révolutionnaire conséquent, échoue à prendre le pouvoir, alors les capitalistes grecs pourraient passer à une dictature ouverte.

    Nous devons avertir la classe ouvrière que nous avons encore du temps en Grèce, mais nous devons utiliser ce temps pour préparer une force capable d’accomplir un changement socialiste de société. Le 14 novembre dernier, la réponse dans toute l’Europe a illustré que les luttes de la classe ouvrière sont liées entre elles. Si les travailleurs grecs brisaient les chaines du capitalisme et en appelaient aux travailleurs de l’Europe de l’Ouest, ou au moins aux travailleurs du Sud de l’Europe, il y aurait une énorme réponse pour un appel pour une confédération socialiste – qui impliquerait probablement l’Espagne, le Portugal et peut-être l’Irlande dans un premier temps, sinon l’Italie.

    La Chine à la croisée des chemins

    Comme le montre le fait que la première visite d’Obama après sa victoire électorale était en Asie, l’impérialisme américain a identifié ce continent comme une région-clé (plus importante que l’Europe, par exemple, stratégiquement et économiquement). Il s’agissait en partie de réaffirmer l’enjeu économique de l’impérialisme américain mais aussi à avertir la Chine de l’importance des intérêts stratégiques militaires des USA. Cela paraissait nécessaire à cause de la réaffirmation militaire de la Chine, qui a été révélée récemment dans les clashs de la marine chinoise avec le Japon à propos d’îles inhabitées contestées. Le Japon commence à construire ses forces militaires, seulement pour sa ‘‘défense’’ bien sûr ! Cela signifie que l’Asie va devenir un nouveau dangereux théâtre de conflits militaires, avec la montée du nationalisme et la possibilité de conflits déclarés, où les diverses puissances seront préparées à se confronter les unes aux autres, avec les armes si nécessaire, afin de renforcer leur influence, leur pouvoir et leurs enjeux économiques.

    La Chine est le colosse de l’Asie, la deuxième puissance au monde après les USA. La façon dont elle se développe va avoir un effet énorme, peut-être décisif, sur la région et le monde. Et la Chine est certainement à la croisée des chemins, comme son élite dirigeante le comprend bien. Comme beaucoup de groupes dirigeants dans l’Histoire, elle sent les tensions contradictoires monter d’en bas et est incertaine concernant la façon de les gérer. Les érudits Chinois décrivent la situation actuelle du pays à The Economist comme ‘‘instable à la base, découragée dans les couches moyenne, hors de contrôle en haut.’’ En d’autres termes, en ce moment, les ingrédients pour une révolution fermentent en Chine. Le temps des taux de croissance spectaculaires de l’ordre de 12% est révolu. La Chine est aujourd’hui telle une voiture embourbée dans la neige : les roues tournent mais le véhicule n’avance pas. La croissance s’est probablement contractée entre 5 et 7%. Le régime revendique une certaine ‘‘reprise’’ mais ne s’attend pas au retour d’une croissance à deux chiffres. Cela va automatiquement affecter les perspectives pour l’économie mondiale. Un taux de croissance de plus de 10% n’était possible que par l’injection de ressources, qui est monté jusqu’à 50% du PIB investi dans l’industrie, ce qui est énorme et sans précédent. Cela a en retour généré du mécontentement et du ressentiment contre la croissance des inégalités et la dégradation de l’environnement ainsi que contre l’accaparation illégale des terres collectives par des fonctionnaires avides.

    Cela et les conditions de surexploitations dans les usines ont généré une opposition énorme parmi les masses avec 180.000 manifestations publiques en 2010 (et ce chiffre a augmenté depuis), en comparaison à l’estimation officielle de 40.000 en 2002. Le retrait du ‘‘bol de riz en fer’’ (la sécurité sociale) et les attaques contre la santé et l’éducation ont ajouté au mécontentement. Cela a forcé la direction à réintroduire un minimum de couverture-santé. La direction chinoise est hantée par la gestion de ce volcan et par la voie économique à adopter. Le village de Wukan s’est soulevé il y a un an et a été victorieux après des batailles avec la police pour réclamer des terres qui leur avaient été volées par la bureaucratie locale. Ceci était symptomatique de ce qui se passe sous la surface en Chine : une révolte souterraine qui peut éclater à n’importe quel moment. A cette occasion, les fonctionnaires locaux ont battu en retraite mais d’un autre côté, les manifestants n’ont pas donné suite à leur mouvement. Il semble que cet incident et beaucoup d’autres sont ‘‘de petits soulèvements qui ne cessent de bouillonner à travers toute la Chine.’’ (Financial Times)

    Beaucoup de protagonistes pensent naïvement que si seulement les seigneurs de Pékin connaissaient l’échelle de la corruption, ils interviendraient pour y mettre fin. Quelque chose de similaire se produisait en Russie sous le stalinisme. Au départ, les masses tendaient à absoudre Staline de toute responsabilité dans la corruption, pour laquelle il n’aurait pas été ‘‘au courant’’. Cela était considéré comme étant le crime de la bureaucratie locale et non pas de Staline lui-même. Mais l’arrestation de Bo Xilai et le procès de sa femme ont aidé à dissiper ces illusions dans la Chine actuelle. Il a été accusé d’avoir abusé de sa position pour amasser une fortune, acceptant d’énormes pots-de-vin tout en permettant la promotion de ses amis à de hauts postes. Bo, membre du sommet de l’élite (un prince rouge, fils d’un dirigeant de la révolution chinoise) est accusé de complicité de meurtre, de corruption passive et de corruption à grande échelle. Cela pose naturellement la question de la manière dont il a pu s’en sortir si longtemps.

    En réalité, ce ne sont pas ces crimes (bien qu’ils soient probablement vrais) qui ont conduit à son arrestation et à son procès imminent. Il représentait un certain danger pour l’élite et faisait campagne pour un poste au plus élevé en évoquant, élément très dangereux pour l’élite, certaines expressions radicales du maoïsme associées à la Révolution Culturelle. En faisant cela, il aurait pu inconsciemment libérer des forces qu’il n’aurait pas été capable de contrôler, qui auraient pu aller plus loin et exiger des actions contre les injustices du régime. Qui sait comment cela se serait terminé ?

    Le régime chinois est en crise. Il est assez visiblement divisé sur les prochaines étapes à accomplir (en particulier sur la question économique). Un prince rouge l’a exprimé brutalement au Financial Times : ‘‘La meilleure époque de la Chine est révolue et le système entier a besoin d’être remanié.’’ Les commentateurs bourgeois de journaux comme The Economist, le Financial Times, le New York Times, etc., ont récemment recouru à la terminologie qu’utilise le CIO, en décrivant la Chine comme ‘‘un capitalisme d’Etat’’. Ils n’ajoutent pas la clause que nous y ajoutons, ‘‘un capitalisme d’Etat avec des caractéristiques uniques’’. Cela est nécessaire pour différencier notre analyse de la position rudimentaire du Socialist Workers Party et d’autres, qui décrivent inexactement les économies planifiées du passé de cette façon. Le sens de la marche de la Chine est clair. Par le passé, le secteur capitaliste a augmenté au détriment des entreprises d’Etat. Mais récemment, et en particulier depuis le plan de relance de 2008, il y a eu une certaine recentralisation et le pouvoir économique a tendu à être plus concentré dans le secteur d’Etat, à tel point que maintenant les entreprises d’Etat pèsent maintenant 75% du PIB total. D’un autre côté, selon The Economist : ‘‘Les experts ne s’accordent pas à dire si l’Etat représente la moitié ou un tiers de la production chinoise, mais sont d’accord pour dire que cette part est plus basse qu’elle l’était il y a deux décennies. Depuis des années, depuis la fin des années 1990, les entreprises d’Etat paraissent battre en retraite. Leur nombre a décliné (à environ 114000 en 2010, une centaine d’entre elles étant des champions nationaux contrôlés centralement), et leur part dans l’emploi a chuté. Mais à présent, même alors que le nombre de compagnies privées a augmenté, la retraite de l’Etat a ralenti et, dans certaines industries, s’est inversées.’’

    Il est clair qu’une discussion féroce a lieu derrière les portes fermées de l’élite. Les ‘‘réformateurs’’ sont en faveur d’un programme déterminé de démantèlement du secteur d’Etat pour se tourner de plus en plus vers le ‘‘marché’’. Ils proposent de lever les dernières barrières à l’entrée et l’action du capital étranger. Selon la rumeur, le nouveau ‘‘dirigeant’’ Xi Jinping, malgré la rituelle rhétorique du ‘‘socialisme avec des caractéristiques chinoises’’ soutient ces réformateurs. D’un autre côté, ceux qui ont proposé l’ouverture, dans l’économie mais aussi avec des réformes ‘‘démocratiques’’ limitées, paraissent mis à l’écart. Des études ont été réalisées sur la façon dont d’anciennes dictatures comme la Corée du Sud aurait réussi une ‘‘transition froide vers la démocratie’’. Elles ont eu lieu quand l’expansion économique ne s’était pas épuisée et même alors, il s’agissait d’un contexte de mouvement de masses. La ‘‘transition’’ proposée en Chine prend place au milieu d’une crise économique massive. Il paraitrait que les dirigeants chinois étudient avidement le rôle de Gorbatchev en Russie. Il avait d’abord l’intention de ‘‘réformer’’ le système et a fini par présider son démantèlement. Dans la Chine actuelle, des réformes importantes d’en haut provoqueront une révolution d’en bas. On ne peut pas exclure qu’une période ‘‘démocratie’’ très faible (avec le pouvoir encore aux mains des anciennes forces, comme aujourd’hui en Egypte avec l’armée et les frères musulmans au pouvoir) pourrait se développer après un soulèvement révolutionnaire en Chine. Mais cela ne serait qu’un prélude à l’ouverture des vannes à un des plus grands mouvements de masse dans l’Histoire.

    Conclusions

    En quatre ou cinq ans de crise économique mondiale dévastatrice, nous pouvons conclure qu’il y a des perspectives très favorables pour la croissance du marxisme, avec toutefois certaines réserves compte tenu du fait que la conscience (la vision large de la classe ouvrière) doit encore rejoindre la situation objective, qui peut encore être décrite comme prérévolutionnaire, surtout à l’échelle mondiale.

    Les forces productives n’avancent plus, mais stagnent et déclinent. Cela a été accompagné d’une certaine désintégration sociale de certaines sections de la classe ouvrière et des pauvres. En même temps, de nouvelles couches de la classe ouvrière se créent ainsi que de parties de la classe moyenne (prolétarisées) et sont forcées d’adopter les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière avec les grèves et les organisations syndicales. Le pouvoir potentiel de la classe ouvrière reste intact, même entravé et affaibli par les directions syndicales droitières ainsi que par la social-démocratie et les partis ‘‘communistes’’.

    Le CIO n’a pas encore fait de percée décisive dans un pays ou un continent. Cependant, nous avons maintenu notre position globale en termes de membres et, surtout, nous avons augmenté notre influence dans le mouvement ouvrier. Beaucoup de travailleurs sympathisent et regardent de notre côté, ils peuvent nous rejoindre sur base des événements et de notre militantisme. Nous devons faire face à la situation en formant et préparant nos sympathisants pour le prochaine période tumultueuse, dans laquelle de grande opportunité se présenteront de renforcer les organisations et partis du CIO et l’Internationale dans son ensemble.

  • Égypte : Protestations massives contre la tentative de prise de pouvoir de Morsi. Pour une révolution socialiste !

    De grands mouvements de protestation ont eu lieu pour empêcher le président égyptien Morsi de s’attribuer de nouveaux pouvoirs et d’imposer une constitution islamique. Les manifestants ont notamment scandé ‘‘Le peuple veut la chute du régime’’. De grandes manifestations ont aussi eu lieu en faveur du président. La violence brutale a rappelé les méthodes de l’ancien président Moubarak, des casseurs pro-Morsi s’en prenant à des manifestants pacifiques avec l’appui des forces de l’ordre.

    David Johnson, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    L’ébauche de constitution a été hâtivement rédigée à l’Assemblée Constituante après une réunion de 15 heures. Morsi a appelé à la tenue d’un référendum le 15 décembre pour approuver cette nouvelle constitution. Sa hâte est une réaction face à l’opposition massive qu’a suscitée sa tentative de prise de pouvoir. Il a à présent renoncé à interdire toute opposition légale à son autorité, mais ce n’est que partie remise jusqu’à la promulgation de sa nouvelle constitution. Après une décision de l’assemblée des juges selon laquelle ces derniers ne superviseraient pas le référendum, le Haute Commission Electorale a déclaré que ce référendum se déroulerait en deux étapes, les 15 et 22 décembre.

    L’ébauche de constitution contient de nombreux articles qui menacent toute future opposition. Elle déclare ‘‘qu’aucun individu ne pourra être insulté’’. L’ancien dictateur Moubarak avait utilisé de telles méthodes pour faire taire ses opposants. Les persécutions criminelles pour ‘‘avoir insulté le président’’ ont d’ailleurs augmenté depuis l’arrivée au pouvoir de Morsi. Des journalistes ont notamment été emprisonnés.

    La nouvelle constitution autorise les citoyens à être jugés en cour martiale pour ‘‘crimes contre les forces armées’’. Les intérêts économiques de l’armée et ses pouvoirs restent d’actualité et hors de portée de tout contrôle démocratique, notamment concernant sa capacité d’établir son propre budget. Les travailleurs des entreprises appartenant à l’armée (qui contrôle directement une grande partie de l’économie égyptienne) pourraient être jugés en cour martiale pour faits de grève ou occupation d’entreprise. Cette loi était déjà en vigueur sous la dictature de Moubarak. Le 9 décembre, Morsi a donné à des officiers de l’armée le droit de procéder à des arrestations, limitant d’autant plus les droits acquis de haute lutte durant la révolte du 25 janvier 2011.

    Les droits accordés aux femmes sont vagues et laissés à la libre interprétation. Mais des femmes et des jeunes filles ont déjà été attaquées en public et se sont vu couper les cheveux de force pour avoir refusé de porter le voile en public !

