Tag: Fondamentalisme religieux

  • Pourquoi 11 millions de Syriens se sont enfuis

    syriaLa stratégie occidentale d’interventions au Moyen Orient a complètement échoué

    Après plus de quatre ans de guerre civile sanglante en Syrie, la fin des souffrances n’est toujours pas à l’horizon. Un quart de million de personnes sont mortes et onze million d’autres ont fui. Ce conflit sectaire risque d’entraîner le reste de la région dans une spirale de violence.

    Article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    La crise des réfugiés entraine un nouveau débat concernant une éventuelle intervention militaire dans le pays. Wouter Beke (CD&V) estime que cela doit être considéré. Mais cela ne mettra pas un terme au cauchemar vécu par la population syrienne. Des nouvelles interventions militaires augmenteront inévitablement le nombre de morts et celui des réfugiés. L’instabilité croissante en Turquie (voir ci-dessous) peut elle aussi conduire à un nouvel afflux de réfugiés, ce pays comprenant jusqu’ici 2,2 millions de réfugiés syriens.

    Les interventions militaires aggravent la situation

    Les interventions désastreuses en Irak, en Afghanistan et en Lybie de même que l’opinion publique anti-guerre en Europe ont assuré que la Belgique n’ait pas encore été impliquée dans la guerre en Syrie. La crise des réfugiés est cyniquement utilisée pour tourner cette situation, ce qui ne servirait qu’à soutenir l’impérialisme américain en Syrie et Irak.

    Mais, comme le journaliste Patrick Cockburn le faisait remarquer dans The Independent (3 octobre): “La campagne menée par les Etats-Unis contre l’Etat Islamique n’a pas fonctionné. Les militants islamistes n’ont pas disparu suite aux attaques aériennes. Dans les territoires de Syrie et du Kurdistan irakien, ils résistent ou gagnent encore du terrain. Il y a quelque chose de bizarre avec tout ce débat concernant le soutien à la campagne aérienne en Syrie : personne ne semble remarquer que cela a totalement échoué.’’

    Les attaques aériennes en Irak et en Syrie, qui durent depuis plus d’un an, ont coûté 2,7 milliards de dollars et ont entrainé des centaines de morts. L’Etat Islamique (Daesh) contrôle toujours au moins la moitié de la Syrie et un tiers de l’Irak. Ainsi, la ville irakienne de Ramadi est encore tombée entre ses mains en mai dernier. Le mois précédent, 165 attaques aériennes avaient frappé les positions de Daesh autour de cette ville. Cinq mois plus tard, la ville est toujours en sa possession.

    Le gouvernement irakien dominé par les chiites essaye de reconquérir la ville en faisant appel aux milices chiites. Mais Ramadi est principalement sunnite et la population craint des actes de représailles sectaires à grande échelle si la ville tombe aux mains du gouvernement. Quand la ville de Tikrit a été reprise à Daesh par des milices chiites, des exécutions massives de sunnites ont eu lieu sous la fausse accusation d’être des membres de Daesh. Des milliers d’habitants se sont enfuis.
    L’impérialisme a conduit au cauchemar dans cette région. Après des décennies d’interventions militaires, de politique de diviser-pour-mieux-régner, de soutien aux dictatures et de flirt avec les forces djihadistes, l’Irak et la Syrie sont en ruines. Cela renforce le repli religieux sectaire et la guerre civile. Cela confirme aussi ce que nous avions défendu lors de l’invasion de l’Irak en 2003, à savoir que cette guerre ne pouvait pas conduire à autre chose qu’aux conflits régionaux et aux troubles sectaires.

    La nécessité de la lutte de masse

    En 2011, le soulèvement qui a pris place a commencé comme une véritable révolte contre la dictature d’Assad. Mais les choses ont changé suite à l’intervention de forces réactionnaires étrangères qui voulaient à tout prix mettre un terme à la vague révolutionnaire qui déferlait sur la région: les régimes dictatoriaux d’Arabie saoudite et du Qatar de même que les puissances impérialistes. Daesh est l’une des terribles conséquences de ce processus.

    Les tentatives de développer une Armée Syrienne Libre pro-occidentale ont échoué. Les livraisons d’armes ont directement alimenté Daesh. En réalité, les États-Unis n’ont pas de partenaire fiable en Syrie. Le rôle agressif de Daesh a rendu nécessaire aux Etats-Unis de faire quelque chose. Mais comme le fait remarquer le journaliste Patrick Cockburn : ‘‘les Etats-Unis ne bombardent pas l’Etat Islamique dans les zones de Syrie où le groupe djihadiste combat l’armée syrienne.’’ (The Independent, 30 septembre).
    L’impérialisme américain reste la plus grande puissance au monde, mais son étoile pâlit. En voulant être le gendarme du monde, il est allé droit dans le mur comme l’illustre le cas syrien. Cela a donné au président russe Vladimir Poutine la confiance suffisante pour intervenir et soutenir Assad.

    L’impérialisme américain est ainsi pris entre les régimes sunnites qui financent les combattants opposés à Assad et l’Iran chiite, qui a envoyé 15.000 soldats soutenir Assad, désormais aux côtés de la Russie.
    Cela ne signifie toutefois pas que Daesh ne peut être vaincu. Les faiblesses sous-jacentes au groupe djihadiste ont été démontrées par les victoires militaires remportées par les troupes majoritairement kurdes YPG et YPJ au nord de la Syrie. Les combattants kurdes ont démontré que lier le conflit militaire à un appel à la libération nationale et au changement social peut arracher des victoires. Ces succès sont cependant largement basés sur une guérilla héroïque plutôt que sur la mobilisation démocratique des masses par-delà les frontières ethniques ou religieuses. Cela peut comporter certains risques, comme semblent l’indiquer des allégations d’Amnesty International et de Patrick Cockburn selon lesquelles il y aurait eu des cas d’expulsion de non-Kurdes de divers territoires. Le YPG dément ces accusations mais, sans rompre avec le capitalisme et l’impérialisme, les divisions ethniques et religieuses sectaires menaceront toujours de réémerger.

    L’unité des travailleurs et des pauvres est nécessaire en Irak et en Syrie. Les peuples kurde et autres ne peuvent compter que sur leur propre auto-organisation pour mettre fin à ce cauchemar. Des comités unitaires d’auto-défense seront cruciaux pour protéger les minorités et peuvent également représenter un important levier pour construire un mouvement de lutte pour le socialisme. Une opposition conséquente à toutes les forces impérialistes, aux régimes réactionnaires locaux et aux escadrons de la mort sectaires ainsi que la défense du droit à l’autodétermination de toutes les communautés, un mouvement pourrait bénéficier d’un écho de masse parmi les travailleurs de la région et du reste du monde. D’autre part, les organisations de gauche dans le reste du monde doivent lutter contre les interventions impérialistes au Moyen-Orient.

  • Comment répondre à la radicalisation religieuse ?

    Après l'attaque terroriste commise contre Charlie Hebdo en janvier dernier, beaucoup d'attention a été accordée à la manière de lutter contre la radicalisation religieuse des jeunes musulmans. Des centaines de jeunes sont également partis de Belgique en Syrie pour y combattre. Il ne s'agissait pas d'un grand groupe, et leur soutien en Belgique est très limité, mais des jeunes sont effectivement attirés par le terrorisme. Comment y faire face ? Dans le cadre de ce débat, voici ci-dessous un article publié dans l'édition d'avril 2015 de notre mensuel, Lutte Socialiste.


     

    Contre la politique de diviser pour régner : l’unité des travailleurs migrants et d’origine belge

    radical-300x169Depuis l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo, les journaux sont bourrés d’articles consacrés à la radicalisation religieuse croissante de jeunes musulmans et au danger que cela représente pour la société. Le niveau d’alerte 3 a été atteint en Belgique face à la menace terroriste, l’armée a été déployée et les moyens de la police ont été renforcés. D’autre part, les divers gouvernements se sont engagés dans l’élaboration de programmes de déradicalisation pour aider les écoles, familles, mosquées,… à faire face au phénomène.

    Par Els Deschoemacker.

    Plus de répression ne signifie pas plus de sécurité

    L’accent est désormais systématiquement mis sur la lutte contre la radicalisation religieuse. Mais les services de sécurité avertissent que les autres formes de radicalisation ne doivent pas être oubliées. Tout comme après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et après les attaques terroristes de Madrid (2004) ou de Londres (2005), nous pouvons nous attendre à ce que la peur du terrorisme soit instrumentalisée pour accroitre les moyens pour la sécurité et le contrôle d’Etat. Au sein du gouvernement, la N-VA ne se fera pas prier pour jouer sur ce terrain et pour assurer que les moyens de répression et de surveillance accrus soient également utilisés contre la résistance sociale. Sous le couvert de la sécurité, n’importe quel type de résistance sera bâillonné ou verra sa liberté de mouvement restreinte. Lors du prochain contrôle budgétaire, la N-VA propose déjà de nouvelles réductions de budgets pour la sécurité sociale afin de déployer plus de ressources pour les “services de sécurité” des ministères de l’Intérieur et de la Défense.

