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  • ‘‘Fascism Inc.’’ Un documentaire frappant !

    Le fascisme est-il à nos portes ? Cette question aura hanté l’esprit de nombreux Grecs après les succès électoraux d’Aube Dorée. Ces néo-nazis avaient recueilli un peu moins de 7% lors des législatives de 2012 et ainsi obtenu 21 sièges. Malgré le fait qu’une bonne partie de sa direction est actuellement en cellule, Aube Dorée vient d’obtenir 9,4% aux élections européennes, soit 3 eurodéputés. Le scrutin européen a par ailleurs illustré que l’extrême-droite ne se construit pas qu’en Grèce.

    Par Pieter (Anvers)

    C’est dans ce contexte qu’est sorti en avril dernier le nouveau documentaire d’Infowar Productions. Cette équipe de réalisateurs grecs militants avait déjà précédemment réalisé les remarquables documentaires Debtocracy et Catastroïka, principalement axés sur le développement de la crise économique, l’impact de l’austérité et l’érosion du système démocratique.

    Ces deux productions cadrent bien avec ce nouveau film ‘‘Fascism Inc.’’ Pour les réalisateurs, le but du documentaire est d’inspirer la lutte contre l’extrême-droite à travers toute l’Europe. ‘‘Fascism Inc.’’ développe le lien existant entre développement du fascisme et capitalisme. On peut notamment y entendre la phrase suivante : ‘‘Comment peut-on dire la vérité sur le fascisme sans être disposé à parler du capitalisme, qui a donné naissance au fascisme ?’’

    Il s’agit là d’un des aspects les plus forts et importants du film. Alors que d’autres réalisations sur l’extrême-droite se limitent à mettre l’accent sur les éléments racistes. ‘‘Fascism Inc.’’ aborde aussi les liens puissants qui existaient entre les capitalistes et Hitler et Mussolini en Allemagne et en Italie. Le documentaire montre très clairement comment les grands industriels ont soutenu le fascisme.

    Le film associe le phénomène à la situation économique qui prévaut actuellement en Grèce et, par extension, dans le reste de l’Europe. Si l’actualité grecque est présente dans ‘‘Fascim Inc.’’, elle n’en constitue pas le thème dominant. En mettant l’accent sur ??le contexte européen et les racines historiques du fascisme, cet intéressant documentaire est une source de réflexion pour un public plus large et pour tous ceux qui se sentent concernés par la lutte contre le fascisme. À plusieurs reprises, il est souligné que la lutte n’est pas terminée et reste à l’ordre du jour. ‘‘La crise qui crée les conditions pour le développement du fascisme est encore devant nous, pas derrière…’’

    Enfin, il convient de noter qu’il s’agit d’une production militante totalement indépendante et financée par des dons de la jeunesse, des syndicats, des organisations antifascistes,… Le documentaire est d’ailleurs gratuitement disponible sur Internet. Dans de nombreux pays, des évènements sont organisés en présence des réalisateurs pour qu’ils puissent livrer eux-mêmes des explications quant à leur démarche. Nous pensons que cette réalisation est à recommander à tous les antifascistes. Comme les auteurs le soulignent d’ailleurs au début du film : ‘‘La vérité doit être dite pour arrêter le bavardage.’’

    => Pour visionner le film en ligne 


    PROJECTIONS :

    Mardi 3 juin : Bruxelles. Cinéma Vendôme, Chaussée de Wavre 18, 1050 Bruxelles – 18h30 – A l’initiative de Initiative Solidarité, Bruxelles Laïque, CADTM, Zin TV, Groupe Réagis de la FGTB, JOC. En présence du réalisateur Aris Chatzistefanou et de Mamadou Bah, ex-militant de l’association des Guinéens en Grèce agressé par l’Aube dorée et demandeur d’asile en Belgique, fera aussi une intervention pendant le débat. Entrée gratuite mais réservation indispensable. Infos et réservations : bruxelles.laique@laicite.be • Tél 02/289 69 00.

    Lundi 16 juin : Liège. Aquilone, 25 boulevard Saucy, Liège – 20h00 – A l’initiative du CADTM dans le cadre des “Lundis contre la dette”.

  • Snowpiercer, un mariage efficace de science-fiction et de lutte des classes

    Par Nicolas Croes

    Juillet 2014. Face au réchauffement climatique, plusieurs dizaines de pays répandent dans l’atmosphère un gaz destiné à refroidir la température terrestre. 17 ans plus tard, alors que le monde est plongé depuis autant d’années dans une terrible ère glaciaire, les derniers survivants de l’Humanité sillonnent le paysage désolé à bord d’un train forcé à rouler continuellement et très strictement hiérarchisé. A sa tête l’élite et son dirigeant, Wilford, qui possède tout, du train au droit de vie et de mort sur ses occupants. En queue de train, la masse des ‘‘queutards’’ survit dans un espace surpeuplé, dans une misère sans nom. Ils n’ont pour eux que l’espoir de la révolte, et Snowpiercer, le transperceneige raconte leur soulèvement.

    La science-fiction s’est régulièrement faite le vecteur de réflexions, d’espoirs mais aussi (et surtout) d’inquiétudes concernant notre société et son évolution. Ces dernières années, certains ont plus franchement abordé le cas de la révolte contre un système inégalitaire (notamment Elysium, de Neill Blomkamp, 2013). Ce n’est bien entendu pas un hasard dans l’actuel contexte de crise du capitalisme et de révolte de masse à travers le globe.

    Mais ce qui frappe dans Snowpiercer, et ce qui le distingue singulièrement d’autres productions d’anticipation du style de Time Out (d’Andrew Niccol, 2011), c’est la clarté avec laquelle est exposée le système de classes sociales ou encore la notion que le pouvoir dépend de la propriété des moyens de production (la ‘‘machine sacrée’’ qui permet au train de rouler indéfiniment dans ce cas-ci).

    L’élément collectif du processus révolutionnaire est aussi plus fortement souligné, davantage même que dans la bande-dessinée originale de 1982. Curtis (Chris Evans), le dirigeant du soulèvement, est loin de l’image du héros solitaire tentant à sauver le monde par sa seule force individuelle. Une question abordée et qui est fondamentale pour toute personne désireuse de lutter pour améliorer ses conditions d’existence est celle de la réforme ou de la révolution (se contenter de quelques wagons ou prendre possession de la machine?). Enfin, la tentative de géo-ingénierie à la base de cet univers post-apocalyptique est également une sérieuse mise en garde face aux ‘‘solutions’’ que les élites capitalistes peuvent mettre en œuvre face au péril climatique plutôt que d’opérer un changement de système.

