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  • Kurdistan : « L'Etat Islamique » chassé de Kobanê

    La fin du siège de Kobanê va-t-elle inverser la tendance contre l’EI ?

    kobane-300x160« L’Etat Islamique » (EI) avait promis de célébrer la fête musulmande de l’Aïd al-Adha dans les mosquées de Kobanê. Mais après 134 jours de résistance héroïque par les unités de guérilla, les YPG/YPJ (Unités de Protection du Peuple et Unité de Protection des Femmes), « assistés » par les bombardements de la coalition dirigée par les Américains et plus marginalement par les troupes de Peshmerga kurdes irakiennes et des éléments de « l’Armée Syrienne Libre », l’EI a été repoussé hors de la ville la semaine dernière. Le drapeau noir du groupe jihadiste a été retiré des toîts de Kobanê et des millions de Kurdes dans le monde entier célèbrent la libération de la ville symbole.

    Serge Jordan, Comité pour une Internationale Ouvrière

    C’est un important revers militaire et psychologique pour l’EI. Il érode le prestige du groupe et la légende de ce mastodonte. Le 27 octobre 2014, l’EI avait publié une vidéo proclamant que la bataille pour Kobanê était « presque finie » et que les jihadistes étaient en train de « nettoyer de rue en rue et d’immeuble en immeuble ». Bien que l’EI ait envoyé certains de ses meilleurs combattants à Kobanê, surpassant la résistance en nombre et ayant à sa disposition de grandes réserves d’armes lourdes et de forces blindées, il a fini par être forcé dans une retraite humiliante.

    Le chiffre exact des pertes de l’EI dans la bataille pour Kobanê n’est pas connu avec certitude, mais tous les observateurs l’estiment proche de 1000, sinon plus. A mesure que les revers de l’EI à Kobanê apparaissaient, ils créaient de la confusions et des brèches dans les rangs des jihadistes. Le groupe a même procédé à l’exécution de combattants qui refusaient l’ordre de ce déployer dans cet endroit. « Les combattants arguaient que la ville n’était pas suffisamment importante stratégiquement pour justifier les pertes qu’ils subissaient », indique le Financial Times de décembre 2014.

    La victoire de Kobanê est aussi un coup pour le régime turc de Recep Tayyiploç Erdo?an, dont le soutien militaire, logistique et médical officieux aux jihadistes a été bien documenté – autant que son aversion pour la rébellion à dominante kurde de Kobanê et dans les autres « cantons autonomes » de Rojava. La possibilité de retombées terroristes en conséquence des intrigues de l’Etat turc a été vue à domicile le 6 janvier 2015 quand une femme kamikaze liée à l’EI s’est fait exploser dans le district Sultanahmet à Istambul, tuant un policier.

    Hypocrisie des USA

    Le Département d’Etat américain et le Pentagone ont félicité les combattants résistants de Kobanê pour leur victoire, tout en vantant la campagne aérienne menée par les Américains. Bien qu’il ne serait pas raisonnable de soutenir que les bombardements américains n’ont joué aucun rôle dans la défaite de l’EI à Kobanê, il est clair qu’en premier lieu, le gouvernement américain n’aurait pas fait de cette ville une priorité sans la résistance sans répit des combattants des YPG/YPJ sur le terraint, dont 600 ont payé de leur vie la libération de la ville.

    La position à double face de l’impérialisme américain ne peut être mieux illustré que par les mots de John Kerry, Secrétaire d’Etat, qui expliquaient en octobre 2014 que d’empêcher de la chute de Kobanê ne faisait pas partie de la stratégie des USA, mais qui maintenant déclare sans rougir que « Kobanê était un vrai objectif symbolique et stratégique » !

    La deuxième plus grande ville d’Irak, Mossoul, a été prise par l’EI en quelques jours en juin dernier, malgré l’investissement de milliards de dollars par le gouvernement américain dans l’entraînement de l’armée irakienne. La petite ville de Kobanê, avec bien moins de main d’oeuvre et de capacités militaires, est devenue un symbole mondial de résistance bien avant que les USA ne décident d’intervenir dans ce qu’ils considéraient comme secondaire dans leur plan général.

    Il y a 2 siècles, Napoléon Bonaparte observait : « l’efficacité d’une armée dépend de sa taille, de son entraînement, de son expérience et de son moral, mais le moral vaut plus que les autres facteurs réunis. » La victoire de la résistance de Kobanê a démontré qu’une lutte résolue basée sur les aspirations sociales et démocratiques du peuple, plutôt que sur les affiliations sectaires et les ambitions motivées par le profit et la corruption, peuvent vaincre même les plus impitoyables des forces terroristes.

    Cela peut servir d’encouragement aux millions qui vivent sous la poigne de fer de l’EI dans d’autres régions de l’Irak et de la Syrie. Dans certains de ces endroits, des signes de dissension apparaissent qui indiquent l’exaspération grandissante chez une partie de la population et les problèmes que le groupe jihadiste rencontre en administrant ces régions comme une force occupante de facto.

    Alors que l’EI est encore fonctionnel et bien-organisé, et qu’il contrôle de vastes étendues de territoire à la fois en Syrie et en Irak, sa répression brutale des aspirants déserteurs à Raqqa, son bastion syrien, ou la coupure des réseaux téléphoniques dans la ville de Mossoul indiquent que l’organisation jihadiste n’est pas aussi invulnérable qu’elle voudrait le faire croire. Elle n’est pas exempte de la possibilité de l’approfondissement de la crise ou même de l’éclatement d’un soulèvement populaire.

    Nouveaux dangers

    La fin du siège de Kobanê est un grand soulagement pour tout ceux qui ont anxieusement suivi les 4 mois de bataille contre l’assaut meurtrier de l’EI. Pourtant, il ne faut pas le tenir pour garanti. Les YPG/YPJ ont récemment repris des dizaines de villages dans les environs, mais des centaines de villages qui font partie du canton de Kobanê restent sous contrôle de l’EI.

    Kobanê est en ruine à présent. Cela a été illustré d’une façon poignante par une réfugiée de Kobanê en larmes qui disait à la presse internationale : « Nous voulons tous rentrer à la maison. Mais qu’allons-nous y trouver ? » Les tirs d’obus, attentats à la bombe et tirs de l’EI qui s’ajoutent aux lourds bombardements aériens de la coalition dirigée par les USA ont détruit des quartiers entiers, les laissant sans accès au chauffage, à l’eau ou à l’électricité.

    Des compagnies privées pourraient utiliser la reconstruction de la ville pour tirer profits de l’adversité des habitants de Kobanê, et les puissances occidentales et locales pour renforcer leur emprise politique sur la région. C’est pourquoi il est essentiel que toute l’aide extérieure et les efforts de reconstruction soient contrôlés démocratiquement et organisés par les communautés locales. La frontière avec la Turquie devrait aussi être ouverte immédiatement pour permettre le passage des réfugiés qui veulent rentrer chez eux comme celui des convois d’assistance et du matériel de construction.

    Manoeuvres politiques

    Si le coût matériel de la victoire de Kobanê est énorme, le rapprochement initié par les dirigeants du PYD (Parti d’Union Démocratique, le bras politique des YPG/YPJ) avec l’impérialisme occidental au cours de la bataille de Kobanê peut se révéler coûteux politiquement. On peut maintenant s’attendre à ce que toutes sortes de personnalités politiques douteuses s’allient pour essayer de cueillir les fruits de la libération de Kobanê.

    Les troupes Peshmerga kurdes irakiennes, envoyées à Kobanê en octobre dernier avec l’appui réticent du gouvernement turc, prennent leurs ordres du régime pro-big business et profiteur de Masoud Barzani. Ses plans ne s’accordent pas bien avec les attentes de changement social chez beaucoup de kurdes et de soutiens de base des YPG/YPJ et du PYD.

    L’esprit combattant de la résistance de Kobanê et du Rojava a été stimulé en particulier par le soutien massif parmi les Kurdes pour une patrie kurde longtemps niée. Mais le Kurdistan de Barzani n’est pas grand chose de plus qu’un état-client corrompu et autoritaire des corporations multinationales, où les travailleurs sont exploités et les droits syndicaux bafoués. Ce n’est qu’en rompant avec les élites dominantes, y-compris les factions pro-capitalistes kurdes, que les Kurdes pourront obtenir une auto-détermination authentique et viable.

    Beaucoup de gens trouvent une inspiration dans la lutte courageuse des Kurdes pour la liberté et dans la libération de Kobanê. Mais pour la considérer comme consistante et durable, la résistance de Kobanê et dans toutes les parties du Rojava devrait chercher de nouveaux alliés parmi les travailleurs, la jeunesse et les peuples opprimés dans toute la région, sur une base de classe claire. Cela demandera un plan d’action indépendant non seulement des puissances impérialistes et de leurs copains les régimes de la région, mais aussi tourné vers le renversement de ceux-ci.

    Les tueries de dizaines de civils par les bombes américaines dans les endroits contrôlés par l’EI, à la fois en Irak et en Syrie, ont entraîné davantage de radicalisation et attiré de nouvelles recrues Sunnites dans les rangs de l’EI. Cela montre que toute coopération avec Washington ou d’autres régimes capitalistes, dont certains partagent une responsabilité directe dans la montée de l’EI, détruira les acquis obtenus et diminuera l’attrait de la lutte à Rojava parmi les masses de la région.

    Affrontements sectaires

    Les YPG/YPJ ont fait le plus gros du travail de terrain en repoussant l’EI hors de Kobanê. Au Nord de l’Irak cependant, les Peshmerga kurdes donnent surtout le ton dans la contre-campagne contre l’EI, qui à plus d’une occasion a pris un tour « ethnique » dangereux. Les dangers de représailles et d’annexions de territoire contre la population arabe sunnite en particulier sont bien réels. Une violence vengeresse à grande échelle par des milices chiites a aussi été signalée dans des parties de l’Irak. En Syrie aussi, une guerre civile sectaire mufti-dimensionnelle fait rage.

    Tout cela produit une poudrière de tensions sectaires. Dans ces limites, le caractère de la résistance armée à Kobanê et dans les deux autres cantons du Rojava, qui repose beaucoup sur des combattantes femmes et sur la solidarité laïque et multi-ethnique, continue d’être vue par beaucoup comme « un phare dans l’obscurité ».

    Mais le désir de changement qui a uni les travailleurs et les pauvres du Rojava a besoin de trouver une issue claire ; autrement, la violence sectaire pourrait revenir en représailles. Un avertissement de ce danger s’est produit en novembre 2013, quand Salih Muslim, co-président du PYD, a déclaré : « Un jour ces arabes qui ont été amenés dans les régions kurdes vont devoir être expulsés. »

    La mise en place de comités de défense non-sectaires est une tâche cruciale pour prévenir un bain de sang entre les communautés et pour protéger du danger des milices réactionnaires, qu’elles soient de l’EI ou autre. Mais balayer les dangers de la terreur sectaire pour de bon demande la construction d’organisations de masse capables de galvaniser les travailleurs, les travailleurs agricoles pauvres et les jeunes derrière un programme de changement socialiste profond, tout en soutenant les droits démocratiques et les aspirations nationales des peuples du Moyen-Orient.

    La libération de Kobanê ré-affirme l’idée que si les masses ont un but socialement progressiste pour lequel il vaut le coup de se battre et de mourir, elles feront des miracles. Si au contraire, le combat contre l’EI est laissé à des milices gangsters et des armées corrompues en concurrence pour leur prestige, les marchés capitalistes et les zones d’influences impérialistes, ce sera la recette du désastre.

  • Contre la haine et la terreur : la solidarité!

    ls198_versoLe spectre du terrorisme a refait son apparition à la une de l’actualité à la lumière des tragiques évènements de Paris et de l’opération anti-djihadiste de la mi-janvier en Belgique. À la stupéfaction et à l’horreur ont succédé l’inquiétude et l’incompréhension. Mais gare aux amalgames ainsi qu’à la manière dont ces évènements peuvent être récupérés…

    Il nous faut bien entendu nous opposer aux terroristes ainsi qu’à la méthode du terrorisme de manière générale. Dans ce cas-ci, le seul résultat qu’auront obtenu les réactionnaires de droite prétendant défendre les musulmans est le renforcement des préjugés et des tensions contre tous les immigrés, musulmans y compris. La majeure partie des décès imputables à l’activité de groupes terroristes tels qu’Al-Qaïda et l’Etat Islamique sont d’ailleurs des musulmans. Cela n’a rien à voir avec la défense des musulmans, mais tous avec un agenda réactionnaire de droite basé sur l’exploitation et l’oppression.
    Dans son éditorial du Soir des 17 et 18 janvier intitulé ‘‘Ne pas céder à la psychose? C’est déjà fait’’, Marc Metdepenningen soulignait que ‘‘Les douze mesures de sécurité annoncées par le gouvernement Michel auraient sans doute suscité, en temps normal, un débat d’idées au Parlement tant ce qui concerne les libertés est précieux et se doit d’être approché à pas juridiquement et moralement comptés’’. Mais là, sous le coup de l’émotion de l’opinion publique, tel ne fut pas le cas.

    Les attentats du 11 septembre 2001 et le désormais tristement célèbre ‘‘Patriot Act’’ doivent nous servir de mise en garde. Au nom de la ‘‘défense de la sécurité’’, un gigantesque appareil de fichage et de surveillance de la population a été mis en place sans qu’aucun contrôle ne soit exercé tandis que des gens comme Edward Snowden, qui ont publiquement révélé l’ampleur de cette surveillance de masse, ont été poursuivis. Toutes les lois qui renforcent l’appareil d’État vont finalement être utilisées contre le mouvement des travailleurs. Et quant à l’efficacité… Jamais le nombre incroyable de militaires présents dans les rues de Bagdad et d’autres villes du Moyen-Orient n’ont permis de mettre fin aux attentats terroristes.

