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  • La future loi sur les pandémies, annonciatrice de temps nouveaux ?

    La pandémie provoque des tsunamis de sueur idéologique. Gwendolyn Rutten (Open VLD) a tweeté que le vaccin devrait devenir un bien public. Egbert Lachaert (Open VLD) lui a rapidement rendu la pareille. Non pas que nous nous fassions beaucoup d’illusions sur l’éclair de lucidité de Rutten, par lequel elle exprime l’incapacité du marché à faire face à la pandémie. Pendant un an, la logique du profit et la propriété privée des moyens de production n’ont fait qu’engendrer le retard, la méfiance et le chaos. Avec de graves conséquences non seulement sur notre santé physique et mentale, mais aussi sur la stabilité économique et politique. Le Secrétaire d’État pour la Relance et les Investissements stratégiques Thomas Dermine (PS) a expliqué quant à lui : « La crise du coronavirus a radicalement changé un certain nombre de dogmes : nous sommes à un tournant. »

    Par Michael, article tiré de l’édition de mars de Lutte Socialiste

    Afin de mieux faire face aux futures pandémies, le gouvernement fédéral travaille à une loi sur les pandémies proposant des mesures jusque là impensables. Cette loi d’urgence permettrait au gouvernement d’”interdire, de réglementer et de contrôler” l’importation, la production, la possession, l’utilisation et la vente de produits et d’équipements de protection individuelle et d’imposer des prix maximums. L’État lui-même pourrait fabriquer des médicaments avec des “licences obligatoires” pour créer des stocks stratégiques de médicaments et d’équipements de protection. En d’autres termes : empêcher le secteur pharmaceutique de mettre en danger l’ensemble du système car il n’a en tête que ses propres intérêts de profit.

    Un tel projet de loi va-t-il à l’encontre des intérêts du capitalisme ? Le capitalisme est régi par les intérêts de la classe capitaliste, mais cela ne signifie pas que des intérêts contradictoires n’existent pas entre capitalistes au milieu du chaos du marché. Les sociétés pharmaceutiques, par exemple, peuvent engranger des profits record aujourd’hui, mais l’économie dans son ensemble se dirige vers la dépression. De plus, la crédibilité du système et de ses représentants s’est sérieusement effritée. Lorsque la bourgeoisie et le système dans son ensemble doivent être sauvés, c’est l’État qui intervient. C’est pourquoi Marx et Engels décrivaient le gouvernement comme le comité de gestion de toute la bourgeoisie.

    Ainsi, le pouvoir que cette loi donnerait à l’État de restreindre la liberté ne changera pas le fait que les intérêts économiques primeront. La loi permettrait la fermeture d’entreprises “dont l’activité semble inutile ou nuisible”. En effet, ce ne sont pas les patrons qui ont garanti la sécurité des travailleurs… mais ce n’est pas non plus le gouvernement. Chaque mesure adoptée fut le résultat de grèves des travailleuses et travailleurs, à commencer par l’Italie. Sans contrôle démocratique assuré par la classe ouvrière, une telle loi servira donc principalement à restreindre la vie sociale plus rapidement et plus facilement, et éventuellement à réquisitionner les travailleurs, comme Maggie De Block l’avait proposé en mai dernier pour le personnel soignant. De plus, la loi peut être utilisée pour porter atteinte aux droits démocratiques.

    Une question à laquelle la loi ne répond pas non plus est celle des moyens nécessaires. La politique économique néolibérale des dernières décennies a détruit les stocks que la loi imposerait désormais. La remise en cause de la logique néolibérale d’austérité par cette loi est l’aveu d’une défaite, mais quelle serait la force d’une telle loi sans être liée à des investissements massifs dans les services publics, dans les soins de santé et dans notre sécurité sociale ?

    Le mouvement ouvrier peut utiliser la crise idéologique des responsables néolibéraux et mobiliser la rue dans la défense de ses intérêts. Non seulement en Belgique, mais dans le monde entier, les gouvernements sont sous pression pour sauver le système. En organisant sérieusement notre lutte, ils peuvent être contraints de prendre des mesures qui vont bien au-delà de ce qu’ils souhaitent. N’est-il pas apparu clairement, au cours de cette crise sanitaire que la sécurité sociale a besoin d’être refinancée? N’est-il pas clair aujourd’hui que des secteurs clés tels que l’industrie pharmaceutique doivent être placés sous le contrôle démocratique de la collectivité?

    En nous opposant à la logique de profit dans sa totalité, nous pourrons prendre de réelles mesures d’urgence face à la crise sanitaire, à la crise écologique et à la crise sociale. Seule une économie démocratiquement planifiée, contrôlée par les travailleurs pourra utiliser les ressources et le savoir-faire disponibles pour satisfaire en permanence les besoins de la majorité.

  • Une approche féministe pour faire face au (semi)confinement : c’est essentiel pour toutes et tous

    L’UGent récolte en ce moment des données pour déterminer l’impact de la crise sanitaire sur les femmes. Une première étude couvrant le premier mois de confinement, au printemps dernier, soulignait déjà un niveau de stress supérieur à la moyenne pour 56% des personnes interrogées. L’étude indique que « l’augmentation du stress ne contribue pas seulement à de nombreux problèmes de santé, il est aussi un facteur de risque pour le développement et la poursuite de diverses formes de violence » et estime que « une personne sur cinq est victime de violence, mais seulement une victime sur cinq a demandé de l’aide ».

    Par Emily Burns, Coordinatrice nationale de la Campagne ROSA

    Il est vrai que quelques mesures d’urgence ont été mises en place au printemps, comme l’initiative du code « masque n°19 », pour que les personnes victimes de violences puissent discrètement demander de l’aide en pharmacie. Le gouvernement nous autorise aussi à sortir malgré le couvre-feux pour fuir des coups (il manquerait plus que ça !). Des places d’accueil avaient été ouvertes dans des hôtels durant la fermeture du secteur mais cette initiative – fort médiatisée – était largement insuffisante et surtout temporaire.

    Faire le choix d’une société où chaque personne peut décider avec qui elle souhaite vivre (ou pas), où les victimes de violences peuvent s’extirper de cette situation (et pas juste pour quelques jours), implique de placer au cœur de nos revendications l’accessibilité au logement. Concrètement, cela signifie de lutter pour un plan public massif de rénovation et de construction de logement sociaux. Gardons en tête que cette crise sanitaire risque de ne pas être la dernière du genre. Être confiné dans une cage à lapin exacerbe les tensions et cela place les gens face à un risque accru de violence.

    Avec la crise, le chômage (temporaire ?) a explosé. 90% des allocataires sociaux se retrouvent sous le seuil de pauvreté. Et la situation est encore plus critique pour les personnes cohabitantes (60% des femmes). Elles se retrouvent avec un « demi chômage » qui atteint vite 22,02€ par jour ouvrable. Il est inacceptable que les revenus de remplacement dépendent de notre situation de couple. Il est indispensable d’individualiser les droits sociaux et de les relever au moins au-dessus du seuil de pauvreté.

    Les demandes d’aide alimentaire et de biens de première nécessité explosent. Un budget exceptionnel de 7 millions d’euros a, à nouveau, été alloué en octobre pour tenter d’y faire face. Un sparadrap sur une jambe de bois… Ainsi, 12% des femmes ont régulièrement des difficultés pour payer leurs protections menstruelles. D’ailleurs, pourquoi n’en trouve-t-on toujours pas dans les WC des écoles, des autres services publics et des lieux de travail ? C’est pourtant aussi nécessaire que du papier toilette.

    Les écoles sont mises en quarantaine à tour de bras, mais l’empathie des employeurs fut de courte durée : il faut être performant tout en s’occupant des enfants alors que les activités extrascolaires sont réduites à peau de chagrin. En télétravail, les journées sont interminables et se ressemblent. Une pause est l’occasion de lancer une lessive et non plus de bavarder quelques minutes entre collègues. D’autres pauses se prolongent pour assister le travail scolaire des enfants. Pour compenser, les parents en télétravail retravaillent en soirée dès que les enfants sont au lit. Il n’est plus possible de se déconnecter, de prendre du temps pour soi ou pour socialiser entre adultes. Il faut y répondre par la réduction collective du temps de travail, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires.
    Les femmes représentent 83,5% des cheffes de familles monoparentales en Wallonie. La Ligue des Familles revendique l’élargissement de leur bulle. L’entraide ne peut être laissée à l’initiative individuelle, elle doit être prise en charge par la société. Nous avons besoin de services publics qui combattent la double journée de travail des parents (et en particulier des femmes) avec suffisamment de garderies et de services d’aide à la famille par exemple, mais aussi avec le développement de services de blanchisserie.

    Notons enfin que les femmes sont largement majoritaires dans le secteur public et les secteurs essentiels (distribution, santé, aide aux personnes,…). Renforcer ces services signifie y améliorer les conditions de travail.

    C’est pour tout cela – et bien d’autres choses encore – que lutte la Campagne ROSA et que nous voulons mener des actions dans 15 villes le 8 mars prochain à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

  • Vacciner notre santé contre le profit : le secteur pharmaceutique doit devenir public !

    Y a-t-il une lumière au bout du corona-tunnel ? Les espoirs sont grands, surtout maintenant que la campagne de vaccination démarre, bien que de manière houleuse. La méfiance règne, en partie à cause du rôle des multinationales du secteur pharmaceutique qui ont démontré ces dernières années que notre santé ne les intéresse pas. On se méfie également d’un gouvernement qui a trébuché sur toutes les mesures précédentes, principalement en raison de l’échec du marché et de la politique basée sur les intérêts des entreprises et leurs profit. Le PSL/LSP se bat pour une solide vaccination de notre santé contre le virus du profit capitaliste. Nous exigeons que l’ensemble du secteur pharmaceutique soit placé aux mains du secteur public. Nous en avons discuté avec un travailleur de l’une des principales entreprises pharmaceutiques du pays.

    Quelle est ta réaction face au développement du vaccin ?

    Ces vaccins font preuve d’un formidable développement technologique. Imaginez que toutes les possibilités existantes soient développées collectivement et qu’elles soient utilisées de manière planifiée pour lutter contre de nombreuses maladies et virus ! Malheureusement, aujourd’hui, seuls les profits des grandes entreprises sont en jeu, ce qui signifie que le potentiel n’est pas pleinement exploité ou que la production de vaccins est parfois réalisée très rapidement.

    En septembre, on savait que 150 vaccins différents étaient en cours de développement, dont une quarantaine avaient déjà été testés sur des humains. L’objectif de la course au vaccin n’est pas tellement de prévenir la maladie que d’être le premier sur le marché en espérant toucher le jackpot. Ils en profitent également pour peaufiner leur image auprès du grand public. Quand Pfizer a sorti les premiers résultats sur son vaccin, les tests étaient encore en cour. L’objectif était surtout d’être le premier à faire la une des médias.
    Selon certains commentateurs, c’est justement cette course et la concurrence entre entreprises qui a permis d’obtenir des résultats si rapidement.

    L’argument néolibéral selon lequel la concurrence privée est le moteur du progrès est incorrect. Le développement des vaccins contre le coronavirus repose sur un flux de fonds publics. Le ministère américain de la santé a dépensé à lui seul 10,6 milliards de dollars pour le développement de vaccins. On estime généralement que trois nouveaux médicaments sur quatre sont développés grâce à la recherche fondamentale financée par la collectivité. L’urgence du vaccin a incité un certain nombre de sociétés à travailler ensemble, reconnaissant que la collaboration peut produire des résultats plus rapides. Au lieu de la concurrence, la collaboration mondiale aurait sans aucun doute produit des résultats plus rapides et meilleurs avec plus de recherche sur tous les effets secondaires possibles, par exemple.

    Le fait que chaque entreprise refuse de partager ses connaissances limite les capacité de production. Il n’y aura pas assez de vaccins pour tous en 2021 et cette pénurie accentue les inégalités entre pays capitalistes avancés et pays néocoloniaux. En novembre, avant même qu’une vaccination ne puisse commencer, des milliards de doses avaient été commandées, principalement par des pays capitalistes développés comme les États-Unis, les pays européens, le Canada, le Japon et Israël. Ces accords visaient principalement à être les premiers fournis pour renforcer le prestige des gouvernements. Après la rivalité entre les différents pays pour l’accès aux masques, c’était la même pagaille pour les vaccins. Selon Oxfam et plusieurs ONG, les pays les plus pauvres ne verront pas le vaccin avant 2024.

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé un projet de coopération internationale COVAX dans le but d’assurer la vaccination de 20% de la population mondiale et d’organiser une distribution équitable des vaccins. Fin décembre, COVAX faisait la promesse de permettre l’accès à 1,3 milliard de doses pour les 92 pays les plus pauvres du monde en 2021. Cependant, la majeure partie de la production des deux plus grands producteurs, Pfizer et Moderna, avait déjà été rachetée par les pays capitalistes développés. De plus, COVAX ne peut pas acheter auprès de ces producteurs parce que ces vaccins sont trop chers… Cela montre à quel point l’anarchie du marché est un obstacle à une campagne de vaccination mondiale sérieusement planifiée.

    En fait, la recherche et le développement devraient se faire de manière coordonnée, avec partage des connaissances et une production mondialement planifiée. Cela est nécessaire pour notre santé, mais cela entre en confrontation directe avec la propriété privée des moyens de production et la logique du profit qui l’accompagne.

    S’il existe d’énormes possibilités technologiques pour lutter contre les maladies et les virus d’une part, le capitalisme constitue d’autre part un frein au progrès et, pire encore, il entraîne une détérioration de notre santé. Diverses études ont établi le lien existant entre les politiques d’austérité dans les soins de santé en Angleterre et en Italie et la recrudescence de cas de rougeole, ce qui s’explique par le manque de moyens pour la vaccination.

    La campagne de vaccination a commencé fin décembre en Belgique. Qu’as tu à en dire en tant que travailleur d’une grande entreprise pharmaceutique ?

    La campagne de vaccination se plie aux désirs des multinationales. Les travailleurs des soins de santé doivent déjà composer avec le manque de budgets, il leur faut en plus tenir compte de l’anarchie du marché. Pfizer décide dans son coin de changer son rythme de production avec pour conséquence qu’elle sera fortement diminuée pour 3 à 4 semaines. En plus des problèmes de production en décembre, cela rend impossible pour le personnel médical de s’organiser alors qu’il espérait justement être vacciné au plus vite vu l’impact sanitaire et moral que le virus a eu sur les travailleurs du secteur.