    La police a acquis le droit de ‘‘conserver la morale publique’’, ce qui ouvre la voie à des restrictions des libertés civiles, dont le droit de rassemblement et la liberté d’expression, tout comme en Iran ou en Arabie Saoudite. Les 8 millions de chrétiens se sentent particulièrement menacés par de tels pouvoirs.

    Des attaques contre les travailleurs et les pauvres

    Cette constitution ouvre la voie à d’autres attaques contre les travailleurs et les pauvres. Le gouvernement a également négocié un prêt de 4,8 milliards de dollars avec le Fonds Monétaire International (FMI). En conséquence de l’accord et du budget d’austérité, les subsides sur le butane et l’électricité ont été réduits. Morsi a aussi annoncé des augmentations des taxes sur de nombreux services publics et divers biens de consommation. Quelques heures après cette annonce, il a toutefois décidé de reporter son plan pour avoir un ‘‘dialogue social’’. Une telle indécision suggère de grands clivages et divisions au sein même du gouvernement et du parti des Frères Musulmans. Les Frères Musulmans ont attaqué l’augmentation des taxes et exigé sa suspension. Ils craignent qu’une riposte de la population leur coûte la victoire lors du référendum. Signe d’un approfondissement de la crise politique, le ministre des finances, Mumtaz al-Said, a déclaré le 11 décembre que le prêt du FMI sera postposé à janvier 2013.

    La premier ministre Hisham Qandeel a déclaré que le gouvernement se devait d’améliorer ‘‘l’environnement des affaires (…) faire de l’Égypte une destination idéale pour les investissements directs venant de l’étranger.’’ L’élite riche qui se trouve à la tête des Frères Musulmans vise à profiter de la privatisation de larges pans des industries publiques.

    Tentative d’étranglement des syndicats indépendants

    Le décret n°97 vise à étrangler les syndicats indépendants qui émergent. Un seul syndicat sera toléré dans une entreprise, ce qui empêche de nouveaux syndicats indépendants de défier la Fédération Syndicale Égyptienne (FSE).

    Les membres exécutifs de la FSE de plus de 60 ans (la majorité) vont être remplacés par de nouveaux membres impsés par le ministre du travail (qui est membre des Frères Musulmans). Avant le 25 janvier 2011, 22 des 24 membres de la FSE étaient membres du Parti National Démocratique de Moubarak. Les Frères Musulmans comptent simplement remplacer les bras droits de Moubarak par les leurs.

    De nombreux partis d’opposition ont constitué le Front du Salut National, emmené par l’ancien dirigeant de la Commission de l’Énergie Atomique des Nations Unies Mohamed El-Baradei, l’ancien candidat aux présidentielles Amr Moussa (également ex-ministre de Moubarak), et Hamdeen Sabbahi, un nassériste de droite.

    Tout en protestant aux côtés du FSN et des autres opposants contre la tentative de prise de pouvoir de Morsi et contre sa constitution antidémocratique, les véritables socialistes doivent garder leur identité propre. Les programme et les précédentes actions d’El-Baradei, Moussa et des autres politiciens capitalistes ne peuvent ne sont en aucun cas une source d’inspiration pour ceux qui luttent contre les partis islamistes. Seule une opposition de classe est de nature à provoquer une rupture entre les masses et l’Islam politique.

    Les véritables socialistes doivent clairement se différencier des libéraux et des nationalistes bourgeois. Morsi manipule les craintes des adeptes des Frères Musulmans en leur faisant croire que l’opposition complote son accession au pouvoir à l’aide des forces pro-Moubarak. La gauche doit répondre aux accusations du régime de Morsi, selon qui les groupes de jeunes révolutionnaires sont des reliques du régime de Moubarak et manifestent aux côtés de hautes figures militaire, judiciaires et de la sécurité, du personnel de Parti National Démocratique et des membres du monde des affaires devenus riches sous Moubarak.

    Les travailleurs ont besoin de leur propre parti, basé sur des syndicats indépendants. Un programme socialiste de changement révolutionnaire de la société peut rassembler les travailleurs, les pauvres et les jeunes. Une constitution socialiste inclurait de véritables droits démocratiques pour tous, ainsi que la disparition de la pauvreté, de l’analphabétisme et du manque de logements, un enseignement et des soins de santé gratuits et de qualité, des pensions pour les personnes âgées et les handicapés, un salaire minimum décent,… Ce sont là des droits fondamentaux qui ne seront pas accordés par des politiciens capitalistes, qu’ils soient islamistes de droite ou membre d’antiques partis libéraux.

  • Les dirigeants israéliens sèment carnage et terreur pour servir leurs propres intérêts

    ‘‘Nul pays au monde ne tolérerait que des missiles pleuvent sur ses citoyens de par delà les frontières’’, a déclaré Obama, en soutien à Israël pour le bombardement de Gaza, des paroles qui déformaient délibérément la réalité qui est que la bande de Gaza est sous l’occupation brutale du régime israélien.

    La situation est pire encore que ce que le mot ‘‘occupation’’ laisse présager. Gaza n’a absolument aucun contrôle sur ses frontières ou sur son commerce extérieur. Le territoire tout entier a été condamné à une pauvreté terrible suite à son blocage par l’armée et la flotte israélienne depuis six ans maintenant. La bande de Gaza a été victime d’incursions militaires régulières, de meurtres, d’agressions et d’emprisonnements arbitraires.

    Dans le reste des territoires palestiniens occupés (essentiellement la Cisjordanie), le gouvernement israélien a poursuivi une politique de destruction des maisons et des vergers palestiniens afin de faire de la place pour les colons juifs et pour l’infrastructure d’État israélienne ainsi que pour empêcher la création d’un État palestinien.

    Alors qu’ont estime que les milices palestiniennes à Gaza représentent 35.000 personnes équipés d’armes et de missiles de contrebande, Israël possède une armée de 175.000 soldats, avec 45.000 autres en réserve, avec une aviation, des hélicoptères, des drones, des tanks, et d’autres armes et bombes hypersophistiquées. Israël possède également des intercepteurs de missile ‘‘Iron Dome’’ qui identifient et détruisent en plein vol la plupart des missiles palestiniens.

    Nous ne voulons pas fermer les yeux sur les attaques portées contre Israël. Elles causent parfois la mort de victimes innocentes, et en blessent d’autres. Certaines attaques ont presque atteint les zones de Tel Aviv et de Jérusalem, et elles ne servent en rien la cause palestinienne. Mais utiliser ces attaques pour justifier le massacre d’envergure contre les habitants de Gaza à l’aide d’armes high-tech est une tentative de cacher les véritables intentions des dirigeants israéliens et celles de leurs amis des classes dirigeantes du monde entier.

    Le cessez-le-feu

    L’opération ‘‘Pilier de défense’’ a semé la mort et la terreur à Gaza. Elle a mobilisé plus de troupes que l’opération ‘‘Plomb durci’’ de 2008-2009. Le ministre des affaires étrangère Avigdor Lieverman a expliqué que ‘‘cette fois’’, l’invasion terrestre devrait être menée ‘‘jusqu’au bout’’, contrairement à la dernière fois. Les puissances mondiales et régionales ont toutefois fait pression pour l’instauration d’un cessez-le-feu afin d’éviter une invasion terrestre. Obama s’est juste contenté de dire qu’il serait ‘‘préférable’’ d’éviter une invasion terrestre. Mais la décision du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’accepter un cessez-le-feu n’est pas venue des suites des pressions internationales, mais d’un sondage israélien qui indique que même si 80% de la population approuve les bombardements, seuls 30% d’entre elle cautionnerait une invasion.

    Le gouvernement déclare qu’il est de son devoir de stopper les attaques de missiles de Gaza. C’était aussi le but déclaré du massacre de 2008-2009, mais cela a échoué, et cette offensive est vouée au même sort. Nulle démonstration de force n’empêchera les habitants de Gaza de résister à l’occupation et à lutter pour rendre leurs vies plus tolérables. En plus de l’échec de la brutalité militaire, si les choses se poursuivent ainsi, les victimes en Israël vont se faire plus nombreuses, ce qui conduira à une remise en question et à une opposition à la guerre au sein même d’Israël.

    De plus, la colère et la condamnation du massacre de la part de la population de tout le Moyen-Orient et à travers le monde va croître en parallèle avec le nombre de victimes en Palestine. Certains stratèges occidentaux craignent qu’une conséquence au désir des dirigeants israélien de détruire le Hamas soit le soutien indirect à d’autres milices palestiniennes, comme la Jihad Islamique, le partenaire favori du régime iranien à Gaza.

    En réalité, bien que le Hamas lance de manière périodique des missiles sur Israël, et continue de le faire actuellement, il a à plusieurs reprises tenté d’imposer un cessez-le-feu à ses propres milices et à d’autres, afin de consolider son contrôle de la bande de Gaza en négociant avec Israël une certaine relâche de la répression et de la privation.

    Peurs et objectifs de Netanyahu

    Peu après la chute de missiles israéliens le 14 novembre, qui a tué le dirigeant militaire du Hamas Ahmed Jabari lors des premiers assauts, un accord de cessez-le-feu avait été conclu par Jabari. Mais Netanyahu et sa clique avaient d’autres plans en tête. Cela ne veut pas dire que la stratégie de Netanyahu est soutenue par toute la haute société israélienne, car il y a eu de nombreux avertissements du contraire et des dissensions ouvertes. Efraim Halevy, ancien dirigeant de l’agence d’information du Mossad, s’est ainsi distancé des attaques et a écrit : ‘‘Il est impératif qu’Israël contribue a un plan décidé par l’Egypte et soutenu par les Etats-Unis pour la région’’.

    Mais Netanyahu a depuis longtemps préparé la voie à une possible attaque militaire contre l’Iran et est maintenant délibérément passé à la vitesse supérieure dans le conflit national. De la pure folie, menée avec au cœur la volonté de servir intérêts de l’impitoyable classe capitaliste. Cette dernière craint que le Hamas aient de nouveaux alliés dans la région suite à la victoire des islamistes en Egypte et en Tunisie, et au soutien croissant de la Turquie. Il y a quelques semaines l’émir du Qatar avait aussi visité Gaza et y a investi 400 millions de dollars, ce qui a renforcé la position du Hamas. L’élite du Qatar tente de développer sa propre influence régionale, notamment en profitant de la détresse des Palestiniens. Cela a été encouragé par le dirigeant du Hamas, Khaled Meshaal, qui s’est soustrait à l’aide du régime d’Assad en Syrie où il était basé, afin de s’installer à Doha, au Qatar.

    Le président égyptien Mohamed Morsi, des frères musulmans, ne veut pas faire ouvertement affronter l’élite égyptienne et veut garder le soutien des Etats-Unis et de l’Union Européenne et donc éviter tout conflit avec Israël. Il a donc collaboré avec des agences de sécurité israéliennes au blocage de Gaza et du Sinaï. Mais la population égyptienne en colère fait pression sur lui pour soutenir Gaza. Les dirigeants israéliens sont très inquiets à propos d’autres évènements dans la région, particulièrement concernant la Syrie et ses répercussions au Liban.

    Il y a également eu des grèves, des manifestations et des émeutes contre le régime jordanien, un autre voisin d’Israël. Les capitalistes israéliens ne veulent pas que cette rébellion et les précédents soulèvements dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord n’inspirent les palestiniens des territoires occupés, ou ceux d’Israël, à se battre massivement aux côtés de la classe ouvrière israélienne. De plus, la réélection d’Obama n’a pas été de bon augure pour Netanyahu, qui ne veut pas se voir forcé d’entamer un processus de paix avec les Palestiniens. Il y a encore la tentative d’adhésion à l’ONU de la part de l’Autorité Palestinienne.

    Mais la véritable raison du timing de cette attaque réside dans la tenue des prochaines élections en janvier, si elles ne sont pas reportées. Les deux partis de droite menés par Netanyahu et Lieberman veulent accroître leur nombre de sièges à la Knesset (le parlement). Ces deux partis ont donc joint leurs forces, mais des sondages après l’attaque sur Gaza n’ont pas révélé le soutien auquel ils s’attendaient. Cette attaque leur est toutefois bénéfique dans la mesure où elle distrait les Israéliens en leur faisant penser à autres choses qu’aux coupes budgétaires et à la diminution de leurs conditions de vie. De plus, elle donne une impression de consolidation de la Défense. La population d’Israël est sujette à une propagande massive de la part du régime, qui développe qu’il s’agit de la seule manière d’améliorer la sûreté du pays. Mais une minorité importante se rend bien compte que l’armée ne garantit pas sa sécurité, et une partie de cette minorité participe à des manifestations anti-guerre au sein même de l’Etat d’Israël.

    Des organisations pour les travailleurs

    Le cessez-le-feu, même s’il est un soulagement, ne répond pas aux aspirations des Palestiniens, pas plus que toute autre négociation de paix. Les dirigeants capitalistes des deux côtés de la frontière n’ont aucun programme allant dans cette direction, ni aucune solution pour mettre fin aux bains de sang.

    Pour les Palestiniens, ni le Hamas, une organisation islamique de droite, ni la direction du Fatah en Cisjordanie n’ont une stratégie viable pour mettre fin à l’occupation ou fournir des conditions de vie décentes. Au lieu de cela, les masses palestiniennes ont besoin de construire leurs propres organisations démocratiques pour organiser la défense et prendre des mesures offensives basées sur la lutte de masse, contre le blocus et la privation de terres.

    En Israël, suite au mouvement social sans précédent ayant impliqué des centaines de milliers de personnes en 2011, il faut un nouveau parti des travailleurs pour concrétiser les attentes du mouvement – des services, salaires et logements décents, etc.

    C’est par la construction de nouveaux partis de masse des travailleurs dans la région que les capitalistes pourront être jetés dehors, et que des idées socialistes pourront prendre racine. Telle est la route vers la construction de deux États socialistes : une Palestine socialiste et un Israël socialiste en tant que partie d’une confédération socialiste de Moyen-Orient, pour jeter les bases d’un futur libéré de la guerre, de la terreur et de la pauvreté.