    Il est illusoire de penser que cela procurera plus de sécurité. Nous devons naturellement prendre au sérieux le développement du fanatisme religieux auprès des jeunes musulmans : des mouvements tels que l’Etat Islamique et Al-Qaïda représentent une sérieuse menace, y compris pour le mouvement social. Ils exploitent la colère qui vit parmi la jeunesse pour la détourner vers le terrorisme aveugle, qui frappe en premier lieu les travailleurs et leurs familles et monte les communautés les unes contre les autres. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord tout comme ici, ces méthodes divisent la classe des travailleurs en renforçant l’islamophobie, ce qui profite aussi à l’extrême droite.

    Les projets des autorités visant à combattre l’influence de groupes comme l’Etat Islamique et Al-Qaïda et à isoler cette forme de radicalisation sont voués à l’échec. Un ordre social qui perd sa crédibilité et son autorité sur des couches grandissantes de la population faute de pouvoir garantir un avenir décent à la population est incapable de s’en prendre à cette problématique. Les autorités peuvent bien tenter de combattre les symptômes, elles ne pourront pas aller jusqu’à la racine.

    Des solutions individuelles pour les problèmes sociaux

    Toutes les pistes de ‘‘déradicalisation’’ partent du principe que ces jeunes ont besoin d’être rééduqués. Les écoles devraient ‘‘signaler’’ les cas problématique plus vite afin ‘‘d’intervenir’’ à temps. Il faudrait alors discuter avec ces jeunes, quand bien même les moyens pour ce type d’encadrement sont systématiquement rabotés au fil des ans, tout comme pour la sensibilisation. Il est aussi question de mener la bataille sur internet également, en contrepoids de la propagande radicale de l’Etat Islamique. Le mystère reste entier concernant ce que les autorités veulent faire sur ce point. Comment vont-ils faire la promotion des prétendues ‘‘valeurs démocratiques occidentales’’ alors qu’elles ont dégouté tant de jeunes ?

    C’est sous le couvert des ‘‘valeurs démocratiques’’ que l’impérialisme américain & Co sont intervenus en Irak et en Afghanistan. En Irak, le nouveau régime a favorisé la population chiite contre les sunnites. Cette discrimination a permis à l’Etat Islamique de trouver une base parmi les sunnites. Même ici, les valeurs occidentales prétendument démocratiques ne livrent pas de sérieux réconfort. Les migrants sont de plus en plus victimes de discrimination, ils vivent bien souvent dans des quartiers pauvres, reçoivent leur enseignement dans des écoles sous-financées qui reproduisent les disparités sociales tandis qu’il leur est plus difficile de trouver un bon emploi et un bon logement. Même le secteur des titres-services connait une discrimination massive.

    Les familles devraient aussi être utilisées contre la radicalisation. Après qu’un certain nombre de jeunes filles musulmanes britanniques se soient rendues en Syrie, on a encouragé les mères à parler à leurs filles. Comme si ces mères n’avaient pas déjà fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher la radicalisation de leurs enfants !

    Et si tout ça échoue, il reste encore le langage populiste (à l’instar du ‘‘foutez le camp !’’ du maire de Rotterdam) et la répression. En Belgique, c’est un registre sur lequel le bourgmestre d’Anvers Bart De Wever ne rechigne pas à jouer. Tout le pays doit être au pas, l’armée dans la rue, les jeunes criminels ou radicalisés privés de nationalité ou enfermés dans des unités spéciales en prison.

    Ce ton martial trouve un certain écho car la peur est là et personne ne veut que rien ne se fasse en l’attente d’un attentat terroriste qui touchera aveuglément n’importe qui et qui renforcera d’autres formes de radicalisation, notamment l’extrême droite. Mais cette rhétorique et cette approche politique ne font qu’accroitre la polarisation et la division dans la société. Le résultat sera tout le contraire qu’une atténuation de la radicalisation.

    Un choc des cultures ou une société en déclin qui doit être renversée de toute urgence?

    Tant que l’instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se poursuit en parallèle à la croissance du chômage et des discriminations en Europe et ailleurs, des millions de jeunes se retrouveront systématiquement en dehors de la vie sociale. La pauvreté et le manque de perspectives continueront à pousser des jeunes à la recherche d’un moyen de sortir de ce bourbier.

    Mais là, ces jeunes se détournent d’une société oppressive pour trouver réconfort dans une autre société oppressive et particulièrement cruelle. Mais qui prétend défendre leurs droits. Il s’agit d’une forme extrême de politique identitaire où certaines couches de la population, faute d’alternative sociale générale, se replient sur elles-mêmes. On peut imaginer tous les projets de déradicalisation ou d’intégration qu’on veut, sans modèle de société capable d’insérer les migrants sans qu’ils ne soient victimes de discrimination, on peut difficilement être crédible !

    Le contexte international joue un rôle radicalisant

    Le contexte international, les souffrances infinies et la situation quasiment désespérée des masses au Moyen Orient et en Afrique du Nord jouent un rôle décisif très important dans la radicalisation de nombreux jeunes musulmans. Les masses de la région doivent survivre dans des Etats nationaux brisés, sous la coupe de régimes dictatoriaux souvent soutenus par les puissances occidentales et qui s’accrochent au pouvoir à l’aide du principe de diviser pour régner. C’est le terreau qui a conduit aux conflits sectaires actuels.

    Il y a l’important conflit israélo / palestinien, insoluble sous le capitalisme, où les guerres successives ont créé des conditions invivables pour les Palestiniens. Et la récente victoire électorale de Netanyahou en Israël sur base de la poursuite d’une ligne dure d’Israël envers les Palestiniens n’augure rien de bon. Mais, surtout, l’échec des mouvements révolutionnaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord laisse un grand vide qui peut être occupé par divers groupes désireux d’imposer leur idéologie barbare. Le conflit syrien/irakien s’approfondit de plus en plus et s’est maintenant également étendu jusqu’en Libye. L’attaque terroriste en Tunisie démontre que l’Etat Islamique recrute également parmi les jeunes diplômés sans perspective d’emploi ou de vie décente.

    Contre la terreur et la haine, la solidarité !

    La (dé)radicalisation est un processus d’une grande complexité provenant à la fois de l’exploitation, de la politique de diviser pour régner de l’impérialisme et des régimes qu’il soutient ainsi que du manque de perspective politique, issu notamment des erreurs historiques des mouvements staliniens ou nationalistes.

    La classe des travailleurs a besoin d’unité dans le cadre de son combat contre l’austérité et pour une société différente. Celle-ci va à l’encontre des intérêts des capitalistes et leur classe fera tout pour l’empêcher. Elle peut bien parler de tolérance, elle ne défend le droit à la migration que dans la mesure où cela peut lui assurer un approvisionnement de force de travail pour assurer ses profits. L’establishment mène une politique qui vise à diviser la population active.

    Le groupe anti-islam Pegida lui aussi agit comme le gouvernement et concentre son approche sur les individus de la jeunesse musulmane et leur environnement immédiat (école, famille). Ce n’est pas la religion en soi qui est dangereuse, c’est le contexte qui permet son interprétation particulière qui peut en faire une force sociale dangereuse, que ce soit en Occident ou au Moyen-Orient.

    Face à l’oppression et à la politique de diviser pour régner, nous devons défendre la solidarité et le socialisme autour d’un programme qui vise à unir tous les opprimés, sans distinction d’origine ou de religion, pour prendre en mains les énormes richesses et possibilités qui existent et les utiliser dans les intérêts de la majorité de la population, au lieu d’enrichir une infime élite ici ou ailleurs.

  • Plus de 100 morts à Paris. Contre la haine et la terreur : la solidarité!

    Ces attaques terroristes illustrent la faillite de la “guerre contre le terrorisme”. Il faut riposter par une mobilisation de la base de la société!

    Nous exprimons notre solidarité avec les victimes des terribles attentats de Paris ainsi qu’avec celles des attaques similaires commises à Beyrouth et Bagdad ces derniers jours. C’est l’establishment qui fait la guerre, mais les victimes se trouvent parmi la population ordinaire.

    Le PSL défend l’unité de tous les travailleurs et des opprimés contre les idées de droite, contre les groupes et institutions qui préconisent la division de différentes façons, contre la haine et contre la violence aveugle. Nous sommes pour la solidarité et la lutte commune contre le terrorisme, contre les tentatives de rendre les migrants responsables, contre l’islamophobie et contre les guerres impérialistes qui causent une misère et une destruction représentant un sol fertile pour le terrorisme, la violence sectaire et la barbarie.

