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  • Tunisie : Après l’attaque terroriste, de nouvelles batailles de classe se dessinent

    Les travailleurs de l'enseignement en grève.

    L’attaque terroriste barbare qui a eu lieu le 18 mars au musée du Bardo à Tunis, arrachant la vie à 22 personnes, représente un tournant dans la situation politique de la Tunisie postrévolutionnaire. Cet événement, le premier acte terroriste d’une telle ampleur au cœur de la capitale, a consterné l’écrasante majorité de la population du pays, et est venu rappeler la sombre réalité se cachant derrière la propagande élogieuse des médias et des politiciens traditionnels au sujet de la “transition démocratique” réussie.

    Par Serge Jordan (Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Mais l’attaque du Bardo a également offert une excuse commode pour la classe dirigeante afin d’accélérer son offensive contre-révolutionnaire envers les masses tunisiennes, tant dans les domaines économique que politique. Il semble qu’un coup de pouce a été donné à l’obsession du Président Béji Caïd Essebsi de “restaurer le prestige et l’autorité de l’Etat”. Le gouvernement américain a par exemple déjà annoncé le triplement de son aide militaire à la Tunisie.

    Le gouvernement tunisien -dont la principale force politique, Nidaa Tounes, est en partie une machine de recyclage pour des partisans de l’ancien régime et des hommes d’affaires corrompus liés à la dictature de Ben Ali- a immédiatement saisi la récente horreur terroriste comme une occasion en or pour réaffirmer un appareil d’État fort, et pour cibler les mouvements sociaux et les grèves, lesquels sont dans une phase ascendante depuis le début de cette année.

    Le discours officiel met l’accent sur le fait que les assaillants du Bardo visaient le nouveau “symbole de la démocratie” que les institutions tunisiennes représenteraient. Cela coïncide ironiquement avec des tentatives du nouveau gouvernement d’exploiter cet évènement pour imposer un retour en arrière sur les droits démocratiques. Comme indiqué par un rapport récent de Human Rights Watch, le nouveau projet de loi anti-terroriste, s’il est voté, permettrait la détention prolongée de suspects sans inculpation, donne la possibilité pour qu’une perturbation des services publics soit poursuivie comme un acte terroriste, et justifie le recours à la peine de mort.

    Sous le couvert de “protection des forces armées”, un autre projet de loi adopté par le conseil des ministres le 8 avril donnerait, de facto, un statut d’impunité aux forces de sécurité, au détriment des libertés individuelles. Entre autres, il y est stipulé qu’ “aucune responsabilité pénale n’incombe à un agent qui causerait le décès d’un individu dans le cadre de la mission qu’il poursuit”.

    Le changement de rhétorique utilisée dans la presse tunisienne depuis le 18 mars souligne également une accélération de l’offensive idéologique visant à blâmer tous les travailleurs et les pauvres qui se battent pour leurs droits:

    “Les mouvements contestataires gratuits et commandités menacent les équilibres économiques fragiles du pays. Pourquoi en voyons-nous partout et sans raisons valables? La Tunisie doit-elle décréter que tous ceux qui s’attaquent au tissu économique doivent être considérés comme des terroristes économiques? Et pourquoi pas après tout? Devons-nous tolérer qu’une poignée de personnes mal intentionnées et conduites par manipulateurs saboteurs et ravageurs fassent de notre pays une nouvelle Somalie?” (DirectInfo, 14/04)

    Cela s’accompagne aussi d’une nouvelle flambée de calomnies et de dénigrements à l’égard de la révolution elle-même, et dans certains cas, de la diffusion d’un parfum de nostalgie pour les jours de la dictature défunte:

    “Les droits de l’homme perdent toute leur signification dans la lutte contre ces terroristes” (Touhami Abdouli, Le Temps, 21/03)

    “Évidemment, nous ne nous posons jamais la question de savoir pourquoi la Tunisie a eu la paix pendant 23 ans de régime de dictature” (Le Temps, 22/03)

    Cette tentative d’enterrer l’héritage de la révolution marque une certaine réaffirmation de la “vieille garde” au sein de l’appareil d’État, que la victoire électorale de Nidaa Tounes a encouragé. La composition du gouvernement n’y fait pas exception: le Premier ministre Habib Essid lui-même occupa plusieurs postes de secrétaire d’État sous le régime de Ben Ali, et d’autres dans son cabinet ont des pédigrées similaires.

    Après les attentats du Bardo, certains hauts fonctionnaires de sécurité qui avaient été licenciés par Farhat Rahji en 2011 ont été réintégrés à leur poste, une mesure justifiée par leur expérience supposée dans la lutte contre le terrorisme – une “lutte contre le terrorisme” qui, sous Ben Ali, était une couverture pour le harcèlement, l’emprisonnement et la torture de milliers de militants politiques et syndicaux.

    De même, deux jours après l’attaque, Essebsi a dans son allocution télévisée martelé le besoin pour le pays d’accepter des “réformes douloureuses”, et défendu la levée de toutes les restrictions sur les hommes d’affaires faisant face à des poursuites judiciaires et des interdictions de voyage pour leur compromission avec le régime de Ben Ali.

    Unité nationale?

    La classe dirigeante tunisienne et ses soutiens impérialistes telles que le FMI, la Banque Mondiale ainsi que les gouvernements occidentaux derrière eux, ont des tas de plans prévus dans leurs starting-blocks: dérégulations des conditions d’investissement, privatisations des banques et d’autres entreprises publiques, liquidation du système de subventions sur les produits de base, et plein d’autres mesures néo-libérales. Mesures qui ont toutes un même but: compresser toujours plus les revenus des travailleurs et de leurs familles, tout en maximisant les sources de profit pour les patrons, les actionnaires et les rentiers internationaux.

    Ils espèrent tous compter sur le choc provoqué par l’effusion de sang du Bardo pour lubrifier le tout, afin de faire passer leur programme anti-pauvre plus facilement.

    Partie intégrante de cette stratégie, le martèlement systématique de la nécessité de “l’unité nationale”. Il y a quelques mois, les principaux partis dans le gouvernement actuel, Nidaa Tounes et les islamistes de droite d’Ennahda, étaient encore en train d’essayer de nous convaincre qu’il y avait une fracture irréconciliable dans la société tunisienne: celle entre les “modernistes” en faveur d’un “Etat civil” d’une part, et les islamistes en faveur d’un “Etat religieux“ de l’autre. Maintenant que cette mascarade a été exposée pour ce qu’elle est – les ennemis d’hier s’étant finalement donné la main à la grande joie de leurs amis capitalistes- nous sommes censés nous convaincre que leur nouvelle “union sacrée”…serait aussi la nôtre.

    L’unité nationale est une exigence de la classe dirigeante visant à neutraliser l’opposition à son pouvoir, au moment même où ses porte-paroles trainent dans la boue les grévistes et les populations en lutte. Ce nouveau dogme de la réconciliation nationale vise à dévier la colère de classe montante en ralliant l’ensemble du pays derrière un ennemi commun, afin de lier les mains des travailleurs à leurs maitres capitalistes.

    Cependant, le nombre croissant de conflits éclatant sur les lieux de travail, dans les secteurs aussi bien public que privé, illustre qu’ un fossé important se creuse entre les vœux pieux de la classe capitaliste et la réalité sur le terrain. Les représentants du gouvernement sont sans doute bien conscients en effet qu’au-delà de l’utilisation politique de la conjoncture immédiate, ils n’éviteront pas la confrontation avec la classe ouvrière. Les actions de grève nationales répétées menées par le syndicat des enseignants depuis le début de l’année ont donné une idée de ce à quoi le pouvoir peut s’attendre pour l’année qui vient. Lors de la dernière journée de grève le mercredi 15 avril, les enseignants ont enregistré une moyenne nationale de participation à leur grève de 95,3%, selon les chiffres du syndicat (le plus élevé étant dans le gouvernorat de Gafsa avec 99,6%, et le plus bas dans le gouvernorat de Bizerte avec 91 %).

    Dans l’extraction de phosphate, dans l’industrie textile, dans les services postaux, parmi les pilotes, dans les transports publics… de nombreux secteurs ont été impliqués dans des actions de grève au cours des dernières semaines. L’UGTT a également annoncé une grève nationale de deux jours dans le secteur de la santé pour les 28 et 29 avril. Un rapport publié le jour même de la tragédie du Bardo comptait déjà 94 grèves depuis le début de l’année 2015, dont 74 dans le secteur privé. Il est maintenant de plus en plus clair que les espérances du gouvernement quant au fait que l’épouvantail terroriste aiderait à couper court à cette vague montante de résistance ouvrière et populaire auront été de très courte durée.

    La question brulante à se poser est la suivante: quand est-ce que les dirigeants du mouvement ouvrier vont finalement se décider à se réveiller, et à donner une direction aux millions de personnes qui ont soif de passer à l’action?

    Une direction qui manque à l’appel

    Alors que le gouvernement prétend être engagé dans une lutte résolue contre le terrorisme, ses politiques de dévastation sociale ne peuvent qu’accroitre le sentiment d’impuissance et de désespoir parmi les couches les plus pauvres – une des conditions de la croissance de l’extrémisme religieux dans le pays. Les quartiers qui sont devenus un terrain fertile pour le recrutement de djihadistes sont, avant tout, des zones où la politique de l’État a échoué sur toute la ligne.

    C’est pourquoi la lutte contre le terrorisme doit être intimement liée à la lutte pour une politique économique rompant de manière décisive avec la trajectoire suivie par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la chute de Ben Ali, et qui ont tous fondamentalement appliqué les mêmes recettes désastreuses que le régime de Ben Ali lui-même.

    L’UGTT appelle à un “congrès national contre le terrorisme”. Mais son appel est dirigé vers l’establishment politique bourgeois existant, y invitant même à bord l’organisation patronale UTICA (Union Tunisienne de l’Industrie et du Commerce), plutôt qu’en vue d’utiliser un tel congrès comme un levier pour organiser la riposte contre le gouvernement et engager une discussion sérieuse sur la construction d’une alternative à l’austérité et à la répression d’État – la seule politique que ce gouvernement de droite ait à offrir au peuple tunisien.

    Depuis l’attaque du musée du Bardo, l’exécutif central de l’UGTT s’est pour l’essentiel contenté de faire écho à la rhétorique du gouvernement sur la nécessité de “l’unité nationale” plutôt que de fournir à ses affiliés un plan d’action digne de ce nom, indépendamment de toutes les manœuvres des capitalistes et leurs partis, et de contester les prétentions de ces derniers à “donner le la” sur la question de l’anti-terrorisme.

    L’absence d’initiatives provenant de la direction syndicale, tout comme par ailleurs de la coalition de gauche du Front Populaire, a laissé un vide, opportunément comblé par le gouvernement et l’establishment capitaliste dans son ensemble. Par conséquent la voix des travailleurs, des syndicalistes et militants de gauche, de la jeunesse révolutionnaire, des chômeurs, n’a guère été entendue dans ce débat.

    Le mouvement des travailleurs a besoin de sa propre voix politique

    Dans son dernier journal, Al-Badil al-Ishtiraki (Alternative Socialiste, section tunisienne du Comité pour une Internationale Ouvrière) établissait un parallèle entre la terreur des djihadistes et la terreur d’État, et mettait en avant des propositions d’actions visant à rejeter les deux, et à transformer toutes les luttes sociales locales et sectorielles en une lutte généralisée, avec comme objectif ultime de renverser le gouvernement Essid.

    A l’heure actuelle, cela peut sembler une tâche herculéenne. Mais le gouvernement est en réalité beaucoup plus faible qu’il n’y parait. Plus de quatre millions de Tunisiens (sur une population de 11 millions), dont environ 80% des jeunes entre 19 et 25 ans, se sont abstenus lors des dernières élections législatives. Une crise interne affecte déjà les principaux partis au pouvoir, qui ont ouvertement menti à leur propre électorat. L’existence même d’une telle coalition est en soi une expression des difficultés auxquelles est confrontée la classe dirigeante pour assembler un outil capable de mettre en œuvre les politiques souhaitées par cette classe.

    La “force” apparente du gouvernement actuel ne fait que trahir le caractère extrêmement timoré des dirigeants du mouvement ouvrier et leur manque de confiance dans la classe dont ils sont censés défendre les intérêts. Les accointances d’une partie de la bureaucratie syndicale avec Nidaa Tounes ont aussi agi comme un frein sur la réponse, ou plutôt le manque de réponse, de l’UGTT face aux récents évènements.

    L’urgence est à la construction d’un front uni de tous les travailleurs et des organisations sociales, centré autour des bases militantes de l’UGTT et de la gauche, des organisations de chômeurs telles que l’UDC, et des mouvements sociaux, afin de repousser l’offensive contre-révolutionnaire en cours. Le point de départ d’un tel mouvement pourrait être une campagne pour l’organisation d’une grève générale de masse de 24h, afin de rassembler toutes les couches en lutte, sur la base d’un refus total de tout “sacrifice” économique et de tout recul des droits démocratiques.

    Une telle grève générale devrait être considérée comme un tremplin vers une escalade des actions et des revendications, et ce jusqu’à ce que le gouvernement reçoive un coup fatal. Des assemblées générales locales et des comités d’action démocratiques dans les quartiers et les lieux de travail aideraient à élargir la base de soutien actif du mouvement, en offrant un espace pour pouvoir discuter et décider démocratiquement tous ensemble des prochaines étapes de la lutte. À long terme, la coordination locale, régionale et nationale de tels outils pourrait constituer l’épine dorsale d’un gouvernement représentant véritablement la révolution et ses forces vives, et s’engageant dans la réalisation de ses revendications.

    Tous les gouvernements depuis le renversement de Ben Ali ont échoué lamentablement à satisfaire les revendications de la révolution, et le gouvernement présent ne fait pas exception. S’il en est, ce cabinet est composé de toutes les composantes de la contre-révolution mises ensemble. La lutte pour un gouvernement progressiste des pauvres, des jeunes et des masses laborieuses, basé sur un programme socialiste de nationalisation des grandes industries, des banques et des grands domaines agricoles sous le contrôle démocratique du peuple tunisien: telle est la tâche stratégique à laquelle la gauche et le mouvement syndical devraient préparer sans plus attendre la masse de la population.

    Une alternative politique pour les travailleurs et les jeunes, décisivement tournée vers les luttes populaires, et équipée d’un programme d’action militant ainsi que de structures démocratiques et inclusives, est ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui en Tunisie. La montée de forces religieuses réactionnaires, la victoire électorale d’un parti basé sur des éléments de l’ancien régime, l’absence de réponses de la gauche après l’attaque du Bardo… tous les développements récents en Tunisie soulignent la nécessité de reconstruire d’urgence une voix politique authentique pour les travailleurs, les jeunes, et tous ceux qui ont fait la révolution, portés d’espoirs dans un meilleur avenir.