    Les fabricants affirment qu’ils ne feront que peu voire pas de profit sur le vaccin pour soutenir la collectivité et que les prix augmenteraient une fois la pandémie terminée. Cela est particulièrement inquiétant pour les pays néocoloniaux, où la vaccination ne commencera que vraiment plus tard. Les prix payés en Europe n’étaient pas officiellement connus. Ce n’est qu’après une bévue du secrétaire d’État belge De Bleeckere (Open VLD) que l’information a fuité. Les deux vaccins les plus chers, ceux de Moderna (18 euros) et de Pfizer (12 euros), sont déjà distribués en Belgique. Ce sont des vaccins basés sur la nouvelle technologie de l’ARNm. Cette technique existe depuis 12 ans, mais elle est utilisée pour la première fois pour un vaccin commercialisé. Ce prix élevé est justifié par la recherche de cette technologie, ce qui est une réalité. Mais grâce à la crise sanitaire actuelle, les entreprises pharmaceutiques peuvent directement rentabiliser ces investissements.

    En Belgique, la vaccination est « gratuite ». C’est évidemment payé par quelqu’un : la sécurité sociale. La collectivité paie donc sans avoir aucun contrôle sur la production et sur la distribution des vaccins.

    La campagne de vaccination pourrait être menée beaucoup plus rapidement avec une approche coordonnée, où toutes les parties (les soins de santé et le secteur pharmaceutique) seraient aux mains du public. En 1947, six millions de personnes ont été vaccinées contre la variole à New York en un mois. Bien sûr, on ne peut pas comparer une vaccination locale contre la variole et une pandémie mondiale comme celle du Covid-19. Mais une utilisation planifiée des connaissances technologiques, de la production et de la logistique devrait sûrement permettre d’être au moins aussi efficace que l’était New York il y a plus de 70 ans.

    Beaucoup de gens remettent en question les vaccinations, pas nécessairement sur la base de théories complotistes, mais par méfiance. Tu comprends cela ?

    Définitivement. Le mouvement antivax est en fait assez limité en Belgique. La méfiance ne vient pas totalement de là. Beaucoup de gens ne se méfient pas du vaccin en tant que tel, mais plutôt du rôle des multinationales et des gouvernements. La crédibilité des institutions capitalistes et des grandes entreprises est très faible à juste titre !

    Beaucoup de scandales ont ruiné la crédibilité des industries privées ces dernières années. Pensez au Dieselgate qui a révélé que les contrôles d’émissions de gaz d’échappement étaient falsifiés. Ou aux économies criminelles réalisées dans la sécurité de la centrale nucléaire de Fukushima avant la catastrophe. Quant à l’entreprise chimique Monsanto, on savait depuis des années que son produit Round-Up était cancérigène, mais rien n’a été fait pour y remédier. Les compagnies pétrolières savent depuis longtemps que les combustibles fossiles sont préjudiciables au réchauffement climatique, mais elles ont investi dans des campagnes de lobbying et dans la pseudo-science pour nier le changement climatique. Les grandes entreprises mentent et trichent en fonction de leurs intérêts.

    Finalement, les doutes actuels sont plutôt orientés vers les multinationales et les gouvernement et pas tellement sur contre les vaccins. Nous y répondons en soulignant où se situent les intérêts de la population. Le PSL/LSP défend que le secteur pharmaceutique soit placé aux mains du public pour permettre un contrôle démocratique exercé par les travailleurs et la collectivité. C’est certainement important en Belgique, car le secteur pharmaceutique y est très important. GSK par exemple, à Wavre, représente le plus grand centre de production de vaccins au monde. Deux millions de doses de toutes sortes de vaccins y sont fabriquées chaque jour. C’est également le plus grand centre privé d’analyse biochimique au monde. Pfizer réalisera l’ensemble de sa production européenne de vaccins contre le coronavirus à Puurs. Pfizer, Janssens Pharmaceutica, UCB et GSK représentent ensemble près de la moitié des 50.000 emplois pharmaceutiques (en termes d’équivalents temps plein) dans notre pays. Si l’on inclut les emplois indirects, 120.000 personnes dépendent de ce secteur. Imaginez si toutes ces ressources étaient consacrées à une réponse à la pandémie coordonnée et contrôlée par la collectivité.

    Comment pouvons-nous obtenir que le secteur devienne public ?

    La manifestation de « La Santé en Lutte » du 13 septembre dernier à Bruxelles avait la bonne approche autour du slogan : ils comptent leurs profits, nous comptons nos morts. Cela critique non seulement le gouvernement mais aussi le système dans sa globalité. Les grandes entreprises pharmaceutiques réalisent de gigantesques profits, y compris grâce à la pandémie. En même temps, les hôpitaux et le reste du secteur de la santé souffrent de pénuries. En organisant la lutte, nous pouvons transformer la large solidarité qui existe au sein de la population en action. Nous ne pouvons pas laisser l’initiative aux autorités.

    Il y a aussi l’initiative citoyenne européenne « Pas de profit sur la pandémie », soutenue par le PTB, qui recueille des signatures sur quatre revendications : la santé pour tous en abolissant les brevets, la transparence sur les coûts de production et l’efficacité, le contrôle public sur les vaccins et les traitements pour lesquels la recherche a été financée avec de l’argent public, pas de profit sur la pandémie afin que les produits soient abordables et disponibles. Ces revendications ne seront pas satisfaites du jour au lendemain ; elles nécessiteront une campagne active et la construction d’une relation de force. Après tout, même des propositions très logiques se heurtent immédiatement aux forces du marché sous le capitalisme.

    Nous ne devons pas nous contenter d’exiger qu’aucun profit ne soit réalisé sur le vaccin contre le coronavirus. L’ensemble du secteur doit être sous le contrôle de la collectivité. Selon le PTB, en l’absence de brevet, les fabricants pourront produire en masse des doses de vaccin. C’est un peu naïf de penser que les multinationales seront motivées à produire un vaccin sans faire de profits. Il arrive effectivement que des vaccins soient vendus au prix coûtant dans des pays néocoloniaux mais cela est d’avantage un geste diplomatique pour améliorer son image, accéder à un marché et récupérer le profit sur un autre vaccin, comme c’est le cas par exemple de GSK qui travaille avec des ONG et l’OMS dans un programme pour l’éradication des maladies tropicales.

    Les brevets représentent un obstacle à notre santé, c’est une pierre angulaire du profit capitaliste. Mais les supprimer sans nationaliser le secteur signifierait que les actionnaires iraient récupérer leurs investissements soit sur le prix d’autres médicaments soit sur le dos du personnel. Il est donc préférable d’établir un lien immédiat avec la nécessité de nationaliser le secteur sous le contrôle des travailleurs et de la collectivité.

    Quels seraient les avantages à nationaliser le secteur pharmaceutique en Belgique ?

    Souvent, la demande de nationalisation se limite aux entreprises qui mettent au rebut ou menacent de fermer. Cependant, il s’agit d’une revendication qui n’est pas seulement importante pour l’emploi, mais aussi pour obtenir le contrôle de la collectivité sur ce qui est produit et comment. Le secteur bancaire et les secteurs clés de l’économie sont essentiels à cet égard.

    Le secteur pharmaceutique dans notre pays génère 14,7 milliards d’euros en valeur ajoutée avant le paiement des salaires. Même après le paiement des salaires, cela représentera encore environ 10 milliards d’euros. Aujourd’hui, ces fonds passent des poches des malades à celles des actionnaires. Chaque année, la sécurité sociale rembourse 7 milliards d’euros pour les médicaments et, en outre, des médicaments sont vendus sans remboursement à hauteur de 5 milliards d’euros. Aujourd’hui, la partie la plus rentable de toute la chaîne des soins de santé est aux mains du secteur privé, tandis qu’une grande partie des coûts sont supportés par la collectivité. Ce n’est pas logique et, de plus, la logique du profit crée des pénuries. Jusqu’à la moitié des enfants en situation de pauvreté n’ont pas accès aux médicaments parce qu’ils sont trop chers. Il y a en permanence en Belgique environ 500 médicaments en pénurie car le secteur se réserve le droit d’orienter la production selon le profit et sans tenir compte des besoins médicaux. En nationalisant, c’est la collectivité qui décidera démocratiquement de ce qui doit être produit en fonction des besoins sociaux.

    Aujourd’hui, la logique de profit signifie que le progrès technologique risque d’avoir des conséquences négatives pour les travailleurs. La technologie de l’ARNm utilisée par Pfizer et Moderna pour le vaccin contre le coronavirus offre un potentiel énorme. Cela signifie que l’on peut produire plus en moins de temps et avec moins de personnel. Mais ce progrès technologique menace donc de devenir synonyme de déclin social. C’est encore une contradiction du capitalisme.

    La recherche, la production, la distribution et la logistique doivent toutes être sous la gestion et le contrôle des travailleurs du secteur et de la collectivité afin que la santé soit prioritaire. Cela signifie des médicaments accessibles et bon marché, des conditions de travail décentes pour le personnel tant du secteur pharmaceutique que du reste du secteur des soins de santé, la coordination de tout ce qui a trait à la santé dans un service national de santé avec un accent sur la médecine préventive. Cela faciliterait également les interventions à grande échelle telles que les campagnes de vaccination de masse.

    Enfin, un secteur pharmaceutique aux mains du public mettrait également un terme au fait que l’on investit aujourd’hui plus dans le marketing que dans la recherche. Au lieu du marketing, des campagnes de prévention pourraient être mises en place autour des vaccinations et de la nécessité d’une vie saine. Des campagnes pourraient aussi être développées pour lutter contre la violence envers les femmes et d’autres questions.

    En bref, de nombreux arguments plaident en faveur de la nationalisation du secteur. Pour y parvenir, il faudra lutter. Depuis le début de la pandémie, la classe ouvrière a formulé des revendications en matière de sécurité au travail, d’équipements de protection et de moyens pour le secteur de la santé.

    La conscience que c’est sur les travailleurs que repose le monde a augmenté. Cela jouera un rôle important dans les luttes futures. Nous pourrons arracher des victoires en transformant la puissance de notre nombre en organisation. L’implication des masses est essentielle et peut poser les bases pour que la majorité de la population prenne enfin le contrôle du destin de l’humanité et de la planète. Le capitalisme est désastreux pour les travailleurs et le climat. Ce système nous apportera davantage de pandémies et constitue un frein pour y faire face. Une alternative socialiste est nécessaire de toute urgence : une société qui repose sur les besoins et les revendications des travailleurs et de leurs familles.

  • Occupation de l’Eglise du Béguinage à Bruxelles : les sans-papiers augmentent la pression mais le secrétaire d’Etat refuse d’écouter


    Plusieurs collectifs de sans-papiers occupent depuis dimanche l’église du Béguinage, située place Sainte-Catherine dans le centre de Bruxelles. Ils réclament un véritable dialogue avec les autorités et la possibilité de pouvoir travailler légalement. Nos camardes sans-papiers sont actifs dans ce mouvement et les membres de la campagne Solidarity du PSL sont intervenus à la première assemblée du comité de soutien.

    Par Pietro (Bruxelles)

    Le mouvement

    Depuis ce dimanche 31 janvier 2021, l’église du Béguinage est occupée par plusieurs collectifs de personnes sans-papiers. La revendication principale est une régularisation de leur situation et le droit de travailler légalement.

    Cette occupation par les sans-papiers vise à attirer l’attention des autorités bruxelloises, surtout le ministre président Vervoort (PS) et le ministre de l’emploi Clerfayt (Défi) en terme d’accès au permis de travail, et surtout des autorités fédérales, le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la migration Mahdi ( CD&V) pour la demande de régularisation.

    Le choix d’occuper cette église n’est pas anodin puisque l’église du Béguinage a été un lieu symbolique qui a fait l’histoire du mouvement de sans-papiers dans la capitale. En 2009 plusieurs occupations ont été mises en place à partir du Béguinage. Une grève de la faim entamée par 200 sans-papiers dans l’église est passé à l’histoire comme un de moment les plus dur du mouvement.

    Sur leur page Facebook de l’« Occupation politique 2021 », les occupants se définissent comme les oubliés du confinement. Les autorités politiques et le conseil national de sécurité n’ont rien fait pour trouver une solution et leur offrir un statut pendant cette période de pandémie.

    200 personnes occupent en ce moment l’église, mais sur la liste d’accueil sont inscrites plus de 1000 personnes. Beaucoup d’entre elles sont ici en Belgique depuis plus de 10 ans. Aujourd’hui, l’absence de réponse du nouveau gouvernement ainsi que la crise économique qui touche les couches les plus pauvres et précarisées de la société est en train de transformer le désespoir en colère. Les collectifs dénoncent également la politique sévère et inhumaine envers les sans-papiers. Ils expliquent que cette action est entièrement pacifique et que l’occupation est un acte politique.

    La dénomination politique de l’occupation démontre un pas en avant dans la conscience du mouvement des sans-papiers. La cause principale de cet avancée dans la lutte est bien entendu la crise économique qui frappe durement l‘économie informelle. Beaucoup des travailleurs sans papiers ont perdu leur travail au noir, et leur logement par conséquent, et ils se retrouvent aujourd’hui à la rue. Malgré cela, les sans-papiers ont qualifié cette occupation de politique afin de souligner l’importance de la lutte pour la régularisation et de mettre un coup de pression en plus sur la classe politique et la classe dominante.

    Un autre élément important du changement de la conscience dans le mouvement est qu’on constate la forte présence de revendications liées au travail et à l’accès au marché de l’emploi. Ceci démontre que, depuis 2009, les sans-papiers ont toujours travaillé au noir, exploités dans l’économie informelle et abandonnés par les autorités au chantage des patrons qui les exploitent. La pandémie a aggravé toutes les contradictions présentes auparavant et elle a eu un impact sur la conscience des travailleurs, surtout dans les secteurs plus essentiels. Les sans-papiers aussi ont travaillé dans les secteurs essentiels tels que les soins aux autres (le care), dans le nettoyage et dans la petite distribution, sans aucune protection et sans réelle possibilité de dépistage. Ceci a permis le développement d’une conscience de classe. « Nous voulons avoir la chance de travailler, par exemple dans des secteurs où l’on manque de main-d’œuvre. Nous en avons marre de cette vie », a résumé un porte-parole des sans-papiers, dont la situation est encore compliquée par la crise sanitaire et sociale.

    La politique de l’autruche du secrétaire d’état

    Mercredi, les collectifs des sans-papiers ont, à juste titre, lancé un appel aux autres églises, mosquées, synagogues et lieux de culte de la capitale pour qu’ils accueillent également les militants et les soutiennent dans leur lutte.

    Le secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Sammy Mahdi (CD&V), a réagi avec mépris à l’ensemble des revendications des sans-papiers et à l’appel à occuper également d’autres églises et mosquées. “Cela n’a aucun sens. Il n’y aura pas de vague de régularisation générale”, a-t-il déclaré mercredi. “On ne me fera pas de chantage.”

    Le secrétaire d’Etat fait comme si ces personnes n’existaient pas. Il nie la réalité de 100.000 travailleurs sur le territoire belge. Pour résoudre une situation, il faut la situer au bon niveau d’analyse : il n’est évidemment pas question ici de chantage, mais bien de la situation de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui survivent dans des conditions indignes et pour lesquelles des solutions, nécessairement collectives, doivent être apportées ! Il s’agit du rapport de force que les sans-papiers ont été capables de faire monter sur les responsables politique.