    Mais si ce film aborde avec brio une thématique forte (même si la conclusion de l’intrigue peut ouvrir la voie à de nombreuses discussions), c’est loin d’être son seul attrait. Les acteurs sont brillants (notamment John Hurt et Tilda Swinton, cette dernière étant tout bonnement époustouflante en Ministre du Train) et le réalisateur sud-coréen Bong Joon-h confirme ce talent que la scène internationale avait pu déjà voir à l’œuvre avec le splendide thriller fantastique The Host (2007). Un film à voir, donc, et à faire voir.

     

  • [film] Noël 1914 – Quand les soldats ont cessé de se battre

    Un petit antidote contre la désinformation autour de la Première Guerre Mondiale que la classe dirigeante va répandre

    Nous sommes à l’aube du centième anniversaire de la Première Guerre Mondiale et la classe dirigeante britannique et ses scribes dans les médias vont libéré une nauséabonde avalanche de propagande chauviniste afin de masquer la réalité derrière cette guerre. C’est un bon moment pour revoir sur le film Joyeux Noël, un film semi-factuel datant de 2005 retraçant la trêve de Noël 1914 à travers les yeux de soldats français, écossais et allemands.

    Jimmy Haddow, Socialist Party

    Le film est essentiellement centré sur six personnages: Gordon (officier de la Royal Scots Fusiliers), Audebert (officier français réticent qui est également fils et petit-fils de membres de l’état-major français), Horstmayer (officier allemand juif), Palmer (prêtre écossais officiant comme brancardier) et un soldat qui est chanteur d’opéra allemand ainsi que sa partenaire et compagne danoise. L’acteur écossais qui joue le rôle du prêtre, le père Palmer, est Gary Lewis, qui a déjà joué le rôle du père du jeune Billy Elliot dans le film du même nom. Avant de devenir acteur, il était membre de Militant, le prédécesseur du Socialist Party Scotland (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Ecosse), et avait entre autres été fortement impliqué dans la grève des mineurs de 1984 et dans d’autres batailles de la classe ouvrière des années ’80.

    Le 28 juin 1914, un étudiant nationaliste serbe assassina l’héritier du trône austro-hongrois, l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, lors d’une visite d’Etat à Sarajevo, en Bosnie. Cinq semaines plus tard, à partir du 4 août, l’Autriche, la Russie, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne étaient en guerre, tous les politiciens capitalistes des pays belligérants et leur presse ne cessant de répéter que le conflit serait terminé pour la Noël. Ce fut loin d’être le as, la guerre a causé un nombre de morts estimé à dix millions au cours de quatre années de bain de sang industrialisé.

    Quelles causes derrière la guerre?

    L’assassinat de l’archiduc qui a servi de prétexte officiel à la guerre était en fait quasiment sans conséquence en tant que tel. Les véritables causes derrière le conflit étaient économiques : un combat pour les matières premières, les colonies et les marchés d’Asie, d’Afrique et d’ailleurs entre la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et même la ”petite Belgique”. Cela, combiné à la croissance du capitalisme en Europe de l’Est et du Sud-Est, a soulevé la question de l’autodétermination nationale des peuples balkaniques en Etats nationaux. Le tout ensemble a assuré que la situation était explosive en 1914.

    Chaque pays belligérant s’est drapé de couleurs patriotiques. Le film Joyeux Noël commence d’ailleurs avec des scènes d’écoliers récitant des discours patriotiques en faisant l’éloge de leurs pays respectifs et en condamnant leurs ennemis. En Ecosse, deux jeunes frères sont engagés à combattre, suivis de leur prêtre, le père Palmer. En Allemagne, un chanteur d’opéra est interrompu pendant une représentation par un officier allemand lui annonçant qu’il était appelé à servi dans l’armée. L’officier français se penche quant à lui sur une photo de sa femme enceinte qu’il a dû laisser derrière lui dans la partie de la France occupée par l’Allemagne.

    À Noël, la guerre s’était stabilisée avec une sorte de ”rideau de fer” de tranchées qui s’étendaient de la frontière suisse à la mer du Nord. Quelques jours avant Noël, les Écossais et les troupes françaises, dans Joyeux Noël, menèrent un assaut combiné sur les tranchées allemandes en France. L’attaque provoqua de lourdes pertes des deux côtés, sans toutefois parvenir à rompre l’impasse de la guerre de tranchées. L’un des deux frères écossais est mortellement blessé lors de l’assaut et son frère, Jonathan, est contraint de l’abandonner en plein no man ‘s land. Dans la confusion du retrait, l’officier français perd son portefeuille, comprenant la photo de sa femme, dans la tranchée allemande.

    Pendant ce temps, la chanteuse d’opéra danoise, Anna, bien connue dans les cercles supérieurs de la classe dirigeante allemande, obtient l’autorisation d’effectuer un récital de Noël pour le prince héritier Guillaume de Prusse. Son amant allemand, le soldat Sprink, est retiré du front et reçoit la permission de l’accompagner. Ils passent une nuit ensemble et effectuent leur représentation. Ensuite, Sprink exprime son amertume dans le confort du siège de l’état-major et décide de revenir au front chanter pour les troupes. Sprink s’oppose tout d’abord à la décision d’Anna de l’accompagner, mais finit par accepter. Là, le réalisateur et auteur Christian Carion a utilisé sa licence artistique, car il semble n’y avoir aucune trace de femme civile au front en 1914.

    La trêve officieuse

    La trêve officieuse est initié lorsque les Ecossais commencent à chanter des chansons fête, accompagnés à la cornemuse, sous al direction du père Palmer. Les chanteurs d’opéra arrivent alors sur la ligne de front allemande et Sprink chante pour ses camarades. Alors que Sprink chante Douce Nuit, il est accompagné par un joueur de cornemuse de la ligne de front écossaise. Sprink répond au joueur de cornemuse et quitte sa tranchée avec un petit arbre de Noël.

    Suivant l’exemple de Sprink, les officiers français, allemands et écossais se rencontrent ddna sle no man ‘s land et se mettent d’accord pour un cessez-le feu à l’occasion de cette soirée. Les différents soldats se rencontrent et se souhaitent Joyeux Noël, Frohe Weihnachten, et Merry Christmas. Ils échangent du chocolat et du champagne, se montrent des photographies de leurs proches et évoquent leurs souvenirs d’avant-guerre. Palmer et les Ecossais célèbrent une brève messe pour les soldats (en latin comme c’était alors le cas dans l’Église catholique) et les soldats se retirent profondément émus. Jonathan reste cependant totalement insensible aux événements, toujours sous le coup de la mort de son frère.