  • Le programme de ‘‘déradicalisation’’ du gouvernement est voué à l’échec

    Contre la politique de diviser pour régner : l’unité des travailleurs migrants et d’origine belge

    radical-300x169Depuis l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo, les journaux sont bourrés d’articles consacrés à la radicalisation religieuse croissante de jeunes musulmans et au danger que cela représente pour la société. Le niveau d’alerte 3 a été atteint en Belgique face à la menace terroriste, l’armée a été déployée et les moyens de la police ont été renforcés. D’autre part, les divers gouvernements se sont engagés dans l’élaboration de programmes de déradicalisation pour aider les écoles, familles, mosquées,… à faire face au phénomène.

    Par Els Deschoemacker, article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste

    Plus de répression ne signifie pas plus de sécurité

    L’accent est désormais systématiquement mis sur la lutte contre la radicalisation religieuse. Mais les services de sécurité avertissent que les autres formes de radicalisation ne doivent pas être oubliées. Tout comme après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et après les attaques terroristes de Madrid (2004) ou de Londres (2005), nous pouvons nous attendre à ce que la peur du terrorisme soit instrumentalisée pour accroitre les moyens pour la sécurité et le contrôle d’Etat. Au sein du gouvernement, la N-VA ne se fera pas prier pour jouer sur ce terrain et pour assurer que les moyens de répression et de surveillance accrus soient également utilisés contre la résistance sociale. Sous le couvert de la sécurité, n’importe quel type de résistance sera bâillonné ou verra sa liberté de mouvement restreinte. Lors du prochain contrôle budgétaire, la N-VA propose déjà de nouvelles réductions de budgets pour la sécurité sociale afin de déployer plus de ressources pour les “services de sécurité” des ministères de l’Intérieur et de la Défense.

    Il est illusoire de penser que cela procurera plus de sécurité. Nous devons naturellement prendre au sérieux le développement du fanatisme religieux auprès des jeunes musulmans : des mouvements tels que l’Etat Islamique et Al-Qaïda représentent une sérieuse menace, y compris pour le mouvement social. Ils exploitent la colère qui vit parmi la jeunesse pour la détourner vers le terrorisme aveugle, qui frappe en premier lieu les travailleurs et leurs familles et monte les communautés les unes contre les autres. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord tout comme ici, ces méthodes divisent la classe des travailleurs en renforçant l’islamophobie, ce qui profite aussi à l’extrême droite.

    Les projets des autorités visant à combattre l’influence de groupes comme l’Etat Islamique et Al-Qaïda et à isoler cette forme de radicalisation sont voués à l’échec. Un ordre social qui perd sa crédibilité et son autorité sur des couches grandissantes de la population faute de pouvoir garantir un avenir décent à la population est incapable de s’en prendre à cette problématique. Les autorités peuvent bien tenter de combattre les symptômes, elles ne pourront pas aller jusqu’à la racine.

    Des solutions individuelles pour les problèmes sociaux

    Toutes les pistes de ‘‘déradicalisation’’ partent du principe que ces jeunes ont besoin d’être rééduqués. Les écoles devraient ‘‘signaler’’ les cas problématique plus vite afin ‘‘d’intervenir’’ à temps. Il faudrait alors discuter avec ces jeunes, quand bien même les moyens pour ce type d’encadrement sont systématiquement rabotés au fil des ans, tout comme pour la sensibilisation. Il est aussi question de mener la bataille sur internet également, en contrepoids de la propagande radicale de l’Etat Islamique. Le mystère reste entier concernant ce que les autorités veulent faire sur ce point. Comment vont-ils faire la promotion des prétendues ‘‘valeurs démocratiques occidentales’’ alors qu’elles ont dégouté tant de jeunes ?

    C’est sous le couvert des ‘‘valeurs démocratiques’’ que l’impérialisme américain & Co sont intervenus en Irak et en Afghanistan. En Irak, le nouveau régime a favorisé la population chiite contre les sunnites. Cette discrimination a permis à l’Etat Islamique de trouver une base parmi les sunnites. Même ici, les valeurs occidentales prétendument démocratiques ne livrent pas de sérieux réconfort. Les migrants sont de plus en plus victimes de discrimination, ils vivent bien souvent dans des quartiers pauvres, reçoivent leur enseignement dans des écoles sous-financées qui reproduisent les disparités sociales tandis qu’il leur est plus difficile de trouver un bon emploi et un bon logement. Même le secteur des titres-services connait une discrimination massive.

    Les familles devraient aussi être utilisées contre la radicalisation. Après qu’un certain nombre de jeunes filles musulmanes britanniques se soient rendues en Syrie, on a encouragé les mères à parler à leurs filles. Comme si ces mères n’avaient pas déjà fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher la radicalisation de leurs enfants !

    Et si tout ça échoue, il reste encore le langage populiste (à l’instar du ‘‘foutez le camp !’’ du maire de Rotterdam) et la répression. En Belgique, c’est un registre sur lequel le bourgmestre d’Anvers Bart De Wever ne rechigne pas à jouer. Tout le pays doit être au pas, l’armée dans la rue, les jeunes criminels ou radicalisés privés de nationalité ou enfermés dans des unités spéciales en prison.

    Ce ton martial trouve un certain écho car la peur est là et personne ne veut que rien ne se fasse en l’attente d’un attentat terroriste qui touchera aveuglément n’importe qui et qui renforcera d’autres formes de radicalisation, notamment l’extrême droite. Mais cette rhétorique et cette approche politique ne font qu’accroitre la polarisation et la division dans la société. Le résultat sera tout le contraire qu’une atténuation de la radicalisation.

    Un choc des cultures ou une société en déclin qui doit être renversée de toute urgence?

    Tant que l’instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se poursuit en parallèle à la croissance du chômage et des discriminations en Europe et ailleurs, des millions de jeunes se retrouveront systématiquement en dehors de la vie sociale. La pauvreté et le manque de perspectives continueront à pousser des jeunes à la recherche d’un moyen de sortir de ce bourbier.

    Mais là, ces jeunes se détournent d’une société oppressive pour trouver réconfort dans une autre société oppressive et particulièrement cruelle. Mais qui prétend défendre leurs droits. Il s’agit d’une forme extrême de politique identitaire où certaines couches de la population, faute d’alternative sociale générale, se replient sur elles-mêmes. On peut imaginer tous les projets de déradicalisation ou d’intégration qu’on veut, sans modèle de société capable d’insérer les migrants sans qu’ils ne soient victimes de discrimination, on peut difficilement être crédible !

    Le contexte international joue un rôle radicalisant

    Le contexte international, les souffrances infinies et la situation quasiment désespérée des masses au Moyen Orient et en Afrique du Nord jouent un rôle décisif très important dans la radicalisation de nombreux jeunes musulmans. Les masses de la région doivent survivre dans des Etats nationaux brisés, sous la coupe de régimes dictatoriaux souvent soutenus par les puissances occidentales et qui s’accrochent au pouvoir à l’aide du principe de diviser pour régner. C’est le terreau qui a conduit aux conflits sectaires actuels.

    Il y a l’important conflit israélo / palestinien, insoluble sous le capitalisme, où les guerres successives ont créé des conditions invivables pour les Palestiniens. Et la récente victoire électorale de Netanyahou en Israël sur base de la poursuite d’une ligne dure d’Israël envers les Palestiniens n’augure rien de bon. Mais, surtout, l’échec des mouvements révolutionnaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord laisse un grand vide qui peut être occupé par divers groupes désireux d’imposer leur idéologie barbare. Le conflit syrien/irakien s’approfondit de plus en plus et s’est maintenant également étendu jusqu’en Libye. L’attaque terroriste en Tunisie démontre que l’Etat Islamique recrute également parmi les jeunes diplômés sans perspective d’emploi ou de vie décente.

    Contre la terreur et la haine, la solidarité !

    La (dé)radicalisation est un processus d’une grande complexité provenant à la fois de l’exploitation, de la politique de diviser pour régner de l’impérialisme et des régimes qu’il soutient ainsi que du manque de perspective politique, issu notamment des erreurs historiques des mouvements staliniens ou nationalistes.

    La classe des travailleurs a besoin d’unité dans le cadre de son combat contre l’austérité et pour une société différente. Celle-ci va à l’encontre des intérêts des capitalistes et leur classe fera tout pour l’empêcher. Elle peut bien parler de tolérance, elle ne défend le droit à la migration que dans la mesure où cela peut lui assurer un approvisionnement de force de travail pour assurer ses profits. L’establishment mène une politique qui vise à diviser la population active.

    Le groupe anti-islam Pegida lui aussi agit comme le gouvernement et concentre son approche sur les individus de la jeunesse musulmane et leur environnement immédiat (école, famille). Ce n’est pas la religion en soi qui est dangereuse, c’est le contexte qui permet son interprétation particulière qui peut en faire une force sociale dangereuse, que ce soit en Occident ou au Moyen-Orient.

    Face à l’oppression et à la politique de diviser pour régner, nous devons défendre la solidarité et le socialisme autour d’un programme qui vise à unir tous les opprimés, sans distinction d’origine ou de religion, pour prendre en mains les énormes richesses et possibilités qui existent et les utiliser dans les intérêts de la majorité de la population, au lieu d’enrichir une infime élite ici ou ailleurs.

  • Kenya. Le massacre de Garissa, al-Shabbaab et l'impérialisme américain

    chebabsLe 2 avril, des terroristes chebabs, combattants de la filiale somalienne d’al-Qaeda, al-Shabbaab, ont massacré 148 étudiants de l’université de Garissa au Kenya. Quinze heures durant, et après avoir séparé les étudiants musulmans des chrétiens, les terroristes ont torturé et exécuté leurs victimes. Les visages défigurés par les tirs à bout portant ont rendu quasi impossible l’identification des victimes par leurs parents.

    Shaun Arendse, Workers and Socialist Party (WASP, CIO-Afrique du Sud)

    Al-Shabbaab est une organisation réactionnaire barbare. Tout comme les talibans en Afghanistan et au Pakistan, tout comme le réseau terroriste mondial Al-Qaïda, et tout comme le groupe État islamique au Moyen-Orient, al-Shabbaab est une création de l’impérialisme américain. Pendant des décennies, afin de vaincre ses rivaux et d’empêcher le développement de la lutte de masse des travailleurs, l’impérialisme américain s’est reposé sur les forces les plus réactionnaires du monde. Il a abrité et nourri des monstres qui ont à présent rompu leurs chaines, terrorisant la classe des travailleurs et les pauvres, mais menaçant également dans la foulée les intérêts stratégiques de l’impérialisme américain lui-même.

    Al-Shabbaab cache son programme de droite anti-travailleurs et antisocial sous une perversion difforme de la religion islamique. L’« internationalisme califal » des chebabs n’a rien à voir avec l’internationalisme socialiste de la classe des travailleurs. L’internationalisme socialiste aspire à l’élévation du niveau de vie pour tous, à la démocratie populaire, à la paix et à la liberté. Les chebabs quant à eux rêvent de la tyrannie en vigueur dans les régimes féodaux des siècles passés, fondés sur l’arriération économique, la misère, l’ignorance, et l’absence de tout droit démocratique même le plus basique. Au lieu de promouvoir la paix et la coopération entre les peuples du monde entier, al-Shabbaab se considère comme partie prenante d’une « guerre entre les civilisations ».

    L’opposition des chebabs à l’Occident et aux États-Unis en particulier n’a rien à voir avec les luttes anti-impérialistes et anticoloniales relativement progressistes qui ont été menées dans le passé. Ces luttes se basaient sur la mobilisation des masses populaires, du prolétariat et de la paysannerie. Au contraire al-Shabbaab occupe le terrain en raison du vide politique qui a été créé en raison de décennies de conflit qui ont affaibli, désorganisé et atomisé la classe des travailleurs. Ce groupe s’appuie sur les formes précapitalistes les plus réactionnaires pour qui ne comptent que le clan et la religion.

    L’opposition des chebabs à la politique impérialiste menée par la classe capitaliste américaine provient de ses propres intérêts antidémocratiques et antiprolétariens. Les États-Unis, tout en soutenant divers régimes procapitalistes, seigneurs de guerre et autres bandits corrompus, empêchent les chebabs d’étendre leur influence et de mettre en place leur projet de mise en place d’une dictature religieuse qui étoufferait complètement les masses dans toute la sous-région. Les socialistes ne peuvent soutenir ni l’impérialisme, ni les forces réactionnaires des chebabs.

    De plus en plus d’instabilité dans la sous-région

    Le massacre de Garissa est l’épisode le plus extre?me dans une série d’attaques de plus en plus violentes en Afrique de l’Est. En 2010, 76 personnes qui regardaient paisiblement un match de la Coupe du monde à Kampala en Ouganda ont été tuées par une bombe placée par les chebabs. En septembre 2013, 67 personnes ont été assassinées lors du massacre du Westgate, un centre commercial de Nairobi au Kenya. Depuis 2013, plus de 400 Kenyans ont été tés par les chebabs au cours de diverses attaques terroristes à petite échelle.

    Garissa n’est pas non plus la première fois où les chebabs tentent de susciter des divisions religieuses. En 2007, ils ont fait exploser une église chrétienne en Éthiopie. Lors de l’attaque du Westgate également, les musulmans ont été relâchés pendant que les non musulmans étaient massacrés. Mais il ne faut pas oublier qu’en Somalie aussi, les chebabs persécutent les musulmans qui ne se reconnaissent pas dans leur interprétation inhumaine de l’islam.

    Le massacre de Garissa rappelle aussi l’enlèvement de 276 lycéennes du Nigeria par le groupe islamiste Boko Haram au Nigeria, le jumeau idéologique d’al-Shabbaab. Il semble que la stratégie suivie n’est pas seulement de cibler des citoyens innocents qui auraient choisi la « mauvaise » religion ou le « mauvais » style de vie, mais aussi de s’en prendre à nos enfants afin de répandre une terreur absolue.

    Les conditions sociales sont à la base des atrocités

    Al-Shabbaab est apparu en Somalie dans les années ‘2000. Ce n’est que plus tard que ce groupe a commencé à répandre dans les pays voisins son idéologique réactionnaire de « djihad mondial » et ses méthodes contrerévolutionnaires de terreur aveugle. Al-Shabbaab est né à cause de la politique de « diviser pour mieux régner » et des rivalités entre les différentes élites locales qui durent depuis des dizaines d’années, du grave sous-développement économique et du conflit militaire prolongé à travers toute la sous-région. Tout comme Boko Haram au Nigeria, al-Shabbaab incarne la face négative du choix auquel l’Afrique est aujourd’hui confronté : le socialisme ou la barbarie.