    Les solutions passeront nécessairement par l’octroi d’un titre de séjour ! C’est nécessaire pour lutter contre le dumping social, pour lutter contre la mise en concurrence des travailleurs et pour garantir une meilleure condition de travail pour tous les travailleurs belges !

    L’accès au travail est réservé aux personnes qui vivent légalement en Belgique ou aux personnes de l’étranger qui cherchent un emploi en Belgique, explique-t-il en justifiant la politique de division et de mise en concurrence prônée par ce gouvernement. “Les personnes qui n’ont pas le droit de rester ici doivent retourner dans leur pays d’origine”, souligne Mahdi. Le gouvernement peut aider dans ce domaine, dit-il.
    À nouveau, le secrétaire d’Etat met l’accent sur la politique des retours sans expliciter qu’aujourd’hui les ambassades sont fermée, le trafic aérien très limité et que les retours sont de plus en plus difficiles et très chers.

    Le CD&V a peur de perdre encore une fois de plus des plumes à sa droite en faveur du VB et de la NVA. C’est pourquoi il défend la politique migratoire du gouvernement précédent. Ni ECOLO ni le PS veulent mener vraiment la bagarre au sein du gouvernement sur cette thématique. De cette façon, ce gouvernement va encore plus ouvrir les portes à la monté de l’extrême droite. Nous devons faire tout le contraire, résoudre les énormes inégalités dans la société et arrêter la politique de diviser pour mieux régner.

    Nos méthodes et notre programme

    Une centaine de personnes étaient présentes mardi soir à l’assemblée du comité de soutien à l’occupation politique de l’église du Béguinage. Les militants sans papiers du PSL ont défendu la nécessité d’organiser politiquement les collectifs dans l’occupation et d’élargir le mouvement.

    Nous devons organiser des assemblées générales journalières pour discuter à chaque étape de la lutte et du prochain pas à franchir. À partir de cette assemblée générale, il faut essayer d’élargir le mouvement. Un premier pas pourrait être d’écrire une motion de solidarité au mouvement des sans papiers et en faveur de la régularisation afin de la faire signer par des associations et des structures syndicales. Cela pourrait servir à lier des contacts en Flandre par exemple. Elargir le mouvement au nord du pays est une étape cruciale. Cette motion pourrait également être soumise aux délégations syndicales pour faire le lien avec la lutte autour des salaires et de l’Accord interprofessionnel (AIP) et défendre l’augmentation des salaires en la combinant à la revendications d’emplois de qualités pour toutes et tous dans le cadre du combat contre le dumping social. Cette motion pourrait être proposée aussi aux mouvements étudiants pour y construire la solidarité et les faire rentrer dans la lutte en lançant des comités de soutien dans les universités et hautes écoles.

    Pour faire plier le gouvernement, nous devons nous allier aux jeunes et aux travailleurs qui payent aussi les conséquences désastreuses de cette crise sanitaire et sociale.

    Il est possible d’élargir le mouvement à d’autres occupations, de construire d’autres assemblées générales des sans-papiers et d’activer les collectifs et les occupations qui existent déjà mais aussi de politiser des occupations qui l’étaient moins. Il nous faut une coordination de tous les collectifs élue démocratiquement par les militants de de la base dans les occupations. Pour éviter que le mouvement tombe dans le désespoir et dans la méthode ultime de la grève de la faim, les militants sans papiers du PSL sont tous les jours sur le terrain et tentent de politiser les discussions avec les occupants, d’organiser des assemblés générales pour discuter des revendications et de la stratégie nécessaires pour construire un mouvement large.

    Un autre aspect important à prendre en compte est constitué des risques sanitaires liés à l’occupation et à la peur qui pourrait se développer dans la population à cause du manque de respect des mesures sanitaire. Nous avons souligné la nécessité de tester tous les occupants et d’organiser un service de sécurité au sein de l’occupation. Une chambre de quarantaine a été instituée pour isolé une personne présentant des symptômes. C’est la politique du gouvernement qui nous met tous en danger. Comment peut-on combattre efficacement la pandémie en laissant les membres les plus vulnérables de notre société sans aucune protection sanitaire et légale ?

    La régularisation de toutes les personnes sans-papiers doit être une première étape pour garantir la santé et les droits de tout le monde et lutter pour de meilleures conditions de vie et de travail. Nous devons continuer à lier la lutte des sans-papiers avec les combats des travailleurs.ses et des étudiants.es et nous organiser ensemble pour le renversement de ce système économique fondé sur la discrimination et l’exploitation.

    C’est tout le système qui est coupable ! Nous devons condamner la politique d’asile meurtrière et les violences policières racistes qui terrorise nos communautés. Nous devons nous organiser pour défendre un programme de revendications sociales capable de combattre la marginalisation, la pauvreté et l’exploitation. La régularisation doit être centrale dans nos revendications, pour garantir l’égalité des droits aux membres les plus vulnérables de notre société. Combattons le racisme, le sexisme et toute autre forme de discrimination et exploitation avec la solidarité !

    C’est pour ça que nous revendiquons :

    • Régularisation immédiate et permanente de toutes les personnes sans-papiers!
    • Jamais plus d’impunité policière ! – Stop à la criminalisation des sans-papiers !
    • Des solutions sociales pour les problèmes sociaux : il faut des investissements dans l’enseignement, les soins de santé, les logements et les salaires plutôt que dans la répression policière. Taxons les riches au lieu de tirer sur les pauvres !
    • Malcolm X a dit : “Il n’y a pas de capitalisme sans racisme”. Nous devons combattre le système capitaliste, un système d’exploitation économique pour la majorité au profit d’une infime élite.

    Le comité de soutiens se réunit tous les mardis à 17h30 à place du Béguinage pour continuer à organiser la lutte.

  • Stop à la mafia pharmaceutique – La soif de profit coûte des vies !


    Pfizer va réduire le nombre de flacons livrés après s’être rendu compte qu’un seul flacon contient non pas 5, mais 6 doses. Cela a perturbé la vaccination du personnel soignant. Les travailleuses et travailleurs de la santé, qui vivent l’enfer depuis près d’un an, n’ont pas pu compter sur un répit. Là où passent les profits de Pfizer, le reste trépasse. Tout gouvernement qui tolère ce scandale est complice et se moque des intérêts de la collectivité.

    Par Bart Vandersteene

    La soif de profits de l’industrie pharmaceutique alimente le doute. Si beaucoup de gens hésitent à se faire vacciner, ce n’est pas tant à cause des théories complotistes des antivax purs et durs, mais en raison de la méfiance justifiée envers les grandes entreprises pharmaceutiques. On se méfierait à moins. Les contrats entre la Commission européenne et les producteurs sont largement secrets, même pour les députés européens. Les multinationales font passer leurs profits avant notre santé. Ce n’est ni une surprise, ni l’exception, c’est la règle.
    L’emprise des grandes entreprises pharmaceutiques empêche la collectivité de réfléchir et de délibérer démocratiquement et en toute transparence d’une rapide campagne de vaccination efficace en pesant les avantages et les inconvénients ainsi qu’en fixant de façon certifiée les protocoles appliqués et les ressources dégagées. Cela est tout à fait possible, mais le système refuse de nous laisser faire. Les découvertes scientifiques sont brevetées plutôt que partagées. Le contrôle des symptômes l’emporte sur la recherche de solutions pour traiter les causes des problèmes.

    On trouve les empreintes du capitalisme à tous les coins de l’approche criminelle de cette crise. Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour en retracer les origines et l’impact dramatique jusqu’au capitalisme et la logique de profit qui constitue son ADN.

    • Le virus a fait irruption dans l’environnement humain suite à la destruction brutale d’écosystèmes où certaines espèces animales sont porteuses du virus.
    • L’absence d’inhibiteur du virus s’explique, selon le virologiste Vab Gucht, par le manque de moyens pour la recherche préventive alors que cela aurait pu garantir « que personne n’aille à l’hôpital ».
    • La qualité de notre système de soins de santé a été gravement affectée par des années de restrictions budgétaires. L’absence d’équipements de protection dans les endroits les plus essentiels est une forme de négligence mortelle.
    • Les soins primaires, où réside la partie préventive des soins de santé, sont sous-financés.
    • La santé et le système immunitaire de chacun ont gravement été ravagés par l’appétit de profits écœurant de l’industrie alimentaire et le stress au travail.
    • Les grandes entreprises pharmaceutiques ne s’intéressent jamais aux vraies solutions pour notre santé. Elle veulent simplement combattre les symptômes et entendre sonner leur caisse enregistreuse.
    • Dans la crise actuelle, maintenir ouverte l’économie – et donc le moteur de profits du secteur privé – a toujours primé sur les aspects sociaux.

    Et dans tout ça, c’est nous qui avons fait tous les sacrifices tandis que l’accent a systématiquement été mis sur les comportements individuels. Était-ce la seule façon de réagir ? Deux professeurs de l’UGent ont fait remarquer qu’il a été démontré avant l’été qu’un test salivaire aurait pu être appliqué à grande échelle pour cartographier les infections. Selon ces professeurs, « cela aurait pu jouer un rôle clé dans le contrôle de la pandémie. Dans un tel scénario, la nécessité d’un confinement strict est réduite et une plus grande attention peut être accordée au bien-être, à l’éducation et à l’économie. » (De Standaard, 21 janvier).

    Ce n’est pas ce qui s’est passé. À la place, nous avons obtenu une réduction sévère de notre vie personnelle, sociale et culturelle. Beaucoup de gens en souffrent. Nombreux sont celles et ceux dont les cicatrices seront permanentes après cette période infernale d’isolement, de peur et de perte de revenus. À juste titre, beaucoup attendent avec impatience le bout du tunnel et l’espoir repose sur des vaccins qui devraient donner une perspective de vie sociale normale. Laisserons-nous la soif de profit des grandes entreprises pharmaceutiques déterminer quelle sera la fin du tunnel ?

    Nous ne pouvons plus tolérer que notre santé et notre vie soient sacrifiées sur l’autel du profit et de la propriété privée. Nous devons prendre en main les clés de l’économie et de la société. C’est parfaitement possible en nous débarrassant du capitalisme et en construisant un monde socialiste.

  • Pays-Bas : d’où viennent les émeutes anti couvre-feux ?


    Les émeutes de ces derniers jours aux Pays-Bas ont principalement touché les quartiers les plus pauvres et leurs habitants. Les commerçants ont vu leurs petits commerces partir en flammes ou leurs stocks finir aux mains de pillards. Certains d’entre eux vont probablement décider de quitter ces zones, ce qui ne fera qu’aggraver la situation de ces régions déjà à peine habitables. On peut comprendre que la majorité de la population soit dégoûtée par ces émeutes. Mais il ne suffit pas de les condamner, il faut aussi comprendre leur cause.

    Par des correspondants de Socialistisch Alternatief, section d’Alternative Socialiste Internationale aux Pays-Bas

    Bien que les Pays-Bas soient un pays qui n’est pas souvent associé à la révolte, ces émeutes ne sont pas une surprise. L’introduction du couvre-feu de trois semaines par le gouvernement intérimaire néerlandais a joué le rôle de la goutte faisant déborder le vase. Ce gouvernement a été mis en place que Mark Rutte, du Parti populaire, ait été contraint de démissionner à la suite d’un scandale. La mesure elle-même bénéficie d’un large soutien dans la population qui repose sur la compréhension de la nécessité de faire baisser le taux de contamination, d’autant plus que la variante britannique devrait frapper les Pays-Bas vers la mi-février. Si cela devait arriver, à la mi-mars, l’épidémie pourrait devenir incontrôlable et, en avril, les hôpitaux seraient débordés, selon l’Institut national pour la santé et l’environnement.

    Après des années successives de privatisation des services publics, parmi lesquels les soins de santé, dues aux conservateurs, aux libéraux et aux sociaux-démocrates, la confiance dans l’élite au pouvoir est au plus bas. Depuis des décennies, les syndicats orientent leur action vers la conclusion d’accords avec les patrons, le fameux « modèle des polders » basé sur la collaboration de classe. La social-démocratie (le PVDA) a joué un rôle terrible dans l’application de l’austérité. Même le parti de gauche Socialistische Partij a, au cours de ces deux dernières décennies, abandonné son interprétation du « marxisme » et même réprimé ceux qui, au sein du parti, se sont opposés à cette évolution. Le parti a lui aussi adopté une position de collaboration de classe. Parallèlement, les scandales se succèdent, révélant comment les riches s’entraident tout en attaquant les pauvres.

    Tout cela a permis à la propagande de droite de faire son entrée dans les manifestations. Les multinationales agricoles ont ainsi instrumentalisé la colère des agriculteurs les plus pauvres concernant les restrictions sur l’utilisation des engrais imposées par le gouvernement et ont même organisé des manifestations.

    Il existe deux partis populistes de droite : le PVV de Wilders, enclin à soutenir les mesures sanitaires, et le Forum pour la démocratie, qui s’y oppose. Deux formations qui n’ont rien à envier à Trump. Le Forum pour la démocratie a réalisé une percée lors des élections provinciales de 2019, mais il a depuis lors perdu du terrain en faveur du PVV. Alors que de petits groupes de droite ont joué un rôle dans l’organisation des manifestations précédentes, les émeutes actuelles, principalement organisées via les réseaux sociaux, impliquent un mélange d’extrémistes de droite, de « combattants de la liberté » et de jeunes frustrés qui se enfermés dans des écoles, des emplois précaires et leur logement et qui se sont retrouvés pour affronter un ennemi commun, l’État.

    Le terreau de ces émeutes est la sinistre situation à laquelle les jeunes sont confrontés dans de nombreuses régions et dans les quartiers les plus pauvres. 30 % de la population active néerlandaise occupe des emplois précaires, soit le niveau le plus élevé de l’Union européenne. Dans la situation actuelle, ils ne peuvent trouver que des emplois mal payés et peu sûrs, voire pas sûrs du tout. L’enseignement aux Pays-Bas est coûteux et de mauvaise qualité, même dans les universités. La pénurie de logements est grave et les loyers sont inabordables. Seuls les jeunes les plus instruits sont en mesure d’acheter une maison, et ils doivent souvent combiner les revenus du couple pour y parvenir.

    Les jeunes ont dû accepter le fait qu’ils ne recevront aucune aide du gouvernement pour résoudre leurs problèmes. Et il existe une discrimination flagrante à l’encontre des personnes d’origines différentes. C’est dans ce contexte que le gouvernement a été contraint de démissionner le 17 janvier en raison d’un scandale concernant les allocations pour la garde des enfants.

    Les personnes qui ont besoin de services de garderie ont droit à des avantages fiscaux versées sous la forme d’une avance, les frais étant à justifier par la suite. Les autorités fiscales néerlandaises ont mené une véritable chasse aux sorcières des parents, sur base de la double nationalité, de la résidence dans certaines régions spécifiques, etc. Le système fonctionnait de telle manière que si vous soumettiez des données comportant des erreurs mineures, vous deviez rembourser la totalité du montant, soit des dizaines de milliers d’euros dans de nombreux cas.

