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  • Crise covid : ce n’est pas un complot, c’est le capitalisme

    Après plus de 6 mois de gestion calamiteuse de la crise sanitaire, la méfiance s’est installée. A la mi-août, 35% des Belges adhéraient aux mesures sanitaires contre 81% pendant le confinement. Toute une série d’explications farfelues à caractère complotiste ont fleuri, une confusion qui n’aidera pas celles et ceux qui voudraient transformer leur colère en action.

    Par Clément (Liège), article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Sur les réseaux sociaux, Bill Gates est accusé d’être tout à la fois derrière l’apparition du virus et la création du vaccin ; la technologie 5G est accusée de propager le virus ou, combinée au vaccin, d’agir comme moyen de contrôle pour renforcer la mainmise d’une « oligarchie agissant dans l’ombre », etc.

    Ces théories tentent d’expliquer une situation en extrapolant à partir de fragments de vérité. Oui, Bill Gates et est un milliardaire cynique. Oui, la 5G est déployée précipitamment et quasi sans étude d’incidence, pour répondre à des intérêts économiques et géopolitiques. Ces théories laissent toutes de côté la nature-même du capitalisme et ignorent la capacité de ce dernier à tirer profit de chaque crise. Ces thèses complotistes sous-estiment la bourgeoisie qui, en tant que classe sociale dominante, défend ouvertement ses intérêts et non en tant que groupes secrets de conjurés.

    Que l’attitude des dirigeants suscite de la défiance, c’est compréhensible et légitime. Selon la logique des mesures des autorités, le virus épargnerait les entreprises et les bus bondés pour ne sévir qu’entre proches et amis durant les loisirs. On nous répète qu’il faut « apprendre à vivre avec le virus », mais sans apporter les moyens matériels et humains nécessaires pour pouvoir le faire : en réduisant la taille des classes, en multipliant le nombre de bus, en engageant du personnel d’entretien supplémentaire, en assurant des testings systématiques dans les entreprises où des foyers de contagion se déclarent1, etc.

    Les théories du complot nous désarment pour faire face cette situation. Leur fatalisme et leur déconnexion par rapport aux rapports sociaux réels empêchent celles et ceux qui y souscrivent d’indiquer une voie pour aller de l’avant. En bref, elles ne sont pas un facteur de lutte collective.

    Or c’est de cela dont nous avons besoin pour renverser la vapeur et transformer ce système en profondeur : d’une lutte collective des jeunes et des travailleurs pour arracher le contrôle des leviers politiques et économiques des mains de la classe capitaliste, et enfin pouvoir répondre pleinement aux besoins des travailleurs et de leur famille.

  • Combattre sérieusement le coronavirus exige de mobiliser les moyens nécessaires !

    Photo : Pixabay

    La logique de marché est incapable de nous protéger

    Qui comprend ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas ? La bulle a disparu pour faire place à quelque chose qui ressemble à une bulle mais qui n’en est pas une. Plusieurs universités ont demandé à leurs étudiants de ne pas suivre ces assouplissements et, parmi les experts qui conseillent les autorités, le mécontentement est croissant. Le professeur Devroey (VUB) déclarait après les annonces du 23 septembre : ”C’est comme si on se moquait du secteur des soins de santé”. Les gens en ont marre du virus mais aussi du manque de clarté et des institutions en général. Mais en attendant, le virus n’est toujours pas sous contrôle. Deux semaines à peine après l’assouplissement des mesures, le nouveau gouvernement a dû annoncer un durcissement : les cafés seront fermés plus tôt (complètement dans la région bruxelloise dès aujourd’hui) et nous ne pourrons avoir que trois contacts proches en dehors de la famille. Rien ne changera sur les lieux de travail.

    La vie de tout le monde a été bouleversée ces derniers mois. Soudain, notre vie sociale a été soumise à d’importantes restrictions et nos conditions de travail ont changé. Dans un tel contexte, il serait logique de mobiliser immédiatement toutes les ressources disponibles pour combattre le virus. Cela ne s’est cependant pas produit. La raison ? Les autorités ne voulaient notamment pas s’opposer aux intérêts de l’industrie pharmaceutique et ne voulaient pas, de surcroît, admettre trop ouvertement que la politique d’austérité menée dans les soins de santé depuis des années était désastreuse.

    En bref : leur approche ne partait pas de ce qui était nécessaire pour combattre sérieusement le virus. Elles sont parties de ce qui était possible en respectant les contraintes du capitalisme. La plupart des experts se sont ralliés à cette idée, en espérant tout de même stopper la propagation du virus autant que possible. C’était insuffisant et, de plus, cela a nourri la méfiance autour des mesures sanitaires. Comment justifier que vous êtes autorisés à avoir des contacts avec un groupe important de personnes au travail, mais pas dans votre vie sociale ? L’enchevêtrement d’annonces où le Conseil national de sécurité a contredit ce que les experts proposent a ruiné le dernier vestige de confiance dans les mesures proposées.

    Dès le début de la crise sanitaire, nous avons souligné que le soutien aux mesures sanitaires est plus important lorsque de larges couches de la population en voient l’utilité. Cela nécessite une participation démocratique pour déterminer ces mesures et lutter contre la crise sanitaire. Mais les autorités ont fait la sourde oreille. Lorsque le personnel de santé a manifesté à Bruxelles le 13 septembre dernier, c’est la police qui a été envoyée ; les matraques ont remplacé les applaudissements. Sur de nombreux lieux de travail, les mesures sanitaires ont été élaborées par des comités de crise ou des “task forces” sans que le personnel et leurs délégués n’y soient associés.

    La crise sanitaire a mis sous pression le secteur des soins de santé, le personnel est épuisé. Il est urgent de répondre à leurs besoins pour lutter sérieusement contre la crise. Cela implique d’investir immédiatement et massivement dans le secteur des soins de santé en recrutant du personnel supplémentaire. L’ensemble du secteur doit être entre les mains du public afin de mettre un terme à la marchandisation des soins. La crise sanitaire se poursuivra jusqu’à ce qu’un vaccin puisse être distribué à une échelle suffisamment grande. Doit-on laisser cela à des multinationales uniquement motivées par leurs profits ? Ou bien devons-nous faire de l’ensemble du secteur pharmaceutique un secteur public, afin qu’un contrôle et une gestion démocratiques soient possibles ? La coopération dans l’ensemble du secteur accélérerait le développement d’un vaccin efficace. Le personnel sait ce qui est nécessaire pour développer une production de masse à court terme.

    L’absence d’une approche planifiée exacerbe les conséquences de la crise sanitaire. Il a fallu des mois pour obtenir les masques et même après plus de six mois, il n’est pas possible de réaliser des tests rapides à grande échelle. Cependant, tant qu’il n’y a pas de vaccin, c’est la seule façon d’éviter des mesures très restrictives. Si nous laissons l’initiative au marché capitaliste, le même chaos dominera la diffusion d’un vaccin. Se concentrer sur notre santé signifie rompre avec la logique du profit et donc du capitalisme.

  • Colombie : nouvelle vague de protestation contre les meurtres policiers

    Le soir du 8 septembre, la police a assassiné un habitant de Bogota, Javier Ordoñez. Une vidéo de son assassinat brutal, alors qu’il était tazé à dix reprises, s’est rapidement répandue, provoquant une colère généralisée en Colombie. Ce meurtre s’ajoute aux 61 autres massacres perpétrés jusqu’à présent en 2020 par la police, alors que plus de 152 dirigeants syndicaux et de mouvements sociaux ont été assassinés de même que plus de 200 anciens membres des FARC tués après leur retour à la vie civile.

    Par David Sanz Villamil, SAV (ASI-Allemagne)

    Dans les jours qui ont suivi, des mobilisations militantes contre les violences policières ont éclaté. Ces événements présentent une grande similitude avec les protestations contre les violences et les meurtres policiers aux États-Unis. La réponse de la police colombienne a été encore plus violente qu’aux États-Unis.

    Ce n’est pas le premier cas où les forces de police colombiennes ont dépassé les limites durant la pandémie, sans parler des nombreuses fois où elles l’ont fait auparavant. Mais la cruauté affichée dans la vidéo, ajoutée aux dizaines de situations de même nature qui ont été divulguées et combinée à la misère croissante ainsi qu’à la démission du gouvernement expliquent le caractère de masse des mobilisations contre la police de Bogota qui ont commencé immédiatement après ce meurtre.