    L’establishment capitaliste instrumentalise la répulsion ressentie face au terrorisme pour défendre une ‘‘unité nationale’’ qui vise à masquer l’absence totale de réponse dont il dispose. L’hypocrisie de la classe dominante pouvait difficilement être mieux illustrée par la manifestation du 11 janvier à Paris, lorsqu’au côté de François Hollande paradaient notamment le premier ministre israélien Netanyahu, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ou encore le premier ministre hongrois Victor Orban. Leur soutien à la liberté d’expression est une vaste blague…

    Ce sont des situations désespérées et l’absence visible d’alternative positive qui conduisent certains dans les bras de solutions désespérées et réactionnaires. De la même manière que la délinquance et la criminalité continueront de se développer tant que séviront la pauvreté et la misère, les idées réactionnaires – qu’elles soient intégristes (de n’importe quelle confession), racistes ou même fascistes – continueront de se propager tant que la société n’offrira aucune perspective positive. Le capitalisme en est devenu incapable, et c’est sur la pourriture de ce système en décomposition que fleurissent les idées les plus nauséabondes du type du ‘‘choc des civilisations’’, de la ‘‘perte des valeurs’’,…

    En Belgique, selon des chiffres du Centre d’Études de l’Ethnicité et des Migrations (Université de Liège) et du Onderzoeksgroep Armoede, Sociale Uitsluiting en de Stad (Université D’Anvers), environ 59% des personnes d’origine turque et 56% des personnes d’origine marocaine vivent sous le seuil de pauvreté européen (estimé à 777 euros par mois). Cela peut s’expliquer par le manque de connaissance du français et/ou du néerlandais, mais surtout par les nombreuses discriminations en matière de travail, d’enseignement ou encore de logement. Cette situation de discrimination va encore être alourdie par les conséquences des activités des djihadistes, car c’est toutes les personnes d’origine immigrée (bien au-delà de la religion musulmane) qui va en pâtir. Ces terroristes qui prétendent défendre une « religion » ne valent pas mieux que les réactionnaires islamophobes qui, du coup, vont se frotter les mains et multiplient les actes de violence à l’égard des musulmans.

    Ce cercle vicieux ne peut être brisé que d’une seule manière : par la lutte commune contre le terreau sur lequel se développent les idées réactionnaires. Jeunes et travailleurs (avec ou sans emploi), d’origine belge ou immigrée : luttons ensemble contre la casse sociale, défendons nos droits et visons à les étendre !

    Il est possible d’avoir une société tolérante et démocratique qui permet à chacun de vivre comme il l’entend selon la culture, la philosophie, la religion qu’il souhaite. Une telle société démocratique est réalisable, mais elle demande de détruire les racines de l’oppression et de la division : le capitalisme, sa loi du profit et l’exploitation des travailleurs et des richesses naturelles au bénéfice d’une petite minorité de super riches.

  • Nigeria. Massacre de Baga : socialisme ou barbarie

    nigeriaBHLes 4 jours de massacre à Baga, au Nigeria, rappellent durement qu’aussi sanglante que soit déjà l’insécurité dans le pays, il n’y a aucune limite au point auquel les choses peuvent dégénérer. Le décompte initial faisait état de 2.000 morts et de 35.000 personnes évacuées. L’armée a cependant rejeté ce chiffre, qui est selon eux une exagération. Dans une déclaration officielle, le Général Chris Olukolade, porte-parole de l’armée, a déclaré que le nombre de personnes tuées, y-compris les combattants de Boko Haram, « n’a pas encore excédé les 150 personnes ». Mais que ce soient 2000 ou 150 personnes qui aient été tuées, il s’agit d’un incroyable nombre de pertes de vies humaines en un seul jour.

    H.T Soweto, Democratic Socialist Movement (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Nigéria)

    Au total, 3.720 maisons, cliniques et écoles ont été rasées au cours des attaques sur Baga et Doron Baga. Les survivants racontent qu’ils ont traversé des villages vides jonchés de cadavres. C’est inacceptable, condamnable et impensable. Les défenseurs des idées du socialisme condamnent ce carnage et se joignent aux Nigérians pour exiger la fin de ces pertes de vies humaines quotidiennes.

    Dans les dernières images satellites, Amnesty International a décrit l’attaque de Baga comme « la dévastation de deux villes en proportions catastrophiques, l’une d’entre elle ayant presque disparu de la carte en l’espace de quatre jours. » De tous les assauts perpétués par la secte, c’est « le plus large et le plus destructif ».

    Qualifier simplement les 6 ans d’offensive de Boko Haram d’attaques terroristes est maintenant un euphémisme à tous les niveaux. C’est une véritable guerre qui fait rage au sein des territoires d’une nation souveraine. Dans certains endroits des 3 Etats du Nord-Est, l’autorité gouvernementale s’est effondrée alors que les membres de la secte règnent en maîtres. La secte contrôle maintenant une grande partie de la frontière entre le Nigeria et le Tchad et le Cameroun, ce qui lui donne le contrôle du commerce.

    Par ses exploits, Boko Haram – un groupe terroriste islamiste – met la barre du terrorisme mondial de plus en plus haut. Dans la nuit du 14 au 15 avril 2014, 276 écolières ont été enlevées par ce groupe terroriste dans la ville de Chibok, dans l’État de Borno. Mis à part quelques-unes qui ont réussi à s’enfuir dans la brousse pendant le transport vers le repaire du groupe, il n’y a aucune nouvelle d’elles depuis lors, malgré l’indignation mondiale et la campagne tumultueuse pour leur libération au Nigeria (#BringBackOurGirls). Au lieu de se calmer, Boko Haram a continué de pratiquer des carnages meurtriers quotidiens. Au Cameroun, ils ont récemment kidnappé environ 80 personnes, dont beaucoup d’enfants, et en ont tuées trois autres au cours d’une attaque transfrontalière contre des villages dans le Nord du pays.

    Impuissance militaire

    La capacité incroyable de cette secte à commettre des violences est tellement alarmante qu’à peine le public s’est remis d’un carnage qu’un nouveau se produit. Tout aussi alarmante est l’impuissance de l’armée. Pendant l’attaque contre Baga, il a été rapporté que des soldats ont «rejoint les civils qui s’échappaient dans la brousse». Baga est en fait le quartier général du Multinational Joint Task Force (MNJTF, force multinationale conjointe) – une force internationale de soldats du Nigeria, du Niger et du Tchad mise sur pied en 1994 pour faire face aux problèmes de sécurité transfrontalières et, récemment, à Boko Haram. Quand les combattants de Boko Haram sont arrivés, ils ont d’abord envahi les baraques militaires de MNJTF. Il y a des rapports de soldats s’enfuyant après avoir repoussé les membres de la secte pendant 9 heures sans recevoir de renforts.

    La déroute de l’armée nigériane montre la perte de confiance générale en le régime et le système. Les années de corruption ont laissé pourrir l’armée, avec un manque d’équipements et d’armements adéquats et des soldats du rang dont le niveau de vie est aussi pauvre que celui du reste de la classe des travailleurs. En résultat, les soldats ne veulent pas risquer leurs vies pour l’élite dominante corrompue. Il y a eu des mutineries et une série de procès en court martiale. En septembre 2014, 12 soldats ont été condamnés à mort pour mutinerie. A la fin de l’année dernière, 54 soldats de plus ont été condamnés à mort pour désobéissance à un ordre direct. Plus de 100 sont encore en jugement pour des charges qui vont de perte de fusil au cours des opération à la négligence et la lâcheté. Cependant, au lieu de restaurer la discipline, les mesures répressives ont continué de générer la colère parmi les soldats, leurs familles et ceux qui dépendent d’eux.

    Par exemple, le vendredi 16 janvier 2015, environ 227 membres ont manifesté à Jos, dans l’Etat du Plateau, contre leur licenciement par l’armée nigériane en conséquence de la guerre en cours contre Boko Haram. Le dirigeant des soldats mécontents, le Sergent Abiona Elisag, a brossé un tableau violent des conditions qui rendent extrêmement difficile aux soldats d’être préparé physiquement et mentalement à se confronter à Boko Haram : «Nous sommes surpris qu’on puisse nous traiter ainsi dans notre propre pays. Nous avons été envoyés sans armes nous battre contre les insurgés. Beaucoup de nos collègues ont été tués au cours de la défense de notre patrie. Même ceux qui sont à l’hôpital pour soigner les blessures qu’ils ont reçues sur le champ de bataille ont été licenciés alors qu’ils étaient encore hospitalisés. Le pire, c’est que les familles des collègues tués à Adamawa et à Yobe se meurent de faim puisque l’Armée Nigériane refuse de payer leurs indemnités.» (This Day, 17 janvier 2015).

    En plus, il est de nouveau apparu que les soldats, la police et d’autres agents de sécurité doivent souvent acheter leurs propres uniformes, équipements et dans certains cas doivent acheter les balles eux-mêmes quand ils sont déployés dans des zones de trouble avec très peu d’approvisionnement en munitions. Les conditions pitoyables de l’armée, de la police et du personnel de sécurité, malgré les milliards de nairas votés annuellement pour «la guerre contre la terreur» depuis 2009 et que l’insurrection de Boko Haram a aidé à exposer, méritent une campagne vigoureuse de la part du mouvement syndical. Les soldats du rang font partie de la classe ouvrière ; qu’ils soient envoyés se faire massacrer méritent notre condamnation et notre solidarité fraternelle.

    Ce n’est absolument pas la même chose que de soutenir la «guerre contre la terreur» du gouvernement ; il s’agit plutôt de se solidariser avec les membres de la classe ouvrière dans l’armée et de les unir au reste de leur classe sociale. Une telle campagne doit exiger l’annulation de toutes les actions disciplinaires contre les soldats sur le front, l’amélioration des conditions de vie des soldats du rang et du personnel de base de la police et des autres agents de sécurité, une compensation adéquate pour les familles des morts au combat, des blessés ou des invalides et une rémunération convenable de ceux en service, la démocratisation de l’armée et de la police et le droit des soldats, de la police et du personnel de sécurité à former un syndicat pour défendre leur droit.

    Pas d’issue en vue

    L’existence de plus d’un million de déplacés internes et l’invasion totale d’une grande partie des 3 Etats du Nord-Est (Borno, Yobe et Adamawa) créent une crise sérieuse pour la tenue des élections présidentielles et législatives de 2015, qui doivent commencer le 14 février. Mis à part la question générale d’à quel point ces élections vont être démocratiques, on peut douter de la capacité de la Commission Électorale Nationale Indépendante (INEC) à organiser le vote dans les 3 Etats du Nord-Est sur lesquels le gouvernement Nigérian a perdu le contrôle face aux assauts continuels contre ses bases militaires et au rasage de villes et de villages par Boko Haram.

    La question de comment mettre fin au carnage de Boko Haram a dominé les campagnes présidentielles du 14 février prochain. Dans cette élection, le président du Peoples Democratic Party (PDP) Goodluck Jonathan, qui a dirigé pendant 6 ans un gouvernement capitaliste contre les pauvres, généralement acclamé pour sa contre-performance même selon les critères nigérians, fait face à la tâche ardue de maintenir la tradition selon laquelle les sortants sont souvent réélus. Le concurrent principal, le général à la retraite Muhammadu Buhari du All Progressive Congress (APC), s’est engagé à mettre fin à l’insurrection s’il est élu. Mais il ne dit pas clairement en quoi il va approcher la question différemment du régime actuel.

    Cependant, il est clair que ce que les candidats du PDP comme de l’APC prévoient comme solution à l’insurrection de Boko Haram est plus ou moins d’augmenter les actions militaires. En tant que général à la retraite et ancien chef d’État militaire, Muhammadu Buhari espère faire valoir son expérience martiale ainsi que son avantage particulier d’être un Musulman du Nord.

    Toute désirable que puisse être une solution militaire aux yeux des Nigérians traumatisés, la réalité est que cela n’apporterait qu’un soulagement temporaire. Il ne peut pas y avoir de «solution» miliaire simple à Boko Haram. C’est la faillite monumentale de l’élite capitaliste dirigeante qui crée les conditions favorables au recrutement massif de jeunes et de pauvres par Boko Haram. Le fondateur décédé de Boko Haram, Muhammed Yusuff, était capable d’attirer les masses dans le Nord-Est du Nigéria, réputées les plus pauvres et les moins développées du pays, parce que les prêches et les sermons contre les inégalités dans la société et la corruption de l’élite dominante trouvaient une résonance dans les cœurs et les esprits des jeunes sans emplois et des pauvres qui existent en marge de la société.

    Il est cependant important de rappeler que les Nigérians ne doivent pas oublier que c’est l’exécution extra-judiciaire de Muhammed Yusuff pendant sa garde à vue en 2009, après l’avoir exhibé devant les caméras de télé, qui a fait de Boko Haram la terreur qu’elle est maintenant. En plus du meurtre extra-judiciaire de Yusuff et d’autres dirigeants de la secte et de soutiens financiers, plus de 700 membres de la secte ont été massacrés dans une répression majeure au cours de laquelle la police nigériane, alors mieux armée, a engagé le combat avec des membres de la secte équipés d’arcs et de flèches dans une opération qui visait à les exterminer complètement. Cependant, au lieu de cela, la secte est simplement tombée sous la direction d’une aile plus extrémiste représentée par Abubakar Shekau et d’autres qui auraient des liens avec Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Au moment où Boko Haram s’est réorganisé et a commencé une série d’attaques vengeresses, il était maintenant équipé de bombes, de lances-roquette, de kalachnikovs et avait acquis une grande expertise technique et des combattants dont la rumeur dit qu’ils ont été entraînés en Somalie et dans d’autres centres du terrorisme en Afrique.

    Ainsi, même si Boko Haram est abattu, dans la mesure où toutes les contradictions de l’aliénation de la vaste majorité, en particulier des jeunes, de la richesses de la société, continuent à exister, il y a toujours une possibilité que des campagnes d’agitation violentes éclatent ailleurs au Nigéria. Par exemple, le fait qu’il y avait un vice-président (plus tard devenu président) du Delta du Niger en la personne de Goodluck Jonathan peut avoir contribué à rendre possible l’achat temporaire des militants du Delta du Niger dans un accord d’amnistie qui valait des milliards de Nairas.

