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  • Bruxelles : action de soutien aux masses iraniennes

    Ce vendredi, une petite centaine de personnes s’est rassemblée devant l’ambassade iranienne. La colère est grand contre la corruption et la politique répressive du gouvernement. La crise économique touche de plus en plus les pauvres alors que les riches en tirent profit.

    Beaucoup ont encore en tête le mouvement de 2009 au cours duquel beaucoup de jeunes se sont radicalisés. A l’époque, les dirigeants réformistes l’avait détourné vers les élections pour en tirer profit.

    Cela illustre qu’il est important de bien choisir ses alliés dans le mouvement. Des membres de l’élite y voient une occasion d’orienter le mouvement selon leurs intérêts. Les jeunes et les travailleurs en Iran ont besoin de structures indépendantes. Lors du mouvement en Afrique du Nord et au Moyen Orient de 2011, on avait vu émerger des comités visant à coordonner les activités des masses et à élaborer le programme. Initié en Tunisie, le mouvement s’est rapidement étendu en Afrique du Nord et au Moyen-orient. Ce sont ces points que nous avons défendus lors de la prise de parole, devant l’ambassade.

    Pour plus d’éléments de contexte, consultez notre article : “Le mouvement des travailleurs et des jeunes défie le régime iranien”.

     

     

  • Le mouvement des travailleurs et des jeunes défie le régime iranien

    Des manifestations soudaines à l’échelle nationale ont secoué l’Iran. De larges couches des masses ont démontré leur profonde méfiance envers le régime. La jeunesse, confrontée à un taux de chômage estimé entre 25% et 40%, a particulièrement été sur le devant de la scène. Les manifestations, initialement dirigées contre la hausse des prix et la corruption, ont presque immédiatement évolué en combats et affrontements avec les forces de sécurité avec un nombre croissant de morts. Dans certaines villes, des gens ont attaqué des postes de police, des quartiers généraux paramilitaires favorables au régime et des centres religieux. Ce développement rapide semblait incroyable même pour les analystes politiques et les activistes les plus optimistes.

    Par P. Daryaban, Comité pour une Internationale Ouvrière

    L’étincelle immédiate fut l’opposition à l’annonce de nouvelles mesures néolibérales faite en décembre par le président «modéré» Hassan Rouhani, la forte hausse des prix des produits de première nécessité ainsi que la divulgation de détails portants sur le somptueux financement des organismes religieux. Dans un contexte de chômage de masse et de baisse moyenne de 15% du niveau de vie au cours de ces dernières années, les manifestations se sont propagées rapidement à travers le pays.

    La crise économique s’est aggravée au cours des dernières années. Cela s’illustre au travers des dettes énormes du gouvernement aux banques, l’épuisement des ressources des fonds de pension, la faillite des institutions financières et une quantité incroyable de corruption et de détournement de fonds, qui ont directement endommagé les conditions de vie de la classe ouvrière. Couplée à une élite riche de plus en plus visible, ceci était un autre facteur clé dans ces protestations, dans lesquelles sont scandés « A bas les escrocs! ».

    L’administration Rouhani se vantait de réduire l’inflation à un seul chiffre et d’augmenter le taux de croissance à six pour cent. Cependant, ce premier objectif a été partiellement atteint par des mesures néolibérales, tandis que le second n’était que le produit de la capacité du régime à exporter du pétrole après la levée d’une partie des sanctions imposées par l’ONU.

    Le régime a également épuisé ses ressources en s’impliquant dans les guerres en Irak, en Syrie et au Yémen. De plus, le leader libanais du Hezbollah a ouvertement annoncé qu’ils recevaient depuis l’Iran tout l’argent pour leur parti et pour l’amélioration des infrastructures au sud Liban. Le régime verse d’énormes fonds aux forces militaires qu’il soutient également en Irak. Les politiques étrangères ambitieuses du régime ont des coûts que la classe ouvrière iranienne doit payer. Le régime, pendant un certain temps, a cherché à justifier cela par la peur concernant l’émergence du terrorisme à l’intérieur des frontières iraniennes. Cependant, avec la chute de l’Etat islamique, l’épouvantail du régime a disparu, au moins pour l’instant.

    L’arrivée de Trump a aggravé la situation et a brisé les rêves du régime iranien d’attirer des investissements étrangers. Les banques iraniennes n’ont pas été en mesure de retourner au système bancaire international.

    Au cours des trois ou quatre dernières années, deux mouvements importants ont maintenu allumée la flamme de l’opposition : le mouvement ouvrier d’une part et d’autre part la campagne des déposants dans la faillite des institutions financières.

    Des grèves et des piquets importants ont eu lieu à Arak dans le nord-ouest de l’Iran et dans les zones riches en pétrole et gaz dans le sud, ainsi que des manifestations continues contre la répression des militants syndicaux, comme le dirigeant des travailleurs des bus à Téhéran et d’autres au sein de Haft-Tapeh Sugar Company au Khuzestan.

    Les institutions financières, qui ont surtout été fondées par des gens affiliés au régime, ont volé des millions de dollars aux déposants, allant des personnes à faible revenu qui ont déposé des sommes minimes pour vivre, jusqu’aux riches qui ont reçu d’énormes revenus en intérêts. L’histoire de ces institutions, ainsi que les détournements colossaux de la Caisse de retraite des enseignants et de la sécurité sociale, n’est pas le simple fait du profit capitaliste, mais relève aussi des pillages moyenâgeux. Aucun des officiels corrompus n’a été puni.

    Le budget jette de l’huile sur le feu

    L’annonce en décembre du projet de loi budgétaire 2018 de Rouhani qui proposait une augmentation des prix du pétrole et du gazole d’environ 40% a jeté de l’huile sur le feu. Dans le même temps, les prix des œufs ont soudainement augmenté au cours des dernières semaines. Cela signifie que les pauvres ne peuvent pas accéder à une nourriture même très basique. Le budget proposait également de mettre fin, dans le cadre du programme de aides, aux paiements mensuels de 455 000 rials (12,60 $ US) pour quelque 34 millions de personnes, soit environ 40% des bénéficiaires actuels.

    De plus, la publication du projet de loi sur le budget concernant l’énorme allocation de fonds aux institutions religieuses parasitaires a enragé les gens. Alors que ce plan budgétaire parlait d’une augmentation des dépenses publiques de 6%, avec une inflation officielle de près de 10%, il poursuivait en réalité les politiques néolibérales de réduction de dépenses introduites par Rouhani après son entrée en fonction en 2013 (les chiffres publiés par les centres statistiques iraniens sont très contradictoires et l’inflation réelle et les taux de chômage réels devraient être beaucoup plus élevés).

    La croissance des médias sociaux a complètement éclipsé les médias d’État, permettant aux gens de partager plus librement leur colère et leur insatisfaction. Il y avait environ un million de smartphones en Iran lors des dernières manifestations de masse en 2009, il y en aurait maintenant 48 millions.

    Malgré le fait qu’en Iran les syndicats de lutte indépendants ne sont pas autorisés, le peuple a utilisé tout espace et brèche possible pour construire ses revendications. La crise profonde et la colère ont creusé les divisions et les luttes intestines au sein du régime et l’ex-président, Ahmadinejad, a commencé à attaquer amèrement le pouvoir judiciaire et exécutif. Khamenei a averti Ahmadinejad dans une tentative de le faire taire mais le prétendu chef suprême a perdu son autorité même à l’intérieur du régime.

    Dans ces circonstances, les manifestations du 28 décembre à Mashhad ont joué le rôle d’étincelle. Premièrement, l’accent a été mis sur la hausse des prix et la corruption, mais il a été rapidement été élargi politiquement. La foule a crié “mort au dictateur” et a appelé à la liberté pour des prisonniers politiques. Même s’il y avait la crainte que les soi-disant « extrémistes » du régime pourraient utiliser les protestations comme levier de pression sur Rouhani, il est clair qu’ils ont perdu le contrôle de celles-ci presque aussitôt après qu’elles aient commencé !

    Le lendemain, des manifestations similaires ont pris place à Téhéran, à Rasht, à Kermanshah et à Ahvaz avec des slogans visant les principaux dirigeants du régime.

    La caractéristique de ce mouvement est qu’il est principalement spontané, sans direction unifiée, et est largement basé sur l’initiative des masses sur le terrain. Les villes éloignées n’attendent pas les grandes villes. Elles se sont engagées dans le mouvement de manière complètement indépendante.

    Le régime a été brièvement paralysé et a hésité à lancer une contre-offensive très violente, bien qu’il ait arrêté des centaines de personnes et en a tué au moins 21 jusqu’à présent. Partout où il a essayé d’utiliser sa « poing de fer », les gens l’ont puni sévèrement. À Malayer et à Shahinshahr, les gens auraient occupé des postes de police et le plus haut bureau religieux local. Cela ne se passe pas seulement dans les zones du Fars (Perse), les Kurdes et les Baloutches ont également rejoint les manifestations. Les femmes ont joué un rôle remarquable dans le mouvement.

    Personne ne pouvait imaginer cette situation, même il y a une semaine. Bien qu’il ne soit pas clair comment ce mouvement d’en bas va se développer immédiatement, il est très clair que nous assistons à une incroyable démonstration de courage, à l’expression d’une énorme colère et d’un profond désir de liberté et de justice sociale.

    Caractéristiques politiques du mouvement

    Ce mouvement est totalement basé sur l’initiative des masses. Beaucoup ont complètement rompu avec les dirigeants réformistes du mouvement vert de 2009 qui ont utilisé le peuple dans les élections et dans la division du pouvoir avec l’autre faction principale de l’élite dirigeante. La soi-disant faction réformiste a même ouvertement condamné les manifestations actuelles et a appelé à leur répression. Ce mouvement est une expression de la déception généralisée d’avec le président Rouhani, qui a été massivement réélu en mai dernier avec plus de 57% des voix.

    La majeure partie du mouvement est passée de la participation d’une couche importante de la petite bourgeoisie et des couches moyennes, qui constituaient principalement les protestations vertes de 2009, à la participation de la classe ouvrière et des chômeurs. La colère accumulée a radicalisé le mouvement. Les masses ne croient plus aux manifestations «non-violentes» et «silencieuses» de type Gandhi. Ils appellent ouvertement à renverser le régime.

    Les femmes, comme auparavant, ont joué un rôle remarquable dans le mouvement et parfois elles s’engagent plus audacieusement que les hommes. C’est à cause de la double oppression qu’elles ont subie sous le régime islamique.

    L’ampleur des protestations est telle que la population des petites villes des régions reculées n’attend plus après les grandes villes pour s’organiser et lutter.

    Perspectives

    Au moment d’écrire ces lignes, la censure étouffante d’Internet par le régime iranien limite la quantité d’informations précises et à jour sur ce qui se passe dans le pays.

    Nous ne sommes pas sûrs de la durée de ces manifestations spontanées, mais ce qui est certain, c’est que cela a ouvert un nouveau chapitre de l’histoire révolutionnaire iranienne d’après 1979. Nous pouvons diviser cette histoire en trois étapes; de la révolution de février 1979 à la répression de juin 1981, de cette répression à décembre 2017. Dans un premier temps, le régime a écrasé la révolution de 1979 et consolidé sa position. Pendant la deuxième période, le Thermidor (la réaction) a survécu malgré ses crises, comme le mouvement vert de 2009, alors que les gens espéraient encore des réformes du régime, en particulier des factions soi-disant réformistes. Cette nouvelle troisième étape marque le début d’une rupture totale avec le régime et ses factions par des couches importantes. La gouvernance du clergé est de plus en plus considérée comme responsable de ce qui se passe.

    Cependant, malgré son haut niveau de militantisme, ce mouvement souffre de sérieuses faiblesses. Il n’en est encore qu’à ses débuts et, en l’absence d’un parti révolutionnaire capable de proposer une stratégie claire, il risque de perdre son élan malgré sa montée rapide. Inévitablement, cette faiblesse, combinée au fait que ce mouvement en est à ses débuts, produit des tendances contradictoires dans la conscience des participants. Ainsi, parfois même des slogans à l’appui de la monarchie de la révolution d’avant 1979 pouvaient être entendus, bien que ce n’était tout de même pas l’humeur dominante dans la manifestation.

    Les actions initiales de ce mouvement se situaient dans les rues et n’ont pas encore fusionné avec les manifestations sur les lieux de travail. Mais le fait d’être présents dans les espaces publics et dans les rues n’assure pas la survie du mouvement, il doit se modeler autour des usines, des lieux de travail, des communautés et des écoles…

    Si la classe ouvrière dans les principales industries – pétrole, gaz, pétrochimie et automobile – s’engageait dans une grève de 24 heures, elle apposerait son sceau sur le mouvement et le ferait avancer énormément. Cependant, nous n’avons pas observé de signaux pour un tel pas en avant.

    Que faut-il faire ?

    La gauche iranienne doit essayer de tirer les leçons de la révolution de 1979, des manifestations de 2009 et de l’expérience des luttes révolutionnaires dans le monde, en particulier dans le récent “printemps arabe”. Cela exige également un plus grand sens de l’internationalisme et de la coopération avec les forces du mouvement socialiste international.

    La gauche doit réagir à ces nouvelles opportunités en proposant des activités, des formes organisationnelles et des méthodes pratiques pour renforcer et améliorer le mouvement. La gauche doit se doter de nouveaux moyens de communication qui, malgré les tentatives du régime pour limiter leur utilisation, peuvent aujourd’hui jouer un rôle crucial pour atteindre les masses. Elle doit utiliser ces moyens, y compris les médias sociaux, pour diffuser les informations et les propositions pour aider à l’organisation des prochaines étapes.