    Les 9 et 10 septembre, les manifestants ont refusé d’obéir aux ordres des autorités de se disperser. La police a réagi avec une force excessive à la simple présence des manifestants dans les rues, divers rapports faisant état de 13 morts et de plus de 200 civils blessés, dont 72 par balles. Trois femmes ont été enlevées et violées dans des commissariats de police et on ne peut que se demander à qui elles vont s’adresser pour porter plainte concernant ces horribles incidents. Les manifestants ont résisté à la présence de la police et auraient blessé 194 personnes et brûlé 45 petits postes de police, connus en Colombie sous le nom de CAI, à travers Bogota, la capitale du pays.

    Des vidéos et d’autres preuves ont révélé les actions de la police. La police a tiré avec des armes à feu d’un modèle non conforme au lieu d’utiliser ses propres armes, de sorte qu’il était impossible de remonter jusqu’à eux. Des agents provocateurs déguisés et armés ont été envoyés dans la foule pour créer un chaos généralisé et justifier l’usage excessif de la force. Il n’y a aucune excuse acceptable pour que la police tire à balles réelles sur les manifestants, que ce soit avec des armes conformes ou non.

    Une police irresponsable

    Les forces gouvernementales sont incontrôlables de puis longtemps. La police colombienne fait partie du ministère de la défense et non des ministères de la justice ou de l’intérieur. Cela permet à la police d’être jugée par les tribunaux militaires spéciaux, au lieu des tribunaux civils ordinaires. Cela ne respecte pas la constitution colombienne, qui déclare que la police est une institution civile. De nombreux pays souffrent toutefois d’abus policiers alors que la police a un caractère civil, ce qui indique que la solution doit dépasser le simple respect de la constitution.

    Le problème de la responsabilité de la police va au-delà de la manière dont ses actions sont jugées, car il est tout simplement très rare qu’elles soient jugées en premier lieu. Tout comme dans beaucoup d’autres pays, le gouvernement dépeint les policiers comme des héros de la patrie et des protecteurs de la communauté, ce qui contraste fortement avec la réalité et la fréquence des violences et des abus qu’ils font subir à la population.

    Mais même en tenant compte des traditions des autorités colombiennes, le gouvernement de droite d’Iván Duque est allé au-delà de l’éloge et de la défense des forces de “l’ordre”. Le président Duque a déclaré que les forces de police “ont gagné le cœur des Colombiens grâce à leur culture du respect et de la bravoure” après la mort de Javier Ordoñez, ce qui ne peut guère être interprété autrement que comme une moquerie au regard de l’histoire de cette institution.

    Le ministre de la défense, Carlos Holmes Trujillo, est allé plus loin en excusant de manière préventive les excès commis par les policiers lors des manifestations, affirmant que les manifestations ont un caractère systématique et ont été infiltrées par des membres de la guérilla de gauche et des groupes anarchistes et terroristes ne cherchant qu’à provoquer violence et destruction.

    Comme il est d’usage dans la rhétorique de droite, Javier Ordóñez a déjà été déclaré persona non-grata à titre posthume par les réactionnaires colombiens, son alcoolisme le privant de son droit à un procès équitable. Il rejoint ainsi la longue liste des victimes d’abus des forces armées, dont Dylan Cruz, tué l’année dernière dans une manifestation d’un coup de feu à la tête, action justifiée par son vandalisme présumé. Le viol de trois adolescentes indigènes par des soldats a été justifié par l’affirmation dégoûtante que ces filles étaient à la recherche d’aventures sexuelles. Au cours de la répression brutale du début des années 2000, 10.000 jeunes hommes ont été assassinés par l’armée, qui a prétendu à tort qu’ils étaient des guérilleros.

    2020 : Une année de malheur pour la classe ouvrière

    L’explosion de colère populaire est enracinée dans la situation colombienne. Alors qu’un confinement réussi a entravé les premiers effets de la pandémie COVID-19, le gouvernement n’a pas voulu agir pour endiguer la hausse du chômage et la baisse des opportunités d’emploi dans une économie nationale essentiellement informelle, ce qui a placé le peuple colombien dans une situation désastreuse.

    L’un des pays les plus fertiles du monde – rarement, voire jamais, frappé par la famine – a vu beaucoup de ses citadins souffrir de la faim exclusivement parce qu’ils n’avaient plus d’argent pour acheter des provisions afin de subvenir aux besoins de leur famille. Des serviettes rouges sont accrochées aux fenêtres lorsque des personnes en difficulté appellent à l’aide leurs voisins. Il n’est pas très surprenant que les mesures strictes de confinement auxquelles s’opposent les personnes qui ont désespérément besoin de travail et les vendeurs de rue dans tout le pays aient été le prétexte de brutalités policières répétées.

    Les appels à un “revenu de base” ont été largement ignorés par le gouvernement, et le peu qu’ils ont donné – sous la forme d’une prime unique aux plus pauvres du pays correspondant à la moitié du salaire minimum – était insuffisant pour une personne isolée, encore plus pour une famille.

    Si la violence généralisée n’a jamais vraiment disparu, elle s’est accélérée cette année, avec la longue liste de massacres visant particulièrement les militants sociaux, écologistes et syndicaux ainsi que les anciens membres des FARC.

    Une longue histoire de violence d’Etat

    L’ancien président Álvaro Uribe Vélez, de 2002 à 2010, était un populiste de droite qui a privatisé des pans entiers de l’économie et mené une guerre brutale contre les guérillas avec un recours généralisé aux escadrons de la mort militaires et surtout paramilitaires. Les soldats recevaient des primes pour les guérilleros qu’ils tuaient. L’armée a tué des milliers d’innocents en réclamant des primes. Uribe commentait “s’ils ont été tués, ce n’est pas pour avoir été chercher du café”. Uribe était populaire auprès du président américain George W Bush, qui l’a félicité pour sa “guerre contre la drogue”, bien qu’il soit soupçonné d’être impliqué dans ce trafic de drogue et alors que la Colombie est restée au centre de la production de cocaïne.

    Son successeur, le président Santos, a négocié un accord de paix avec les guérillas. Cependant, son successeur, l’actuel président, Iván Duque Márquez, est un protégé d’Uribe et n’a pas poursuivi le processus de paix. Au lieu de cela, des escadrons de la mort paramilitaires de droite parcourent à nouveau les terres en grand nombre, en particulier dans les régions anciennement contrôlées par les FARC, et les enlèvements et les menaces de “nettoyage social” deviennent systématiques dans de nombreuses communautés rurales et petites communes dont les membres sont soupçonnés d’avoir des penchants de gauche.

    Les promesses d’alternatives à la production de coca dans les campagnes ont eu pour résultat, au mieux, des efforts anémiques. Les efforts d’éradication de la coca, qui impliquent souvent des pulvérisations aériennes de glyphosate qui empoisonnent l’eau et provoquent des maladies, n’ont jamais vraiment cessé pendant les périodes de pandémie, opposant la population rurale à la police et aux forces militaires.

    La droite a intensifié sa violence après qu’Uribe ait été assigné à résidence en août, accusé de corruption et de falsification de témoins. La réponse d’Uribe a été d’appeler à la résistance nationale contre le “virus de la jeunesse des FARC” et les juges.

    Les forces militaires ont été utilisées pour soutenir la police dans la répression à Bogota, car les frontières entre la police et l’armée sont floues. On ne peut s’empêcher de se demander si l’État a déclaré la guerre à la classe ouvrière pour qu’une telle action ait lieu.

    Le vieil adage selon lequel il ne faut pas gâcher une crise était à l’esprit de Duque pendant cette pandémie, car il a saisi cette occasion pour instaurer l’état d’urgence dans le pays et commencer à lancer des décrets sans participation des autres branches du gouvernement.

    Parmi ces décrets figurent la permission accordée au personnel militaire américain de se rendre en Colombie, de multiples allégements fiscaux pour les entreprises du secteur privé et des prêts généreux pour les grandes entreprises et les propriétaires terriens. Les décrets qui bénéficieraient directement à la population générale étaient rares et l’un d’entre eux est tristement célèbre pour ne pas avoir été signé correctement par les ministres, qui n’ont pourtant eu aucun problème à signer les autres.

    Ces actions ont été facilitées par le fait que le parti Centro Democrático (CD), fondé par Uribe, a réuni une coalition majoritaire au Sénat, et que ses membres, qui sont également des amis personnels du président, occupent les sièges de procureur de l’État, d’avocat de l’État et de “défenseur du peuple”, qui sont chargés de surveiller le comportement du président et de ses ministres.