    Il y a maintenant quatorze ans, le monde a été secoué par les attentats du 11 septembre 2001 à New York. L’Afghanistan et l’Irak ont été envahis au nom de en ce que le président Bush a appelé la «guerre contre le terrorisme». Quatorze ans plus tard, nous savons que l’Irak ne possédait pas d’armes de destruction massives. Le manque de perspectives pour la population bombardée a conduit à la violence sectaire et à la croissance du terrorisme. Les conséquences de l’échec de la «guerre contre le terrorisme» ont principalement frappé la population du Moyen-Orient par la guerre et encore plus de terreur. Mais l’étendue de cet échec ne se limite pas à des pays comme la Syrie, l’Irak ou l’Afghanistan, il touche aussi le reste de la région, du Pakistan à l’est vers le Nigeria ou encore la Tunisie à l’ouest. Ses mortelles conséquences font leurs ravages jusque chez nous.

    Comme toujours avec des attaques telles que celles de Paris, les premières victimes sont des travailleurs ordinaires. Les attentats de Paris n’ont pas touché ceux qui décident de bombarder la Syrie, ils ont frappé la population ordinaire. C’est cette population qui s’était mobilisée en grand nombre contre la guerre en Irak avec les manifestations massives qui ont eu lieu en 2003.

    Ces attaques et les décès parmi la population sont maintenant instrumentalisés par l’establishment et par la droite pour renforcer les préjugés contre tous les migrants, en particulier les nouveaux réfugiés. Ceux qui ont fui leur pays en raison des pratiques barbares de groupes comme l’Etat islamique (Daesh) sont pointés du doigt. La terreur que les réfugiés syriens ont voulu fuir les pourchasse jusqu’en Europe. Des manifestations de masse sont nécessaires pour répondre aux divisions et à la polarisation. Cela est également crucial pour éviter de laisser l’initiative aux mains de ceux qui non seulement ont créé le terreau sur lequel se développent la guerre et la terreur qui sévissent au Moyen-Orient, mais sont aussi responsables de la politique d’austérité, source d’aliénation parmi les jeunes. Certains ne ressentent plus aucun lien avec la société ce qui ouvre la porte à la terreur réactionnaire.

    Les terroristes peuvent bien prétendre défendre l’islam, mais ils aggravent la répression et la violence contre les musulmans en France et ailleurs en Europe. Le fait que des groupes tels qu’Al-Qaïda et Daesh n’ont très certainement pas l’intention de lutter contre l’oppression est clairement illustré en Syrie, en Irak et en Afghanistan. Ces groupes représentent un régime autoritaire et réactionnaire basée sur le capitalisme et l’exploitation féodale, la censure et les interdictions les plus diverses. Que des gens se sentent attirés par cette barbarie en France en dit long sur les conditions barbares dans lesquelles vit un groupe croissant de pauvres en Europe. Cette misère est exacerbée par les politiques d’austérité qui protègent les profits d’une infime élite de super-riches.

    Nous avons besoin d’une unité par en-bas, de la part des travailleurs et de leurs familles. Un mouvement de masse de la classe des travailleurs destiné à lutter de manière organisée en faveur d’une amélioration de nos conditions de vie et contre les gouvernements capitalistes peut changer le cours de la menace terroriste.

    Le terrorisme n’est pas un danger que les classes dirigeantes et les gouvernements capitalistes sont en mesure de combattre. Ils ont créé les conditions nécessaires au développement de ce terrorisme et sont maintenant incapables d’y remédier. La répression d’Etat, aussi forte soit-elle, est incapable de faire face à la menace.

    Avec la crise actuelle de l’économie mondiale, les gouvernements procèdent à plus d’attaques contre la majorité de la population. Cela conduit également à la croissance des tendions entre puissances impérialistes et des conflits armés. La tâche qui nous fait face est de construire un nouveau parti des travailleurs de masse basé sur un programme socialiste capable d’offrir une issue hors de ce cauchemar. La propriété publique des secteurs-clés de l’économie dans le cadre d’une planification économique socialiste reposant sur la prise de décision démocratique à tous les niveaux de la société peut jeter les bases d’une société sans guerre, sans oppression, sans exploitation, sans pauvreté et sans terrorisme.

  • Horreur à Paris – Nous ne nous laisserons pas intimider ni diviser

    L’horreur a de nouveau frappé à Paris dans une proportion écœurante. Plus de 120 morts et des dizaines de blessés, dans des lieux habituellement fréquentés par des jeunes et des travailleurs en cette fin de semaine (Stade de France, salle du Bataclan et divers cafés des 10ème et 11ème arrondissements de Paris). Ces barbares ont voulu perpétrer un meurtre de masse, aveugle, frappant une nouvelle fois des innocents. Ce sont les quartiers populaires de Paris, où la population est la plus mixte, qui ont à subir cette tragédie.

    Déclaration de la Gauche Révolutionnaire

    Rien ne peut justifier ces attentats aveugles, ni ceux de Paris, ni ceux de Bagdad ou du Nigeria qui ont eu lieu ce même vendredi, ni ceux le jeudi 12 novembre sur un marché de Beyrouth au Liban, ni celui d’Ankara le 10 octobre, ni ceux en Tunisie. Ce sont nos frères et nos sœurs, travailleurs, jeunes, chômeurs, mère de famille, retraités, par delà les origines, les cultures,… que nous pleurons aujourd’hui.

    La lâcheté en action

    Nous condamnons ces attentats et cette lâcheté aveugle. Exécuter de sang froid des gens sans défense révèle une idéologie d’extrême droite, que ce soit sous un prétexte soi-disant religieux ou autre. Incapables de gagner un soutien dans une quelconque couche de la population, et certainement pas parmi les musulmans, les terroristes de Daesh (qui revendique les attentats) utilisent des méthodes qui sont exactement les mêmes que celles de groupes fascistes, des dictatures, ou des armées d’occupation. La terreur est une arme politique qui vise à empêcher les travailleurs de s’unir, à imposer l’inaction par la peur, à renforcer le racisme : on ne se laissera pas intimider, on ne se laissera pas diviser !

    Unité des travailleurs et des jeunes contre le racisme et la barbarie

    Daesh a recours au terrorisme aveugle parce que c’est à l’image de ce qu’est cette organisation en définitive, une bande de pillards et de trafiquants. Daesh n’est que le produit du chaos dans lequel a été plongé l’Irak après les guerres destructrices menées par les gouvernements européens et il en reproduit les mêmes méthodes que les bombardements aveugles qui frappent aujourd’hui la Syrie ou l’Irak sous prétexte de « lutte contre le terrorisme ».

    En frappant ainsi aveuglément les quartiers populaires parisien, Daesh joue un rôle archi réactionnaire car ce seront les musulmans qui risquent de payer le prix fort, avec une nouvelle vague d’islamophobie, d’intolérance et de racisme, d’autre part, tout va être mis en place pour justifier la répression des luttes des travailleurs et des jeunes, à commencer par la mise en place de « l’état d’urgence » qui permet notamment l’annulation de toutes les manifestations syndicales.

    Ce n’est pas notre guerre

    Les politiciens, du Front National au PS, parlent à l’unisson de « guerre ». Une guerre qu’ils ont créé et dont la population paye le prix aujourd’hui. Mais cette guerre n’est pas la notre.

    Ce même gouvernement continue de soutenir le régime du président de la Turquie, Erdogan. Or c’est ce même Erdogan qui aide Daesh depuis des années, en laissant passer les terroristes et leurs trafics à sa frontière, tout en la fermant pour les résistants de Kobané (ville kurde au Nord de la Syrie qui a vaincu Daesh en janvier dernier). Ce même Erdogan qui fait bombarder des villes du Kurdistan turc, alors que c’est eux qui viennent de libérer la ville de Sinjar, en Irak, des mains de Daesh.

    Ce sont les gouvernements européens qui soutiennent les régime du Qatar ou de l’Arabie Saoudite, et leurs vendent même des armes, alors que ces pays soutiennent Daesh ou mènent eux aussi une politique de massacre au Yemen.

    Contre l’extrême droite, qu’elle soit « religieuse » ou politique

    L’attitude du gouvernement hollande avec le soutien du FN et des Républicains, est de couper court à toute initiative de solidarité de masse. La conséquence de « l’état d’urgence » sera d’empêcher une manifestation de fraternité comme celles de janvier dernier après les attentats contre Charlie Hebdo. De même, les nombreuses luttes sociales en cours, les grèves contre les licenciements aux hôpitaux de Paris ou à Air France vont certainement être interdites. L’état d’urgence permet notamment « d’interdire à titre général ou particulier les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre » ou « d’habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ». Nous ne devons pas accepter que nos droits et nos luttes soient ainsi limités car seuls les capitalistes (grands patrons, groupes d’actionnaires,…) et les politiciens à leur service en bénéficieront, sans que cela gène les groupes terroristes.