    Bien que les manifestations actuelles peuvent ralentir, elles ont fondamentalement changé la situation en Iran. Cette expérience peut jeter les bases de la construction d’un mouvement ouvrier capable de défier aussi bien le régime que le capitalisme. Les premières étapes doivent être le rassemblement des activistes dans des groupes et des comités pour coordonner les activités et élaborer les revendications et le programme. La gauche doit entamer un dialogue pour former un front uni, comme un pas en avant vers la création d’un parti ouvrier de masse démocratiquement dirigé qui puisse rassembler les travailleurs, les pauvres et les jeunes dans la lutte pour une alternative.

    Les marxistes plaideraient pour un programme liant les revendications pour des droits démocratiques, contre la répression, pour défendre et améliorer les conditions de vie avec la nécessité d’un gouvernement de véritables représentants des travailleurs et des pauvres qui puisse commencer la transformation socialiste de l’Iran en nationalisant, sous contrôle démocratique, les secteurs clés de l’économie. Cela aurait un énorme attrait pour les travailleurs à travers le Moyen-Orient et au-delà.

    La gauche doit avertir de l’intervention impérialiste pour déstabiliser et détourner le mouvement. L’hypocrisie de Trump doit être révélée, tout en affirmant un “soutien” pour le peuple iranien, il se lie à la dictature saoudienne. Dans le même temps, toute illusion parmi les couches de la population que des alternatives bourgeoises pro-occidentales peuvent apporter une vie meilleure au peuple doit être combattue par un programme socialiste qui explique ce qui pourrait être réalisé si le capitalisme était renversé.

    Seule une société dirigée par des représentants des travailleurs peut résoudre les crises chroniques en Iran, gagner des droits démocratiques et mettre fin à la pauvreté et à l’oppression fondées sur le genre, la religion et l’ethnicité. Une révolution des travailleurs en Iran stimulera les forces progressistes, démocratiques et socialistes au Moyen-Orient et surmonterai les idées et les forces islamistes réactionnaires.

  • Exécutions de masse en Arabie Saoudite, tensions régionales et troubles sociaux

    President Barack Obama and first lady Michelle Obama stand with new Saudi King Salman bin Abdul Aziz they arrive on Air Force One at King Khalid International Airport, in Riyadh, Saudi Arabia, Tuesday, Jan. 27, 2015. (AP Photo/Carolyn Kaster)

    La récente exécution de 47 prisonniers par le régime saoudien a largement été condamnée comme étant barbare. Ces meurtres ont également intensifié les tensions avec le principal rival politique régional de l’Etat pétrolier ; l’Iran. Le régime des mollahs avait mis en garde contre l’exécution du responsable chiite le cheikh Nimr al-Nimr Baqr, un adversaire politique de premier plan du régime sunnite saoudien.

    Par Simon Carter, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    La clique dirigeante saoudienne, qui a exécuté 151 personnes l’année dernière (essentiellement pour des infractions non-violentes liées aux drogues), a déclaré que les exécutions concernaient des «terroristes». Mais le système judiciaire répressif du pays est bien connu pour sa chasse aux sorcières contre les dissidents, en particulier parmi la communauté de la minorité chiite. L’Iran, de son côté, est également un pays bien connu pour ses régulières exécutions d’opposants politiques depuis la révolution de 1979 (voir notre dossier sur ce sujet). Les deux puissances régionales étaient déjà en conflit de par leurs guerres par procuration en Syrie et au Yémen.

    Depuis ces exécutions, l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran, en Iran, a été incendiée, alors que Téhéran a accusé l’Arabie saoudite “d’intentionnellement” bombarder son ambassade à Sanaa, la capitale du Yémen. Ce développement des antagonismes a eu un effet polarisant sur les classes dirigeantes de la région.

    En dépit du fait que les dirigeants féodaux d’Arabie saoudite ont à leur actif l’un des pires records de tous les pays du globe concernant les droits humains, les critiques se font entendre du bout des lèvres. Les condamnations sont très prudentes. Le Foreign Office britannique, suivant en cela l’attitude du premier ministre conservateur David Cameron, a simplement exprimé sa “préoccupation”. Le Ministre des Affaires étrangères Philip Hammond a laissé entendre qu’il y avait peu d’intérêt à condamner ses exécutions puisque cela ne suffirait pas à changer l’état d’esprit des dirigeants saoudiens.

    Il y a un an à peine, David Cameron de même qu’une foule d’autres dirigeants occidentaux prétendument «démocratiques» s’étaient rendus en Arabie saoudite afin d’assister aux funérailles du monarque absolu le roi Abdallah et d’approuver l’arrivée au trône de son demi-frère le prince Salman.
    La réticence des gouvernements occidentaux à critiquer la Maison des Saoud a beaucoup à voir avec les armes et les autres contrats lucratifs conclus avec le régime ainsi qu’avec les vastes réserves de pétrole de l’Arabie saoudite. Le régime est aussi une puissance régionale-clé qui est vitale pour la défense des intérêts géopolitiques des gouvernements occidentaux au Moyen-Orient.

    En octobre dernier, sur Channel 4 News, David Cameron avait refusé à plusieurs reprises de répondre aux questions concernant le pacte de sécurité secret conclu entre la Grande-Bretagne et l’Arabie Saoudite (qui a vu les deux pays être élus au Conseil des droits de l’homme des Nations unies).

    Finalement Cameron a bien dû reconnaitre que le gouvernement britannique entretient « une relation avec l’Arabie saoudite » ce qui signifie « que nous recevons de leur part d’importantes informations aux niveaux des renseignements et de la sécurité. »

    Cameron a également admis qu’il n’était pas personnellement intervenu dans le cas largement médiatisée du jeune opposant de 17 ans Ali Mohammed al-Nimr (le neveu du cheikh Nimr Baqr al-Nimr) arrêté durant les manifestations de 2011 et qui est menacé d’exécution.

    L’Arabie Saoudite dépend de la vente du pétrole pour 90% de ses revenus. Mais l’effondrement des prix du pétrole a entraîné une croissance imposante du déficit budgétaire du pays, qui a atteint les 15% du PIB l’an dernier, crevant de 100 milliards de dollars sa réserve de changes de 650 milliards de dollars.

    En retour, cela a suscité des réductions des dépenses publiques et des hausses des prix de l’essence, de l’électricité et de l’eau. Cette combinaison de réduction des subventions et d’augmentation des taxes ne va qu’approfondir le mécontentement de la population du royaume.

    On retrouve sans aucun doute partiellement la peur du développement des tensions internes derrière les récentes exécutions de masse et la répression du régime contre le «terrorisme». Ces exécutions reflètent également la colère des dirigeants saoudiens contre les puissances occidentales et le rapprochement en cours avec l’Iran suite à l’accord conclu sur le nucléaire iranien, en négligeant le fait que c’est le soutien sans faille des puissances occidentales qui a gardé la Maison des Saoud au pouvoir.

  • Préaccord sur le nucléaire iranien, reflet d'un Moyen-Orient en pleine transformation

    Après la désastreuse occupation de l’Irak, l’administration Obama cherche un nouvel équilibre entre les différentes puissances de la sous-région.

    Le préaccord nucléaire défini au mois d’avril dernier entre l’Iran et les puissances mondiales du groupe « P5+1 » marquera, s’il est mis en œuvre, un point tournant dans les relations entre les pays occidentaux et les pays du Moyen-Orient, ainsi qu’entre ces pays dans la région. Même si l’on pourra peut-être observer un report de la ratification finale de cet «accord politique», le fait seul que ces négociations se soient tenues est le signe qu’un réalignement des forces est en train de s’opérer dans la région.

    Par Robert Bechert, secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Les désastreuses conséquences de l’invasion de l’Irak

    Cette tentative d’accord est essentiellement le résultat de l’évolution de l’équilibre entre puissances au niveau mondial et de l’invasion de l’Irak menée par les États-Unis et la Grande-Bretagne en 2003, dont les conséquences se font amèrement sentir.

    Tandis que la position des États-Unis au niveau mondial s’est affaiblie face à la croissance économique de la Chine et à son influence grandissante au niveau international, le bilan désastreux de l’invasion de l’Irak a contribué à mettre un terme à la brève période des années ’90 au cours de laquelle les États-Unis dominaient la scène internationale. Cette invasion a été désastreuse non seulement pour des millions d’Irakiens, mais aussi pour les architectes de cette guerre. Les limites de la puissance des États-Unis et le déclin prononcé des forces britanniques se sont révélés au grand jour, une fois qu’a été perçue l’échec des espoirs de ces États, qui visaient à établir un nouvel ordre au Moyen-Orient en éliminant ou en neutralisant les forces qui leur étaient hostiles.

    Pour le peuple irakien, l’invasion de 2003 s’est traduite par d’énormes préjudices, une augmentation des souffrances et de nouveaux conflits ; mais pour les instigateurs et les partisans de la grande aventure de Bush et Blair, il s’est agi d’une défaite stratégique qui s’est soldée par un énorme gaspillage de ressources. Non seulement l’invasion irakienne a déstabilisé l’ensemble de la sous-région, mais elle a également renforcé la puissance régionale de l’Iran, à l’inverse de ce que Washington souhaitait. Au final, cette invasion a constitué un énorme pas en arrière pour les puissances occidentales qui, après le renversement du Shah en 1979, avaient sous Reagan et Thatcher tenté d’isoler l’Iran en soutenant Saddam Hussein durant la guerre initiée par ce dernier entre l’Iran et l’Irak de 1980 à 1989.

    Dans un article qui critique vivement cet accord, mais qui n’offre aucune réelle alternative, les anciens secrétaires d’État, MM. Kissinger et Shultz, regrettent le fait que <i>«Les négociations entamées il y a 12 ans pour empêcher l’Iran de développer un arsenal nucléaire aboutissent finalement à un accord qui lui offre cette même possibilité ; bien que cet arsenal ne sera pas à sa capacité maximale dans les 10 premières années»</i> (Wall Street Journal, 9 avril 2015). Ce compromis avec l’Iran n’est pas ce que Washington et Londres envisageaient en 2003.

    Bilan du «Printemps arabe»

    Les révolutions de 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont tout d’abord porté un rude coup aux puissances occidentales lorsque certains de leurs hommes forts, notamment le président égyptien Moubarak, se sont fait renverser du pouvoir. Ces puissances ont sérieusement craint que les révolutions se répandent à d’autres pays et qu’elles ne s’arrêtent pas à une simple élimination des autocrates et des dictateurs, mais qu’elles se transforment en de réelles révolutions sociales.

    Cette occasion en or pour la classe des travailleurs et les pauvres de mettre fin à l’oppression et au capitalisme une bonne fois pour toutes n’a pas été saisie. Mais, même si cette première vague révolutionnaire a chaviré, la contre-révolution qui a suivi n’a pas été capable de restaurer l’ancienne position de l’impérialisme. En réalité, l’impérialisme a perdu de son influence directe, car la contre-révolution a déclenché des forces centrifuges (càd. à tendance sécessionniste) qui se fondent sur des clivages ethniques, tribaux et religieux. Cette évolution, que l’on a pu observer très clairement avec le déchirement de la Libye et de la Syrie, a créé encore plus de misère et d’instabilité dans la région. Dans ce contexte, l’avancée explosive de l’Etat Islamique (EI) et d’autres groupes fondamentalistes n’a fait qu’approfondir la morosité de l’impérialisme.

    Les grandes puissances impérialistes, devant la faiblesse de leurs alliés arabes traditionnels et craignant la rapide avancée de EI, se sont vues contraintes de chercher de nouveaux alliés partout où c’était possible, ce qui explique le soutien apporté par l’Occident aux dirigeants de la zone autonome kurde en Irak. En Irak, un arrangement officieux a été conclu entre les forces étasuniennes et iraniennes afin de soutenir le gouvernement irakien à dominante chiite dans le cadre de sa lutte contre EI.

    C’est alors que, dans les coulisses, les tentatives d’obtenir un rapprochement avec l’Iran se sont multipliées ; ces efforts ont désormais franchi une nouvelle étape avec la définition de cet accord.

    En ce moment, les puissances mondiales (et surtout les forces impérialistes occidentales) ont besoin de l’aide du régime iranien pour combattre la menace que fait peser EI et autres fondamentalistes sunnites sur l’Irak et sur la Syrie. Mais cette stratégie risque de mettre à mal les relations des puissances occidentales avec les dirigeants de l’Arabie saoudite et des États du Golfe, dont la majorité soutient et finance différents fondamentalistes sunnites. Ces dirigeants majoritairement autocratiques et féodaux sont des rivaux directs de l’Iran et craignent que ce pays, qui joue désormais un rôle décisif en Irak, n’utilise les populations chiites dans des pays comme le Bahreïn et l’Arabie saoudite pour étendre son influence. C’est l’une des raisons pour lesquelles les États-Unis défendent à l’Iran de s’impliquer dans la guerre civile au Yémen.

    En même temps, certains stratèges occidentaux sont plus prudents par rapport à l’Iran. À leurs yeux, cet accord n’est pas suffisant pour affaiblir le programme nucléaire iranien. Kissinger et Schultz avouent l’affaiblissement de la position occidentale, lorsqu’ils écrivent qu’avec l’évolution du programme nucléaire iranien, « la menace de guerre limite à présent l’Occident plus que l’Iran ». Cependant, à certains égards, Obama suit aujourd’hui une stratégie semblable à celle suivie par le même Kissinger lorsque celui-ci préparait l’accord de 1972 entre la Chine et les États-Unis.

    Bien que les puissances mondiales soient en concurrence sur toute une série de thème tels que la domination du Pacifique ou l’Ukraine, chacune avait ses propres raisons de parvenir à cet accord entre le groupe P5 + 1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume Uni et Allemagne) et l’Iran. Même si certains alliés de l’Occident au Moyen-Orient – en particulier les régimes israélien et saoudien – y sont opposés, car ils craignent de perdre grandement dans ce nouvel équilibrage des forces. En ce qui concerne l’Arabie saoudite par exemple, elle s’inquiète du fait que la hausse de l’influence iranienne pourrait encourager la contestation de la part de sa minorité chiite. Israël quant à lui craint de perdre de son influence auprès des puissances occidentales.