    Mais même si un président musulman du Nord avec une expérience miliaire rendrait jusqu’à un certain point possible d’en finir avec le carnage de Boko Haram, les Nigérians devraient s’attendre à ce que des campagnes d’agitation violentes et cacophoniques similaires émergent dans d’autres groupes ethniques, religieux et parmi d’autres extrémistes. Boko Haram n’est pas le premier mouvement de ce type dans le Nord, «son credo réactionnaire et religieux a commencé bien plus tôt, avec la recrudescence du mouvement Maitasine au début des années 1980» (“Socialist Democracy”, juin-juillet 2014). Et, aussi longtemps qu’existent les conditions de crise, de pauvreté et de corruption, l’écrasement militaire de Boko Haram ne va pas en lui-même empêcher des mouvements similaires d’émerger dans le futur.

    Ceci parce qu’en premier lieu, les crises ethniques et religieuses apparemment inextricables du Nigeria sont le produit de la question nationale non résolue du Nigeria, qui inclut la façon non-démocratique dont les colonialistes britanniques ont fusionné différentes entités qui se sont rassemblées pour former le Nigeria, le système exploiteur et inégalitaire du capitalisme, ainsi que l’héritage de l’élite capitaliste néo-coloniale qui joue régulièrement avec les sentiments religieux et ethniques pour inciter à l’agitation, de façon à poursuivre leurs propres buts et ambitions politiques dans leurs propres intérêts.

    Une solution socialiste

    Ainsi, la seule manière durable et sûre de mettre définitivement fin à Boko Haram et d’autres formes de crise ethno-religieuse est d’assurer que l’énorme richesse en pétrole et en minerai du Nigeria, qui sous le système actuel du capitalisme bénéficie seulement à 1% de la population, soit maintenant utilisée au bénéfice de la grande majorité. C’est le seul moyen pour commencer à saper la division ethnique et religieuse. Cela requiert que l’État s’embarque dans un programme social financé publiquement, qui comprendrait le développement et l’amélioration à une large échelle des conditions infra-structurelles et socio-économiques du Nigeria, l’éducation et les soins de santé gratuits, la création massive d’emplois et la redistribution des richesses. Cependant, pour que ces programmes sociaux soient un succès, les masses ouvrières doivent remplacer le système exploiteur et inéquitable du capitalisme par un système socialiste démocratique

    Si par exemple, on procurait l’éducation gratuite à tous les niveaux, une formation professionnelle et des emplois décents pour tous, il serait possible de commencer à engager les millions d’almajiris (les plus pauvres des pauvres du Nord) qui finissent par suivre Boko Haram et les autres forces extrémistes. Cela empêcherait sensiblement Boko Haram de trouver de nouvelles recrues et commencerait à saper son attrait. Boko Haram lui-même maintient son autorité sur son armée d’anciens enfants des rues et jeunes aliénés en partie parce qu’il leur procure de la nourriture, de l’argent et garantit un certain niveau de vie, ce qui est la responsabilité constitutionnelle du gouvernement mais que le capitalisme rend impossible à accomplir.

    C’est un fait qu’aucune section des élites dominantes ne souscrit à une alternative socio-économique et politique qui peut apporter cette solution. Par exemple, les deux principaux partis politiques en lice pour la présidence dans les élections générales de 2015 (PDP et APC) sont tous deux renommés pour leurs politiques capitalistes néo-libérales anti-pauvres de sous-financement de l’enseignement, d’augmentation des tarifs et de commercialisation. Aucun des deux partis ne peut donc procurer aucune solution permanente aux défis du Nigeria, y compris à l’insurrection de Boko Haram.

    La responsabilité de sauver la nation de la barbarie repose uniquement sur les masses travailleuses et la jeunesse du Nigeria. Toute illusion en n’importe quelle composante de la classe dominante essuiera une déception. Il y a un besoin urgent pour le mouvement ouvrier de se soulever maintenant pour prendre la tête et unir les Nigérians autour d’un programme d’action pour lutter pour une amélioration socio-économique. C’est l’incapacité de la direction du mouvement ouvrier à donner une alternative révolutionnaire audacieuse à l’impasse de l’exploitation capitaliste du Nigeria qui a créé le vide dans lequel Boko Haram est entré avec son idéologie extrémiste.

    La gravité de la situation est telle que même une partie de la presse demande pourquoi la direction du mouvement ouvrier est pratiquement silencieuse et inactive ? Le jour de l’an, l’éditorial du journal Punch écrivait à propos des dirigeants politiques «célébrant dans l’opulence avec leur famille, pendant que beaucoup de travailleurs Nigérians ont faim et sont en colère» et finissait par ces mots «le NLC (Nigeria Labour Congress) doit donner un signal et lutter pour le bien-être des travailleurs Nigérians». Mais malheureusement, les dirigeants syndicaux, tout en lançant parfois des revendications, n’ont pas proposé d’action concrète pour les obtenir. C’est cette inactivité qui donne un espace aux groupes comme Boko Haram pour mobiliser une partie des plus aliénés et des plus pauvres.

    Mais il y a un grand potentiel latent pour une lutte conjointe. En janvier 2012, pendant la grève générale contre la suppression des subventions sur le carburant menée par le mouvement des travailleurs, le Nord a connu certains des moments les plus glorieux du formidable mouvement de masse. Des images de manifestants chrétiens faisant une chaîne de leurs bras autour des manifestants musulmans pendant leur prière sur les barricades ont déferlé dans les médias. Cela atteste de la capacité des masses ouvrières à surmonter les divisions ethniques et religieuses et à s’unir pour lutter pour une cause commune, en particulier quand une direction hardie est donnée par le mouvement des travailleurs.

    Tant que la direction du Labour continue à abandonner son rôle historique de diriger les masses ouvrières et pauvres hors des abysses du capitalisme, les groupes fondamentalistes vont continuer à servir leur poison meurtrier à laper aux masses désespérées. Nous avons besoin d’une alternative politique et révolutionnaire pour construire un mouvement unifié qui puisse offrir au régime capitaliste imbibé de questions ethniques et religieuses un futur d’unité, de solidarité et de fraternité authentique à tous les membres de la classe ouvrière sans distinction d’ethnie ou de croyances religieuses. Une telle société n’est pas possible sur base du capitalisme. Comme le disait Rosa Luxembourg, la socialiste et révolutionnaire allemande, c’est soit le socialisme, soit la barbarie.

    Le Democratic Socialist Movement (DSM) et le Socialist Party of Nigeria (SPN, parti large auquel collabore le DSM) appellent à :

    – Des actions indépendantes qui sont maintenant vitales pour défendre les quartiers et les communautés contre les attaques de Boko Haram. Le Democratic Socialist Movement (DSM) et le Socialist Party of Nigeria (SPN) appellent à fonder et à armer des comités de défense multi-ethniques et multi-religieux composés de travailleurs et de jeunes et sous leurs contrôle et autorité démocratiques, pour sécuriser les quartiers et les communautés.

    – Nous exigeons l’amélioration des conditions dans les camps de réfugiés, y compris des approvisionnements adéquats en nourriture, eau potable, équipements sanitaires, literie et matériaux de couchage, soins de santé et un programme de réintégration. Le mouvement syndical doit intervenir et visiter les centres de réfugiés pour vérifier les conditions des Nigérians dans ceux-ci et prenne en main la lutte pour leur amélioration.

    – L’annulation des peines de mort et des licenciements de l’armée prononcés contre les soldats et les autres membres des forces de sécurité accusés de désobéissance aux ordres, de négligence et de lâcheté dans la guerre contre Boko Haram.

    – Nous demandons l’amélioration de la solde et des conditions des soldats du rang et des autres agents de sécurité, y compris leur droit à former et à rejoindre des syndicats, à appeler à la grève et à contester les décisions inacceptables de leur commandement.

    – L’organisation d’actions de solidarité, comme des rassemblements et des manifestations, par le mouvement des travailleurs et la société civile pour commencer à unir les masses ouvrières contre l’insurrection de Boko Haram ainsi que les politiques capitalistes anti-pauvres qui permettent le développement des conditions pour le recrutement des jeunes et des pauvres par Boko Haram.

    – Pour que le mouvement des travailleurs construise un mouvement indépendant capable de lutter contre les politiques anti-pauvres et pour l’enseignement gratuit, des emplois décents, l’augmentation du salaire minimum national et pour de meilleures conditions de vie.

    – Pour que le Nigeria Labour Congress et le Trade Union Congress appellent à une conférence des organisations syndicales, socialistes et pro-masses à discuter de la formation d’un parti de la classe ouvrière armé d’idées socialistes pour lutter pour la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière et pour une société libérée de la division ethnique et religieuse.

  • Croissance de la menace terroriste

    Photo: MediActivista

    La Belgique a connu une opération anti-terroriste de grande ampleur contre des djihadistes, dont deux ont été tués et plusieurs arrêtés. L’armée a été déployée pour assurer des tâches de sécurité. La menace terroriste n’est pas limitée à la Syrie, à l’Afghanistan, au Pakistan ou à Paris. Verviers, Vilvoorde ou encore Molenbeek ; ces noms rendent la menace plus palpable. Ce danger ne tombe pas du ciel.

    Par Geert Cool

    Ces derniers mois, près de 400 jeunes sont partis de Belgique pour se battre en Syrie. Une partie d’entre eux reviennent déçus, mais ce n’est pas le cas de tous. Certains veulent poursuivre leur combat. Les organisations du type d’Al-Qaïda et de l’État Islamique qui encouragent le terrorisme en Occident sont très autoritaires et profondément réactionnaires. Leur volonté est d’instaurer des régimes basés sur l’exploitation capitaliste et féodale, la censure et la servitude. Comment peuvent-elles exercer une force d’attraction ?

    Dès avant les guerres impérialistes menées en Irak et en Afghanistan, nous avions prévenu du danger des répercussions terroristes en Occident. Si la colère était massive à travers le monde contre ces guerres, ce fut très certainement le cas parmi les communautés musulmanes. L’intervention impérialiste et son cortège de morts et de destructions suscitaient une répulsion extrême. À cela s’ajoutait encore l’oppression continue de la population de Gaza. L’impérialisme n’a, par ailleurs, pas hésité à stigmatiser les musulmans pour justifier ses guerres, parallèlement au renforcement de la répression policière et de la limitation des libertés démocratiques.

    Ensuite, les inégalités – déjà fortes – ont été renforcées par l’austérité instaurée dans nos pays. En raison des diverses formes de discrimination, cette réalité est devenue encore plus crue pour les jeunes d’origine immigrée. Et faute de tout espoir d’amélioration, des circonstances désespérées ne peuvent conduire qu’à des opinions désespérées. Selon nous, la seule perspective positive réaliste part d’une canalisation de la colère contre ce système, dans la lutte du mouvement organisé des travailleurs pour une société qui rompe avec la logique du chacun-pour-soi capitaliste. Mais au cours de ces dernières décennies, le mouvement syndical et la gauche se sont retrouvés en position de faiblesse, dans la défensive. L’espace a ainsi été laissé pour toutes sortes d’actes désespérés, comme les émeutes des banlieues françaises (2005) ou en Angleterre (2011).

    Pire encore, le fondamentalisme religieux peut exercer un certain attrait, de la même manière que le racisme et le nationalisme dans les pays capitalistes développés. La crise économique et sociale en cours mondialement entraine une désintégration du tissu social et l’émergence d’éléments de barbarie, la Syrie ou l’Afghanistan constituant des exemples parmi les plus extrêmes. L’horreur causée par le capitalisme ne justifie toutefois en aucun cas d’infliger une abomination similaire à la population ordinaire.

    Le terrorisme est un danger que les classes dirigeantes et les gouvernements capitalistes sont incapables d’éloigner. Ils sont eux-mêmes responsables du terreau à la base de la croissance de ce terrorisme. Aucun renforcement de la répression d’État n’éliminera la menace. Ce qu’il nous faut, c’est une lutte unitaire contre les politiques d’austérité et les interventions impérialistes de l’establishment capitaliste.

  • Allemagne : Qu'y a-t-il derrière les manifestations anti-immigrés PEGIDA ?

    Les syndicats et la gauche doivent s’organiser contre le racisme et pour des conditions de vie décentes pour tous !

    Ces dernières semaines, les manifestations ont été croissantes en Allemagne en faveur ou contre Pegida (Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident, en allemand : Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes, dont l’abréviation est PEGIDA). Ce mouvement a commencé en octobre dernier, dans la ville de Dresde, en Saxe, à l’Est de l’Allemagne. Pegida a gagné de l’élan et ses “manifestations du lundi” hebdomadaires à Dresde sont passées de mobilisations fortes de quelques centaines de personnes (le 20 octobre) à plusieurs milliers juste avant le Nouvel An.

    Wolfram Klein, SAV (section allemande du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL)

    Des manifestations similaires ont eu lieu, à bien plus petite échelle, dans d’autres villes du pays, mais il y a surtout eu l’émergence d’une vague de contre-manifestations bien plus puissante avec jusqu’à 35.000 participants.

    Selon les rapports qu’en ont livré les médias allemands, le 12 janvier, un peu plus de 30.000 personnes ont participé à des manifestations Pegida dans diverses villes d’Allemagne alors que défilaient plus de 100.000 manifestants anti-Pegida. Le plus grand rassemblement de Pediga a pris place à Dresde, avec 25.000 personnes, mais à Leipzig, une autre ville saxonne distante de Dresde de 115 km, 4.800 manifestants Pegida ont fait face à 30.000 contre-manifestants.