    Il est indispensable que les organisations du mouvement ouvrier, syndicats, partis, associations, se rassemblent et déclarent leur opposition aux guerres et aux politiques meurtrières engendrées par le capitalisme et les guerres pour le pétrole et le profit.

    La misère sociale dans laquelle sont plongées des parties entières de la population ne peut qu’amener une misère morale et un désarroi qui font le jeu de l’obscurantisme et des divisions. Les politiques qui sont menées au Moyen-Orient et en Afrique ne peuvent que nourrir toujours plus de chaos. Les conséquences sont terribles car ce sont de simples travailleurs qui en paient le prix tandis qu’ici les politiciens se servent de la situation pour justifier encore plus leurs guerres. Là bas les groupes terroristes, dont la seule vraie motivation est le trafic et le pillage, récupèrent le désespoir et s’en servent pour envoyer des kamikazes tandis que leurs chefs vivent dans des palaces.

    Encore plus de guerre n’amènera qu’encore plus de terrorisme !

    Combien de temps allons-nous payer le prix d’un système qui fait la guerre militaire, économique et sociale à une majorité de la population de la planète pour les profits d’une poignée bien au chaud et protégée ?

    Et pour nous, l’obligation de subir le terrorisme le plus abjecte, la mort, la méfiance et la peur. Ça suffit ! Nous ne laisserons pas les racistes, l’extrême droite type FN et les réactionnaires récupérer cela !

    Nous ne nous laisserons pas intimider ni diviser, et nous continuons à lutter pour une société fraternelle et tolérante, libérée du capitalisme et de l’exploitation, pour une société socialiste et démocratique.

    C’est bien une lutte massive unifiée des travailleurs et des jeunes, peu importe leur nationalité, couleur, religion (ou absence de)… pour une vie décente pour tous qui pourra régler les choses et supprimer le terreau de misère sociale et économique sur lesquels prospèrent les extrêmes droites politiques ou religieuses. Nous sommes dans la tristesse et la douleur devant tant de vies innocentes détruites, mais nous en retirons d’autant plus de colère et de détermination à ne pas subir plus longtemps ce système inhumain et la terreur et le chaos qu’il engendre.

  • Massacre à Suruç : une atteinte à l’un de nous est une atteinte à nous tous

    suruc-bomb-state-628x356Les peuples kurde et turc payent le prix du soutien d’Erdo?an à l’Etat Islamique

    Ce lundi, au moins 30 militants de la Fédération socialiste des associations de jeunesse (SGDF) ont été tués dans une explosion provoquée par un kamikaze de l’Etat Islamique dans la ville de Suruç, située au sud-ouest de l’Etat turc près de la frontière syrienne. Ces jeunes militants étaient rassemblés pour une conférence de presse avant de partir pour Kobané, à treize kilomètres de Suruç, où ils prévoyaient d’aider à la reconstruction de la ville.

    Déclaration de nos camarades de Sosyalist Alternatif (CIO en Turquie)

    Cette attaque est une conséquence directe de la politique du président turc Erdo?an, qui soutient l’Etat Islamique en Syrie. Ces derniers jours, Erdo?an a planifié une intervention militaire en Syrie et son discours à la suite de cette dernière attaque terroriste a démontré une nouvelle fois ses intentions bellicistes. Les atrocités de ce lundi montrent clairement que ce sont les travailleurs et les pauvres, Turcs et Kurdes, qui payent le prix du soutien tacite d’Erdo?an aux groupes de l’Etat Islamique.

    Le massacre prouve aussi que les militants de l’Etat Islamique, armés de fusils et des bombes, agissent et se déplacent librement à l’intérieur de la Turquie.

    Pour la première fois, l’Etat Islamique a directement attaqué une organisation socialiste sur le territoire turc. Cela démontre le caractère profondément réactionnaire et anti-travailleurs de ce groupe terroriste.

    Nous, Sosyalist Alternatif (partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc), sommes solidaires de la SGDF et considérons que cette attaque est une attaque contre nous tous.

    • Stop à la guerre et aux projets des forces armées turques concernant la Syrie et le Rojava!
    • Ouverture des frontières pour faciliter le déplacement des personnes et des biens à Kobané, afin de reconstruire la ville!
    • Nous exigeons la démission immédiate des ministres turcs des Affaires étrangères et de l’Intérieur!
    • Stop au soutien du gouvernement turc à l’Etat Islamique et aux autres groupes djihadistes!
    • Stop à la politique hostile de l’état turc envers le PYD et le peuple kurde!
    • Pour une lutte de masse des travailleurs et des pauvres, kurdes et turcs, contre le terrorisme des djihadistes et contre le gouvernement de l’AKP!

  • “Le retour des Djihadistes”. Patrick Cockburn revient sur l’ascension de l’Etat Islamique

    retour_djihadistesLe journaliste Patrick Cockburn fait figure d’autorité concernant le Moyen Orient. Son livre ‘‘Le retour des Djihadistes’’ revient sur le développement de Daesh, l’Etat Islamique. Sa conclusion est pertinente : “Daesh est le produit de la guerre”. Le mouvement est ‘‘un mélange toxique mais puissant de croyances religieuses extrêmes et de compétences militaires qui résulte de la guerre en Irak depuis l’invasion américaine de 2003 et de la guerre en Syrie depuis 2011.’’

    Ce livre revient sur plusieurs facteurs qui ont rendu possible la percée de Daesh. Il souligne notamment l’importance de l’exportation du wahhabisme hors d’Arabie saoudite, mais reconnait aussi à juste titre que de nombreux sunnites ont toléré Daesh en Irak suite aux exactions commises par le régime de Bagdad, à majorité chiite.

    La barbarie de Daesh est instrumentalisée en Occident pour convaincre les populations de l’utilité de nouvelles interventions étrangères, alors que ce mouvement provient précisément des conséquences de ces opérations militaires impérialistes. L’échec de la stratégie américaine est un fil conducteur du livre. ‘‘La guerre contre le terrorisme, à laquelle des centaines de milliards de dollars ont été alloués et au nom de laquelle les libertés des citoyens ont été réduites, a lamentablement échoué.’’ Les groupes tels qu’Al- Qaïda sont aujourd’hui bien plus forts qu’en septembre 2001.

    Celui qui veut approfondir ses connaissances de Daesh et des guerres en Irak et en Syrie ne peut passer à côté de ce livre.

  • Egypte : poursuite de la contre-révolution et résistance des travailleurs

    SissiLes condamnations à mort prononcées contre l’ancien président égyptien Mohammed Morsi ainsi que contre plus d’une centaine d’autres membres des Frères musulmans ont fait la une dans le monde entier. La répression généralisée contre toute opposition au régime du président Abdel Fattah al-Sissi a par contre été moins relatée dans les médias dominants.

    Par David Johnson, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    Depuis mai 2014, environ 40.000 personnes ont été arrêtées et poursuivies durant les 10 premiers mois du régime d’al-Sissi. Les arrestations ont continué depuis lors, la majorité d’entre elles concernant des partisans des Frères musulmans. Mais beaucoup d’autres purgent maintenant également de longues peines de prison, y compris des militants de premier plan associés au soulèvement de 2011 contre l’ancien président Hosni Moubarak. Beaucoup de journalistes ont aussi été emprisonnés.

    Les tribunaux ont interdit le Mouvement de jeunesse du 6 Avril ainsi que les «ultras» de football, des supporters qui ont derrière eux une sérieuse expérience d’opposition au régime de Moubarak et à ceux qui ont suivi son éviction. Des militants ont été empêchés de voyager à l’étranger tandis que d’autres ont été arrêtés pour possession de livres non autorisés, comme un recueil de poèmes de Shaima al-Sabbagh, un militant tué par la police lors d’une manifestation de janvier dernier.

    La loi de protestation 107/2013 restreint sévèrement la liberté de réunion et d’expression. Plus de 400 journalistes ont été licenciés depuis le début de cette année, nombre d’entre eux l’ayant été sans la moindre explication et sans doute en raison de leurs reportages critiques. Une Association de journalistes a récemment été mise sur pied et a organisé une manifestation.

    Les prisonniers s’entassent dans les postes de police, dont les capacités sont utilisées à 400%. Les prisons sont pleines à 160-200%. La torture est à nouveau largement utilisée, comme cela était le cas sous la dictature de Moubarak. En février, un avocat de 27 ans, Karim Hamdi, est mort dans un poste de police deux jours après y avoir été traîné à partir de son domicile. Des photos de son cadavre meurtri ont causé une telle vague d’indignation que deux policiers ont dû être mis à pied. Les femmes ont quant à elles souffert d’un gigantesque accroissement du harcèlement sexuel dans les lieux publics ainsi que dans les postes de police si elles veulent porter plainte.