    De nombreuses personnes ont été ruinées. Des familles se sont séparées sous la pression. Des gens ont été forcés de déménager et ont été expulsés de leur logement. L’administration fiscale, les ministères, les juges et le Parlement ont été impliqués dans cette affaire tandis que les médias ont fermé les yeux sur ce qui s’est passé pendant plus de dix ans. Le scandale a été révélé au grand jour grâce aux efforts individuels de deux parlementaires, l’un du parti démocrate-chrétien et l’autre du parti socialiste.

    L’État n’aide pas les travailleurs et la jeunesse, tandis que le scandale des allocations familiales a clairement démontré que les gens sont chassés comme des animaux de proie sans aucune justification. Le Covid-19 est venu s’ajouter à cela et a exposé les résultats désastreux d’années d’austérité néo-libérale. Le gouvernement n’a par exemple pas fourni suffisamment de matériel de protection car il était plus soucieux de respecter la volonté des entreprises privées.

    Cela se répète maintenant avec les vaccins. Aucun plan sérieux de vaccination de masse n’a été élaboré. Cela est dû, d’une part, au fait que les entreprises privées ne sont pas disposées à garantir la livraison à un moment raisonnable et, dans une moindre mesure, à la méfiance des jeunes, en particulier, à l’égard des vaccins développés par le secteur privé. Dans ce contexte, les jeunes ont de plus en plus le sentiment que ce sont toujours les mêmes qui sont poussés à faire des sacrifices.

    Et maintenant, même certaines des libertés limitées dont disposent encore les jeunes pour au moins se divertir leur ont été retirées. Lorsque les cafés et les concerts étaient fermés, les jeunes travailleurs cherchaient un exutoire dans les fêtes sous les viaducs, les rassemblements dans les parcs, les usines abandonnées, etc. sous le refuge de l’obscurité hivernale. Le couvre-feu leur a enlevé tout ça.

    Les émeutes ne sont pas une surprise. Elles ont lieu dans les campagnes, les villages de pêcheurs et les villes depuis des années. Malheureusement, les émeutes n’offrent aucune perspective. C’est une révolte, mais une révolte aveugle.

    Les émeutes ont maintenant duré trois jours, ce qui a augmenté le soutien au gouvernement et à la police. Les ministres du gouvernement se bousculent les uns les autres pour condamner les émeutes. Parmi les actes particulièrement stupides qui ont eu lieu, on peut citer la lapidation d’un hôpital à Enschede et l’incendie d’un centre de test COVID dans le village de pêcheurs d’Urk. Des travailleurs de la santé désemparés n’ont pas pu quitter l’hôpital à la fin de leur service…

    Si les dirigeants syndicaux et les partis de gauche devaient rejeter la faute sur les véritables responsables – à savoir les grandes sociétés pharmaceutiques, le marché « libre » et le système de profit – cette énergie pourrait servir à construire une lutte positive pour promouvoir les intérêts des familles ouvrières. Malheureusement, les dirigeants syndicaux et les partis de gauche sont complètement invisibles ; les seuls dirigeants syndicaux qui se sont manifestés sont ceux du syndicat de la police. La plupart des partis soutiennent le gouvernement et le maintien du couvre-feu, la seule exception étant certains partis marginaux de droite.

    Le parti libéral au pouvoir est maintenant prêt à augmenter sa majorité lors des élections de mars. Toute cette situation renforce le soutien du public à des mesures plus répressives, bien qu’il y ait évidemment une grande différence entre la manifestation pacifique de l’après-midi à Amsterdam, qui a été illégalement réprimée, et les appels à des « émeutes contre le gouvernement » après le couvre-feu dans plusieurs villes, qui ont rapidement dégénéré et se sont soldés par des pillages, des incendies criminels et des pillages.

    Il faut contrer ce dangereux mélange de jeunes frustrés et d’extrême droite. Seules la lutte et l’organisation portent leurs fruits. Les syndicats et les partis de gauche sont incapables de se connecter à de nouvelles couches en raison de leur politique de collaboration de classe.

    Ce qu’il faut, c’est organiser ces couches, les allocataires sociaux, les travailleurs, les syndicalistes, autour de revendications combatives comme l’augmentation du salaire minimum horaire à 14 euros, la défense de vrais emplois avec de vrais salaires, un salaire décent pour les indépendants, l’abolition de tous les contrats précaires, des logements abordables et la renationalisation de tous les services publics, à commencer par les soins de santé et les grandes entreprises pharmaceutiques, les transports publics, l’immobilier et les institutions financières pour pouvoir utiliser toutes ces ressources afin d’offrir une véritable solution aux problèmes quotidiens.

    Nous avons besoin de la propriété publique des secteurs clés de l’économie et d’une planification démocratique sous contrôle et gestion de la collectivité. Nous avons besoin d’un véritable parti socialiste et de syndicats de combat. Il est temps de construire une alternative socialiste.

  • 2021 & nouvelle décennie : les révoltes, les luttes et leurs effets politiques

    Mobilisation en défense du droit à l’avortement en Pologne.

    La nouvelle vague de révoltes et de mouvements de masse de 2019 s’est poursuivie en 2020 – malgré les restrictions sévères dues à la pandémie et à la dépression économique. De la Thaïlande à la Bolivie et du Nigeria au Bélarus, mouvements de masse et actions de protestations ont occupé les rues en défiant les élites dirigeantes. Quelles leçons tirer de ces mouvements et quels en sont les effets sur la conscience ?

    Par Cédric Gerome et Per-Åke Westerlund, Exécutif international d’Alternative Socialiste Internationale (ASI)

    L’année dernière, ASI, dans ses analyses, a souligné les nouvelles caractéristiques de nombreux mouvements de masse : ils ont duré plus longtemps et se sont rapidement focalisés sur les gouvernements en réclamant de réels changements dans la société, malgré le fait qu’ils aient été déclenchés par différents événements et incidents. Ils étaient dans une large mesure dirigés par des jeunes et des femmes.

    Notre organisation internationale a reconnu et salué ces mouvements, bien sûr, mais elle a également mis en garde contre leurs faiblesses : le manque d’organisation démocratique et de programmes socialistes susceptibles de changer le système. Nous avons également mis en garde contre la répression, en particulier à Hong Kong, mais aussi contre d’autres éléments qui peuvent arrêter ou détourner les luttes : par la négociation, le partage du pouvoir, de nouvelles élections et bien sûr l’épuisement.

    En août, par exemple, un coup d’État militaire au Mali a pris le pas sur un mouvement de masse qui avait commencé au printemps, avec la promesse de satisfaire les revendications du mouvement, ce qui bie entendu n’a pas été fait. En Éthiopie, dans le but de mettre un terme aux mobilisations de masse, Abiy Ahmed, premier ministre depuis 2018, est passé des promesses de réformes démocratiques à une répression brutale, en attisant la violence ethnique et en maintenant la situation de guerre civile au Tigré.

    L’aboutissement d’une décennie

    L’année 2019 fut exceptionnelle, mais cela n’est pas tombé du ciel. Ce fut le point culminant d’une décennie marquée par de grandes flambées de luttes. L’Indice mondial de la paix 2020 a calculé que les émeutes dans le monde ont augmenté de 282 % au cours des dix dernières années et les grèves générales de 821 %. Les troubles civils ont doublé depuis 2011, 96 pays ayant enregistré une manifestation violente rien qu’en 2019.

    Selon le “Center for international and strategic studies” (un groupe de réflexion américain), le nombre de manifestations antigouvernementales de masse dans le monde a augmenté en moyenne de 11,5 % par an depuis 2009

    Mais il n’y a pas eu de répartition égale des luttes ni d’évolution linéaire au cours de cette décennie qui a immédiatement découlé de la grande récession de 2008-2009. La recrudescence qualitative de grandes luttes anti-austérité en Europe du Sud a eu lieu en 2010, presque 2 ans après la faillite de Lehman Brothers. Il y a eu ensuite le début de la vague de révolutions en Afrique du Nord à la fin de 2010, qui s’est étendue en 2011, année également du mouvement des Indignés dans l’Etat espagnol, d’Occupy aux États-Unis, etc.

    Les leçons de cette décennie sont importantes pour discuter des perspectives actuelles. L’expérience accumulée depuis 2008-2009 s’inscrit dans le contexte de la crise actuelle, la dernière crise et ses effets ont été une expérience formatrice pour des millions de travailleurs et de jeunes. Il est important d’analyser le type de radicalisation et de luttes d’alors, étant donné que nous sommes aujourd’hui passés à une perturbation bien plus profonde.
    Les rapports de Pologne et des États-Unis sur les mouvements de masse qui y ont pris place ces derniers mois soulignent le fait que malgré les limites de ces luttes, la conscience était généralement à un niveau plus élevé que les mouvements similaires des années précédentes.

    L’idéologie néo-libérale s’est prise une claque

    Le capitalisme est entré dans cette nouvelle crise avec ses institutions, ses partis et sa crédibilité déjà sérieusement minés, bien plus qu’il y a dix ans. L’idéologie néo-libérale a de plus subi une nouvelle claque beaucoup plus dévastatrice.

    D’importantes figures de l’establishment le reflètent de différentes manières. Récemment, le célèbre naturaliste britannique David Attenborough a fait le commentaire suivant : “Dans le monde entier, les gens commencent à se rendre compte que la cupidité ne mène pas à la joie”. Même dans son encyclique publiée en octobre, le pape François a attaqué le néo-libéralisme en termes très explicites : “Le marché, à lui seul, ne peut pas résoudre tous les problèmes, même si on nous demande de croire à ce dogme de la foi néolibérale. Quel que soit le défi, cette école de pensée appauvrie et répétitive propose toujours les mêmes recettes. Le néolibéralisme se reproduit tout simplement en recourant aux théories magiques de la “répercussion” ou du “ruissellement” comme seule solution aux problèmes de société. On n’apprécie guère le fait que la prétendue “réaction en chaîne” ne résout pas l’inégalité et donne naissance à de nouvelles formes de violence menaçant le tissu social”.

    Ce sont des expressions de sentiments répandus à la base de la société, d’un rejet prononcé des idées fondamentales au cœur de l’idéologie néo-libérale.

    L’effet d’étourdissement s’estompe

    En termes de luttes, la première période de la pandémie a mis en veilleuse les mouvements de masse. Une vague de grèves spontanées dans une série de pays a toutefois eu lieu en réaction immédiate à la pandémie, les premiers confinements ont souvent été imposés aux patrons et au gouvernement par la classe ouvrière. Cela s’est produit très tôt dans le cas de l’Italie avec des grèves nationales qui furent un avertissement pour de nombreuses autres classes dirigeantes ailleurs, qui ont estimé que si elles ne prenaient pas cette pandémie au sérieux, elles pourraient faire face à une résistance sérieuse.

    Les confinements ont ensuite eu un certain effet d’entraînement, la peur résultant du Covid-19 et la pandémie étant consciemment exploités par les classes dirigeantes pour réprimer les mouvements de lutte.

    La situation a changé depuis, avec un nouveau cycle de luttes et de mobilisations de masse dans toute une série de pays. En Inde, par exemple, au début de l’année, la pandémie a servi de prétexte à Modi pour réprimer les vestiges des manifestations de masse contre la loi sur la citoyenneté. Mais en novembre-décembre, nous avons assisté, la même semaine, à une grève générale nationale impliquant 250 millions de personnes contre les mesures de privatisation et les réformes du travail du gouvernement Modi tandis que des centaines de milliers d’agriculteurs marchaient sur Delhi contre la nouvelle législation qui les mettra à la merci des géants de l’agrobusiness.

    Ce mouvement est très significatif car il s’agit d’une révolte d’une partie importante de la base électorale du BJP, le parti au pouvoir. Lors des élections de 2019, Modi avait étendu son soutien électoral dans les régions rurales de l’Inde, et maintenant certaines de ces couches sont impliquées dans de grandes manifestations de rue.

    La bonne volonté en pénurie

    Dans de nombreuses régions du monde, l’atmosphère a changé de façon spectaculaire par rapport aux premiers jours de l’année. Le journal britannique The Guardian a commenté les changements survenus en Europe, lorsque de nouvelles mesures de confinement ont été mises en place à l’automne : “(…) en mars, le choc et la peur ont conduit les populations à se rallier aux dirigeants et à consentir à des restrictions inconnues en dehors du temps de guerre. Huit mois plus tard, ce type de confiance et de bonne volonté se fait rare”.

    Dans la plupart des cas, le pic de popularité des dirigeants et des gouvernements bourgeois s’est largement dégonflé et a fait place à un regain de colère contre les gouvernements. L’un des exemples les plus frappants est celui du gouvernement de Boris Johnson, qui a vu ses taux d’approbation chuter et est maintenant déchiré par des divisions. Quelques pays ont relativement mieux géré la pandémie que d’autres et ont gagné le soutien de la population, comme la Nouvelle-Zélande et certains pays d’Asie par exemple.

    Il existe des différences importantes d’un pays à l’autre, comme c’est toujours le cas – il n’y a jamais d’analyse unique qui soit valable pour tous les pays du monde. Mais le plus important est d’identifier les principales tendances à l’oeuvre.

    Dans l’ensemble, le capitalisme mondial n’a absolument pas réussi à contrôler la pandémie et cela, combiné à l’effet économique véritablement mondial de la crise, nourrit une colère de masse dans de nombreuses régions de la planète. C’est la tendance dominante en ce qui concerne la pandémie.

    Nous le constatons en Israël, où le soutien de Netanyahu a chuté de façon spectaculaire et où la coalition entre le Likoud et le parti Bleu-Blanc est sur le point de s’effondrer – ce qui signifie que nous pourrions bientôt assister à la quatrième élection en deux ans en Israël.

    Au Brésil, Bolsonaro a vu son soutien bondir dans les sondages au cours de l’été, en raison essentiellement du versement de l’aide d’urgence du gouvernement aux familles pauvres, grâce à laquelle des millions de personnes survivent aujourd’hui. Lors des dernières élections, les candidats soutenus par Bolsonaro ont cependant subi une vague de défaites.

    L’Amérique latine est la région la plus brutalement touchée par la crise sanitaire et économique de cette année. Cette région est parmi celles qui présentent le plus grand potentiel de très conséquents bouleversements politiques et sociaux dans la période à venir. Le mois dernier, nous avons assisté à des manifestations de masse contre l’austérité au Pérou et au Guatemala. Dans ce dernier pays, les manifestants ont fait irruption au Congrès et ont brûlé le bâtiment. Le projet austéirtaire a été depuis lors mis en veilleuse.