    Avec ces événements et bien d’autres, il n’est guère surprenant que la frustration refoulée de la population ait produit une puissante réaction aux abus flagrants commis par les forces de l’État.

    La résistance sociale

    Le peuple colombien a résisté aux gouvernements de droite. Lors des élections régionales, le parti de Duque a subi des défaites embarrassantes, notamment dans les deux plus grandes villes, Bogota et Medellín. Duque a cependant continué à mener sa politique.

    En novembre, une grève nationale a été déclenchée par les comités syndicaux nationaux et de nombreux groupes d’opposition, dont certains présents au parlement. Le “Comité pour la grève nationale” a clairement appelé à s’opposer aux institutions impérialistes financières et de développement. Les revendications comprenaient l’opposition aux attaques contre la législation du travail, contre les impôts, contre les pensions et contre les services publics, des attaques qui allaient toutes signifier une augmentation ud coût de la vie pour les travailleurs et les pauvres. Il s’agissait également de s’opposer à la constitution d’un conglomérat des plus grandes institutions financières et de l’État.

    Même si les objectifs de la grève n’ont pas été atteints, il s’agissait des plus grandes manifestations antigouvernementales en quatre décennies, entre novembre 2019 et janvier 2020. Elles ont effrayé le gouvernement et l’ont incité à reporter ses attaques contre le mouvement ouvrier. Des débrayages et des manifestations ont eu lieu dans tout le pays, dans tous les grands centres urbains. Ils ont été accueillis par une forte répression policière et les rapports faisant état de l’activité d’agents provocateurs ont accru l’indignation populaire alors que les principaux médias, absolument en accord avec le gouvernement, essayaient de délégitimer les protestations.

    Le couvre-feu et le confinement lié à la pandémie ont mis sur pause les manifestations. Aujourd’hui, six mois après la fin de ce mouvement, la poudrière du mécontentement social a explosé sous la forme d’une mobilisation contre les abus de la police.

    Quelles sont les revendications populaires ?

    Ce mouvement n’a pas d’organisation claire et il n’y a pas de groupe de dirigeants précis à sa tête. Il s’agit d’une expression spontanée de l’indignation populaire. Pourtant, certains appels ont résonné sur les médias sociaux. Une chose est claire : les gens veulent une réforme de la police.

    Trois choses spécifiques ont été fréquemment mentionnées dans ces protestations ainsi que dans les mouvements passés : l’appel à l’abolition de l’Escadron mobile anti-perturbation (ESMAD) qui possède des véhicules militaires et constitue la partie la plus répressive de la police, la démilitarisation générale des forces de police (en interdisant à la plupart d’entre elles de porter des armes à feu et en limitant les types d’armes à feu auxquelles elles ont accès) et le transfert des institutions policières au ministère de l’intérieur afin que le système spécial de justice militaire ne couvre pas leurs abus.

    Le gouvernement ne cédera pas à ces exigences et l’indignation populaire contre le gouvernement et la police semble augmenter de jour en jour. Des manifestations de masse ont lieu dans les grandes villes comme Medellín et Carthagène. Le Comité national de grève a appelé à des manifestations dans tout le pays. Il est probable que les revendications s’étendent au-delà de la réforme de la police, avec des appels à une certaine forme d’allocation de secours pour les masses et un renversement de nombre des récentes attaques contre la classe ouvrière, qui bénéficient d’un soutien populaire accru.

    La situation du plus grand allié des États-Unis en Amérique du Sud devient de plus en plus instable, le gouvernement de droite et ses alliés perdent leur crédibilité à un rythme sans précédent. Cela n’a pas empêché Mike Pompeo, le secrétaire d’État de Trump, de faire l’éloge de Duque lors d’une récente visite sans dire un seul mot au sujet des violations des droits humains en Colombie. Le remarquable soutien des Etats-Unis à la Colombie dans la prétendue guerre contre le trafic de drogue a été accueilli avec ridicule par le peuple colombien, bien conscient que la Colombie est le plus important producteur de cocaïne au monde et les Etats-Unis le plus gros acheteur.

    Le soutien populaire à Gustavo Petro, candidat de gauche à la présidence de l’année dernière, est à son plus haut niveau mais la confiance dans le processus électoral s’est effondrée. Une chose que beaucoup de gens craignent dans cette situation est une plus grande répression de la part du gouvernement actuel pour compenser sa perte de contrôle sur la situation. Il y a également un risque de fraude électorale pour les prochaines élections. Si Petro était élu, il serait le premier président de gauche de l’histoire de la Colombie, et il ne fait aucun doute que la réaction ne perdrait pas de temps à se battre pour rendre son gouvernement aussi inefficace que possible.

    Une chose est sûre : La Colombie est plongée dans une crise sociale et économique qui ne peut que s’aggraver, une crise sans issue capitaliste. Le besoin de construire un soutien pour une alternative socialiste, au sein des mouvements de masse des travailleurs, des jeunes et de tous les opprimés, lié à une lutte sur tout le continent pour une fédération socialiste de peuples libres, n’a jamais été aussi grand.

    Il est à noter que les gouvernements du monde entier n’ont pas critiqué les meurtres et les massacres en Colombie. Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) se bat pour mettre en évidence l’hypocrisie des gouvernements qui parlent des droits humains dans certains pays mais pas dans d’autres, dans la lutte pour une véritable solidarité internationaliste de la classe ouvrière.

  • AB-Inbev : grève contre la gestion criminelle de la crise sanitaire par la multinationale

    Seuls les travailleurs peuvent protéger les travailleurs

    En septembre, le site d’AB Inbev à Jupille (Liège) a été touché par une grève initiée par la délégation FGTB qui a duré plus d’une dizaine de jours. Leur revendication ? Tout simplement travailler dans des conditions de travail sûres. Plutôt que de reconnaître la légitimité des revendications des grévistes, la multinationale brassicole n’a pas hésité à envoyer des huissiers aux domiciles des travailleurs pour menacer de saisir leurs meubles tandis que des grévistes ont reçu des astreintes qui ont été jusqu’à 11.000 euros pour le délégué principal !

    Les grévistes avaient débrayé à la suite de la détection d’un foyer de Covid au sein d’un département logistique : une dizaine de travailleurs s’étaient retrouvés infectés dont deux ont été hospitalisés dans un état grave. Cette situation découle directement de la politique criminelle du profit d’abord. Lorsque la direction a connu les premiers cas, elle n’a pensé qu’à la sauvegarde de ses profits et a dissimulé la vérité et à cacher diverses informations. Elle a refusé de procéder à un tracing et les travailleurs qui avaient été en contact avec les cas positifs ont continué à travailler et à contaminer leurs collègues malgré eux. Ensuite, la direction a intimidé les grévistes en leur envoyant des sms, en leur téléphonant à leur domicile pour les pousser à reprendre le travail ainsi qu’en s’appuyant sur des huissiers pour briser la grève.

    De son côté, la FGTB-Horval exigeait que les mesures nécessaires soient enfin adoptées pour stopper la propagation du virus dans l’entreprise de même que l’écartement, pour le site de Jupille, de la directrice des ressources humaines et du conseiller en prévention.

    La solidarité ouvrière

    Ce fut un conflit très dur, mais la délégation s’est notamment constituée autour de luttes telles que celle de 2010, une grève de 17 jours contre des licenciements, en plein hiver, qui s’était conclue par une victoire. C’est à cette occasion qu’une banderole « InBev 1st Social Killer » avait été produite, qui trônait au piquet 10 ans plus tard.

    Les différents sites d’AB Inbev se sont montrés solidaires, un développement assez récent dans les conflits liés à cette entreprise. Ainsi, les dépôts d’Ans, de Jumet et d’Anderlecht de même que les brasseries de Louvain et Hoegaarden se sont mis à l’arrêt en soutien aux grévistes de Jupille.

    Quant au piquet de Jupille, tenu jour et nuit, il a connu des visites de solidarité de la part du PTB, du PSL, de la CGSP, et de délégations de la sucrerie d’Awans, de Biowanze, de la FN-Herstal, de la TEC,… Une motion de solidarité a été adoptée par la CGSP-ALR (Administrations locales et régionales) à Bruxelles qui déclarait notamment : « Ils méritent le soutient des travailleurs du secteur public qui ont eux aussi été victimes des manquements de l’autorité publique. Mais AB Inbev n’est que le sommet de l’iceberg. Car combien d’employeurs respectent aujourd’hui les mesures de sécurités suggérées par le Conseil National de Sécurité ? »

    Finalement, la direction a accepté de prendre des mesures (installation de plaques de plexiglas,…) et de travailler à un nouveau protocole sanitaire avec la délégation FGTB, négociation à laquelle ne participeront pas la directrice RH et le conseiller en prévention, qui n’ont toutefois pas été démis de leurs fonctions.