  • Syrie : Le massacre de Houla augmente la crainte d’une véritable guerre civile

    Le meurtre de 108 personnes près de la ville syrienne de Houla a interpelé et choqué dans le monde entier. Le meurtre de 49 enfants, dont beaucoup ont été tués à bout portant, est particulièrement odieux. Les tensions sectaires alimentées par cet acte barbare font planer la terrible menace d’un glissement vers un conflit plus large et d’une véritable guerre civile. Comme toujours, les travailleurs et les pauvres en souffriront le plus. En lutte contre le régime brutal de Bachar El Assad, la classe ouvrière doit s’opposer au sectarisme et à l’intervention impérialiste

    Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière

    Depuis 15 mois maintenant, des manifestations massives ont lieu dans beaucoup d’endroits de Syrie contre le règne dictatorial de la famille Assad, qui dure depuis plus de 40 ans. A l’origine, ces protestations se sont déroulées dans le cadre des révolutions au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Mais en l’absence d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière dirigeant la lutte et avec de plus en plus d’intervention dans la région de la part de régimes réactionnaires tels que ceux du Qatar et d’Arabie Saoudite ainsi que l’ingérence impérialiste, le conflit syrien a de plus en plus adopté un caractère de guerre civile teinté de sectarisme.

    Les puissances occidentales, en particulier les USA, la Grande Bretagne et la France, ont été rapides à condamner les atrocités de Houla. Elles ont fait reporter tout le poids de la faute sur le régime syrien du président Bachar el-Assad, qui décline de son côté toute responsabilité. Il est certain que beaucoup de témoins et de survivants accusent les forces armées syriennes et les gangs de Shabiha (qui peut se traduire par ‘‘bandits’’), qui massacrent et enlèvent régulièrement les opposants. Les investigateurs de l’ONU ont dit qu’il y a des indices que les Shabiha aient accompli au moins une partie de la tuerie des 25 et 26 mai.

    Les accusations des puissances impérialistes sont toutefois profondément hypocrites et écœurantes. Des centaines de milliers de civils ont perdu la vie en Irak comme en Afghanistan du fait de l’invasion occidentale et de l’occupation. Dans le cadre de leur quête de pouvoir, d’influence et de contrôle des ressources, des attaques aériennes impérialistes de drones ont quotidiennement lieu au Pakistan, en Somalie et au Yémen. Le lendemain du massacre de Houla, une attaque de l’OTAN dans l’est de l’Afghanistan a déchiqueté les 8 membres d’une famille.

    Les puissances occidentales justifient l’utilisation de la force militaire en déclarant attaquer des cibles ‘‘terroristes’’, ce qui est une rhétorique similaire à celle de la dictature de Bachar el-Assad. Dans les deux cas, ces attaques au hasard, approuvées par l’Etat, équivalent à des exécutions sommaires et à de potentiels crimes de guerre.

    Environ 15.000 personnes sont mortes en Syrie, majoritairement des mains de l’armée Syrienne et des forces pro-Assad, depuis l’insurrection de mars 2011. Mais sous le mandat d’Obama, plus de 500 civils ont été tués par des attaques aériennes dans le seul Pakistan, dont 175 enfants.<p

    A couteaux tirés

    Les USA, appuyant l’opposition syrienne, et la Russie, soutenant le régime d’Assad, sont de plus en plus à couteaux tirés à mesure qu’empire la situation du pays. Cela se traduit par des conflits au Conseil de Sécurité des Nations Unies sur la manière de traiter la dossier syrien.

    La Russie et la Chine ont voté contre les résolutions anti-Assad soutenues par les USA, la Grande Bretagne et la France. Malgré cette rhétorique, les positions des USA et de la Russie n’ont rien à voir avec la situation critique du peuple Syrien. Elles sont liées aux intérêts de leurs classes dominantes respectives et à celles de leurs plus proches alliés.

    Les USA, la Grande Bretagne et la France ont clairement affirmé qu’ils veulent la fin du régime d’Assad. Depuis longtemps, ils le considèrent comme un obstacle à leurs intérêts impérialistes dans la région. Ils veulent à sa place un gouvernement docile et pro-occidental. Suite aux révolutions de l’année dernière qui ont renversé deux alliés cruciaux de l’occident dans la région – Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte – les puissances impérialistes sont déterminées à s’assurer que la révolte populaire en Syrie ne dépasse pas des barrières de ‘‘l’acceptables’’ (c’est-à-dire vers une position d’indépendance de classe) et qu’elle reste à l’avantage des impérialistes.

    Les USA instrumentalisent l’échec du ‘‘plan de paix’’ de Kofi Annan (émissaire conjoint de l’Organisation des Nations unies et la Ligue arabe sur la crise en Syrie ) pour menacer d’entrer en action ‘‘en dehors du plan Annan’’ et de l’autorité du Conseil de Sécurité des Nations Unies, avec le soutien des plus proches alliés dans le conflit Syrien ; la Grande Bretagne et la France. Cela rappelle l’infâme coalition militaire menée par George Bush et Tony Blair qui a envahi l’Irak en toute illégalité.

    D’un autre côté, la Russie considère le régime d’Assad comme un allié crucial dans la région, un allié qui lui offre un accès à un port de Méditerranée. Le ministre russe des affaires étrangères a ainsi indiqué qu’il pourrait être préparé à mettre en œuvre ce qu’il appelle la ‘‘solution Yéménite’’, c’est-à-dire qu’Assad soit renversé alors que la plupart de la structure de son régime resterait en place. Cette solution est calquée sur un plan de la Ligue Arabe au Yémen, où le président Ali Abdullah Saleh a perdu le pouvoir en février 2012, après des mois de manifestations massives.

    Le Kremlin est cependant fermement opposé à toute intervention militaire occidentale, en particulier après l’expérience amère du conflit libyen l’an dernier. La Russie soutenait une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU basée sur la constitution d’une zone d’exclusion aérienne, une ‘‘no-fly-zone’’. Mais les puissances occidentales ont utilisé cette résolution pour permettre une intervention armée de l’OTAN en Lybie, déviant la révolution de sa trajectoire, renversant le régime du Colonel Kadhafi et, selon leurs propres termes, installant un régime pro-occidental.

    L’OTAN

    Bachar el-Assad ne semble pas prêt de perdre le pouvoir ou d’être placé devant le risque imminent d’un coup d’Etat. Alors que la Syrie est frappée par des sanctions économiques, une part significatrice de la population dont beaucoup d’hommes d’affaires sunnites, n’ont pas encore catégoriquement rompu leurs liens avec le régime. Damas parie aussi sur le fait que l’Ouest serait incapable de mener une intervention militaire directe du type libyen.

    Le ministre des affaire étrangères britannique, William Hague, a récemment menacé qu’aucune option ne puisse être écartée dans le traitement de Bachar el-Assad, laissant entendre la possibilité d’une action militaire occidentale. Mais l’attaque de l’OTAN contre la Lybie l’an dernier ne peut pas tout simplement être répétée en Syrie, un pays qui possède une population beaucoup plus élevée et dont les forces d’Etat sont, selon les experts militaires, plus puissantes, mieux entrainées et mieux équipées.

    Assad a à sa disposition une armée de 250.000 personnes, en plus de 300.000 réservistes actifs. L’an dernier, l’OTAN a été capable d’envoyer des milliers de missions aériennes et de missiles sur la Lybie sans rencontrer de réelle résistance. Mais la Syrie possède plus de 80 avions de chasse, 240 batteries anti-aériennes et plus de 4000 missiles sol-air dans leur système de défense aérien. Les stratèges militaires occidentaux admettent qu’une invasion du pays demanderait un effort monumental. Leurs troupes seraient irréductiblement embourbées dans de larges zones urbaines hostiles.

    Quant aux diverses propositions visant à aider la population et à affaiblir le régime Syrien sans offensive militaire directe (‘‘corridor humanitaire’’, ‘‘zone d’exclusion aérienne’’,…), elles exigent tout de même des opérations militaires offensives.

    Chaque ère protégée devraient très certainement être sécurisés avec des troupes au sol, qu’il faudrait ensuite défendre contre des attaques, ce qui exigerait l’envoi de forces aériennes. Les stratèges britanniques de la défense admettent qu’une action militaire quelconque contre la Syrie ‘‘conduirait presqu’inévitablement à une guerre civile encore plus aigüe et sanglante.’’

    De plus, la composition complexe de la Syrie (une majorité sunnite avec des minorités chrétienne, alaouite, druze, chiite, kurde et autres) entraîne le risque de voir l’intervention militaire occidentale déclencher une véritable explosion dans la région, sur bases de divisions ethniques et sectaires.

    Même sans une intervention occidentale directe, la Syrie continue de glisser vers une guerre civile ‘‘à la libanaise’’. L’implication directe des régimes locaux de droite et des puissances mondiales qui soutiennent soit l’opposition, soit le régime, encourage cela.

    Les puissances sunnites réactionnaires de la région, avec à leur tête l’Arabie Saoudite et le Qatar, utilisent la crise syrienne pour appuyer leur position contre les régimes chiites. Avec le soutien des USA et d’Israël, les régimes sunnites s’opposent à l’Iran, le plus important allié de la Syrie dans la région.

    Il apparait que la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Qatar et les autres Etats du Golfe, chacun suivant son plan, acheminent des fonds et des armes à l’opposition Syrienne, avec le soutien tacite des USA. Une base de passage à la frontière existe même depuis la Turquie. Les forces d’opposition armée disent avoir tué 80 soldats syriens le weekend du début du mois de juin. En même temps, un commandant en chef des Gardiens de la Révolution en Iran a récemment admis que les forces iraniennes opèrent dans le pays pour soutenir Assad.

    Patrick Cockburn, le journaliste vétéran du Moyen-Orient, a écrit que les rebelles armés ‘‘pourraient probablement commencer une campagne de bombardement et d’assassinats sélectifs sur Damas’’ (Independent, dimanche 03/06/12). Le régime d’Assad riposterait en ayant recours à des ‘‘sanctions collectives’’ encore plus sauvages. Damas serait ‘‘ victime de la même sorte de haine, de peur et de destruction qui ont ébranlé Beyrouth, Bagdad et Belfast au cours de ces 50 dernières années.’’

    Le sectarisme s’approfondit. La minorité chrétienne craint de subir le même sort que les chrétiens d’Irak, ‘‘ethniquement purgés’’ après l’invasion américaine de 2003. Le régime d’Assad exploite et alimente cette peur pour se garder une base de soutien dans la minorité chrétienne, ainsi que chez les Alaouites, les Druzes et les Kurdes. Les USA, la Grande Bretagne, la France et l’Arabie Saoudite et leurs alliés sunnites dans la région ont utilisé sans scrupules la carte du sectarisme pour défendre un changement de régime à Damas et pour leur campagne contre l’Iran et ses alliés. Tout cela a des conséquences potentiellement très dangereuses pour les peuples des Etats frontaliers et dans toute la région.

    Le conflit Syrien s’est déjà déployé au Liban frontalier, où le régime d’Assad a le soutien du Hezbollah, qui fait partie de la coalition gouvernementale. Le conflit entre les sunnites et les alaouites pro-Assad dans la ville de Tripoli au Nord du Liban a fait 15 morts en un weekend. Ces dernières semaines, le conflit s’est dangereusement exporté à Beyrouth, faisant craindre la ré-irruption d’un conflit sectaire généralisé au Liban.

    La classe ouvrière de Syrie et de la région doit fermement rejeter toute forme de sectarisme et toute intervention ou interférence impérialiste.

    Intervention

    L’insurrection de mars 2011 en Syrie a commencé par un mouvement authentiquement populaire contre la police d’Etat d’Assad, l’érosion des aides sociales, les degrés élevés de pauvreté et de chômages et le règne de l’élite riche et corrompue.

    En l’absence d’un mouvement ouvrier fort et unifié avec un programme de classe indépendant, les courageuses manifestations massives semblent avoir été occultées et dépassées par des groupes d’oppositions armés et hargneux. Alors que beaucoup de Syriens restent engagés pour un changement révolutionnaire et résistent à la provocation sectaire, de plus en plus de dirigeants de ces forces sont influencés par les régimes réactionnaires de la région et par l’impérialisme.

    Les combattants islamistes de la province irakienne d’Anbar, de Lybie et d’ailleurs ont rejoint l’opposition armée libyenne. Une attaque à la voiture piégée à Damas qui a tué un nombre de personnes record en mai dernier est largement reproché aux combattants de l’opposition liés à Al-Qaeda.

    Le Conseil National Syrien (CNS), un groupe d’opposition exilé, demande une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies autorisant l’usage de la force contre Assad, ce qui paverait la voie à une intervention armée, à l’instar de la Lybie.

    Alors qu’une grande partie du peuple libyen est dans une situation désespérée et que certains peuvent sincèrement espérer une intervention militaire extérieure, les évènements en Lybie illustrent que l’implication de l’OTAN ne conduit ni à la paix, ni à la stabilité. Le nombre de morts a connu une percée après que l’OTAN ait commencé ses attaques aériennes sur la Lybie, se multipliant par 10 ou 15 selon les estimations. Le pays, ruiné par la guerre, est maintenant dominé par des centaines de milices en concurrence qui dirigeants des fiefs.

    Environ 150 personnes sont mortes dans un conflit tribal dans le sud de la Lybie en mars, et le weekend dernier, une milice a temporairement pris le contrôle du principal aéroport du pays. La supposée administration centrale du pays (le Conseil National de Transition, non-élu et imposé par l’Occident) a sa propre milice, le Conseil Suprême de Sécurité, fort de 70.000 hommes. Les dirigeants de l’opposition bourgeoise et pro-impérialiste en Syrie cherchent sans doute à être mis au pouvoir d’une manière similaire par le pouvoir militaire occidental.

    Révolutions

    Cependant, la menace d’une intervention impérialiste en Syrie et l’implication de plus en plus forte des régimes réactionnaires Saoudiens et Qataris n’ont aucune raison de soutenir le régime d’Assad. Pour les socialistes, l’alternative a été clairement montrée lors des révolutions de l’année dernière en Tunisie et en Egypte, ainsi qu’aux débuts de la révolte syrienne en 2011.