    Le jour de Noël, les officiers prennent leur café ensemble et décident d’enterrer leurs morts. Plus tard, les deux camps jouent un match de football l’un contre l’autre – un événement qui a historiquement eu lieu ce jour-là. Le lendemain, après s’être abrités de tirs d’artillerie des deux côtés, les commandants décident qu’il est temps pour chacun de suivre son propre chemin. Les soldats français, écossais et allemands doivent maintenant faire face aux conséquences inévitables des décisions de leurs supérieurs. Alors que les Allemands reviennent dans leurs tranchées, les chanteurs d’opéra Sprink et Anna restent avec les Français et demandent à l’officier français de les faire prisonniers, afin qu’ils puissent rester ensemble.

    Dans le film, comme dans la vraie vie, les soldats ont écrit des lettres à leurs proches, et l’élite militaire et politique de chaque pays a lancé une vague de répression. Une lettre d’un soldat des Gordon Highlanders affirmait que les Allemands en avaient marre de la guerre tout comme lui et qu’ils disaient avoir été trompés par le Kaiser sur les raisons de la guerre. Un autre soldat du Seaforth Highlanders a dit à ses parents qu’ils avaient eu un cessez-le feu de trois jours à Noël et que des soldats bavarois lui avaient dit qu’ils étaient fatigués de la guerre, que cela ne leur profiterait d’aucune manière et qu’ils étaient socialistes.

    Les états-majors de toutes les nations ont vu de grands dangers dans cette fraternisation et des directives sont arrivées pour y faire face. Le Général Forrestier-Walker de l’armée britannique a publié un édit interdisant la fraternisation, car ”cela décourage les initiatives du commandement et détruit l’esprit offensif dans tous les rangs (…) des rapports amicaux avec l’ennemi, des armistices non officielles et l’échange de tabac et d’autres équipements, pour tentant et parfois amusant qu’ils soient, sont absolument interdits.”

    Le Père Palmer est ensuite renvoyé à sa propre paroisse et son bataillon démantelé en marque de honte. Malgré le fait qu’il ait souligné l’humanité et la bonne volonté de la trêve, il est réprimandé par son évêque écossais, qui prêche ensuite un sermon anti-allemand pour les nouvelles recrues, dans lequel il décrit les Allemands comme le Mal et commande aux recrues de tuer chacun d’entre eux. Le Père Palmer surprend ce sermon et retire la croix chrétienne qu’il portait au cou.

    Le dégoût envers le commandement politique et militaire

    De retour dans les tranchées, les Ecossais sont commandés par un major furieux et irrité par la trêve. Il ordonne de tirer sur un soldat allemand qui entre dans le no man’s land et le traverse vers les lignes françaises. Les soldats refusent de le tuer et tirent un coup de semonce au-dessus de sa tête. Encore une fois, un grand nombre de lettres envoyées à l’arrière ont mentionné ce type d’action, des deux côtés du fil de fer barbelé. Mais Jonathan tire sur l’Allemand pour venger la mort de son frère, le blessant mortellement.

    La punition de l’officier français, Audebert, est d’être envoyé à Verdun, il reçoit aussi une sévère engueulade de son général de père. Mais le jeune Audebert n’exprime aucun remord pour la fraternisation qui a pris place sur le front, et parle de son dégoût pour les commandants militaires et politiques qui parlent de sacrifice, mais ne savent rien de la lutte dans les tranchées.

    Horstmayer et ses troupes,confinés dans un train, sont informés par le prince héritier qu’ils constituent une honte pour l’armée allemande et qu’ils doivent être expédiés au front de l’Est, sans la permission de voir leurs familles lors de leur passage à travers l’Allemagne. Il piétine alors l’harmonica d’un soldat et déclare que Horstmayer ne mérite pas sa Croix de Fer. Au départ du train, les Allemands commencent à fredonner un chant écossais qu’ils ont appris des Ecossais.

    Laissons le dernier mot à Lénine, l’un des dirigeants du parti marxiste bolchevique et co-dirigeant de la révolution russe d’Octobre 1917. Lorsqu’il a entendu parler de la Trêve de Noël, il a déclaré que, s’il y avait des organisations prêtes à se battre pour une telle politique parmi les soldats de toutes les nations belligérantes, il pourrait y avoir une fin rapide de la guerre en faveur de la classe ouvrière et des pauvres . Il avait écrit: «Essayez d’imaginer Hyndman, Guesde, Vandervelde, Plékhanov, Kautsky et le reste [les dirigeants des partis sociaux-démocrates et ouvriers qui ont soutenu la guerre] qui, au lieu d’aider la bourgeoisie (ce dans quoi ils sont maintenant engagés), formeraient un comité international d’agitation pour la fraternisation et pour l’établissement de relations amicales entre socialistes de tous les pays belligérants, à la fois dans les tranchées et parmi les troupes en général. Que seraient les résultats dans quelques mois?”

    Joyeux Noël, Christian Carion, 2005, 116 mins – disponible en DVD

  • FILM : Elysium

    ‘‘Ce film se veut être une allégorie de la lutte de classe.’’ – Neill Blomkamp, réalisateur.

    L’histoire d’Elysium se déroule en 2154, dans un Los Angeles désolé, et suit Max da Costa (Matt Damon), ouvrier dans un monde qu’ont fuit les riches et les puissants, laissant derrière eux la pauvreté, les maladies et la destruction environnementale causée par leur soif de profit. L’élite dorée s’est rendue sur une station spatiale, Elysium, où ils jouissent d’une société idyllique à l’opposé des conditions de vie désastreuses de ceux qui sont restés sur Terre. Jusqu’à ce que…

    Les riches sont protégés par Jessica Delacourt (Jodie Foster), secrétaire à la Défense, qui n’hésite pas à recourir à la force pour maintenir les pauvres séparés des riches à l’aide de mercenaires-tueurs ou de droïdes. Max est quant à lui un ancien criminel qui lutte pour survivre et travaille à l’usine de droïdes de l’entreprise Armadyne, ceux-là même qui maintiennent les travailleurs et leurs familles dans l’oppression. Contaminé dans l’usine par une dose de radiations qui doit le tuer en quelques jours, sa seule chance de survie est de bénéficier d’un service de santé capable de soigner n’importe quelle maladie, mais qui n’existe que sur Elysium.

    Ce film est réalisé par Neill Blomkamp, également réalisateur du film ‘‘District 9’’ qui traitait du thème de l’immigration, de l’apartheid, des divisions de classe et du complexe militaro-industriel autour d’une histoire d’extra-terrestres en quarantaine dans l’Afrique du Sud moderne. Elysium aussi utilise la science-fiction afin d’aborder des thèmes sociaux. Mais là, ce ne sont pas des humains qui exploitent des aliens opprimés, c’est une élite de super-riches qui exploite l’écrasante majorité de l’humanité. Répondant à un journaliste qui lui demandait si c’était ainsi qu’il imaginait le monde dans 140 ans, Blomkamp a répondu: ‘‘Non, non, non. Ce n’est pas de la science-fiction. C’est aujourd’hui, c’est maintenant.’’