    Les “manifestations du lundi”

    Les manifestations Pegida ont commencé par une mobilisation essentiellement effectuée via les médias sociaux pour des “manifestations du lundi”, en référence à la tradition de la révolution qui a commencé à l’automne 1989 dans l’Allemagne de l’Est stalinienne. Des “manifestations du lundi” avaient alors commencé à Leipzig, le mouvement devenant ensuite rapidement massif et répandu à travers toute l’Allemagne de l’Est. Ces mobilisations ont joué un grand rôle dans le renversement du régime stalinien. Ce mouvement, qui a commencé comme une révolution politique exigeant des droits démocratiques et opposé à l’élite bureaucratique stalinienne, s’est terminé par la restauration du capitalisme. En 1990, la classe dirigeante allemande a saisi l’occasion pour réunifier le pays sur base du système en vigueur à l’Ouest.

    Depuis lors, cette tradition de protestation a été ravivée à plusieurs reprises. En 1991, des manifestations de masse ont pris place les lundis contre les pertes d’emplois monumentales en Allemagne de l’Est qui accompagnaient la privatisation de l’ancienne économie planifiée. En 2004, des manifestations du lundi ont pris à nouveau leur envol à l’Est du pays (également à l’Ouest, mais de façon plus limitée) contre l’introduction de mesures d’austérité (les fameuses «lois Hartz»). Au printemps 2014 encore, de plus petites « veillées du lundi pour la paix » ont été organisées. Dans de nombreux cas, elles combinaient une opposition à l’attitude agressive de l’impérialisme occidental dans le cadre du conflit ukrainien avec des idées confuses et réactionnaires (théories conspirationnistes, soutien à Poutine, etc.)

    Pegida prétend se situer dans la lignée de cette tradition. Ils utilisent des slogans issus de 1989 (en particulier « Nous sommes le peuple »), mais en y accolant un caractère totalement réactionnaire.

    Lutz Bachmann, le principal organisateur des manifestations Pegida, a un volumineux casier judiciaire qui compile agression, cambriolage, vol, possession de drogues illicites, etc. En 1998, il a fui en Afrique du Sud afin d’éviter une peine de prison, mais a ensuite été expulsé vers l’Allemagne. C’est cet homme qui veut maintenant inciter à la haine contre les étrangers prétendument « criminels ».

    Il explique que son appel à ces manifestation fait suite à son opposition à une manifestation du peuple kurde en octobre 2014. Cette manifestation était une démonstration de solidarité avec la ville syrienne de Kobané, qui résiste à l’Etat Islamique (Daesh). Ce mouvement qui s’affiche anti-islamisation a donc initialement été motivé par la haine contre ceux-là mêmes qui sont les combattants les plus déterminés contre l’islam politique réactionnaire…

    La peur de « l’islamisation » est de toute façon profondément irrationnelle. Seuls 5% environ de la population allemande sont des musulmans. Les démographes parlent d’une hausse de ce chiffre jusqu’à 7% en 2030. En Saxe, on trouve moins d’1% de musulmans. D’autre part, en Allemagne de l’Est, il ne subsiste plus de forte tradition chrétienne. Plus de 75% de la population saxonne ne sont affiliés à aucune religion, selon un recensement de 2011. Il est donc totalement faux d’invoquer la tradition de l’Occident judéo-chrétien comme le fait le porte-parole de Pegida. De plus, une grande partie de la véritable histoire du christianisme organisé en Europe a été marquée par un anti-judaïsme vicieux.

    Mais de telles distorsions de l’Histoire illustrent surtout que Pegida tente d’éviter les étiquettes traditionnelles de l’extrême droite, comme l’antisémitisme. Dans leur liste de revendications initiale, ils affirment être en faveur du droit d’asile pour les personnes persécutées ou fuyant la guerre. Les organisateurs de Pegida prétendent qu’ils sont seulement opposés aux réfugiés économiques, aux criminels et ainsi de suite. Mais tous les rapports de ces manifestations du lundi indiquent clairement que ces allégations ne sont que du camouflage.

    Des petits-bourgeois désespérés et en colère

    Comment expliquer un tel mouvement de masse irrationnel ? Beaucoup de ceux qui protestent à Dresde sont issus de la classe moyenne. Il s’agit typiquement d’un mouvement de la classe moyenne craignant sa déchéance sociale. Au début des années ’90, beaucoup de gens ont perdu leur emploi après la restauration du capitalisme en Allemagne de l’Est. Parmi eux, une certaine couche a essayé de devenir indépendants : artisans, professions libérales, etc. Ils ont travaillé dur pour joindre les deux bouts et ont peur que leur situation économique s’aggrave et qu’ils connaissent la faillite. La situation économique en Allemagne reste meilleure qu’ailleurs en Europe, mais la croissance économique fut très maigre ces dernières années.

    D’autre part, certains peuvent facilement avoir l’impression que l’Allemagne est un îlot de stabilité isolé dans un océan de crise et menacé d’être submergé par les eaux. La crainte du déclin social individuel se combine donc à la crainte du déclin social collectif de l’Allemagne. Pour ceux qui ne considèrent pas que la solution réside dans la lutte de classe et dans la défense d’une alternative socialiste contre la crise du capitalisme, il semble naturel de voir le nationalisme comme un moyen de protéger de l’île « Allemagne » contre les crises qui l’entourent. C’est d’autant plus le cas avec l’utilisation du nationalisme et du racisme par les médias et les politiciens capitalistes dans leur logique de diviser pour régner.

    À la fin des années ’80 et au début des années ’90, une grande campagne de propagande avait pris pour cible les demandeurs d’asile. Et depuis les attentats du 11 septembre 2001, les musulmans sont dépeints comme étant violents et arriérés. Les tabloïds publient des rapports ridicules au sujet de la déchristianisation et de l’islamisation: des « marchés de Noël » qui seraient renommés « marchés d’Hiver », des chants musulmans qui feraient leur apparition aux messes de Noël et ainsi de suite. Depuis 2010, les médias et les politiciens capitalistes allemands ont également attisé les préjugés contre les «paresseux» du Sud de l’Europe (en particulier contre les Grecs).

    Il y a deux ans, un nouveau parti a été fondé : l’AFD (Alliance pour l’Allemagne). Son caractère est encore flou puisqu’il s’agit d’un nouveau parti, mais on trouve en son sein des tendances populistes de droite et conservatrices. Son thème de campagne initial était la crise de l’euro et la revendication que l’Allemagne quitte la zone euro mais pas l’Union. Depuis lors, l’AFD s’est prononcées sur d’autres questions. Aux élections générales de 2013, l’AFD a raté de peu le seuil des 5% pour faire son entrée au Parlement. Mais depuis lors, des élus ont été obtenus au Parlement européen ainsi qu’aux trois parlements régionaux d’Allemagne de l’Est (notamment en Saxe).

    Au cours des onze premiers mois de 2014, en conséquence notamment de la guerre civile en Syrie, le nombre de demandeurs d’asile a augmenté de 55%. En plusieurs endroits, de nouveaux centres d’accueil ont été ouverts. Dans la plupart des cas, des fascistes et autres racistes ont organisé des protestations contre ces nouveaux refuges. Les attaques contre les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ont triplé en Saxe durant l’année 2014.

    Un facteur important à considérer est le sentiment de n’être pas représenté au sommet de la société pour les habitants des régions de l’Est. Comme l’a déclaré le président du Conseil des migrations, de nombreux Allemands de l’Est “estiment qu’ils n’ont pas de voix”. La classe dirigeante est massivement d’Allemagne de l’Ouest en dépit du fait que les deux postes officiels les plus élevés dans la structure politique formelle – le président et la chancelière – sont actuellement détenus par des Allemands de l’Est.

    Malheureusement, Die Linke (le parti de gauche), en dépit de sa forte base électorale à l’Est, n’a pas été en mesure de mener des campagnes soutenues offrant des perspectives. C’est une des raisons pour lesquelles les résultats électoraux ont montré que le terrain était fertile pour les idées d’extrême droite à Dresde. Aux élections locales de mai 2014, 18.341 personnes (soit 2,8%) y ont voté pour le parti d’extrême droite NPD, tandis que 46.309 personnes (soit 7%) ont voté pour l’AFD.

    Une des raisons qui expliquent ces idées racistes en Allemagne de l’Est est le faible pourcentage d’immigrés, qui signifie que de nombreux habitants n’ont guère d’expérience personnelle avec des personnes d’origine étrangère. Leur vision des choses est profondément façonnée par les idées racistes propagées par les tabloïds et les autres médias de masse.

    Certains commentateurs pro-establishment sont irrités du fait que les manifestations à Dresde vont au-delà des habituels militants d’extrême droite. Ils affirment que de nombreux manifestants sont issu « du coeur de la société ». C’est vrai. Mais le racisme, la xénophobie et l’islamophobie sont très répandus dans ce « coeur de la société », en particulier chez la classe moyenne.

    Il serait toutefois erroné de considérer la montée de Pegida comme inévitable. Les petits-bourgeois ne sont pas automatiquement des réactionnaires racistes. En réalité, beaucoup parmi ceux qui ont participé aux contre-manifestations vivent dans des circonstances économiques et sociales similaires. Si le mouvement des travailleurs offrait une solution à la crise du capitalisme, il rallierait à lui de larges couches de la classe moyenne. Malheureusement, le niveau de lutte de classe a été faible en Allemagne ces dernières années. Die Linke n’offre pas non plus d’alternative claire.

    En Saxe, Die Linke est dominé par son aile droite. A Dresde, la majorité des conseillers municipaux du parti ont même voté pour la vente des 48.000 logements sociaux de la ville en 2006. Cela a conduit à une scission entre conseillers du parti, mais cela a discrédité Die Linke dans son ensemble. Les forces de gauche et antifascistes auraient pu étouffer le développement de Pegida s’ils avaient mobilisé des contre-manifestations tant que Pegida était encore un petit mouvement. Mais cette occasion a été manquée.

    Ailleurs qu’à Dresde

    Dans le reste de l’Allemagne, les antifascistes ont tirer la leçon de cette erreur. Depuis décembre, plusieurs tentatives d’imiter Pegida dans d’autres endroits ont été faites. Dans la plupart des cas, les organisateurs étaient d’organisations populistes de droite ou d’extrême droite. Ces mobilisations étaient limitées (tout comme les premières manifestation de Pegida à Dresde) mais elles ont directement été contrées par des contre-manifestations. Souvent, des blocages de milliers de personnes ont empêché ces manifestations d’arriver à destination, comme à Cologne et à Berlin le 5 janvier 2015. Les membres d’Alternative Socialsite (SAV, section allemande du CIO) ont dès le début participé à ces manifestations.

    La position adoptée par la classe dirigeante est contradictoire. Elle est intéressée par le maintien de son arme de diviser pour régner et ainsi susciter l’islamophobie et le racisme pour détourner l’attention des vrais problèmes quand elle l’estime nécessaire. Mais, à l’heure actuelle, elle est totalement opposée au développement d’un mouvement raciste comme Pegida, qui peut introduire des éléments d’instabilité et devenir hors de contrôle. Il peut dissuader des touristes étrangers et des travailleurs qualifiés de venir en Allemagne, alors que le capitalisme allemand veut faire face à sa population déclinante. Malgré la récente immigration élevée, la population du pays a tout de même diminué de plus d’un million de personnes depuis 2008. Les employeurs soulignent leur besoin d’importer des travailleurs, même si cela peut encore vite changer dès lors que l’économie allemande entre en récession. Dans une situation où les salaires ont été diminués depuis des années et alors que les loyers s’envolent dans certaines villes tandis que d’autres régions du pays (en particulier à l’Est) souffrent du dépeuplement, les appels des employeurs pour des travailleurs immigrés peuvent donner lieu à un certain ressentiment.

    Les principaux politiciens capitalistes ont peur de perdre des voix au profit de l’AFD si ce parti est renforcée par Pegida. Les médias et les politiciens capitalistes appellent donc à des contre-manifestations contre Pegida (mais pas au blocage de leurs marches). Leur position est contradictoire. D’un côté, ils aident à mobiliser comme pour les 35.000 personnes qui ont manifesté contre Pegida à Dresde le 10 janvier 2015. de l’autre, ils ne sont pas crédibles en attaquant Pegida puisqu’ils participent aux expulsions de demandeurs d’asile et partagent la responsabilité du véritable charnier pour réfugiés qu’est devenue la Mer Méditerranée. Ils divisent les immigrés entre «bons» (les travailleurs qualifiés dont a besoin le capitalisme allemand) et «mauvais» (le reste).

    Lors des manifestations anti-Pediga, les membres du SAV ont dénoncé toute cette hypocrisie. La plupart des appels lors de ces mobilisations sont principalement basé sur le moralisme, sur la tolérance, la diversité,… Ces appels ne peuvent convaincre que des convaincus. Le moralisme est totalement incapable de répondre au sentiment d’insécurité (conséquence des nombreuses crises du capitalisme) et aux préjugés racistes qui se combinent dans les manifestations Pegida. Si le mouvement anti-Pegida n’est pas en mesure de répondre à ces préoccupations réelles, alors une nouvelle crise économique, de nouvelles guerres ou des attaques terroristes comme cela a eu lieu à Paris fourniront de nouvelles recrues à Pegida.

    Après l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo

    Les islamophobes de Pegida affirment que leur action a reçu une justification avec les attaques terroristes de la semaine dernière à Paris. Ils ont annoncé qu’ils allaient utiliser leur manifestation du lundi 12 janvier comme une « marches commémoratives » en hommage aux victimes. Il s’agit d’une nouvelle preuve d’hypocrisie puisque Charlie Hebdo est attaqué par les homologues français de Pegida. En fait, les organisateurs de Pegida et les fanatiques de l’islam politique réactionnaire ont beaucoup en commun. Ils ignorent les antagonismes de classe et propagent à la place l’idée d’un «choc des cultures». Tous deux haïssent la gauche, le mouvement organisé des travailleurs et les droits démocratiques.