    Les conséquences du tracé des frontières coloniales dans la Corne de l’Afrique est un facteur important dans les conflits entre les élites rivales de la sous-région. Lorsque les puissances coloniales européennes se sont retirées de la sous-région, elles ont insisté pour que soient maintenues les frontières héritées de leur propre découpage, qui divisaient l’ethnie somalie entre trois pays : la Somalie, le Kenya et l’Éthiopie. Dans les années ’50, les puissances mondiales ont forcé l’Éthiopie et l’Érythrée à former une « fédération », ce qui a déclenché des décennies de guerre pendant lesquelles les Érythréens étaient brutalement réprimés par l’élite d’Addis Abeba. La Somalie elle-même est un territoire fondé en collant au hasard le Somaliland britannique et la Somalia italienne. Dans les années ’80 et ’90, le Somaliland a été fortement discriminé par le régime de Mogadiscio (soutenu par les États-Unis). Bien que le Somaliland ait proclamé son indépendance en 1991, aucun autre pays au monde n’a encore reconnu son existence.

    La Corne de l’Afrique est une région stratégique pour le système impérialiste mondial. Elle est proche des pays pétroliers du Moyen-Orient. On estime que 30 % du pétrole mondial passe en bateau au large des côtes somaliennes (sans compter l’ensemble des bateaux faisant la route entre la Chine et l’Europe). C’est pourquoi les États-Unis et la France ont construit une très grande base militaire, le camp Lemonnier, au Djibouti (un petit pays qui touche la Somalie). Depuis 2008, cette base est placée sous la direction de l’Africom, le commandement militaire étatsunien pour l’Afrique, dont le but est de coordonner les interventions impérialistes américaines sur tout le continent africain vu que l’importance stratégique de ce continent ne cesse de croitre. Mais, vu que l’ONU est (forcément) de plus en plus discréditée, les États-Unis encouragent à présent le rôle de l’Union africaine (UA) dans le « maintien de la paix » sur le continent afin de ne plus devoir sacrifier directement des soldats américains. Aujourd’hui, les deux tiers du budget de l’UA proviennent de l’Union européenne ou des États-Unis.

    La Guerre froide et la destruction de la Somalie par l’impérialisme américain

    À partir des années ’70, la Corne de l’Afrique est devenue un champ de bataille dans le cadre de la Guerre froide que se livraient l’URSS et l’impérialisme américain. Ces deux puissances rivales rivalisaient de manœuvres en s’appuyant sur les régimes dictatoriaux en Éthiopie et en Somalie afin de promouvoir leurs propres intérêts géostratégiques dans la sous-région. Tout au long des années ’80, l’impérialisme américain soutenait militairement le régime somalien de Siyaad Barre ; de son côté, l’URSS se basait sur le régime « communiste » en Éthiopie. Les États-Unis soutenaient le régime somalien non seulement dans le cadre de sa guerre contre l’Éthiopie, mais aussi de la brutale guerre civile que ce régime menait contre sa propre population.

    Malgré le soutien américain, le régime Barre s’est effondré en 1991, laissant la place à divers seigneurs de guerre. En même temps, l’effondrement de l’URSS la même année a mis en même temps un terme à la Guerre froide, ce qui fait que la principale raison de l’intervention de l’impérialisme américain dans la sous-région disparaissait du même coup. Les États-Unis se sont donc retirés de la région début 1994. L’impérialisme américain laissait derrière lui une Somalie dévastée et gravement sous-développée, divisée entre différents seigneurs de guerre. C’est ce terrain qui s’est avéré favorable à l’implantation et à la croissance d’al-Shabbaab.

    L’émergence d’al-Shabbaab en Somalie

    Pour les simples Somaliens, les seigneurs de guerre ont imposé un « règne » brutal et arbitraire. Les méthodes mafieuses de ces chefs leur ont fait perdre l’étroite base de soutien dont ils disposaient parmi leurs milices privées rarement payées ; ils étaient en réelle perte de terrain dès les années ‘2000. À Mogadiscio, des tribunaux islamiques mis en place par différents clans ont été créés autour des élites religieuses afin de tenter d’amener un semblant de sécurité et de stabilité dans la vie quotidienne.

    Ces tribunaux ont été encouragés et soutenus par l’élite bourgeoise somalienne qui revenait d’exil en nombre à partir de la fin des années ’90, attirée par la possibilité d’empocher des contrats juteux avec différentes ONG et programmes de distribution de vivres.

    Au départ, l’élite bourgeoise organisait ses propres milices. Ainsi, la filiale locale de Coca-Cola avait 200 hommes en armes. La principale entreprise de télécoms en avait 1000. Le pire profiteur de tous, M. Aboubokor Umar Adane, qui contrôlait des contrats avec des ONG au niveau du transport et de la distribution de nourriture, avait plus de 2000 miliciens armés. Il va sans dire bien entendu que non seulement ces milices avaient pour tâche de protéger les capitaux de l’élite de bandits et de chefs de guerre, mais elles pouvaient également être facilement envoyées contre les ouvriers, les ingénieurs, les chauffeurs de camion et les dockers afin de les décourager de mener toute tentative d’organisation syndicale.

    En 2006, c’est cette alliance entre les élites capitaliste et religieuse qui a pris le contrôle total de Mogadiscio, lorsque les différents tribunaux islamiques locaux se sont unifiés sous le nom de l’Union des tribunaux islamiques (Midowga Maxkamadaha Islaamiga, MMI). La milice à la solde de ce mouvement a été nommée al-Shabbaab (« La Jeunesse »). Les tribunaux bénéficiaient d’un relatif soutien populaire. Par rapport à la situation sous le règne des seigneurs de guerre corrompus et criminels, la vie était plus stable et plus sure sous la direction de la MMI. Le crime a quasiment disparu de Mogadiscio et, même si la MMI imposait ses taxes à la population, celles-ci étaient beaucoup plus légères et prévisibles que le système de racket purement arbitraire mis en place par les chefs de guerre.

    L’impérialisme américain revient dans la sous-région

    Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 perpétrées par Al-Qaïda aux États-Unis, l’impérialisme américain a recommencé à s’intéresser à la région puisque qu’elle avait constitué un terrain de lancement pour Al-Qaïda. En 1998, Al-Qaïda avait fait exploser une bombe dans les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et de Dar es-Salaam (Tanzanie), faisant 224 tués. En 2002, des kamikazes avaient attaqué un hôtel de Mombasa (deuxième ville du Kenya), causant le décès de 13 employés kényans de cet hôtel, alors que l’attentat était censé viser des visiteurs israéliens. Entre 2002 et 2006, les États-Unis ont enclenché une « guerre de l’ombre » consistant en des raids aériens censés détruire les bases d’Al-Qaïda en Afrique de l’Est. L’effet immédiat de cette politique a été que les combattants d’Al-Qaïda démobilisés sont partis gonfler les rangs des chebabs.

    En même temps que la « guerre de l’ombre », l’impérialisme américain a intensifié ses efforts en vue d’installer un régime capitaliste pro-occidental à Mogadiscio, en appuyant la création d’un gouvernement fédéral de transition (Dowladda federaalka kumeelgaarka, DFK) basé à Nairobi. Le DFK se basait sur des divisions de clan et cherchait le soutien des chefs de guerre discrédités. En décembre 2006, l’Éthiopie a envahi la Somalie avec le soutien de bombardements américains afin d’installer le DFK et de chasser la MMI et al-Shabbaab hors de Mogadiscio. Cela a déclenché deux années de guerre civile entre les islamistes d’un côté, et de l’autre le DFK à Mogadiscio, sous la protection de l’Éthiopie et de l’impérialisme américain. Mais au milieu de l’année 2009, al-Shabbaab était parvenue à récupérer un territoire sous son contrôle d’une superficie comparable à celle du Togo, comptant 5 millions d’habitants. Fatiguée, l’armée éthiopienne a fini par se replier.

    L’élite kényane joue un rôle plus affirmé dans la sous-région

    En octobre 2011, tandis que les combats se poursuivaient, le gouvernement kényan a pris la décision fatidique d’envahir la Somalie. Le prétexte de son intervention était qu’il espérait ainsi faire cesser les enlèvements de touristes par les chebabs. L’Union africaine, avec le soutien de l’impérialisme américain, a depuis « légitimé » l’invasion et l’occupation de la Somalie par le Kenya, qui continue à ce jour, sous le nom de « Mission africaine en Somalie » (Amisom). Pendant vingt ans, la classe dirigeante kényane avait refusé de s’impliquer directement dans les conflits en cours à ses frontières nord et est. Cependant, l’élite kényane a vu sa confiance renforcée par la croissance économique et par l’obtention du statut de « pays à revenu moyen » auprès de la Banque mondiale. Mais trop de confiance mène à trop d’assurance.

    Selon les calculs de l’élite kényane, il aurait été avantageux pour ses intérêts sécuritaires de se tailler un « État tampon » à sa frontière orientale, en détachant le Jubbaland du reste de la Somalie. Avec le soutien tacite de l’impérialisme américain, la classe dirigeante kényane s’est sentie assez forte pour partir au combat. Il y a depuis d’innombrables rapports faisant état de forces d’occupation kényanes qui soutiennent divers clans anti-Mogadiscio, parmi lesquels elles promeuvent l’idée d’une indépendance ou du moins d’une « autonomie » vis-à-vis de Mogadiscio. Tout leader somalien qui se reconnait dans ce plan est certain de pouvoir bénéficier des largesses de la classe capitaliste kényane en retour de son allégeance. Pareille politique ne peut qu’aggraver le conflit en Somalie et rendre encore plus intolérables les souffrances de la population somalienne.

    Tout comme l’attaque du supermarché Westgate, celle de Garissa et les dizaines d’autres attaques de ces dernières années l’ont bien démontré, le peuple kényan aura à payer de son sang le prix du soutien donné à l’impérialisme américain par les régimes qui se sont succédé au Kenya sous Kibaki, Odinga et maintenant Kenyatta. L’occupation du Jubbaland par l’armée kényane, qui continue à ce jour, sert de prétexte à al-Shabbaab pour commettre toutes les horribles attaques qu’elle a perpétrées et va encore perpétrer à l’encontre du peuple kényan.

    La classe des travailleurs souffrent de la politique étrangère de l’élite kényane aussi sur le plan économique, vu les pertes d’emplois et les pertes de salaires dans le secteur touristique, qui est une très importante source d’emplois dans le pays. Vingt-trois grands hôtels ont déjà fermé depuis le début de cette année, et le groupe Heritage a imposé une baisse de salaire de 20-30 % à son personnel. Malgré cela, rien n’indique que le régime Kenyatta est prêt à se retirer de la Somalie. Bien au contraire, l’armée kényane a déjà lancé une série de frappes aériennes en guise de réponse au massacre de Garissa.

    Le régime capitaliste de Kenyatta

    Uhuru Kenyatta, président du Kenya, appartient à une des plus riches familles du continent africain, dont le patrimoine est évalué à plus de 500 millions de dollars (300 milliards de francs CFA). En tant que détenteur du pouvoir d’État, son intérêt est uniquement de s’enrichir, d’enrichir sa famille et d’enrichir ses amis politiques. Il n’a pas la moindre attention envers le peuple de son pays. Depuis le début des attaques terroristes des chebabs au Kenya, Kenyatta a décidé d’organiser une répression à grande échelle de l’ensemble de l’ethnie somalienne vivant au Kenya (2 millions de Kényans), et de la population musulmane du pays de manière générale. Les arrestations, détentions et le harcèlement sur une base purement religieuse ou ethnique font aujourd’hui partie de la vie quotidienne.

    Kenyatta a déjà toute un passif d’incitation à la violence ethnique. Il a échappé de justesse aux accusations de « crime contre l’humanité » portées contre lui à la CPI, selon lesquelles il aurait incité les populations à des violences ethniques afin de se renforcer ainsi que ses alliés politiques dans le cadre des élections générales de 2007. Cet épisode de conflit ethnique avait fait plus de 1300 morts.

    Kenyatta aurait accéléré le recrutement de 10 000 nouveaux policiers dans le cadre de sa nouvelle campagne antichebab. Mais sous le contrôle personnel de Kenyatta, ces policiers seront surtout utilisés contre les minorités religieuses et ethniques du pays. Les travailleurs et les pauvres du Kenya doivent rester vigilants et éviter de tomber dans le piège sectaire qui leur est tendu par Kenyatta dans le seul but de renforcer sa propre base de soutien. De même, il ne faudrait pas que les étudiants qui manifestaient cette semaine à Nairobi pour demander le renfort de la sécurité sur les campus universitaires donnent par mégarde leur soutien à un renfort de l’appareil de répression au service de ce président pro-impérialiste et procapitaliste. Car ces forces finiront à tous les coups par être utilisées contre le mouvement étudiant et le mouvement syndical.

    Ces dernières semaines, sous prétexte d’une campagne anticorruption, cinq ministres et dix-sept autres hauts cadres ont été poussés à la démission. Il est intéressant de noter que c’est la présidence qui a dirigé cette affaire pluto?t que le procureur public. C’est parce que cette campagne anticorruption n’est en réalité qu’une nouvelle tentative de renforcer la position de Kenyatta. Presque toutes les personnes visées étaient des rivaux politiques de Kenyatta. Kenyatta et son gouvernement ne peut obtenir la moindre confiance de la part des travailleurs, des pauvres et de la jeunesse.

    Construire les forces du socialisme en Afrique

    Le Comité pour une Internationale ouvrière est en train de construire ses forces sur le continent africain. La classe des travailleurs, les pauvres, les étudiants et les jeunes doivent s’unir dans une lutte pour une Afrique socialiste et un monde socialiste. Nous nous battons contre l’impérialisme sur le continent, contre les régimes procapitalistes corrompus au Kenya et partout ailleurs, contre les institutions barbares comme al-Shabbaab. Nous appelons à la construction de partis de masse de la classe des travailleurs et des pauvres. Nous appelons le peuple du Kenya, du Somalie, de toute la sous-région et de tout le continent à nous rejoindre et à nous aider à assembler un cadre révolutionnaire reposant fermement sur les idées du socialisme.

    Notre programme :

    • L’impérialisme hors d’Afrique ! Fermer les bases militaires américaines, françaises et autres sur le continent. Non à tout déploiement militaire des Nations-Unies, de l’Union africaine et de toute autre agence de l’impérialisme sur le continent.

    • Démanteler la force de police corrompue soutenue par les États-Unis en Somalie. Pour des organisations d’autodéfense de masse démocratiques, multiethniques, multireligieuses, multiclaniques, afin de protéger les quartiers et les villages du terrorisme des chebabs et de la brutalité des forces d’occupation.

    • Non au régime des élites prédatrices, qu’il s’agisse des chebabs, des chefs de guerre ou des régimes imposés par l’impérialisme. Pour un gouvernement des travailleurs, des pauvres et des paysans.

    • Pour les droits des minorités et le droit à l’autodétermination de tout groupe national opprimé.