    Le droit de s’organiser au sein d’un syndicat et le droit de grève ont tous deux été balayés. La Cour Administrative Suprême a statué le 28 avril pour criminaliser les grèves et pénaliser les travailleurs du secteur public en grève. Trois fonctionnaires ont été contraints à prendre leur retraite anticipée et 14 autres se sont vus interdire de recevoir une promotion pour une durée de deux ans après le déclenchement de la grève. Le tribunal a ajouté qu’en vertu de la charia, les grèves qui touchent les bénéficiaires des services publics ne sont pas autorisées.

    A la place de s’efforcer à développer un mouvement de résistance massif en défense des droits des travailleurs, la Fédération égyptienne des syndicats(ETUF) a déclaré (le premier mai) «les travailleurs d’Egypte rejettent la grève et confirment leur attachement au dialogue social avec les propriétaires d’entreprise et le gouvernement en tant que mécanisme destiné à réaliser la justice sociale et la stabilité.» Beaucoup de dirigeants de l’ETUF sont des reliques de l’ancien régime de Moubarak. Les conditions ont été difficiles pour les nouveaux syndicats indépendants qui ont surgi après la révolution de 2011.

    De nouvelles grèves

    Pourtant, les luttes des travailleurs se sont poursuivies en dépit de ces difficultés, bien qu’à un niveau moindre qu’après la chute de Moubarak. Une grève de trois semaines a commencé début avril dans la compagnie de gaz contrôlée par l’Etat après que cette dernière ait annoncé son intention de réduire les salaires de 20%. La grève a entraîné la fermeture de nombreux sites de la société et a causé une «grave» perte de profit. Des sit-in ont eu lieu devant le siège de la société à Giza et, le 26 avril, des grévistes sont entrés dans le bâtiment et ont tenté d’atteindre les bureaux de la direction. Un gréviste a été arrêté et inculpé d’«appartenance à une organisation interdite». Il a été libéré sous caution après que sa famille ait payé 500 livres égyptiennes (environ 60 euros).

    Toujours en avril, les travailleurs de l’entreprise de ciment Tourah ont entamé une grève qui a duré un mois et demi. Les 1.100 travailleurs n’ont accepté de revenir que lorsque la société a accepté de payer la prime annuelle qu’elle désirait supprimer. Un travailleur de l’usine de ciment Al-Arish, appartenantà l’armée, a été grièvement blessé le 2 juin. Ses collègues l’ont emmené à la clinique de l’usine, mais il n’a reçu aucun traitement. Certains ont ensuite protesté devant les bureaux de la direction. Un véhicule blindé a fait irruption dans l’usine tirant des coups de feu, tuant un travailleur et blessant trois autres. Les travailleurs se sont ensuite mis en grève. «Nous avons pensé que l’armée interviendrait à nos côtés, mais ils ont tiré sur les travailleurs»a déclaré un ouvrier au Daily News Egypt. «Plus de 1000 travailleurs sont surchargés de travail et vivent dans des conditions difficiles.»

    Les avocats du pays ont fait la grève le 6 juin après qu’un officier supérieur de la police ait agressé un avocat de 25 ans d’expérience, qui a dû ensuite se rendre à l’hôpital.

    La peur de l’Etat Islamique instrumentalisée par le régime

    Même si les sondages semblent encore montrer un soutien de 80% à al-Sissi, l’expérience concrète des travailleurs va inévitablement saper ce pourcentage. La peur grandissante de l’Etat Islamique et de la situation rencontrée en Syrie, en Irak, au Yémen et en Libye joue beaucoup dans ce taux de soutien. En Libye, l’Etat Islamique a décapité des travailleurs égyptiens. Au nord du Sinaï, les confrontations sont croissantes entre les forces de sécurité et les combattants islamistes de la province du Sinaï, qui ont changé d’allégeance d’Al-Qaïda à l’Etat Islamique.

    Al-Sissi considère les Frères musulmans comme une organisation terroriste et selon lui tous les travailleurs et les jeunes qui protestent sont membres des Frères musulmans. Il utilise la menace de la violence islamiste pour notamment s’assurer le soutien des chrétiens coptes d’Egypte, qui ont pu voir quel traitement les chrétiens de Syrie et d’Irak avaient subi aux mains de l’Etat Islamique.

    Une des conséquences de la répression à laquelle font face les Frères musulmans est le fossé croissant entre sa direction plus âgée et certains membres plus jeunes. La direction actuelle espère pouvoir survivre en gardant la tête baissée et en évitant toute confrontation directe avec le régime, comme cela était sa stratégie à l’époque de Moubarak. Certains militants plus jeunes sont par contre attirés par l’action armée en considérant l’impact de l’Etat Islamique à travers le Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    L’hypocrisie impérialiste

    Un visiteur qui ne contribuera pas à résoudre ces problèmes est le nouveau dirigeant du Conseil européen pour la tolérance et la réconciliation : Tony Blair! Il est arrivé au Caire le 8 juin dernier pour une visite de deux jours. L’invasion impérialiste de l’Irak qu’il a lancée en compagnie de l’ancien président américain George W. Bush en 2003 a, avec le bombardement de la Libye de l’OTAN en 2011, massivement contribué aux problèmes de la région.

    Les soulèvements de masse de la région qui ont commencé en Tunisie et en Egypte en 2011 et ont vu le renversement des dictateurs Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte, étaient de magnifiques exemples de la puissance de la classe des travailleurs et de la jeunesse. Mais au lieu que ces mouvements de masse des travailleurs ne remplacent les dictateurs par des droits démocratiques et sociaux complets – le socialisme démocratique – les travailleurs ont manqué de partis politiques aux racines assez fortes et au programme d’action clair. Par conséquent, ce sont d’autres forces qui ont remporté la direction de ce qui est appelé le «printemps arabe».

    Hypocritement, les puissances impérialistes occidentales qui ont renversé Saddam Hussein et bombardé le régime de Kadhafi au nom de la «démocratie» sont maintenant presque silencieux à propos de la contre-révolution d’Al-Sisi. Ce dernier a encore vu le tapis rouge être déployé à ses pieds lors d’une visite en Allemagne. Le Big business cherche à stimuler son commerce et ses profits sans être encombré de travailleurs égyptiens disposant de droits et se battant pour des salaires et des conditions de travail décents. Al-Sissi est également considéré comme un allié fiable contre la menace représentée par l’Etat Islamique (Daesh).

    Malgré la situation contre-révolutionnaire actuelle, la classe des travailleurs et la jeunesse d’Egypte n’ont pas oublié leur expérience acquise lors du renversement du régime haï de Moubarak. Digérer les leçons de 2011 aidera à clarifier la voie à suivre, en particulier le fait d’avoir laissé la machine d’Etat capitaliste en grande partie intacte et sous le contrôle d’anciens membres de son régime. La puissante classe ouvrière égyptienne va retrouver la combativité vue au cours de l’année qui a suivi, cela pourra donner une direction dans la lutte pour le socialisme démocratique dans la région.

  • Tunisie: attaque terroriste à El Kantaoui – Pour un mouvement de masse contre la pauvreté et la terreur !

    attentat_tunisieAl-Badil al-Ichtiraki (Alternative Socialiste, CIO en Tunisie) condamne fermement l’attaque terroriste barbare de Sousse, qui, au dernier décompte, a conduit à la mort de 39 personnes innocentes. Il s’agit de la pire attaque terroriste que la Tunisie ait jamais connue, et la deuxième attaque terroriste majeure ciblant des touristes en moins de quatre mois. Les victimes de cette attaque, au-delà des touristes massacrés pendant leurs vacances et la douleur insupportable occasionnés à leurs familles et amis, seront aussi les nombreux Tunisiens qui dépendent de l’industrie touristique comme gagne-pain quotidien.

    Déclaration d’Al-Badil al-Ishtiraki (Alternative Socialiste, Comité pour une Internationale Ouvrière – Tunisie)

    Des milliers de touristes ont déjà quitté le pays ou sont en attente de le faire. Daesh, qui a revendiqué l’attaque, peut bien dénoncer les « infidèles »; en réalité, d’innombrables familles musulmanes pauvres vont payer le prix fort de leurs actions répugnantes. Horrifiés par l’assaut, des travailleurs de l’hôtel et d’autres personnes locales ont héroïquement formé une barricade humaine pour protéger autant de touristes qu’ils le pouvaient.

    Seifeddine Rezgui Yacoubi, l’homme qui a perpétré cette attaque, a utilisé une kalachnikov pour tuer 39 personnes en 17 minutes. Cela présuppose qu’il a été entraîné pour utiliser son arme – comme le sont un nombre croissant de Tunisiens, entraînés et armés via les terrains de guerre en Syrie, en Irak et en Libye voisine, cette dernière étant devenue, depuis l’intervention militaire de l’OTAN, une plaque tournante pour le trafic de toutes sortes par de nombreux groupes djihadistes armés.