    L’administration Obama balance entre les différentes puissances

    L’administration Obama elle-même joue un jeu d’équilibriste entre les différentes puissances sous-régionales. Au cours de la même semaine où l’accord avec l’Iran a été défini, les États-Unis ont repris leur aide annuelle de 1,3 milliards de dollars à l’Égypte (740 milliards de francs CFA), ont assuré l’Arabie saoudite de leur soutien envers ses raids aériens sur le Yémen, et ont donné leur accord à la création d’une future force militaire panarabe sunnite.

    Pendant ce temps, aux États-Unis eux-mêmes, les Républicains ont entamé, de concert avec le Premier ministre Netanyahu, une campagne d’opposition à l’accord iranien, pour des raisons à la fois électorales et politiques. Ils espèrent exploiter ce qui reste d’hostilité à l’Iran parmi la population américaine, en ravivant le souvenir du personnel diplomatique américain qui avait été retenu en otage pendant 444 jours en 1979-81 ainsi que les craintes qui pèsent (particulièrement parmi les couches fondamentalistes juives et chrétiennes aux États-Unis) sur l’avenir de l’État d’Israël.

    Des divisions existent aussi au sein du régime iranien. En Iran, nous voyons une situation où se mêlent la soif de changement, l’instabilité au niveau sous-régional, les sanctions économiques, et maintenant la chute du prix du pétrole ; ce qui donne une majorité à ceux qui soutiennent un accord sur le nucléaire.

    Mais les palabres continuent au sein du régime. En ce moment, le «Guide suprême» iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, parait soutenir les tentatives du président Hassan Rouhani d’obtenir un accord. Mais les éléments sceptiques, plus critiques, rassemblés autour de la faction religieuse conservatrice, n’ont pas encore abandonné leur bataille contre les centralistes, surtout au vu des élections qui arrivent en février prochain tant pour le parlement que pour l’Assemblée des experts. On a été surpris de voir un de ces conservateurs se faire récemment élire en tant que président de l’Assemblée des experts, une institution dont le rôle est, entre autres, de nommer le Guide suprême. À quel point s’agit-il d’une manœuvre de la part du régime dans le cadre des négociations en vue d’un accord ? Ce n’est pas clair.

    Ce qui est clair par contre, c’est que le régime voit qu’il y a une aspiration de plus en plus grande au changement dans la société, surtout parmi la jeunesse, accompagnée d’une remise en question croissante de la caste religieuse au pouvoir depuis 1979. Les divisions et le malaise du régime sont visibles par sa politique faite d’un mélange de répression continue et de petites concessions. D’ailleurs, l’annonce du préaccord a été accueilli par des manifestations de joie spontanées dans les rues du pays entier. Les gens chantaient, applaudissaient et dansaient. Beaucoup brandissaient des portraits du président Rouhani. La popularité de ce préaccord fait que le régime ne peut rejeter en bloc sa signature, sans quoi il risque de provoquer une contestation populaire d’un niveau potentiellement supérieur au mouvement de masse qui s’est développé après les élections présidentielles de 2009.

    Cela, parce que la perspective d’un accord qui permettrait de mettre un terme aux sanctions internationales qui pèsent sur l’Iran depuis des décennies alimente les espoirs de changement, surtout dans le contexte de la chute du cours du pétrole qui a fortement affecté l’économie et le niveau de vie dans le pays.

    Même si l’inflation est retombée récemment de 40 % à 16 %, le président du syndicat official soutenu par l’État a avoué que 70 % des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté. Le ministre du Travail a mentionné le fait que 12 millions de gens souffrent de « pauvreté alimentaire » dans son pays. La pression sur le niveau de vie a maintenant provoqué une contestation de la part des travailleurs. Depuis le mois de mars, on voit des grèves des travailleurs de l’automobile et des marches « silencieuses » de dizaines de milliers d’enseignants.

    Un marché potentiel

    La population iranienne se chiffre à 80 millions de personnes ; il s’agit de plus de la 18e plus grande économie mondiale. L’Iran n’est donc pas seulement une puissance régionale, mais aussi un marché potentiel. De nombreuses entreprises étrangères se préparent activement à débarquer dans le pays sitôt que les sanctions seront levées. Le New York Times citait l’année passée le directeur d’une compagnie pétrolière pour qui « Après l’accord, nous allons connaitre un boom incroyable ». Quelques semaines après la signature de ce préaccord, un groupe d’investisseurs et d’hommes d’affaires américains a tenu une rencontre publique à Téhéran – le tout premier événement de ce genre depuis la révolution de 1979.

    Même si l’accord est signé, les sanctions ne vont être levées que graduellement. De plus, malgré les fortes attentes de la part de la population, vu la situation de crise économique au niveau mondial, il n’y a que peu de chances que la levée des sanctions mène à une croissance durable et partagée en Iran.

    Mais le changement pourrait donner une plus grande confiance à la classe des travailleurs iranienne pour lutter pour ses revendications. Ceci pourrait représenter un tournant crucial. Avec l’Égypte et la Turquie, l’Iran compte une des classes des travailleurs la plus importante du Moyen-Orient. L’Iran est un pays relativement développé. Tout comme en Turquie, 70 % de sa population vit dans les villes. Le réveil des traditions de lutte de la classe des travailleurs iranienne aurait un impact extrêmement important au niveau de toute la sous-région, qui pourrait donner un bon exemple de lutte de masse. Si cette lutte était accompagnée d’idées socialistes, cela pourrait être un bon pas en avant dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et la violence qui caractérise le Moyen-Orient sous le règne des féodaux, des sectaires religieux et du capitalisme.

  • Défense du salaire minimum en Iran

    Déclaration de 6 organisations ouvrières indépendantes iraniennes en faveur du salaire minimum

    Bangladesh ProtestCe début mars, des dizaines de milliers d’enseignants ont été à l’origine d’actions de protestations « silencieuses à travers l’Iran destinées à dénoncer leurs salaires de misère. Ce mouvement prend place dans le cadre de l’appel pour un salaire qui permet de vivre décemment, qui reçoit un écho croissant dans le pays. En février, six organisations ouvrières avaient publié une déclaration commune appelant à une augmentation du salaire minimum que nous avons reçue et que nous publions ci-dessous.
    Nous, travailleurs, reposons sur la force de notre unité et de notre solidarité, nous n’hésiterons pas un moment à défendre nos conditions de vie.

    Aujourd’hui, chaque homme décent est conscient du fait indéniable que des millions de travailleurs des grandes et petites industries, d’enseignants, d’infirmières et de retraités vivent dans la pire situation possible de toute l’histoire récente du pays, ces cinquante dernières années. Cela signifie que, aux dires des experts et des responsables gouvernementaux, les vies de millions de familles sont actuellement tombées sous le seuil de pauvreté et que les fruits, la viande et les produits laitiers ont été retirés de leurs tables.

    Ces horribles conditions ne sont pas apparues dans un pays ravagé par la famine, elles sont imposées aux travailleurs dans un pays qui dispose d’une main-d’œuvre jeune, instruite et qualifiée ainsi que des plus grandes réserves combinées de pétrole et de gaz au monde. N’est-il pas honteux que des enseignants soient obligés de couvrir leurs dépenses en travaillant comme chauffeur de taxi ou de bus? Les retraités de ce pays méritent-ils de sentir une énorme pression et de grandes inquiétudes occuper leurs vies en raison de leurs maigres pensions? Connaissez-vous un pays où des millions de travailleurs travaillent 12 à 18 heures par jour mais sont incapable de satisfaire les besoins de base de leurs familles et doivent avoir honte face à leurs enfants? Acceptez-vous que, dans ce pays, des milliers de personnes atteignent le point de vendre leurs reins ou de se prostituer alors que nous assistons au grand développement de la toxicomanie, de la misère, du désespoir et de la frustration de millions d’habitants, d’adolescent aux personnes âgées?

    Sans aucun doute, les travailleurs et les personnes honorables d’Iran répondront à toutes ces questions de manière négative. Les travailleurs n’ont jamais gardé le silence dans la défense de la dignité humaine. Malgré les arrestations et l’emprisonnement, les procès et les poursuites judiciaires, ils ont trouvé une manière d’agir soit par des pétitions, par la grève ou par des actions de protestation. Nous exigeons la fin de ces conditions misérables. Mais les travailleurs de ce pays n’ont pas le droit de vivre. L’appel à l’imposition d’un meilleur salaire minimum se développe, pour assurer que le vieux cycle des abus annuels avec des marionnettes comme les organisations gouvernementales, la violation de l’article 41 du Conseil du travail et l’oppression ne se répètent et pousse des millions de familles de la classe ouvrière encore plus sous le risque de la pauvreté. La continuation de cet imparable cycle d’oppression a imposé au fur-et-à-mesure des décennies une pression sur les conditions de vie à tel point qu’alors que le salaire minimum est de 608.000 Tomans (environ 150 euros), nombre de travailleurs ne perçoivent même pas ce salaire minimum. Selon les experts et les institutions officielles du gouvernement, le panier moyen de dépenses pour un ménage de quatre personnes revient mensuellement à plus de trois millions de Tomans (environ 800 euros). La survie de nos travailleurs devient donc impossible.

    Par conséquent, sur base de ces faits confirmés et indéniables et en rappel des récentes manifestations des enseignants, des travailleurs de l’industrie automobile et des travailleurs du secteur public, nous, signataires de cette déclaration, déclarons notre détermination inébranlable à avoir une vie en conformité avec les conditions de vie nécessaires. Nous déclarons d’urgence au gouvernement et aux propriétaires du capital que si cet écart entre le salaire minimum indigne de 608 000 Tomans et le panier de base des ménages n’est pas comblé, les manifestations vont devenir plus profondes et plus larges chaque jour. Nous comptons sur la force de notre alliance et n’hésiterons pas un instant à défendre nos moyens de subsistance.

    21 février 2015

    1 – Iranian Workers Free Trade Union
    2- Committee to Pursue the Establishment of Workers’ Organizations in Iran
    3- Labor Rights Defenders Association
    4. Coordinating Committee to Help form Workers’ organization
    5. Sugarcane Workers’ Union of Haft Tapeh
    6. Painters’ Union of Alborz Province

  • Iran: Pour la relaxe immédiate des mineurs grévistes arrêtés !

    Plus de 5000 mineurs iraniens se sont mis en grève le 19 août dans la province centrale de Yazd pour exiger la relaxe de deux grévistes arrêtés par les forces de sécurité de l’État.

    Les deux travailleurs de la mine de Bafq Iron Ore ont été arrêtés à la demande de la direction de la mine.

    Les mineurs arrêtés, Amir Hossein Kargaran et Ali Sabri sont accusés d’avoir organisé une grève de 40 jours, débutée le 18 mai, contre la privatisation de la mine.

    Les forces de “sécurité” avaient prévu d’arrêter 16 autres grévistes qui avaient aussi participé à cette grève.

    Elle s’était terminée sur la promesse des autorités d’accéder aux revendications des grévistes. Ceux-ci voulaient que les plans visant à transférer les parts de la mine au privé soient annulés.

    Ils revendiquaient aussi la démission du directeur de la mine, et des garanties de sécurité pour leurs emplois.

    La grève prit fin quand le gouverneur de la province promit de satisfaire ces revendications sous deux mois.

    L’échéance s’approche, dans quelques jours, et aucune n’a été satisfaite.

    Le 23 août, cinq mineurs de plus ont été arrêtés. Les grévistes et leurs familles tiennent un piquet de grève devant le bureau du gouverneur et ont annoncé qu’ils continueraient jusqu’à ce que les travailleurs arrêtés soient libérés.

    Ces derniers mois, les mineurs iraniens ont mené de grandes grèves pour de meilleurs salaires et contre la privatisation des mines.

    Envoyez vos messages de soutien aux mineurs de Bafq Iron Ore à : karzarpki@gmail.com

  • Irak – L’héritage sanglant de la guerre du pétrole

    L’escalade du conflit sectaire menace de toucher les pays voisins

    A l’époque de l’invasion catastrophique et criminelle de l’Irak par Bush et Blair en 2003, le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections (dont le PSL en Belgique, NDT) avaient averti qu’elle pouvait mener à l’éclatement de l’Irak ainsi qu’à une terrible guerre sectaire, ce qui commence à se jouer sous les yeux du monde entier.

    Judy Beishon, Socialist Party (CIO – Angleterre et Pays de Galles)

    Les impérialismes américain et britannique ont eux-mêmes posé les bases pour être confrontés non plus à un, mais à plusieurs Saddams ainsi que pour la croissance d’organisations terroristes de type Al-Qaïda, comme l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) qui domine le Nord de l’Irak aujourd’hui. La tournure des évènements menace de déclencher un bouleversement dans toute la région aux conséquences profondes et certainement tragiques pour les populations.

    Pour justifier la guerre de 2003 et l’occupation conséquente – durant laquelle plus d’un demi-million d’Irakiens et des milliers de soldats occidentaux sont morts – Bush et Blair avaient prétendu débarrasser l’Irak de ses armes de destruction massive et poser les bases d’une démocratie. Ces armes de destruction massive n’existaient pas et l’intérêt de cette intervention impérialiste n’a jamais été d’instaurer la démocratie. Ce qui était visé, c’étaient les vastes réserves de pétrole irakien et un renforcement de leur influence au Moyen-Orient. En poursuivant ces objectifs, ils ont créé les conditions matérielles pour une longue période de conflit sanglant ethno-sectaire.