    Elles ont illustré que c’est le mouvement massif et unifié des la classe ouvrière et des jeunes qui est capable de renverser les despotes et leurs régimes pour engager la lutte pour un changement réel aux niveaux politique et social. La reprise du mouvement révolutionnaire en Egypte, suite à l’issue injuste du procès de Moubarak et de ses sbires, souligne que ce n’est que par un approfondissement de l’action de masse du fait de la classe ouvrière et des jeunes qu’il peut y avoir un véritable changement.

    Les travailleurs de Syrie, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse, ont le droit de se défendre eux-mêmes contre la machine d’Etat d’Assad et contre toutes les milices sectaires. Les véritables socialistes, basés sur les traditions du marxisme révolutionnaire, appellent à la constitution immédiate de comités de défense indépendants, démocratiquement élus et contrôlés par les travailleurs, pour défendre les manifestations, les quartiers et les lieux de travail.

    Cela doit être lié à une nouvelle initiative de la classe ouvrière en Syrie, construisant des comités d’action dans toutes les communautés et les lieux de travail, en tant que base pour un mouvement indépendant des travailleurs.

    L’une de ses tâches serait d’enquêter indépendamment sur les responsables de la tuerie de Houla et de tous les autres massacres et assassinats sectaires. Cela montrerait aussi le rôle du régime d’Assad et de ses milices, ainsi que celui des puissances voisines et impérialistes.

    Comme partout, les Nations Unies sont incapables, à cause de leur asservissement aux principales puissances mondiales, d’empêcher les atrocités contre les civils ou de résoudre les conflits armés dans l’intérêt de la classe ouvrière.

    Suite au massacre de Houla, les grèves de ‘‘deuil’’ ont éclaté dans certains endroits de la Syrie. Les manifestations contre Assad continuent dans certaines villes, dont à Damas. Il est crucial que de telles manifestations prennent un caractère anti-sectaire et pro-classe ouvrière. Un mouvement de la classe ouvrière en Syrie développerait les manifestations de travailleurs, les occupations de lieux de travail et les grèves, dont des grèves générales, pour rompre avec le sectarisme et lutter pour le renversement du régime d’Assad. Un appel de classe aux soldats pauvres du rang à s’organiser contre leurs généraux, à se syndiquer et à rejoindre les manifestants, pourrait diviser les forces d’Etat meurtrières et les neutraliser.

    Les travailleurs syriens de toutes religions et ethnies ont besoin d’un parti qui leur est propre, avec une politique socialiste indépendante. Un tel parti avec un soutien massif peut résister avec succès au sectarisme et aux politiques empoisonnées du diviser pour mieux régner d’Assad, des régimes sunnites et chiites de la région et de l’impérialisme hypocrite.

    Un programme socialiste – appelant à un contrôle et une gestion démocratiques de l’économie par les travailleurs pour transformer les conditions de vie, créer des emplois avec des salaires décents et une éducation, la santé et les logements gratuits et de qualités – inspirerait les travailleurs et les jeunes à rejoindre le camp de la révolution.

    Sous un drapeau authentiquement socialiste, en opposition aux forces prétendument ‘‘socialistes’’ qui soutiennent le régime dictatorial de Bachar el-Assad, la révolte populaire contre le régime syrien appellerait les travailleurs de la région à étendre la révolution.

    En liant ensemble les mouvements révolutionnaires qui ont lieu en Syrie, en Tunisie, en Egypte et ailleurs en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, sur base d’un programme d’orientation socialiste, où les secteurs clés de l’économie seraient aux mains des masses, la classe ouvrière pourrait dégager les tyrans et porter de puissants coups au capitalisme pourri et à l’ingérence impérialiste. Cela pourrait se transformer en une lutte pour une confédération socialiste volontaire et équitable du Moyen-Orient, dans laquelle les droits de toutes les minorités seraient garantis.

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette rubrique de socialisme.be vous propose des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprendra donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.

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    A noter dans votre agenda

    • Sa 9 juin. Bruxelles. Manifestation contre Acta et les autres tentatives de brider la liberté d’internet. 14h Gare Centrale.
    • Sa. 9 juin. Anvers. 14h Groenplaats. Action de solidarité avec le peuple grec
    • Me. 13 juin. Bruxelles. 18h, à la Bourse, action de solidarité avec le peuple grec
    • Di. 17 juin. Anvers. Manifestation contre le tracé du BAM
    • Me. 20 juin. Bruxelles. Meeting organisé par Alternatives à Bruxelles & Reprenons nos Communes avec Paul Murphy (député européen membre du Socialist Party en Irlande), Tony Mulhearn (TUSC, Angleterre), Charlotte Balavoine (Front de Gauche, France), Marisa Matias (eurodéputée du Bloc de Gauche au Portugal), Anja Deschoemacker (Reprenons nos communes), Stephen Bouquin (ROOD!) et un représentant de Syriza (Grèce). 19h30 au Garcia Lorca, Rue Volders 47/49, 1000 Bruxelles (métro Anneessens)
    • Jeu. 21 juin. Anvers. Meeting de Rood!: "Notre ville n’est pas à vendre". Avec Tony Mulhearn, président de la section du parti travailliste à Liverpool en 1980-86, quand la ville a mené une politique réellement socialiste, Erik De Bruyn et un orateur de Syriza.
    • Ve. 22 juin – Di. 24 juin. Floreffe. Week-end de formation du PSL (sections du Hainaut, de Namur et de Liège)
    • Sa. 23 juin. Gand. Fête de ROOD! avec Tony Mulhearn, un orateur de Syriza, Erik De Bruyn (ROOD!) et Bart Vandersteene (tête de liste de ROOD! à Gand)
    • Sa 30 juin. Anvers. BBQ rouge et Cantus rouge !
    • 7-13 juillet. Gand Ecole d’été internationale du CIO
    • Ve. 20 juillet. Keerbergen. Meeting sur la défense de l’environnement et la politique énergétique
    • Sa. 4 août. Keerbergen, “BBQ électoral”
    • Sa.-Di.11-12 août. Anvers. Week-end de formation marxiste
    • 7-9 décembre : Congrès national du PSL

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    Le PSL et les élections communales

    La campagne pour les élections communales commence peu à peu. Le PSL sera présent dans plusieurs villes, et défendra la nécessité d’un front de gauche militant et ouvert, avec un programme réellement socialiste.

    Nos campagnes centrales sont celles de Saint-Gilles (à Bruxelles) et de Gand. A Saint-Gilles, nous participons aux élections avec des listes unitaires Gauches Communes soutenues par le PSL, le Parti Humaniste et le Comité pour une Autre Politique. La liste sera emmenée par notre camarade Anja Deschoemacker. Ces derniers mois, tous les habitants de la commune ont reçu deux tracts, et un nouveau tract de précampagne sera à nouveau distribué durant l’été. A Gand, nous participerons à la liste Rood! (Rouge !) tirée par notre camarade Bart Vandersteene. La locale gantoise de Rood! a notamment activement milité ces derniers temps contre la dégradation des transports en commun et pour augmenter le nombre de places dans les crèches publiques.

    En plus de Gand et de Saint Gilles, nous mènerons également campagne à Anvers, où une dizaine de nos camarades figure sur la liste de Rood, ainsi qu’à Charleroi, où une forme de ‘‘Front de Gauche’’ se constitue en partenariat avec des militants du Parti Communiste, entre autres. Dans ces deux cas, nous jouons un rôle de soutien actif pour des listes tirées par d’autres.

    A La Louvière et à Liège, des discussions se poursuivent concernant une éventuelle participation à des initiatives unitaires. Enfin, certaines sections locales se préparent à mener campagne pour des listes PSL, ce sera le cas à Termonde et à Keerbergen.

    Le PSL livrera également une importante contribution financière aux campagnes auxquelles il participe, en plus de la production de notre matériel propre. Lors de notre week-end de discussion et de formation Socialisme 2012, un premier appel financier a été lancé avec l’objectif de réunir 5000 euros avant l’été. Nous en sommes déjà à 6400 !

    Néanmoins, nous allons évidemment avoir besoin de ressources supplémentaires. Nos moyens financiers ne proviennent pas de subsides ou de riches mécènes, nous recherchons une solidarité financière de notre périphérie et lors de nos campagnes en rue. Vous qui êtes lecteur de ce journal, peut-être désirez-vous également participer à cet effort? N’hésitez pas à effectuer un don sur le numéro de compte 001-2260393- 78 du PSL/LSP avec pour mention ‘‘fonds électoral’’.


    In Memoriam. Darakhshan (Mehry Ali Malayeri)

    Communiqué aux militants de gauche d’origine iranienne

    Une figure clé du mouvement de défense des droits des femmes et du communisme iranien est décédée ce 26 mai 2012. Azar Darakhshan était membre du Parti communiste d’Iran (MLM) et figurait parmi les fondateurs de l’organisation des femmes du 8 Mars (Iran – Afghanistan). Elle nous a quitté le 26 mai 2012 à 3 heures du matin à l’hôpital "Jean Jaurès”, à Paris, après une longue lutte contre la maladie. Azar est décédé à l’âge de 52 ans après une vie consacrée à la lutte pour l’égalité et la justice sociale en Iran et à travers le monde, particulièrement en ce qui concerne l’émancipation des femmes. Elle a notamment consacré beaucoup d’énergie à combattre les prétendues ”féministes islamistes” et leur théorie du relativisme culturel. Azar avait participé à plusieurs manifestations devant les ambassades d’Iran et des Etats-Unis à Bruxelles, actions où le PSL était également présent. Azar a eu une vie bien remplie en tant que militante dévouée pour un monde meilleur pour les opprimés de tous les pays. Azar n’est plus, mais ses écrits et ses nombreuses et précieuses contributions au débat politique restent et nous accompagnent alors que nous poursuivons la lutte pour la justice sociale.


    Edition de juin de ‘Lutte Socialiste’

    Votre mensuel préféré sortira demain de chez l’imprimeur. Ce mois-ci, une attention particulière est consacrée à la Grèce et à la crise de la zone euro, le dossier central y est notamment consacré. Nous avons aussi divers articles concernant la situation politique dans notre pays et la nécessité de disposer d’un relais politique pour les travailleurs et leurs familles. Nous abordons entre autres les campagnes que nous allons mener vers les élections communales d’octobre, la nécessité de la construction d’un front de gauche, la politique que à laquelle nous devons nous attendre à être confrontés à l’avenir, les conséquences d’un nouveau crash de Dexia,…

    Aperçu du contenu:

    1. NON à la dictature des marchés. Solidarité avec les travaillerus grecs!
    2. Organiser la lutte à chaque niveau de pouvoir || Des listes rouges à Gand et Anvers
    3. Les représentants les plus prévoyants de la bourgeoisie veulent une politique d’austérité moins sévère pour éviter la révolte – mais, eux aussi, envoient la facture aux 99% || Nous avons besoin d’un relais politique
    4. Elections sociales. Les syndicats ne sont plus représentatifs? Réponse de la base.
    5. Bas les pattes de l’index! || Enseignement: accord prévisible entre les syndicats et le gouvernement flamand || SNCB : atteinte au droit de grève
    6. Anvers : Le mouvement contre le tracé BAM n’est pas fini ! || ANGELA DAVIS nommée docteur honoris causa de l’ULB || Droit d’asile : Maggie De Block revient sur une expulsion grâce aux protestations
    7. Le ciel n’est pas plus clair au-dessus de Dexia. Qui payera le crash ?
    8. La crise de l’eurozone devient plus profonde. Révolution et contre-révolution en Grèce.
    9. La crise de l’eurozone devient plus profonde. Révolution et contre-révolution en Grèce .
    10. Traité européen et dictature des marchés
    11. Elections en Grande-Bretagne : les partis au pouvoir boivent la tasse || Kazakhstan: La répression ne fait pas taire l’opposition
    12. Acta est mort, vive Cispa?
    13. Nouvelles du parti
    14. The Dictator. Quand la fiction devient réalité || Les jeunes libéraux ne reconnaissent pas la liberté de critiquer le libéralisme… || Protestations de masse au Québec
    15. Bruxelles : l’état désastreux de l’enseignement || Mélenchon vs Le Pen: le problème c’est le banquier, pas l’immigré !
    16. Syriza, front de gauche : Nous aussi nous avons besoin de notre expression politique !
  • Iran : Libérez Reza Shahabi, le syndicaliste emprisonné !

    Le dirigeant syndical des chauffeurs d’autobus de Téhéran condamné à 6 ans de prison

    Reza Shahabi a été arrêté par le régime iranien en Juin 2010 en raison de ses activités à la tête du «Syndicat des travailleurs de Téhéran et de la Compagnie des Autobus de banlieue», Sherkat-e Vahed. En dépit de son état de santé précaire, Reza Shahabi est détenu dans des conditions ignobles dans la sinistrement célèbre prison d’Evin.

    Selon les tout derniers rapports, un «tribunal révolutionnaire islamique" condamne Reza Shahabi à six ans d’emprisonnement ainsi qu’à une interdiction de toute activité, interdiction qui ne serait levée qu’après une période de cinq années. Le dirigeant syndical est accusé d’ « activités propagandistes menées à l’encontre du système » et de « conspiration contre la sécurité nationale avec intention de passer à l’acte ». Il a également été condamné à rendre l’argent qu’il avait collecté auprès des travailleurs en vue de le redistribuer entre les familles de travailleurs emprisonnés.

    Il faut voir dans cette sanction punitive qui a frappé Reza Shahabi, (membre du conseil et trésorier du syndicat des chauffeurs de bus), une nouvelle tentative d’intimidation orchestrée par le régime de Téhéran dans le but de décourager les travailleurs qui chercheraient à se défendre contre les réductions de salaires, les salaires impayés et les conditions de travail déplorables. Il s’agit bel et bien d’annihiler via la peur tout projet d’organisation qui permettrait aux ouvriers de se battre pour la défense de leurs droits. .