    • Pour les libertés démocratiques : liberté de parole, de réunion et d’organisation. Pas en tant que porteparole de l’impérialisme, mais afin de permettre à la classe des travailleurs, des pauvres et de la jeunesse de s’organiser et de lutter pour de meilleures conditions de vie.

    • Pour un développement économique et une création d’emplois massifs partout dans le continent gra?ce à la nationalisation de l’industrie, des richesses minérales et de toutes les ressources naturelles sous contrôle démocratique de la population, réforme foncière sous le contrôle des communautés rurales.

    • Toute l’aide au développement, toute l’aide alimentaire, doit être contrôlée démocratiquement par des comités élus de travailleurs et par la population.

    • Pour une lutte unie contre les pertes d’emplois et de salaires dans le secteur du tourisme au Kenya. Nationalisation et mise sous contrôle du personnel des grosses entreprises qui licencient.

    • Pour des partis prolétariens de masse armés d’un programme socialiste partout en Afrique, qui s’uniront dans le cadre d’une lutte commune. Construire les forces révolutionnaires du CIO.

    • Pour une Afrique socialiste et un monde socialiste.

     

  • Allégeance de Boko Haram à l'Etat Islamique : propagande ou menace réelle ?

    bokoharam_EILe groupe islamique fondamentaliste nigérian Boko Haram s’est récemment formellement affilié à l’Etat Islamique d’Irak et de Syrie. Depuis un certain temps maintenant, le leader de Boko Haram Abubakar Shekaku avait fait des signes d’ouverture au leader de l’Etat Islamique (EI), Abu-Bakr al-Baghadi, dans des messages audio et des vidéos notamment.

    Par H.T Soweto, Democratic Socialist Movement (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Nigéria)

    L’Etat Islamique est une branche du noyau dur d’Al-Qaïda qui a déjà établi un califat dans des territoires capturés dans certaines partie d’Irak et de Syrie. Comme Boko Haram, l’EI est une secte islamique sunnite qui se dévoue à une interprétation extrémiste du Coran. Ceci signifie une opposition à l’éducation occidentale, l’interdiction de boire, fumer ou encore bannir les élections et les droits démocratiques. ISIS souhaite établir un califat appliquant la Charia et dirigé par un seul chef, le calife. Le groupe est connu pour ses vidéos macabres de décapitations, d’exécutions de masse, de crucifixions, d’asservissement de femmes et le meurtre de quiconque se tient sur le chemin de leur programme sectaire.

    Porté par le succès enregistré lors de ses campagnes militaires, des tentatives ont été faites de décrire cette alliance comme rien de plus qu’une propagande pour Boko Haram comme pour l’EI. Par exemple, Simon Tisdall du Guardian (Londres) écrit qu’ « il est peu probable que la nouvelle alliance, unilatéralement proclamée dans le week-end par le leader de Boko Haram Abubakar Shekaku, mène à des opérations conjointes sur le terrain. Cela pourrait en fait plutôt être un appel à l’aide étant donné les récentes défaites subies par Boko Haram ». Mais il est également prompt à reconnaître que les implications vont au-delà de cela. Selon lui, « Pour l’EI, l’offre de Boko Haram d’une alliance idéologique est un boost pour sa propagande qui lui confère une crédibilité internationale. Pour Boko Haram, l’aura de l’EI et les zones non-gouvernées du Sahel fournissent potentiellement de nouvelles connexions vers d’autres conflits dans le monde musulman en termes de recrues, d’armes, de finances, de technique et d’intelligence. Pour les gouvernements occidentaux, ce scénario évoque leur pire cauchemar- la perspective d’un djihad uni et globalisé » (Guardian (Londres) 9/3/15).

    Le lien maintenant formellement établi entre l’EI et Boko Haram fait potentiellement du Nigéria la destination préférée pour toutes sortes de djihadistes-en-devenir qui n’auraient pas pu franchir la frontière vers la Syrie ou l’Irak pour rejoindre l’EI. La sophistication que ces djihadistes étrangers peuvent apporter amène sur la table la perspective effrayante que, même si bouté hors des territoires capturés, Boko Haram puisse continuer à être une menace pour les peuples du Nigéria et ses voisins, à travers des attentats suicides, des kidnappings etc. Ceci signifie également que le Nigéria pourrait devenir dans la prochaine période un centre global du djihadisme, avec toutes les conséquences que cela entraîne.

    Dans sa déclaration où il acceptait l’allégeance de Boko Haram, le porte-parole de l’EI Abu Muhammed Al-Adani a appelé les musulmans qui ne peuvent rejoindre l’EI en Irak ou en Syrie à s’engager dans les combats en Afrique en disant que l’engagement de Boko Haram avait ouvert « une nouvelle porte pour émigrer en Terre d’Islam et se battre » (Guardian (Londres), 9/3/15).

    Si cela arrivait, cela signifierait certainement qu’une fin à l’insurrection de six ans est loin d’arriver malgré quelques victoires substantielles sur le plan militaire. Cela signifierait même plutôt que Boko Haram en alliance avec d’autres groupes en Libye, en Egypte et en Algérie pourraient développer des attaques contre des intérêts locaux et étrangers à l’intérieur même de l’Afrique. C’est la forme que pourrait prendre une « opération conjointe ». Par exemple, le Punch du 12 mars reporte que « un législateur américain, Stephen Lynch, est actuellement au Nigéria en concertation avec le gouvernement fédéral pour revoir la sécurité de l’ambassade américaine » en raison des récentes explosions à Maiduguri « et le gage d’opérations conjointes avec l’Etat Islamique d’Irak et de Syrie ». Ce n’est pas une réaction de panique. Même en soi-même, Boko Haram a démontré qu’il avait une force de frappe et une capacité largement plus grande que simplement les attaques envers l’état nigérian. Le vendredi 26 août 2011, le groupe revendiquait l’explosion d’une voiture au bâtiment des Nations Unies dans la capitale nigériane Abuja, qui a fait 21 morts et 60 blessés.

    L’entrainement que l’EI peut fournir à Boko Haram est également significatif. Selon la BBC (13/3/15), même l’ancien Président Goodluck Jonathan a déclaré dans Voice of America (VOA) que « les militants de Boko Haram voyagent jusqu’aux camps de l’EI pour s’entrainer ». Des experts ont également pointé le professionnalisme de certains enregistrements vidéos de Boko Haram, mettant en évidence le fait qu’ils aurait pu recevoir de l’aide de l’EI, qui est largement connu pour ses vidéos de propagandes professionnelles ainsi qu’une forte présence sur les réseaux sociaux.

    La résistance de Boko Haram et sa capacité à rebondir sont aussi significatives. Dans une certaine mesure, Boko Haram partage certaines méthodes et des aires géographiques avec le mouvement Maitasine qui a culminé dans la première moitié des années ’80 dans des combats qui ont coûté la vie à près de 4000 personnes. Plus tard, en 2009, Boko Haram, qui attira ensuite des masses de gens pauvres et de jeunes désillusionnées dans l’état de Borno par son enseignement de la Charia et sa critique des excès des élites corrompus, s’est fait connaitre du grand public par une sanglante répression par l’état où furent massacrés beaucoup des membres de Boko Haram dont son fondateur Mohammed Yusuf, de façon totalement extra-judiciaire. Déjà là, ils furent capables de se reformer en peu de temps pour commencer des représailles sanglantes, qui continuent encore aujourd’hui et qui l’ont amené à contrôler actuellement une partie du Nigéria de quasiment la taille de la Belgique.

    Les forces de combat de Boko Haram sont estimées entre 6000 et 9000. Un analyste de la finance et de la sécurité anglais a estimé que les revenus annuels de Boko Haram tournaient autour de 10 millions de dollars US pour des demandes de rançon, des braquages de banques et des razzias de village (BBC News 26 janvier 2015). Alors que ces ressources ont pu être réduites à cause du recul de certains territoires occupés, il souligne cependant le potentiel de Boko Haram à rebondir, même même s’ils se trouvent enlisés l’offensive militaire en cours.

    C’est pourquoi il n’y a aucun optimisme à avoir malgré les quelques récentes victoires des assauts militaires. Par exemple, Boko Haram, peut-être par désespoir, apparaît aujourd’hui avoir changé de tactique. Il semble qu’ils se soient renouvelés dans les attentats suicides dans les parcs d’autobus, les marchés les lieux publics etc. contrôlés par l’armée, ce qui est un rappel inquiétant que malgré que les assauts militaires poussent Boko Haram sous terre, ceux-ci gardent la capacité de frapper n’importe où, n’importe quand. Alors que la fin des élections approche, il est incertain que le vote puisse prendre place dans le Nord-Est sans une menace d’attentats suicides à Maiduguri et d’autres villes dans les états de Borno, Yobe et Adamawa.

    La forte résistante à l’EI dans les zones kurdes d’Irak et de Syrie est un exemple de comment une population mobilisée peut vaincre Boko Haram, bien qu’en Irak et en Syrie il y ait un danger omniprésent de tomber dans une guerre religieuse ou ethnique. D’où l’appel constant du Democratic Socialist Movement (DSM) de construire des comités de défense armée multi-ethniques et multi-religieux indépendants de l’état mais sous le contrôle démocratique des communautés et du mouvement ouvrier pour protéger les communautés des attaques de Boko Haram. Mais l’insurrection de Boko Haram n’est qu’un produit de la non-résolution de la question nationale au Nigéria, qui n’est rendu possible que par une situation, induite par le capitalisme, avec une extrême pauvreté et un chômage massif à côté de richesses abondantes. À son paroxysme, une telle situation mène inéluctablement à des crises de violence et des extrémismes.

    Personne d’autre que l’ex-Président du Nigéria, Olusegun Obasanjo, a admis récemment que « Boko Haram a des griefs légitimes » (IBTimes UK, 16/3/2015). Selon lui « alors que 79% des Nigérians reçoivent une éducation dans le Sud-Ouest du pays et 77% dans le Sud-Est, dans les fiefs de Boko Haram dans le Nord-Est les taux ne se situent qu’à 19% ». Ces chiffres interpellants seuls montrent pourquoi un groupe terroriste peut émerger dans le Nord-Est contre l’éducation occidentale. Dans beaucoup de zones du Nord, l’éducation occidentale est vue comme un privilège de quelques riches suite au niveau rudimentaire des infrastructures d’éducation dans la région. Ceci arrive malgré que des membres de l’oligarchie corrompue du Nord aient gouverné le Nigéria, soit à la tête de l’armée soit dans le gouvernement civil, pendant plus de la moitié de l’histoire du pays depuis son indépendance. Plutôt que d’utiliser les ressources du pays pour développer l’éducation publique, les élites n’ont jusqu’à présent que largement utilisé ces fonds pour s’enrichir elles-mêmes, formant le lit pour un discours, comme celui de Boko Haram, qui lie « éducation occidentale » avec la corruption et présence cette éducation comme « anti-islamique ».

    Ce qui est responsable de cet état déplorable des choses est le capitalisme, qui a vu le Nigéria s’enrichir de quelques milliardaires alors que l’écrasante majorité des 170 millions d’habitants vit avec moins de 2$/jour. Même dans le Sud-Ouest aujourd’hui, l’Université est réservée aux riches, suite à l’augmentation des frais d’inscription. Aussi longtemps que subsisteront ces injustices socio-économiques, Boko Haram et d’autres formes d’extrémisme persisteront. C’est parce que beaucoup de gens, y compris de nombreux jeunes, continueront de se sentir marginalisés et aliénés par une société qui ne sert d’aux riches. En l’absence d’un mouvement de travailleurs qui met en avant énergiquement une alternative au capitalisme, ces éléments de la société seront prédisposés à tomber sous l’influence d’idées sectaires, qui tentent de substituer des idées réactionnaires, religieuses et ethniques à une compréhension de classe de comment la société est menée à l’oppression et à l’injustice par le capitalisme.

    Confier la sécurité des gens à un gouvernement corrompu qui est largement responsable de la situation n’est pas une solution. Il est nécessaire de répondre aux causes de ces mouvements comme à leurs conséquences.

    Il est donc essentiel de construire ces comités de défense armée dans chaque communauté pour combattre Boko Haram et chaque groupe extrémiste. Le mouvement des travailleurs a la tâche urgente de construire un mouvement de masse qui unit les ouvriers et les pauvres contre les idées sectaires autour d’un programme de lutte pour un salaire minimum, contre l’austérité qui se profile, contre les idées sectaires et pour l’amélioration des conditions de vie, des emplois et des services publics de santé et d’éducation. Un tel mouvement doit également mener le combat pour prolonger ces mesures par la construction d’une alternative politique de masse pour mettre fin au système injuste du capitalisme et instaurer un système démocratique et socialiste. Seul un gouvernement socialiste, formé et soutenu par la classe ouvrière elle-même est capable d’allouer judicieusement les vastes ressources du Nigéria pour prendre soin de tous, au Sud, à l’Ouest, à l’Est et au Nord du Nigéria, contrairement à la situation actuelle où à peine quelques personnes possèdent plus que 80% des Nigérians.

  • Big Brother ne va pas empêcher le terrorisme

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    La menace terroriste reste fixée au niveau 3 dans notre pays. Depuis, l’armée patrouille dans les rues d’Anvers, de Bruxelles et de Liège. Le gouvernement a aussi adopté 12 mesures antiterroristes que même l’Ordre du barreau flamand – qui n’est pourtant pas connu en tant qu’avant-garde de la résistance contre l’establishment – a qualifiées de menaces pour la vie privée. Le gouvernement fédéral a voulu se positionner sur le sujet, sans aucune véritable réponse contre la menace terroriste.

    Par Geert Cool, article tiré de l’édition de mars de Lutte Socialiste

    L’enquêteuse Marion Van San a conquis les médias et le parlement en expliquant que la radicalisation n’a rien à voir avec la position sociale. Elle a notamment affirmé que les combattants en Syrie ne sont pas forcément des jeunes sans perspectives d’avenir. Elle a ainsi immédiatement suggéré que la lutte contre l’exclusion sociale ne constitue pas une réponse face à la “radicalisation”. Les différentes couches sociales répondent différemment aux mêmes phénomènes et s’influencent mutuellement, ce qu’oublie Marion Van San. Le terrorisme est toujours principalement utilisé par des couches légèrement plus favorisées, surtout quand elles se sentent victimes de discrimination en raison de l’oppression ethnique, religieuse ou nationale et que leurs espoirs de promotion sociale sont brisés nets par la crise. Les déclarations de Van San ont directement été récupérées par la droite pour se débarrasser de toute responsabilité vis-à-vis des jeunes qui se laissent séduire par le désespoir terroriste.

    Le gouvernement de droite dure pense pouvoir lutter contre le terrorisme grâce aux techniques d’écoute ou à la possibilité de déchoir quelqu’un de sa nationalité, même concernant des personnes nées en Belgique.