    Le renversement du dictateur Saddam Hussein et la ‘‘débaasification’’ ont retiré les musulmans sunnites de l’appareil d’Etat et de leurs emplois. Face à la forte résistance à laquelle l’occupation a dû faire face et pour vaincre les insurgés sunnites, l’impérialisme américain a recouru à la tactique du ‘‘diviser pour mieux régner’’ et a imposé un gouvernement corrompu dominé par les chiites, ce qui a fortement empiré les divisions au sein des habitants.

    La prise de contrôle de Falloujah en janvier et maintenant de Mossoul (deuxième plus grande ville irakienne) par l’EIIL est considérée comme un désastre par le gouvernement américain, qui a complètement retourné la situation où ces milices sunnites avaient été expulsées de ces villes au cours d’assauts brutaux lancés par les Marines américains durant toute la guerre menée par les USA.

    A présent, l’impérialisme américain est sérieusement affaibli au Moyen-Orient suite à la série de désastres de sa politique étrangère, et à l’opposition de masse dans la région et aux USA contre ces interventions. Obama a été élu à la présidence en promettant la fin des guerres ratées en Irak et en Afghanistan, aussi a-t-il retiré les troupes d’Irak en 2011, et proclamé ensuite que l’assassinat d’Osama Ben Laden au Pakistan avait détruit le noyau d’Al-Qaïda. L’année dernière, Obama a encore été sous une pression de masse qui l’a empêché de bombarder les forces de Bachar el-Assad dans le cadre de la guerre civile syrienne. En Grande Bretagne, David Cameron a lui aussi été empêché de prendre cette direction.

    A cause de ces antécédents, ni Cameron ni Obama n’ont envisagé de renvoyer des forces terrestres nombreuses en Irak. Mais le fait qu’Obama augmente les approvisionnements de l’armée irakienne en armes et en matériel militaire et qu’il considère de bombarder les régions occupées par l’EIIL permet de mesurer l’inquiétude des stratèges impérialistes devant les avancées des milices sunnites. Cependant, les attaques aériennes, si elles sont effectuées, seront contre-productives et infligeront un bain de sang massif aux civils qui seraient inévitablement touchés, comme en témoignent les bombardements opérés en Afghanistan.

    Soulèvement sunnite

    Une partie de l’armée irakienne, qui compte près d’un million d’hommes (entraînés et équipés pour un montant de 30 milliards de livres sterling par les USA et la Grande-Bretagne), s’est désintégrée avant même l’offensive des quelques milliers membres de l’EIIL. Au cours de la prise de Mossoul, une ville de deux millions d’habitants, et d’autres villes dont Tikrit, l’EIIL a été aidé par des soulèvements de la minorité sunnite qui souffre d’une très forte discrimination et de fortes représailles sous le gouvernement chiite de Nouri al-Maliki, initialement imposé par les USA.

    L’ancien personnel de sécurité baasiste du régime déchu de Saddam Hussein fait partie de ceux qui ont rejoint l’offensive. Pendant ce temps, les forces kurdes Peshmerga ont utilisé la crise pour prendre rapidement la ville de Kirkouk, la considérant comme capitale de l’État kurde.

    Le gouvernement irakien a été laissé paralysé, sans le moindre contrôle réel sur tout le Nord de l’Irak, incapable même d’obtenir un quorum au Parlement pour introduire des mesures d’urgence. Plus d’un demi-million de réfugiés ont quitté Mossoul et les autres endroits capturés, craignant les bombardements du gouvernement, de l’EILL, ou des deux.

    L’une des grandes ironies de la situation actuelle est qu’il est dans les intérêts de l’administration américaine comme de son pire ennemi – le régime théocratique iranien – de soutenir l’infortuné gouvernement Maliki. L’élite iranienne était si perturbée par la situation critique de ses protégés chiites à Bagdad qu’elle a rapidement envoyé son général Suleiman à Bagdad pour aider à rassembler les milices chiites volontaires et les forces armées gouvernementales qui pourraient défendre la ville et ses alentours.

    C’est une autre humiliation pour les dirigeants américains : avoir besoin de coopérer avec un régime haï à qui ils ont imposé de lourdes sanctions. Cependant, pour justifier de discuter avec l’Iran, le sénateur Républicain Lindsey Graham a commenté : ‘‘Pourquoi avons-nous trouvé un accord avec Staline ? Parce qu’il n’était pas pire qu’Hitler. Nous devons discuter avec l’Iran pour s’assurer qu’ils n’utilisent pas cette opportunité pour prendre le contrôle d’une partie de l’Irak.’’

    Un autre ennemi juré de l’administration américaine, les forces de Bachar el-Assad en Syrie, sont aussi venues en aide à al-Maliki en lançant des attaques contre les bases de l’EIIL en Syrie. El-Assad avait auparavant fermé les yeux sur beaucoup des agressions de l’EIIL en Syrie parce qu’elles étaient surtout destinées à s’emparer du terrain d’autres milices islamiques qui étaient à l’avant-garde de la lutte contre son régime.

    Bagdad

    L’EIIL et d’autres milices sunnites ont déclaré qu’envahir Bagdad et les villes a majorité chiites ou mixtes au sud de la capitale faisait partie de leurs objectifs, mais il semble peu probable qu’ils puissent rapidement y parvenir étant donné le rapport de force en présence. Les milices chiites se réactivent, avec une nouvelle affluence, dont l’armée du Mahdi de Muqtada al-Sadr, qui a été impliquée dans la lutte contre l’occupation menée par les USA. Les forces iraniennes semblent les avoir appuyées.

    A Mossoul et dans d’autres endroits à majorité sunnite qui ont été balayés par l’EIIL, l’armée irakienne dominée par les chiites a été largement considérée comme un outil répressif manié par un gouvernement qui poursuit des objectifs sectaires contre les composantes non-chiites de la société. Des rapports crédibles parlent de dirigeants de l’armée irakienne qui auraient dissout leurs troupes en connivence avec l’EIIL, mais dans tous les cas, l’impopularité de l’armée dans les régions dominées par les sunnites a contribué au faible moral des soldats et aux désertions face à l’assaut islamiste. L’EIIL s’est construit une réputation de sauvagerie épouvantable contre les chiites – c’est une ramification d’Al-Qaïda que même Al-Qaïda renie – qui a ajouté à la peur des troupes en fuite.

    Des rapports ont émergé selon lesquels l’EIIL a exécuté des centaines de chiites et de soldats de l’armée irakienne désarmés dans les régions qu’ils ont prises et a auparavant fait beaucoup de victimes en Syrie. Ce bain de sang continue en sus de beaucoup d’autres atrocités commises en Irak par les milices sunnites contre les chiites et vice-versa ces dernières années.

    Cependant, même s’il pourrait ne pas y avoir de tentative d’invasion de Bagdad à court terme, il est peu probable que les forces restantes du gouvernement irakien soient capables de garder le contrôle de toutes les régions maintenant aux mains des milices sunnites ou du Peshmerga kurde. Certaines villes changent de mains – l’armée d’al-Maliki en a récupéré deux au Nord de Bagdad – mais le gouvernement a échoué à reprendre Falloujah en le bombardant depuis que l’EIIL s’en est saisi en janvier dernier.

    Quant à Kirkouk, les dirigeants de la zone kurde semi-autonome ont été enfermés dans une longue bataille contre les ministres d’al-Maliki sur qui va tirer profit de de la production de pétrole dans leur zone, une lutte dont ils voudraient bien se libérer en prenant le contrôle de Kirkouk comme une étape vers une indépendance de facto.

    L’EIIL

    L’EIIL, qui a beaucoup de combattants djihadistes étrangers dans ses rangs et de plus en plus de combattants des populations locales, a imposé un système islamiste répressif de la région de Raqqah en Syrie et veut l’étendre pour former un Califat islamiste en liant les régions irakiennes dont elle a pris le contrôle et éventuellement des parties du Liban et de la Jordanie. Ses dirigeants proclament la fin de la frontière entre l’Irak et la Syrie – des Etats dessinés par l’accord de 1916 entre les impérialismes britannique et français qui ont divisé les restes de l’Empire Ottoman entre ces deux puissances.

    Le journaliste Robert Fisk, parmi d’autres, a rapporté que l’EIIL est financièrement soutenu par de riches Arabes du Golfe, dont des membres de l’élite Saoudienne voisine, qui sont des alliés des USA mais aimeraient en finir avec le contrôle chiite de Bagdad. En Syrie, l’EIIL s’est enrichi en augmentant les taxes, par des kidnappings et d’autres extorsions et il a maintenant saisi d’énormes sommes d’argent des banques dont il a pris le contrôle à Mossoul et une grande partie de l’armurerie abandonnée par l’armée irakienne – en grande partie pourvue par les USA.

    Certains commandants de l’EIIL ont essayé de ne pas braquer les habitants des régions dont ils avaient pris possession alors que d’autres ont immédiatement mis en place des édits de la Charia disant aux voleurs qu’ils auraient les mains coupées, aux femmes de couvrir leur corps et d’éviter de sortir de chez elles, interdisant les partis politiques, et autres lois réactionnaires. Ces annonces ont effrayé une grande partie de la population, dont beaucoup de sunnites qui espéraient d’abord que l’EIIL allait au moins les délivrer de la discrimination, des arrestations et de la torture que le gouvernement Maliki leur fait subir.

    Répercussions

    Dans l’ensemble, la tournure récente des évènements va encore aggraver la terrible souffrance du peuple irakien, quelle que soit sa communauté. La perspective de l’escalade de la division sectaire menace aussi de toucher les pays voisins, dont la Turquie ou il y a déjà eu des enlèvements de plusieurs Turcs par l’EIIL, et qui de plus ne veut pas d’un Kurdistan indépendant.

    De plus, une fois encore, il y a des tensions en ce qui concerne les ressources de pétrole et l’économie mondiale, à mesure qu’augmente l’appréhension d’une possible interruption des grands champs de pétrole dans le sud de l’Irak.

    Un autre danger significatif dans le monde entier réside dans le retour chez eux de centaines de djihadistes endurcis par la guerre et traumatisés qui sont partis en Syrie et en Irak – des pays aussi divers et lointains que l’Arabie Saoudite, la Russie et la Grande-Bretagne. Ne voyant pas encore une alternative au système capitaliste pourrissant, autre que d’essayer de faire tourner l’horloge à l’envers pour revenir à l’époque de la persécution féodale, de la soumission des femmes, de la pauvreté terrible et de la justice sommaire, le danger d’une augmentation des attaques terroristes va arriver avec eux.

    La des travailleurs et les pauvres chiites, sunnites, kurdes et d’autres nationalités et de groupes ethniques et religieux en Irak n’ont rien à gagner d’aucun de ceux qui propagent le conflit sectaire d’où qu’il vienne. Les sunnites irakiens ont auparavant rejeté les prédécesseurs de l’EIIL et les ont expulsés de leurs communautés et beaucoup sont maintenant scandalisés par les actions de l’EIIL. La colère est très répandue parmi les chiites contre la corruption de Maliki et le sectarisme. Les sunnites, chiites et Kurdes souffrent tous autant de l’insécurité constante, du manque de services de base et du faible niveau de vie.

    Il y a eu beaucoup de cas dans l’Histoire ou le peuple d’Irak a montré son désir d’unité contre la division, comme en avril 2004 quand 200.000 chiites et sunnites ont manifesté à Bagdad contre l’occupation menée par les USA. La construction à la racine d’organisations démocratiques et non-sectaires, dirigées par la classe ouvrière, est essentielle, pour organiser la défense de toutes les communautés et mettre en avant un programme anticapitaliste comme seul moyen de sortir du bain de sang en cours, de la répression et de la pauvreté.

    Ce programme devrait défier et démasquer les intérêts personnels et l’avidité des dirigeants politiques et militaires pro-capitalistes qui luttent pour l’hégémonie dans tout l’Irak aujourd’hui. Il devrait expliquer la nécessité de les évincer du pouvoir et de les remplacer par des représentants démocratiquement élus de la classe des travailleurs qui appelleraient à une solution socialiste, dans l’intérêt de tous les travailleurs et les pauvres.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière soutient le droit à l’auto-détermination de toutes les nationalités et groupes opprimés, mais précise que les Etats résultants ne seront pas économiquement viables s’ils ne sont pas liés volontairement dans une confédération socialiste, dans ce cas-ci, des peuples d’Irak et de la région. Ce n’est que sur cette base qu’une réelle coopération pourra être accomplie, pour élever le niveau de vie de tous, en faisant le meilleur usage des ressources naturelles de la région.

  • [DOSSIER] Turquie : Une ‘‘violence guerrière’’ pour écraser le mouvement – Leçons d’une lutte de masse

    ‘‘Violence guerrière’’, c’est ainsi que le comité ‘‘Solidarité Taksim’’, qui coordonne 127 groupes en opposition au Premier Ministre Erdogan, a décrit les actes de la police qui a pris d’assaut et nettoyé le Parc Gezi, près de la Place Taksim à Istanbul. Mais les nouvelles couches de travailleurs, de jeunes et de pauvres qui sont entrées en scène se sont promises : ‘‘ce n’est qu’un début, continuons le combat’’

    Kai Stein, CIO

    "Sur la place, un concert d’un artiste renommé était donné, avec des centaines de personnes et de familles, dans une ambiance festive. Tout à coup, la police est arrivée de toutes parts avec des canons à eau et du gaz lacrymogène’’, a raconté Martin Powell-Davis, un membre de l’exécutif du syndicat des enseignants britannique (NUT) et également du Socialist Party (section du CIO en Angleterre et au Pays de Galles et parti-frère du PSL). Il faisait partie d’une délégation de syndicalistes qui s’était rendue au Parc Gezi en solidarité. Des milliers de personnes s’étaient pacifiquement réunies dans le coeur de la ville après plus de deux semaines de manifestations.