    Si une chose a bien été démontré par ce conflit, c’est que nous ne sommes pas « tous dans le même bateau ». Pour les actionnaires, les travailleurs sont sacrifiables pourvu que la production et les profits continuent. Le nouveau protocole sanitaire défendu par la FGTB-Horval peut constituer un exemple pour lancer une campagne et des luttes dans les autres entreprises. C’est avant tout par le travail que le virus se propage, les organisations syndicales doivent prendre les leçons de cette grève au sérieux (notamment l’efficacité des grèves de solidarité) pour assurer la défense de chaque travailleuse et de chaque travailleur.

  • [DOSSIER] La riposte à la pandémie entravée par le capitalisme

    Depuis le début de la crise sanitaire, divers articles ont souligné à quel point les pandémies sont favorisées par les contradictions du système de production.(1) La pandémie de SARS-COV-2 provient elle-même de ces contradictions, mais elle est également un facteur qui aiguise les contradictions du système capitaliste. Pour y faire face, les outils nécessaires à la résolution de la crise sanitaire sont embourbés dans une logique de concurrence qui affecte sérieusement leurs efficacités.

    Par Alain (Namur)

    La crise d’autorité de la science

    Nous avons atteint un niveau de connaissances scientifiques et techniques inégalé dans l’histoire de l’humanité. Cela nous permet de décrire avec plus de précision le monde qui nous entoure mais aussi de faire des prévisions dans un ensemble de domaine des sciences naturelles. Plusieurs scientifiques avaient averti à l’époque de l’émergence du SRAS qu’il y aurait d’autre virus de la famille des coronaviridae qui émergeraient. En dépit de ces avertissements, la logique de l’austérité a entrainé la diminution des budgets de la recherche sur ces questions. En Belgique, cela a même conduit à la décision irrationnelle de destruction de stocks publics de masques qui auraient été bien nécessaires en début de crise.

    Dans sa phase ascendante, le capitalisme s’est basé sur le développement des sciences et de la technique lors de sa lutte contre l’ancien régime, le féodalisme. La classe bourgeoise désirait tout soumettre au règne de la raison. Des philosophies comme le positivisme, au XIXe siècle, reposaient sur une confiance totale et idéaliste envers la science et à son développement pour résoudre l’ensemble des problèmes de l’humanité. Nous sommes aujourd’hui bien loin de cette période. La vérité scientifique est considérée par une partie de la bourgeoisie comme une entrave à son accumulation de capital. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les discours climato-négationniste de populistes de droite comme Trump.

    La crise d’autorité qui affecte toutes les institutions bourgeoises : partis, médias, démocratie représentative,… affecte aussi l’institution scientifique et toutes celles et ceux qui la représente. Plusieurs villes de par le monde ont connu des manifs anti-masques. Sur les réseaux sociaux, les groupes antivax opposés aux vaccins qui existaient déjà ont trouvé une nouvelle jeunesse autour de l’idée que le futur vaccin contre le covid-19… ‘‘aurait une puce qui réagirait avec la 5G pour tracer les gens’’ ! Ce genre d’affirmations irrationnelles est évidemment un problème en temps de crise sanitaire, mais il n’est que la résultante du fait que la bourgeoisie manque de crédibilité d’une part et que celle-ci a d’autre part elle-même affaiblit son propre crédit puisque certaines couches en son sein défendent des notions telles que la ‘‘post-vérité’’ ou encore les ‘‘faits alternatifs’’ chers à l’alt-right (droite alternative) aux USA.

    La course contre la montre au lieu de la coopération

    A la date du 31 juillet 2020, l’OMS recensait 165 projets de recherche sur les candidats vaccins contre le coronavirus. 26 étaient en phase clinique c’est-à-dire en test sur l’humain et 5 étaient en dernière phase de test avant la demande d’autorisation de mise sur le marché (Le Soir du 07/08/20). Cette course est évidemment source de spéculation.

    Une des sociétés qui fait la course en tête, la biotech Moderna, est valorisée à 30 milliards de dollars alors que son chiffre d’affaire de 2019 n’était même pas de 60 millions. On le voit, certains capitalistes considèrent la crise comme une opportunité de spéculer. Le vaccin est considéré comme une marchandise cotée en bourse et non pas un outil de santé public. Cela génère la méfiance auprès de nombreux patients et, d’autre part, cela génère du gaspillage de ressources et de temps qui serait mieux utilisés dans la coopération. En effet la science progresse par la discussion transparente, collective et ouverte sur base d’expériences et de résultats.

    En parallèle à la concurrence économique entre les entreprises du secteur pharma et dépendant, entre autre, de celle-ci, il y a la concurrence entre blocs économiques. Dès le début de la crise, chaque État a tenté de se mettre en avant comme celui qui gérait le mieux la crise. Les discussions sur les méthodes de comptage et sur les zones de vacances autorisées sont liées à cela.

    Au tout début de la pandémie certains Etats ont tenté de faire porter le fardeau à la seule Chine qui, de son côté, a tenté de diminuer le nombre de cas pour ne pas perdre plus d’autorité auprès de sa population. Trump a retiré les subventions des USA à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) arguant que le président éthiopien de l’institution était trop proche du régime chinois.

    Les tensions commerciales qui pèsent sur l’économie mondiale ont aussi pesé dans la riposte à la crise. Avec la recherche de la mise au point de traitement, chaque économie tente de tirer son épingle du jeu. La Russie a annoncé la sortie d’un vaccin : Sputnik V, pour janvier 2021. A côté de cela, chaque bloc économique tente de stimuler sa propre industrie pharma afin de sortir le traitement au plus vite mais aussi de s’assurer de l’approvisionnement pour sa population.

    Dans cette course, les seuls qui vont gagner seront les actionnaires qui ont flairé le bon filon. C’est ironique, parce que ce sont ceux qui n’auront pas à courir un seul mètre. D’un autre côté, la pression du travail est intense dans les équipes de recherche et une fois le traitement mis au point, la charge de travail dans les infrastructures de production sera démultipliée pour produire à moindre coût. Dans ce sens, il faut d’ores et déjà que les travailleurs et les travailleuses du secteur s’organisent pour ne pas faire face à des législations au travail de crise ou alors à une flambée du travail flexible avec l’embauche massive de contrat temporaire pour absorber la production.

    La riposte ne sera efficace que planifiée démocratiquement

    Nous avons toutes les ressources pour faire face à cette pandémie. Le tout est de les faire fonctionner dans le but de répondre aux besoins sociaux. A longueur de journée on entend à la TV et on lit sur les réseaux sociaux ou dans les journaux, à quel point cette crise affecte notre vie. A l’école, au boulot, dans nos loisirs, dans notre vie familiale et personnelle tout a été chamboulé par la crise. Face à cela il aurait fallu prendre les mesures qui s’imposent. Une telle pandémie aurait nécessité de mobiliser toutes les ressources pour la combattre. On aurait ainsi pu éviter ou limiter les confinements drastiques que nous connaissons. Avec des tests massifs sur les groupes à risques et dans les lieux de collectivité, cela aurait pu être assuré.

    On ne sait pas quand on trouvera un traitement, mais on peut dès à présent planifier certaines choses. Comment produire des vaccins en quantité suffisante ? Dispose-t-on des infrastructures nécessaires ? Doit-on en construire ? En sachant qu’une pandémie se combat au niveau mondial, il faut réfléchir à la manière de produire suffisamment de traitement à l’échelle planétaire. Aujourd’hui, seule la nationalisation des multinationales du secteur pharmaceutique peut nous permettre de répondre aux besoins.

    Ces sociétés disposent déjà de chaînes d’approvisionnement et de distribution à travers le monde ainsi que de personnel formé. Avec ce surcroît de travail, l’embauche serait certainement nécessaire, mais sur base de contrats stables et dans de bonnes conditions. L’introduction de l’automatisation de la production permettrait d’assurer un rythme de travail humain soutenable.

    Ce genre de mesures nécessaires ne peut évidemment advenir que dans le cadre d’un mouvement social qui revendique de reprendre le contrôle sur la production et la distribution de richesse. Ce type de mouvement qui implique la majorité de la population serait la meilleure arme contre celles et ceux qui répandent des théories idéalistes ou irrationnelles pour leur propre gloire personnelle.