    Depuis l’opération terroriste au musée du Bardo en mars dernier, les conditions qui ont conduit à ce genre d’horreurs sont restés inchangées. “Rezgui” s’était vu lui-même nié le droit d’être logé dans les dortoirs universitaires de Kairouan, poussé à vivre dans un quartier où de nombreux salafistes opèrent et endoctrinent les jeunes. Le chômage de masse, la marginalisation sociale et politique, le manque d’infrastructures de base dans de nombreux quartiers, le manque d’accès à une éducation décente et d’investissement public dans les moyens d’expression culturelle et artistique, tout cela a créé un profond sentiment d’aliénation parmi des centaines de milliers de jeunes tunisiens, dont les prédicateurs radicaux et les réseaux salafistes, aidés par l’inondations d’argent provenant de riches donateurs du Golfe, profitent pour mettre en œuvre leurs entreprises ignobles.

    Après ce nouveau carnage à Sousse, les terroristes nous feraient presque oublier qu’il y a quatre ans, c’était l’appareil d’Etat lui-même qui « tirait pour tuer » en Tunisie, massacrant des centaines de personnes afin de protéger les intérêts de la clique de voleurs au pouvoir. Bien que quelques haut bonnets soient tombés, l’épine dorsale et la fonction de cet État sont fondamentalement restés les mêmes (ce qui peut se voir par exemple par le nombre de décès sous la torture policière ces derniers mois), et le parti au pouvoir Nidaa Tounes s’inscrit dans la lignée politique directe de ceux qui ont nous exploités et opprimés pendant tant d’années. C’est pourquoi nous ne pouvons pas faire confiance en cet Etat et en ce gouvernement pour faire face au danger terroriste. Tout ce à quoi ils sont intéressés, c’est à intensifier la répression et à criminaliser les libertés que nous avons arrachées de haute lutte – une “solution” qui est vouée à l’échec, car elle ne traite pas les causes profondes du problème. Bien au contraire, les politiques néolibérales du gouvernement et sa collaboration avec des pays impérialistes qui alimentent les guerres au Moyen-Orient et vendent des armes aux théocraties sunnites, ne feront qu’empirer les choses.

    L’heure est à la mobilisation de masse!

    La meilleure façon d’honorer toutes les victimes de la terreur, qu’elle soit celle des djihadistes, mais aussi les centaines de victimes de la terreur d’État qui réclament toujours justice, est de poursuivre la lutte pour un véritable changement révolutionnaire, et pour le développement d’une voix politique de masse représentant les travailleurs et les jeunes. Sans cela, le peuple tunisien sera pris entre les feux d’une poignée de criminels assassins et une autre.

    Les mouvements sociaux et syndicaux ont révélé à plusieurs reprises la possibilité d’attirer des milliers de jeunes dans la lutte collective, pour l’emploi et l’exigence d’une vie digne. Beaucoup de jeunes qui sont aujourd’hui les proies d’extrémistes religieux s’étaient battus pour lutter contre le régime de Ben Ali, et pour un avenir meilleur. Cette dernière lutte est le type de mouvement révolutionnaire de masse que nous devons reconstruire d’urgence, afin de redonner de l’espoir à la jeune génération et arracher nos jeunes des griffes des terroristes et des gangs de trafiquants.

    Si la gauche ne fournit pas de réponses claires sur la façon de changer la société et n’offre pas un canal pour l’action politique radicale de masse ; si elle déçoit ceux qui mettent leurs espoirs en elle, les « Takfiris » vont combler le vide en exploitant le désespoir, le détournant en des actions individuelles et destructrices, dont les victimes seront principalement des travailleurs et des pauvres, tunisiens et étrangers.

    Par conséquent, nous appelons tous les syndicats, la gauche et la jeunesse révolutionnaire à ne pas être induits en erreur par la propagande de la classe dirigeante et des médias, qui cherchent à créer un climat d’intimidation, ordonnant aux gens de se ranger derrière le gouvernement et exigeant une «pause» dans les revendications sociales. C’est exactement la route vers plus de la misère, et vers une multiplication du type de violence qu’on a vu vendredi. Au lieu de cela, nous appelons la masse du peuple tunisien, les syndicalistes de l’UGTT, les partis de gauche et les organisations sociales, à envahir les rues pour dire non à la terreur et à l’extrémisme religieux, mais aussi pour renouveler la lutte sur le terrain pour réclamer des emplois et une vie décente pour tous et toutes, ainsi que pour défendre nos droits démocratiques face aux menaces de tout bord.

    Non au terrorisme, non au capitalisme, non à l’impérialisme – pour une alternative socialiste contre la guerre, la pauvreté et la terreur !

  • Irak/Syrie. L'Etat Islamique à Ramadi et Palmyra. Comment stopper les milices sectaires?

    ramadi-300x177Quelques jours après que l’État islamique (EI) ait capturé Ramadi, la capitale de la province d’Anbar en Irak, la ville syrienne de Palmyre a aussi été conquise par les djihadistes sunnites. Dans les deux pays, l’offensive de l’EI a à nouveau provoqué un affaiblissement de l’armée, un afflux de réfugiés nationaux et a renforcé les positions de l’EI.

    Article de Niall Mulholland

    Selon le régime de Bagdad et le gouvernement des États-Unis en Irak l’EI était censé être dans une position défensive. Il y a quelques mois, l’EI avait été défait par une combinaison de résistance kurde et des frappes aériennes US menées autour de Kobané dans le nord de la Syrie et avait également été expulsé de Tikrit dans le centre de l’Irak. L’EI avait cédé environ 20.000 kilomètres carré de territoire dans le nord de l’Irak.
    Les bombardements des forces occidentales a affaiblit l’EI mais cela ne constitue pas une alternative aux forces armées terrestres en Irak qui sont complètement inefficaces et corrompues. Comme lors de la chute dramatique de la ville de Mossoul l’année passée, les soldats irakiens ont de nouveau fuit dès l’assaut de l’EI sur Ramadi. Ils ont laissé derrière eux artillerie et munitions. L’EI a ensuite attaquer la ville d’Husaibah près de Ramadi. La politique des États-Unis de reconstruire l’armée irakienne pendant qu’il la soutient par les frappes aériennes, est en train d’échouer. De même que le projet de faire entrer les tribus sunnites en résistance contre l’EI.

    Les « troupes d’élite» syriennes qui restent fidèles au président Bachar al-Assad devaient défendre les grandes exploitations pétrolières au nord de Palmyre. Mais à peine le combat commencé, elles se sont rendues. Encore une fois, d’importants stocks de munitions sont tombés aux mains de l’EI. Celui-ci contrôlerait désormais plus de 50% du territoire syrien.

    Les victoires de l’EI sont moins dues à sa force propre qu’à la faiblesse de l’Etat en Syrie et en Irak. Le régime d’Assad a pratiqué une politique de discrimination brutale de la majorité sunnite depuis des années. Et le régime dominé par les chiites à Bagdad est craint et haï par la minorité sunnite du pays.

    La chute de Ramadi et celle de Palmyre sont au sommet d’une longue liste de catastrophes humanitaires dans les deux pays. Plus de 25.000 personnes ont fui Ramadi, un tiers des 200 000 habitants de Palmyre ont fui la ville. Ceux qui restent sont confrontés à la barbarie de l’EI. On a pu ainsi voir sur les médias sociaux les nombreux corps de ceux qui ont été exécutés dans la rue. Le patrimoine mondial reconnu par l’UNESCO à Palmyre est menacé. Il y a quelques mois, l’EI a détruit des sites antiques en Irak.

    Le gouvernement irakien est maintenant dépendant des milices chiites pour contrecarrer l’EI, reprendre Ramadi et le reste de la province à majorité sunnite d’Anbar. Cela va accroître les tensions sectaires et les atrocités. Human Rights Watch a signalé que les milices chiites et les troupes irakiennes se sont rendues coupables de crimes de guerre, de pillage, de torture et d’exécutions arbitraires de sunnites alors qu’ils entraient dans la ville d’Amerli que l’EI a repris en septembre. Les méthodes barbares de l’EI sont fermement condamnées par les gouvernements occidentaux, mais les actes tout aussi barbares des alliés chiites des États-Unis en Irak sont à peine évoqués. Dans les cercles dirigeants des États-Unis, il y a un débat sur la façon dont l’EI doit être abordée. Il y a environ 5.000 soldats américains en Irak en tant que «conseillers spéciaux». A Washington, certains réclament une forte augmentation des contingents de troupes au sol. Mais Obama est défavorable à une plus grande implication des États-Unis dans une guerre terrestre prolongée, sanglante et coûteuse en Irak. D’autant qu’il n’y a aucune garantie de succès.