    Le gouvernement veut s’en prendre à la “radicalisation” dans les prisons et les écoles. Il a pourtant fait la sourde oreille lorsque le personnel des écoles a participé aux actions syndicales fin de l’année dernière pour revendiquer plus de moyens et notamment renforcer l’accompagnement individuel des jeunes. Les actions syndicales ont même été condamnées par le gouvernement. Il n’en a pas été autrement avec le personnel des prisons qui réclamait plus de moyens pour sa sécurité et l’assistance aux prisonniers. Le gouvernement refuse d’investir dans des solutions collectives, il cherche au contraire à faire des économies.

    Finalement, l’armée a été envoyée surveiller les rues de grandes villes. Les soldats s’étaient à peine positionnés dans le quartier des diamantaires d’Anvers que, le jour même, un Carrefour Express situé quelques centaines de mètres plus loin était dévalisé. Si l’armée ne parvient pas à stopper des bandits armés de simples couteaux, comment pourrait-elle nous protéger de terroristes armés ?

    En déployant l’armée dans les rues et en livrant des explications très détaillées concernant la protection personnelle de politiciens comme Bart De Wever (parti skier accompagné de dix gardes du corps), la droite dure cherche à donner l’impression qu’elle a agi de manière ferme.

    Il est vrai que les choses n’ont pas été aussi loin en Belgique qu’aux États-Unis après les attaques du 11 septembre 2001. Mais les mesures antiterroristes outre-Atlantique font tout de même réfléchir. Les États-Unis n’ont pas gagné en sécurité au cours de ces 14 dernières années, attaques terroristes et fusillades s’y produisent toujours. Un réseau d’espionnage à grande échelle a en revanche été instauré pour surveiller de façon permanente les simples citoyens américains. Comme si Big Brother pouvait arrêter le terrorisme…

    Le danger grandit

    Les nouvelles attaques à Copenhague à la mi-février confirment que le danger du terrorisme grandit. Ce n’est pas étonnant. La politique d’austérité assure qu’une part croissante de la population ne parvient plus à joindre les deux bouts. C’est d’autant plus le cas concernant les familles d’immigrés, y compris en Belgique.

    Le dernier rapport de l’OCDE concernant la Belgique confirmait le fait que le taux de chômage des immigrés non-européens s’est accru au cours des cinq dernières années. En Europe, seules l’Espagne, la Grèce et la Turquie ont fait pire que la Belgique à cet égard. Et les personnes qui ont un travail ne l’ont souvent qu’à titre temporaire. Cette situation entraine un plus grand risque de pauvreté : parmi les immigrés en âge de travailler, ce risque est de plus de 40 %. L’enseignement ne parvient pas à réduire le fossé (1). L’OCDE recommande de s’attaquer à ce problème, mais cela ne fait malheureusement pas partie des priorités du gouvernement de droite.

    À côté de ça, nous nous retrouvons entrainés dans des aventures à l’étranger, comme c’est le cas en Afghanistan, en Irak, en Libye ou en Syrie. On nous promet que ces interventions vont ramener la paix et le bonheur dans ces pays ravagés par la guerre et le chaos. Mais on se rend bien compte que tout cela n’a rien arrangé et que chaque intervention doit être suivie d’une autre. La guerre et le chaos sont toujours là et renforcent à présent le risque d’attaques terroristes dans notre propre pays.

    Il faut un changement de société !

    Pour mettre un terme à la menace terroriste et à la violence croissante, nous avons besoin d’un changement fondamental. Ce système dans lequel les très riches continuent à s’enrichir inexorablement aux dépens du reste la population conduit forcément à plus de violence. Il ne s’agit pas d’un problème individuel. Cela fait partie d’un tout, de la manière dont fonctionne ce système.

    Une rupture avec la politique d’austérité par un investissement massif dans l’enseignement, dans le logement, dans les services publics et dans les infrastructures permettra également de créer beaucoup d’emplois. La réduction du temps de travail afin de répartir le travail disponible entre tous permettrait à chacun d’envisager des perspectives pour un avenir décent. Pour que cela se réalise, nous devons retirer le pouvoir des mains des super riches, ce qui est possible en plaçant les secteurs stratégiques de l’économie (banques et grandes entreprises) sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité, afin de pouvoir prendre notre propre destin en main.

    La dictature des 1 % de riches ne nous offre que le malheur et l’insécurité. Nous refusons d’accepter cela comme une fatalité. Luttons pour une alternative socialiste, dans laquelle la priorité serait les besoins de la majorité de la population et au sein de laquelle les éléments de barbarie existants seraient totalement extirpés.

    (1) OECD Economic Surveys Belgium. février 2015. http://www.oecd.org/eco/surveys/Overview_Belgium_2015_Eng.pdf

  • Tunisie: 23 personnes tuées dans une attaque terroriste. Non à la terreur! Non au capitalisme!

    tunisie_01Au moins 23 personnes sont mortes dans l’attaque perpétrée par des hommes armés au Musée du Bardo à Tunis, une attaque maintenant revendiquée par le groupe auto-proclamé «Etat Islamique». Nous condamnons fermement cette attaque lâche et atroce. Une vague d’effroi et de colère a traversé le pays tout entier, et des milliers de Tunisiens sont descendus dans les rues spontanément pour manifester leur solidarité avec les victimes de cette attaque terroriste, arrachant la vie à des innocents, y compris une travailleuse tunisienne appartenant au personnel du musée.

    Déclaration d’Alternative Socialiste, CIO-Tunisie

    Ce type d’attaques n’a malheureusement rien de très surprenant. Les activités de recrutement et l’endoctrinement par des groupes djihadistes sont à la hausse depuis un certain temps en Tunisie, aidés entre autres par la crise sociale grandissante, ainsi que par la désintégration complète de la Libye voisine suite à l’intervention militaire des puissances impérialistes, qui a laissé ce pays en ruine. Ces dernières années, des milliers de Tunisiens ont afflué pour rejoindre des groupes djihadistes en Syrie et en Irak, y compris au sein de l’«État Islamique», faisant de notre pays l’une des principales sources de combattants étrangers dans ces conflits.

    Non à l’unité nationale avec Essebsi et compagnie !

    Le gouvernement essaie maintenant d’exploiter les évènements récents en appelant à « l’unité nationale» face au terrorisme. Les Tunisiens doivent certes se serrer les coudes, mais surement pas avec un gouvernement pourri comme celui-ci, qui comprend un parti dont les racines remontent à l’ancienne dictature, et un autre dont les racines remontent à la droite fondamentaliste religieuse.

    Plus de la moitié des députés de Nidaa Tounes sont des anciens membres ou sympathisants du RCD, un parti qui a exploité pendant des années la «lutte contre le terrorisme» pour anéantir les libertés publiques et museler toute forme d’opposition dans le pays. L’attentat meurtrier de Djerba en 2002, qui avait fait 19 morts, montre par ailleurs qu’un régime dictatorial n’est en aucun cas un «rempart» contre le terrorisme, contrairement à ce que certains essaient de nous resservir aujourd’hui.

    Quant aux dirigeants d’Ennahda, leurs accointances idéologiques avec certaines franges du salafisme radical ne sont plus à démontrer. C’est pourquoi la moindre illusion dans n’importe quelle aile de la classe dirigeante capitaliste actuelle doit être rejetée à tout prix. Le président Essebsi, qui parle de mener la «guerre au terrorisme», a lui-même récemment offert ses condoléances au despote saoudien Abdullah, et invité le prince Alwaleed à venir visiter la Tunisie, un prince dont le régime a exporté à coups de milliards le poison de l’idéologie wahhabite dans toute la région et au-delà. De plus, la récente attaque est en partie une conséquence des guerres catastrophiques menées par les puissances impérialistes au Moyen-Orient, avec qui les deux partis au pouvoir ont systématiquement collaboré.

    Non au terrorisme, non au retour à un état policier!

    Des troupes de l’armée ont été déployées dans les rues des principales villes tunisiennes. Après ce qui est arrivé, de nombreux Tunisiens pourraient voir d’un bon œil une telle démarche. Mais ce déploiement de forces ne répond pas aux problèmes de fond, et pourrait bien être utilisé pour réprimer d’autres formes d’opposition au gouvernement actuel, et pour empêcher la population d’investir les rues d’une manière qui remettrait en cause le pouvoir en place.

    Le gouvernement va essayer d’instrumentaliser le choc et l’émotion suscitée par l’attaque du Bardo afin de tenter d’imposer un retour en arrière sur nos droits démocratiques et de restaurer un appareil policier étouffant – tout en continuant les mêmes politiques antisociales qui aliènent de larges pans de la population et creusent le lit des extrémistes religieux. La nécessité de mettre «tous les efforts de la nation» dans la lutte contre la terreur pourrait aussi servir de prétexte bien utile pour en finir avec les actions de grève et de protestations sociales, lesquelles commencent à ressurgir dans de nombreux secteurs.

    Le gouvernement actuel n’a aucune réponse sérieuse à offrir à la violence terroriste, et risque seulement d’engranger le pays dans un cycle de violences dont on ne verra pas la fin, tout en usant du prétexte de la guerre à la terreur pour en finir avec l’héritage de la révolution, et pour restaurer un régime basé sur la terreur d’Etat.

    Car la terreur n’a pas qu’un seul visage : la terreur, c’est aussi la continuation de la torture dans les commissariats, les manifestants abattus par la police comme cela s’est encore passé à Dehiba en février dernier… Et cette terreur-là, la majorité des Tunisiens n’en veulent plus non plus !

    La lutte contre le terrorisme doit aussi être une lutte contre les politiques capitalistes

    tunisie_02La plupart des Tunisiens ont une aspiration légitime à la sécurité. Mais la première sécurité est celle d’avoir un boulot et un revenu stables, pour pouvoir mener une vie décente. Ce droit est refusé à un nombre croissant de personnes dans notre pays. La Tunisie a un des taux les plus élevés de chômage des jeunes dans le monde, les prix ont considérablement grimpé, et aujourd’hui trois fois plus de Tunisiens jugent l’état de l’économie “très mauvais” comparé à l’époque de Ben Ali. Les politiques du nouveau gouvernement, prévoyant de nouvelles coupes dans les subventions publiques et d’autres réformes néo-libérales, ne vont faire qu’empirer les choses.

    Il y a deux ans, dans le cadre du Forum Social Mondial 2013 à Tunis, le CIO-Tunisie avait distribué un tract avec les mots suivants: « La misère grandissante dans les quartiers pauvres nourrit le terreau à partir duquel les salafistes et djihadistes embrigadent, surtout parmi des jeunes qui n’ont plus rien à perdre. Les couches de la population pauvre les plus désespérées, si elles ne voient pas d’issue du côté du mouvement syndical et de la gauche, pourraient devenir la proie de ces démagogues réactionnaires. La seule façon dont la classe ouvrière et la jeunesse révolutionnaire peuvent gagner à elles la masse des laissés-pour-compte est de créer un mouvement national puissant capable de lutter pour les revendications de tous les opprimés. »

    A l’heure ou s’ouvre l’édition 2015 du Forum Social Mondial, ces mots pourraient être réimprimés dans leur intégralité. En effet, les tergiversations incessantes de la direction du mouvement ouvrier et son incapacité à fournir une alternative révolutionnaire radicale face à l’impasse de la crise capitaliste en Tunisie a fourni un vide que des groupes extrémistes s’efforcent de combler. Des organisations salafistes et jihadistes investissent les zones délaissées (desquelles les deux assaillants du Bardo étaient d’ailleurs tous deux issus) où le désespoir et le chômage de masse font déjà pour elles la moitié du travail.

    Reprenons l’initiative des mains du pouvoir!

    Comme le résumait si bien Chokri Belaid : «Vous craignez de descendre dans la rue? Si seulement vous saviez ce qui vous attend si vous restez chez vous! »

    La responsabilité de sauver le pays de la terreur, quelque soient ses formes, se trouve entièrement dans les mains des masses laborieuses et de la jeunesse, lesquelles partagent un intérêt et un désir réels de changer radicalement les choses.

    Comme ce fut le cas en 2013 après l’assassinat de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, qui furent immédiatement suivies de deux grèves générales d’ampleur historique, l’UGTT, le Front populaire et toutes les sections militantes de la gauche tunisienne devraient prendre l’initiative de déployer leur pouvoir -potentiellement considérable- et d’unifier le pays derrière un programme d’action clair, indépendant du gouvernement en place: un programme s’appuyant résolument sur la force de la classe ouvrière et sur la ferveur révolutionnaire toujours vive de la jeunesse, en vue de pousser à une transformation économique, sociale et politique profonde du pays.

    La clique au pouvoir prétend se soucier de notre sécurité, alors que son propre appareil d’Etat est toujours infesté de partisans de l’ancien régime, dont certains nagent toujours dans l’impunité pour des montagnes de meurtres et de tortures. En fait, les temps les plus « sûrs » de l’histoire récente de la Tunisie étaient lorsque les masses occupaient les rues et donnaient directement le pouls à la politique du pays. Les meilleures traditions de notre révolution, comme la construction de comités révolutionnaires de défense dans les quartiers, devraient être remises au goût du jour, afin d’éviter de laisser l’initiative de la lutte contre le terrorisme et le djihadisme dans les mains de l’élite dirigeante. Les terribles souffrances que nos frères et sœurs algériens ont traversées dans les années 1990 doivent servir d’avertissement sur où ce type de méthodes peuvent conduire.

    L’heure est à la mobilisation de masse ! Il ne faut pas laisser l’initiative et la rue aux classes dirigeantes! Le mouvement syndical, l’UGET, les organisations de chômeurs, la gauche et la jeunesse révolutionnaire doivent appeler à l’action de masse, mais sur leurs propres bases. Un appel pour une grève générale de 24h serait un bon premier pas dans ce sens : pour l’unité de tous les travailleurs, des jeunes et de la majorité du peuple tunisien contre le terrorisme et l’obscurantisme -mais aussi pour la défense résolue de nos droits démocratiques, et pour la construction d’une lutte contre les politiques capitalistes de misère sociale et de répression, qui ont contribué à la situation actuelle.

    Une telle grève, couplée à des mobilisations de rue à travers tout le pays, aiderait à la reconstruction d’une lutte de masse remettant au cœur des évènements les objectifs initiaux de la révolution pour «le pain, les emplois, et la dignité» : une lutte qui ne pourra trouver son expression véritable que dans la construction d’une société socialiste et démocratique, basée sur la propriété publique et la planification démocratique des richesses.

  • Face au fondamentalisme: politique sécuritaire ou de solidarité ?

    Face à la violence de groupes islamistes, notre gouvernement s’apprête à emboiter le pas aux USA et à la France : il choisit de combattre les « ennemis de la liberté »… en diminuant nos libertés ! Mises sur écoute sans autorisation d’un juge, interrogatoires sans avocats, militaires dans la rue,… les idées pleuvent. Un gouvernement créatif et dynamique où se discute actuellement la nouvelle trouvaille : la déchéance de nationalité.