    Ce film n’est pas un film socialiste, mais des éléments d’un programme de rupture anticapitaliste et socialiste figurent clairement dans ce qui est traité ici, comme la nécessité d’un système de soin de santé universel, le droit d’immigrer et de passer les frontières, etc.

    Ce qui par contre n’est pas développé, c’est le type de force et de mouvement capable d’aboutir à l’application de ce programme. Il est vrai qu’il est bien plus aisé de filmer Matt Damon luttant pour les intérêts de la majorité de l’espèce humaine que de montrer l’organisation que nécessite le renversement du capitalisme et l’instauration d’une société au bénéfice de chacun. C’est ce qui permet au film de se conclure sur une conception bien trop naïve de la méthode à adopter pour changer de système.

    Elysium ne le dit pas aussi explicitement, mais la racine du problème, c’est le capitalisme. Ce système sacrifie tout pour la course à court terme au profit, et notammennt l’environnement et les conditions de vie des travailleurs. Il doit être renversé, et seule la classe des travailleurs à l’échelle internationale, dans une lutte commune, est capable de le faire grâce à ses méthodes de lutte de masse et de blocage de l’économie par la grève générale.

  • Film : Le ''Lincoln'' de Steven Spielberg

    Le film de Steven Spielberg ”Lincoln” se situe entre d’importants événements et anniversaires. Le 22 septembre passé marquait le 150e anniversaire de l’acte préliminaire de l’acte d’Émancipation (qui a débuté la procédure d’abolition de l’esclavage) tandis que le 6 novembre voyait la ré-élection du premier président noir des États-Unis, Barack Obama, pour un second mandat. Ce premier janvier 2013 fut aussi le 150e anniversaire de la ratification de l’acte d’Émancipation que Lincoln publia en tant que mesure de guerre. L’acte déclarait que ”toute personne détenue en esclavage” dans les états rebelles ”est, et devra désormais être, libre”.

    Par Patrick Ayers et Eljeer Hawkins, Socialist Alternative (partisans du CIO aux USA)

    La construction de l’image de Lincoln

    Ce film est en partie basé sur la biographie best-seller de Doris Kearns, ”Team of rivals : le génie politique de Lincoln” scénarisé par le dramaturge Tony Kushner. Lincoln est mis en scène par Spielberg et par les gagnants des oscars Daniel Day-Lewis et Sally Field. Ils ont déjà raflé toute une série de nomination pour les Golden Globe et risquent certainement d’avoir d’autres nominations aux oscars.

    ”Lincoln” se concentre sur les efforts fait pour faire passer le Treizième Amendement (qui interdit l’esclavage) à la fin de la guerre civile. Après avoir été réélu en 1864, Lincoln saisit l’opportunité des derniers jours de séance du Congrès des États-Unis pour faire passer cet amendement. La ratification n’était pas garantie, même si les Républicains avaient une large majorité. Lincoln devait composer avec une opposition à l’intérieur même de son gouvernement, de son parti et de la plupart des démocrates (qui représentaient à l’époque la majorité des propriétaires d’esclaves). Le film tente de mettre sous les projecteurs les aptitudes politiques de Lincoln en tant que dirigeant politique en période de crise. Ce film tente également d’humaniser Lincoln, un homme souffrant de dépression tout au long du film.

    Beaucoup de scènes parmi les plus touchantes et les plus puissantes de ce film sont qui incluent sa femme, Mary Todd Lincoln, jouée par Sally Field, et qui parlent de la plaie profonde que fut la perte de leur fils Willie à l’âge de 11 ans. Ce film inclut aussi des passages où Lincoln joue avec son fils cadet Tad et aborde sa relation tendue avec son fils Robert qui voulait s’engager dans l’armée malgré la désapprobation de sa mère. Ce dernier rejoindra finalement l’armée dans les dernières semaines de la guerre.

    Les grands dirigeants

    Daniel Day-Lewis est absolument hypnotisant dans son rôle. Lewis est entré dans Lincoln, corps, âme et esprit. A travers la sentimentale et grandiose mise en scène de Spielberg, Lincoln semble paraître tel un Dieu. Sans aucun doute, le choix du réalisateur pour faire un film sur le personnage de Lincoln dans le contexte limité de la bataille pour le 13° amendement, sert à amplifier le rôle de Lincoln dans ces événements.

    A un moment du film, Lincoln demande à un soldat de la Maison Blanche : ”Devons nous nous adapter à l’époque où nous naissons ?” et le soldat de répondre : ”Je ne sais pas pour moi, vous peut-être” Le problème ici dans le choix du réalisateur c’est que nous n’avons pas toutes les clés en main pour comprendre ”l’époque” à laquelle Lincoln doit ”s’adapter”.

    Étant donné que la majorité des débats politiques montrés se déroulent dans les couloirs du pouvoir de Washington, ce film ne montre en aucun cas le rôle des masses dans ce processus historique. Sans les esclaves, petit fermiers, travailleurs et les autres qui furent radicalisés par les événements qui ont conduit au déclenchement de la guerre en 1861, Lincoln n’aurait jamais eu de plate-forme suffisante pour mener sa politique. Pour comprendre l’entièreté des qualités de dirigeant de Lincoln, il est vital de replacer son rôle dans le contexte plus large du processus historique. Cela aurait pu être fait en quelques minutes au début du film. Mais les choix du réalisateur de Lincoln de donner une vision étroite du sujet sans apporter un contexte historique global, permettent de montrer que l’histoire est écrite par de ”grands hommes” sous les ordres d’un pouvoir encore plus grand qu’eux-mêmes.

    La deuxième révolution américaine

    ”La lutte s’est réveillée car les deux systèmes ne pouvaient plus vivre côte-à-côte pacifiquement en Amérique du Nord. Cela ne pouvait se finir que par la victoire d’un système (l’esclavage) ou d’un autre (le travail libre)” – Karl Marx

    La guerre civile s’est terminée par une guerre révolutionnaire contre les propriétaires de plantations qui dominaient la politique américaine depuis des décennies avant la guerre civile. Avec l’abolition de l’esclavage leur était extirpée la base matérielle de leur pouvoir économique et politique. Cette révolution était nécessaire car la première révolution américaine (cf : la guerre d’indépendance contre la Grande-Bretagne) s’était terminée par un compromis entre la classe dirigeante capitaliste du nord et les propriétaires d’esclaves du Sud.

    Beaucoup en ce temps là pensaient que l’esclavage était une institution obsolète. Mais, avec l’invention de l’égreneuse à coton et le développement de la révolution industrielle, la demande cotonnière avait conduit à une expansion rapide de l’esclavage et sous une forme bien plus brutale qu’avant l’apparition du capitalisme. Cela renforça les esclavagistes terriens et ils dominèrent la scène politique américaine jusqu’en 1860 avec leur système bipartite : les Démocrates et les Républicains.