    En Syrie, les Etats-Unis ont soutenu les soi-disant rebelles «modérés» avec des frappes aériennes à la fois contre l’EI et le régime d’Assad. Ils ont dépensé environ 500 millions de dollars pour former les rebelles. Compte tenu de l’inefficacité de la plupart des rebelles anti-Assad, une grande partie de cette aide américaine est en réalité tombée dans la poche de la branche locale d’Al-Qaïda, Al Nusra.

    Contradictions des politiques occidentales

    Les énormes contradictions et l’hypocrisie des politiques occidentales et américaines dans la région sont le résultat de plus de dix ans d’agressions impérialistes, de guerres illégales, d’occupations sanglantes et de bombardements de l’armée. Et ce, de la Libye à la Syrie. On estime que plus d’un million de personnes ont été tuées à la suite des actions menées par les États-Unis et d’autres puissances occidentales. La poursuite d’objectifs géostratégiques, notamment l’accès au pétrole et les bénéfices associés pour les grandes entreprises, sont au cœur de la politique occidentale dans la région. La vie des populations dans la région est totalement soumise à ces objectifs.

    La politique américaine dans la région depuis des années a été de «diviser pour régner», en opposant les sunnites contre les chiites. Cela a créé des monstres de Frankenstein, comme l’EI. Les forces djihadistes sunnites étaient initialement partie de l’insurrection sunnite contre le régime chiite soutenue par les Américains en Irak. Après le soi-disant “réveil” sunnite, une révolte des tribus sunnites contre le gouvernement local d’Al Quaïda. plusieurs djihadistes sont partis en Syrie, où ils ont joué un rôle dans la guerre civile en développement. Certaines de ces forces ont formé l’Etat islamique d’Irak et de Syrie en gagnant rapidement du terrain dans l’opposition à Assad, y compris grâce aux armes et au soutien des Etats réactionnaires du Golfe (qui sont des alliés des États-Unis).

    Le succès dans la lutte contre Assad et contre des forces djihadistes concurrentes a permis à l’EI de retourner en Irak où il a trouvé un soutien dans les régions sunnites accablées par des années de répression de l’Etat et de persécutions de la part du régime de Bagdad à majorité chiite.

    La spirale sanglante montre que sur la base du capitalisme et sous la domination des élites réactionnaires et des forces sectaires de plus en plus de conflits et de catastrophes humanitaires éclatent dans la région. Seule la population active de la région, relié au reste du mouvement ouvrier à travers le monde, peut trouver un moyen de sortir de ce cauchemar.

    Le potentiel pour cette alternative est apparu au cours du «printemps arabe», quand les dictateurs ont été renversés par des mouvements de masse des travailleurs et des pauvres en Tunisie et en Egypte. Mais ces mouvements réagissant contre des décennies de dictature n’avaient pas de direction ferme venant du mouvement ouvrier, une direction qui aurait pu mobiliser les masses et les organiser non seulement contre les dictatures, mais aussi contre le capitalisme. Le mouvement a laissé place à la contre-révolution qui pourrait à nouveau prendre le dessus avec le soutien des puissances occidentales. Cela a abouti au retour d’un régime militaire en Egypte et en Libye. En Syrie, le mouvement de masse a été détourné sur base de divisions sectaires ou réactionnaires ou de différents entre tribus.

    Insurrection

    La population active dans la région finira par revenir à la lutte de masse contre les dictateurs et toutes les forces sectaires. La haine profonde des sunnites contre le régime de Bagdad leur fait tolérer le règne de l’EI jusqu’à un certain point. Ils espèrent que cela peut conduire à la fin des persécutions de la part des chiites et que cela peut apporter un certain degré de «stabilité» et « d’ordre ». La vie quotidienne sous la barbarie du fondamentalisme sunnite finira par provoquer une opposition à l’EI. Le journaliste irlandais Patrick Cockburn a récemment publié un rapport sur la situation terrible dans laquelle les sunnites vivent en Irak dans la région contrôlée par l’EI. Les filles sont forcées de se plier à des “mariages djihadistes”, la musique et la danse sont interdites, de même que le fait de manger des oiseaux.

    Les travailleurs et les pauvres en Irak et en Syrie ne peuvent compter que sur l’auto-organisation afin de mettre un terme à la guerre et à la misère sociale. Seul un mouvement ouvrier uni et indépendant peut organiser l’auto-défense de toutes les communautés et minorités. Avec un programme socialiste, un tel mouvement peut trouver un soutien au niveau régional et international dans la lutte contre les régimes pourris et pour mettre fin à l’impérialisme, à toutes les politiques et milices réactionnaires et sectaires. Cela pourrait former la base d’une réorganisation socialiste démocratique de la société.

  • Préaccord sur le nucléaire iranien, reflet d'un Moyen-Orient en pleine transformation

    Après la désastreuse occupation de l’Irak, l’administration Obama cherche un nouvel équilibre entre les différentes puissances de la sous-région.

    Le préaccord nucléaire défini au mois d’avril dernier entre l’Iran et les puissances mondiales du groupe « P5+1 » marquera, s’il est mis en œuvre, un point tournant dans les relations entre les pays occidentaux et les pays du Moyen-Orient, ainsi qu’entre ces pays dans la région. Même si l’on pourra peut-être observer un report de la ratification finale de cet «accord politique», le fait seul que ces négociations se soient tenues est le signe qu’un réalignement des forces est en train de s’opérer dans la région.

    Par Robert Bechert, secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Les désastreuses conséquences de l’invasion de l’Irak

    Cette tentative d’accord est essentiellement le résultat de l’évolution de l’équilibre entre puissances au niveau mondial et de l’invasion de l’Irak menée par les États-Unis et la Grande-Bretagne en 2003, dont les conséquences se font amèrement sentir.

    Tandis que la position des États-Unis au niveau mondial s’est affaiblie face à la croissance économique de la Chine et à son influence grandissante au niveau international, le bilan désastreux de l’invasion de l’Irak a contribué à mettre un terme à la brève période des années ’90 au cours de laquelle les États-Unis dominaient la scène internationale. Cette invasion a été désastreuse non seulement pour des millions d’Irakiens, mais aussi pour les architectes de cette guerre. Les limites de la puissance des États-Unis et le déclin prononcé des forces britanniques se sont révélés au grand jour, une fois qu’a été perçue l’échec des espoirs de ces États, qui visaient à établir un nouvel ordre au Moyen-Orient en éliminant ou en neutralisant les forces qui leur étaient hostiles.

    Pour le peuple irakien, l’invasion de 2003 s’est traduite par d’énormes préjudices, une augmentation des souffrances et de nouveaux conflits ; mais pour les instigateurs et les partisans de la grande aventure de Bush et Blair, il s’est agi d’une défaite stratégique qui s’est soldée par un énorme gaspillage de ressources. Non seulement l’invasion irakienne a déstabilisé l’ensemble de la sous-région, mais elle a également renforcé la puissance régionale de l’Iran, à l’inverse de ce que Washington souhaitait. Au final, cette invasion a constitué un énorme pas en arrière pour les puissances occidentales qui, après le renversement du Shah en 1979, avaient sous Reagan et Thatcher tenté d’isoler l’Iran en soutenant Saddam Hussein durant la guerre initiée par ce dernier entre l’Iran et l’Irak de 1980 à 1989.

    Dans un article qui critique vivement cet accord, mais qui n’offre aucune réelle alternative, les anciens secrétaires d’État, MM. Kissinger et Shultz, regrettent le fait que <i>«Les négociations entamées il y a 12 ans pour empêcher l’Iran de développer un arsenal nucléaire aboutissent finalement à un accord qui lui offre cette même possibilité ; bien que cet arsenal ne sera pas à sa capacité maximale dans les 10 premières années»</i> (Wall Street Journal, 9 avril 2015). Ce compromis avec l’Iran n’est pas ce que Washington et Londres envisageaient en 2003.

    Bilan du «Printemps arabe»

    Les révolutions de 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont tout d’abord porté un rude coup aux puissances occidentales lorsque certains de leurs hommes forts, notamment le président égyptien Moubarak, se sont fait renverser du pouvoir. Ces puissances ont sérieusement craint que les révolutions se répandent à d’autres pays et qu’elles ne s’arrêtent pas à une simple élimination des autocrates et des dictateurs, mais qu’elles se transforment en de réelles révolutions sociales.

    Cette occasion en or pour la classe des travailleurs et les pauvres de mettre fin à l’oppression et au capitalisme une bonne fois pour toutes n’a pas été saisie. Mais, même si cette première vague révolutionnaire a chaviré, la contre-révolution qui a suivi n’a pas été capable de restaurer l’ancienne position de l’impérialisme. En réalité, l’impérialisme a perdu de son influence directe, car la contre-révolution a déclenché des forces centrifuges (càd. à tendance sécessionniste) qui se fondent sur des clivages ethniques, tribaux et religieux. Cette évolution, que l’on a pu observer très clairement avec le déchirement de la Libye et de la Syrie, a créé encore plus de misère et d’instabilité dans la région. Dans ce contexte, l’avancée explosive de l’Etat Islamique (EI) et d’autres groupes fondamentalistes n’a fait qu’approfondir la morosité de l’impérialisme.