    Les luttes dans le secteur de la santé

    Il est significatif que les deux domaines en ligne de mire des réductions budgétaires au Guatemala étaient l’éducation et la santé. En général, dans de nombreux pays, une fois que la pandémie sera repoussée de manière significative, il y aura presque inévitablement un “moment pour régler ses comptes” dans le secteur de la santé, le sentiment que lorsque la bataille contre le virus est plus ou moins sous contrôle, la prochaine bataille est de régler les comptes avec les responsables de l’état lamentable de la santé. Mais même dans les pays où la vague virale bat son plein, des actions importantes sont menées dans ce secteur.

    Aux États-Unis, la résistance du personnel de santé s’est accrue, avec un nombre croissant de grèves ou de menaces de grève dans de nombreuses régions, par exemple à Philadelphie et à New York. Ce sentiment de “règlement de comptes” sera un sentiment plus général dans la société dans le contexte post-pandémique de nombreux pays – même s’il ne trouvera pas la même expression partout.

    Une étude réalisée par deux professeurs d’université italiens a examiné les troubles sociaux à l’époque de 57 épidémies entre la peste noire dans les années 1300 et la pandémie de grippe espagnole de 1918 : il n’y a que quatre occasions où les révoltes n’ont pas suivi les pandémies.

    Les luttes dans les rues d’Italie

    Les sondages d’opinion ont révélé l’état d’esprit qui règne dans certains pays. En France, le mois dernier, 85% des personnes interrogées ont déclaré qu’elles s’attendaient à une explosion sociale dans les prochains mois. Un sondage réalisé en octobre a révélé que plus de 3/4 des Italiens estiment que la violence dans les rues sera plus importante cet hiver.

    Bien sûr, cela peut prendre toutes sortes d’expressions, et l’Italie en a fourni un exemple. La deuxième vague de la pandémie et la deuxième série de mesures de confinement ont fait exploser la colère dans les rues, mais dans toutes sortes de directions. Fin octobre et début novembre, des émeutes et des manifestations ont éclaté à Naples, puis dans des dizaines d’autres villes, mais avec une composition sociale et politique hétérogène. On y trouvait des jeunes chômeurs et des travailleurs du secteur informel menacés de perdre leur emploi, des petites entreprises familiales appauvries craignant de sombrer sous les ordres de grands patrons de chaînes d’entreprises et même, dans certains cas, des membres de mafia et, comme à Rome, des néofascistes de Forza Nuova.

    En même temps, il y a une certaine augmentation des actions de grève en Italie. Le mardi 8 décembre, une grève nationale dans le secteur public a été appelée par les trois principales confédérations syndicales. Pour l’instant, les travailleurs ayant un contrat légal bénéficient toujours d’un gel temporaire des licenciements imposé par le gouvernement, et les principaux syndicats ont menacé de déclencher une grève générale si celle-ci n’était pas prolongée. Ainsi, bien que la bureaucratie syndicale soit un frein à la lutte et ait permis à la colère de s’enflammer de manière fragmentée et désorganisée, nous pouvons également voir les signes de la force potentielle du mouvement des travailleurs à l’arrière-plan.

    Dans la plupart des pays, le nombre de personnes en colère face à l’impact économique et social que les mesures de confinement provoquent est croissant. L’extrême droite tente de surfer sur ce phénomène, de mobiliser des soutiens sur une base “anti-confinement”, en exploitant notamment le désespoir de la petite bourgeoisie confrontée au spectre de la faillite. En Allemagne, les manifestations anti-confinement ont été partiellement détournées par l’extrême-droite. Au Royaume-Uni, Nigel Farage a relancé le parti Brexit en tant que parti anti-confinement.

    Les marxistes et la gauche ont besoin d’un programme à ce sujet. Le programme de transition, rédigé par Léon Trotsky en temps que programme de fondation de la Quatrième Internationale en 1938, est très pertinent à cet égard : “Les sections de la IV° Internationale doivent, sous la forme la plus concrète possible, élaborer des programmes de revendications transitoires pour les paysans (fermiers) et la petite-bourgeoisie citadine, correspondant aux conditions de chaque pays. Les ouvriers avancés doivent apprendre à donner des réponses claires et concrètes aux questions de leurs futurs alliés.”

    Aujourd’hui, ASI en Italie défend des mesures concrètes reposant sur les besoins réels de soutien des revenus des petits commerçants, négociants et artisans touchés par le confinement.

    Les perspectives de l’extrême droite

    Quelles sont les perspectives pour le populisme réactionnaire d’extrême droite et de droite ? Après la défaite électorale de Trump et, dans une moindre mesure, les récentes élections municipales au Brésil, certaines parties de l’aile la plus libérale de la bourgeoisie ont de nouveau l’espoir que le populisme de droite soit en train de s’effacer globalement et que nous assistions à un “retour au courant dominant”.

    Il ne fait aucun doute que la défaite de Trump représente objectivement un coup porté aux populistes de droite au niveau international et, plus généralement, il y a un prix politique à payer pour la gestion particulièrement désastreuse de la pandémie par ces dirigeants.

    Mais le populisme de droite ne sera pas qu’un feu de paille. Les conditions qui l’ont provoqué au départ n’ont pas disparu. Dans le contexte de la crise persistante du capitalisme, et à moins qu’il ne soit confronté à un défi plus sérieux et organisé de la part de la gauche et du mouvement ouvrier, il restera présent un certain temps et pourrait même devenir un danger plus sérieux à l’avenir.

    L’expérience des politiques de Joe Biden conduira sans aucun doute à des luttes majeures aux États-Unis dans la prochaine période qui pourraient trouver une traduction dans de nouveaux développements politiques au sein de la gauche. Mais si cela ne se concrétise pas, cela pourrait ouvrir la voie à Trump ou pire encore dans la prochaine période, non seulement avec un retour électoral dans quatre ans, mais aussi avec le développement de mouvements populistes de droite plus dangereux et même d’extrême droite dans la société.

    Trump a contribué à populariser divers éléments de l’extrême droite avec son utilisation de formes grossières de racisme et de misogynie, sa posture anti-élite et anti-institutions et la diffusion de théories du complot.

    En Europe, le processus d’adoption par les partis traditionnels de certains points programmatiques de l’extrême-droite, notamment en matière d’immigration, dure depuis des années. En France, Macron mène actuellement une campagne islamophobe d’un niveau qui, il y a quelques années, aurait été attribué à Marine Le Pen.

    La création d’une politique gouvernementale cohérente à partir du programme de l’extrême-droite est toutefois une toute autre affaire. La classe dirigeante utilisera des groupes paramilitaires néofascistes et d’extrême droite comme force de réserve en cas de besoin, et certains de ces groupes tenteront également d’infiltrer l’appareil d’État. Récemment, le RSS en Inde a décidé d’ouvrir l’année prochaine une école militaire qui formera les enfants à devenir des officiers dans les forces armées, ce qui constitue une évolution très dangereuse.

    Mais l’équilibre objectif des forces entre les classes pose certaines limites à de tels processus. Dans le contexte de la crise économique à laquelle le système est confronté à l’échelle mondiale, même la stabilisation de régimes dictatoriaux pendant toute une période historique, comme l’a fait Pinochet pendant 17 ans, sera rendue plus difficile.

    Absence d’organisations de travailleurs de masse

    Parallèlement, à court et moyen terme, le manque d’organisations de masse des travailleurs continuera à être un obstacle à des victoires plus décisives et plus durables pour la classe ouvrière. Ce qui est probable, c’est une période très prolongée de révolution et de contre-révolution, avec un niveau accru d’instabilité politique et sociale, avec des phases de luttes et de contre-offensives se succédant à un rythme accéléré.

    L’absence de direction, d’organisations et de programme adéquats dans nombre des mouvements actuels constitue une faiblesse et une complication très sérieuse.

    En Irak, il y a un certain retour des sadristes dans les rues, après que Muqtada al Sadr ait été submergé et partiellement exposé par le mouvement de masse l’année dernière. Fin novembre, des dizaines de milliers de partisans des sadristes ont occupé la place Tahrir, la même que celle qui avait été occupée par les manifestants antigouvernementaux lors du mouvement de l’année dernière. A Nasiriah, dans le sud, des bandes armées sadristes ont attaqué le camp de protestation, abattant plusieurs participants.

    Ce mouvement religieux populiste doté de grandes capacités d’organisation profite du caractère désorganisé du mouvement révolutionnaire pour prendre le dessus. Cela ne signifie pas la fin du mouvement, l’élan révolutionnaire va revenir, mais cela montre comment le caractère spontané d’un mouvement, qui dans sa phase initiale peut être un certain avantage pour surprendre et déstabiliser la classe dominante, finit par se transformer en un sérieux inconvénient.

    Une caractéristique de la situation mondiale est, d’une part, la rapidité avec laquelle des luttes explosives peuvent spontanément éclater à partir de la base, et même, à plus d’une occasion, forcer la classe dirigeante à des retraites et des concessions temporaires. Mais il y a toujours un seuil au-delà duquel la faiblesse des facteurs de conscience et d’organisation politiques commence à se manifester de manière plus apparente.

    La thèse sur le Moyen-Orient du congrès mondial de l’ISA explique ce qui s’est passé il y a dix ans : “Au moment de la première vague révolutionnaire en 2010- 2011, le CIO [dénommé maintenant ASI] a expliqué que les mouvements de masse ne pouvaient pas durer indéfiniment et qu’ils se heurteraient à de sérieux défis et à des reculs en raison de l’absence d’une véritable direction révolutionnaire prévoyante. Mais nous avons également souligné que malgré la grave faiblesse de la gauche dans la région, les contre-révolutions ne dureraient pas longtemps et que les processus de révolution allaient forcément reprendre, avec de nouvelles rébellions de la classe ouvrière et de la jeunesse, de plus grande envergure encore”.

    C’est ce que nous avons vu l’année dernière. Le Soudan, l’Algérie, le Liban, l’Irak et l’Iran ont vu une nouvelle vague révolutionnaire déferler sur la région malgré le fait que la question de la direction reste non résolue. Encore une fois, si cette question n’est pas résolue dans un certain temps, le mouvement ouvrier rencontrera de nouveaux revers et devra faire face à la perspective de défaites plus sévères.

    Résoudre la question du facteur subjectif

    Répondre à la question du facteur subjectif – la nécessité d’un parti révolutionnaire disposant d’un soutien de masse – sera une combinaison de deux choses : la construction et l’intervention des forces révolutionnaires dans les événements, et la maturation politique qui émergera des luttes elles-mêmes. Cette maturation se fera finalement dans le domaine de la politique – un processus qui ne sera ni simple ni chimiquement pur.

    Les élections étudiantes au Liban en sont un exemple récent. Dans chaque université, des listes et des candidats indépendants ont fait une percée sans précédent contre les partis sectaires qui dominaient les conseils étudiants. Il s’agit d’une évolution modeste mais significative, dans un pays où l’atmosphère anti-politique et anti-parti était très prononcée au début du mouvement. Bien sûr, ce sentiment n’a pas disparu, mais cela représente un reflet politique des luttes de masse que le Liban a traversées l’année dernière, le fait que l’espace pour une force politique anti-sectaire, soutenue par le soulèvement, s’est ouvert.

    Le déplacement vers la droite et, dans certains cas, les capitulations de nouvelles formations de gauche représentent un revers important, alors que la campagne électorale et les résultats du PSOL au Brésil montrent une dynamique très différente.

    Et même lorsqu’il y a eu des capitulations, il ne s’ensuit pas automatiquement que le soutien aux grandes idées que ces formations ou ces personnalités représentaient a considérablement diminué, ni que la question d’une nouvelle représentation politique pour la classe ouvrière sera écartée de la table pour une période lointaine.

    Aux États-Unis, la capitulation de Sanders est une complication vers la construction d’un nouveau parti, mais la position critique d’AOC Alexandria Ocasio-Cortez  et de “La brigade” (The Squad, un groupe d’élues de gauche) occupent maintenant au Congrès montre que la situation objective continue d’offrir des opportunités concrètes de défendre l’idée d’un nouveau parti des travailleurs au lieu de l’avoir repoussée pour une longue période. Un sondage d’opinion Gallup de septembre dernier indique que 57 % des Américains estiment que le pays a besoin d’un troisième grand parti.

    Répression et droits démocratiques

    Dans cette période, les marxistes doivent accorder une attention particulière à la répression et aux droits démocratiques. Une répression accrue de l’État dans certaines conditions peut signifier la fin d’un mouvement ou au moins repousser la lutte pendant une période, ce qui se voit le plus clairement à Hong Kong en ce moment.

    Le rôle de plus en plus visible joué partout par la machine d’Etat dans le maintien des relations sociales est une marque réactionnaire de la crise du système, tout comme l’effondrement croissant des “règles” de la démocratie bourgeoise. Cela peut s’exprimer de diverses manières comme par la croissance des méthodes de surveillance numérique de masse. Dans de nombreuses parties du monde néocolonial, la crise et la pandémie ont été accompagnées d’une militarisation croissante de la société.

    D’autre part, il y a le potentiel révolutionnaire qui peut être libéré lorsque la classe dirigeante fait un pas de trop dans cette direction. L’érosion des droits démocratiques alimente la radicalisation contre le système et peut également être le début de mouvements, comme nous l’avons vu dans un certain nombre de pays cette année, et plus récemment en France. Le dernier week-end de novembre a vu un demi-million de personnes descendre dans la rue lors de plus d’une centaine de manifestations pour protester contre une nouvelle loi sur la sécurité destinée à renforcer les pouvoirs de la police. Ceci alors que la France entrait dans une deuxième vague de Covid.

    Une partie de cette loi vise à saper la possibilité pour les personnes et les journalistes de filmer et d’identifier les policiers dans le cadre de leur travail, afin de faciliter la répression policière. Alors que cette loi était en cours d’approbation au Parlement, une vidéo montrant la police en train de tabasser un producteur de musique noir est devenue virale et s’est complètement retournée contre Macron. Cela a déclenché une grave crise politique et a forcé le gouvernement à battre partiellement en retraite en annonçant une réécriture de la loi.

    Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne – Ouganda, Côte d’Ivoire, Guinée – ces derniers mois, des protestations ont été déclenchées par des questions électorales – fraude électorale, interdiction pour les candidats de l’opposition de participer aux élections, renouvellement inconstitutionnel des mandats des dirigeants actuels, etc.

    La question des droits démocratiques occupe une place sensible et importante, mais elle est loin d’être la seule. Les prix des denrées alimentaires n’ont cessé d’augmenter pendant tout le dernier semestre. Certaines des premières mobilisations populaires après la grande récession de 2008-2009 ont été les “émeutes de la faim”, en particulier sur le continent africain, provoquées par la hausse des prix alimentaires mondiaux, qui sont ensuite devenues un catalyseur des révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    Les questions d’oppression de genre et racistes ou encore la crise environnementale sont autant de voies par lesquelles la radicalisation et les luttes peuvent se développer durant cette période.

    Les luttes et la radicalisation politique ne seront pas le seul produit de cette crise. Pour les masses, cette crise signifie avant tout des horreurs sans fin. La pandémie et la crise économique ont exacerbé les problèmes de santé mentale à une échelle effrayante. Les États-Unis sont en passe d’atteindre un record absolu du nombre de décès par overdose cette année. Les suicides sont en augmentation un peu partout, en particulier chez les jeunes, et plus encore chez les jeunes femmes.