    A cause des effets désastreux des plantations de coton sur les sols, les planteurs étaient constamment en recherche de nouvelles terres. Cela les a conduit à rapidement entrer en conflit avec les petits fermiers du Nord qui voulaient de nouvelles terres pour de petites exploitations et non de larges plantations d’esclaves. En 1854, les petits fermiers et les grands propriétaires entrèrent en conflit au Kansas pour savoir si le nouvel Etat devait être ou non un état esclavagiste.

    Avec le développement rapide du capitalisme industriel au Nord (qui avait son propre agenda politique), les deux systèmes sociaux (l’esclavage et le travail capitaliste) ne pouvaient qu’entrer en conflit. Le refus des propriétaires d’esclaves de reléguer leurs pouvoirs faisait de la révolution une nécessité.

    Les industriels étaient dans la position de diriger un mouvement historique contre les propriétaires d’esclaves, mais ils devaient mobiliser les masses pour cela. Le parti Républicain fut lancé en 1854 en dehors de tout mouvement démocratique antiesclavagiste. Composé de petits fermiers et d’industriels, le nouveau parti rassemblait les abolitionnistes et les organisations de travailleurs qui y voyait une opportunité de construire un puissant mouvement pour mettre à bas le « pouvoir esclavagiste » et ouvrir la voie à une transformation radicale de la société. Le programme du parti Républicain était limité dans sa conception de la fin des plantations d’esclaves,mais ce fut suffisant pour mettre à mort le système esclavagiste.

    En plus de l’opposition au Nord, les propriétaires du sud vivaient dans la peur constante d’une rébellion d’esclaves. Avec la croissance du système esclavagiste pour atteindre les 4 millions d’esclaves, cette peur devint encore plus grande. Les propriétaires d’esclaves était complètement dépendant de l’idéologie raciste et de l’appareil d’Etat qui s’était considérablement renforcé (y compris au niveau des lois anti-fugitifs et de la répression contre les mouvements abolitionnistes). Les mesures anti-démocratiques contre les abolitionnistes engendrèrent la peur (au Nord) que le ”pouvoir esclavagiste” était une menace pour la liberté démocratique.

    En 1859, le raid de John Brown sur l’île d’Harpers Ferry (qui fut une tentative de rébellion anti-esclavagiste) tira la sonnette d’alarme, non seulement parce qu’il agita le drapeau de la révolte d’esclaves mais aussi parce que John Brown (qui s’était battu au Kansas contre les propriétaires d’esclaves) fut acclamé par beaucoup de Républicains radicaux du Nord. Quand Lincoln fut élu président en 1860, les propriétaires d’esclave avaient déjà décidé que le seul espoir pour protéger leurs intérêts était une insurrection armée contre le Nord et de faire sécession.

    Voici la vue complète du processus historique qui a conduit à l’élection de Lincoln et à l’enchaînement qui a entraîné la guerre. Sur base de deux systèmes sociaux antagonistes, guerres et conflits étaient inévitables.

    A son crédit, Lincoln a rempli un rôle historiquement nécessaire dans la lutte contre les plantations d’esclaves. C’était une nécessité historique pour l’abolition de l’esclavage et la révolution. La détermination de Lincoln à abolir l’esclavage avant la fin de la guerre civile fut essentielle pour la poursuite du développement du capitalisme dans les années qui suivirent. Cela a également conduit à la création d’une puissante classe ouvrière dans les villes, la seule classe de l’histoire capable de construire une société réellement basée sur l’égalité. Pour ces raisons, Karl Marx et ses alliés américains supportèrent Lincoln et l’armée de l’Union (le Nord) durant la guerre. Ils se battaient contre l’idée que l’abolition conduirait à une plus grande compétition entre les travailleurs et soutenaient que la classe ouvrière sortirait renforcée de l’abolition de l’esclavage en faveur du travail ”libre”. ”Les travailleurs blancs ne pourront jamais se libérer eux-mêmes aussi longtemps que que les travailleurs noirs seront exploités.” (Karl Marx)

    L’histoire d’un peuple et Hollywood

    Lincoln n’était pas un abolitionniste et n’a pas établi l’abolition de l’esclavage. Il était aussi porteur d’une vision raciste. Plus jeune, Lincoln avait soutenu les projets de colonisation, d’enclaves composées d’anciens esclaves, dans les Caraïbes et en Afrique. Il était contradictoire et prudent. Il a déclaré lors de son premier débat contre Stephan Douglas (le 18 septembre 1858) : ”Je vais dire maintenant que je ne suis pas et n’ai jamais été, en aucun cas, partisan d’une égalité sociale et politique entre les races blanches et les noires, que je ne suis pas et n’ai jamais été partisan à ce que les Nègres puissent voter, avoir des responsabilités officielles ou partisan du mariage mixte entre blancs et noirs […] Je suis, comme tant d’autres hommes, en faveur de la position supérieure assignée à la race blanche.”

    Mais Lincoln était en faveur du ”travail libre” qui était crucial pour mobiliser les petits fermiers du Nord, marchands et ouvriers, qui se portèrent volontaire en masse pour combattre. Il s’attira aussi les foudres du parti Démocrate (le principal relais politique des esclavagistes) qui menèrent une farouche opposition raciste contre les ”Républicains noirs” comme ils les appelaient.

    Lincoln était un orateur talentueux qui savait se connecter avec un public allant du fermier à l’avocat. Nous en avons un aperçu au début du film de Spielberg, quand Lincoln parle avec deux soldats, un noir et un blanc.

    Les pensées et les actes de Lincoln découlent de l’intensification des conflits sociaux de l’époque, une pression de par en bas qui fut décisive pour le pousser à adopter de nouvelles réformes. Les esclaves eux-mêmes mirent la pression sur les leaders du Nord au fur et à mesure qu’ils fuyaient vers les lignes nordistes. Appelés ”contrebandes de guerre”, les esclaves fuyant étaient perçus comme des grévistes balayant le pouvoir économique du Sud. Les sentiments abolitionnistes ont aussi énormément grandi après le déclenchement de la guerre grâce à l’activisme des abolitionnistes.

    L’armée représentait l’une des sections les plus radicalisées des ouvriers et des fermiers du Nord. Cela ne ressemblait en rien à l’armée américaine actuelle qui est construite via une sélection dans les couches pauvres de la société. La guerre civile était une guerre politique et l’armée du Nord était politisée. Bien qu’il y avait une conscription, il y avait également des milliers de volontaires, car ils croyaient sincèrement qu’abattre le ”pouvoir esclavagiste” était crucial pour la lutte pour une meilleure société. Des membres des syndicat, des socialistes et d’autres radicaux jouèrent un rôle important dans la création et la formation de milices qui devinrent à part entière des régiments de l’armée du Nord. Les soldats du Nord votèrent en masse pour Lincoln aux élections de 1864.