    Les grandes puissances impérialistes, devant la faiblesse de leurs alliés arabes traditionnels et craignant la rapide avancée de EI, se sont vues contraintes de chercher de nouveaux alliés partout où c’était possible, ce qui explique le soutien apporté par l’Occident aux dirigeants de la zone autonome kurde en Irak. En Irak, un arrangement officieux a été conclu entre les forces étasuniennes et iraniennes afin de soutenir le gouvernement irakien à dominante chiite dans le cadre de sa lutte contre EI.

    C’est alors que, dans les coulisses, les tentatives d’obtenir un rapprochement avec l’Iran se sont multipliées ; ces efforts ont désormais franchi une nouvelle étape avec la définition de cet accord.

    En ce moment, les puissances mondiales (et surtout les forces impérialistes occidentales) ont besoin de l’aide du régime iranien pour combattre la menace que fait peser EI et autres fondamentalistes sunnites sur l’Irak et sur la Syrie. Mais cette stratégie risque de mettre à mal les relations des puissances occidentales avec les dirigeants de l’Arabie saoudite et des États du Golfe, dont la majorité soutient et finance différents fondamentalistes sunnites. Ces dirigeants majoritairement autocratiques et féodaux sont des rivaux directs de l’Iran et craignent que ce pays, qui joue désormais un rôle décisif en Irak, n’utilise les populations chiites dans des pays comme le Bahreïn et l’Arabie saoudite pour étendre son influence. C’est l’une des raisons pour lesquelles les États-Unis défendent à l’Iran de s’impliquer dans la guerre civile au Yémen.

    En même temps, certains stratèges occidentaux sont plus prudents par rapport à l’Iran. À leurs yeux, cet accord n’est pas suffisant pour affaiblir le programme nucléaire iranien. Kissinger et Schultz avouent l’affaiblissement de la position occidentale, lorsqu’ils écrivent qu’avec l’évolution du programme nucléaire iranien, « la menace de guerre limite à présent l’Occident plus que l’Iran ». Cependant, à certains égards, Obama suit aujourd’hui une stratégie semblable à celle suivie par le même Kissinger lorsque celui-ci préparait l’accord de 1972 entre la Chine et les États-Unis.

    Bien que les puissances mondiales soient en concurrence sur toute une série de thème tels que la domination du Pacifique ou l’Ukraine, chacune avait ses propres raisons de parvenir à cet accord entre le groupe P5 + 1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume Uni et Allemagne) et l’Iran. Même si certains alliés de l’Occident au Moyen-Orient – en particulier les régimes israélien et saoudien – y sont opposés, car ils craignent de perdre grandement dans ce nouvel équilibrage des forces. En ce qui concerne l’Arabie saoudite par exemple, elle s’inquiète du fait que la hausse de l’influence iranienne pourrait encourager la contestation de la part de sa minorité chiite. Israël quant à lui craint de perdre de son influence auprès des puissances occidentales.

    L’administration Obama balance entre les différentes puissances

    L’administration Obama elle-même joue un jeu d’équilibriste entre les différentes puissances sous-régionales. Au cours de la même semaine où l’accord avec l’Iran a été défini, les États-Unis ont repris leur aide annuelle de 1,3 milliards de dollars à l’Égypte (740 milliards de francs CFA), ont assuré l’Arabie saoudite de leur soutien envers ses raids aériens sur le Yémen, et ont donné leur accord à la création d’une future force militaire panarabe sunnite.

    Pendant ce temps, aux États-Unis eux-mêmes, les Républicains ont entamé, de concert avec le Premier ministre Netanyahu, une campagne d’opposition à l’accord iranien, pour des raisons à la fois électorales et politiques. Ils espèrent exploiter ce qui reste d’hostilité à l’Iran parmi la population américaine, en ravivant le souvenir du personnel diplomatique américain qui avait été retenu en otage pendant 444 jours en 1979-81 ainsi que les craintes qui pèsent (particulièrement parmi les couches fondamentalistes juives et chrétiennes aux États-Unis) sur l’avenir de l’État d’Israël.

    Des divisions existent aussi au sein du régime iranien. En Iran, nous voyons une situation où se mêlent la soif de changement, l’instabilité au niveau sous-régional, les sanctions économiques, et maintenant la chute du prix du pétrole ; ce qui donne une majorité à ceux qui soutiennent un accord sur le nucléaire.

    Mais les palabres continuent au sein du régime. En ce moment, le «Guide suprême» iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, parait soutenir les tentatives du président Hassan Rouhani d’obtenir un accord. Mais les éléments sceptiques, plus critiques, rassemblés autour de la faction religieuse conservatrice, n’ont pas encore abandonné leur bataille contre les centralistes, surtout au vu des élections qui arrivent en février prochain tant pour le parlement que pour l’Assemblée des experts. On a été surpris de voir un de ces conservateurs se faire récemment élire en tant que président de l’Assemblée des experts, une institution dont le rôle est, entre autres, de nommer le Guide suprême. À quel point s’agit-il d’une manœuvre de la part du régime dans le cadre des négociations en vue d’un accord ? Ce n’est pas clair.

    Ce qui est clair par contre, c’est que le régime voit qu’il y a une aspiration de plus en plus grande au changement dans la société, surtout parmi la jeunesse, accompagnée d’une remise en question croissante de la caste religieuse au pouvoir depuis 1979. Les divisions et le malaise du régime sont visibles par sa politique faite d’un mélange de répression continue et de petites concessions. D’ailleurs, l’annonce du préaccord a été accueilli par des manifestations de joie spontanées dans les rues du pays entier. Les gens chantaient, applaudissaient et dansaient. Beaucoup brandissaient des portraits du président Rouhani. La popularité de ce préaccord fait que le régime ne peut rejeter en bloc sa signature, sans quoi il risque de provoquer une contestation populaire d’un niveau potentiellement supérieur au mouvement de masse qui s’est développé après les élections présidentielles de 2009.

    Cela, parce que la perspective d’un accord qui permettrait de mettre un terme aux sanctions internationales qui pèsent sur l’Iran depuis des décennies alimente les espoirs de changement, surtout dans le contexte de la chute du cours du pétrole qui a fortement affecté l’économie et le niveau de vie dans le pays.

    Même si l’inflation est retombée récemment de 40 % à 16 %, le président du syndicat official soutenu par l’État a avoué que 70 % des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté. Le ministre du Travail a mentionné le fait que 12 millions de gens souffrent de « pauvreté alimentaire » dans son pays. La pression sur le niveau de vie a maintenant provoqué une contestation de la part des travailleurs. Depuis le mois de mars, on voit des grèves des travailleurs de l’automobile et des marches « silencieuses » de dizaines de milliers d’enseignants.

    Un marché potentiel

    La population iranienne se chiffre à 80 millions de personnes ; il s’agit de plus de la 18e plus grande économie mondiale. L’Iran n’est donc pas seulement une puissance régionale, mais aussi un marché potentiel. De nombreuses entreprises étrangères se préparent activement à débarquer dans le pays sitôt que les sanctions seront levées. Le New York Times citait l’année passée le directeur d’une compagnie pétrolière pour qui « Après l’accord, nous allons connaitre un boom incroyable ». Quelques semaines après la signature de ce préaccord, un groupe d’investisseurs et d’hommes d’affaires américains a tenu une rencontre publique à Téhéran – le tout premier événement de ce genre depuis la révolution de 1979.

    Même si l’accord est signé, les sanctions ne vont être levées que graduellement. De plus, malgré les fortes attentes de la part de la population, vu la situation de crise économique au niveau mondial, il n’y a que peu de chances que la levée des sanctions mène à une croissance durable et partagée en Iran.

    Mais le changement pourrait donner une plus grande confiance à la classe des travailleurs iranienne pour lutter pour ses revendications. Ceci pourrait représenter un tournant crucial. Avec l’Égypte et la Turquie, l’Iran compte une des classes des travailleurs la plus importante du Moyen-Orient. L’Iran est un pays relativement développé. Tout comme en Turquie, 70 % de sa population vit dans les villes. Le réveil des traditions de lutte de la classe des travailleurs iranienne aurait un impact extrêmement important au niveau de toute la sous-région, qui pourrait donner un bon exemple de lutte de masse. Si cette lutte était accompagnée d’idées socialistes, cela pourrait être un bon pas en avant dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et la violence qui caractérise le Moyen-Orient sous le règne des féodaux, des sectaires religieux et du capitalisme.

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