    Malgré la gravité de ces attaques menées contre lui, Reza Shahabi a fait preuve d’une résistance courageuse et a entrepris plusieurs grèves de la faim afin de dénoncer l’injustice de son incarcération ainsi que les conditions de vie déplorables qui lui sont imposées.

    Le CIO demande :

    • La libération immédiate de Reza Shahabi ainsi que de tous les autres syndicalistes emprisonnés en Iran
    • La libération de tous les prisonniers politiques, la cessation de la torture et la suppression de la peine de mort.
    • L’arrêt des attaques menées par le gouvernement à l’encontre des conditions de vie des travailleurs, ! Le droit pour les travailleurs de s’organiser, de partir en grêve, de défendre leur train de vie et leurs conditions de travail.
    • Le droit de former des partis politiques et des organisations de travailleurs indépendantes

    Envoyez vos messages de protestation à:

    • Le Guide suprême, Sayyid Ali Khamenei : info@leader.ir
    • Mahmoud Ahmadinejad, président de l’Iran : dr-ahmadinejad@president.ir
    • Merci d’ envoyer vos copies à : solidarity@socialistworld.net
  • Révolution et contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen Orient : leçons des premières vagues de mouvements révolutionnaires

    Le Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) s’est réuni du 17 au 22 janvier 2011 en Belgique, avec plus de 33 pays représentés, d’Europe, Asie, Amérique Latine et Afrique. Daniel Waldron fait dans ce texte un rapport de la session consacrée aux mouvements révolutionnaires en Afrique du nord et au Moyen-Orient.

    Daniel Waldron, Socialist Party (CIO Irlande)

    L’onde de choc des mouvements révolutionnaires qui ont commencé en Tunisie en janvier 2011 s’est répercutée dans toute l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et à travers le monde. Cette vague de soulèvements a conduit au renversement de dictateurs dont certains dirigeaient leur État depuis des décennies, et a atteint presque tous les pays de la région. Les travailleurs et les jeunes du monde entier ont été inspirés par l’héroïsme et la détermination des masses et se sont identifiés à leur mouvement, du Wisconsin (aux Etats-Unis) au Nigéria. Un an après, le mouvement surnommé "Printemps Arabe" connaît une nouvelle phase.

    Cela a constitué la trame de l’excellente discussion, introduite par Niall Mulholland et conclue par Robert Bechert du Secrétariat International, que nous avons eu au Comité Exécutif International du Comité pour une Internationale Ouvrière. On a pu voir parmi les contributeurs des camarades de pays d’Afrique du Nord et Moyen-Orient, et également des camarades du CIO qui se sont rendus en Egypte au moment des événements révolutionnaires en 2011.

    Les représentants du capitalisme ont été pris de court par les mouvements révolutionnaires en Tunisie et en Égypte. Quelques mois à peine avant son renversement, le journal The Economist saluait encore Moubarak pour avoir apporté la "stabilité" dans la région. En d’autres termes, pour avoir agi en tant qu’agent fiable de l’impérialisme. Alors que Ben Ali avait déjà été renversé en Tunisie et que les masses égyptiennes avaient commencé leur révolte, ce torchon du capitalisme international clamait toujours qu’il ne tomberait pas. Mais il est bel et bien tombé. Les forces de l’impérialisme occidental n’étaient pas préparées et furent abasourdies alors que leurs alliés furent renversés, ne sachant rien faire d’autre que d’exprimer leur "soutien" tardif aux révoltes tout en essayant désespérément de garder le contrôle.

    Le CIO n’a toutefois pas été surpris par les évènements bouleversants qui ont balayé la région. Dans les documents que nous avions adoptés suite à notre Congrès Mondial de décembre 2010, nous mettions en lumière la possibilité de mouvements convulsifs en Afrique du Nord et au Moyen Orient ; la région était telle une boîte d’allumettes, prête à s’embraser.

    Ben Ali – le premier domino d’une longue rangée

    Nous avions insisté sur le fait que sa population particulièrement jeune et appauvrie, opprimée par des régimes autoritaires incapables de leur offrir un meilleur avenir, pourrait être le déclencheur d’explosions sociales dans ce contexte de crise mondiale du capitalisme. Ces soulèvements n’ont pas été provoqués uniquement par une colère contre les dictatures ; ils étaient aussi le reflet du fait que les masses n’acceptaient plus l’existence misérable que le capitalisme est la seule à pouvoir leur apporter. Le dirigeant tunisien Ben Ali, représentant féru du capitalisme néolibéral, fut le premier de la liste à ressentir la force des mouvements de masse et à tomber.

    Ben Ali s’est fait dégager 28 jours après le suicide tragique par immolation du jeune vendeur de rue Mohamed Bouazizi. Le dictateur a rapidement été suivi par son ancien premier ministre, Ghannouchi. Une semaine plus tard, le règne trentenaire de Hosni Moubarak en Egypte s’est lui aussi effondré. Alors que les images des manifestations sauvagement attaquées par la police d’Etat encore fidèle à l’ancien régime étaient diffusées autour du monde, on aurait pu croire que le renversement de ces dictatures était en fait un processus assez simple et linéaire : les masses prenaient la rue et refusaient de la lâcher tant que leurs revendications contre la dictature ne seraient pas satisfaites. L’occupation de la place Tahrir au Caire, par exemple, est devenue un véritable symbole et a directement inspiré les mouvements Démocratie Réelle ou Occupy.

    Les manifestations massives et les occupations ont évidemment joué un rôle clé ; mais le facteur décisif dans le succès des révolutions égyptienne et tunisienne a été l’implication de la classe ouvrière organisée. Malgré le fait que les dirigeants de la confédération syndicale UGTT étaient fortement incorporés au régime de Ben Ali, un degré important d’action indépendante et d’opposition à la dictature existait localement et nationalement. La classe ouvrière égyptienne, la plus nombreuse de la région, a une vraie tradition de mouvements puissants et indépendants.

    Dans ces deux pays, des comités de travailleurs ont émergé dans les lieux de travail et les usines. Cette méthode d’auto-organisation s’est étendue aux places, aux villes et aux villages, donnant une cohésion au mouvement et lui apportant tant une base organisationnelle qu’une capacité à répondre efficacement aux attaques du régime. Par exemple, lorsque des gros bras pro-Moubarak armés ont essayé de reprendre la place Tahrir début février 2011, cela a déclenché une grève générale dans tout le pays, paralysant le régime, renforçant le mouvement, et qui a rapidement mené au départ de Moubarak.

    A l’inverse de l’Egypte et de la Tunisie, l’absence de mouvements massifs de la classe ouvrière a été une faiblesse des soulèvements révolutionnaires dans les autres pays ; et a notamment amené à des affrontements avec le régime qui se sont révélés beaucoup plus longs, compliqués et sanglants. En Libye, le mouvement contre le régime de Mouammar Kadhafi a commencé dans la ville de Benghazi. Au début, il avait l’allure d’un soulèvement populaire. Des comités du peuple émergeaient dans la ville. Pourtant, l’absence d’organisations indépendantes des travailleurs (torpillées par le régime brutal de Kadhafi) ont affaibli la capacité du mouvement à surmonter les profondes divisions ethniques et tribales existant dans le pays. Même si la révolte s’est étendue à Misrata et à d’autres villes, elle est restée relativement isolée et divisée.

    Le rôle de l’impérialisme en Libye

    Les forces de l’impérialisme se sont vite regroupées et ont utilisé le blocage de la révolution libyenne comme moyen pour intervenir afin de s’assurer qu’elle se développerait sans menace pour leurs intérêts dans la région. Kadhafi avait été inclus dans les petits papiers des pouvoirs occidentaux, en échange d’un accès aux ressources en pétrole du pays, mais l’impérialisme pouvait bien voir que sa capacité à apporter la "stabilité" à la région était à l’agonie. Ils s’unirent alors pour promouvoir une opposition pro capitaliste autour de Benghazi, comprenant de récents détracteurs du régime, sous la forme du Conseil National de Transition.

    Alors que les masses à Benghazi, dans la phase initiale de la révolution, étaient clairement opposées à une intervention impérialiste, le CNT a supplié les forces occidentales d’intervenir. Leurs médias, notamment par la voix d’Al Jazeera (messager du régime qatari pro impérialiste), ont mené une campagne de propagande pour exagérer la menace posée pas l’armée de Kadhafi et augmenter la popularité de l’intervention occidentale.

    Le CIO n’a pas succombé à la pression, comme tous les marxistes auraient dû l’analyser, mais a justement expliqué que l’impérialisme ne pouvait pas jouer de rôle progressiste dans la situation. Leur seul but était d’installer un régime clientéliste suffisamment fiable pour ne pas apporter une quelconque liberté ou améliorer le quotidien des masses libyennes. Seul un mouvement massif des travailleurs et des pauvres libyens pouvait apporter un véritable changement.

    Et ce que nous avions dit s’est révélé être juste. La campagne de bombardement qu’a mené l’OTAN a freiné le mouvement. Pire encore, de nombreux éléments de guerre civile se sont développés ; avec des caractéristiques raciales et tribales. Des atrocités ont été commises, tant d’un côté que de l’autre. Kadhafi a été destitué, au bonheur de beaucoup. Mais il a été remplacé par un « gouvernement » du CNT non représentatif. Les tensions ethniques dans le pays se sont aggravées, notamment avec l’émergence de milices tribales. Il se pourrait qu’on assiste à une partition sanglante du pays autour de conflits sur les ressources naturelles, à moins qu’une alternative basée sur les intérêts communs des travailleurs et des masses pauvres soit construite.

    La Syrie

    De manière similaire en Syrie, le mouvement contre le régime d’Assad a été freiné par l’absence d’organisations unifiées de la classe ouvrière et des pauvres. Non content de réprimer brutalement le mouvement (on reporte plus de 5000 tués par les forces de l’Etat et un usage répandu de la torture), Assad a invoqué des chimères de bain de sang sectaire pour décourager les minorités alawites et chrétiennes de s’engager dans le soulèvement.

    L’impérialisme occidental et les élites sunnites qu’ils sponsorisent dans la région aimeraient assister à la destitution d’Assad ; car cela affaiblirait l’influence et le pouvoir du régime Iranien. Cela a notamment été reflété dans l’appel fait à Assad pour qu’il se retire de la Ligue Arabe (d’habitude impuissante), mais aussi dans les sanctions économiques qui ont été prises et qui auraient coûté au régime deux milliards de dollar, selon les estimations. Comme en Égypte, une opposition pro-occidentale est en train d’être préparée pour prendre le pouvoir ; en l’occurrence sous la forme du Conseil National Syrien. Toutefois, le déclenchement de conflits sectaires une fois Assad tombé pourrait avoir de sérieuses conséquences pour les intérêts de l’impérialisme dans la région, et une forme de compromis avec Assad n’est pas à exclure.

    Les derniers mouvements des masses tunisienne et égyptienne les ont vues revenir sur la scène de l’Histoire dans une tentative de changer fondamentalement la société. Les emblèmes des dicatures qu’étaient Ben Ali et Moubarak, ainsi que tellement d’autres de leurs alliés, ont été balayés. Cependant, même si les anciens régimes ont été ébranlés jusque dans leurs fondements, ils n’ont pas encore été détruits. Les vieilles élites qui soutenaient ces régimes restent intactes dans leur large majorité, malgré la détermination des masses.

    En Tunisie, l’élite a offert Ben Ali et par la suite Ghannouchi en sacrifice pour pacifier les mouvements révolutionnaires et les empêcher de menacer la position même de la classe capitaliste. En Égypte, les dirigeants de l’armée, un des piliers de l’Etat, ont été incapables d’étouffer la révolte ; et sont de fait intervenus pour prendre le pouvoir « au nom du peuple ». Parmi de larges couches des masses révolutionnaires, il n’y avait que peu de confiance dans les intentions des élites et un véritable désir d’aller vers un changement complet de la société. Mais en l’absence d’un parti de masse de la classe ouvrière avec un programme clair pour une transformation révolutionnaire de la société, l’énergie des masses épuisées a été dissipée, et les classes dirigeantes furent en capacité de regagner un certain degré de contrôle.

    Malheureusement, la vague révolutionnaire n’a trouvé que des forces défaillantes dans la gauche socialiste. Les maoïstes de l’UGTT, dont l’influence est considérable, ont adopté une approche dite étapiste, clamant qu’un capitalisme libre et une démocratie bourgeoise devaient être développés avant que des revendications pour la classe ouvrière et le socialisme soient mises en avant. Ce qui ne correspondait en rien à l’attitude des travailleurs tunisiens, dont les revendications portaient sur de meilleurs salaires et conditions de travail, la nationalisation de l’énergie ; ainsi que des éléments de contrôle ouvrier. Plutôt que d’appeler à une coordination des conseils des travailleurs et des pauvres pour former la base d’un gouvernement révolutionnaire, les maoïstes ont filé le train à l’opposition libérale.

    La gauche en Égypte

    En Égypte, une majeure partie de la gauche se traînait aussi derrière le mouvement. Ils tendaient à suivre la direction imposée pas les Frères Musulmans et d’autres forces d’opposition pro capitaliste, dont certains dirigeants appelaient à la formation d’un « gouvernement de salut national » au lieu d’un gouvernement révolutionnaire qui représenterait les intérêts des masses. Mais les dirigeants des Frères Musulmans se sont continuellement dirigés contre la gauche.

    Les élections parlementaires dans les deux pays ont vu la victoire de forces religieuses de droite (Ennahda en Tunisie et les Frères Musulmans en Égypte). Le parti salafiste Al Nour en Égypte a aussi gagné des voix. Ce n’était en rien une issue inévitable. Au moins au début, Ennahda et les Frères Musulmans se sont tenus à l’écart des mouvements. Il y un an, Ennahda ne pesait que 4% dans les sondages et leurs slogans religieux ne rencontraient pas d’écho parmi les masses. La montée de ces forces reflète le vide politique énorme qui existe, et qui pourrait potentiellement être rempli par un parti de la classe ouvrière doté d’un programme pour un changement socialiste.