    C’est dans ce sens que militent les travailleuses et travailleurs du secteur pharma et l’ensemble du PSL dans le monde du travail. Si tu veux te joindre à nous, ou si toi aussi tu penses que ton secteur d’activité peux contribuer à la résolution de la crise, n’hésite pas à nous contacter !

    (1) Lire à ce sujet: “La prochaine pandémie est prévisible, rompons avec le déni de la crise écologique”, Libération fr, 8 avril 2020 et “L’humanité et ses contradictions de classes face aux microbes”, socialisme.be, 18 mars 2020.

    Un programme socialiste pour faire face à la crise sanitaire

    Une recherche scientifique libérée de la course aux profits

    C’est au biologiste américain Jonas Edward Salk que l’on doit l’invention du premier vaccin contre la poliomyélite. Salk n’a jamais breveté son vaccin afin d’en permettre une plus large diffusion. Lorsqu’il lui a été demandé en interview qui détenait le brevet, il a répondu : ‘‘Eh bien, au peuple je dirais. Il n’y a pas de brevet. Pourrait-on breveter le soleil ?’’

    Ces considérations sont aux antipodes de l’approche des multinationales pharmaceutiques que se sont lancées dans la course au médicament du coronavirus pour s’approprier la poule aux œufs d’or avant la concurrence. Entre 2000 et 2018, 35 géants pharmaceutiques ont réalisé ensemble un bénéfice net de 1.900 milliards de dollars dans le monde ! Le groupe pharmaceutique américain Gilead Sciences a ainsi vu ses actions augmenter de 22% (l’équivalent de 12 milliards de dollars) dans les premiers temps de la crise mondiale du coronavirus puisqu’il semblerait qu’un de ses produits initialement développé contre l’Ebola, le Remdesivir, pourrait traiter des symptômes du Covid-19. Les motivations du groupe pharmaceutique ne sont pas un mystère : il n’hésite pas à faire payer jusqu’à 2.000 dollars contre le VIH aux États-Unis. Même en temps de pandémie, les entreprises ne renoncent pas à la recherche de profit.

    Aujourd’hui, la recherche scientifique dans le domaine pharmaceutique est à la croisée des chemins. Morcelée entre public et privé, elle est prise en étau par la logique d’austérité et de profit. Les conséquences du sous-financement dans le public et l’obligation de résultat exploitable dans le privé entravent fortement le potentiel existant, de même que la logique de concurrence à tous les niveaux. Si l’on veut connaître des bonds dans la connaissance fondamentale et appliquée pharmaceutique, nous n’avons pas d’autre choix que de libérer la recherche scientifique. Le séquençage de l’entièreté du génome humain au début des années 2000 n’a pas tenu les promesses affichées en termes de molécules innovantes. Aujourd’hui, seule la coopération et la mise en commun des différents travaux des équipes de recherches peut faire avancer la science.

    En Belgique, il est totalement scandaleux que l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques du pays, GSK, ait annoncé au début de l’année une restructuration qui pourrait coûter plus d’un millier d’emplois! Cela illustre à quel point il est problématique de laisser ce secteur vital être la proie de l’avidité des grands actionnaires. Notre santé compte moins que leurs dividendes.

    L’ensemble du secteur doit être aux mains du public afin que les travailleurs et la population dans son ensemble puissent décider démocratiquement de ce qui est produit et de quelle manière. Cela permettra de réduire les prix, d’éliminer les pénuries de médicaments et de rassembler les efforts pour développer de nouveaux vaccins. Il s’agit d’une nécessité car le COVID-19 ne sera pas la dernière pandémie dans ce contexte de destruction des écosystèmes favorable à leur développement.

    Nous exigeons :
    • Un financement public massif de la recherche scientifique.
    • L’abrogation des brevets.
    • Un soutien clair aux initiatives de partage d’informations et d’organisation de la coopération scientifique.
    • Que la recherche et le développement ne soient pas détachés de la production et de la distribution des outils de santé tels que le matériel médical, les médicaments et les vaccins.
    • La nationalisation sous contrôle et gestion des travailleurs et de la collectivité du secteur pharmaceutique et bio-médical.

    Aux travailleuses et travailleurs de décider !

    Qui mieux que les travailleurs eux-mêmes peuvent savoir de quelle protection ils ont besoin sur leur lieu de travail et quelles mesures peuvent être prises pour assurer la santé de toutes et tous ? Laissons-les décider des mesures nécessaires !

    Un comité de crise doit être instauré sur chaque lieu de travail comptant 20 travailleurs. Dans les entreprises où il existe un Comité pour la Prévention et la Protection au Travail (CPPT), celui-ci peut servir de base au comité de crise, dans les entreprises de 20 à 50 salariés sans CPPT, le comité de crise peut être un tremplin vers des élections sociales obligatoires pour un CPPT. Ce comité de crise doit être en mesure de discuter des mesures à prendre et de les imposer. Mais depuis le début de la crise, beaucoup d’entreprises ont tout fait pour élaborer des Task Forces sans la moindre représentation des travailleurs. Les syndicats doivent partir à l’offensive pour faire respecter la voix des travailleurs, y compris en popularisant l’arme de la nationalisation sous contrôle démocratique des entreprises qui refusent de mettre en place un tel comité de crise.

    Pour une approche planifiée de la crise !

    L’Université de Liège a récemment mis au point un test salivaire afin de dépister sa communauté chaque semaine : étudiants, professeurs et autres membres du personnel, soit 30.000 personnes. ‘‘Il s’agit d’une expérience qui n’a jamais été réalisée ailleurs’’, explique le recteur, ‘‘puisqu’on teste majoritairement les personnes malades. Nous pourrons donc récolter des informations sur la façon dont se propage le virus et sur le nombre de personnes négatives dans une entreprise comme l’université, qui regroupe 30.000 membres.’’

    Remarquons d’abord que ce n’est pas un hasard si cette approche a été développée dans une structure publique et non pas dans une des nombreuses entreprises privées du secteur chimique ou pharma en Belgique. Pourquoi cette manière de faire n’est-elle pas appliquée à l’échelle de la société ?

    Nous avons besoin d’une approche systémique, qui affronte la pandémie de manière concertée en réunissant les moyens disponibles pour les déployer ensuite là où ils peuvent être le plus efficacement utilisés, sans que la soif de profit des actionnaires ne fasse barrage.

    Tout le matériel qui peut servir les efforts du personnel soignant et de la population doit être réquisitionné sans délai. De la même manière, les usines dont la production peut être réorientée pour sécuriser l’approvisionnement de matériel de dépistage,… doivent être réquisitionnées dans un plan de confection public massif de matériel. Nous ne pouvons pas laisser les décisions à ce sujet à la discrétion des patrons qui nous ont largement démontré depuis le début de la crise qu’ils se moquent de notre santé.

    Un système national de soins de santé

    L’importance des soins de santé n’a jamais été aussi évidente aux yeux de larges couches de la population. Ce soutien doit être saisi pour exiger des investissements massifs pour un service de santé efficace qui ne peut pas être géré comme une entreprise dans un but de profit.

    Depuis plus de trente ans, les gouvernements ont limité les budgets des soins de santé, empêché des étudiants en médecine ayant réussi leurs études d’exercer via le numerus clausus, limité le nombre de lits des services hospitaliers, sous-payé l’ensemble du personnel tant médical que para-médical ou technique,… Avec l’argument d’équilibrer les budgets.

    Les conditions de travail ont été rendues telles qu’une grande partie des infirmières et infirmiers ne pratiquent réellement ce métier que durant une période de 5 à 10 ans. Tout juste avant le début de la crise du coronavirus, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) et la KU Leuven ont rendu publique une étude qui constatait qu’une infirmière ou infirmier sur quatre n’est pas satisfait de son travail, que 36% sont menacés d’épuisement professionnel et que 10% envisagent de quitter la profession. Selon cette même étude, la pénurie de personnel qui en découle assure qu’une infirmière ou un infirmier d’un hôpital belge s’occupe en moyenne de 9,4 patients, alors que l’on admet généralement, à l’échelon international, que la sécurité du patient n’est plus assurée au-delà de 8 patients par infirmier.

    Ensuite, la marchandisation du secteur a poussé les directions hospitalières à externaliser et précariser des services essentiels au bon fonctionnement de la structure hospitalière alors qu’aujourd’hui, plus que jamais, un personnel logistique, administratif et hôtelier en nombre, formé, motivé est nécessaire.