    Par Nicolas P. (Bruxelles)

    Déchéance pour qui ? Pour quoi ?

    Même si aucun texte précis n’a été présenté pour l’instant, la volonté est claire : retirer la nationalité belge aux auteurs d’actes terroristes d’origine étrangère. La « ligne dure » de la NVA va jusqu’à demander le retrait de nationalité aux immigrés de 3ème génération (donc ceux dont les parents sont nés en Belgique !).

    Il n’y a évidemment aucun désaccord sur le fait que les coupables de tels actes doivent être punis. Cependant, une analyse un tant soit peu posée montre qu’il s’agit d’une mesure inefficace, stupide et discriminante.

    Premièrement, toute considération idéologique mise de côté, il est assez utopique d’imaginer décourager des gens prêts à mourir pour leur « cause » avec un retrait de passeport. Il s’agit de personnes décidées à sacrifier leurs vies pour accomplir leurs actes barbares, et il est très peu probable que la menace d’un retrait de nationalité ait le moindre impact sur leurs choix.

    Il s’agit donc peut-être d’autre chose, peut-être notre gouvernement souhaite-t-il réserver uniquement la nationalité belge aux gens qui partagent un certain socle de valeurs, dont le rejet du terrorisme ? Idée intéressante qui se heurte immédiatement à un mur de raisonnement : Pourquoi ne la retirer qu’aux terroristes ? On n’a entendu aucune voix demander la déchéance de nationalité pour Marc Dutroux ou pour Michelle Martin. Une punition sélective, qui ne s’appliquerait qu’à une classe de crimes, indépendamment de la gravité de ceux-ci? Une prétendue « communauté nationale de valeurs » qui n’existerait que pour les actes de terrorisme, et pas les viols, les agressions racistes ni quoique ce soit qui pourrait toucher le reste de la population? L’argument commence à s’effriter…

    Il ne s’agirait donc ni d’être efficace dans la lutte contre le terrorisme, ni cohérent dans la vision légale.

    Des citoyens et des sous-citoyens…

    Il est constitutionnellement impossible de rendre quelqu’un apatride. Cette mesure ne pourra donc s’appliquer qu’aux citoyens possédant la double nationalité. Inutile de voiler les faits, ce sont clairement les populations immigrées belgo-marocaine, belgo-turque, etc. qui sont visées.

    A l’inverse des vastes mouvements qui revendiquent plus de solidarité et un combat commun contre la haine, ce projet du gouvernement aura pour unique conséquence non pas de dissuader des terroristes mais bien de créer deux classes de citoyens belges, ceux qui sont certains de conserver quoiqu’il arrive leur nationalité et puis les autres.

    Un jeune d’origine maghrébine, dont la Belgique a fait venir les grands-parents pour construire nos métros pour un salaire de misère, se voit donc envoyer un message très clair : il n’est et ne sera jamais tout à fait belge.

    Montée du fondamentalisme islamique : quelles causes pour quelles solutions ?

    Isoler la conséquence des causes est une méthode typique des médias dominants actuels et ne sert que deux choses : un affaiblissement intellectuel navrant du débat politique et un passage en force d’un projet politique en évitant toute discussion, toute contradiction et toute opposition.

    Prendre les violences de groupes terroristes se réclamant de l’Islam sans s’interroger sur les racines de cette violence n’endiguera aucune barbarie.

    A l’échelle mondiale…

    A l’échelle mondiale et nationale, la religion musulmane et de nombreux caractères culturels qui s’y rattachent sont stigmatisés. Alors qu’il est statistiquement prouvé que les musulmans sont les premières victimes de ces violences en termes de morts et que les actes terroristes « islamistes » sont minoritaires en comparaison aux autres (indépendantistes, néonazis,…), l’Islam (ou dans le meilleur des cas les « extrémistes » uniquement) est posée comme le prétendu défi de notre siècle, la menace pour notre civilisation et la démocratie.

    Pour protéger notre « modèle de société » et notre liberté, il est donc entrepris d’influencer des gouvernements, de financer des partis politiques ou des groupes paramilitaires, ou en dernier recours de bombarder, envahir et occuper des pays.

    Naturellement dans le même temps, il est nécessaire de continuer à faire des affaires avec l’Arabie Saoudite par exemple, qui est connue comme un des principaux supports financiers des groupes islamistes à travers le monde. Le sujet ne serait pas aussi grave, la vague d’émotions et de condoléances des dirigeants occidentaux lors de la mort du Roi Abdallah (despote sanguinaire qui règne sur un pays où les coups de fouets et les lapidations sont légaux et courantes) serait d’ailleurs assez amusante en comparaison des réjouissances qui ont accompagné la mort du Président du Venezuela Hugo Chavez. Naturellement, lorsqu’un président choisit d’utiliser les ressources pétrolières du pays pour financer des programmes sociaux (ce qui lui a notamment valu de gagner d’affilée 8 élections reconnues libres par les observateurs internationaux) plutôt que pour s’enrichir personnellement (le Roi Abdallah était le souverain le plus riche du monde avec plus de 18 milliards de dollars de fortune), les choses se présentent différemment pour l’establishment capitaliste.

    La politique internationale des puissances occidentales est la même depuis des dizaines d’années. Bombardements, menaces et ingérences pour défendre les prétendus « intérêts occidentaux » sous couvert de démocratie. Quand ce n’est pas Dieu qui est invoqué (comme lorsque le président Bush avait déclaré que Dieu lui avait « demandé » d’amener la liberté en Irak) c’est la défense de la liberté et la lutte contre le terrorisme qui sont utilisés pour renverser des gouvernements, soutenir des groupes rebelles ou bombarder des villes.

    Les grands groupes de multinationales sont évidemment les premières bénéficiaires de ces politiques. De nouveaux marchés sont ouverts et toute régulation étatique est abolie. En matière de sécurité, d’armements, de ressources primaires, d’électricité,… les profits en jeux sont colossaux. Comme l’économiste anglaise Naomi Klein le détaillait avec brio dans son livre « la stratégie du choc », les conflits militaires et les marchés libérés par ceux-ci sont un des premiers facteurs à la fois de prise de décision des politiciens occidentaux, mais aussi de perpétuation de la misère dans les pays du monde néocolonial.

    …et nationale

    Il ne s’agit pas de pleurnicherie mais de faits réels, et donc à prendre en compte : les musulmans sont discriminés à l’embauche, dans le logement et régulièrement par les forces de police (quand ce n’est pas par le personnel médical par exemple, comme avec ce médecin qui avait fait parlé de lui en déclarant refuser de soigner « les barbus et les voilées »). Il y a peu, l’hebdomadaire Moustique nous honorait d’une couverture « Mon voisin est musulman », empreinte de panique. Une énorme partie des citoyens belges non-musulmans naissent, vivent et votent sans avoir jamais réellement discuté avec un musulman. L’essentiel des médias donne une image tronquée, d’une population menaçante, dangereusement différente de « nous » et qui refuse de se mélanger.

    Enfin, les populations immigrées sont majoritairement constituées de pauvres. Ils sont parmi les groupes les plus touchés par les effets de la crise, les fermetures d’usines, l’austérité. En Belgique, entre 43% et 52% (selon les études) des Belges d’origine marocaine vivent sous le seuil de pauvreté. Une petite visite dans les quartiers délabrés de Molenbeek où s’entassent des familles dans des appartements minuscules serait sans doute une bonne prise de conscience pour l’essentiel des journalistes et politiciens « caucasiens » pour qui la misère n’est qu’un mot dans un discours ou une donnée statistique et jamais une réalité palpable.

    Dans ces quartiers, l’état s’est bien souvent désinvesti de toute mission. Écoles de devoirs, éducateurs de rues, théâtres, plaines de vacances… tous ces secteurs qui permettent aux jeunes de s’épanouir et de s’éduquer malgré une situation difficile sont aujourd’hui menacés et en grande partie déjà amputés par les politiques néolibérales.

    Alors comment faire ?

    De nombreux musulmans reconnaissent le caractère impérialiste et hypocrite de la politique internationale menée par l’Europe et les États-Unis. Partout, l’image qui leur est renvoyée est celle d’un Occident hostile, si pas en guerre contre l’Islam. En Europe, discrimination et pauvreté sont le quotidien. Pointés du doigt et fragilisés socialement, de nombreux jeunes sont des cibles faciles pour des recruteurs djihadistes. Ces derniers trouvent d’ailleurs d’excellents arguments dans les actions du gouvernement (« tu vois de toutes façons ils te détestent/ne te traitent pas comme les autres/… »).

    Face à une situation internationale révoltante et des conditions sociales souvent misérables, le discours déformé des groupes djihadistes sont tentants.

    Combattre ces groupes devrait passer par trois choses. Une lutte contre le racisme, pour enfin appliquer les belles paroles d’égalité prononcées si souvent. Un réinvestissement public dans les secteurs sociaux plutôt qu’une austérité barbare et impopulaire comme appliquée actuellement. Une politique internationale cohérente, qui refuse la collaboration avec les pays qui financent ces groupes, et un arrêt des opérations impérialistes militaires comme économiques.

    Pour les masses de pauvres des pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord comme de l’Occident, les injustices et les oppressions de ce monde sont indéniables. La seule idéologie que les jeunes musulmans voient comme une alternative est l’islamisme radical. Or, il fut un temps où les espoirs pour une société meilleure s’incarnaient différemment. Avec toutes les critiques que l’on peut (et doit !) faire envers les grands Partis Communistes qui existaient par le passé (et qui ont d’ailleurs perdu leur position essentiellement suite à leurs erreurs politiques), il est indéniable que ceux-ci étaient vus comme l’outil privilégié pour lutter contre les injustices et les inégalités. Analyser pourquoi ceux-ci ont échoué est nécessaire. Mais pour combattre les partisans de la haine, que ce soient des néonazis norvégiens ou des terroristes islamistes, il est nécessaire de reconstruire un mouvement large, démocratique et populaire qui permet de lutter pour une société différente. Faillir à cette mission, c’est laisser la voie aux pires régimes de terreur.

    C’est ce que l’Histoire nous enseigne à travers l’échec de la révolution allemande et à la victoire du nazisme qui a suivi ou aux complications du processus de révolution et de contre-révolution en Tunisie.

    Avec le Parti Socialiste de Lutte et les Etudiants de Gauche Actifs, nous considérons que notre tâche, plutôt que de chercher comment mieux contrôler les citoyens et mieux exclure certains d’entre eux, doit être de reconstruire une idéologie et une société basée sur l’égalité, et non les différences ; sur la liberté plutôt que l’oppression ; et sur la justice sociale plutôt que sur les montagnes de misères causées par le capitalisme. C’est ce que nous appelons une société socialiste. Et comme le déclarait Rosa Luxembourg , il s’agit de se poser la question : socialisme, ou barbarie.

  • Attaques terroristes à Copenhague

    Il faut une lutte unitaire contre les politiques de droite

    Les deux violentes attaques à l’arme automatique par un terroriste, le week-end dernier à Copenhague, ont fait 3 morts, blessé 5 policiers et laissé un pays en état de choc. Ces attaques doivent être clairement condamnées.

    Par Arne Johansson, Rättvisepartiet Socialisterna (section suédoise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Au Danemark, comme en Suède et dans le reste de l’Europe, ces évènements ont naturellement ravivé les peurs de nouvelles attaques terroristes et d’augmentation du racisme, islamophobie comme antisémitisme. Il existe aussi un grand risque de montée des contrôles de police « radicalisés », de campagnes officielles contre toute forme de « radicalisme » et de surveillance d’état.

    La présence d’agents de police sur la scène des deux attaques a apparemment évité des désastres encore pires. C’était le cas lors de la première attaque, samedi après-midi, contre un meeting avec l’artiste suédois Lars Vilks, qui était menacé de meurtre depuis ses dessins du prophète Mohammed sous forme de chien. Puis, ce fut à nouveau le cas lors de la seconde, dimanche peu après minuit devant une synagogue du centre-ville de Copenhague où se tenait une Bat Mitzvah. Le choc et la peur de nouvelles attaques ont caractérisé la réaction de la communauté juive du Danemark et d’Europe.

    Des parallèles avec la France ?

    Ce schéma est d’une manière frappante similaire aux attaques terroristes à Paris, d’abord contre le magazine satirique Charlie Hebdo et ensuite contre un supermarché juif, même si cette fois elles semblent avoir été perpétrées de manière isolée par Omar Abdel Hamid El-Hussein. Ce dernier a, par ailleurs, été tué par la police dans la course-poursuite qui s’en est suivie. Deux jeunes hommes ont depuis été arrêtés, suspectés d’avoir aidé le tireur.

    L’assaillant était un natif danois de 22 ans, fils de réfugiés palestiniens, relâché de prison seulement deux semaines avant les attaques terroristes après avoir purgé une peine pour avoir poignardé un homme dans un train local. Omar El-Hussein aurait aussi été connu de la police antérieurement pour possession d’armes et des crimes liés à un gang.

    Il ferait aussi partie des 39 personnes listées « radicalisées » par le Service des Prisons et de la Probation danois. Il avait, entre autres, parlé ouvertement de son désir de partir en Syrie pour se battre pour « l’État Islamique ». Comme les terroristes français, il était donc déjà connu des services de renseignements de la police, le PET. Une heure avant la première attaque terroriste, El-Hussein avait aussi posté une vidéo prônant le djihad sur sa page Facebook.

    Deux personnes ont été tuées dans ces attaques. L’une était un réalisateur de films, à l’extérieur du meeting « Art, blasphème et liberté d’expression ». Un artiste anglais, une représentante du groupe féministe FEMEN et l’ambassadeur français, entre autres, participaient également à cet évènement. L’autre personne tuée est Dan Uzan, un garde du corps volontaire en dehors de la synagogue. « Je n’ose pas imaginer ce qu’il se serait passé si [le tireur] était entré dans le bâtiment », disait Dan Rosenberg Asmussen, présidant de la communauté juive, au journal danois EkstraBladet.

    Alors que les médias véhiculent l’image d’une attaque contre un meeting pour « la liberté d’expression », il est peu probable qu’il y aura une vague de réaction comparable à celle suite à l’attaque contre Charlie Hebdo. La « satire » de Lars Vilks et son comité de soutien sont perçus comme une dérision unilatérale de l’Islam. Une indication parlante des motivations de Vilks est la façon dont il explique sa propre présence à la Conférence islamophobe tenue à New York en 2012 sous le titre de « Stop à l’Islamisation des Nations ». Cela « faisait partie de son œuvre d’art », a-t-il dit. Quelles que soient ses opinions, cependant, elles ne justifient bien sûr pas l’attaque meurtrière contre son meeting, tout comme les politiques réactionnaires du gouvernement israélien ne peuvent justifier les tentatives de tuer des Juifs lambda dans une synagogue.