    Alors que les médias occidentaux agitaient le spectre de la menace de l’« Islam politique » pendant les soulèvements révolutionnaires, il est clair que ces forces ne représentent pas une menace mortelle face aux intérêts de l’impérialisme. D’ailleurs les deux partis ont adopté des positions pro-occidentales. Le régime qatari a joué un rôle direct dans la sélection du gouvernent Ennahda. Les Frères Musulmans ont annoncé qu’ils voulaient modeler la « nouvelle » Égypte comme le régime pro-capitaliste de l’AKP en Turquie.

    L’élection de ces gouvernements ne mettra pas fin au processus révolutionnaire engagé en Afrique du Nord. Au contraire, il est clair qu’on assiste à un renouveau des luttes de la classe ouvrière et des pauvres. La souffrance quotidienne des masses n’a fait que s’approfondir depuis la chute des dictateurs ; le coût de la vie et le chômage ayant augmenté. Les travailleurs et les jeunes n’accepteront pas calmement que la vie continue ainsi, dans la pauvreté, même avec de nouveaux dirigeants. Le sentiment que la révolution a été « volée », qu’il en faudrait une deuxième ou une troisième, grandit.

    La tentative de l’élite militaire égyptienne de contrôler les élections et la nouvelle Constitution afin qu’elle leur soit favorable a provoqué de gigantesques conflits avec les travailleurs et jeunes révolutionnaires. Malgré une répression massive avec des milliers d’arrestations, ils furent forcés de faire des concessions. Après les élections, il y a eu encore plus de conflits avec le régime pendant l’anniversaire de la révolte. Les illusions qui existaient dans le caractère « pro-populaire » des dirigeants de l’armée ont volé en éclats chez de plus en plus d’Egyptiens. L’organisation indépendante de la classe ouvrière et les actions dans les usines se développent.

    L’élection du nouveau gouvernement tunisien a été suivie de manifestations massives pour de meilleures conditions de vie. Une grève générale se prépare dans une importante région minière, où des éléments de pouvoir ouvrier existent aujourd’hui. Les travailleurs continuent de se battre obstinément pour des améliorations concrètes et immédiates dans la santé, l’éducation et toute une série d’autres domaines ; et ce malgré la forte désapprobation des dirigeants de l’UGTT.

    Le rapport de forces régional

    La vague révolutionnaire a terrorisé le régime d’Israël, menaçant de déstabiliser le rapport de forces régional, déjà fragile. Le mouvement des masses égyptiennes en particulier a posé la possibilité de développer des liens de solidarité avec le peuple palestinien – malgré l’approche conciliante des Frères Musulmans et de l’armée envers Israël. Netanyahou a tenté de soulever les questions nationalistes et la peur des masses arabes parmi la population juive pour essayer de dompter l’agitation qui régnait en Israël et de préparer la population à la possibilité d’excursions militaires pour défendre l’élite nationale. Mais en vain.

    Le mouvement des tentes qui a balayé Israël pendant l’été était une preuve remarquable de la capacité qu’ont les mouvements révolutionnaires à dépasser les divisions ethniques, religieuses, sectaires et nationales. Le mouvement a englobé une énorme proportion de la population et beaucoup de ceux qui se sont retrouvés directement impliqués ont naturellement connecté leur lutte avec celle des masses à travers la région. Alors que les dirigeants n’apportaient ni objectifs clairs ni stratégie, le mouvement exprimait le rage que les travailleurs et les jeunes juifs ressentent par rapport à la minuscule élite corrompue qui dirige le pays. Dans des endroits comme Haifa, le mouvement a eu beaucoup de soutien de la part des Palestiniens. Ceci montre la possibilité de construire un mouvement unifié des travailleurs à travers la région et de trouver une solution socialiste et démocratique à la question nationale.

    L’expérience de la première vague de mouvements révolutionnaires a augmenté la conscience politique des travailleurs et des jeunes en Égypte et en Tunisie et peut paver la route pour de nouveaux soulèvements. Cela donnerait une nouvelle vigueur aux mouvements en Syrie, au Yémen, en Iran et dans toute la région. De plus en plus de personnes tireront la conclusion que pour avoir un futur décent et une vraie démocratie, la classe ouvrière et les masses pauvres doivent prendre le pouvoir en leurs propres mains, rompre avec l’impérialisme et briser le système capitaliste lui-même. Si l’immense richesse et toutes les ressources de la région étaient reprises des mains des élites corrompues et parasitaires et planifiées démocratiquement par les travailleurs et les pauvres, les conditions de vie des masses pourrait être rapidement transformées.

    La construction de partis de travailleurs qui unifieraient les masses pauvres autour d’un programme pour un changement socialiste et révolutionnaire de la société est une nécessité urgente. Les forces du CIO et les marxistes dans la région travaillent à cet objectif ; et peuvent croître pendant la prochaine période de défis auxquels la classe ouvrière et les jeunes se trouveront confrontés.

  • Iran : exacerbation des tensions, sanctions et exercices militaires

    L’impérialisme américain et / ou Israël préparent-ils une attaque militaire contre l’Iran ? Comment la dictature islamiste à Téhéran va-t-elle riposter ? Ces questions sont à nouveaux parvenues sur le devant de la scène, avec les nouvelles sanctions annoncées par les Etats-Unis et les exercices effectués par la marine iranienne.

    Par Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)

    Tant le régime iranien que la Maison Blanche ont des raisons internes qui justifient cette escalade dans la guerre des mots. La profonde crainte du régime iranien face à des protestations de masses – à l’instar de celles qui avaient suivi les ‘‘élections’’ de 2009 – a été renforcée par les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient. De nouvelles ‘‘élections’’ antidémocratiques se tiendront en mars prochain, dans un contexte de crise économique de plus en plus aigu. Le régime tente de mettre uniquement l’accent sur la responsabilité de l’impérialisme américain, qui a maintenu un blocus long de plus de 30 ans contre l’Iran. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama trouve bien pratique de pouvoir dévier l’attention de l’opinion vers l’étranger après le mécontentement grandissant qui s’est exprimé dans le pays durant l’année 2011, notamment avec le mouvement Occupy. En outre, le président est sous la pression des Républicains pour être plus dur concernant les affaires étrangères, en particulier à l’égard de l’Iran.

    Tout acte guerrier contre l’Iran aurait des conséquences désastreuses. La région est l’une des plus militarisées au monde. Les Etats-Unis ont leur Cinquième Flotte stationnée au Bahreïn et tous les pays du golfe Persique ont participé à la course régionale aux armements qui a marqué ces dernières années. Une attaque contre l’Iran ferait face à une opposition de masse au Moyen-Orient, notamment bien entendu de la part d’organisations soutenues par l’Iran comme le Hamas et le Hezbollah.

    Les rumeurs et les inquiétudes à ce sujet ont déjà fait bondir les prix du pétrole de 6% durant la première semaine de janvier. Un conflit militaire qui risquerait d’affecter les exportations de pétrole du golfe Persique pourrait menacer l’économie mondiale tout entière. 40% des exportations mondiales de pétrole passent par l’étroit détroit d’Ormuz.

    L’évènement qui a déclenché ces dernières évolutions est le rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique de novembre qui, une fois encore, laisse supposer que l’Iran est secrètement en train de préparer une production d’armes nucléaires. Depuis 10 ans, les installations nucléaires iraniennes conduisent à des crises et à de nombreuses spéculations concernant son arsenal militaire. Le projet nucléaire iranien est devenu public en 2002, mais l’enrichissement d’uranium a été suspendu, pour reprendre un peu plus tard lorsqu’Ahmadinejad est devenu président, en 2005.

    L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et le Conseil de sécurité des Nations Unies ont depuis lors lancé différents ultimatums au régime de Téhéran et ont adopté quatre séries de sanctions. Téhéran a toujours maintenu que l’enrichissement d’uranium était uniquement orienté vers la production d’énergie atomique et également à des fins médicales. Mais Ahmadinejad n’a jamais perdu une occasion de vanter la capacité de l’Iran à produire du combustible nucléaire avec l’aide de leur 8000 centrifugeuses. L’AIEA et même la Maison Blanche, depuis l’accession d’Obama au pouvoir, admettent que l’Iran n’est toujours pas capable de produire des armes nucléaires, mais ils avertissent que le risque a augmenté. Le traitement de l’uranium a été, pendant longtemps, un enrichissement de 3,5%, mais il a augmenté à près de 20% en 2010 (l’uranium nécessaire à la production d’armes nucléaires nécessite un enrichissement de 90%).

    Les sanctions ont jusqu’à présent eu un effet sur l’économie iranienne, mais n’ont par contre eu aucun impact sur les projets nourris par le régime concernant l’enrichissement d’uranium. Depuis qu’Israël a ouvert la possibilité d’une attaque militaire contre l’Iran, la pression s’est accrue sur Obama. Les Etats-Unis et Israël mènent aussi une guerre d’espionnage, avec notamment le meurtre de scientifiques, contre le programme nucléaire iranien. Le soir du réveillon de Nouvel An, Obama a lancé de nouvelles sanctions contre l’Iran, plus sévères encore que les précédentes.

    Ces nouvelles sanctions visent directement les recettes pétrolières du régime, le secteur pétrolier représentant 60% de l’économie iranienne. L’objectif de ces sanctions est de stopper toute affaire avec la Banque Centrale Iranienne, la banque qui est en charge du commerce extérieur et du commerce de devises. Le blocus précédent était limité aux échanges avec les États-Unis, mais maintenant les entreprises et gouvernements européens sont également obligés d’arrêter de commercer avec l’Iran. Cela implique l’extraction de pétrole, mais aussi son raffinage et bien entendu son exportation hors de l’Iran.

    Sous pression, l’Union Européenne a en principe accepté l’embargo pétrolier. Mais les pays de l’UE comptent sur le pétrole iranien, particulièrement dans le sud de l’Europe. Les pays européens importent 450.000 barils de pétrole iranien par jour (pour une exportation totale de 2,6 millions de barils par jour). Même la Grèce a été pressée de ne pas protester contre le blocus à venir.

    Les nouvelles sanctions d’Obama vont prendre effet d’ici six mois, mais il est encore possible que le président annule cette décision ou la reporte avant qu’elle ne prenne effet, surtout si les prix du pétrole continuent de monter. Le régime iranien a répondu qu’il lui est facile de remplacer les consommateurs qui lui tournent le dos. Le régime place de grands espoirs dans la Chine, qui est déjà actuellement le plus gros importateur de pétrole iranien, et l’Inde.

    L’Iran est confronté à une crise économique sévère, avec une forte inflation et un taux de chômage grandissant. La monnaie nationale a perdu 40% de sa valeur face au dollar entre décembre et début janvier. Parallèlement, la menace de nouvelles manifestations de masse et de grèves a augmenté. Cela explique la rhétorique de guerre en provenance de Téhéran, destinée à dévier l’attention des problèmes internes. ‘‘Pas une goutte de pétrole ne va passer le détroit d’Ormuz’’ si les sanctions sont appliquées, a ainsi déclaré le vice-président Mohammad Reza Rahimi.

    Lors d’un exercice naval de 10 jours, l’Iran a testé deux nouveaux missiles à longue portée, Ghadr et Nour, avec une portée de plus de 200 kilomètres. Mais le pays avait testé des missiles Sejil-2 il y a quelques temps, dont la portée est dix fois plus longue.

    Durant cet exercice, les commandants iraniens ont averti que le porte-avions américain USS John C. Stennis, basé au Bahreïn, ne pouvait pas passer devant les navires de guerre iraniens, ce qui s’est toutefois bel et bien produit sans déclencher d’incident. Washington a répondu qu’un blocage du détroit d’Ormuz "ne serait pas toléré’’, en faisant référence à la défense des intérêts stratégiques américains. Même au cours de la guerre entre l’Iran et l’Irak, de 1980 à 1988, le détroit a toujours été ouvert aux navires pétroliers. Le pétrole iranien en route vers la Chine et d’autres pays passe également par ce passage.

    L’Iran a également annoncé que l’enrichissement d’uranium se déroule aussi à Fordo, en dehors de la ville sainte de Qom, en plus des équipements déjà disponibles à Natanz. Cette nouvelle usine disposerait d’une protection spéciale contre les frappes aériennes.

    Une éventuelle guerre contre l’Iran serait plus susceptible de prendre la forme de frappes aériennes et non pas d’une invasion terrestre. Israël a signalé qu’une attaque militaire contre l’Iran n’est pas à exclure. Le Ministre de la Défense Ehud Barak a récemment déclaré que ‘‘l’Iran pourrait atteindre un stade, dans les neuf mois, où rien ne pourra être fait pour stopper ses capacités à construire des armes nucléaires’’ a rapporté le quotidien Daily News. Les Etats-Unis ont publiquement critiqué et mis en garde les projets israéliens. Une attaque d’Israël, plus encore qu’une attaque des Etats-Unis, déclencherait immédiatement d’énormes manifestations au Moyen-Orient et dans le monde.

    Le risque d’une guerre ou de conflits a augmenté, et un tel cas de figure n’est pas du tout à exclure. Mais il est toutefois fort probable que de nouvelles tentatives de négociations auront lieu avant que ces menaces ne sont concrétisées.

    Les marxistes en Iran, aux Etats-Unis et dans le monde doivent lutter contre tout acte de guerre des États-Unis et / ou d’Israël contre l’Iran. Washington et Jérusalem agissent à seule fin de protéger leur pouvoir, leur influence et leurs profits, et non pas par souci du bien-être du peuple iranien. Les conséquences d’une intervention militaire impérialiste peuvent être aujourd’hui observées en Irak. Cependant, cette opposition à la guerre ne signifie en aucun cas de soutenir le régime dictatorial iranien. Pour garantir la paix et l’obtention des droits démocratiques pour les travailleurs et les pauvres du pays, ce régime doit être renversé par les travailleurs, les jeunes et tous les opprimés d’Iran. Aux Etats-Unis, la résistance contre cette guerre doit aussi s’attaquer aux profiteurs, à Wall Street et aux politiciens corrompus par le Grand Capital. En définitive, lutter de façon conséquente contre la guerre signifie de lutter pour une démocratie des travailleurs, contre le capitalisme et l’impérialisme.