    Nous avons besoin d’un refinancement public d’urgence de soins de santé, mais il faut aller plus loin. Répondre aux enjeux de la crise sanitaire actuelle et des probables futures nécessite de construire un système public de soins de santé capable de coordonner les différents niveaux des soins de santé, jusqu’aux maisons médicales de quartier, et qui intègre également les soins à domicile. Ce système doit également intégrer les soins de santé mentaux pour faire face non seulement à l’explosion récente des burn-out et épuisements professionnels, mais également aux multiples problèmes psychologiques qui découlent de la crise.

  • Des milliers de personnes ont répondu à l’appel de La Santé en Lutte

    Plus de moyens publics pour des soins de santé pour toutes et tous !

    Combien de milliers de personnes ont répondu à l’appel du réseau militant “La Santé en Lutte” ? Difficile à dire… Une chose est claire, cette mobilisation était considérée par beaucoup non seulement comme une manière de passer des applaudissements au poing levé pour soutenir le personnel de la santé, mais aussi comme la meilleure façon d’assurer que la résistance sociale sorte du confinement !

    Le personnel soignant était évidemment très visible dans la foule, grâce à leurs blouses souvent décorées de slogans et de la multitude de pancartes et de banderoles. C’est une marée de pancartes faites maison qui a déferlé sur le Mont des Arts à Bruxelles avec des slogans tels que « Infirmières maltraitées, patients en danger », « Hommages aux soignants partis trop tôt, partis trop vite », mais aussi un grand nombre de pancartes et de banderoles liées à la défense et au renforcement de la sécurité sociale, dénonçant les conséquences mortelles de l’austérité,… Au-dessus de tout cela, une gigantesque banderole de « La Santé en Lutte » résumait parfaitement l’état d’esprit : « Pas de profits sur nos vies ».

    Pour que le gouvernement aille chercher l’argent là où il est pour l’investir dans un service public de qualité et accessible à toutes et tous, avec de bonnes conditions de travail et de salaire pour tout le personnel (des infirmières et des soignants aux personnels de nettoyage et de cuisine), il faut construire une solide relation de force. Est-ce que la manifestation d’aujourd’hui a représenté un pas dans cette direction ? Cela ne fait aucun doute.

    Les militantes et militants du PSL/LSP, de la Campagne ROSA et des Etudiants de Gauche Actifs ont activement mobilisé pour cette Grande Manifestation de la Santé dès que l’événement a été annoncé. Cette semaine encore, nous nous sommes notamment rendus sur le piquet de grève d’InBev à Jupille (Liège) où un foyer de coronavirus a été décelé et où les travailleuses et travailleurs sont en grève depuis plus d’une semaine maintenant tout simplement pour faire respecter leur droit à travailler sans des conditions saines !

    Toute la narration des autorités selon laquelle « nous sommes tous dans le même bateau » n’a pas mis longtemps à voler en éclats. Le patronat ne s’intéresse qu’à la production et à ses profits, les autorités font la sourde oreille face aux revendications légitimes du personnel de la santé. Un milliard d’euros a été promis de la part des autorités fédérales, mais il faudra voir ce qui est restera une fois que ces belles paroles seront concrètement traduites… et cela est plus qu’insuffisant ne fut-ce que pour revenir sur les mesures d’austérités du gouvernement précédent dans les soins de santé : 2,3 milliards d’euros !

    La manifestation de La Santé et Lutte n’est que le début du déconfinement de la lutte sociale, ce qui s’impose pour obtenir des victoires sur tous les fronts. Les travailleuses et travailleurs n’auront d’autre choix que de s’organiser pour riposter à toutes les tentatives de nous faire payer la crise économique, sanitaire et écologique : la faillite du système capitaliste en bref. Ce sont les travailleuses et travailleurs qui font tourner le monde, et non les actionnaires des grandes entreprises qui empochent les bénéfices. Il est grand temps que ce soient elles et eux qui le prennent en main !

    Photos de Liesbeth:
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    Photos de Jean-Marie:
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  • Covid-19. L’arbitraire et l’échec du système suscitent la méfiance

    Photo: Pixabay

    En temps de pandémie, la meilleure façon de prendre des mesures qui soient comprises et suivies par une large majorité est de convaincre la population. C’est impossible en adoptant des mesures apparemment arbitraires, qui changent régulièrement et qui se limitent à nos loisirs et notre vie sociale. Cela exige une participation et un contrôle démocratiques de la population, à commencer par le lieu de travail, où des structures existent souvent pour organiser cette participation et ce contrôle.

    Les médias dominants (y compris les réseaux ‘‘sociaux’’) pointent trop souvent du doigt des gens qui ne respectent pas tout à fait les règles. Bien sûr, il existe de nombreux exemples de comportements stupides. Mais se limiter à cela permet d’éluder la question centrale : c’est tout le système qui est coupable.

    L’absence de clarté dans la communication des autorités a beaucoup à voir avec la défense des intérêts économiques. La collaboration de dizaines de personnes sur un lieu de travail est autorisée (c’est-à-dire : doit l’être). Dès que le travail est terminé, la règle de la bulle de cinq s’applique à nouveau. Le couvre-feu annoncé à Anvers ne s’applique évidemment pas à ceux qui travaillent la nuit. Il est logique que les gens deviennent plus négligents, ou du moins qu’ils ne soient pas convaincus par les arguments des gouvernements et des autorités locales. Cela ouvre la voie aux théories conspirationnistes les plus diverses qui ont toutes en commun de ne pas remettre en question le système lui-même.

    Il est évident qu’une demi-année de contacts limités a également un effet, surtout dans les quartiers densément peuplés où les maisons sont plus petites et ne disposent pas de jardin. Dans un quartier résidentiel avec de grands jardins, il est plus facile de garder une distance sociale par rapport à un petit appartement de l’un de ces quartiers densément peuplés des grandes villes qui comptent jusqu’à 15.000 habitants au kilomètre carré. Tout le monde est égal face aux mesures Covid-19, mais certains le sont plus que d’autres.

    Tout le monde sait que le Covid-19 n’est pas parti et qu’il reviendra tant qu’il n’y aura pas de vaccin accessible à de larges pans de la population. Cependant, lors du déconfinement de l’économie, seuls les profits ont compté. De plus, les autorités acceptent les restrictions liées au manque de moyen et refusent de partir de ce qui est nécessaire. Comme l’a fait remarquer Emmanuel André : ‘‘S’il y avait eu suffisamment de tests et de masques dès le départ, il n’aurait peut-être pas été nécessaire de procéder au confinement’’. Une stratégie de déconfinement sans tests suffisants et sans recherche sérieuse était une folie. Pourtant, la responsabilité de la nouvelle propagation du virus est attribuée à la population !

    Toute la force avec laquelle pèsent les intérêts économiques a été révélée à l’entreprise Westvlees, à Staden. Lorsque 67 employés de l’entreprise de transformation de viande ont été testés positifs, il a été décidé de tester préventivement tous les autres, dont plus de 20 se sont révélés positifs. Selon le bourgmestre Open VLD, Francesco Vanderjeugd, la fermeture de l’entreprise était ‘‘disproportionnée’’. Disproportionnée ? Et le couvre-feu à Anvers alors ? Quelles sont les mesures prises pour le secteur culturel ? L’argument de la santé est un argument à géométrie variable en fonction du profit.

    L’absence de stratégie sérieuse pour limiter les conséquences du virus démontre toute la défaillance du système. Le capitalisme ne s’intéresse qu’aux profits à court terme, ce qui constitue une menace pour notre santé et notre avenir. Les travailleurs et leurs familles doivent s’organiser pour défendre leurs intérêts et, par la lutte, construire le rapport de forces qui permettra de changer de société.

    Après six mois de tests (loin d’être massifs) et de traçage…

    Le ministre De Backere (Open VLD) a fièrement annoncé que la capacité de test dans notre pays a été portée à 20.000 par jour et qu’elle sera encore augmentée à 70.000. Ce n’est qu’au bout de six mois qu’il a été décidé d’investir 50 millions d’euros dans des équipements supplémentaires pour les laboratoires des universités afin d’augmenter sensiblement la capacité.