    Critique du système et internationalisme

    D’une manière générale, la pandémie mondiale et la dépression économique ont fait progresser, plus particulièrement chez les jeunes, la compréhension qu’il y a quelque chose de dysfonctionnel dans l’ensemble du système, et que c’est le cas au niveau international, que cela est lié à la façon dont la société est organisée au niveau mondial.

    Nous avons vu ces idées s’exprimer à des degrés divers dans les mouvements féministes mondiaux et plus encore lors des grèves climatiques mondiales de l’année dernière.

    La pandémie a renforcé ces idées internationalistes intuitives et anti-système parmi une couche croissante de travailleurs et de jeunes. Cela ne s’est pas encore traduit à ce stade par une attraction massive pour le socialisme, mais c’est une étape positive sur cette voie.

    Il est également clair que la pandémie a mis en évidence la nature de classe de la société pour des millions de personnes. La conscience de classe, aussi faible soit-elle auparavant – ce qui varierait d’un pays à l’autre – s’est généralement accrue.

    Le New York Times a fait un commentaire à ce sujet : “si les États-Unis continuent à se frayer un chemin dans une autre catastrophe économique qui définira la génération suivante, nous pourrions constater qu’une part encore plus importante de leur classe ouvrière en vient à se considérer comme un agent de changement et d’action”.

    Des comparaisons historiques peuvent être faites avec les crises précédentes, mais il faut souligner que le triple fléau d’une crise économique mondiale, d’une crise environnementale mondiale et d’une crise sanitaire mondiale, sur fond de nouvelle guerre froide – et tout cela à la fois – est sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

    Les bouleversements que cette situation provoquera dans l’évolution politique et dans la conscience de millions de personnes seront également sans précédent, et nous n’en avons vu que les premières manifestations.

  • Économie mondiale : Le changement de politique ne permettra pas de vacciner le système contre la dépression


    « Nous ne devons pas nous vanter trop de nos victoires humaines sur la Nature. Pour chacune de ces victoires, la Nature se venge sur nous. » Friedrich Engels, Dialectique de la nature.

    Beaucoup se seront sentis soulagés de la réussite du développement d’une première génération de vaccins et de leur déploiement progressif dans un certain nombre de pays. Quel témoignage des capacités de la science moderne ! Malheureusement, depuis lors, les contaminations augmentent rapidement, avec un nombre record de décès et l’annonce de nouveaux confinements. Il semble que le virus prenne sa revanche, et nous rappelle que ce n’est pas encore fini.

    Par Eric Byl, Exécutif international d’ASI 

    Le Covid 19 est venu s’ajouter aux catastrophes écologiques et à l’aggravation des privations sociales. La pandémie a mis en évidence le manque de crédibilité politique du système et a déclenché une dépression économique qui était déjà imminente. Elle a plongé le capitalisme dans un tourbillon de crises d’une ampleur inédite, avec des conséquences dramatiques sur tous les aspects de la vie et n’épargnant aucune partie de la planète.

    La “main directrice” de l’État

    Cette crise a aussi complètement mis en pièces le conte de fées du capitalisme en tant que système “autorégulateur”. La “main invisible du marché” a totalement perdu le contrôle des forces qu’elle a libérées. Elle s’est vue forcée de céder la place à la “main directrice de l’État” dans une tentative désespérée de retrouver un semblant de contrôle sur la situation.

    L’utilisation de la “main directrice de l’État” est loin d’être neuve ou exceptionnelle sous le capitalisme. Cela a été essentiel dès sa création, lors de l’exploration et du pillage des colonies, que Marx a décrit comme la période d’”accumulation primitive” du capital. Le développement de la plus ancienne bourse d’Amsterdam au XVIIe siècle n’a été possible qu’après que la Compagnie privée des Indes orientales ait obtenu le monopole du commerce extérieur et soit devenue le bras armé de la politique coloniale néerlandaise. La “Belle Epoque”, la période de mondialisation capitaliste qui a précédé la Première Guerre mondiale, a pris son envol après la normalisation du rail et du télégraphe à l’initiative de l’Etat. En fait, l’histoire du capitalisme est jonchée d’exemples d’événements politiques, de financement public et d’initiatives publiques qui ont posé les bases du profit privé.

    Le développement des vaccins sera bien sûr mis à profit pour prétendre – à tort – que cela résulte de l’initiative privée, de la concurrence entre acteurs privés et du marché libre, par opposition à l’intervention publique qui étoufferait prétendument l’initiative. En réalité, l’afflux de fonds publics représentait une condition préalable cruciale pour que les entreprises pharmaceutiques privées puissent développer des vaccins en si peu de temps. Le ministère américain de la santé a, à lui seul, engagé 10,6 milliards de dollars pour les développeurs de vaccins. Moderna a reçu plus de 2,5 milliards de dollars en commandes prépayées et en partenariats public-privé du gouvernement américain. Pfizer a reçu un montant similaire provenant de différentes ressources publiques et AstraZeneca a reçu 1,7 milliard de dollars de fonds publics. Toutes ces entreprises s’appuyaient fortement sur la recherche fondamentale développée dans des universités publiques comme Harvard, Mayence, Oxford, etc. On estime qu’au total, 3 nouveaux médicaments sur 4 sont développés grâce à la recherche fondamentale financée par l’État, plutôt que d’être le résultat du prétendu dynamisme du secteur privé.

    Contrairement à Moderna et Pfizer, AstraZeneca a promis de vendre son vaccin sans faire de profit tant que durera la pandémie. Johnson & Johnson et GSK ont pris des engagements similaires, mais comme l’a prévenu Médecins sans frontières, AstraZeneca décidera elle-même quand elle estimera la pandémie terminée. D’importantes hausses de prix sont à prévoir par la suite. En outre, comme l’a souligné l’Observatoire européen des entreprises, la Commission européenne refuse de communiquer les prix convenus avec les entreprises pharmaceutiques. Grâce à une bévue du secrétaire d’État au budget belge, ces prix sont désormais dans toute la presse. Ils varient entre 1,80 € pour le vaccin AstraZeneca et 14,70 € pour le vaccin Moderna.

    La pandémie a souligné le peu de rapport qui existent entre la mondialisation capitaliste et la “coopération et la solidarité internationales”. Aujourd’hui, ce constat s’étale à nouveau au grand jour avec le développement de ce que l’on a déjà appelé le “nationalisme vaccinal”. Pays et régions se bousculent et jouent des coudes pour être les premiers servis dans l’espoir de relancer pleinement la machine à profits. Avant leurs principaux concurrents de préférence.

    Déjà 9,6 milliards de doses de vaccins ont été achetées ou réservées, la majeure partie d’entre elles par des pays à revenu élevé. Le Canada en a acheté 5 fois plus qu’il n’en a besoin, l’UE deux fois plus qu’il n’en faut, etc. Les pays à revenu moyen supérieur ont acheté beaucoup moins, mais ce sont les pays à faible revenu qui devront compter sur COVAX, un projet de coopération internationale impliquant l’Organisation mondiale de la santé et visant à vacciner 3 % de la population, puis 20 % à un stade ultérieur, ce qui est encore loin des 70 % requis pour éradiquer le virus.

    Selon les modèles actuels, il n’y aura assez de vaccins pour couvrir la population mondiale qu’en 2023 ou 2024. Un sondage d’opinion réalisé en Belgique a révélé que 80 % des personnes interrogées étaient favorables à la suppression des brevets, une proportion probablement similaire à celle d’autres pays. L’Inde et l’Afrique du Sud ont proposé de renoncer aux brevets jusqu’à la fin de la pandémie. Cela est techniquement possible du fait de l’accord ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) de l’Organisation mondiale du commerce adopté en 2003. Mais cela n’a jamais été appliqué en raison de la pression des grands lobbies pharmaceutiques. Cela est à nouveau rejeté aujourd’hui par le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l’Australie et l’Union européenne. Les principaux responsables politiques doivent pourtant bien savoir qu’au cours des dix dernières années, les grandes entreprises pharmaceutiques ont versé plus de dividendes aux actionnaires qu’elles n’ont investi dans la recherche et le développement de vaccins.

    Le développement de la première génération de vaccins sera accueilli par beaucoup avec soulagement, mais il y a de nombreux obstacles à surmonter, tels que la réfrigération mobile et l’accès à une électricité fiable. Des questions restent également entières concernant la durée de l’immunité fournie, les effets secondaires possibles et la possibilité de mutation du virus. Un certain scepticisme existe au sujet des vaccins en raison des échecs répétés des classes dirigeantes dans la lutte contre le virus, du secret et de la méfiance envers les hommes et femmes politiques dévoués aux intérêts des entreprises. L’Organisation mondiale de la santé considère “l’hésitation à se faire vacciner” comme l’une des dix principales menaces sanitaires mondiales.

    Le coronavirus a aggravé une dépression économique déjà en cours

    Ce qui restera dans l’histoire comme la crise économique du coronavirus a plongé l’économie mondiale, en quelques semaines, dans une dépression similaire à celle qui a mis des années à se développer lors de la Grande Dépression des années 1930.

    Suite à la mise en place de mesures de confinement dans le monde entier depuis mars 2020, au cours du 2e trimestre 2020, le PIB réel de la zone OCDE a chuté de 9,8 % selon les estimations, ce qui est nettement plus que la chute de 2,3 % enregistrée au premier trimestre 2009, au plus fort de la crise financière. Le PIB a baissé de 20,4 % au Royaume-Uni, de 13,8 % en France, de 12,4 % en Italie et en Allemagne. Dans l’ensemble de la zone euro et dans l’Union européenne, il a baissé respectivement de 12,1 % et 11,7 %, après des baisses de 3,6 % et 3,2 % au trimestre précédent. Aux États-Unis, il a baissé de 9,5 % et au Japon de 7,8 %.

    Après un tel quasi-arrêt, il est logique qu’une fois que les économies ont commencé à rouvrir, il y ait eu un rebond significatif au troisième trimestre avec une croissance du PIB de 7 % aux États-Unis, 8 % en Allemagne, 16 % au Royaume-Uni et 18 % en France. Cela a ravivé l’espoir que la récession serait en forme de “V” (c’est-à-dire suivie d’une reprise rapide) et que la prédiction de l’économiste en chef du FMI, Gina Gopinath, selon laquelle la période de reprise après la crise serait “longue, inégale et incertaine”, se serait avérée fausse.

    Le rebond s’est avéré de courte durée puisque le virus a refait surface. Mais même avant les deuxièmes vagues, le FMI avait déjà prédit une chute du PIB mondial de 4,4 % en 2020, un record. Il avait alors estimé que les économies avancées se seraient contractée de 4,7% d’ici fin 2021 par rapport à leurs estimations de début 2020, et de 8,1 % pour les économies émergentes. Les coronavirus et les confinements, s’ils ont eu un impact extrême, n’ont pas causé mais plutôt déclenché une aggravation dramatique de la dépression économique qui se développait déjà. Aucun des problèmes préexistants n’a été résolu depuis, tous se sont aggravés.

    La croissance de la productivité, principale mesure de la performance d’un système économique, est en déclin depuis de nombreuses décennies. Mesurée par la croissance du PIB mondial par personne employée, elle est passée de 3,2 % en 1970 à 1,2 % au début des années 1980, puis a remonté à 2,5 % au début des années 2000 avec l’intensification de l’exploitation et l’ouverture de nouvelles régions à l’exploitation capitaliste, avant de redescendre régulièrement pour atteindre 1,5 % en 2019.

    Dans les pays capitalistes avancés, à l’exception des États-Unis, la croissance du PIB par personne employée est passée de 4 % en 1970 à 2 % au début des années 1980, puis a stagné pendant 15 ans avant de redescendre régulièrement à 0,8 %. Les États-Unis ont suivi une courbe inverse : d’un creux de 1,3 % en 1970 à un pic de 2 % en 2000, ils ont depuis rejoint la même courbe descendante. Au niveau mondial, l’augmentation de l’efficacité de la production entre 2007 et 2014 n’a été que d’environ un quart de celle enregistrée entre 1999 et 2006 ! Cette situation comprime les profits, sape les investissements dans la production réelle, menace la croissance économique, la création d’emplois et le niveau de vie. En outre, toutes les prévisions indiquent une nouvelle érosion à long terme.

    Le rapport sur la richesse mondiale en 2020 du Crédit Suisse a confirmé que les inégalités, déjà à un niveau historique, ont rapidement augmenté. On estime désormais que le 1% des ménages les plus riches possède 43% de l’ensemble de la richesse personnelle mondiale, dont 25% sont détenus par les 175.000 ménages ultra-riches – le 0,1% ! Les 50 % les plus pauvres possèdent 1 % de la richesse mondiale, les 90 % les plus pauvres 11 %. Le FMI et la Banque mondiale estiment qu’entre 90 et 150 millions de personnes dans le monde vont tomber dans l’extrême pauvreté, faisant passer de 8,4 à 9,1 % la part de la population mondiale vivant avec moins de 1,90 $ par jour.

    La colossale montagne de dette s’agrandit

    Depuis plus d’une décennie, l’économie mondiale est également en proie au piège de la dette. Il y a plus de dix ans, la Chine a pu lancer un gigantesque plan de relance qui a contribué à amortir les effets de la Grande Récession à l’échelle mondiale. C’est en partie grâce à cela que la Chine a accumulé une dette telle qu’elle n’est plus en mesure de répéter une intervention de cette ampleur. Selon l’Institute of International Finance (IIF), la dette mondiale totale – publique, entreprise et ménages confondus – a augmenté de 15.000 milliards de dollars en 2020. Entre 2016 et 2020, elle a augmenté de 52.000 milliards de dollars, contre 6.000 milliards de dollars entre 2012 et 2016. Au début de 2020, la dette mondiale atteignait 320 % du PIB mondial et se situe maintenant à 365%.

    En réponse à la Grande Récession de 2008/09, les banques centrales, créées à l’origine pour contrer les liquidités excessives et éviter une inflation incontrôlable, ont injecté de vastes sommes d’argent dans l’économie. En conséquence, leurs bilans ont explosé, la FED (États-Unis) passant d’une moyenne historique de 4 à 6 % du PIB américain à 22 %. Les tentatives de réduction substantielle de cette moyenne ont échoué en raison de la faiblesse de la croissance post-récession. En janvier 2020, elle s’élevait encore à 4,2 billions de dollars, soit 19 % du PIB américain, mais la dépression « coronavirus » est ensuite arrivée. Déjà avant la pandémie, les économistes avaient mis en garde contre l’endettement excessif des entreprises. Fin 2019, près de 20 % des entreprises américaines étaient considérées comme des « entreprises zombies », maintenues en vie par des prêts dont elles ne peuvent pas assurer le remboursement. Leur effondrement provoquerait une réaction en chaîne imparable ainsi qu’un krach financier.