  • Syrie : Huit mois de protestation de masses font face à une brutalité sanglante

    Les assauts à la grenade, lancés par des déserteurs de l’armée syrienne sur le QG du parti au pouvoir de Baath à Damas, et quelques jours plus tôt sur le centre de renseignements de l’armée de l’air, marquent une nouvelle étape dans la rébellion syrienne. Ils indiquent le début d’une contre-attaque armée, après huit mois de manifestations antigouvernementales pacifiques entravées par la brutalité des forces armées syriennes.

    Judy Beishon, (CIO-Angleterre et pays de Galles)

    La contrebande d’armes a augmenté drastiquement le long des frontières de la Syrie, particulièrement celles jouxtant l’Irak et le Liban. Bien que les déserteurs soient en minorité face au reste des forces du régime, un groupe de volontaires organise comme il le peut ”l’armée libre de Syrie”. Certains d’entre eux ont déclaré ne pas rencontrer d’opposition de la part des troupes du régime, qui leur ont même offert de l’aide. (Guardian 19.11.11).

    La plupart des bains de sang perpétrés dans le pays par la police gouvernementale et les forces armées visent les protestataires qui, inspirés par le processus révolutionnaire au Moyen Orient et en Afrique du Nord, réclament à corps et à cri l’abolition du régime autoritaire et répressif. Les estimations du nombre de victimes varient entre 3500 selon les Nations Unies, et des chiffres beaucoup plus élevés. Un rapport indique que 5000 civils ont été tués rien que dans la ville de Homs, la troisième de pays en terme de superficie.

    Homs est maintenant sous ”occupation” militaire constante, et 150 personnes ont été abattues ce mois-ci. Mais malgré le risque énorme qu’engendre le fait de protester, les courageuses manifestations anti-gouvernement dans les banlieues continuent, non sans danger pour le mouvement d’opposition: la brutalité et les provocations des forces de sécurité de l’état ont créé des clivages dans certaines zones du pays, particulièrement à Homs, entre les membres d’ethnies et de religions différentes dans la population.

    Les médias du monde entiers spéculent actuellement sur la naissance d’un sanglant conflit sectaire. Bien qu’un tel scénario puisse se vérifier si les masses syriennes n’entament pas la création de leurs propres organisations démocratiques et non-sectaires, la pierre angulaire de la situation actuelle est le large mouvement contestataire quasi omniprésent contre le régime, rassemblant aussi bien les travailleurs que les pauvres provenant de nombreuses couches minoritaires de la société, ainsi qu’une grande majorité de la population sunnite.

    Un mouvement mené par une classe ouvrière unie détient le potentiel nécessaire pour mettre fin aux divisions, en organisant des corps de défense non sectaires à la base de la population et en adoptant un programme qui pourrait mener à un ”changement de régime” qui profiterait à la majorité de la population plutôt qu’à la classe capitalise syrienne et à l’impérialisme étranger.

    La Ligue Arabe

    Les institutions régionales et mondiales craignent la situation qui en en train de se développer mais en tirent aussi des bénéfices. La Ligue Arabe a appelé à la fin de l’intolérable répression en Syrie et a voulu impose 500 ”observateurs”. Cette interférence rejetée par le régime syrien, la Ligue a voté des sanctions à l’encontre de la Syrie et a suspendu son adhésion.

    Le fait que les membres à la tête du gouvernement autocrate et moyenâgeux n’agissent pas en prenant en compte les droits de l’homme crève les yeux au vu de leur propre histoire, sans oublier la répression menée par le régime en Arabie Saoudite et l’aide militaire apportée pour écraser la révolution à Bahreïn. Leur critique du président Assad en Syrie vient en partie de leur désir de se protéger de l’indignation de la population quant aux massacres en Syrie, et aussi de la sympathie de cette même population pour les révoltes de masse en Tunisie et en Egypte, qui ont éjecté leurs confrères dictateurs. Mais ils ont aussi leurs propres intérêts géostratégiques, et se différencient de ce qui est, pour eux, un régime ”maladroit” en relation avec l’Iran. Ils craignent également les conséquences dans la région si Assad ne faisait pas de concessions suffisantes ou se résignait à un transfert du pouvoir – les tensions et les conflits qui pourraient en résulter se répandraient dans tout le Moyen-Orient.

    Le roi Abdullah de Cisjordanie a déclaré que s’il était à la place de son ami de longue date Assad, il se résignerait. Il a également émis un avertissement quand au remplacement du leader autoritaire par un autre membre haut placé du parti Baath, ajoutant qu’il y a peu de chance que cela apporte une once de stabilité. Le renouvellement des protestations de masse en Egypte prouve la véracité de ses propos vis-à-vis de la classe dominante du moyen-orient.

    L’Union Européenne (UE) a imposé des sanctions aux leaders Syriens: un embargo sur les armes et l’interdiction d’importer leur pétrole. De telles mesures, en plus de celles des USA, vont inévitablement affaiblir le régime d’Assad. En 2010 l’UE était le plus grand partenaire commercial de la Syrie, et représentait 22,5% de son chiffre d’affaire.

    Le secteur du tourisme, qui contribuait à hauteur de 12% aux revenus du pays avant 2011, a aussi été touché. Résultat, le chômage augmente et la pauvreté s’intensifie; dans certains cas, les salaires ne sont même plus versés.

    La balance des forces

    Combien de temps Assad va-t-il pouvoir tenir dans de telles circonstances? L’élite nationale, dominée par la minorité alawite mais comprenant les élites d’autres secteurs de la population telles que la majorité sunnite et la minorité chrétienne, le supporte toujours, tout comme l’armée.

    La Syrie dispose d’un important stock d’armes en provenance de Russie – la valeur des contrats actuels entre les deux pays dépasse les 2.5 milliards de dollars. Les élites ont également réussi à rassembler des centaines de milliers de ‘supporters’ du règne d’Assad dans une récente manifestation à Damas, mais de nombreuses personnes se sont vue contraintes d’y assister sous peine de représailles. Le Times (15.11.11) rapporte que le 13 novembre, un élève de 14 ans a été abattu pour avoir mené un refus massif contre la présence de son école à une manifestation en faveur du régime en place.

    De plus, les organisations politiques faisant office de défenseurs de l’opposition sont elles-mêmes très divisées sur presque tous les sujets, que ce soit sur le fait d’encourager l’intervention étrangère ou bien de tenter d’enter en pourparlers avec le régime, ou sur la question de l’armement des manifestants. Les exilés de l’opposition au Conseil National de Syrie (CNS) – basé à Istanbul – réclament une intervention internationale pour protéger les civils. Cependant, en accord avec sa direction pro-capitaliste, bien que le CNS désire le départ d’Assad, il soutient la préservation des institutions étatiques, et principalement de l’armée. En Syrie, le Comité de Coordination Locale, la Commission Générale Révolutionnaire Syrienne, et la Fraternité Musulmane comptent parmi les organisations qui adhèrent au CNS.

    Le Comité de Coordination Nationale (CCN), qui regroupe d’autres organes d’opposition, rejette de but en blanc l’intervention étrangère, mais demande la poursuite des manifestations pour mettre la pression sur l’armée afin de mettre fin à ses méthodes brutales, et préconise de dialoguer avec le régime afin de le réformer plutôt que de le remplacer.

    Un programme socialiste est nécessaire

    Pour faire court, l’opposition est désorientée et manque d’un programme qui pourrait unir les classes ouvrière et moyenne et leur fournir une stratégie de lutte de masse et de grève générale – entraînant avec elles les grandes ville de Damas et Alep entre autres – pour mettre fin au règne d’Assad. Elle doit aussi proposer une alternative viable, qui, pour mettre fin à la pauvreté et à la division, doit être un système socialiste basé sur une véritable démocratie ouvrière et une nationalisation des ressources-clés du pays.

    L’état actuel de la révolution n’est pas surprenant au vu des décennies de répression des partis politiques et du contrôle exercé sur les syndicats. Mais des bases démocratiques pourraient êtres bâties très rapidement, de manière urgente dans les mois et semaines à venir.

    Le rejet de l’assistance des pouvoirs régionaux et internationaux est justifié, en particulier dans le cas de la Turquie, membre de l’OTAN – encore un régime qui a persécuté ses propres opposants, mais qui prétend soutenir les opposants syriens. Les interventions impérialistes en Irak, en Afghanistan et en Libye ont démontré que leur véritable objectif est le prestige, l’influence, le commerce, et l’acquisition du marché et des ressources naturelles. Les travailleurs syriens ne peuvent compter que sur la solidarité et l’aide d’organisation ouvrières internationales.

    En ce qui concerne la ”non-violence” et les armes, le seul moyen d’en finir avec les bains de sang le plus vite possible est de supporter le droit d’organiser des corps de défense armés de manière démocratique à la base de chaque communauté et de chaque lieu de travail. Les tanks et les missiles ne peuvent être contrés à mains nues sans une hécatombe – une défense armée et non sectaire s’impose donc.

    Intervention militaire extérieure

    Les puissances occidentales ont jusqu’à présent rejeté toute intervention militaire, même de petite ampleur, telles qu’un embargo aériens le long des zones frontalières. Bien qu’elles considèrent leur opération en Libye comme une réussite , elles ont failli s’enliser dans un combat sans fin, et sans garantie de gains réels. L’intervention militaire en Syrie serait bien plus risquée au vu des différences essentielles entre la Syrie et la Libye. En plus de son assemblage bien plus complexe d’ethnies, de religions et de nationalités, la Syrie se trouve à une position charnière du Moyen-Orient, les répercussions régionales seraient donc potentiellement bien plus graves.

    L’éditeur diplomatique du Times, Roger Boyes, commente: “Un dictateur brutal du Moyen-Orient, c’est une chose; un pouvoir en train de s’écrouler, aux frontière d’Israël et de l’OTAN, c’en est une autre”.

    Mais cette prudence ne les empêche pas de se mêler des affaires syriennes autrement, sans pour autant apporter le moindre soutien aux luttes de la population. Au lieu de cela, elles se préparent à la chute d’Assad, en discutant avec de soi-disant ”leaders” de l’opposition, espérant ainsi pouvoir les utiliser pour mettre en avant leurs intérêts occidentaux, comme ils l’ont fait lors de la chute de Kadhafi.

    "Cela fait plusieurs mois que nous sommes en contact avec des membres de l’opposition. Nous sommes maintenant en train de consolider ces contacts", a déclaré une porte-parole anglaise du bureau des affaires étrangères, alors que le secrétaire des affaires étrangères William Hague a organisé des rendez-vous avec le CNS et le CCN à Londres le 21 novembre.

    Bien que les puissances voient une opportunité dans la chute d’Assad – par exemple l’affaiblissement de son influence dans la région du Hezbollah au Liban, et surtout en Iran, elles craignent le chaos qui pourrait résulter. Comme le fait que l’Iran mette en avant ses intérêts en Irak plutôt que ceux de l’impérialisme occidental.

    La classe ouvrière syrienne ne doit se fier qu’à ses propres forces – qui sont immenses – pour avancer. Le chemin ne sera pas aisé. Malgré sa détermination à se battre jusqu’au bout, Assad pourrait fuir ou se voir retirer le pouvoir, et alors la classe ouvrière devra être prête à imposer sa vision d’un nouveau gouvernement. L’expérience des travailleurs en Tunisie, en Egypte et en Libye est un exemple flagrant que nulle confiance ne doit être placée dans les mains d’autres régimes, des généraux de l’armée, ou celles d’autres politiciens pro-capitalistes. Il faut au contraire proposer une solution socialiste comme seul moyen d’enrayer le chômage, de mettre fin à la pauvreté et aux carnages, et de garantir des droits démocratiques pour tous.

    • Une lutte unie contre le régime menée par la classe ouvrière et les démunis en Syrie, quelles que soient leurs origines ou leur religion.
    • Bâtir des comités démocratiques sur les lieux de travail, et des organes de défense anti-répression pour continuer la lutte.
    • Refus net de toute ingérence étrangère de la part des capitalistes.
    • Pour des syndicats unifiés et un parti ouvrier de masse.
    • Pour une assemblée constituante révolutionnaire.
    • Pour un gouvernement ouvrier et démocratique, avec une politique socialiste, garantissant l’ensemble des droits démocratiques pour toutes les minorités.
  • [DOSSIER] Libye : L’impérialisme essaie de récupérer le mouvement révolutionnaire à son avantage. Comment la gauche réagit-elle?

    Pendant quelques mois, l’impérialisme a été paralysé par les évènements en Afrique du Nord et au Moyen Orient. En Egypte et en Tunisie, les dictateurs ont été chassés du pouvoir en peu de temps par un mouvement de masse. Tout a été tenté pour assurer que les changements de régime dans ces pays se limitent à de simples changements de marionnettes, sans fondamental changement social. Mais les révolutions se sont répandues, avec la conviction que les masses opprimées sont capables de se débarrasser des régimes dictatoriaux et pro-capitalistes.

    Par Michael B. (Gand)

    De semaine en semaine, une vague de protestations de masse sans précédent a progressé dans des pays aussi divers que le Yémen, le Bahreïn, le Maroc, la Libye et la Syrie. Les mouvements en Tunisie et en Egypte ont construit de profondes racines sociales parmi les opprimés, en balayant les divisions ethniques et religieuses. Grâce aux comités populaires dans les quartiers et aux comités ouvriers dans les usines, toutes les couches des masses de travailleurs et de pauvres ont été impliquées. Mais ces révolutions sont loin d’être terminées : les forces de la contre-révolution essaient maintenant de regagner le contrôle de ces pays.

    Alors qu’aujourd’hui beaucoup – mais pas tous – de Libyens célèbrent la disparition du régime de Kadhafi, les véritables socialistes doivent clarifier que, contrairement à la disparition de Moubarak en Egypte et de Ben Ali en Tunisie, la disparition de Kadhafi est, cette fois, également une victoire pour l’impérialisme.