    Réactionnaires

    Des dizaines de milliers de Danois ont participé aux manifestations de lundi contre le terrorisme. Le premier ministre du Danemark, Helle Thorning-Schmidt, a parlé du besoin de transparence et de cohésion, similairement à ce que le président français, Hollande, a dit après les attaques terroristes à Paris. Cependant, le message opposé, celui de la surveillance d’État et de contrôle renforcés de la société, a lui aussi été donné.

    « Il y a des forces obscures qui veulent nous faire du mal et nous devons donc donner une réponse forte. Nous allons faire l’expérience d’un Copenhague qui parait différent pour quelque temps », a dit le ministre de la Justice, Mette Frederiksen.

    Le président de l’UE, Donald Tusk, a promis l’implantation rapide d’une stratégie commune contre l’extrémisme et le terrorisme. Les chefs des gouvernements de l’UE y ont donné leur accord il y a quelques jours seulement. Il comprend des propositions telles que l’enregistrement systématique des passagers aériens, des contrôles forts des frontières extérieures de l’UE et l’augmentation de la coopération entre les services de renseignements.

    La Suède

    Ainsi, en Suède, le ministre de l’Intérieur social-démocrate, Anders Ygeman, a annoncé un effort parallèle avec une nouvelle stratégie antiterroriste nationale pour accélérer encore la forte augmentation des fonds pour plus de forces de police, de renseignements, de surveillance et de protection des institutions et des personnes. Ce type de décision avait déjà suivi les attaques terroristes ratées en 2010.

    Le journal suédois Dagens Nyheter liste certains des arguments-clés de la stratégie nationale contre le terrorisme comme « des mesures préventives contre les gens qui se radicalisent et sont recrutés pour participer aux batailles terroriste, des investigations urgentes pour incriminer les départs pour la guerre de terreur, l’incrimination du recrutement, du financement et de l’organisation de ces trajets ». Ygeman parle aussi de chercher une possibilité de vidéo surveillance bien plus extensive dans le cadre des lois qui existent.

    Jusque maintenant, il n’y a pas eu de proposition de centres de tortures comme ceux utilisés par les USA à Guantanamo Bay ou ceux délocalisés dans les dictatures pro-occidentales. Mais les risques d’avancées vers un développement de l’augmentation du contrôle et de l’enregistrement des opinions dans les endroits habités par beaucoup de migrants s’ajoutent à la frustration déjà en germe.

    La rhétorique à l’emporte-pièce de l’ancienne dirigeante sociale-démocrate, Mona Sahlin, qui a été nommée coordinatrice nationale contre « l’extrémisme violent », est inquiétante. Sahlin veut que les professeurs, les travailleurs sociaux et les dirigeants religieux aident la police secrète à espionner les enfants et les jeunes à risques pour détecter l’extrémisme violent. À la radio, à la télévision et dans les journaux, elle met sans arrêt à égalité ce qu’elle appelle « les trois grandes idéologies de la haine » – le djihadisme, l’extrême droite et l’extrémisme de gauche. Et elle a des difficultés à distinguer les critiques vives de l’oppression par l’État israélien et l’antisémitisme.

    Rättvisepartiet Socialisterna (section sœur du PSL en Suède), comme d’autres organisations de gauche, a souvent participé aux manifestations contre la terreur d’État israélienne dans les bombardements de Gaza, par exemple, mais a une ligne très claire contre l’antisémitisme. Nous avons très rarement entendu des slogans ou toute autre expression d’antisémitisme dans ces manifestations, dans lesquels on retrouve d’ailleurs régulièrement une organisation appelée « Juifs pour la paix ».

    Sahlin n’a aucun sens de la proportion. En exprimant sa condamnation de la terreur djihadiste et du nazisme violent, elle ajoute que le slogan « l’antifascisme est l’auto-défense » (une phrase utilisée par certains antifascistes pour indiquer qu’ils sont prêts à résister physiquement aux attaques contre eux) est un exemple de l’extrémisme de gauche tout aussi dangereux et violent. Le racisme violent ne doit jamais être assimilé à l’auto-défense contre celui-ci !

    Les politiciens au pouvoir en Suède, tout comme au Danemark et dans l’UE, ne sont pas capables d’admettre leur propre responsabilité politique dans l’extrémisme violent, causé par leurs politiques étrangères comme intérieures. L’auteur des attaques à Copenhague – comme ceux en France en janvier – vient apparemment d’un quartier ouvrier avec un haut niveau de chômage.

    Des politiques étrangères provocatrices

    Le journaliste et auteur danois, Cartsen Jensen, a demandé dans un article après l’attaque terroriste si « le Danemark officiel » ne pourrait pas s’en prendre à lui-même, « une nation auto-radicalisante » qui a délibérément mis le cap vers la confrontation. Il s’interroge aussi si c’est juste une coïncidence que les étincelles de terreur se soient propagées de Paris directement à Copenhague.

    « Le Danemark, avec la Belgique et le Royaume-Uni, sont les seuls pays européens à avoir participé aux 4 guerres des 12 dernières années – Irak, Afghanistan, Libye et maintenant celle contre l’État Islamique », écrit-il. Il rappelle que le Danemark a aussi dans son parlement le Parti du Peuple Danois, de droite et fortement xénophobe, qui pourrait devenir le plus grand parti aux prochaines élections et dont les opinions réactionnaires ont été adoptées par la majorité des partis au parlement. Plus la Suède est intégrée à l’OTAN et impliquée dans ce genre de guerres catastrophiques, comme dans la guerre aérienne contre la Libye et la nouvelle mission au Mali, et plus la menace correspondante va augmenter en Suède aussi.

    Mais comme l’explique un porte-parole de l’initiative « Copenhague pour la diversité », « la marginalisation, la discrimination et l’humiliation par une minorité est aussi un terreau pour le terrorisme ». Un autre facteur est aussi que la prison est un environnement qui consolide et radicalise le sentiment d’aliénation. Il semble que c’est exactement ce qu’il s’est passé avec Omar El Hussein.

    Heureusement, il y a certains espoirs au Danemark de développement d’un mouvement pour une autre société. Par exemple, il y a des contre-manifestations bien plus grandes contre les tentatives d’établir une branche danoise du mouvement xénophobe et islamophobe Pediga, qui voulait établir les marches racistes les lundis dans plusieurs villes danoises. Un autre facteur important est que, comme le montre un sondage récent, le soutien pour Enhedlisten, de gauche (Liste Unité ou Alliance Rouge-Verte), continue d’augmenter. À Copenhague, il a atteint 20% et a gagné le statut de plus grand parti de la capitale.

    À l’encontre des campagnes des partis dominants contre « toutes les formes d’extrémismes », il est important pour la gauche, tout en défendant le droit à la liberté de parole et d’expression, d’appeler à une lutte unie contre le terrorisme, le racisme, les politiques de droite et les guerres impérialistes. Les politiques socialistes sont nécessaires pour créer des emplois et des logements pour tous, via la nationalisation et la planification, de façon à en finir avec l’attirance des jeunes appauvris vers le terrorisme et la violence.

  • Tunisie: «Le nouveau gouvernement n'empêchera pas une année de luttes importantes»

    Entretien avec Dali Malik, partisan du Comité pour une Internationale Ouvrière à Tunis.

    Habib Essid, premier ministre, et Béji Caïd Essebsi, président de la République tunisienne.
    Habib Essid, premier ministre, et Béji Caïd Essebsi, président de la République tunisienne.

    Un nouveau gouvernement «d’unité nationale» a été mis en place après les élections générales d’octobre dernier. Ce gouvernement comprend à la fois le parti «Nidaa Tounes», un parti soi-disant laïc qui comprend des figures de l’ancien régime, et le parti islamiste de droite Ennahda. Comme ces deux partis se sont menés une guerre verbale pendant la campagne électorale et sont souvent présentés comme ayant des agendas politiques diamétralement opposés, comment expliques-tu qu’ils se retrouvent maintenant dans le même gouvernement?

    C’était assez prévisible. Tous les dirigeants de Nidaa Tounes et d’Ennahda prétendaient qu’un tel scénario ne se produirait pas, mais il s’agissait avant tout d’une posture électorale. Ils savaient tous deux que si le parti vainqueur était privé d’une majorité absolue, les deux partis devraient probablement négocier l’un avec l’autre. Une première proposition de gouvernement excluait Ennahda, mais fut rejetée par l’opposition. C’est pourquoi Nidaa Tounes a finalement décidé de prendre des ministres d’Ennahda à bord.

    D’importantes sections de la classe dirigeante, tunisienne et occidentale, soutenaient depuis un moment l’idée d’une «grande union de la droite». Une telle coalition les séduisait car elle leur procurerait soi-disant une base plus stable pour mettre en œuvre leurs plans d’austérité. En effet, les «divisions» politiques entre Ennahda et Nida Tounes ne sont pas aussi profondes que ce qui est souvent prétendu: les deux partis, tout en s’appuyant sur différentes couches de l’électorat, sont clairement pro-patronat et pro-FMI.

    Ce que ce scénario démontre également, c’est l’absence totale d’une véritable démocratie. En fin de compte, tout revient non pas à ce que les gens ont voté aux élections, mais aux desiderata de la classe capitaliste et des puissances impérialistes. Toutes sortes d’arrangements et de manœuvres ont eu lieu pour mettre en place ce gouvernement, avec très peu de considérations pour les résultats des élections.

    Ennahda a dû renoncer au pouvoir l’an dernier sous la pression des masses populaires, et a perdu de nombreux votes aux élections. Et maintenant, ils sont ramenés au pouvoir par ceux-là mêmes qui avaient concentré une grande partie de leur campagne contre ce parti! Le président Béji Caïd Essebsi, qui est aussi la figure de proue de Nidaa Tounes, a nommé comme Premier ministre Habib Essid – un candidat soutenu par Ennahda. Ce qui montre une fois de plus que les frontières entre les deux formations ne sont pas aussi grandes que l’image qu’ils en ont donné avant les élections.

    Ces deux partis avaient lancé des attaques vitrioliques l’un contre l’autre pendant toute la campagne, Ennahda dépeignant la montée de Nida Tounes comme un retour de l’ancien régime, Nida Tounes arguant qu’Ennahda était responsable de la montée du terrorisme dans le pays, etc. Mais il est clair qu’aucun des deux partis n’a de véritables principes ni de respect pour leur propre base électorale, au sein desquelles des critiques vives ont surgi dans la période récente. Une crise interne couve déjà au sein de Nidaa Tounes à cause du double discours de la direction. Ces éléments de crise ne feront que se multiplier dans les mois à venir.

    Les travailleurs et les jeunes tunisiens ont-ils des raisons d’attendre quoi que ce soit de positif de ce nouveau cabinet?

    Sûrement pas. L’ensemble de l’establishment martèle depuis des mois la nécessité de «réformes» – un terme qui sert à enjoliver ce qui ne sont en réalité que des contre-réformes, à savoir des attaques sur les conditions de vie des gens, sur les services et sur les conditions de travail. La classe capitaliste tunisienne rêve notamment depuis longtemps de se débarrasser du « bijou » de la classe ouvrière tunisienne: la caisse de compensations, à savoir ce système de subventions publiques sur les produits de base (carburant, pain, lait, etc.) qui maintient les prix de ces produits sous un certain contrôle. Il s’agit d’une question extrêmement sensible, et les tentatives précédentes de la classe dirigeante de liquider ce système ont conduit à des affrontements historiques avec le syndicat tunisien UGTT, en particulier en 1978 et en 1984.

    En 1984, après une telle tentative, le régime de Bourguiba a été ébranlé jusque dans ses fondements par ce qu’on a appelé les «émeutes du pain». Malgré l’envoi de troupes dans les rues, le pouvoir ne fut pas en mesure d’apaiser la colère des masses, et a finalement dû battre en retraite sur la réforme. Donc, bien que la classe dirigeante voudrait vraiment se débarrasser de ce système, elle sait aussi que c’est un énorme risque à prendre, car ce pourrait être l’élément déclencheur d’une révolte sociale sans précédent. C’est encore plus le cas du fait qu’on est plongé dans une période d’inflation importante qui a déjà conduit à une explosion des prix de beaucoup de produits, ce qui constitue un facteur important d’appauvrissement pour des millions de Tunisiens.

    A part cela, le gouvernement prévoit aussi de nouvelles privatisations et des coupes budgétaires dans le secteur public, qui, selon toute vraisemblance, impliqueront une vague de licenciements dans l’administration. Le gouvernement va sans doute essayer d’éviter de mener des attaques frontales dans des secteurs stratégiques tels que la santé et l’éducation, car ce sont des secteurs très militants et fortement syndiqués où il existe déjà un important niveau de grèves.

    Mais de toute évidence, le nouveau gouvernement n’empêchera pas une année de luttes sociales et syndicales importantes, de grèves de masse, d’émeutes et d’explosions populaires. Les dirigeants de l’UGTT multiplient déjà les mises en garde à l’establishment, exigeant un accent « plus social» dans le programme du gouvernement, car ils savent mieux que personne que leur base militante n’avalera pas la pilule à venir.

    Une étude récente d’un think-tank américain, « Freedom House », est récemment arrivé à la conclusion que la Tunisie était désormais le «premier pays libre dans le monde arabe ». Quelle est la réalité sur le terrain?

    C’est probablement le genre d’organisation pour laquelle «liberté» signifie essentiellement la liberté de gagner de l’argent! La Tunisie est toujours un pays où les journalistes sont traduits en justice, où des militants reçoivent des menaces de mort, où un tribunal militaire a récemment condamné un blogueur à un an de prison du fait qu’il aurait « insulté l’armée », où un caricaturiste a été frappé par la police juste pour s’en être moqué dans un de ses dessins…

    Les abus quotidiens par les forces de sécurité n’ont jamais vraiment cessé, la police continue à maltraiter les manifestants et les militants. Dimanche dernier un jeune manifestant a été abattu et plusieurs autres blessés, dans la ville méridionale de Dehiba près de la frontière libyenne, suite à des protestations sociales contre une nouvelle taxe imposée par le gouvernement, au cours desquelles la police a utilisé des balles réelles et de la chevrotine.

    Il y a un manque criant de développement et d’emplois dans les régions du Sud, il est estimé que plus d’un million de Tunisiens survivent grâce à des activités de contrebande. Les autorités voulaient imposer une taxe à la frontière, ce qui affecterait directement le commerce avec la Libye voisine et couperait la source de revenus de nombreux pauvres Tunisiens locaux. Des manifestations ont éclaté le week-end dernier, conduisant à une grève générale dans tout le gouvernorat de Tataouine mardi. La grève a été massivement suivie – seulement les boulangeries et les pharmacies étaient ouvertes. Après la grève, le premier ministre a été contraint d’annoncer que cette taxe serait annulée.