    La FED n’a donc pas eu d’autre choix que d’intervenir à nouveau et, en juin, son solde atteignait 7,2 billions de dollars, soit 33 % du PIB américain. En novembre, elle avait déjà atteint 7,2 billions de dollars, soit 33 % du PIB américain. Les banques centrales du monde entier avaient injecté pas moins de 8 700 milliards de dollars dans l’économie et continuent à en faire plus. Cela explique pourquoi les marchés boursiers, après des chutes record fin février et début mars, ont rebondi pour atteindre de nouveaux niveaux records. Mais la menace d’un effondrement financier n’a pas du tout disparu. On estime que lorsque les mesures spéciales liées au Covid seront retirées, un nombre record de ces sociétés zombies ainsi qu’un nombre encore plus important de sociétés qui étaient viables jusqu’avant la pandémie, feront faillite. Les économistes cherchent désespérément une issue.

    Certains défendent l’illusion qu’il est possible de se sortir de l’endettement sans même avoir besoin de dégager un excédent budgétaire. “Tant que les taux d’intérêt restent inférieurs à la croissance économique nominale”, comme si cela était concevable lorsque les grandes économies chercheront à attirer des flux de capitaux supplémentaires ou – à un stade ultérieur – à lutter contre l’inflation. D’autres défendent des variantes de la “théorie monétaire moderne”, à savoir que les gouvernements créent de la monnaie sans limite à partir de rien, soutenus par les banques centrales qui gonflent leurs bilans à des taux d’intérêt de 0 %, soit pour une période indéterminée, soit pour une très longue période (environ 100 ans). Il s’agirait d’une méga version moderne de la « planche à billets » qui, tôt ou tard, déclencherait une forte inflation et balancerait sur liste noire des devises soupçonnées de ne pas refléter la valeur réelle des biens et des services.

    Le commerce mondial

    Une des caractéristiques du capitalisme énormément renforcée pendant la période de mondialisation capitaliste est la division internationale du travail et, donc, le commerce international. En pourcentage du PIB mondial, la valeur du commerce mondial des biens et des services a augmenté régulièrement, passant de 19 % en 1984 à un pic de 31 % en 2008. Mais s’il est impossible de revenir simplement sur le passé, les systèmes en déliquescence ont tendance à bloquer, voire à inverser les évolutions objectives. Pendant un certain nombre d’années avant la crise actuelle, le commerce mondial est devenu un fardeau pour la production mondiale et, en tant que part du PIB mondial, il a stagné sous son pic de 2008. En 2020, le commerce mondial devrait encore se contracter de 10,4 %, une tendance qui ne sera pas totalement inversée par un inévitable rebondissement partiel en 2021.

    D’autres statistiques vont dans le même sens. Les créances bancaires transfrontalières mondiales n’ont cessé d’augmenter jusqu’en 2008, pour atteindre 60 % du PIB mondial, mais elles ont ensuite fortement chuté et représentaient 40 % du PIB mondial en mars 2019. La libre circulation des capitaux a également diminué. En 2017, le total des flux de capitaux mondiaux en pourcentage du PIB mondial a été réduit à un tiers de son niveau record de 2007. On estime que sa principale composante, l’investissement direct étranger, a diminué jusqu’à 40 % en 2020 et devrait encore se contracter de 5 à 10 % en 2021.

    Le degré de financiarisation, mesuré par la capitalisation boursière mondiale, a augmenté régulièrement, passant de 27 milliards de dollars en 1975 à 816 milliards de dollars en 2007, mais il a stagné depuis. En 2019, il était tombé à 632 milliards de dollars. Les recettes mondiales des privatisations sont passées d’environ 40 milliards de dollars par an en 1988 à environ 170 milliards de dollars en 2000, principalement en raison des privatisations en Europe de l’Est. Cela a ensuite oscillé entre 40 et 120 milliards de dollars par an jusqu’en 2008, puis cela est remonté à 200 milliards de dollars en raison de la revente de banques rachetées par les gouvernements pendant la crise financière ainsi que de vastes programmes de privatisations en Chine, et dans une moindre mesure en Russie et en Inde. Ailleurs, les privatisations se sont cependant enlisées.

    À l’ère du désordre

    Tout cela montre que l’ère du néolibéralisme s’est essoufflée depuis plus d’une décennie. La dépression « coronavirus » lui a porté un nouveau coup, peut-être fatal. Cela ne signifie pas que certaines politiques, à tort ou à raison, identifiées au néolibéralisme, ne continueront pas. L’austérité va se poursuivre, tout comme les tentatives de privatisation et, sans aucun doute, la poursuite de la déréglementation du marché de l’emploi. Mais cela se fera à l’échelle nationale ou régionale, les gouvernements s’écartant plus fréquemment des “règles” internationales, intervenant directement pour défendre les intérêts de leur propre classe capitaliste nationale ou faisant même des concessions limitées face à la résistance de masse, une fois que la répression aura échoué.

    Alors que le néolibéralisme se heurte à un mur, nous entrons dans une nouvelle ère d’instabilité. Dans une de ses études, la Deutsche Bank qualifie cela “d’ère du désordre”, ce qui indique une polarisation accrue, à gauche et à droite, ainsi que des tensions inter-impérialistes croissantes. Bien que parfois indirectement, ces tensions seront liées à la nouvelle guerre froide entre les impérialismes américain et chinois, qui est désormais le facteur prépondérant dans la politique et l’économie mondiales.

    Alors que la présidence Biden bénéficiera peut-être d’une certaine lune de miel aux Etats-Unis après la désastreuse époque de Trump, ses faux appels à l’unité se heurteront bientôt aux profondes contradictions qui ravagent la société américaine et qui continueront à alimenter la polarisation. Sur le plan international, on peut s’attendre à ce que la nouvelle administration américaine parle un langage plus réfléchi, moins provocateur et plus prévenant, et qu’elle relance probablement certains des engagements internationaux les plus symboliques comme l’accord de Paris sur le climat ou l’engagement des États-Unis dans l’OMS. Mais si l’image de marque pourrait changer, le contenu restera globalement le même et continuera à se développer.

    Il y aura des caractéristiques contradictoires, surtout si nous entrons dans une période de transition où l’ancien meurt alors que le neuf n’est pas encore né. Toutefois, la tendance dominante de cette nouvelle ère sera l’augmentation des tensions, avec des guerres tarifaires, monétaires et commerciales, qui se transforment parfois en guerres par procuration et peut-être même en guerre froide qui devient parfois chaude, bien qu’à une échelle limitée, comme nous l’avons vu lors des affrontements à la frontière entre l’Inde et la Chine l’année dernière.

    Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, la révolution commence généralement au sommet, lorsque les désaccords publics expriment l’incapacité de l’élite dirigeante à proposer une voie d’avenir de manière crédible. Toute cette situation va pousser les classes dirigeantes à introduire plus de répression, renforcer les forces populistes d’extrême droite ainsi que le chauvinisme national. Mais elle alimentera également le sentiment croissant parmi les jeunes, les travailleurs et les opprimés que “nous n’en pouvons plus”.

    Les mouvements se développent rapidement

    On se serait attendu à ce qu’une dépression aussi soudaine et profonde puisse paralyser les travailleurs et les jeunes. Après tout, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), plus d’un demi-milliard d’emplois équivalents temps plein ont été perdus au cours du seul deuxième trimestre 2020. Cette dévastation est concentrée parmi les travailleurs les plus vulnérables, les travailleurs à bas salaires, les travailleurs migrants et les travailleurs du secteur informel. Les femmes, qui représentent 39 % de la main-d’œuvre mondiale, subissent 54 % des pertes d’emploi.

    Les statistiques officielles du chômage sous-estiment l’ampleur réelle de la catastrophe. Dans l’ensemble de l’OCDE et des économies émergentes, quelque 30 millions de “travailleurs découragés” (qui ne recherchent plus activement un emploi) n’apparaissent pas dans les statistiques officielles. En Chine, la plupart des chômeurs sont des migrants internes qui ne figurent pas non plus dans les statistiques officielles. Selon des rapports indépendants crédibles, 50 millions de ces travailleurs migrants sont toujours sans emploi malgré le soi-disant rebond économique de la Chine.

    Mais au lieu d’une paralysie, nous avons vu des mouvements se développer, même sous des restrictions de confinement, sur toute une série de questions telles que l’oppression raciale, sexuelle ou nationale, les questions environnementales, la corruption, les élections truquées, la législation répressive et bien sûr la privation sociale, l’austérité et l’état lamentable des soins de santé, de l’enseignement et d’autres services essentiels. Ces mouvements ont partiellement ressuscité la vague de révolte qui a secoué le monde en 2019. Bien qu’il y ait des faiblesses évidentes en termes d’organisation, de programme et de direction, ces mouvements étaient généralement massifs et bénéficiaient d’un large soutien public. Ils se sont également caractérisés par un degré frappant de courage, de détermination et de ténacité, un sens impressionnant de l’internationalisme et de l’unité par delà la couleur de peau, le genre et la nationalité, et étaient présents sur tous les continents. Le mouvement de Hong Kong a finalement été vaincu, d’autres mouvements ont connu un certain épuisement, mais certains mouvements ont également obtenu des victoires impressionnantes qui stimuleront d’autres développements.

    En général, ces mouvements ont mis en évidence la base sociale très mince des élites dirigeantes qui tend à se réduire encore plus à mesure que la crise se développe. L’un des effets secondaires de la crise a été un bond gigantesque dans la concentration du capital. Une part importante des pertes d’emplois est concentrée dans les petites entreprises. L’OIT estime qu’environ 436 millions de petites entreprises dans le monde sont menacées. Cela alimente déjà la radicalisation des classes moyennes, dont un partie subira des conditions similaires à celles des couches les plus pauvres de la classe ouvrière. Bien sûr, en son sein, certains, comme c’est le cas d’une couche plus aliénée de travailleurs, traduiront leur colère en une sorte de soutien au populisme de droite, mais d’autres rejoindront les rangs de la résistance de la classe ouvrière. En tant que base sociale de l’élite dirigeante, les classes moyennes deviendront un facteur beaucoup moins fiable.

    De l’orthodoxie fiscale à l’activisme fiscal

    Quelle a été la réaction générale des élites dirigeantes à cette crise jusqu’à présent ? Les banques centrales sont intervenues avec des injections monétaires représentant environ 10 % du PIB mondial. Mais il ne s’agissait que d’une intervention économique “d’urgence” immédiate. Il en faut davantage pour sauver le système d’un effondrement total et éviter la révolte sociale. L’establishment a compris qu’il s’agissait de la mesure la plus proche d’une situation de guerre. “D’abord vous vous inquiétez de la guerre, ensuite vous trouvez comment la payer”, a déclaré Carmen Reinhart, ancienne partisane de la ligne dure fiscale, aujourd’hui économiste en chef de la Banque mondiale. Sur le déficit budgétaire record de 3,13 billions de dollars américains, le président de la Fed, M. Powell, a déclaré que “ce n’est pas le moment de donner la priorité à ces préoccupations”. La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a déclaré : “Il est clair que le soutien budgétaire et le soutien monétaire doivent rester en place aussi longtemps que nécessaire et qu’il faut éviter les effets de falaise”. La majorité des économistes, journalistes, politiciens, etc. se rallient à des déclarations similaires.

    Le dogme de l’orthodoxie fiscale a été jeté par la fenêtre et remplacé par l’activisme fiscal. En décembre, des mesures de relance budgétaire d’un montant de 13.500 milliards de dollars, soit 15 % du PIB mondial, avaient été lancées, ce qui est 4 à 5 fois plus que pendant la Grande Récession de 2008/09.

    Dans les pays capitalistes avancés, cela représente 1.365 dollars par habitant, dans les pays en développement, 76 dollars par habitant et dans les pays les plus pauvres, 18 dollars par habitant. Fin octobre 2020, le Japon avait injecté des stimulants fiscaux représentant 21 % de son PIB, les États-Unis 13,2 % (avant que le dernier paquet de mesures ne soit adopté), l’Allemagne 8,9 %, mais aussi le Brésil 12 %, l’Inde 6,9 %, l’Argentine 6 % ou l’Indonésie 4,3 %. D’autres injections sont en cours de discussion et devraient être approuvées.

    Cette politique sera-t-elle de courte durée ? Le néolibéralisme reprendra-t-il bientôt après une brève interruption, comme ce fut le cas au lendemain de la Grande Récession ? Cette dépression ne représente pas un simple nid de poule sur la route, il s’agit du résultat d’une crise organique qui a mûri pendant une longue période. Elle est due au fait que les forces productives ont depuis longtemps dépassé le mode de production capitaliste et les rapports de propriété, qui sont passés d’un frein relatif au développement à une entrave absolue. Le développement productif a atteint depuis longtemps un stade qui exige une planification démocratique, une coopération internationale et un échange de connaissances ainsi qu’un contrôle et une propriété publics des ressources, mais cela se heurte à la soif de profit du système.

    En outre, cette crise est également fortement liée à l’affaiblissement de l’impérialisme américain qui, tout en restant la puissance dominante, est de plus en plus contesté, notamment par l’impérialisme chinois.

    Tout cela rend très improbable une renaissance de l’ère néolibérale. Cela exigerait soit une victoire majeure de l’impérialisme américain, soit un retour à la politique d’”engagement” avec la Chine qui a commencé avec la visite de Nixon en 1972 et a conduit à l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2000. Tous deux semblent extrêmement improbables et exigeraient également une explosion sociale en Chine qui créerait ses propres complications. Cela exigerait également une répression importante de la classe ouvrière, réduisant les droits des travailleurs et les conditions de travail et de vie à un niveau tel que la rentabilité productive pourrait être au moins partiellement restaurée. Cela exigerait de grandes batailles de classe, qui ne sont pas exclues, tout comme ne le sont pas les défaites pour la classe ouvrière, surtout avec le manque actuel de programme et d’organisation adéquats en raison du manque d’une direction capable de faire face aux défis et tâches à venir. Mais en même temps, les élites dirigeantes savent que ce ne serait pas une tâche facile et, pour l’instant, elles manquent de confiance et de force pour le faire rapidement, c’est pourquoi à ce stade, ce n’est pas la pensée dominante dans les sphères dirigeantes.

    Ainsi, alors que nous assisterons à des rebondissements, que la politique d’activisme fiscal sera mise en œuvre de différentes manières dans différents pays et régions du monde, la tendance dominante dans l’économie mondiale sera à une plus grande intervention de l’État – politiquement et financièrement – avec moins de poids donné au dogme “néolibéral” classique de réduction des déficits.