    Les esclaves en lutte pour leur propre émancipation

    Dans une des scènes d’ouverture du film Lincoln, un soldat noir soulève le problème du traitement raciste des soldats noirs. Mais cela est surtout à prendre comme l’expression d’une tension entre les soldats noirs et les leaders blancs. Le film Glory, réalisé en 1989 explore beaucoup plus les tensions entre les dirigeants du Nord se battant pour préserver la force et les intérêts du Nord, voire pour leur carrière, et les soldats noirs se battant pour leur libération sociale. La lutte des esclaves pour leur propre libération fut une force motrice des événements qui poussèrent Lincoln à finalement abolir l’esclavage.

    Malheureusement, les personnages noirs dans Lincoln sont utilisés comme figurants sans vrais développement, dialogues ou influence. Il est troublant de voir qu’il n’y a dans ce film aucune mention ou portrait du leader abolitionniste afro-américain Frederick Douglass ou de l’esclave en fuite devenue leader et qui rejoignit les armées du nord, Harriet Tubman. Lincoln dut pourtant suivre les positions de Frederick Douglass dans la dernière année de sa vie sur les questions de l’esclavage, de l’après-guerre-civile et de l’affranchissement des noirs.

    Le film donne aussi la fausse impression que le Treizième Amendement (qui abolit l’esclavage) vient de Lincoln lui-même alors qu’il fut le fait de Républicains radicaux et d’abolitionnistes qui l’introduisirent en janvier 1864. Les Républicains radicaux étaient bien loin devant Lincoln en réclamant la fin de l’esclavage avec une égalité complète au-delà des races et un affranchissement politique, social et économique. Dans le film, les Républicains radicaux sont décris comme étant lâches et prêts à tous les compromis, alors que le compromis dont il est question dans le film fut l’un de ceux qui permit la destruction de l’esclavage. Ce type de compromis sont de ceux qui ont permis de faire avancer la lutte des opprimés. Rien à voir donc avec les compromis de Lincoln d’avant 1860 qui ont servi à maintenir l’esclavage!

    Le film Lincoln nous permet de ré-examiner le 16° président des États-Unis de façon critique. Cela nous fournit un aperçu des horribles conditions auxquelles les afro-américains et les travailleurs doivent faire face suite à la fin d’un système et de la période de reconstruction radicale qui s’en suivit, et de la montée rapide des États-Unis en tant que puissance capitaliste mondiale et impérialiste. Les luttes sociales massives durant la guerre civile ont amenées avec elles d’importantes problématiques qui sont toujours d’actualité aujourd’hui pour en finir avec l’oppression de classe, raciste, sexiste et homophobe aux États-Unis comme dans le reste du monde capitaliste.

    150 ans après l’abolition officielle de l’esclavage par l’Etat américain, les travailleurs restent encore et toujours les véritables agents d’un changement révolutionnaire dans l’histoire du monde. Ce que ce film occulte.

  • Depardieu : le héros misérable d’une droite décomplexée

    Gérard Depardieu n’avait pas joué dans “Prends l’oseille et tire toi”. Maintenant c’est fait. Mais c’est son plus mauvais film. L’exil fiscal du plus grand acteur français a pris des proportions burlesques tant ses prétextes transpirent la mauvaise foi.

    Par Jean (Luxembourg)

    Nous n’allons pas épiloguer sur les échanges de mots tendres entre Obélix et le premier ministre de la République gauloise. On se permettra simplement de relever le caractère versatile de ses sentiments nationaux. Son admiration pour le régime de Moscou et pour les pires dictateurs des quelques républiques voisines est consternant. Mais le monstre du grand écran n’est visiblement plus que l’ombre de lui-même et plus aucun sursaut de raison ne semble l’atteindre.

    A droite, l’itinéraire tortueux de l’enfant gâté provoque un certain malaise. Certains aimeraient que les héros de la Nation fassent preuve d’un peu plus de civisme, ou en tout cas de plus de discrétion dans leur évasion fiscale. D’autres en profitent pour dénoncer les excès d’une taxation “confiscatoire” tellement insupportable pour les “classes moyennes”. Notez quand même, avec 250 millions d’euros de fortune personnelle, il y a beaucoup plus moyenne que Gégé comme classe.

    D’un côté, on le comprend. La perspective de payer quelque 700.000 € sur ses 2 millions de revenus ne l’enchantent guère, surtout si l’on compare ce taux à ceux, ridiculement bas, des multinationales ou des grandes entreprises qui savent manier l’ingénierie fiscale et les constructions juridiques pour échapper à l’impôt. Et puis Depardieu ne fait qu’imiter un bon nombre de vedettes qui ont trouvé refuge en Suisse ou ailleurs. Nos héros belgicains ne font pas mieux : que l’on pense à Justine Hénin à Monaco ou à Jean-Claude Vandamme à Hong-Kong.

    Le vrai problème, c’est que les Etats se livrent une concurrence fiscale depuis des décennies, sans se donner aucune arme pour freiner la volatilité des richesses produites. Les disparités fiscales qui existent rien qu’à l’échelle européenne sont un non-sens économique. Mais personne ne veut vraiment s’y attaquer car cela représente une aubaine inestimable pour les capitalistes de tout poil. “Attrape-moi si tu peux”, c’est le message de tous les nantis aux contrôleurs fiscaux, aux Etats et à la solidarité. Car c’est bien de cela qu’il s’agit: l’impôt c’est la base d’une redistribution des richesses sans laquelle la vie en société est impossible.

    Le succès de la droite, c’est d’avoir réussi à dénigrer cette indispensable solidarité au nom de la poursuite “légitime” du profit maximal. Cette droite décomplexée ne supporte plus les incivilités en rue mais trouve toutes les excuses à ceux qui manquent cruellement de civisme lorsqu’ils doivent payer leurs impôts. Pourtant, le taux d’imposition atteignait 83% en Grande-Bretagne avant l’arrivée de Margaret Thatcher. Aux Etats-Unis, le taux sur la tranche supérieure a même atteint 91%! Et personne ne criait au scandale. Mais la vague néolibérale est passée par là, et aujourd’hui ceux qui ont construit leur fortune en s’appuyant notamment sur les largesses de l’Etat ne veulent plus partager.

    Le cas Depardieu n’est que le pitoyable sommet d’un iceberg, celui de la défiscalisation galopante à l’échelle mondiale. L’évasion fiscale anonyme et/ou invisible est des milliers de fois plus importante que celle des Depardieu et consorts.