    La police, venue de tout le pays par bus, a violemment mis fin à l’occupation pacifique qui avait commencé le 31 mai dernier. Ils ont fait usage de balles en caoutchouc, de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes ; ils ont même mené des attaques dans les hôtels autour de la Place Taksim qui étaient utilisés comme hôpitaux d’urgence et comme refuges. Erdogan s’est vanté plus tard d’avoir donné l’ordre d’attaquer.

    Ce mouvement de protestation de masse avait commencé en s’opposant à un projet immobilier qui nécessitait d’abattre les arbres d’un parc pour faire place à un centre commercial et à des baraquements militaires de style ottoman. La répression qui s’est abattue sur le mouvement avait déclenché un soulèvement de centaines de milliers de personnes à travers toute la Turquie. Des manifestations ont eu lieu tous les jours, avec des occupations de places et des actions locales. Les 4 et 5 juin, le KESK, la fédération syndicale du secteur public, avait appelé à une grève du secteur public contre la violence policière. Le 16 juin, une grève avait encore été lancée contre la brutalité policière pour vider l’occupation principale à Istanbul, cette fois également soutenue par le DSIK (la fédération syndicale de gauche, qui compte plus de 300.000 membres et est l’une des 4 principales fédérations), mais aussi par bon nombre de groupes professionnels représentant les médecins, les ingénieurs et les dentistes.

    Plus de deux semaines durant, la police anti-émeute a essayé de réduire les manifestants au silence. Le 15 juin, l’association des médecins turcs a rapporté que 5 personnes avaient été tuées, 7.478 blessées, dont 4 gravement ; dix personnes avaient perdu un oeil, touchées par les grenades lacrymogènes de la police.

    Le mouvement est sur le déclin

    Cependant, malgré la forte répression et les arrestations, la résistance est toujours présente. Les gens arrivent sur les places en manifestations silencieuses. Cela illustre la forte détermination des militants et le dégoût de la violence d’État.

    Ces nouvelles brutalités peuvent redonner un nouveau souffle aux manifestations. Il est très probable qu’une nouvelle période de l’histoire sociale du pays s’ouvre sur base des conclusions à tirer du mouvement. Sosyalist Alternatif (la section du CIO en Turquie) appelle les partis et les organisations de gauche et les syndicats de gauche à organiser des débats et des discussions au sujet des forces et des faiblesses du mouvement de contestation. Cela pourrait s’effectuer à l’aide d’un congrès national organisé à Istanbul et destiné à rassembler tous les militants pour construire un mouvement socialiste capable d’offrir une alternative basée sur les intérêts des travailleurs et des pauvres au régime autoritaire d’Erdogan.

    Une nouvelle génération entre en scène

    Ces 3 semaines de manifestations ont illustré l’ampleur des modifications qui se sont produites en Turquie au cours de cette dernière décennie. La croissance économique qui a suivi l’effondrement de l’économie turque en 2001 a permis à Erdogan de renforcer son soutien et de rester au pouvoir pendant plus de dix ans ; mais il a aussi créé une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes insatisfaits de leur vie faite d’emplois précaires, de bas salaires et de chômage. D’autre part, une nouvelle couche de la classe moyenne et de la classe des travailleurs comprend son rôle dans la société et n’accepte pas le paternalisme de cet État qui cherche à imposer ses règles jusqu’à la consommation d’alcool ou la tenue vestimentaire. Erdogan voudrait que chaque couple ait 3 enfants, ce qui a été accueilli avec un cynisme total : ‘‘Tu veux vraiment plus d’enfants comme nous ?’’ a ainsi répondu dans la presse un jeune manifestant parmi des centaines de milliers d’autres. Les femmes de la classe des travailleurs et de la classe moyenne ont également gagné en assurance. Elles n’acceptent pas les attaques d’Erdogan et du gouvernement contre le droit à l’avortement, leur interférence dans la politique familiale et les diverses obligations vestimentaires.

    Alors que les principales places étaient occupées, des batailles plus dures avaient lieu entre la police et des travailleurs – jour après jour – dans les quartiers les plus pauvres d’Istanbul, d’Ankara et de nombreuses autres villes. Bien peu d’attention médiatique y a été accordée.

    Erdogan a tenté d’accuser les manifestations d’être manipulés et téléguidés par des puissances étrangères et leurs médias (le ‘‘grand jeu’’ des ‘‘forces extérieures’’ comme il l’a dit) et des partis d’oppositions, surtout du CHP (le Parti Républicain du Peuple, kémaliste). Le régime cherche des boucs émissaires. Les déclarations d’Erdogan laissent peu de doutes sur son incompréhension totale des changements fondamentaux qui ont lieu dans la société turque.

    Pendant des décennies, la politique turque a semblé n’être que le résultat de l’affrontement de deux ailes de la classe dominante. D’un côté se trouvent les kémalistes, l’aile de la classe dominante d’idéologie laïque, très enracinée en ce moment dans la bureaucratie d’État, la justice et l’armée. Ils portent la responsabilité du coup d’État militaire de 1980 qui a littéralement écrasé la gauche. De l’autre côté se trouvent les forces islamiques soi-disant modérées autour de l’AKP d’Erdogan qui, depuis plus de 10 ans, repousse les kémalistes dans leurs retranchements. Ils ont ainsi réussi à purger la direction militaire autrefois puissante et à construire leurs propres réseaux.

    Une grande partie des manifestants ont utilisé des symboles kémalistes pour montrer leur colère, comme des drapeaux turcs et des portraits de Kemal Atatürk. Cependant, ce n’est pas par hasard si aucun des partis kamélistes n’a osé prendre la direction des manifestations. Le dirigeant du CHP, Kilicdaroglu, a appelé au calme de la même manière que le président islamiste Gül. Le parti fasciste MHP, lui aussi kaméliste, a dénoncé le mouvement de protestation en déclarant qu’il était dominé par la gauche radicale. Certains groupes, comme l’organisation de jeunesse de droite TGB, ont essayé d’intervenir, mais avec très peu de résultats.

    Mais beaucoup de gens, pour la toute première fois, se sont retrouvés à porter le drapeau turc ou la bannière de Kemal Atatürk avec à leurs côtés, à leur grande surprise, des drapeaux et symboles kurdes. Ils se sont battus ensemble, côte-à-côte. Ce sentiment extrêmement fort d’unité contre le régime a aussi été exprimé par le fait que les fans des trois clubs de foot d’Istanbul (Besiktas, Galatasaray et Fenerbahce) avaient enterré la hache de guerre pour soutenir ensemble le mouvement.

    Selon un sondage de l’université de Bilgi, 40% des manifestants avaient entre 19 et 25 ans, près de deux tiers ayant moins de 30 ans. Plus de la moitié des gens manifestaient pour la première fois, et 70% ont déclaré qu’ils ne se sentaient proches d’aucun parti politique. Cette nouvelle génération de jeunes a eu un premier avant-goût de l’État turc et de sa brutalité. Le mouvement a réuni des couches totalement différentes de la population, unies par le sentiment que ‘‘trop, c’est trop’’. Des écologistes ont initié la bataille, ensuite sont arrivés des travailleurs du secteur public menacés de privatisations, de pertes d’emplois et de diminutions de salaires. Les jeunes, aliénés par le paternalisme oppressant du gouvernement, a envahi les places. Les femmes sont descendues en rue contre les effets des multiples attaques contre leurs droits. Les Kurdes revendiquaient de leur côté un changement réel, car malgré les pourparlers officieux entre les gouvernements et le PKK (Parti des Travailleurs Kurdes), 8000 journalistes, politiciens et militants sont toujours emprisonnés. Tous se sont retrouvés sous le slogan ‘‘Tayyip istifa’’ – ‘‘Erdogan, dégage’’ qui a dominé les rues dès le début de la vague de manifestation qui a déferlé sur le pays. On a beau pu trouver des symboles réactionnaires dans les manifestations, les aspirations des gens vont bien plus loin que ce que les politiciens capitalistes kémalistes corrompus du CHP ont à proposer.

    La dynamique du mouvement

    Le vendredi 31 mai, la violence policière a transformé une manifestation écologique en soulèvement. Des manifestations spontanées ont eu lieu dans tout le pays. Chaque soir, les gens martelaient leurs casseroles et leurs poêles dans les quartiers ouvriers et les banlieues. Pendant le premier weekend, 67 villes ont connu des manifestations. Le dimanche 1er juin, la police s’est retirée de la place Taksim. Un sentiment d’euphorie s’est répandu dans le mouvement ; les gens disaient que le mouvement avait gagné. Une atmosphère festive prévalait dans les grandes places occupées, et pas seulement à Istanbul.

    Alors que la vitesse à laquelle les manifestations se sont répandues dans tout le pays et la volonté de prendre les rues chaque jour malgré la violence policière et les gaz lacrymogènes étaient enthousiasmantes, les manifestations étaient très peu coordonnées. Des comités d’action ont bien été mis sur pied, mais ils se concentraient surtout sur des questions pratiques : comment organiser les premiers secours, les soins aux blessés, la distribution de nourriture, installer les tentes, etc. Ces comités ont été développés par des groupes de gauche, mais n’ont pas donné moyen d’inclure la majorité des occupants des places et des manifestants dans les débats et les prises de décision.

    Malheureusement, nous n’avons pas vu d’assemblées du même type que celles qui ont caractérisé la contestation en Espagne ou en Grèce en 2011. Des critiques peuvent être faites sur certaines faiblesses mais, sur les places occupées par les Indignés grecs ou espagnols, les discussions collectives étaient quotidiennes, en petit groupe ou en assemblées massives, et chacun pouvait exprimer son opinion. Cela permettait le développement d’un véritable débat qui, malgré certaines faiblesses, permettait au mouvement de tirer des conclusions concernant les revendications et la stratégie requise pour la lutte.

    Sosyalist Alternatif (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Turquie) soutenait la nécessité de telles assemblées sur les places, dans les lieux de travail et les quartiers, villes et villages, afin de constituer des comités de représentants démocratiquement élus, révocables à tous niveaux et à tout instant. L’absence de cette direction élue et contrôlée par la base capable de coordonner la lutte dans les différentes villes et entre elles faisait justement défaut en Grèce et en Espagne.

    Sans de telles structures, le mouvement – qui s’était rapidement étendu aux 88 provinces du pays et à toutes les principales villes – a stagné et n’a pas été capable de développer une stratégie pour aller de l’avant. C’est pourquoi la stratégie d’Erdogan – avoir le mouvement à l’usure – a marché. Le mouvement s’est épuisé dans les combat quotidiens avec la police.

    Grève générale

    Les deux jours de grève de la fédération syndicale du secteur public, le KESK, les 4 et 5 juin, ont constitué une étape importante pour amener la lutte à un niveau supérieur. La classe des travailleurs organisée est potentiellement le plus grand pouvoir présent dans la société, en Turquie et ailleurs. Le KESK a appelé les autres syndicats à utiliser ce pouvoir et à rejoindre la grève. Seul le DISK, le syndicat le plus à gauche, a suivi, mais il a aussi limité son appel à quelques heures de participation symbolique à la lutte du KESK le 5 juin.

    Les syndicats ont ensuite fort peu tenté d’organiser, de coordonner et de développer la lutte. Le KESK a seulement appelé à une nouvelle grève générale le 17 juin, quand le mouvement avait déjà subi de graves revers.

    Seuls, le KESK et le DISK n’étaient pas en position d’annoncer une grève générale. Cependant, ils auraient pu offrir plus de direction de coordination au mouvement. Ils auraient pu commencer par lancer une série de grève avec leurs associés pour mettre pression sur les autres syndicats afin qu’ils rejoignent le mouvement et aident à offrir une véritable stratégie pour forcer Erdogan à se retirer. Malheureusement, cela n’a pas été le cas.

    Erdogan dégage!

    Le sixième jour de bataille contre la police, le mercredi 5 juin, ‘‘Solidarité Taksim’’ a annoncé 5 revendications principales. Cette coalition de 127 groupes basée sur la place Taksim est devenue de facto la direction du mouvement. Eyup Muhcu, le président de la chambre des architectes de Turquie, était le porte-parole de cette coupole qui, officiellement, n’avait pas de leader. Leur effort s’est concentré sur la limitation des revendications à l’arrêt de la destruction du Parc Gezi, à la condamnation des responsables de la répression policière, à l’interdiction des gaz lacrymogènes, et à la relaxe des manifestants emprisonnés.

    Pour importantes qu’elles soient, ces revendications n’étaient pas celles qui avaient su unifier le mouvement les jours précédents. ‘‘Tyyip istifa’’ (‘‘Erdogan, dégage’’), était le principal slogan scandé et il était ouvertement dirigé contre le gouvernement AKP, ses politiques et son idéologie.

    En présentant les 5 revendications comme le dénominateur commun des manifestants, la direction de cette coupole déclarait que cela était de nature à unifier le mouvement. Cependant, la direction des manifestations a échoué à montrer une perspective de mobilisation apte à faire tomber le gouvernement AKP. ‘‘Le Parc Gezi et la défense du mouvement contre la police sont des éléments importants – mais valent-ils le coup de se faire tabasser jour après jour ?’’ se sont demandés les travailleurs et les jeunes.

    En réduisant les objectifs du mouvement à ces 5 revendications, ‘‘Solidarité Taksim’’ a politiquement battu en retraite au moment où le mouvement prenait de l’élan, où la grève du KESK était encore en cours et où une recherche désespérée de stratégie avait commencé. Il s’agit d’un un tournant décisif.

    Cela a permis à Erdogan (par exemple dans les négociations avec ‘‘Solidarité Taksim’’ le 13 juin) de tout ramener aux questions environnementales liées au Parc Gezi ou à une partie de la police ayant été trop loin. Il a donc été capable de minimiser les autres questions sociales afin de diviser utilisé le mouvement entre les ‘‘bons écologistes’’ et les ‘‘terroristes’’ qui défendaient des revendications sociales plus offensives.