    Ni le FMI ni aucune autre grande institution internationale, ni les principaux faiseurs d’opinion à ce stade ne plaident pour un abandon rapide du soutien budgétaire. Ce n’est ni réaliste, ni souhaitable. Tout comme la Grande Dépression des années 1930 ou la “crise pétrolière” de 73-75, cette dépression montre que la politique dominante des dernières décennies a atteint ses limites. Sa poursuite ne fera qu’aggraver la catastrophe. Comme d’habitude, l’État est appelé à sauver le système, puis à le sauver par la réforme, ou dans le langage du FMI “pour aider aux ajustements”. Mais ceux-ci seront immenses. L’issue de tout cela sera principalement décidée par la lutte des classes.

    La voie à suivre n’est pas de sauver le capitalisme, mais de le renverser

    Tout cela représente un changement majeur, un changement tectonique dans les politiques économiques des capitalistes, auquel nous devons faire face afin de nous préparer aux luttes de classes à venir. À bien des égards, la situation à laquelle nous sommes confrontés est unique, mais une pierre angulaire de la méthode marxiste consiste à s’enquérir des lois du développement à l’œuvre dans l’histoire de l’humanité afin de mieux comprendre les processus qui se développent. Le parallèle le plus proche de la situation réelle est la période qui englobe la Grande Dépression des années 1930. Tout comme la dépression actuelle, la Grande Dépression des années 1930 a montré que la politique capitaliste du “laissez-faire”, alors dominante, ne fonctionnait plus. L’idée d’Adam Smith, selon laquelle l’intérêt général est mieux servi lorsque chacun poursuit son propre intérêt, s’est heurtée à un mur de briques. Afin de sauver le système, Keynes a favorisé une nouvelle approche anticyclique : les gouvernements devraient dépenser pour sortir des récessions et se retirer lorsque la reprise s’installe.

    Roosevelt l’a appliquée avec hésitation aux États-Unis, en visant à sauver le capitalisme. Cela a échoué, non pas parce qu’il n’en a pas fait assez, mais parce qu’aucune des causes sous-jacentes de la Grande Dépression n’avait été traitée. C’est la menace croissante de la révolution, la seconde guerre mondiale et sa destruction, son issue et le rapport de forces qui en a découlé, qui a poussé le processus bien au-delà de ce que Keynes avait lui-même jamais envisagé. Cela a conduit à ce que les États-providence – dans les pays capitalistes avancés et à quelques exceptions près dans le monde néocolonial – évitent à nouveau la révolution. Il s’agissait d’une situation exceptionnelle, le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs pour lesquels il n’existe absolument aucune base matérielle aujourd’hui. Ce chapitre est clos, car depuis la crise “pétrolière” de 1973-75, la stagflation et la baisse des taux de profit ont fait au keynésianisme d’après-guerre ce que la Grande Dépression des années 30 avait fait au “laissez-faire”.

    Le néolibéralisme lui-même n’est pas entré en scène tout prêt. Il a commencé comme une expérience monétariste au Chili après le coup d’État de Pinochet en 1973. Ailleurs, il a fallu de grandes luttes de classes sur une période de 5 à 10 ans avant que la classe dirigeante ne gagne la confiance et la force nécessaires pour l’imposer comme sa politique principale.

    En substance, le monétarisme considère la masse monétaire, et non la politique fiscale, comme le principal outil de régulation économique, garanti par des banques centrales indépendantes des gouvernements élus. Il considère que l’intervention politique dans l’économie est soumise à des pressions en faveur de l’égalité des revenus et des richesses au détriment de “l’efficacité économique”. Le néolibéralisme a pris forme au fur et à mesure que la déréglementation, la financiarisation, la libéralisation et la privatisation se sont accélérées. Il a été renforcé par l’expansion du processus de mondialisation après l’effondrement du stalinisme. Bien qu’il soit possible de mettre en évidence certaines caractéristiques spécifiques, le néolibéralisme ne doit pas être considéré comme un ensemble de règles fixes, mais comme les politiques telles qu’elles ont évolué au cours d’une période historique.

    Le changement de politique appliqué aujourd’hui présente des similitudes avec les méthodes de type keynésien et l’intervention de l’État telles qu’elles étaient appliquées dans les années 1930. Bien que toutes les comparaisons soient imparfaites et qu’un examen plus attentif révèle de nombreuses différences, il y a néanmoins des leçons importantes à tirer. Roosevelt a combiné l’augmentation des dépenses sociales, les travaux d’infrastructure et la création d’emplois. Cela a conduit les dirigeants syndicaux ainsi que les dirigeants du Parti Communiste, qui avait alors une influence considérable, à se rallier à lui. Ces derniers avaient remarqué le changement de politiques, mais au lieu d’exposer que celles-ci visaient à sauver le système, ils ont partagé et répandu des illusions. Aucune des mesures temporaires de Roosevelt ne résolvait les problèmes sous-jacents de l’économie, et elles étaient combinées à une répression brutale des luttes des travailleurs. Aujourd’hui également, nous devons avertir que le changement de politique par rapport au néolibéralisme ne signifie pas qu’il n’y aura pas de tentatives pour déplacer le fardeau de la crise sur les travailleurs, mais que cela prendra la forme d’une austérité nationale au lieu d’un régime international.

    Dans son programme de transition, Trotsky a souligné que le “New Deal” n’était possible que dans un pays où la bourgeoisie réussissait à accumuler des richesses incalculables. Dans de nombreux pays pauvres, on ne peut aujourd’hui rien imaginer de tel. Et pourtant, dans certains d’entre eux, on fait des entorses plus limitées au livre de cuisine néo-libéral. En Inde, le nouveau plan de relance de Modi en octobre visant à stimuler la demande des consommateurs et les dépenses publiques supplémentaires pour les projets d’infrastructure en est un exemple, de même que le plan d’aide d’urgence mensuel du gouvernement brésilien qui a permis de verser des paiements en espèces à 67 millions de familles pauvres depuis avril.

    Ces exceptions limitées seront de courte durée et feront bientôt place à des difficultés insupportables si la classe ouvrière ne mène pas de féroces luttes. Mais même lorsque des concessions sont accordées, tout en soutenant avec enthousiasme toute lutte pour la réforme, nous ne pouvons pas nous permettre de partager les illusions inévitables qui en découleront. Nous ferons remarquer que le système capitaliste est usé et que tant qu’il existera, quelle que soit la politique appliquée, il profitera toujours aux riches aux dépens des pauvres. Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) se joindra aux mouvements à venir et aidera à les construire et à les renforcer en démontrant la pertinence de nos méthodes marxistes et en expliquant patiemment, mais fermement, notre programme pour le renversement du capitalisme et une transformation socialiste de la société.

  • Pas de profits sur notre santé !

    Cela a dû être un grand soulagement pour beaucoup lorsque le gouvernement a annoncé qu’il mettrait le vaccin gratuitement à la disposition de tous. Un soulagement pour celles et ceux qui craignaient une facture supplémentaire alors que l’incertitude financière de ces derniers mois, qui n’est pas destinée à disparaître. Mais l’ampleur de la mise à disposition du vaccin et le prix que la sécurité sociale aura à payer dépendront des marges bénéficiaires des grandes entreprises pharmaceutiques.

    Par Michael

    Alors que beaucoup de gens ne peuvent plus se permettre de dépenses supplémentaires, même de quelques dizaines d’euros, Albert Bourla, le CEO de Pfizer (la société qui a annoncé les bons résultats obtenus par son candidat vaccin à la mi-novembre), a pu vendre pour 5,6 millions de dollars (plus de 4,7 millions d’euros) d’actions le jour où la société a fait son annonce. Depuis lors, d’autres sociétés pharmaceutiques ont annoncé les résultats de leurs vaccins en cours de développement, et la valeur boursière de ces sociétés a grimpé en flèche. Les grands actionnaires se frottent déjà les mains : non seulement ils bénéficient désormais d’actions qui atteignent des sommets, mais ils savent aussi que leurs vaccins seront achetés en masse.

    Si les vaccins sont offerts gratuitement à la population par les autorités, il s’agira bien sûr d’un transfert direct des caisses de notre sécurité sociale vers les poches des actionnaires de l’industrie pharmaceutique. C’est la nature mortifère du capitalisme, une société où une minuscule minorité amasse des fortunes avec une pandémie synonyme de maladie, mort, stress, solitude et pauvreté pour la majorité de la population.

    Mais il y a plus. BioNTech, la société qui a développé le vaccin avec Pfizer, a pu compter sur un soutien de 375 millions d’euros du gouvernement allemand. Le nouveau vaccin de Moderna, annoncé le 17 novembre, a été entièrement développé avec des fonds publics. En plus, ce secteur ne paie pratiquement pas d’impôts. La collectivité paie donc elle-même un transfert de milliards d’euros dans les poches de Big Pharma.

    Ce ne sont pas les actionnaires qui assurent notre santé. Au contraire : ce transfert de milliards à Big Pharma pourrait être utilisé intégralement pour les soins de santé, pour plus de personnel, de meilleures conditions de travail et un système d’urgence permanent pour s’attaquer immédiatement aux pandémies.

    Ce sont les travailleuses et les travailleurs de l’industrie pharmaceutique qui ont créé et produit le vaccin, et non les CEO et les actionnaires. Avec le personnel de la santé et des secteurs essentiels, ils disposent du meilleur savoir-faire et de la meilleure expertise pour organiser et gérer la diffusion du vaccin. Toute nouvelle stratégie de déconfinement liée à la vaccination doit reposer sur le contrôle et la gestion démocratiques du vaccin par les travailleuses et les travailleurs.

    On nous dira qu’il faut d’abord être solidaire avec les populations qui en ont besoin. Absolument. Mais si l’on se base sur les marges bénéficiaires de Big Pharma, nous n’utiliserons jamais tout le potentiel de la puissance de production pharmaceutique en Belgique.

    Ce n’est donc pas seulement ce vaccin qui doit devenir un bien public. L’industrie pharmaceutique dispose de ressources de production et de technologies qui sont socialement nécessaires. La crise sanitaire l’a clairement montré. L’ensemble du secteur pharmaceutique doit être exproprié et placé sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs. Ce n’est qu’alors qu’il pourra fonctionner en fonction de notre santé, plutôt qu’en fonction du profit.

  • Deuxième vague, nouveau test : le système échoue à nouveau.

    Il est plus que temps de lutter pour un autre système !

    « En 2008 lors de la crise financière provoquée par les banques, l’État a déboursé 27,3 milliards d’euros. Pour préserver le “business as usual” on ouvre la caisse, mais pour sauver des vies on compte le moindre centime… Si des manifestations ne suffisent pas, va falloir penser se révolter ! » La révolte, la colère et la peur étaient déjà présentes avant la pandémie, ce que vont encore renforcer les diverses crises interconnectées du capitalisme.

    Par Nicolas Croes, édito de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    La citation ci-dessus provient du groupe d’action militant La Santé en Lutte, une groupe qui réuni des centaines de membres du personnel de la santé parfaitement conscients des enjeux actuels au vu de leur pratique quotidienne. C’est à l’initiative de La Santé en Lutte (avec notamment le soutien de structures bruxelloises de la FGTB) que la grande manifestation de la santé du 13 septembre a été organisée. 7.000 personnes étaient présentes, un succès au vu des complications diverses. Mais combien aurions-nous été si les appareils syndicaux avaient eux aussi mobilisé nationalement ? Résultat : la plus grande mobilisation de cet automne fut la caravane du Vlaams Belang au Heysel. L’avertissement n’est pas à prendre à la légère. L’extrême droite est experte pour instrumentaliser la colère devenue cynisme.

    La meilleure arme pour repousser l’extrême droite et les préjugés racistes, sexistes, LGBTQI-phobes et autres, c’est la lutte collective pour des revendications qui nous unissent. Et qu’est ce qui peut bien nous unir plus aujourd’hui que les revendication du personnel de la santé ? Le mauvais état du secteur de la santé menace notre santé, mais ce n’est malheureusement qu’un exemple parmi de nombreuses autres situation de gravissime manque de moyen.

    Les directions syndicales ont raté le coche. En sera-t-il de même face à l’avalanche de pertes d’emploi qui s’annonce ? Chaque entreprise devra lutter dans son coin ? Avec l’instruction de se limiter à mendier un meilleur plan social ?

    Rassembler la colère, construire un rapport de force

    L’establishment capitaliste – les patrons, leurs marionnettes politiques à la Vivaldi et ailleurs, leurs journalistes, etc. – craignent la révolte sociale. D’où les (insuffisantes) promesses pour les soins de santé. D’où l’annonce de quelques mesurettes sociales avant tout symboliques dans l’accord du gouvernement.

    Mais il faut plus. Beaucoup plus. Après des années de politiques d’austérité impitoyables, les pénuries dans des secteurs tels que les soins de santé, l’éducation, les transports publics,… donnent le vertige. Des changements politiques fondamentaux et des investissements massifs sont nécessaires pour résoudre tous les problèmes qui se sont accumulés au fil des ans.

    Les propositions, initiatives et campagnes concrètes autour des besoins des travailleurs et de leurs familles liées à des actions pour arracher nos revendications nécessitent une forte opposition de gauche. Une telle opposition doit aller au-delà des élections et de la vie parlementaire. Tant sur le plan politique que syndical, nous avons besoin d’une vision plus large : le système capitaliste est en faillite, nous devons donc construire un rapport de forces pour le remplacer par un système qui garantit notre santé et d’autres besoins essentiels.

    Ce sont les travailleurs qui font tout tourner, cela est devenu plus évident avec la pandémie. Allons plus loin avec un programme, une stratégie et des tactiques qui permettent aux travailleurs d’effectivement prendre le contrôle de la société. Si nous laissons le capital en charge, la crise sanitaire ne cessera d’échapper à tout contrôle tandis que le chômage frappera de plus en plus de monde.

    Les entreprises qui procèdent à des licenciements collectifs doivent être prises en main par les pouvoirs publics. Nous ne manquons pas de pénuries auxquelles répondre, il nous faut une approche globale pour réponde aux besoins des travailleurs et de leurs familles.

    La seule issue, c’est une autre société

    La base de la société, c’est son économie. La technique moderne a atteint un tel degré qu’elle pourrait assurer un bien-être élevé à toute l’humanité dans le respect de l’environnement. Mais la propriété privée des moyens de production nous voue à des souffrances toujours plus grandes. Le capitalisme ne disparaîtra pas de lui-même de la scène. Seule la classe ouvrière peut arracher les forces productives des mains des exploiteurs.

    L’avertissement lancé par Léon Trotsky 5 ans avant la seconde guerre mondiale n’a rien perdu de sa pertinence : « Si le prolétariat se trouve pour telle ou telle raison incapable de renverser la bourgeoisie et de prendre le pouvoir, s’il est, par exemple, paralysé par ses propres partis et ses propres syndicats, le déclin de l’économie et de la civilisation se poursuivra, les calamités s’accroîtront, le désespoir et la prostration s’empareront des masses, le capitalisme -décrépit, pourrissant, vermoulu- étranglera toujours plus fort les peuples, en les entraînant dans l’abîme de nouvelles guerres. Hors de la révolution socialiste, point de salut. » (Léon Trotsky, Encore une fois, où va la France?, mars 1935)

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