    Mais ce qui est encore plus pitoyable, c’est la manière dont certains de ses amis montent au créneau pour le défendre. Tel Jacques Attali qui a déclaré dans l’Express : “Gérard Depardieu est mon ami. Depuis plus de vingt-cinq ans. Et il le restera toujours. Quoi qu’il dise. Quoiqu’il fasse.” Il a raison Jacouille, l’amitié ça ne se marchande pas. Surtout quand l’ami est riche et célèbre, il faut le garder… même s’il perd la raison. Et le docte Attali nous explique : “Gérard est un citoyen du monde, libre, provocateur, curieux de tout, détestant la médiocrité…” Bref Depardieu est un pic, une péninsule, un personnage hors normes et donc hors frontières nationales. CQFD. Attali n’en est pas à une fumisterie près et veut donc nous faire croire que Depardieu est le syndrome d’un “mal français”.

    Pourtant, Jacques Attali s’est fait le chantre d’une ‘gouvernance mondiale’ qui permettrait de réguler les dérives et les excès du Capital tout puissant (et accessoirement de mettre un frein à l’évasion fiscale). Lorsqu’on lui demandait comment y arriver, alors même qu’aucun gouvernement national ne semble vouloir faire le moindre pas dans ce sens, sa réponse était fulgurante : “Ah moi, je n’en sais rien, je vous dis simplement : si on continue comme ça on va droit dans le mur… Pour le reste, débrouillez-vous”. Jacouille est une vraie fripouille, il ne se laisse pas entraîner dans des discussions qui pourraient devenir trop concrètes. Ça ne nous dérange pas, car nous, nous avons quelques idées pour un gouvernement mondial et pour réguler la finance. A commencer par nationaliser les secteurs-clés de l’économie, saisir les fortunes des grands patrons, exercer un contrôle démocratique sur les banques… Bref, ne plus accepter de jouer les seconds rôles dans leur tragédie, mais prendre en main le scénario et le tournage. Action!

  • ‘‘The Dark Knight Rises’’

    “Une tempête approche”, déclare Selina Kyle / Catwoman (Anne Hathaway) pour avertir le milliardaire Bruce Wayne / Batman (Christian Bale) dans “The Dark Knight Rises”. ‘‘Quand elle frappera, vous vous demanderez tous, vous et vos amis, comment vous avez pu penser que vous pourriez vivre la grande vie en nous laissant vivoter par ailleurs.’’

    Laura Fitzgerald, Socialist Party (CIO-Irlande)

    Une grande citation, issue d’un film qui est bien plus qu’un film d’action et qui nous happe littéralement dès le début (la scène d’ouverture est à couper le souffle). Mais ce film est marqué par son époque, et en développe une vision très réactionnaire.

    Batman – le justicier milliardaire – a toujours eu un ton conservateur et le nouvel opus, le troisième realisé par Christopher Nolan, renforce cet élément. Le principal mauvais, Bane, menace l’avenir de Gotham City avec une sorte de mouvement révolutionnaire et une rhétorique basée sur la ‘‘libération des citoyens de Gotham’’. Certaines scènes font immanquablement penser au mouvement Occupy Wall Street tandis qu’une caricature de ‘‘Court de justice populaire’’ envoie à la mort les pauvres banquiers et milliardaires dépouillés de leurs richesses et privilèges.

    La lutte de Batman contre Bane, dans ce contexte, est un combat pour le retour à l’ordre d’antan, où la place de chacun dans la société n’est pas remise en question. Un peu comme l’espoir de la classe dirigeante de revenir à la situation qui prévalait avant l’éclatement de la crise économique. Le principal message délivré est que le chaos, l’anarchie et la violence sont irrémédiablement associés aux idées subversives qui remettent en cause le règne de l’élite. Hollywood choisit le statu quo !

  • ‘The Dictator’. Quand la réalité devient fiction…

    Avec son film ‘‘The Dictator’’, Sacha Baron Cohen n’a pas renvoyé Borat au Kazakhstan. Pourtant, la réalité dépasse la fiction dans ce pays. ‘‘The Dictator’’ semble être en tournée à travers le globe, disséminant ses conseils aux autorités critiquées. Voic quelques exemples issus de l’édition de juin de Lutte Socialiste. Depuis lors, nous pouvons ajouter celui de Bruxelles et de la répression brutale de la manifestation antifasciste du 17 juin dernier, en réaction à quoi se déroule aujourd’hui un rassemblement contre les violences policières.

    • Au Québec, une loi a été votée pour infliger des amendes aux participants de ‘‘manifestations illégales’’ comprises entre 5.000 et 50.000 dollars. Ainsi, le gouvernement libéral de Jean ‘‘The Dictator’’ Charest espère tenter de stopper le mouvement étudiant.
    • En Russie, l’amende pour participation à des ‘‘manifestations illégales’’ peut atteindre les 25.000 euros par participants et 37.500 pour les organisateurs. Vladimir ‘‘The Dictator’’ Poutine affirme froidement: ‘‘Nous devons protéger notre population contre les actions radicales’’ De toute évidence, ses services décident eux-mêmes si une manifestation est illégale ou pas. Au mois de mai, deux membres de notre organisation-sœur russe ont ainsi séjourné en prison pour avoir participé à une ‘‘manifestation non autorisée’’.
    • Plus près de chez nous, ‘‘The Dictator’’ est aussi présent. En préparation à une manifestation massive à Francfort le 19 mai dernier, une stricte interdiction de manifester a été imposée dans la ville. Dès le 18 mai, chaque rassemblement de personne sur la voie publique pouvait être arrêté. Les militants de l’étranger étaient interdits de séjour dans toute la ville.
    • Enfin, ‘‘The Dictator’’ est aussi présent chez nous. Nous avons déjà parlé le mois dernier de l’arrestation de plusieurs militants du PSL à Liège, et dans d’autres communes, diverses sanctions administratives ciblent maintenant les protestations. Dans toute la Flandre, il existe dorénavant les Gemeentelijke Administratieve Sancties (GAS), destinées notamment à lutter contre les gens qui ‘‘traînent’’ en rue. Nous sommes certains que Poutine pourra s’en inspirer…

    Nous nous opposons fermement aux attaques contre les droits démocratiques, notamment contre ceux de la liberté de manifester. Renvoyons ces violations des droits démocratiques aux écrans de cinéma !

  • Critique. The Hunger Games

    ‘‘L’homme est un loup pour l’homme’’, voilà comment pourrait être résumée la mentalité de ‘‘Hunger Games’’, qui parodie notre monde actuel.