    Mais généralement, la rhétorique de l’État a été de dépeindre les manifestants comme des voyous, des barons de la drogue ou des terroristes. Bien que certains réseaux de contrebande profitent évidemment de ce commerce illégal, et ont tenté d’infiltrer le mouvement, ce type de déclarations ignorent les problèmes sociaux et les revendications bien réels de nombreux habitants locaux, petits commerçants et jeunes chômeurs.

    C’est une stratégie classique pour tenter de porter atteinte aux droits et libertés: tous ceux qui ne soutiennent pas inconditionnellement la machine d’Etat et la police sont présentés comme des partisans de la violence et du terrorisme. La logique de la «guerre contre la terreur» est susceptible de se renforcer par le nouveau gouvernement. Combiné avec le retour de vieilles figures de l’ancien régime dans des positions de pouvoir, cela implique que, malgré les acquis relatifs que nous avons gagné en termes de liberté par rapport à d’autres pays de la région, le niveau de menace sur les droits démocratiques est assez élevé. Nous ne sommes pas dans une «zone de confort» et nous n’y serons pas tant que le pouvoir reste accaparé par l’élite capitaliste. Tous les gouvernements tunisiens depuis la chute de Ben Ali ont défendu cette classe, et tous ont tenté de revenir en arrière sur ce qui a été accompli par la révolution.

    La Tunisie a fourni le plus gros contingent de combattants dans les rangs de l’«État islamique» (IS). Quelle est la réalité du danger terroriste, et quelle devrait être à ton avis la réponse des socialistes sur cette question?

    Plus de 3.000 Tunisiens ont rejoint les rangs de l’EI, et des réseaux djihadistes ont fleuri dans certains quartiers du pays, en particulier dans les zones défavorisées, où de nombreux jeunes marginalisés et désespérés représentent des proies vulnérables. Ces groupes réactionnaires utilisent une violence extrême, fascisante – et leur combat n’affronte pas seulement l’État; il vise fondamentalement les intérêts de toute la masse, des femmes, de la gauche, du mouvement syndical, etc.

    Donc le problème est réel, et a besoin d’une réponse. Cependant, nous devons être clair sur le fait que le rôle de l’Etat sur cette question n’est pas «désintéressé». L’Etat exploite ce phénomène pour ses propres intérêts, et il l’alimente également dans une certaine mesure. Il l’exploite pour créer un sentiment d’unité artificielle derrière lui, et pour renforcer la répression en général. C’est pourquoi il est important que dans la lutte contre le terrorisme, nous ne faisons pas confiance en l’appareil d’État pour faire le travail par lui-même; en réalité, beaucoup de gens en Tunisie comprennent cela instinctivement, car l’expérience du régime de Ben Ali leur a enseigné que nous ne pouvons pas troquer notre liberté contre une sécurité supposée.

    tunisie01C’est l’une des raisons pour lesquelles chaque attaque terroriste dans le pays a été suivie de mobilisations populaires spontanées. En 2013, deux assassinats de politiciens de gauche par des extrémistes religieux ont provoqué deux grèves générales de proportions historiques. Dans un certain nombre d’autres occasions, des attaques djihadistes ou salafistes ont poussé les travailleurs et les jeunes à descendre dans la rue. La puissance du mouvement syndical en Tunisie (y compris parmi les forces de sécurité), ainsi que l’absence de fractures confessionnelles profondes dans le pays, ont contribué à maintenir le danger terroriste en échec.

    Cela ne signifie pas pour autant que l’on puisse sous-estimer la réalité du danger, mais plutôt qu’il faut souligner la nécessité d’une réponse en notre nom propre: ce n’est pas par plus de répression d’État et plus d’hélicoptères que nous allons lutter contre le terrorisme, mais en construisant une lutte organisée et massive, qui lie la nécessité immédiate de protéger nos communautés du terrorisme à la lutte pour fournir des emplois décents et un avenir aux jeunes, pour un investissement public massif dans les régions, etc.

    La coalition des forces de gauche, le «Front populaire», a obtenu 3,66% des voix aux dernières élections d’octobre, et a maintenant 15 sièges au Parlement. Quelle est l’attitude de cette formation vis-à-vis du nouveau gouvernement, et quelles devraient être selon toi les tâches de la gauche dans cette nouvelle situation?

    Le Front populaire a fait une série de terribles erreurs au cours des deux dernières années, qui ont profondément affecté sa position parmi les masses laborieuses, et suscité de l’amertume parmi toute une couche de ses supporters originaux, plus encore chez les jeunes. En ce sens, le résultat électoral du Front était bien en-deçà de ce que le potentiel de cette formation aurait pu être. Mais depuis que le Front a repris ses distances avec Nidaa Tounes (avec lequel il avait à un certain moment conclu une alliance contre Ennahda), et a récemment recentré son discours sur des thèmes sociaux, il a réussi à «sauver la face» et à récupérer une partie du terrain perdu.

    Ceci est principalement dû à une base militante qui a rappelé la direction à l’ordre à plusieurs reprises, et contraint à reconsidérer certains choix d’orientation. Si le Front populaire n’est pas entré dans un gouvernement avec Nidaa Tounes par exemple, cela a plus à voir avec le fait que les rangs du Front ne l’auraient pas accepté, qu’avec une opposition de principe de leurs dirigeants de ne pas le faire.

    Durant les négociations en vue de la formation du gouvernement, le Front populaire a plaidé pour un gouvernement qui gèlerait le paiement de la dette, fournirait des indemnités pour les chômeurs, augmenterait les salaires, et dirait non à toute tentative de liquider la caisse de compensations. Ce genre de positionnement les a aidés à obtenir davantage de soutien dans les sondages dernièrement.

    Il y a des contrastes évidents entre la trajectoire droitière encouragée par la direction centrale du Front Populaire et la volonté de la base militante et de certains dirigeants locaux. C’est pour cette raison que nous avons adopté une position favorable au Front dans certaines régions pendant les élections, même si nous avions soulevé nos critiques en termes très vifs aussi. Le principal organe central du Front populaire n’est pas démocratique, et utilise ce que certains, même au sein du Front, qualifient de méthodes staliniennes. Hamma Hammami, la figure de proue du Front Populaire, dit qu’il n’est plus stalinien. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il n’est plus socialiste ou communiste non plus!

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) en Tunisie plaide pour un mouvement politique de masse qui pourrait rassembler la base militante du Front Populaire avec les militants de mouvements sociaux, les jeunes chômeurs et, surtout, les syndicalistes et les travailleurs de l’UGTT. Cela nécessite un programme militant et combatif, un programme d’action socialiste qui reste fidèle aux objectifs initiaux de la révolution, ainsi qu’une implication sans relâche sur le terrain.

    Le contexte actuel, marqué par un gouvernement comprenant les deux principaux partis de la bourgeoisie, donne une position unique pour la gauche et l’UGTT. En outre, l’augmentation du nombre de parlementaires du Front Populaire donne la possibilité au front de s’ériger comme “caisse de résonance” politique du mouvement ouvrier et des luttes de la rue. Mais en même temps, la composition du nouveau gouvernement discrédite complètement la position défendue dans le passé par de nombreux dirigeants du Front et de l’UGTT, qui consistait à donner un soutien tacite – ou explicite – à Nida Tounes, contre les islamistes.

    La direction de l’UGTT est très modérée et a contribué par sa position à mettre en place le dernier gouvernement pro-capitaliste de Jomaa, qui a attaqué les intérêts et les droits des affiliés de l’UGTT. Certains dans le syndicat disent que ces dirigeants se sont intéressés à tout, sauf à leurs propres membres. C’est pourquoi bien que nous allons continuer à défendre l’UGTT contre toute tentative de la miner par les réactionnaires, néo-libéraux ou islamistes, nous voulons aussi encourager les travailleurs et les militants syndicaux à se réapproprier leur syndicat, en poussant vers plus de démocratie interne et vers la radicalisation des actions syndicales face au nouveau gouvernement ; à commencer par la préparation d’un mouvement de grève intersectoriel coordonné à l’échelle nationale contre les plans d’austérité qui s’annoncent.

  • Manifestation antifasciste contre la NSV – Contre la haine et la terreur : la solidarité!

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    Le 12 mars, la NSV (Nationalistische Studentenvereniging, Association des Etudiants Nationalistes) organisera sa marche annuelle de la haine qui, cette année, aura lieu à Gand. La NSV est l’organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang et elle éprouve une sympathie certaine pour plusieurs organisations qui vont de la N-VA au parti néonazi grec Aube Dorée. L’éventail de néo-fascistes, populistes de droite et autres réactionnaires de droite a grandi, ce qui met sous pression la NSV, et par là même le Vlaams Belang. Cela ne les rend évidemment pas moins dangereux. Leur manifestation attirera toutes sortes d’organisations et d’individus néo-fascistes qui espèrent pouvoir occuper les rues de Gand l’espace d’une soirée, en préparation à la fameuse «révolution conservatrice» à laquelle aspire la NSV, comme elle l’explique sur son site Internet. Seule une manifestation massive contre ces réactionnaires peut les remettre à leur juste place : dans les poubelles de l’histoire.

    Contre la guerre et l’exploitation!

    Cette année, le prétexte à la marche de la haine de la NSV sera son opposition à la participation de l’OTAN et de l’Union Européenne aux guerres en Ukraine et en Syrie. En pratique, il s’agit simplement d’une manière détournée d’exprimer leur haine des immigrés, des syndicalistes et de la gauche. Leur opposition à la guerre est tout ce qu’il y a de plus hypocrite.

    Le Vlaams Belang a d’ailleurs acclamé les guerres en Afghanistan et en Irak. Filip Dewinter, porte-parole du VB et participant régulier à la manifestation annuelle de la NSV, a organisé en 2003 une contre-action dénonçant un rassemblement anti-guerre sous le slogan «Bush a raison». Ces guerres et la politique des élites corrompues parvenues au pouvoir avec le soutien de l’Occident ont posé les bases de la croissance de forces réactionnaires telles que les talibans et l’Etat Islamique. Ceux qui ont fui la guerre ne peuvent prétendre bénéficier de l’hospitalité des racistes de la NSV & Co.

    Pas plus l’OTAN que les puissances impérialistes n’ont à l’esprit la défense des intérêts des populations. Leurs interventions ne servent que leurs propres intérêts politiques et économiques. La crise du système capitaliste entraine que les conflits deviennent plus ouverts et font souvent appel aux armes. Nous nous opposons à toute guerre, mais aussi au système qui les crée !

    La NSV ne fait aucune différence entre les mouvements révolutionnaires qui se sont déroulés en Egypte et en Tunisie en 2011 et l’ingérence impérialiste en Syrie et en Libye, où des guerres civiles ont suivi les interventions militaires. Dans les faits, la NSV nie l’importance des mouvements de masses.

    Non à la logique austéritaire! Revendiquons notre droit à un avenir!

    Ici aussi, les antagonismes sont devenus plus aigus sous le coup de la crise. Les jeunes et les travailleurs subissent des attaques inédites dans le but de leur faire payer la crise : coupes budgétaires dans l’enseignement, augmentation du minerval en Flandre,…

    A nouveau, la NSV et d’autres forces d’extrême droite prennent position contre nos intérêts. Tout comme le parti auquel elle est liée, le Vlaams Belang, la NVA s’est rendue aux locaux de la FGTB à Bruxelles pour y protester contre le plan d’action syndical. Les militants du KVHV (cercle des étudiants catholiques, très à droite) ont, de leur côté, voulu intimider les grévistes de la gare St Pieters à Gand ainsi que les étudiants du campus Blandijn (à Gand également).

    Pour les réactionnaires de droite, limiter l’accès à l’enseignement supérieur alors qu’une partie toujours plus grande de la population sombre dans la pauvreté ne constitue absolument pas un problème. Nous nous opposons à la logique d’économies budgétaires antisociales et nous exigeons un plan d’investissements publics pour offrir un véritable avenir aux jeunes et aux travailleurs!

    Contre le racisme, le sexisme, l’homophobie et la haine! Des emplois, pas de racisme!

    Pour faire passer ses politiques antisociales, l’establishment compte sur la division entre salariés, allocataires sociaux et jeunes. La droite réactionnaire instrumentalise volontairement cette division. Ils utilisent par exemple cyniquement les récentes attaques terroristes en France pour s’en prendre à tous les musulmans et plus généralement à tous les immigrés. Ils tentent ainsi de récupérer les évènements pour justifier une politique qui ne répond absolument pas au terrorisme, bien au contraire.

    Nous condamnons le terrorisme, à Paris comme ailleurs, expression de la surenchère réactionnaire. La politique d’austérité assure qu’une couche systématiquement croissante de la population soit marginalisée, ce qui offre un terreau favorable au développement de toutes sortes de réactionnaires et extrémistes, surtout dans la mesure où le mouvement des travailleurs n’offre pas d’alternative collective et offensive. Le désespoir social, le chômage et le manque de moyen pour l’enseignement, les logements ou encore les loisirs ne sont pas causés par les immigrés, mais bien par les spéculateurs, les banquiers et autres capitalistes.

    Plutôt que de stimuler la lutte contre le 1 % le plus riche, l’extrême droite joue sur la division des 99 %. Les immigrés et les musulmans ne sont pas les seuls visés. Les réactionnaires de droite s’en prennent aussi volontiers aux homosexuels et aux femmes. Nous nous opposons à toute forme de division, qu’il s’agisse de racisme, d’homophobie ou de sexisme. Toutes ces haines nous divisent dans la lutte contre ce système capitaliste et l’inégalité croissante qui lui est inhérente.

    Nous luttons pour:

    – Une opposition active et unitaire contre toute la droite réactionnaire!
    – Rejeter le racisme, le sexisme, l’homophobie,…. Tout ce qui nous divise nous affaiblit!
    – Refuser la politique d’austérité. Des emplois, pas de racisme : pour des emplois décents, des logements abordables et un enseignement gratuit pour tous!

    Premiers signataires :

    – Blokbuster
    – ALS / EGA ( Actief Linkse Studenten / Etudiants de Gauche Actifs)
    – Syndicalisten Tegen Fascisme / Syndicalistes contre le fascisme
    – AFF (Anti-fascistisch front)
    – Antifascisti italiani Bruxelles
    – Association culturelle Joseph Jacquemotte
    – CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde)
    – Fewla, soutien à la lutte du peuple Mapuche
    – Initiative solidarité avec la Grèce qui résiste
    – JAC (Jeunes anticapitaliste)
    – JOC Bruxelles (Jeunes Organisés combatifs)
    – Kif Kif vzw
    – LSP / PSL (Linkse Socialistische Partij / Parti Socialiste de Lutte)
    – People Help People vzw
    – PH (Parti Humaniste)
    – SAF (steunpunt anti-fascisme)
    – Vrede vzw
    – Vredescoach Antwerpen

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