    Après les attaques terroristes commises à Paris, les défenseurs des idées du socialisme ont insisté sur la nécessité de défendre le droit et la liberté d’expression. Certains pourraient considérer les blocages contre les manifestations Pegida comme contraires à cette position politique. Mais ces marches ne sont aucunement une application de la liberté d’expression. Au cours de ces dernières semaines, la violence fasciste contre les immigrés et les militants de gauche a augmenté. Les succès de Pegida encouragent cette violence. Les mobilisations visant à décourager cette tendance, y compris par des blocages de masse, sont tout à fait légitimes.

    Les revendications du SAV

    En décembre dernier, le SAV a décidé de placer en priorité de son travail les thèmes de la guerre, des réfugiés et du racisme.

    Après les grandes manifestations anti-Pegida du 5 janvier, nous avons produit une édition spéciale de notre journal avec une série d’arguments contre Pegida et des propositions destinées à aider à la construction du mouvement anti-Pediga. Le racisme n’est pas seulement orienté contre les immigrés, il sert à diviser et affaiblir la classe des travailleurs. Nous appelons les syndicats et Die Linke à organiser une campagne d’information contre le racisme et Pegida avec distribution de tracts sur les lieux de travail et dans les quartiers et organisations de rassemblements de masse et d’une manifestation nationale.

    Nous appelons à une lutte commune des travailleurs allemands et immigrés, avec et sans emploi, pour défendre un enseignement de qualité, une meilleure protection sociale ainsi que l’accès de chacun à de bons logements et à des emplois décents. Nous dénonçons aussi le racisme d’Etat et l’Europe-Forteresse, les exportations d’armes et les déploiements de l’armée allemande à l’étranger. Tout cela culmine à la revendication de la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques des banques et des secteurs-clés de l’économie dans le cadre d’une économie démocratiquement planifiée et respectueuse de l’environnement et d’une démocratie socialiste mondiale.

  • Sursaut populaire contre la terreur réactionnaire

    C’est une mobilisation populaire historique qui a traversé la France ce dimanche 11 janvier. Cette journée restera dans l’Histoire. Au total, ce sont plus de 4 millions de personnes qui se sont mobilisées suite aux attentats terroristes qui ont fait 17 morts en région parisienne. La mobilisation a rassemblé toutes les couches de la population, de toutes origines et confessions.

    Par Jean L. (Luxembourg)

    Il s’agit d’une mobilisation sans précédent qui démontre l’attachement du peuple français à la liberté d’expression, à la solidarité, et aux libertés démocratiques. Mais il faut bien reconnaître que cette “Union Sacrée” a également rassemblé quelques personnalités qui ne sont pas les amis de la liberté et de la démocratie : on pense notamment au 1er ministre israélien Benyamin Netanyahou et à quelques autres chefs d’Etats, champions de la censure et de la répression.

    Quant à François Hollande et les membres du gouvernement français, on ne peut pas leur reprocher d’avoir participé aux rassemblement, mais leur présence pose toutefois quelques questions:

    1. Leur amour soudain pour la liberté d’expression et pour un journal comme Charlie Hebdo est pour le moins étonnant. Qu’ont-ils fait pour défendre et pour soutenir la presse engagée et les journalistes d’investigation durant ces dernières années?

    2. Plus fondamentalement, le PS et l’UMP ont mené ces dernières années des politiques austéritaires et discriminatoires qui ont marginalisé les population immigrées, poussant un certain nombre de jeunes désorientés dans les bras des islamistes. Ils sont directement responsables de la montée du racisme et de l’islamophobie en France.

    3. Par leur soutien sans faille à l’Etat d’Israël et par leurs interventions impérialistes notamment en Afghanistan, ils ont contribué à la radicalisation de certains musulmans français.

    Pour ces raisons, tout en soutenant et en participant à la mobilisation populaire, nous devons dénoncer toute forme d’”Union nationale” qui ne constitue qu’une unité de façade sans aucune possibilité d’offrir un début de solution face aux menaces qui planent sur nos droits démocratiques et nos libertés.

    La seule réponse valable réside dans la défense concrète des droits et des intérêts de travailleurs français et immigrés, de toute origine ou confession. Ceci exige un changement de cap radical de la politique. Ce changement doit se développer sur 3 axes :

    Tout d’abord, il faut cesser de stigmatiser et de marginaliser les populations immigrées. Il faut que les travailleurs immigrés aient les mêmes droits que les Français et les mêmes possibilités de vivre et de travailler en France.

    Ensuite, il faut rompre avec la politique d’austérité et de régression sociale car c’est cette politique qui jette des centaines de milliers de travailleurs français et immigrés dans la misère. C’est précisément sur ce terrain de destruction sociale que se développent d’un côté le racisme et de l’autre côté le repli identitaire.

    Il faut enfin que la France rompe avec sa politique étrangère impérialiste qui fournit aux jihadistes un de leurs meilleurs arguments pour recruter.

    Un tel changement de cap ne pourra se faire avec le PS ou l’UMP, et encore moins avec le Front National. Ces partis sont tous soumis aux intérêts du patronat qui ne veut en aucun cas rompre avec la politique austéritaire, ni mettre une partie de ses plantureux profits au service des “idéaux républicains”. Les divisions entre travailleurs d’origines et de cultures différentes servent également les intérêts des patrons car ils affaiblissent l’unité de la classe des travailleurs et son potentiel de résistance.

    Ce changement de cap ne pourra se faire que par une mobilisation des travailleurs et des jeunes de toutes origines, autour des véritables organisations de gauche afin de construire une société qui fonctionne dans l’intérêt de l’écrasante majorité de la population, et non plus au profit de quelques-uns. Une société dans laquelle les richesses sont produites en fonction des besoins et sont partagées équitablement. Une société dans laquelle les droits démocratiques ne seront pas des droits abstraits valables uniquement pour ceux qui en ont les moyens, mais des droits concrets et vivants, disponibles pour tous.

    La jeunesse et les travailleurs français viennent de montrer qu’ils ont un potentiel immense entre les mains. Ils faudra dans les semaines et les mois qui suivent, qu’ils résistent d’abord à toutes les tentatives de récupération et à tous les amalgames douteux, pour ensuite utiliser cette force afin de construire les bases d’une nouvelle société réellement solidaire et démocratique.

  • Liberté d’expression ! Non au racisme ! Pas d’unité derrière les Valls-Merkel-Cameron-Sarko,…

    L’attaque et le meurtre de 12 personnes par des hommes lourdement armés dans les locaux du journal Charlie Hebdo mercredi 7 janvier est un événement dramatique que nous condamnons fermement comme une attaque lâche et barbare.

    Par la Gauche Révolutionnaire (CIO-France)

    Nos pensées et tout notre soutien vont bien sûr vers les proches des victimes : Frédéric Boisseau, agent d’entretien ; Bernard Maris, économiste ; Michel Renaud, Elsa Cayat, psychanalyste ; Mustapha Ourrad., correcteur ; Franck Brinsolaro, brigadier ; Ahmed Merabet, policier ; Wolinski, Charb’, Tignous, Cabu, Honoré (dessinateurs), les autres victimes et les blessés.

    En attaquant Charlie Hebdo et des personnes comme Wolinski et Cabu, ce n’est pas n’importe qui qui a été visé. Ce sont, pour beaucoup, des journalistes connus pour leur engagement de longue date. Ils ont, de multiples manières, combattu l’intolérance, le racisme, la censure… Qu’ils meurent sous les balles de fous furieux racistes et intolérants nous révolte. En s’en prenant aussi à de simples travailleurs, ceux qui ont commis cet assassinat atroce démontrent qu’ils n’en ont rien à faire de lutter contre le racisme, ils ne défendent pas les musulmans et ne veulent surtout pas d’une société tolérante et respectueuse de chacun.

    En aucun cas les musulmans en France ne vont se sentir soulagés par cet acte, bien au contraire. C’est d’ailleurs bien souvent eux qui vont payer les conséquences dans la rue, comme à chaque fois qu’un acte réactionnaire et aveugle est commis. Ces terroristes qui prétendent défendre une « religion » ne valent pas mieux que les réactionnaires islamophobes qui, du coup, vont se frotter les mains et multiplient les actes de violence à l’égard des musulmans. De fait, ces deux catégories marchent main dans la main pour développer l’intolérance et l’obscurantisme. Cet acte terroriste odieux et lâche renforce tous les courants réactionnaires qui veulent diviser les travailleurs et les jeunes sur une base religieuse ou communautaire.

    Pas d’entrave à la liberté d’expression et au droit à la caricature !

    Charlie était le produit d’une longue tradition de lutte contre la censure, contre le racisme et l’extrême droite ; sans pour autant épargner la gauche. Ils utilisaient la provocation et le sarcasme à l’extrême comme moyen de dénonciation du politiquement correct et de la manipulation politique et médiatique. On défend Charlie Hebdo car on pense qu’il ne doit pas y avoir d’obstacles à la liberté d’expression. Nous savons que ce droit est très vite attaqué par les classes dirigeantes. Nous avions défendu la même position pour Dieudonné alors que nous sommes en désaccord avec ce qu’il dit, qui peut aussi être considéré comme du racisme dans certains aspects, notamment ses nombreux sous-entendus anti-sémites. Quand Charlie Hebdo a publié les caricatures de Mahomet c’était d’abord pour répondre aux menaces de mort contre le journaliste danois, pour dire : oui on a le droit de ne pas croire en dieu et de critiquer les religions… Le problème c’est qu’aborder les choses de façon aussi provocante, et parfois insultante, dans un contexte de surenchère dans le racisme anti-musulman, surtout après le 11 septembre 2001, n’est pas une réponse et peut même paraître faire le jeu des racistes. Et ce fut le cas des fois notamment durant les trop longues années où Charlie a été dirigé par l’opportuniste Philipe Val (qui sera passé de l’extrême gauche dans sa jeunesse à prôner désormais des positions proches de Sarkozy). Tout en défendant le droit le plus complet à la liberté d’expression, c’est sur ces sujets là que nous gardons largement nos distances avec certains propos et dessins que pouvaient publier Charlie.

    Les caricatures peuvent toujours déranger, mais elles ne tuent personne au contraire des réalités que des dessinateurs comme Cabu ou Wolinski ont dénoncé dans leur travail d’artiste. On pouvait les trouver un peu «bêtes et méchants» des fois, mais eux mêmes visaient à dénoncer la bêtise et l’oppression. Dès leurs débuts, ils se sont affrontés aux forces qui brimaient la société : l’Eglise, l’armée, les partisans du colonialisme, l’extrême droite… Ce qu’ont visé ces terroristes dans leur lâcheté, ce n’est pas les vrais islamophobes d’extrême droite, mais des défenseurs de la liberté d’expression, et de la lutte contre l’oppression et le totalitarisme. Souvent, ça n’était pas la foi qui était visée dans les dessins, mais l’utilisation qui en est faite à des fins de pouvoir ou de racisme.

    Pas d’unité avec ceux qui nourrissent le racisme !

    Il est quand même incroyable d’entendre tous les politiciens que Charlie critiquait et caricaturait défendre aujourd’hui ce journal. Les dessinateurs auraient bien rigolé d’ailleurs si on leur avait dit que la cathédrale Notre Dame de Paris sonnerait le glas en leur hommage pendant 15 minutes… belle prouesse pour des anticléricaux forcenés ! Ce sera leur dernière blague, dommage qu’ils ne puissent en profiter.

    Mais, il y a de quoi rire jaune devant l’hypocrisie sans borne des classes dirigeantes et de leur valets des médias, et on ne doit pas oublier quelles sont les responsabilités des uns et des autres. Nous défendons de manière intransigeante la liberté d’expression, mais quand on sait que la presse est à 90% aux mains de grands groupes capitalistes qui y censurent sans hésiter souvent selon les lois de la rentabilité, ce ne sont certainement pas eux qui peuvent nous donner des leçons sur la « liberté d’expression ».

    Sarko, Le Pen etc. n’ont pas leur place dans les hommages !

    Alors qu’une nouvelle loi « anti terroriste » restreignant nos libertés a été votée en novembre, sous prétexte de lutte contre les filières djihadistes, prétexte toujours facile pour fliquer les gens, tout d’un coup les politiciens se préoccupent de nos libertés. Il y a deux mois, la police était déployée avec violence pour empêcher les actions pacifiques en mémoire de Rémi Fraisse, militant écologiste assassiné par la police. Alors que ce gouvernement attaque les syndicalistes, ils se préoccuperaient de la liberté d’opinion ? Alors que tous les médias à la recherche du « clash » et du « buzz » sont ouverts à des Zemmour & co et multiplient les amalgames et les insultes contre les musulmans et les immigrés, ils se redécouvrent défenseurs de la liberté d’opinion et de la tolérance ?

    Même le FN veut entrer dans cette « unité nationale » et prétend défendre un journal qui luttait contre ce qui fait son fond de commerce : le racisme et l’islamophobie en particulier. Non, le FN n’a pas sa place dans des hommages aux morts de Charlie Hebdo. D’autant plus que Marine Le Pen en profite pour parler de réintroduire la peine de mort, chose contre laquelle tous les dessinateurs de Charlie ont toujours été.

    Quant à la droite, ce n’est pas non plus l’hommage aux morts de Charlie qui l’intéresse. Sarkozy parle de « guerre de civilisation » comme il a parlé des « racailles » avant. Des députés de droite comme Mariani se prétendent défenseurs de la liberté d’expression alors qu’ils ont tenté de faire interdire de nombreux spectacles et même des chansons de Rap… Pas d’unité avec ces politiciens qui tentent de se servir de l’émotion actuelle pour avancer leurs idées racistes.

    Et certainement pas non plus avec les chefs de gouvernement qui ont été invités par Valls : le premier ministre espagnol et héritier du franquisme, Rajoy, le premier ministre britannique Cameron qui avait animé dans sa jeunesse les jeunesses du Parti conservateur et leur campagne « pendez Mandela »…

    La liberté d’expression : une arme contre les classes dirigeantes et les réactionnaires.