    Les habitués des salles obscures ne sont pas étrangers aux mondes dystopiques et dérangés. L’année dernière sortait le frissonnant ‘‘Never Let Me Go’’ avec Keira Knightley et Carey Mulligan, et le mouvement Occupy et celui des Indignés ont redécouvert ‘‘V for Vendetta’’ (2006). ‘‘The Hunger Games’’, adaptation du premier épisode de la trilogie de best-sellers pour adolescents créée par Suzan Collins, n’a donc rien d’exceptionnel ou de particulièrement novateur. Néanmoins, l’attraction engendrée par l’héroïne bagarreuse Katniss Everdeen, incarnée avec subtilité et intelligence par Jennifer Lawrence, la mise en avant de thèmes tels que l’inégalité extrême, le manque de démocratie, la dictature, les tabloïds dépravés, la téléréalité,… fait écho avec une force insoupçonnée à nombre des thèmes du mouvement Occupy.

    Par Laura Fitzgerald, Socialist Party (CIO-Irlande)

    Cette vision du futur de notre monde est terrifiante. Chaque année, les Hunger Games sont organisés par l’élite dominante, et deux jeunes gens (les ‘‘tributs’’), sélectionnés chacun des 12 districts qui divisent les USA, sont forcés de se battre à mort, lâchés dans la nature, dans un répugnant jeu télévisé. Seul le dernier survivant gagne. Le prix ? Richesse et prestige. Katniss, de par sa vertu et sa profonde humanité, devient le symbole d’un potentiel changement, en devenant le premier tribut volontaire aux Hunger Games, en remplacement de sa jeune soeur qui avait été choisie.

    Fille de mineurs d’un district désespérément pauvre, Katniss est confrontée aux habitants les plus riches durant son entraînement aux Hunger Games, qui promettent une mort inévitable à tous sauf un. Katniss, perplexe, se voit entièrement épiler et teindre le corps et les sourcils pour une interview avec un présentateur de jeu télévisé malsain. Le fait que la beauté de Katniss est bien plus prononcée sans tous ces fards destinés à l’objectif pervers des caméras voyeuristes n’a rien d’une coïncidence.

    Katniss, dont la mort du père dans un accident minier a fait d’elle la seule source de revenus de sa famille, est une survivante. Son innocence et son talent durant les Hunger Games se mêlent de manière touchante à la solidarité humaine dont elle fait preuve lorsqu’elle se lie d’amitié avec une jeune tribut noire.

    L’apparence et les costumes ont une valeur symbolique dans le film. L’apparence presque grotesque des citoyens les plus riches, habillés d’une manière ostentatoire et couvert de maquillage clownesque, est faite pour renforcer le contraste entre la richesse et la pauvreté extrêmes. Les riches apparaissent colorés mais ridicules, et les pauvres, dans leurs haillons bruns et gris, semblent accessibles et humains. L’attente de la classe dirigeante d’un esprit de lutte effrénée pour la vie durant les Hunger Games parodie le monde d’aujourd’hui dominé par le système capitaliste accablé par la crise, où l’austérité et sauvagement imposée peu importe le coût humain.

    On apprend que l’horrible système dictatorial que le film dépeint s’est établi à la suite d’une rébellion réprimée. La participation de Katniss aux Hunger Games redonne ainsi une lueur d’espoir au peuple. L’obligation pour Katnisse de feindre une relation amoureuse afin de mettre à bas le système va sans doute la freiner. Cela reflète la difficulté qu’éprouvent les jeunes à développer leur propre identité, ainsi que celle de forger des relation humaines positives dans un monde dominé par la corporation des médias qui impose par la force des idées toutes faites sur la beauté, le rôle des genres, etc. Une question pourtant s’impose : Katniss pourra-t’elle déclencher une rébellion ? A suivre…

  • [FILM] Moi, Michel G, Milliardaire, Maître du monde

    “Depuis que je vous parle, un grand patron français vient de gagner 1.000 euros, uniquement en dividendes. Et Oui. En une minute.” Le ton est directement donné, on est loin de la comédie franchouillarde avec ce faux documentaire sur un patron du Cac 40, Michel Ganiant. ‘‘Bienvenue dans le monde merveilleux du néolibéralisme. Manque de bol, c’est aussi le vôtre’’.

    Par Nicolas Croes

    En 1989, dans son premier film-documentaire ‘‘Roger and me’’, Michael Moore essayait (en vain) de rencontrer Roger Smith, le patron de General Motors, pour lui demander de venir à Flint voir les dégâts causés par son plan de restructuration. C’est un peu la même chose ici, sauf que le patron accepte de rencontrer le réalisateur et lui permet de le suivre avec son équipe de tournage, poussé par son ego et par l’opportunité de voir un de ses ‘gros coups’ passer à la postérité. Le réalisateur, Joseph Klein (de ‘‘No Pasaran Productions’’…), passe donc de l’autre côté de la barrière… Petit clin d’œil, Joseph Klein, c’est aussi le nom d’un machiniste américain du Wisconsin du début du XXe siècle, militant socialiste et même un temps élu membre de l’Assemblée d’Etat.

    Après la crise économique, la mode est à la transparence, au ‘‘retour à un capitalisme éthique’’. Michel Ganiant se veut représentant de cette transparence. Né en mai 1968, il est le fruit de ce monde néolibéral qui a pris son essor après 1989 et l’effondrement du stalinisme. Il est la caricature du patron sans état d’âme, profite des aides à l’emploi pour licencier après, promet aux syndicats ce qu’il trahit le lendemain, est raciste, sexiste,… Sa soif de profit est insatiable. Mais par son biais, le film dévoile un système, un système où il y a fort peu de différences entre les prétendus ‘‘vieux capitalisme industriel’’ et ‘‘capitalisme financier’’, un système où la justice, les politiciens et les patrons sont d’un même milieu décadent où ‘‘être quelqu’un, c’est connaître tout le monde’’, un système où l’on collabore activement avec les dictatures, mais toujours sous le prétexte de ‘‘faire avancer la démocratie’’.

    Finalement, nous assistons à la chute de Michel Ganiant, puis à son grand retour après un bref temps en prison avec la sortie d’un livre ‘‘Pour un capitalisme à visage humain’’, qui lui a surtout servi de levier pour créer un fond spéculatif basé sur le développement durable… Dernière référence à ‘‘Roger and me’’, qui se terminait par la chanson ‘‘What a wonderfull world’’ de Louis Armstrong, le film se termine ici par la version de Joey Ramone (considérablement plus pêchue), sur fond d’images d’exploitation dans les usines du monde néocolonial comme des pays capitalistes développés mais aussi de manifestations, de grèves, indiquant – peut-être de façon trop douce – la voie à emprunter pour en finir avec tous les Michel Ganiant du monde. En bref, un bon film, drôle, aux dialogues savoureux, qui dénonce le système et qui est un appel à poursuivre la lutte contre lui.

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