    Même avec cette capacité, il faut six mois pour tester l’ensemble de la population. En conséquence, le virologiste Herman Goossens plaide déjà pour une simplification des tests de salive, même si leur fiabilité n’est pas totalement établie, en prévision de la réouverture des écoles et de la saison traditionnelle de la grippe.
    Auparavant, la production de masques attendait les initiatives du secteur privé, ce qui faisait perdre beaucoup de temps. Ce n’est qu’au bout de six mois que le stock stratégique de masques chirurgicaux a été reconstitué, après avoir été détruit en raison de mesures de restrictions budgétaires.

    Le traçage est loin d’être terminé. Il semble que le centre d’appel mis en place rapidement à cette fin soit davantage axé sur les relations publiques d’un gouvernement maladroit que sur le suivi efficace des contacts des personnes infectées. Il n’est pas non plus facile de créer un sentiment de confiance envers un gouvernement discrédité.
    Il y a eu un manque de planification dans tous les domaines et le gouvernement a refusé de prendre des initiatives de son propre chef, comme de réquisitionner des lignes de production pour la fabrication de suffisamment de matériel de protection ou de dépistage. Voilà une belle illustration de l’anarchie capitaliste !

    Pour être un peu ‘‘forts’’, les politiciens ont dû recourir à des mesures autoritaires telles que le couvre-feu à Anvers, l’appel à l’assignation à résidence pour les jeunes d’origine immigrée de Bruxelles imposé par Pieter De Crem, ou encore de solides pressions sur la SNCB pour qu’elle réduise ses trains vers la côte. En bref : c’est toujours la faute de quelqu’un d’autre.

    Les mesures répressives ne sont pas un exemple de ‘‘gouvernance stricte’’, mais une illustration de l’échec systématique des responsables politiques et du système qu’ils servent : le capitalisme et sa soif de profits.

    Les travailleurs font tourner le monde, qu’ils décident des mesures sanitaires !

    Un grand nombre d’infections se produisent sur le lieu de travail. Il y a eu l’exemple de Westvlees. Ce n’est pas un hasard s’il s’agit du secteur de la transformation de la viande, où il existe davantage de sources de contamination au niveau international. Mais il y a eu également de nouvelles infections parmi le personnel et les résidents de certaines maisons de repos. Sept employés du bureau de district de Deurne se sont révélés infectés, ensuite tout le reste du personnel a été testé. Les mesures Covid-19 sont peut-être principalement axées sur nos loisirs, mais le virus s’en moque.

    Sur de nombreux lieux de travail, des mesures ont été adoptées et, dans de nombreux cas, elles ont été imposées par le personnel. Ici et là, des actions collectives ont été nécessaires pour l’assurer.

    Les entreprises mettent en place des comités de crise ou même une véritable Task Force dans le cas des entreprises du port d’Anvers. Ce que la plupart de ces comités avaient en commun, c’est que le personnel n’était pas impliqué. L’objectif était de rendre la production possible et de la remettre le plus rapidement possible sur pied.
    Cependant, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui savent le mieux ce qu’il faut faire pour organiser et renforcer la sécurité sur le lieu de travail. Dans la plupart des entreprises, il existe un Comité pour la Prévention et la Protection au Travail (CPPT) avec des représentants du personnel. Si cette crise sanitaire n’est pas liée à la prévention et à la protection au travail, qu’est-ce qui peut bien l’être? Dans les entreprises où il n’existe pas d’organe de ce type, des comités de crise pourraient être mis en place comme tremplin vers des élections sociales obligatoires dans les entreprises de 20 salariés ou plus.

    Si des mesures sont nécessaires contre le Covid-19, cela s’applique aussi au lieu de travail. L’organisation et le contrôle de ces activités ne doivent pas être laissés aux conseils d’administration et aux directeurs qui considèrent tout sous l’angle du profit. Le confinement a clairement montré que ce sont les travailleurs qui font tout fonctionner : le personnel de soins, le personnel des supermarchés, du nettoyage, le personnel des transports publics, les travailleurs du secteur chimique,… Qu’ils prennent également les décisions ! Ou bien alors ne parlait-on de ‘‘héros’’ que pour rire ?

  • Foyer de coronavirus et grève à Inbev-Jupille : « On est sacrifiés pour la production »

    Un foyer de coronavirus a été détecté sur le site de la multinationale AB-Inbev à Jupille, en région liégeoise. Dix travailleurs sont touchés. L’un d’eux, Carlo, est actuellement entre la vie et la mort. Le message de la direction est simple : « la vie continue ». Une grève a été déclenchée jeudi 3 septembre dernier. L’attitude de la direction est inacceptable : qu’elle aille dire que « la vie continue » à la famille de Carlo ! Comme pour mieux illustrer son manque d’humanité, la direction a envoyé un huissier au piquet ce dimanche soir et ce lundi matin.

    Ce lundi matin, au piquet de grève, la colère est palpable. « Il n’y a plus d’humanité, il n’y en a que pour l’argent. C’est une entreprise à milliards, pour eux, on n’est que des numéros. Et nos enfants, que vont-ils devenir si on laisser passer ça ? » On se rappelle bien parmi les travailleurs qu’il avait déjà fallu entrer en action pour imposer les premières mesures de sécurité. Et quelle était l’attitude de la direction à l’époque ? « Le responsable des ressources humaines est sorti nous dire qu’en Italie, on travaillait ! Mais on mourrait aussi en Italie ! On est sacrifiés pour la production, il n’y a que ça qui compte. » Evidemment, à ce moment-là, les grosses têtes de la direction ne se pressaient pas sur le site…

    Un autre travailleur ajoute : « La direction ne fait pas preuve de la moindre humanité, mais ce n’est pas neuf. Dans les conditions de travail de manière générale, il y a une dégradation et un relâchement au niveau de l’hygiène et de l’entretien. C’était visible bien avant l’arrivée du Covid19. Avant, on faisait des révisions sérieuses du matériel. On prenait le temps pour ça. Mais on économise sur tout aujourd’hui, notamment au travers d’un système d’enveloppes, de budgets, pour chaque secteur. »

    Chaque participant au piquet est bien entendu scandalisé par l’envoi d’un huissier. A cela s’ajoutent encore des coups de pression par sms de la part de la hiérarchie, y compris des coups de téléphone : « Le retour au travail en toute sécurité est assuré à la brasserie. Tous les résultats connus des tests effectués jeudi sont négatifs. Nous vous rappelons que si vous ne travaillez pas, vous ne serez pas payés. Soyons positifs et reprenons rapidement le travail pour assurer le futur de Jupille en continuant le respect strict des mesures COVID-19. » Rester positif dans ces conditions ? Si les travailleurs n’étaient pas entrés en grève, combien de personnes infectées aurait-il fallu avant que quelque chose ne soit fait ? 50 ? 100 ?

    Au piquet, nous rencontrons également des militants du PTB, dont Raoul Hedebouw. Au cours de l’échange que nous avons, il explique : « Ça explique bien à quel point le grand patronat s’en fout. Ça fait deux semaines qu’on a des échos inquiétant du terrain. Deuxièmement, on voit bien que quand les travailleurs résistent, on envoie les huissiers. C’est une justice de classe. »

    La FGTB exige le départ de la direction des Ressources Humaines ainsi que celui du responsable de la Sécurité. Patrick Rehan, Secrétaire Régional FGTB Horval, a expliqué à la presse « On a des éléments qui prouvent qu’ils ont commis des erreurs dans la gestion de cette situation. Ces personnes ne peuvent plus faire partie de l’entreprise. On n’a plus confiance. (…) La direction met la pression. Elle envoie des sms à des travailleurs en grève pour leur demander de reprendre leur poste. Mais on tient bon, on ne bougera pas. »

    Les messages visant à pousser les grévistes à reprendre le travail et l’envoi d’un huissier représentent des entraves graves au droit à la grève ! Cela illustre très clairement le chemin suivi par le patronat dans ce contexte de crise sanitaire et économique. Il faut riposter et construire un rapport de force contre chaque atteinte aux droits de travailleurs. La manifestation de la santé appelée par le réseau d’action militant La Santé en Lutte et qui se tiendra ce dimanche à Bruxelles peut constituer une bonne étape dans cette direction. Rendez-vous ce 13 septembre à 13h au Mont des Arts à Bruxelles (à côté de la gare centrale) !

  • Du blé pour la santé ! Participez à la manifestation de la santé du 13 septembre !