    Alors, nous manifesterons, en hommage aux victimes, en défense de la liberté d’expression et d’opinion, et contre les politiques de régression sociales qui font le lit des fanatiques et réactionnaires de tous bords. Nous devons être le plus nombreux possible dans les jours et mois à venir à les empêcher de se refaire une virginité sur la mort de ces personnes. Il nous faut de l’unité, mais pas cette unité de façade qui ne garantit pas nos libertés.

    Le meilleur hommage que l’on puisse rendre aux victimes, c’est de renforcer la lutte contre le racisme, l’obscurantisme et toutes les politiques qui visent à diviser les travailleurs et les jeunes. Ce qui nous manque cruellement depuis des années c’est d’avoir une force politique qui défende clairement les victimes de la société capitaliste, qui soit ouverte à tous et toutes, et se donne pour objectif l’unité des travailleurs, des jeunes, des chômeurs, des retraités, quelles que soient les origines, les cultures… Une force politique qui appelle à lutter autant contre les attaques du gouvernement et du patronat que contre le racisme et l’intolérance. La gauche nous a trahi de multiples façons ces dernières années, en acceptant de placer son action dans le cadre du capitalisme, en abandonnant la lutte antiraciste et en soutenant pour certains les guerres (au Proche et moyen Orient, au Mali…). Ce même gouvernement nous parle du « danger djihadiste » ici, alors qu’il soutient la Turquie qui aide Daesh en Syrie, qui s’allie avec le Qatar ou l’Arabie Saoudite dont les régimes ultra-réactionnaires soutiennent eux aussi des groupes terroristes…

    Le gouvernement actuel, dirigé par le PS, porte aussi une responsabilité dans l’atmosphère délétère de ces derniers mois. Il suit sans sourciller les pas des politiques de casse sociale et démocratique engagées par son prédécesseur, Sarkozy. Les événements ne doivent pas nous faire oublier les déclarations de Macron, pour qui le seul objectif que doit avoir un jeune est de devenir milliardaire, ce qui veut dire s’enrichir sur le dos des travailleurs et de la majorité de la population. Ils ne doivent pas nous faire oublier non plus les milliers de licenciements, la politique ultra libérale en faveur des plus riches et le chômage, qui nous touchent tous d’où qu’on vienne. La mobilisation en hommage aux morts de Charlie ne doit pas nous faire mettre de côté la nécessité d’une lutte d’ensemble contre la politique de ce gouvernement au service des riches et des banquiers.

    Pour l’unité des travailleurs et de la population contre le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme !

    L’édition du Monde de jeudi 8 janvier titrait « Le 11 septembre français » … fidèle au sensationnalisme qui caractérise désormais les médias. Mais le fait qu’ils osent cette comparaison est lourde de sens sur l’ambiance que l’on devra subir dans les semaines à venir. On peut s’attendre à ce qu’un espace plus grand existe pour les forces de droite et d’extrême droite. C’est à nous de nous organiser sur des bases de lutte contre le racisme et contre le capitalisme pour contrer cela. On peut s’attendre à ce que cet attentat soit utilisé par les classes dirigeantes (pas seulement en France) pour imposer des mesures drastiques contre les immigrés (ou ceux qui ont l’air de l’être…), les militants et nous tous, sous prétexte d’unité nationale et de lutte contre le terrorisme. Le plan Vigipirate a déjà été mis au niveau maximum en Île de France, ce qui prévoit entre autre l’interdiction des grands rassemblements, et va renforcer encore les contrôles au faciès notamment parmi la population d’origine maghrébine.

    Le climat d’islamophobie entretenu est de plus en plus fort. Ceci amène certains musulmans en France à se sentir fort justement sous attaque. Nous dénonçons toute forme de racisme, d’islamophobie, d’antisémitisme, de sexisme… Et nous luttons pour un monde solidaire, fraternel, et tolérant. Rien de comparable avec ces illuminés qui se prennent pour des justiciers (mais craignent, semble-t-il, des gens armés d’un simple crayon). Les terroristes, à l’image des seigneurs de guerre qui violent et pillent des populations sans défense en Afrique et au Moyen Orient, n’ont que faire de la lutte des peuples de ces régions, que ce soit en Palestine, en Syrie, en Irak, lors des révolutions en Tunisie, en Egypte, ou des mouvements de masse au Burkina, au Sénégal…pas plus que de celles des gens ordinaires, musulmans ou pas, en France. La « religion » de ces terroristes est un trafic juteux et rentable comme celui des armes, tout comme le trafic d’êtres humains est un business pour des groupes comme Boko Haram ou Daesh, qui d’ailleurs massacrent en premier lieu des musulmans par milliers au Nigeria, au Cameroun, en Irak ou en Syrie. Dans le même temps, si, en Europe, des jeunes se radicalisent au point de perdre toute notion humaine et de devenir terroriste, ce n’est pas sans rapport avec la politique des impérialistes qui bombardent certains pays depuis des années, et ont semé le chaos et la guerre pour des centaines de millions de personnes de part le monde.

    Mais face à cela, ce n’est pas le terrorisme individuel qui changera les choses, au contraire, il renforce la classe dominante et enferme les populations dans la peur. Et la réponse n’est pas le repli sur soi, l’enfermement dans les communautés, qui est certainement voulu autant par l’extrême droite traditionnelle française que par certains groupes religieux. C’est au contraire un mouvement de masse tolérant, combatif et démocratique qu’il faut !

    Tous ensemble, reprendre l’initiative !

    Les syndicats, les organisations du mouvement ouvrier, les associations doivent appeler à se rassembler et à rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo sur leurs propres bases : pour l’unité des travailleurs, des jeunes et de la grande majorité de la population quelque soit son origine ou ses croyances, pour la liberté d’expression, contre tous les réactionnaires et les terroristes intégristes, contre les politiques racistes et impérialistes des gouvernements en France qui accroissent les divisions sectaires, l’intolérance et l’obscurantisme.

    Contre le racisme, et contre les politiques qui mettent dans la précarité des millions de personnes, il faut une mobilisation unie et massive ! C’est sur ces bases que nous participerons au soutien aux journalistes et employés de Charlie Hebdo et que nous continuerons de lutter contre les politiques de régression sociale du gouvernement dans les semaines et mois à venir.

    Nous sommes pour une société tolérante et démocratique, où chacun puisse vivre comme il l’entend, selon la culture, la philosophie, la religion qu’il souhaite. Une telle société démocratique est possible, elle demande qu’on lutte tous ensemble pour détruire les racines de l’oppression et de la division : le capitalisme, sa loi du profit et l’exploitation des travailleurs et des richesses naturelles au bénéfice d’une petite minorité de super riches. C’est en retirant des mains des capitalistes les principaux moyens de productions et d’échange, et en organisant l’économie de manière démocratique, sous propriété publique et sous la gestion et le contrôle des travailleurs et de la population qu’on peut mettre fin aux inégalités, aux guerres et à l’injustice. C’est cette perspective d’une société socialiste et démocratique que nous défendons, en opposition complète à la barbarie sans fin que nous impose le capitalisme. Rejoignez nous!

  • Charlie Hebdo : victime de la surenchère entre forces réactionnaires

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    Cette attaque d’une brutalité sans précédent a suscité une vague d’indignation et de colère qui a dépassé les frontières de l’Hexagone. Des dizaines de rassemblements spontanés se sont organisés dans de nombreuses villes de France, en Belgique et encore dans d’autres pays. La violence de l’attaque a créé une onde de choc qu’il est encore difficile de mesurer à l’heure actuelle, mais qui mettra du temps à s’apaiser. Car toute attaque contre la liberté d’expression est une attaque contre tous nos droits fondamentaux : nos libertés individuelles, nos droits politiques, syndicaux… Ces droits n’existent pas seulement grâce aux lois et aux institutions “démocratiques”. Ils existent grâce aux hommes et aux femmes qui se lèvent chaque matin pour les défendre : journalistes, militants, travailleurs sociaux, délégués syndicaux, artistes… L’attaque contre Charlie Hebdo est un coup porté contre tous ceux-là.

    Par Jean L. (Luxembourg)

    La liberté d’expression que nous connaissons aujourd’hui est relative. Il ne saurait être question de liberté réelle tant que les magnats de la presse détiennent 90% des médias pour influencer l’opinion afin de défendre leur propre idéologie. Mais même de tels droits démocratiques limités (comme le droit de nous organiser, le droit de mener des actions collectives et la liberté d’expression) n’ont pu être arrachés que grâce à la lutte du mouvement des travailleurs.

    Nous devons donc nous mobiliser pour défendre ces droits contre ceux qui veulent nous bâillonner. Mais dans cette lutte, il ne faut pas se tromper d’ennemi. Il faut aussi prendre garde aux faux amis. Ceci mérite quelques explications.

    Les gros amalgames se profilent déjà, en embuscade, venant de la droite et d’extrême droite : “”les terroristes sont des islamistes donc “l’islamisation” de la France est un problème…” Une communauté entière est assimilée à une poignée de fondamentalistes criminels. C’est tellement simple ! Et facile, tant le terrain a été patiemment préparé par de sinistres « polémistes » adeptes du suicide de la pensée et du déclin des valeurs humaines. Quelques faits divers avaient récemment fait monter le taux d’islamophobie dans l’atmosphère, comme signe prémonitoire d’une tempête qui s’annonçait.

    A ceux qui seraient tentés par ces amalgames anti-musulmans, rappelons simplement 2 faits. Premièrement, les victimes de la terreur islamiste sont majoritairement des musulmans. Ensuite, les islamistes n’ont pas le monopole de la terreur, bien au contraire : ces dernières décennies, les attaques contre les journaux étaient surtout le fait de l’extrême droite, de certains intégristes catholiques, ou encore des partisans de l’Algérie française… En 2011, des dizaines de jeunes norvégiens sont tombés sous les balles d’un extrémiste de droite islamophobe. On pourrait multiplier les exemples…

    Mais l’heure n’est pas aux décomptes macabres. L’heure est à la mobilisation des jeunes et des travailleurs pour la liberté d’expression, contre toute forme de terreur, de racisme et de discrimination. Il ne faut pas laisser l’extrême droite et les partisans du repli sur soi identitaire occuper le terrain. Une phrase de la première déclaration de notre organisation-sœur française Gauche Révolutionnaire pourrait laisser entendre qu’elle pense que les manifestations « républicaines » appartiennent à la droite et l’extrême droite. Ce n’était pas l’intention. Gauche Révolutionnaire est en effet intervenue dans le mouvement à Rouen avec ses propres tracts qui ont été très bien reçus et défendaient des positions partant des intérêts du mouvement des travailleurs et pas tout simplement à se ranger derrière «l’unité républicaine ». Cela est important car un climat nauséabond s’est développé ces derniers mois en France et en Allemagne notamment, avec des relents clairement islamophobes. Nos gouvernements en portent une part de responsabilité. Ne nous laissons pas diviser.

    Pour éviter qu’à ce drame, s’ajoute celui d’un “choc des civilisations”, les syndicats, les organisations du mouvement ouvrier, les associations doivent appeler à se rassembler et à rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo sur leurs propres bases : pour l’unité des travailleurs, des jeunes et de la grande majorité de la population quelles que soient son origine ou ses croyances, pour la liberté d’expression, contre tous les réactionnaires et les terroristes intégristes, contre les politiques racistes et impérialistes des gouvernements en France qui accroissent les divisions sectaires, l’intolérance et l’obscurantisme.

     

  • Kurdistan : La bataille de Kobanê à la croisée des chemins

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    Que signifie l’ « assistance » militaire américaine pour la lutte kurde ?

    La situation à Kobanê a mis la question kurde au centre de l’attention dans le monde entier. Le canton de Kobanê, qui fait partie de Rojava (ou Kurdistan Occidental), est assiégée depuis la mi-septembre par criminels de « l’État Islamique » (EI) et est devenu l’un des centres de la résistance contre le déchaînement djihadiste.

    Serge Jordan, Comité pour une Internationale Ouvrière

    Alors que le majeure partie de la Syrie a sombré dans la guerre sectaire, les 3 enclaves à majorité kurde de Rojava ont été désertées par les forces du régime d’Assad en 2012. Depuis au Rojava, « l’auto-administration » et l’autonomie territoriale ont été proclamées par les forces qui ont saisi le pouvoir politique, dominées par le PYD (Parti de l’Union Démocratique – la version Syrienne du Parti des Travailleurs Kurdes, ou PKK), et un équilibre ethnique et religieux fragile a été maintenu. L’identité et la langue kurdes longtemps niés et ont été reconnus ainsi que les droits formels pour les groupes religieux et les minorités ethniques.

    L’État Islamique a attaqué Kobanê, le canton le plus vulnérable et exposé de Rojava, de presque tous les côtés avec des armes lourdes, des tanks et des missiles, en essayant pendant plus de 5 semaines d’écraser la résistance de la ville. Rojava et son modèle explicitement laïc représentaient un défi direct au programme théocratique réactionnaire de EI. Les femmes combattantes armées d’AK-47 en première ligne contre un groupe totalement misogyne ont stimulé l’imagination de beaucoup de gens dans le monde entier.

    Contrairement aux atrocités qui ont lieu dans beaucoup d’endroits d’Irak et de Syrie, les cantons de Rojava ont été un symbole de résistance pour des millions de Kurdes, de travailleurs et de jeunes de la région. Des manifestations, des occupations et des actions ont eu lieu dans toute l’Europe en soutien à la lutte à Kobanê, auxquelles les membres du CIO ont pris part.

    Les acquis de Rojava et la résistance à Kobanê ont offert un pont potentiel sur la route des Kurdes pour l’auto-détermination et, plus généralement, un possible point de référence pour raviver la lutte des travailleurs et des pauvres contre les horreurs de EI et les régimes dictatoriaux au Moyen-Orient. Cependant, toutes les complications politiques et les dangers de ce qui s’est récemment développé dans cette régions doivent être abordés, car une défaite dans cette lutte, au contraire, lâcherait encore plus de souffrances sur les personnes de la région.