    Abaisser le niveau des revendications n’a pas non plus apaisé le gouvernement. La retraite du mouvement de contestation n’a fait qu’encourager l’élite dirigeante à réprimer plus encore. L’agence de presse Reuters a cité (le 15 juin) Koray Caliskan, un politologue de l’université de Bosphore, après que la Place Taksim ait déjà été vidée : ‘‘c’est incroyable. Ils avaient déjà enlevé toutes les bannières politiques et en étaient réduits à une présence symbolique sur le parc.’’ C’était le moment propice pour qu’Erdogan parte à l’offensive et nettoie le Parc Gezi de toutes ses forces.

    Le soutien d’Erdogan

    Était-il nécessaire de laisser tomber les revendications orientées vers la chute d’Erdogan étant donné qu’il disposait – et dispose encore – d’un énorme soutien, ce qu’il a illustré en rappelant que 50% des électeurs avaient voté pour lui ?

    Dans le cadre de cette épreuve de force, Erdogan a mobilisé des dizaines de milliers de personnes pour le soutenir lors d’une manifestation à Ankara le dimanche 15 juin. Le 16 juin, les manifestants ont été bloqués sur une autoroute menant à Istanbul, la police a encerclé la Place Taksim et des batailles violentes ont à nouveau opposé des dizaines de milliers de personnes à la police. En même temps, des bus mis à disposition par la municipalité d’Istanbul et l’AKP transportaient des gens à un rassemblement en faveur d’Erdogan. Plus de 200.000 de ses partisans sont venus écouter son discours pendant des heures.

    L’AKP a pu se construire un soutien sur base du rejet des anciens partis et des militaires et face à la menace constante d’un nouveau coup d’État. Les gens en avaient assez de la répression de la vieille élite kémaliste, et se sont tournés à ce moment vers Erdogan, étant donné que lui-même était considéré comme une des victimes de ces cercles réactionnaires. Mais cela n’a été possible qu’à cause de l’absence d’une force organisée et massive de la classe des travailleurs. Erdogan a un soutien et, après 10 ans de croissance économique, peut puiser dans ses réserves sociales relatives, même si la croissance économique a considérablement ralenti cette dernière année. Cependant, son succès électoral repose surtout sur la soumission forcée des médias, sur la répression et sur l’absence de toute opposition crédible et indépendante de l’establishment capitaliste.

    Le seuil électoral de 10% en Turquie – à l’origine destiné à empêcher l’entrée au parlement des partis pro-Kurdes, des partis islamistes et des scissions des anciens partis de droite kémalistes – est maintenant utilisé contre le développement de nouvelles forces. La vieille opposition est considérée comme corrompue et liée au vieux système électoral qui s’est effondré avec l’économie en 2001.

    Quand les manifestations ont commencé, les chaînes de télé turques diffusaient des émissions de cuisine, des documentaires historiques ou (dans le fameux cas de CNN Turquie) des documentaires sur les pingouins. Les quatre chaînes qui ont osé parler du mouvement sont maintenant menacées de lourdes amendes. Les autorités ont même essayé de fermer la chaîne de gauche Hayat TV. La Turquie comprend plus de journalistes emprisonnés que la Chine et l’Iran réunis ! Les droits syndicaux et les droits des travailleurs sont systématiquement violés.

    Étant donné la répression autoritaire et massive de tout mouvement de contestation, il y a toutes les raisons d’appeler à la fin de ce gouvernement et de refuser de reconnaître sa légitimité.

    Quelle alternative à Erdogan?

    Poser la question de la chute d’Erdogan et de son régime pose inévitablement celle de l’alternative à lui opposer. Les manifestants ne voulaient pas d’un retour aux affaires du CHP kémaliste. Quel pouvait donc être le résultat de la revendication de la chute d’Erdogan?

    Des comités locaux, régionaux et nationaux issus du mouvement auraient pu poser les bases d’un développement de la lutte sur ce terrain. De tels corps auraient pu constituer la base sur laquelle se serait organisé et reposé un réel gouvernement des travailleurs, des jeunes et des pauvres. D’un autre côté, il est certain que ces comités ont besoin d’une force politique qui puisse proposer cette stratégie et lutter pour qu’elle conduise à la victoire. La question clé est de construire un parti de masse de la classe des travailleurs armé d’un programme anticapitaliste socialiste.

    Le HDK/HDP (Congrès Démocratique des Peuples / Parti Démocratique des Peuples) est un pas prometteur dans cette direction. Il s’est développé à partir d’une alliance électorale des forces de gauche autour du BDP, le principal parti de gauche pro-kurde. Les organisations et partis de gauche ont besoin de s’unir aux syndicats de gauche et aux syndicalistes combatifs en intégrant de nouveaux militants et travailleurs pour développer un tel parti de classe.

    Contester Erdogan et le système sur lequel il repose

    La tâche du mouvement des travailleurs et de la gauche est aussi d’offrir une alternative politique claire à ceux qui soutiennent encore Erdogan afin de les détacher de lui.

    Le gouvernement a imposé des politiques néolibérales et profondément antisociales même quand l’économie était encore en pleine croissance. Tout en améliorant les conditions de vie du peuple à certains égards, les politiques d’Erdogan ont aussi fortement augmenté les inégalités. Son gouvernement a adopté une politique de privatisations et d’attaques contre les droits des travailleurs, en envoyant notamment systématiquement la police contre les travailleurs en grève. Seules les couches de la classe capitaliste proches de l’AKP ont été vraiment capables de profiter de la situation.

    L’AKP a tenté de s’attirer un soutien en se présentant comme le défenseur des valeurs islamiques, en s’opposant par exemple à l’alcool ou aux baisers en public et favorisant la construction d’une mosquée Place Taksim. Tout cela était destiné à détourner l’attention des questions économiques et sociales. Erdogan a voulu défendre sa position en s’appuyant sur les couches les plus conservatrices et religieuses de la société. Mais ces dernières sont elles aussi affectées par les attaques antisociales d’Erdogan.

    Le mouvement doit rejeter toute tentative d’ingérence de l’État dans les vies personnelles du peuple. En même temps, il doit mettre fin aux tentatives d’Erdogan de diviser pour régner. La lutte de masse qui s’est développée en Turquie n’est en rien un combat entre forces laïques et religieuses. Des revendications portant sur l’augmentation du salaire minimum, le droit à chacun de disposer d’un logement décent, le respect des droits démocratiques et des droits des travailleurs peuvent permettre de sérieusement éroder le soutien à Erdogan sur une base de classe.

    Quelles perspectives ?

    La croissance économique des ces dernières années a constitué un élément important du soutien à Erdogan et permet de comprendre l’origine de ses réserves sociales. Mais cela a également créé des attentes élevées et une certaine confiance en eux parmi les travailleurs et les jeunes. Cependant, l’économie turque est fragile et dépend beaucoup du capital étranger. Selon le FMI: ‘‘les besoins de financements extérieurs de la Turquie représentent à peu près 25% de son Produit Intérieur Brut.’’ Le rapport poursuit en disant que cela ‘‘va continuer à provoquer une vulnérabilité considérable.’’

    Le déficit du budgétaire actuel a augmenté d’un cinquième sur les 4 premiers mois de cette année. Le ralentissement du taux de croissance (de +8,8% en 2011 à +2,2% en 2012) est significatif et est fortement influencé par la crise européenne, l’Europe étant le principal marché du pays. En comparaison de la situation des pays européens voisins, comme la Grèce et Chypre, ou du Moyen-Orient, le sentiment de progrès économique peut toujours exister. Mais le taux de croissance n’est destiné qu’à atteindre les 3,4% en 2013 selon les prévisions du FMI, en-dessous de l’objectif de 4% du gouvernement. Ces prévisions ont été faites avant la répression des manifestations et leur effet sur la consommation intérieure et le tourisme n’ont ainsi pas été pris en compte.

    Le taux de croissance de l’année passée et les prévisions de cette année ne sont pas suffisants pour absorber la population croissante qui arrive sur le marché du travail, ce qui promet déjà de nouvelles batailles. Étant donné la fragilité du paysage économique, les probables répercutions dues à l’onde de choc de la crise européenne et la réduction de l’investissement étranger, il est certain qu’il y aura des batailles, pour les parts d’un gâteau sans cesse plus petit. Les perspectives économiques n’annoncent aucune stabilité sociale pour les prochains mois ou années, bien au contraire.

    Cadre international

    Le processus de révolution et de contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen Orient, les mouvements de masse contre l’austérité en Europe et le mouvement Occupy aux USA ont tous eu un effet sur la jeunesse turque. Malgré la différence considérable que constitue le fait qu’Erdogan est encore capable de mobiliser un certain soutien social, les mouvements de masse pour les droits démocratiques et sociaux apprennent les uns des autres. Le mouvement en Turquie sera également une source d’inspiration pour le Moyen-Orient et au-delà.

    Un régime de droite, présenté comme un modèle pour les autres pays sunnites, a été puissamment remis en question par le peuple. Le modèle tant vanté d’un État islamique moderne a été montré tel qu’il est : la surface d’une société en pleine tourmente.

    La Turquie est un allié de l’OTAN qui possède ses ambitions propres d’agir en tant que puissance régionale. Le bellicisme du régime turc envers la Syrie a augmenté la tension dans la région, avec toute une vague de réfugiés qui se sont enfuis en Turquie. Ceux qui ont pris part au mouvement contestataire ont souvent exprimé la peur d’être entraîné dans la guerre civile syrienne, qui est partie d’un soulèvement populaire pour aboutir à un cauchemar de guerre civile ethnique et religieuse.

    Le régime AKP a essayé d’exploiter la fragmentation de l’Irak : ils mènent des négociations avec le Nord kurde pour essayer d’établir une zone d’influence turque dans les régions kurdes. Les perspectives sont incertaines. A moins que la classe ouvrière n’intervienne avec son propre programme contre le sectarisme et le nationalisme, de nouveaux affrontements ethniques et religieux sont inévitables en Irak dans des régions comme Kirkuk. Cela aura des répercussions en Turquie.

    Alors qu’Erdogan essaie d’instrumentaliser la question kurde pour gagner en influence dans la région et se baser sur une alliance avec les dirigeants kurdes pour changer la constitution (qui lui permettrait de devenir président, avec plus de pouvoirs), il maintient des milliers de Kurdes emprisonnés pour avoir défendu les droits des Kurdes. Mais les aspirations des Kurdes d’en finir avec l’oppression vont se heurter aux objectifs d’Erdogan de faire d’eux une partie d’un nouvel empire de style ottoman dirigé par Ankara.

    La montée des tensions dans la région, qui découle de l’implication d’Israël dans la guerre civile syrienne et de la propagation de cette guerre au Liban ou en Turquie, en plus des conflits entre Israël et l’Iran avec une possible implication des USA, peuvent ébranler encore plus la stabilité de la Turquie et du régime d’Erdogan et ainsi déclencher de nouveaux mouvements et des conflits religieux ou ethniques.

    Cependant, le premier effet du soulèvement turc dans la région est d’encourager les travailleurs, les jeunes et les pauvres à retourner aux origines du processus révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen Orient: l’implication active des masses elles-mêmes dans la lutte pour les revendications démocratiques et sociales.

    Toutes les sections de la société en action

    Le mouvement de contestation n’a pas seulement poussé à l’action les couches les plus basses de la classe moyenne et les enfants de la classe des travailleurs, qui ont constitué les couches les plus visibles du mouvement, en particulier dans les médias étrangers. La classe ouvrière de toutes les villes s’est durement battue contre la police. Les nouvelles couches de la classe ouvrière et des jeunes ont tout juste commencé à ressentir leur propre force et les classes moyennes urbaines, comme les architectes, les médecins et autres, ont également été présentes dans le mouvement.

    Dans le même temps, Erdogan a essayé de mobiliser la population plus rurale, ce qui pourrait se retourner contre lui plus tard. La polarisation de la société elle-même est si forte qu’elle va encourager encore la politisation d’une nouvelle génération, y compris dans les campagnes.

    Mais même au sommet de la société, des scissions et conflits sont devenus apparents. Juste au moment où Erdogan pensait être parvenu à son but de se retirer les vieux kémalistes de leurs positions stratégiques dans la bureaucratie d’Etat, de nouvelles scissions sont apparues dans ses propres rangs.

    Les plans d’Erdogan sont non seulement de se présenter à la présidentielle l’année prochaine mais aussi de changer la constitution en un système présidentiel qui lui permettrait de se maintenir au pouvoir. Mais le président sortant Gül, lui aussi de l’AKP, a proposé une stratégie nettement plus conciliante à l’égard du mouvement. Il pourrait ne pas tout simplement céder la place à Erdogan.

    Pendant les années où il a gagné en influence, le mouvement Gülen (une tendance islamique modérée basée autour du millionnaire Gülen qui vit aux USA) a soutenu Erdogan. Par exemple, ses écoles religieuses ont bénéficié de la privatisation de l’éducation, une politique mise en place par Erdogan. Mais des divergences entre Erdogan et Gülen se sont développées depuis un an et sont devenues de plus en plus visibles pendant les manifestations, ce qui a conduit les politiciens pro-Gülen à critiquer le style autoritaire d’Erdogan.

    Le gouvernement AKP se sent assez en confiance pour utiliser l’armée, ayant purgé les kémalistes. La police était ainsi accompagnée par la police militaire. Le Premier Ministre adjoint a même menacé d’utiliser l’armée pour écraser le mouvement le 17 juin. D’un autre côté, pendant le premier week-end de conflit, des soldats ont donné des masques chirurgicaux aux manifestants contre le gaz lacrymogène. Selon les médias étrangers, la police a montré une certaine hésitation, un mécontentement et de l’indignation face à la manière dont était traité le mouvement.

    Derrière ce mouvement se trouvent les premiers signes d’un processus révolutionnaire : toutes les classes et forces de la société commencent à s’engager activement dans le destin du pays. Même s’il y a une pause avant la prochaine phase de la lutte, le processus qui a commencé est profond.