    L’objectif des interventions impérialistes en Libye était de développer son contrôle dans la région, de créer un régime fiable aux pays occidentaux (même si les puissances impérialistes avaient par le passé conclu des marchés avantageux avec Kadhafi), et d’introduire un nouveau modèle dans la région, c’est-à-dire un changement de régime rendu possible grâce à l’aide des pays occidentaux, et au service de ces derniers bien entendu.

    Ces éléments doivent tous entrer en ligne de compte lorsque les marxistes essaient d’analyser les récents développements en Libye et en Syrie. Les vautours se rassemblent autour du cadavre de l’ancien régime ; les entreprises occidentales veulent conclure des transactions ultra-avantageuses avec le nouveau régime en échange des bons services rendus par l’Occident, qui a porté le nouveau régime au pouvoir.

    Mais cette critique de l’intervention impérialiste ne signifie toutefois pas que les marxistes peuvent défendre la situation qui prévalait jusque là, ou encore qu’ils peuvent entretenir des illusions envers le caractère de l’ancien régime de Kadhafi. C’est pourtant exactement ce qui a été fait par les organisateurs d’une manifestation à la Bourse de Bruxelles le vendredi 2 septembre dernier (1), des organisations liées au PTB (qui a défendu Kadhafi dans son hebdomadaire ‘‘Solidaire’’ (2)). Nous n’avons pas soutenu la plate-forme de cette action et nous voulons expliquer cette décision.

    L’ennemi de notre ennemi n’est pas notre allié par définition !

    L’action a eu lieu sous le slogan principal ‘‘Manifestation pour la paix en Libye et contre les bombardements de l’OTAN – Stop aux bombes "humanitaires" de l’OTAN’’. Évidemment, nous sommes pour la paix en Libye et opposés à l’intervention de l’OTAN, cette dernière ne pouvant en effet que conduire à une sorte de ‘‘recolonisation par l’Occident.’’ Mais de quelle paix parlons-nous ? Et de quelle façon devons nous concrètement traduire cela ?

    Notre problème avec l’appel pour cette manifestation se situe principalement au niveau de la question de l’alternative. Une série de faits divers sur la Libye énumérés dans la plateforme tentait d’éviter d’aborder le mécontentement, réel, qui existe parmi de larges couches de la population libyenne. Ainsi, par exemple, était totalement ignoré le mécontentement chez les pauvres, les travailleurs et les jeunes dans l’Est du pays, une région victime des tactiques de division de Kadhafi destinées à protéger son règne. Les ‘‘faits’’ présentés insinuaient un soutien à l’ancien régime de Kadhafi en disant que le dictateur avait offert la médicine gratuite, l’égalité entre hommes et femmes et qu’il avait permis d’atteindre un niveau de vie élevé.

    Il est vrai que Kadhafi a offert un certain niveau de vie à la population libyenne. Kadhafi est arrivé au pouvoir en 1969 après que l’ancienne monarchie ait été abattue. A cette époque, il soutenait le soi-disant ‘‘socialisme arabe’’, qui n’était en rien un socialisme démocratique mais bien une tentative de se positionner entre l’impérialisme et le stalinisme dans le contexte de la guerre froide. Il a nationalisé de nombreuses industries, y compris l’industrie pétrolière et le rendement du secteur n’allait pas vers les dirigeants d’une clique de multinationales occidentales, mais à l’Etat libyen lui-même. Cela a permis à Kadhafi de garantir dans une certaine mesure l’accès à des soins de santé et à l’éducation avec une sorte d’Etat-providence. Cela a donné au régime un certain soutien parmi la population.

    Mais le texte de l’appel semble supposer qu’il s’agit là d’une réussite qui mérite tous les hommages. Kadhafi – mi-monarque, mi-militaire – savait comment maintenir un soutien de la part de la population tout en préservant des liens avec les grandes puissances, parfois en se liant à l’Union soviétique, parfois à l’ouest. Occasionnellement, il s’était profilé comme un ‘‘communiste’’, mais il n’a jamais aboli les interdictions portant sur les syndicats et les organisations de travailleurs libres dans le pays. En 1971, Kadhafi a aussi renvoyé un grand nombre de communistes soudanais de Libye vers le Soudan, où ils sont tombés aux mains du dictateur Jafaar Nemeiry. Est-ce cette ‘‘liberté’’ que nous voulons voir revenir aux Libyens ?

    Après la chute de l’Union Soviétique, la Libye a tenté de se rapprocher de l’Occident. Cela a conduit à serrer vigoureusement la main de Sarkozy et d’Obama, par exemple. Ou encore à la conclusion d’un accord avec Berlusconi concernant le blocage des réfugiés africains qui tentaient de franchir la Méditerranée, mais aussi à laisser les multinationales pétrolières entrer dans le pays et encore à se lancer dans de nombreuses privatisations. La Libye est également devenue une célèbre investisseuse en Europe. Le fonds d’investissement libyen (FIL) gérerait pas moins de 70 milliards de dollars d’investissements. Kadhafi possède une partie de la plus grande banque italienne (UniCredit), de Juventus, de Fiat et 3% de la société qui possède le plus grand journal du monde, le Financial Times. Il possède également des actions dans des sociétés russes et turques, etc. Kadhafi était donc un ennemi de l’impérialisme dans les termes, mais dans les actes, il en allait autrement…

    Quand un politicien social-démocrate cumule les postes dans des Conseils d’administration d’entreprises et essaye de couvrir cela par une rhétorique ‘‘socialiste’’, il est dénoncé (à juste titre!) mais, quand il s’agit de Kadhafi, tout est soudainement vu comme de grands gestes contre l’impérialisme !

    Nous sommes évidemment d’accord pour dire que le soutien européen et américain aux rebelles est hypocrite. Les puissances impérialistes ont appris des révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient, et elles voulaient cette fois être capable d’intervenir du premier rang. Mais cette hypocrisie provient aussi de leurs relations passées avec le régime de Kadhafi. Il n’était pas toujours fiable, mais quand même: Berlusconi – un vrai capitaliste – a même appelé à un cessez-le-feu. Ni l’impérialisme, ni Kadhafi ne défendent les intérêts de la population libyenne. Nous ne pouvons pas soutenir n’importe qui sous prétexte qu’il se positionne contre l’impérialisme occidental en mots (ou même en actes) alors qu’il mène simultanément une politique réactionnaire. Nous ne pouvons donc pas non plus soutenir un dictateur réactionnaire comme Ahmadinejad en Iran. Les ennemis de nos ennemis ne sont pas nécessairement nos amis ou nos alliés. Certes, le monde et les positions politiques seraient beaucoup plus faciles ainsi mais, hélas, ce n’est pas le cas !

    Il est également étrange de lire dans un texte de militants de gauche, affiliés à un parti qui s’appuie sur les idées du socialisme, que sous Kadhafi il existait une égalité entre hommes et femmes. En termes de sexisme, Kadhafi pourrait très bien s’entendre avec son ami italien Silvio Berlusconi… Il est important de voir les choses dans leur processus. Il y a eu une certaine émancipation sous Kadhafi en termes d’éducation, de droit de vote, d’abolition du mariage forcé des enfants, etc. mais ce n’était certainement pas plus que, disons, en Europe. Le taux de chômage était environ de 10% mais, pour les femmes, il était de 27% en 2006 (soit une augmentation de 6% depuis 2000).

    L’égalité ne peut pas être atteinte avec un régime dictatorial. Il faut lutter pour l’obtenir. Durant les révolutions en Afrique du Nord et du Moyen-Orient, nous avons pu voir le rôle actif joué par les femmes. Les révolutions doivent être renforcées pour leur assurer un progrès réel. L’intervention de l’Occident et le gouvernement de transition qu’il soutient ne va pas dans cette direction.

    Une perspective marxiste sur la révolte en Libye

    Comme expliqué dans l’introduction, nous n’imaginons pas que l’Occident représente une meilleure alternative pour les masses du pays. En outre, la plate-forme de la manifestation a raison de dire que la situation actuelle est souvent expliquée de manière très partiale. De nombreux facteurs ont déterminé l’impasse militaire en Libye.

    Aujourd’hui, la situation en Libye est particulièrement polarisée et compliquée. Tout d’abord, le mouvement de masse spontané contre le régime de Kadhafi a illustré que de larges couches de la population détestent ce régime. Ce mouvement n’est pas, contraire à ce qu’affirme la plateforme de la manifestation, le résultat des activités d’un groupe de rebelles terroristes et islamistes et il n’est pas basé sur d’anciens combattants de Kadhafi. Ce fut un mouvement de masse dans l’Est du pays (les images de l’occupation de Benghazi parlent d’elles-mêmes). Par ailleurs, le mouvement initial a énormément perdu de son potentiel radical.

    Le mouvement spontané a, faute d’une classe ouvrière organisée et d’une stratégie révolutionnaire claire, vite été dévié par des leaders des rebelles autoproclamés. Ces derniers sont des anciens amis de Kadhafi ou des soldats et des partisans de l’ancienne monarchie. Par conséquent, le mouvement a rapidement perdu son caractère de masse et a également perdu le soutien dont ils jouissaient à ses débuts.

    Contrairement à l’Egypte et à la Tunisie, il n’y avait pas eu d’expansion des comités et des assemblées populaires, et il n’y a pas eu d’appel à la grève générale. La vigueur que l’on a pu voir à l’œuvre en Tunisie et en Egypte a manqué en Libye. Cela est partiellement dû à une population très divisée, qui a également bénéficié de divers privilèges sous le régime de Kadhafi, et à une classe ouvrière faiblement organisée. Au lieu de la perspective d’une élévation des conditions de vie, ce que des comités de base auraient pu soulever, il était déjà clair avant même l’intervention de l’OTAN que les choses avaient tourné en un affrontement entre forces pro et anti Kadhafi. Les forces pro-Kadhafi voyaient dans le drapeau monarchiste utilisé par certains rebelles la contestation des gains sociaux obtenus par le peuple libyen durant les premiers temps de Kadhafi. De leur côté, les dirigeants rebelles autoproclamés comptaient sur l’intervention de l’OTAN pour l’emporter. En échange de l’aide matérielle et d’une reconnaissance diplomatique comme représentants légitimes du peuple libyen, l’impérialisme aurait vu sa position largement renforcée en Libye. Le conseil national de transition a obtenu son soutien en échange de concessions sur l’exploitation du pétrole (33% pour la France par exemple).

    ‘‘Soutien aux masses et à leurs révolutions ! Aucune confiance dans l’intervention impérialiste!’’

    La plateforme semble aboutir en conclusion à un soutien au nationalisme libyen, à la souveraineté du pays. Qu’est-ce que cela veut dire ? La souveraineté de chaque dictateur à faire ce qu’il veut avec son peuple ? La souveraineté de décider de la nature des liens à entretenir avec l’impérialisme ? Le peuple libyen devait-il subir le régime de Kadhafi parce qu’il y a d’autres bandits ? Nous ne pensons pas ainsi. Nous sommes pour l’autodétermination des peuples et des nations, mais cela n’a rien à voir avec un choix entre la domination occidentale et une domination intérieure. La souveraineté réelle d’un peuple ou d’une nation réside dans la classe des travailleurs et des jeunes, qui doivent se libérer des intérêts d’une élite capitaliste – qu’elle soit autochtone ou étrangère.

    Le retour à une sorte de "restauration" est une revendication réactionnaire. L’intervention de l’OTAN est contre-révolutionnaire. Ainsi, nous pouvons mettre en avant pour chaque révolte actuelle le slogan: ‘‘Soutien aux masses et à leur révolution ! Aucune confiance envers les interventions impérialistes et leurs gouvernements fantoches! Pour des comités de travailleurs et des comités populaires démocratiques en à la révolution et pour son développement!"

    Nous ne sommes pas opposés par principe à une résolution pacifique du conflit, mais une solution pacifique ne peut pas se limiter à un ‘‘retour à l’ordre’’ de Kadhafi. Si nous proposons seulement des solutions pacifistes, nous sapons la possibilité de la population à s’armer et de s’opposer à la domination de leur propre élite (Kadhafi ou le gouvernement de transition). Si le peuple libyen veut se débarrasser lui-même du joug de Kadhafi et du capital occidental, nous devons soutenir la révolution. Des comités de travailleurs, de jeunes, etc. peuvent constituer la base de la révolution avec des grèves générales et des manifestations.

    Comme on peut le voir, cela n’a rien d’un processus linéaire. Même en Tunisie et en Egypte, ces comités font l’expérience de difficultés pour former une opposition solide en défense de la révolution. Mais c’est la seule méthode capable d’assurer et de développer les acquis des masses. Nous sommes pour la renationalisation complète des secteurs clés en Libye mais, cette fois, sous le contrôle démocratique des travailleurs et non pas sous le contrôle d’une élite comme c’était le cas sous Kadhafi. Seuls des comités démocratiques de travailleurs peuvent assurer que les acquis sociaux soient maintenus et renforcés. Grâce à des grèves et des manifestations de masse, ils peuvent organiser la résistance contre la clique de Kadhafi et contre l’OTAN pour acquérir une véritable liberté et une véritable démocratie, libérée de la dictature des marchés.

    Les révolutions en Tunisie et en Egypte doivent se poursuivre, non seulement pour renvoyer les dictateurs, mais aussi pour renverser l’ensemble du système et le remplacer par une alternative socialiste démocratique. Cela serait une gigantesque source d’inspiration pour renouveler le mouvement des travailleurs et des pauvres en Libye.


    Notes

    (1) Intal et Comac-ULB. Voir aussi: http://www.intal.be/fr/manifestation-pour-la-paix-en-libye-et-contre-les-bombardements-de-lotan

    (2) “Libye : Au moins trente morts après une attaque des rebelles”, de façon plus explicite dans le paragraphe “Le Conseil national de transition fera-t-il mieux que le gouvernement Kadhafi?” sur http://www.ptb.be/nieuws/artikel/libye-au-moins-trente-morts-apres-une-attaque-des-rebelles.html

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