    Kobanê tient bon

    Beaucoup de commentateurs prédisaient que Kobanê tomberait en quelques jours mais son destin est encore sur la balance, bien que certaines parties de la ville soient sous contrôle des djihadistes. L’une des raisons pour cela est que le PYD et ses unités armées, le YPG (Unités de Protection du Peuple) et le YPJ (Unités de Protection des Femmes) se sont battus héroïquement. En fait, ils ont été jusqu’ici les seuls combattants efficaces contre l’avancée d’EI. Ils se distinguent des faibles performances de l’armée irakienne complètement corrompue et des forces Peshmerga (les forces armées du gouvernement semi-autonome Kurde du Nord de l’Irak qui ont cédé les montagnes Sinjar et d’autres territoires à EI presque sans combattre. Cela montre que lorsque le peuple a un but sérieux pour lequel se battre, leur moral et leur détermination peut même surmonter, dans une certaine mesure, leur infériorité technique et militaire.

    Cela a mis l’impérialisme américain et sa croisade militaire contre EI – jusqu’ici, qui n’est pas du tout couronnée de succès – sous une pression de plus en plus forte. Initialement, les stratèges américains étaient prêts à voir Kobanê capturée par les troupes de EI. « Aussi horrible que ce soit de voir en temps réel ce qui se passe à Kobanê… vous devez vous retirer et comprendre l’objectif stratégique », commentait John Kerry fin septembre. Mais il y a deux semaines, les USA sont passé de quelques frappes aériennes parcimonieuses et réticentes contre EI à Kobanê à des efforts plus déterminés d’assistance aux combattants de YPG, y-compris en parachutant des armes, des munitions et du matériel médical, disant que ce serait « moralement difficile et irresponsable de ne pas aider ceux qui combattent EI à Kobanê ». Pour illustrer ce retournement, un représentant de YPG occupe maintenant une position dans le centre des opérations jointes de la coalition à Erbil, la capitale du Nord de l’Irak, pour coordonner les frappes aériennes à Kobanê avec l’armée américaine.

    La motivation de ce changement de politique était qu’ils réalisaient de plus en plus que la prise de la ville par EI serait un coup humiliant au prestige et à la crédibilité américaines : Obama ne pouvait pas se permettre qu’EI remporte une nouvelle victoire militaire. Et permettre à un groupe affilié à ce que les USA et l’UE listent encore comme organisation terroriste (le PKK) faire le gros des combats de terrain contre les combattants d’EI n’améliorait pas non plus l’image des puissances occidentales. L’impérialisme américain avait donc besoin de reprendre l’initiative.

    Les politiques turques en lambeaux

    Il n’est pas un secret que l’armée turque laisse sa frontière ouverte pour permettre aux militants Djihadistes d’entrer dans le territoire Syrien, permettant même aux combattants de EI de retraverser vers la Turquie pour recevoir des soins médicaux comme pour vendre du pétrole au marché noir. Ces manœuvres étaient motivées, en partie, par les illusions « néo-Ottomanes » du président Turc Erdo?an et son Parti de la Justice et du Développement (AKP). Cela a laissé croire au dirigeant Turc, pendant les premières étapes de la guerre civile Syrienne, que le régime d’Assad serait rapidement renversé et que la Turquie deviendrait un élément dirigeant de l’axe régional dominé par les Sunnites. Mais cette politique a été explosée par les événements du terrain.

    Similairement, le gouvernement Turc a clairement voulu voir Kobanê vaincu par EI, pour donner une leçon brutale au mouvement Kurde en Turquie. Beaucoup de gens ont vu à la télé des images de dizaines de tanks Turcs alignés à la frontière turque-syrienne, alors que les combats faisaient rages à quelques kilomètres de là. Bien sur, la plupart des Kurdes ont raison de rejeter toute intervention de l’armée Turque dans la région, car cela ne serait que pour satisfaire la soif de pouvoir et l’hégémonie de l’élite dirigeante turque, certainement pas pour les droits des habitants locaux. La principale revendication était d’ouvrir la frontière pour permettre aux renforts et aux équipements d’entrer, mais l’armée turque a bloqué l’aide envoyée aux combattants Kurdes, empêchant des milliers de gens de traverser la frontière et de rejoindre la défense de la ville assiégée.

    La perception internationale que le régime Turc passe des accords sous la table avec EI contre les Kurdes Syriens gagne du terrain. Enflammées par la politique d’Erdo?an à Kobanê, les manifestations et émeutes récentes des Kurdes de Turquie (affrontements entre des militants Kurdes et les forces de l’État turc, mais aussi avec des fondamentalistes islamistes Kurdes, ainsi qu’avec des nationalistes Turques d’extrème-droite), ont fait 44 morts. Ces événements ont rappelé au régime qu’entretenir une guerre détournée contre les Kurdes de Syrie était difficile à faire sans raviver le conflit avec les Kurdes de Turquie.

    Le processus de paix au bord du gouffre

    Dans un message du 28 octobre, Abdullah Öcalan, le dirigeant emprisonné du PKK, a dit que le processus de paix engagé début 2013 entre le PKK et l’État Turc était « passé à une autre étape », ajoutant qu’il était maintenant « plus optimiste ». Cette déclaration a été faite juste après que la colère de la population Kurde de Turquie ait explosé, montrant que les masses Kurdes ne semblent pas partager ces vues optimistes. Pendant ce temps, de violents incidents impliquant les forces de l’État Turc et les militants Kurdes se sont multipliés ces dernières semaines.

    La grande majorité du peuple de Turquie, d’origine Turque comme Kurde, ne veulent pas retourner à l’état de guerre. Pour empêcher ce scénario sanglant, la gauche Kurde et Turque comme le mouvement syndical, ont la première responsabilité dans la reconstruction d’une lutte de masse pour les droits du peuple Kurde, et pour lier cette lutte à la lutte nécessaire d’organiser tous les travailleurs, les jeunes et les pauvres de toute ethnies et régions contre le régime capitaliste de l’AKP.

    Ce dernier a annoncé récemment un plan extensif de privatisations – dont les conséquences humaines ont été démontrées par un autre accident minier dans le Sud du pays mardi dernier – qui montre, une fois encore, que le gouvernement AKP n’est pas seulement un ennemi des Kurdes mais aussi un ennemi de la classe ouvrière et des pauvres vicieusement au service du big-business.

    Le demi-tour d’Erdo?an

    Erdo?an et son cercle dirigeant qualifient officiellement le PYD et EI d’organisations « terroristes ». En vérité, Erdo?an a clairement favorisé le poison djihadiste. Cela ne sera pas sans conséquences pour le peuple de Turquie. EI a développé des réseaux de recrutement et des cellules d’opération en Turquie, et ses rangs comportent des centaines de jeunes Turcs. Le danger d’un retour de feu terroriste en Turquie est réel.

    La tension monte aussi entre les USA et le régime d’Erdo?an. La classe dirigeante américaine est de plus en plus mécontente de la Turquie, qui est membre de l’OTAN. Washington pense que la Turquie a appuyé les forces même que les USA bombardent depuis quelques semaines, ce qui montre le manque de volonté de certains des partenaires des USA dans la mal-nommée « Coalition des Volontaires ».

    Étant donnés ces facteurs, le gouvernement Turc a finalement été forcé de faire demi-tour en ce qui concerne Kobanê. Insatisfaits de la décision unilatérale des USA d’assister le PYD, Erdo?an a essayé de trouver une alternative sans perdre la face, en permettant à 150 combattants Peshmerga, liés au Gouvernement Régional du Kurdistan (KRG) de l’Irak du Nord, d’aller à Kobanê via la Turquie.

    Le régime d’Erdo?an a développé des relations très étroites avec les dirigeants notoirement corrompus et pro-capitalistes du KRG. Le président du KRG, Masoud Barzani, et son parti, le KDP (Parti Démocratique du Kurdistan), qui jusque récemment étaient eux-même apparemment contents de voir le YPG se faire écraser à Kobanê, ont un historique de collaboration directe avec l’armée Turque pour essayer d’éliminer les combattants du PKK sur le territoire dirigé par le KDP.

    Ces Peshmerga doivent rester à l’écart du front de Kobanê. En fait, la signification politique de ce coup est bien plus pertinent que sa justification militaire. Par cette manœuvre, les dirigeants Kurdes essaient de diluer et de contre-balancer l’influence de PYD, et de mettre un pied dans le Kurdistan Syrien en faisant entrer en jeu leurs partenaires de droite. Le fait même que les Peshmerga soient encore autorisés à aller et venir en franchissant la frontière alors que beaucoup de manifestants Kurdes de Turquie et de réfugiés de Kobanê sont systématiquement empêchés de le faire, montre les machinations cyniques d’Erdo?an.

    Les socialistes et la bataille pour Kobanê

    Bien avant que la bataille pour Kobanê soit sous les projecteurs des médias, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) avait souligné le besoin de construire partout dans la région des organes non-sectaires et démocratiques comme base pour organiser une défense populaire de masse non seulement contre EI, mais aussi contre tout autre groupe extrémiste religieux, contre les forces brutales et sectaires des régimes Syrien et Irakien, et contre l’intervention impérialiste – ces dernière ayant une grande responsabilité dans la croissance des bandes djihadistes qui attaquent maintenant Kobanê.

    Pour cimenter l’unité au travers des lignes nationales, ethniques et religieuses, une telle lutte demande d’être équipée d’un programme qui soit sans compromis en faveur des droits égaux pour tous les peuples et communautés opprimés de la région, leur droit à l’auto-détermination inclut.

    Face à la menace de génocide ethnique par les meurtriers d’EI, les défenseurs de Kobanê et beaucoup de Kurdes dans le monde entier ont demandé à la « communauté internationale » de les assister contre les unités de EI, bien mieux équipées. C’est une demande compréhensible étant donné les circonstances, cependant c’est une approche erronée dont les masses de Kobanê et d’autres endroits de Rojava peuvent payer un lourd prix. Si les gouvernements occidentaux étaient vraiment intéressées au bien-être de la population de Kobanê, ou même à vaincre EI sans arrières-pensées, il y a longtemps qu’ils auraient procuré des armes aux défenseurs de la ville, sans demander de concessions politiques en contre-partie. Cependant, ce qui se passe maintenant est toute une autre histoire.

    L’assistance américaine en termes d’armement est, en effet, utilisée pour faire du chantage et pousser les combattants de Kobanê à la soumission politique, et le PYD à s’aligner de plus en plus sur la politique américaine. Washington a essayé de donner du pouvoir au Conseil National Kurde (KNC), une coalition de droite des partis Kurdes Syriens qui sont appuyés par Barzani, comme contre-poids aux PYD à Rojava. Mais le 22 octobre, le PYD a officiellement signé un accord de partage du pouvoir avec les pro-capitalistes du KNC pour administrer conjointement les régions Kurdes de la Syrie.

    3 jours plus tôt, le commandement général de l’YPG a publié une déclaration : « Nous allons travailler à consolider le concept d’un véritable partenariat pour l’administration de ce pays en rapport avec les aspirations du peuple syrien avec toutes ses classes ethniques, religieuses et sociales ». C’est un précédent dangereux. Alors que la Constitution du Rojava mentionne la protection du droit du travail, le développement durable et le bien-être général, ces buts ne peuvent être obtenus en plaidant l’harmonie entre toutes les classe sociales.

    Ces développements marquent une tentative claire de l’impérialisme américain et ses partenaires d’installer une direction Kurde plus complaisante à Rojava. Le CIO avait averti de ces développements : « toute solution à la lutte Kurde reposant sur l’appui politique de l’impérialisme occidental devrait être rejetée, et les livraisons d’armes ne peuvent être acceptées que sur base du rejet des « conditions » imposées par les puissances extérieures qui vont contre les intérêts des masses du peuple Kurde. » (‘The battle for Kobanê’, 02/10/2014) .

    Aussi épouvantables et menaçantes que soit l’action de EI, ce n’est pas le seul danger qui pèse sur Kobanê et Rojava. Les accord secrets avec l’impérialisme doivent être rejetés, car ils font courir le risque de créer un changement qualitatif dans le caractère des combats sur le terrain.

    Même le régime syrien de Bashar al-Assad et le gouvernement russe ont bien accueilli le déploiement des forces Peshmerga à Kobanê. Tous les vautours survolent la région pour y imposer leur influence, avec l’intention de restaurer « l’ordre » seulement sur base de leurs intérêts de classe. Kobanê et les autres cantons de Rojava pourraient être réduits à des pions dans les manœuvres des puissances extérieures et leurs mandataires locaux, mettant sur le côté les éléments authentiques de la résistance des peuples, et poignardant dans le dos la lutte que des milliers de personnes ont déjà paye de leur vie.

    Lutte pour la démocratie socialiste

    Le CIO pense que la force et la survie de le lutte à Rojava sont directement liés à l’implication active des masses de la population locale. Alors que des pas ont été faits dans cette direction, les manœuvres mentionnées ci-dessus montrent le manque de transparence démocratique dans la façon dont la lutte est menée et comment les décisions sont prises.

    Sans contrôle démocratique et auto-organisation authentique des masses, il y a un danger réel que ces caractéristiques démocratiques prennent le dessus. La lutte dans toutes les enclaves de Rojava, sous ses aspects militaires et politiques, devrait être organisée aussi largement et démocratiquement que possible, sur base de transparence des décisions à tous les niveaux. Les assemblées populaires rapportées devraient être élargies et démocratisées avec des représentants révocables. Les partis politiques devraient exercer le pouvoir seulement sur base de leur poids réel dans la société, et non sur base des accords secrets imposés par en haut par des pouvoirs extérieurs. A Kobanê, malgré leur bravoure indiscutable, les quelques milliers qui sont restés défendre la ville se sont battus tous seuls. Le gros de la population locale a fui la ville. Mais plus tôt, le PYD aurait pu appeler à l’initiative de tous les travailleurs, paysans et jeunes, en encourageant à s’unir, à mettre en place des comités de défense, à monter des barricades, et à jouer ainsi un rôle actif dans la protection et la fortification de leur ville – sur le modèle de la résistance anti-fasciste à Barcelone en 1936, bien que dans des circonstances différentes. Ceux qui n’étaient pas en position d’être directement impliqués dans la lutte aurait pu être impliqués dans l’assistance à la résistance de d’autres façons (logistique, infirmerie etc).