    Malgré la défaite temporaire, les travailleurs se sentiront encouragés à défendre leurs revendications et à entrer en lutte. Le tout puissant Erdogan peut avoir finalement gagné, mais ses yeux au beurre noir reçus de la part du mouvement montrent qu’il n’est pas invincible.

    Un grand débat a commencé sur la manière dont devrait fonctionner la société. Les gens sont poussés dans le débat politique par une énorme polarisation. Les anciens partis des kémalistes sont incapables de donner une expression à la colère et aux aspirations de la nouvelle génération, et les nouvelles générations le savent. Tant qu’une alternative de masse n’est pas construite, les classes moyennes et les travailleurs peuvent encore voter pour eux. Cependant, il y aura des tentatives de construire de nouveaux partis de lutte. Le HDK pourrait donner la bonne voie à suivre s’il parvient à pénétrer profondément dans la classe ouvrière turque. Les travailleurs et les jeunes ont besoin de forces de gauche. Les idées marxistes sont nécessaires dans ce processus de construction d’un parti de masse, enraciné dans la classe ouvrière, pour montrer comment sortir du cauchemar du capitalisme et de la répression.

    Une nouvelle couche de jeunes est entrée en scène. Elle va y rester et changer la Turquie. Comme le dit un des slogans les plus scandés dans les rues d’Istanbul et d’Ankara : ‘‘Ce n’est qu’un début – continuons le combat.’’

    Revendications de Sosyalist Alternatif (CIO-Turquie):

    Pleins droits démocratiques

    • Libération immédiate de tous les manifestants emprisonnés
    • Pour une commission indépendante composée de représentants des syndicats et du mouvement pour enquêter sur la violence policière
    • Libération de tous les prisonniers politiques
    • Pleins droits démocratiques dont le droit de manifester, de se rassembler, de former des partis et des syndicats
    • Mobilisation totale des travailleurs contre l’intervention de l’armée ; pleins droits démocratiques dont le droit pour la police et les soldats de former des syndicats
    • Abolition de toutes les lois anti-terroristes et des tribunaux spéciaux et de toutes les lois répressives et réactionnaires introduites par le gouvernement AKP ces dernières années
    • Non à la censure, pour des médias libres – fin de la répression contre les journalistes, les bloggers, les chaînes de télé et sur tweeter, non à la fermeture de Hayat TV
    • Libertés et droits de pratiquer ou non toute religion, fin du paternalisme d’État, et de toutes tentatives de diviser pour mieux régner. Pour les droits démocratiques de tous de vivre leurs vies comme ils l’entendent.
    • Non à la répression des Kurdes, droits égaux pour tous dont la reconnaissance des minorités et des droits des minorités. Droits à l’auto-détermination dont celui de former un État indépendant.
    • Les troupes étrangères hors de Syrie, non à l’intervention militaire de la Turquie et des puissances impérialistes dans la région.
    • Pour une assemblée constituante de représentants démocratiquement élus sur les lieux de travail, dans les quartiers, les villes et les villages afin de garantir les pleins droits démocratiques et la sécurité sociales à l’ensemble de la population

    Emplois, salaires décents, sécurité sociale

    • Finissons-en avec l’enrichissement de l’élite, avec les projets de construction sur la place Taksim et tous les projets basés sur la logique du profit
    • Non aux privatisations, renationalisation des sociétés privatisées
    • Non aux attaques contre les travailleurs du secteur public
    • Pour une augmentation significative du salaire minimum
    • Des logements et conditions de vie décents pour tous
    • Nationalisation des banques et des entreprises qui dominent l’économie sous le contrôle et la gestion des travailleurs
    • Pour une planification démocratique et socialiste de l’organisation et du développement de l’économie dans l’intérêt des travailleurs et des pauvres sans s’attaquer à l’environnement
    • Pour un gouvernement des travailleurs, des jeunes et des pauvres, agissant en fonction des intérêts de ces derniers
    • Pour une riposte internationale contre l’exploitation, l’oppression et le capitalisme. Pour une démocratie socialiste, une confédération socialiste des États du Moyen-Orient et de l’Europe sur base volontaire et égale.
  • Socialisme 2013 et la lutte des femmes…

    Ces dernières années, le débat sur les droits des femmes est revenu au devant de l’actualité, y compris dans les médias de masse. Il y a eu l’affaire DSK, suivie par toute une série de dénonciations de comportements sexistes, de harcèlement et d’abus commis par de ‘‘grands’’ personnages, dans presque tous les pays européens. En Irlande, la mort de Savité Halappanavar, l’année dernière, et la lutte pour le droit à l’avortement qui a suivi ont donné une nouvelle impulsion au débat concernant le droit des femmes de décider de leurs corps. En Inde, une lutte de masse a explosé contre les viols extrêmement brutaux qui sont régulièrement commis, jusqu’ici dans la plus grande impunité.

    En Belgique, le gouvernement a réagi face à la prise de conscience croissante concernant le sexisme et la discrimination des femmes par une loi sur le sexisme basée sur le recours à des Sanctions Administratives Communales. Cela est-il de nature à aider l’émancipation des femmes ? Nous en doutons fortement. La crise et la politique d’austérité touchent très fortement la grande majorité des femmes au travers de la dégressivité des allocations de chômage, des mesures concernant le système de (pré-)pension, du gel salarial, du démantèlement continuel des services publics et de l’accès aux soins de santé,…

    Lors du week-end de formation et de débat ‘‘Socialisme 2013’’, deux commissions seront consacrées à la lutte pour les droits des femmes par le biais plus spécifique de deux thèmes :

    1. Les causes de la violence contre les femmes et comment les combattre ?Samedi 13 avril, 15-17h30

    En Inde, un viol extrêmement brutal ayant entraîné la mort de la victime, un nouveau cas à la suite de tant d’autres, a déclenché une colère massive. Des centaines de milliers de femmes et d’hommes sont descendus dans les rues pour crier que cela doit cesser. Il n’y a pas qu’en Inde que les formes les plus barbares de violence contre les femmes se produisent avec une régularité d’horloge. Les femmes sont frappées aussi bien par une violence d’Etat dans des pays comme l’Iran que par une violence domestique ou en rue. Dans presque tous les conflits armés, le viol est utilisé comme arme de guerre. Au Congo, les femmes subissent systématiquement cette violence depuis déjà plus d’une décennie.

    Mais la lutte se développe en réaction, en Inde et ailleurs. Afin de remporter la victoire, il faudra toutefois aller bien plus loin que l’instauration de lois et de punitions plus sévères. Dans un pays comme la Belgique, où la discrimination légale a presque totalement été détruite, une plainte pour un viol commis dans une école secondaire est déposée chaque semaine à la police. Et combien de cas sont-ils tout simplement inconnus ? En Europe, chaque jour, sept femmes trouvent la mort des suites de la violence conjugale.

    S’agit-il d’une inévitable guerre entre les sexes ? Beaucoup de féministes partent de ce point de vue. Les marxistes, par contre, considèrent que les causes de cette violence contre les femmes résident dans l’existence d’une société de classe, de systèmes qui créent et renforcent l’inégalité de façon systématique afin de maintenir les privilèges de l’élite au pouvoir.

    L’émancipation des femmes dans les pays capitalistes développés n’est pas tombée du ciel, il a fallu mener une lutte acharnée pour parvenir à ce résultat. Ce combat n’a pas été l’œuvre exclusive des femmes : la lutte pour des salaires décents, pour de bons services publics et pour la sécurité sociale – la lutte du mouvement ouvrier – a livré une énorme et décisive contribution à la création de conditions matérielles permettant aux femmes d’accéder à une position plus favorable dans la société. Ce constat est crucial pour parvenir à une stratégie correcte dans le cadre de la lutte contre la violence contre les femmes.

    Mandy Hurel et Mirre Vercoutere, toutes deux actives dans la commission femmes du PSL, prendront la parole et défendrons un point de vue marxiste concernant la violence contre les femmes et la manière dont la lutte doit être poursuivie.

    Le débat pro-choix sur le droit à l’avortement. Dimanche 14 avril, 10-12h.

    Depuis quelques années, un mouvement qui se prétend “pro-vie” a commencé ses activités en organisant chaque année une ‘‘Marche pour la Vie’’. Derrière ces termes positifs se cachent des militants qui tiennent de réguliers piquets aux portes de divers centres d’avortement pour y intimider et y culpabiliser les femmes qui s’y rendent.

    Comment réagir ? Ce débat est toujours en cours. Faut-il ignorer ce phénomène pour ne pas leur donner d’importance ou au contraire construire un contre-mouvement ?

    Les oratrices belges qui prendront la parole dans cette commission ont toutes été impliquées dans l’action qui s’est tenue en mars dernier contre la dernière édition de cette prétendue ‘‘Marche pour la Vie’’. Toutes pensent qu’ignorer le problème n’est pas une solution car cela revient à laisser à de tels groupes réactionnaires l’opportunité de se construire.

    Mais si nous parlons en Belgique de construire un contre-mouvement contre les piquets “pro-vie” aux centres d’avortement avant que ce phénomène ne prenne un caractère plus large, la lutte pour obtenir le droit à l’avortement est toujours en cours en Irlande. Une participante active à ce combat, Aine Nic Liam prendra la parole sur cette question. Aine est membre du Socialist Party, le parti-frère du PSL en Irlande.

    Orateurs: Aurore De Keyzer (représentante de JocF), Marita De Neubourg (Rood-Gand, impliquée dans la construction d’un comité de quartier contre les piquets pro-vie au centre d’avortement à Gand), Aine Nic Liam (Socialist Party Irlande, active dans le mouvement pour le droit à l’avortement), Aïsha Paulis (responsable de la Commission Femmes du PSL) et enfin une représentante de la Commission Femmes de la FGTB-Bruxelles.

  • 10 ans après le début de la guerre en Irak

    La moisson impérialiste de la mort et la destruction

    Il y a dix ans de cela, sous la dénomination, la coalition dirigée par les États-Unis attaquait l’Irak. Malgré une énorme opposition publique, symbolisée par dix millions de manifestants anti-guerre à travers le monde le 15 et 16 février 2003, la campagne ‘‘choc et effroi’’ de bombardement débuta le 20 mars suivie, quelques heures plus tard, de l’invasion territoriale.

    Par Niall Mulholland, Socialist Party (CIO Angleterre et Pays de Galles)

    L’énorme force militaire envahissait une population qui avait souffert de 35 ans de dictature sous Saddam Hussein, de la guerre du Golfe de 1991, et de 13 ans de sanctions cruelles des Nations Unies, qui ont détruit l’économie irakienne, réduit des millions de gens à la pauvreté et couté de un demi-million à un million de vies irakiennes.

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    ‘‘Ravager, massacrer, usurper sous de faux noms, ils appellent cela l’empire ; et, où ils ont fait un désert, ils disent qu’ils ont donné la paix.’’ Caius Cornelius Tacitus (Tacite, 56-117), historien romain.

    La fiction des armes de destruction massive

    La guerre de 2003 fut « justifiée » par un torrent de propagande et de mensonges émanant de Washington et de Downing Street, relayé par la complicité de l’appareil médiatique de droite.

    Le président Bush accusait alors le dictateur irakien, Saddam Hussein, de tenter d’acquérir de l’uranium pour développer des « armes de destruction massive ». Le secrétaire d’État américain, Colin Powell, annonça aux Nations Unies que l’Irak se munissait de capacité d’armes biologiques. Tony Blair, le premier ministre anglais du Labour Party, proclama que les armes de destruction massive irakiennes pouvaient être prêtes à être utilisées « dans les 45 minutes ». Saddam fut aussi accusé de soutien à Al-Qaida.

    Tout ceci n’était que mensonges. Très vite après l’invasion, les forces occupantes ne purent apporter les preuves d’existence des armes de destruction massive de Saddam ou des liens entre l’ancien régime de Saddam et le « terrorisme ». En fait, ce fut l’occupation qui causa le ressentiment qui permit à la terreur d’Al-Qaida de s’installer en Irak.

    A la veille du 10ème anniversaire de la guerre, l’ancien premier ministre déclarait encore à la BBC : « Quand vous me demandez si je pense aux pertes de vie depuis 2003, bien sûr. Je serais inhumain de ne pas le faire, mais pensez à ce qui serait arrivé si on avait laissé Saddam en place. »

    Les commentaires habituels de Blair ne s’attachent pas à l’énorme coût humain de la guerre. Selon plusieurs études ; de 2003 à 2011, de 150.000 à 400.000 irakiens ont violemment perdu la vie. The Lancet, journal médical réputé, a estimé un chiffre encore plus gros de 600.000 morts violentes entre 2003 et 2006 seulement. Ajouté à cela, il y a des milliers d’irakiens qui sont toujours portés disparus et des milliers d’américains, d’anglais et d’autres soldats de la coalition militaire qui ont péris ou ont été sévèrement blessés.

    La moisson de la mort en Irak a laissé 2 millions de veuves qui doivent, seules, rapporter le pain dans leur foyer et 4 à 5 millions d’orphelins (dont 600.000 qui vivent dans les rues). La guerre a poussé 4 millions de personnes à fuir, dont 1 million vers la Syrie. 1,3 millions d’irakiens ont dû fuir ailleurs en Irak. Depuis 2008, de ceux-ci, seule 1 personne sur 8 de a pu rentrer chez elle.

    L’aventure irakienne de Bush et Blair a également eu un énorme coût pour l’économie américaine. Selon l’économiste Joseph Stiglitz, ancien chef de la Banque Mondiale, cela a prélevé 3 trillions de dollars hors de l’économie américaine. Alors qu’il y a toujours des fonds pour mener des guerres à l’étranger pour le compte des profits et des intérêts commerciaux, les travailleurs anglais et américains voient leur niveau de vie tomber dramatiquement.