    Le personnel des soins de santé, toutes institutions confondues, dénonce ses conditions de travail depuis des années. Entre sous-effectifs, bas salaires, augmentation des cadences, management impitoyable et autoritaire, c’est tout un secteur qui tire la sonnette d’alarme sur son vécu et les conséquences dramatiques des choix politiques insensés sur la qualité des soins. À elle seule, De Block a permis d’économiser 2,3 milliards d’euros dans un secteur des soins déjà gravement atteint. Arrêts de travail, grèves, manifestations n’ont été jusqu’à présent accueillis qu’avec mépris par la classe dirigeante.

    La pandémie actuelle a mis en pleine lumière le dénuement des soins de santé. Les négligences des gouvernements successifs envers ce secteur ne peuvent plus être niées. Les coupes budgétaires dans les soins de santé de ces dernières années et l’absence d’écoute et de réaction du gouvernement face aux difficultés éprouvées dans le secteur ont pesé lourdement sur les conséquences de la pandémie. Un personnel épuisé et en sous-effectif a dû gérer des situations extrêmement graves et compliquées, avec un afflux de patients critiques jamais vu auparavant.

    Les soins de santé, ce sont aussi des maisons de repos lâchement abandonnées, sans matériel ni test. Des situations dantesques ont été créées, souvent fatales pour les pensionnaires et le personnel. Il aurait été techniquement possible de soigner tout le monde dans les meilleures conditions si le monde politique avait écouté les revendications légitimes portées par le personnel des institutions de soin depuis des années. Mais ces derniers ont dû faire face, seuls, à l’incurie des responsables politiques.

    Le recul du gouvernement

    C’est dans ce contexte que le gouvernement a dernièrement fait passer en force deux arrêtés royaux dans le cadre des pouvoirs spéciaux. L’action très médiatisée du personnel de l’hôpital Saint-Pierre lors d’une visite de la Première ministre, combiné à des préavis de grève déposés par différentes organisations syndicales, a forcé le gouvernement Wilmès à suspendre l’application de ces deux arrêtés royaux légitimement décriés. Quiconque estime que le mécontentement du personnel se limitait à ces arrêtés royaux se trompe.

    1 milliard d’euros

    Il semble qu’une énorme somme d’argent ait été mise à disposition des soins de santé fédéraux. Mais cela ne suffit pas pour inverser les économies de De Block : 2,3 milliards d’euros. La situation qui prévalait avant le gouvernement Michel était déjà loin d’être bonne. Depuis des décennies, tous les gouvernements – y compris avec la social-démocratie et la démocratie chrétienne – ont sabré dans les soins de santé et la sécurité sociale. Ce milliard d’euros n’est du reste pas venu parce que les politiciens ont soudainement réalisé qu’il fallait plus de moyens, mais parce qu’ils avaient peur de la colère du personnel et de la solidarité dont ce dernier bénéficie dans la population. Comme l’a fait remarquer le dirigeant du CD&V Servais Verherstraeten : «La paix sociale dans ce secteur peut avoir un prix.»
    Construisons la riposte

    Pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs en première ligne et toutes celles et ceux qui subissent de plein fouet la politique antisociale depuis des années, il est crucial d’obtenir des victoires. La question du refinancement des soins de santé et de la sécurité sociale est un de ces terrains de lutte sur lequel on doit s’engager activement pour tenter d’obtenir de telles victoires. Pour cela, il sera nécessaire de mobiliser le plus largement possible et d’investir les rues en nombre. Mais il faudra aussi agir par la grève partout où cela sera possible. La santé concerne tout le monde, tant travailleuses et travailleurs du secteur que la population en général.

    Construisons un mouvement populaire large pour refinancer nos soins, améliorer les conditions de travail et offrir des soins de santé de qualité pour toutes et tous ! Arrachons des victoires qui peuvent redonner confiance à l’ensemble de notre camp ! Mobilisons tous ensemble la manifestation de La santé en lutte du 13 septembre !

    Le bourgmestre de Bruxelles Philippe Close (PS) voulait interdire la manifestation de la santé du 13 septembre. Une lettre ouverte de 600 prestataires de soins a demandé la levée de cette interdiction en affirmant que la manifestation elle-même est une question de santé publique ! Cette manifestation aura bien lieu. Participez-y et mobilisez vos collègues. Rendez-vous le 13 septembre à 13h au Mont des Arts (près de la Gare Centrale) à Bruxelles.

  • Un enseignement sûr pour toutes et tous ?

    Toutes les écoles ouvrent à temps plein ce 1er septembre. Mais avec quel contrôle, quelle adaptation au taux d’infection et quelles répercussions pour la santé des enseignants et celle des élèves ? Le personnel et les élèves doivent s’organiser afin de pouvoir décider de la réouverture des écoles.

    Par Frede (Bruges)

    Tout comme pour la sortie du confinement, le maintien de l’économie est la principale motivation derrière la réouverture complète des écoles. Les autorités veulent que tout le monde reprenne le travail le plus rapidement possible, et les enfants des écoles primaires devraient donc certainement pouvoir retourner à l’école à plein temps. Lors de la réouverture des écoles fin mai, 1/3 des écoles primaires n’ont pas pu respecter les règles de sécurité de manière optimale. Il n’en ira pas différemment aujourd’hui.

    C’est la “Belgian Pediatric Covid-19 Task Force” (qui regroupe des pédiatres, des psychiatres, des psychologues et du personnel infirmier) qui, par une lettre ouverte, a demandé que la réouverture des écoles soit la priorité principale. Mais un élément de celle-ci a mystérieusement disparu de la plupart des comptes-rendus : ‘‘Les écoles doivent recevoir les moyens, tant logistiques qu’humains, pour permettre une totale réouverture et offrir une éducation à plein temps à TOUS les enfants.’’ Il s’agit pourtant d’un élément fondamental. En raison du sous-financement chronique de l’enseignement, les bâtiments sont en mauvais état, il y a trop peu de toilettes et de lavabos qui fonctionnent, des clases trop remplies sont à peines ventilées,… La pénurie d’enseignants implique également que les élèves ne peuvent pas bénéficier d’un soutien individuel suffisant pour compenser les désavantages de l’année dernière en matière d’apprentissage et met une pression énorme sur les enseignants.

    La réouverture des écoles est particulièrement risquée pour les enseignants et les élèves les plus âgés. Ils doivent soudainement quitter leur bulle de cinq pour se rendre dans une école qui compte des centaines d’élèves. Le système de test et de traçage ne répond pas aux besoins actuels. Des tests répétés et rapides sur toutes les personnes franchissant la porte de l’école pourraient permettre d’isoler les foyers d’infection. Pour que la réouverture des écoles soit sûre, il faut recruter davantage de personnel, investir immédiatement dans les infrastructures (sanitaires mais aussi pour des salles de classe et des écoles supplémentaires) et fournir des transports publics plus nombreux et de meilleure qualité pour éviter les bus, trams et métros bondés.

    La rentrée scolaire s’inscrit dans un contexte de taux d’infection relativement élevé. L’enseignement à distance à temps partiel ne sera donc pas une exception dans les écoles secondaires à partir de la deuxième semaine. Tout comme l’année scolaire précédente, pour de nombreux élèves, l’enseignement à distance signifie qu’ils n’auront pas ou difficilement accès à l’enseignement. Tout le monde ne dispose pas d’un endroit tranquille ou des moyens optimums (PC, internet). Tous les parents ne peuvent pas aider leurs enfants (ils doivent travailler eux-mêmes, ne maîtrisent parfois pas la langue,…) et tous n’ont pas une situation familiale stable. Il n’y a pas non plus de solution pour les leçons pratiques et les stages.

    Notre enseignement exige de toute urgence d’avoir plus de moyens, afin que celle-ci puisse être organisée efficacement, physiquement ou en ligne, le cas échéant, en fonction de besoins spécifiques. Tous les élèves doivent pouvoir participer en toute sécurité à un enseignement de qualité. L’énorme charge de travail des enseignants doit être réduite en rendant la profession à nouveau attractive et en recrutant massivement du personnel enseignant.

    A la rentrée, la santé et les besoins des enseignants et des élèves doivent être prioritaires, et non la course au profit de quelques-uns, raison pour laquelle l’école est devenue un refuge ‘‘gratuit’’ (sauf pour, les parents qui doivent s’acquitter de frais scolaires de plus en plus conséquents). Les enseignants et les élèves doivent décider ensemble de la réouverture des écoles. Pour une décision démocratique et commune sur la réouverture de nos écoles et l’égalité des chances en matière d’éducation pour tous ! Des investissements publics massifs dans l’enseignement, maintenant !

    Rejoignez les Etudiants de Gauche Actifs et défendez un enseignement sûr, accessible et de qualité pour toutes et tous !

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