    Malheureusement, les méthodes de guérilla du PKK/PYD, basées sur l’idée d’une minorité vaillante combattant au nom de la masse de la population, a été un obstacle à l’organisation des dizaines de milliers de personnes qui pouvaient jouer un rôle crucial dans le reversement des flux et reflux du siège de EI.

    Face à la menace continuelle d’EI, la masse de la population de chaque ville et village de tout Rojava a besoin d’être énergiquement encouragée à effectuer un entraînement militaire basique et à organiser des organes de défense, sur des bases non-sectaires. Cela permettrait de forger une force et une unité maximum et de préparer la résistance à l’ennemi djihadiste assiégeant.

    Les combattants restant à Kobanê ne seront pas capables de maintenir leur combat indéfiniment dans l’isolation si leur lutte n’est pas activement reprise par un plus grand nombre dans les régions environnantes. Cela aiderait à rompre le siège de Kobanê par les djihadistes dans l’Ouest, l’Est et le Sud de la ville et aussi par l’armée turque dans le Nord.

    Les premiers alliés de la résistance Kurde ne devraient pas être la super-puissance impérialiste américaine ni aucune force capitaliste, mais la mobilisation active et indépendante de la classe ouvrière et des pauvres dans cette région du monde et au niveau mondial. Le sabotage des acquis de Rojava par les forces pro-capitalistes et pro-impérialistes serait, au contraire, un retour en arrière et compliquerait la lutte durable des Kurdes pour leurs droits, ainsi que la lutte unifiée dont tous les pauvres et les opprimés de la région pour une vie meilleure ont besoin. C’est pourquoi il et nécessaire d’approfondir la lutte Kurde, et d’essayer de l’étendre géographiquement en atteignant les masses ouvrières et pauvres de toute la région avec un programme audacieux pour le changement social.

    Le magazine allemand Der Spiegel a rapporté qu’une centaine d’usines et d’ateliers de la ville syrienne Alep ont récemment été déménagées dans le canton occidental de Rojava, Efrîn. L’attitude du gouvernement régional d’Efrîn, cherchant activement à attirer des entreprises privées dans la région souligne la contradiction interne de tenter de construire un nouveau modèle basé sur la justice sociale tout en fonctionnant dans le cadre du capitalisme. Le développement de ce que le PYD et le PKK appellent « con-fédéralisme démocratique », sans se débarrasser de la nature profiteuse et exploiteuse de la propriété capitaliste, et sans implanter une réforme terrienne en profondeur, va mener à la compétition entre localités pour l’investissement des capitaux et son inévitable corollaire : un nouveau « nivellement par en-bas » des droits des travailleurs et des conditions de vie.

    Cela montre le besoin pour les masses de Rojava d’élever leur lutte sur le terrain économique, en prenant les usines et en collectivisant les terres, et d’établie les conditions d’un plan de production socialiste démocratique. Cela et la garantie des pleins droits démocratiques pour tous, donnerait un exemple aux masses de toute la région sur la façon de construire une voie pour sortir de la pauvreté, de la guerre, du sectarisme religieux et de l’oppression nationale.
    • Solidarité avec le peuple de Kobanê et de Rojava – Stop au massacre djihadiste
    • Rupture du siège de Kobanê – pour l’ouverture immédiate de la frontière turco-syrienne à tous ceux qui veulent aider la défens de la ville. Pour l’envoi à Kobanê de colonnes de volontaires organisés en commun par la gauche kurde et turque, les organisations communautaires et les syndicats
    • Pour le renforcement de comités de défense non-sectaires de masse pour sécuriser toutes les parties de Rojava sur la base de l’organisation démocratique et implantée des travailleurs, des jeune et des paysans pauvres
    • Aucune confiance en l’impérialisme – non aux accord secrets avec les puissances étrangères et autres forces pro-capitalistes
    • Pour la construction d’une lutte unifiée de tous les travailleurs et les pauvres de Turquie contre les politiques capitalistes et le règne autoritaire de l’AKP
    • Non aux lois patriotiques sécuritaires et à toutes les lois répressives en Turquie
    • Retrait de l’interdiction des organisations kurdes en Europe et aux USA
    • Pleins droits démocratiques pour le peuple kurde – pour le droit à l’auto-détermination des Kurdes dans toutes les régions du Kurdistan, ainsi que de toutes les communautés opprimées de la région
    •Pour une Rojava socialiste et démocratique au sein d’une confédération socialiste et volontaire du Moyen-Orient

  • Kurdistan : défendre Kobané et tous ceux qui sont menacés par Daesh, l’AKP et l’impérialisme

    KobaneLe canton de Kobané, qui fait partie de Rojava, est assiégé depuis le 16 septembre et est devenu un des points centraux de la résistance contre l’Etat Islamique (Daesh). Beaucoup d’informations font états des défenseurs de Kobanê qui stoppent l’avancée de Daesh, alors que beaucoup pensaient que Kobané était sur le point de tomber. Mais le danger n’est toujours pas écarté et des milliers de personnes font face à la menace d’un massacre.

    Traduction d’un tract de Sosyalist alternatif (Alternative Socialiste, CIO -Turquie)

    L’organisation barbare de l’Etat Islamique attaque Kobanê avec des tanks et des missiles, une force militaire semblable à celle d’un Etat de taille moyenne. L’Etat turc et son gouvernement AKP (Parti pour la justice et le développement, au pouvoir depuis 2002) ont offert un énorme soutien à l’Etat Islamique et tentent de bloquer tout soutient en direction de l’YPG (Unité de protection du peuple, branche armée du parti kurde de l’union démocratique – PYD), les forces armées qui combattent à Kobané. Ils ont aussi terrorisé la population qui manifeste en solidarité à Kobané, mettant des obstacles à la lutte contre l’Etat Islamique, y compris par le renforcement d’une législation répressive en Turquie.

    Les habitants de Rojava se sont mobilisés pour prendre le contrôle de la région qu’ils habitent – un processus qui a débuté à Kobané en 2012. Ils ont essayé d’établir une région autonome basée sur le modèle de laïcité et d’auto-détermination, au delà des divisions ethniques et religieuses. Cette situation a constitué une avancée considérable pour la plus grande nation apatride du monde, les Kurdes, mais elle s’oppose aussi au sombre agenda de groupes réactionnaires comme l’Etat Islamique et d’autres présents au Moyen-Orient.

    L’Etat Islamique recourt aux méthodes les plus brutales pour créer une atmosphère de peur et essaie d’instaurer un Etat théocratique basé sur des lois des plus réactionnaires. Parmi ses nombreuses cibles, Daesh veut anéantir le PKK (Parti des Travailleurs Kurdes) et le PYD (le Parti de l’union démocratique) de cette région parce qu’avec leur idéologie laïque, ils prônent des politiques contraires à l’Etat Islamique et représentent une menace face à ses objectifs. À côté de ça, Daesh veut élargir son ‘‘Etat islamique’’, son califat autoproclamé, en prenant la ville stratégique de Kobané et en augmentant son emprise dans la région.

    Le régime turc, de son côté, veut réduire en miettes les accomplissements des Kurdes, et veut assurer son statut de puissance impérialiste régionale en lançant une intervention militaire contre le régime d’Assad en Syrie avec, ils l’espèrent, le soutien des grandes puissances impérialistes occidentales. Ces puissances impérialistes occidentales perdent graduellement du terrain dans cette région, elles souhaitent donc également restaurer leur mainmise en se faisant passer comme les sauveurs des peuples de la région.

    Les impérialistes sont-ils ou non des sauveurs ?

    C’est surtout après l’attaque de l’Etat Islamique sur Shingal que de nombreuses personnes se sont mises à demander une intervention miliaire et des livraisons d’armes de la part des puissances impérialistes. Pareilles demandes sont apparues dès le début du siège de Kobané. Mais l’idée de stabilité des impérialistes et des gouvernements de Turquie et des autres pays de la région n’a rien à voir avec le véritable désir de stabilité des masses de la classe ouvrière.

    Pour ces régimes, la stabilité signifie le pillage continu du pétrole et des ressources de la région ainsi que le maintien de leur rapport de force ; cela ne signifie pas la fin des bombardements, des morts, de l’oppression ou de l’exploitation. Les organisations ou Etats favorables au capitalisme veulent détourner les revendications concernant l’aide humanitaire et militaire des populations qui risquent de se faire massacrer dans le but de poursuivre leurs propres intérêts.

    Il est facile de comprendre pourquoi la population, qui est sous la menace d’un massacre, demande le bombardement des positions de l’Etat Islamique autour de Kobané ou l’ouverture d’un corridor humanitaire à partir de la Turquie pour venir en aide à la résistance de Kobané. Mais les récents évènements ont montré comment les différentes puissances agissent afin de défendre leurs intérêts et maîtriser le mouvement de masses. Les USA ont commencé à fournir un armement limité aux défenseurs de Kobané mais demandent déjà une compensation politique au mouvement de résistance qui ne devra pas menacer les intérêts américains dans la région !

    Bien que toujours dissimulées sous des objectifs humanitaires, toutes les interventions militaires dans la région soutenues par les impérialistes se sont transformées en bains de sang (Irak, Lybie) et, de plus, sont en grande partie à l’origine même du cauchemar actuel que vivent les Kurdes ainsi que d’autres populations de la région.

    La décision du gouvernement AKP de permettre à sont allié corrompu, le régime de Barzani (président du gouvernement régional du Kurdistan du sud, région semi-autonome du Nord de l’Irak), d’envoyer ses propres forces à Kobané a pour double but de repousser Daesh et de tenter de contrôler le mouvement à Rojava en essayant d’écarter les combattants les plus à gauche du PKK et du PYD.

    C’est pourquoi le combat contre Daesh doit faire partie d’une guerre révolutionnaire qui ferait appel à tous les travailleurs et les opprimés dans le but de les unir contre l’oppression et pour une réelle alternative à tous les gouvernement pro-capitalistes corrompus et répressifs d’un bout à l’autre de la région. C’est aussi la meilleure façon d’ébranler le soutien dont dispose l’Etat Islamique en unissant tous les travailleurs, qu’ils soient kurdes, turcs, arabes, sunnites, chiites, chrétiens ou autres.

    Défendre Rojava

    Défendre Rojava est important à bien des égards. La chute de Kobané signifierait non seulement le probable massacre de nombreuses personnes, mais aussi l’écrasement d’une lutte qui a inspiré nombre de kurdes, de jeunes et de travailleurs à travers le monde. Cela renforcerait aussi l’Etat Islamique géographiquement et logistiquement.

    Auparavant, les régimes staliniens de l’ancienne URSS et d’Europe de l’Est, malgré leurs monstrueuses dérives dictatoriales, exerçaient un contrepoids international aux politiques capitalistes et impérialistes. Après leur effondrement dans les années ‘90, le mouvement des travailleurs a essuyé d’énormes revers internationalement à cause du désenchantement des travailleurs dans une alternative au capitalisme. Les organisations socialistes du Moyen Orient se sont dispersées ou ont viré à droite. La masse des travailleurs et des paysans du Moyen Orient ont souffert encore plus de l’oppression à travers la pauvreté, les interventions impérialistes et les régimes dictatoriaux. Ces masses ont commencé à chercher une alternative et une couche s’est tournée vers des islamistes de droite voire même vers des organisations djihadistes. Cela ne règle pas les problèmes des gens ordinaires ; au contraire la situation a empiré et est devenue plus compliquée.

    Cependant, l’ère du triomphalisme capitaliste est terminée. Le capitalisme se trouve actuellement dans une crise historique. Des révoltes de travailleurs, de pauvres et de jeunes contre le capitalisme ont également secoué le monde. Les masses égyptiennes et tunisiennes ont renversé des dictateurs il y a bientôt quatre ans. La défense, et enfin le succès, de la lutte à Rojava pourraient définitivement influencer ces luttes et aider à les faire progresser. Mais ces mouvements de masse ont aussi montré à quel point il est vital de maintenir une évolution indépendante de toute force pro-capitaliste afin de construire la lutte la plus efficace.

    Le modèle de gestion de Rojava ne peut pas être prospère s’il est basé sur le capitalisme et confiné à ses petits cantons. Rojava a une structure industrielle très limitée, ces zones isolées ne peuvent être viables si elles ne deviennent pas des pôles d’attraction pour les travailleurs et les pauvres paysans qui vivent dans la région aux alentours.

    Pour que cela arrive, il est plus que nécessaire que la majorité de la population soit impliquée dans la résistance et la défense de Rojava. Prenant ses inspirations des meilleurs exemples de résistance militaire de la classe ouvrière, comme la lutte des travailleurs de Barcelone contre le coup d’Etat fasciste de 1936 en Espagne, des milices de volontaires et des comités organisés démocratiquement doivent être construit, et renforcés là où ils existent, afin d’impliquer l’essentiel de la population et construire la résistance la plus puissante contre l’offensive menaçante de l’EIIL.

    Cela devrait être fait avec l’objectif conscient de construire une lutte massive et internationale pour renverser la course au profit du système économique qu’est le capitalisme au Moyen Orient par les masses, l’action et l’organisation indépendante et non sectaire de la classe des travailleurs et des pauvres de toute la région. C’est pourquoi Alternative Socialiste lutte pour le développement d’une Rojava socialiste dans le cadre d’une confédération volontaire socialiste du Moyen Orient et d’un monde socialiste.

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