    Les justifications de Blair continuent

    Les interviews de Blair n’arrivent pas à lui faire avouer les véritables raisons de l’invasion. A la place de la guerre d’agression impérialiste, c’est « l’intervention humaniste » et les tentatives de Blair et de Bush d’exporter la démocratie libérale de type occidentale au Moyen Orient qui est présentée.

    Les classes dirigeantes internationales étaient divisées quant à l’Irak. Les pouvoirs mondiaux et régionaux étaient craintifs quant aux conséquences de l’invasion et aux gains que les États-Unis allaient se faire sur leur dos. Les néo-conservateurs de Bush ont tout de même poussé à la guerre.

    Les impérialismes américain et britannique, qui avaient précédemment soutenu Saddam, ne sont pas partis en guerre pour arrêter l’oppression, introduire des droits démocratiques ou améliorer les niveaux de vie.

    Pendant des décennies, le régime sadique de Saddam a tué et terrorisé les irakiens tout en profitant du soutien occidental. Après le renversement d’un autre despote favori des occidentaux, le Shah d’Iran, l’occident encouragea Saddam à envahir son voisin. Des millions de personnes périrent ou souffrirent de terribles blessures à la suite de cette guerre qui dura 8 années.

    Mais Saddam, en envahissant le Koweït voisin en 1991, est allé à l’encontre des intérêts des impérialistes occidentaux. Le potentiel qu’avait Saddam de contrôler l’approvisionnement vital en pétrole a terrifié les pouvoirs occidentaux qui ont très rapidement constitué une force militaire massive.

    Lors de la première guerre du Golfe, la coalition menée par les États-Unis a vite repris le petit État riche en pétrole mais fut arrêtée aux frontières irakiennes. Peu d’intérêt fut porté à l’opposition à Saddam en 1991. Les forces militaires occidentales croisèrent les bras alors qu’un soulèvement des chiites et des kurdes fut brutalement réprimé par le dictateur.

    Exploitant cyniquement l’attaque terroriste atroce d’Al-Qaida du 11 septembre 2001, la Maison Blanche et Downing Street ont avidement sauté sur l’opportunité d’une intervention militaire directe pour renverser Saddam et pour imposer un régime docile pro-occidental.

    S’emparer du contrôle des réserves abondantes de pétrole irakien, estimé à 9% du total mondial, était un objectif clé pour l’impérialisme américain, en tant qu’intérêts géostratégiques vitaux dans le Moyen-Orient.

    Peut-être était-ce pour éviter que ces véritables intentions ne deviennent de notoriété publique que le Cabinet a insisté pour que le rapport Chilcot publié tardivement ne contienne aucune preuve évidente qui pourrait révéler de quoi discutaient Bush et Blair avant l’invasion.

    Appui aux dictateurs

    Avant la première guerre du Golfe et les années de sanction, le taux d’alphabétisation en Irak dépassait les 90%. 92% des irakiens avaient accès à l’eau potable et 93% bénéficiaient de soins de santé gratuits.

    En 2011, après l’occupation impérialiste, 78% des adultes sont instruits et 50% de la population vit dans des bidonvilles (17% en 2000).

    Plus d’un million d’irakiens sont exilés à travers l’Irak. Près de la moitié des 400.000 réfugiés dans la capitale (personnes déplacées victimes de la terreur sectaire) vivent dans la misère des bidonvilles.

    Selon la Banque Mondiale, un quart des familles irakiennes vit sous le seuil de pauvreté. Moins de 40% des adultes disposent d’un emploi. Des millions de personnes manquent d’électricité, d’eau potable et d’autres services essentiels.
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    Bush et Blair n’ont pas été confrontés à la justice pour leurs crimes de guerre irakiens. La Cour pénale internationale, tout comme les Nations Unies, est dominée par les intérêts des Etats-Nations les plus puissants. Seuls les anciens despotes et les seigneurs de guerre des Balkans et d’Afrique, qui s’étaient confrontés à l’impérialisme, ont été poussés devant la Cour à La Haye.

    Parmi toutes ses justifications pour ses massacres de guerre, Blair a demandé « Si nous n’avions pas retiré Saddam du pouvoir, pensez juste, par exemple, ce qui serait arrivé si les révolutions arabes s’étaient poursuivies à l’heure actuelle et que Saddam, qui est probablement 20 fois pire qu’Assad en Syrie, essayait d’écraser un soulèvement en Irak ?

    Il est incontestable que Saddam était un tyran brutal et que son régime a massacré de nombreuses personnes dont des communistes et des syndicalistes. Mais l’ancien premier ministre n’a aucun problème avec les dictateurs en-soi. Les associés de Tony Blair conseillent aujourd’hui le despote du Kazakhstan, Nazarbayev, le boucher des travailleurs du pétrole en grève. Et l’Irak « libérée » de Blair est actuellement dirigée par le Premier Ministre Nouri al-Maliki, que même le journal de droite The Economist accuse de « tendances dictatoriales ».

    L’invasion de 2003 a considérablement augmenté parmi les arabes le sentiment d’humiliation et d’injustice vis-à-vis de l’impérialisme. Cela a été un facteur important qui a conduit aux révolutions de 2011 contre les dictateurs soutenus par l’occident dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Tout comme cela a semé la colère contre l’absence de droits démocratiques, le chômage de masse et la pauvreté dans ces sociétés.

    Le « Printemps arabe » ne justifie pas du tout l’aventure néocoloniale de Blair mais confirme en fait nos positions dans le déroulement de la guerre en Irak : que le renversement du tyrannique Saddam était la tâche de la classe ouvrière irakienne par un mouvement de masse unifié.

    Fin 2010 et début 2011, le renversement des proches alliés de l’occident, Ben Ali et Moubarak – qui étaient des dictateurs soi-disant « imprenables » tout comme Saddam – a montré que c’est aussi une voie d’action possible pour les masses irakiennes.

    « Résoudre le conflit israélo-palestinien ? »

    John Prescott, Vice-Premier ministre du Royaume-Uni (Labour) en 2003, aujourd’hui Lord Prescott, a admis récemment à la BBC que l’invasion de l’Irak en 2003 « ne pouvait être justifiée ». Il a déclaré avoir soutenu l’invasion parce qu’il croyait que George Bush avait un plan pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

    Bush et Blair ont proclamé que la défaite de Saddam Hussein pouvait être une impulsion pour un nouveau plan pour la paix en Israël et en Palestine. Mais comme nous l’avions prévu en 2003, l’oppression des palestiniens allait continuer sans relâche après l’invasion irakienne. Pour ses propres intérêts impérialistes géostratégiques, les États-Unis continuent de soutenir Israël, son plus proche allié dans la région, pendant que l’indépendance et l’auto-détermination palestiniennes sont plus éloignées que jamais.

    Dans une interview accordée à l’édition nocturne de la BBC, Blair a consenti que « la vie quotidienne en Irak aujourd’hui n’est pas ce qu’il souhaitait qu’elle soit » quand il a mené son invasion dix ans plus tôt. Il poursuivait en disant qu’il y avait des « améliorations significatives » mais que « c’était loin d’être ce que ça devait être ».

    C’est un euphémisme ! Nous nous sommes résolument opposé à l’intervention impérialiste en 2003 et prédisions très justement que cela mènerait à l’oppression et au chaos – ouvrant les portes à une conflit sectaire – et que l’impérialisme serait englué dans un long conflit.

    La politique impérialiste de dé-Baasification du régime de Saddam largement basé sur les sunnites et la dislocation de l’armée irakienne, a entraîné des purges sectaires des sunnites. Cela a enflammé la résistance de ceux-ci.

    L’occupation coloniale brutale, incluant la torture et l’abus systématique des civils dans les prisons comme celle d’Abu Ghraib, le siège de la ville de Falloujah et le massacre de combattants de la résistance et de beaucoup de civils dans des villes comme Haditha et Balad, ont provoqué une opposition de masse croissante – non exclusivement sunnite – contre l’occupation menée par les États-Unis. Le sentiment anti-guerre a grandi aux États-Unis, en Angleterre et partout dans le monde.

    En dépit de son impressionnante machine militaire et de son trésor de guerre, la coalition fut incapable d’écraser la résistance et a recouru à la technique de « diviser pour mieux régner ». Ils ont soutenu les chiites contre les sunnites, créant une orgie de sang.

    Conséquences

    En 2004, selon des enquêtes du Guardian et de la section arabe de la BBC, l’administration Bush s’est tournée vers « l’option salvadorienne » – nommée ainsi suite au rôle joué par les États-Unis dans la gestion des escadrons de la mort d’extrême droite au Salvador dans les années ‘80. Les milices chiites ont été armées et financées par les États-Unis. Des centaines de milliers d’irakiens ont été tués et des millions exilés par la suite. Les sunnites furent les grands perdants de la guerre civile sectaire.

    Une constitution imposée par les États-Unis a institutionnalisé les divisions sectaires et ethniques. Les élections en 2005 ont vu les partis chiites remporter la majorité au parlement et le poste de premier ministre.

    Une classe dirigeante corrompue et réactionnaire et des partis politiques sectaires se battent pour les ressources naturelles irakiennes pendant que la majorité de la population vit dans la pauvreté. Bien que l’Irak dispose de 100 milliards de dollars annuels en revenus pétroliers, très peu de cet argent est alloué à la population. L’Irak est le 8ème pays le plus corrompu au monde selon Transparency International.

    La Capitale Bagdad, qui héberge un cinquième des 33 millions d’irakiens, est toujours une ville en guerre, divisée par les postes de contrôle militaires et en proie aux attentats sectaires. Bagdad et le centre du pays souffrent quotidiennement de bombardements, d’assassinats et d’enlèvements.

    L’héritage de Bush et de Blair comprend un quintuplement des malformations congénitales et une multiplication par quatre du taux de cancer dans et autour de Falloujah. Ce sont des conséquences de l’utilisation par les forces de la coalition de munitions radioactives appauvries en uranium.

    Les politiciens occidentaux aiment différencier Bagdad à la paix relative qui règne dans la région kurde riche en pétrole et dans les provinces majoritairement chiites. Mais ce n’est qu’illusion.

    Les chiites dans le sud sont relativement protégés car une communauté domine largement. Le chômage y est cependant élevé et la plupart des chiites vivent encore dans une pauvreté effroyable.

    Les Kurdes

    Des tensions entre les Kurdes, les Arabes et d’autres minorités sont toujours présentes dans le gouvernement régional kurde semi-indépendant. Au grand dam du gouvernement central de Bagdad, le régime kurde a conclu 50 accords pétroliers et gaziers avec des compagnies étrangères et exporte directement du pétrole en Turquie.

    Après des décennies d’oppression brutale, beaucoup de Kurdes espèrent pouvoir obtenir une véritable auto-détermination. Mais le gouvernement régional kurde est entouré d’états qui ont une longue histoire dans l’oppression kurde. Les dirigeants réactionnaires kurdes se sont alliés aux États-Unis et à la Turquie, qui fut l’un des pires auteurs de leur oppression.

    Un élément indicateur du conflit grandissant autour du pétrole et des territoires entre le gouvernement régional turc et le régime central irakien est l’affrontement entre les combattants peshmerga kurdes et les troupes irakiennes.

    Le retrait de Saddam n’a pas transformé le monde en « un lieu sûr » comme l’avaient promis Bush et Blair. Dans les faits, le monde est devenu encore plus violent et instable. Saddam ne possédait pas d’armes de destruction massive mais, après l’invasion de 2003, les « Etats voyous », comme la Corée du Nord, ont conclu que le seul moyen d’arrêter les attaques menées par les États-Unis contre eux était d’acquérir ces armes.

    Malgré la déroute de l’impérialisme en Irak, les États-Unis et la Grande-Bretagne continuent de mener des conflits partout dans le monde pour servir leurs intérêts vitaux. Tentant de maintenir une distance avec la guerre de Blair, Ed Miliband a déclaré que la guerre en Irak avait été une erreur mais il continue à soutenir les troupes britanniques en Afghanistan et ne plaide pas pour la fin des frappes de drones américains.

    La guerre de 2003 et l’occupation ont eu des conséquences à long terme pour la région. Installer des forces occidentales en Irak visait à isoler et à encercler davantage l’Iran. Mais Téhéran a compris qu’elle avait une influence sur le gouvernement irakien dominé par les chiites et « l’arc chiites » a été renforcé.

    En partie pour contrer l’Iran, les États réactionnaires du Golf et l’impérialisme occidental sont intervenu en Syrie, exploitant l’opposition sunnite à Assad. Le conflit syrien se répercute au Liban et en Irak, ou un « Printemps sunnite » a vu des manifestions d’opposition de masse dans les zones sunnites.

    Révolution

    La majorité des irakiens ne veulent pas être replongés dans les horreurs de la guerre civile. Mais pour empêcher d’autres conflits, pour en finir avec l’interférence impérialiste et pour se débarrasser des élites dirigeantes réactionnaires et corrompues, les travailleurs ont besoin d’une alternative.

    L’Irak avait une gauche forte jusqu’à ce qu’elle soit écrasée par la CIA dans les années ‘60 et par le régime de Saddam par la suite.

    La plus importante leçon de cette tragédie et des horreurs de la dernière décennie est la nécessité pour les travailleurs d’avoir un parti de classe indépendant pour lutter pour leurs intérêts. Un tel parti revendiquerait la nationalisation des richesses pétrolières, sous la propriété publique démocratique au bénéfice de la population.

    Comme les révolutions de 2011 en Égypte et en Tunisie l’ont montré, des luttes de masse peuvent se développer contre les tyrans et, malgré les limites du mouvement, peuvent les démettre du pouvoir. Mais pour parvenir à un véritablement changement de société, les travailleurs ont besoin d’un programme socialiste dans chaque pays, régionalement et internationalement.

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